- Speaker #0
Bonjour et bienvenue dans mon atelier.
- Speaker #1
Bienvenue dans le podcast d'Histoire d'artisan. Je suis Lisa Millet, présidente de l'association Eponyme. Histoire d'artisan valorise l'ingénierie des artisans d'art en mettant en avant l'innovation et la recherche au sein des ateliers. Vous écoutez le deuxième épisode avec Nadia Petkovic, teinturière. Dans le premier épisode, nous avons parlé du métier de teinturier. Dans celui-ci, Nadia nous emmène au cœur de sa découverte du métier de teinturière à Aubusson. Elle partage avec nous son parcours unique depuis ses premiers pas dans la tapisserie jusqu'à sa véritable révélation pour la teinture. Vous découvrirez comment, au fil des rencontres et des hasards, elle a su transformer une passion en métier, tout en perpétuant des savoir-faire ancestraux. Cet épisode a pu exister grâce au soutien de la Cité internationale de la tapisserie d'Aubusson. Consacré au rayonnement de la tapisserie, ce musée et centre de formation est né à la suite de l'inscription de la tapisserie d'Aubusson au patrimoine culturel immatériel de l'humanité par l'UNESCO en 2009. Cet épisode est donc une façon de contribuer au rayonnement de ce savoir-faire français renommé. Belle écoute ! Bonjour Nadia et merci de m'accueillir dans ton atelier. Nadia, tu es teinturière. Est-ce que tu peux nous raconter ta rencontre avec ce métier ?
- Speaker #0
Oui, alors en fait je suis arrivée à Aubusson il y a 14 ans pour faire une formation de lissière. Alors lissière, lissier, c'est la personne qui tisse des tapisseries à Aubusson. Voilà, c'est son nom. Avant, on disait tapissier et comme il y a des mélanges possibles entre le tapissier décorateur, le tapissier des murs, mural, on a inventé ce mot lissier parce qu'on travaille avec des lisses. Bref, j'ai fait cette formation de lissière qui est la première que le GRITA de la région avec le territoire a mise en place, il y a 14 ans, après 25 ans de non-transmission du savoir-faire. Donc à l'époque... La cité de la tapisserie actuelle était encore l'ENAD, c'est-à-dire l'École des Arts Décoratifs de Limoges, le département textile. C'était une école avec des profs, du matériel, mais plus d'élèves. Parce qu'on n'était plus intéressé par le textile depuis 25 ans. Aujourd'hui, ça paraît assez dingue, parce que c'est la mode de nouveau du textile, mais si tu regardes l'histoire de la tapisserie et du textile, c'est des up et des down. Il y a des moments où... Le textile devient la mode et puis tout d'un coup, il tombe en disuétude. Donc moi, je suis arrivée à ce moment-là. Et donc, il y avait cette école des arts déco avec des profs, des infrastructures et une teinturerie. Avec un teinturier qui, lui, avait été formé par les compagnons à Paris et qui avait la connaissance du savoir-faire à la fois synthétique et végétal. Ce qui est quand même un must pour le métier de savoir-faire les deux. Donc, il était là. Il y avait sa teinturie, mais il n'y avait pas d'élèves. Donc du coup, comme pendant cette première formation pour devenir lissier, donc apprendre à tisser sur un métier de basse lisse pour tisser des tapisseries à Aubusson, on nous a fait une... Comme il y avait cette... Les autres formations n'en ont pas bénéficié, parce qu'ensuite, l'ENAD a fermé, il a été transformé en cité de la tapisserie, et aujourd'hui, la teinturie a été démantelée. Donc nous, comme il y avait ce matériel et le prof à disposition, on a eu trois jours, trois, quatre jours d'initiation, juste pour avoir des connaissances dans un savoir-faire avec lequel quand même, je veux dire, un lycée, quand il travaille, il va chercher des couleurs chez le teinturier ou en faire faire. Donc avoir des notions et des connaissances d'un savoir-faire annexe au tien avec lequel tu vas travailler, c'est quand même super intéressant. Et en fait, j'ai eu un gros flash. J'avais 33 ans. Et je n'avais jamais teint. Je ne connaissais pas ça. Enfin, je n'aurais pas imaginé que ça allait m'attirer la couleur. Je ne savais pas. Et en fait, là, j'ai ressenti quelque chose comme... Alors, avec mes mots, dans ma mythologie à moi, j'ai eu la sensation qu'un peu les espaces-temps, ils se fusionnaient. Il n'y avait plus de passé, plus de présent, plus de futur. Comme si j'avais toujours fait ça depuis toujours. Et que je ferais toujours ça. C'était... hyper étrange. Ça m'a vraiment chamboulée, vraiment, vraiment. Surtout que j'étais venue pour devenir lissière et apprendre de la tapisserie. Et qu'en fait, je me suis dit, ah merde, je vais devoir encore changer de parcours. Mais bon, ça, ça ne dure pas très longtemps. Après, je me concentre quand même sur moi. Donc du coup, c'est là que j'ai découvert la teinturier. Et je suis venue voir le teinturier qui était là où nous sommes actuellement. C'est son atelier. Et je suis venue le voir et je lui ai dit, c'est ça que je veux faire. Je voudrais que tu m'apprennes. Et donc, il m'a dit, super, mais moi, je ne peux pas t'emboucher. Je suis vachement contente pour toi que tu aimes la teinture. Donc, on est quand même devenus amis. Il m'a quand même proposé de faire mes propres teintes en tapisserie. Et en échange, je lui faisais un petit coup de main de temps en temps. Voilà. Et donc, c'est comme ça. Pendant dix ans, j'ai eu mon atelier de tapisserie. Et en même temps... J'ai toujours... C'est là que j'ai découvert des échevaux dans un coin. J'ai dit, c'est quoi ça ? C'est une erreur. Je lui ai dit, comment tu as fait cette erreur ? Je ne sais plus, parce que les couleurs étaient irrégulières, donc ne répandant pas aux normes des attentes du client. C'est comme ça que j'ai commencé à poser des questions en disant, comment on fait ça ? Je trouve ça super intéressant. Parce que du coup, je pouvais aussi les expérimenter en tissant. Donc, quand est arrivé le moment de la retraite pour lui ? Moi, je suis allée le voir et je lui ai dit, écoute, je sais qu'il existe des ceinturiers, notamment dans la région, que tu as déjà formés ou formés par d'autres, qui pourraient plus facilement prendre ta suite parce qu'ils connaissent déjà le savoir-faire vraiment bien. Même si moi, je le connaissais un peu, mais je lui ai proposé, je lui ai dit, si tu es d'accord pour m'apprendre, moi, je vais bien prendre la suite après toi. Et donc, il a réfléchi et il m'a dit oui.
- Speaker #1
Donc, c'est comme ça que tu as appris le métier ?
- Speaker #0
Oui, c'est comme ça que j'ai appris le métier. Petit à petit, j'avais aussi mon atelier. Il y a un atelier qui juxte juste à côté, qui lui appartient, qui juxte celui-là, qui était un atelier d'encadrement de sa femme qui est décédée. Et je le louais pour mon atelier de tapisserie. Donc j'étais juste à côté. Il venait me voir et parfois il disait j'ai un truc à faire, tu t'occupes des barques, tu peux contrôler Donc moi je tissais, je teignais. Je tissais plus que je ne teignais, mais dès que j'avais du temps libre, au lieu de partir en vacances, je venais là en fait, tout le temps. Et quand j'avais 15 ans, tout ce qui m'intéressait dans la vie, c'était développer des photos dans une chambre noire. Et en fait, il y a un peu les mêmes odeurs d'acide. J'adorais voir se révéler les images, les couleurs qui se révèlent dans la matière. Disons que c'est un espace dans lequel je me sens bien.
- Speaker #1
Ce midi, on a déjeuné ensemble et tu nous as dit, je dis tout le temps à ma fille, le maître du temps, c'est le maître du jeu.
- Speaker #0
Oui, ça vient de là.
- Speaker #1
Je comprends mieux.
- Speaker #0
Ça vient de là, c'est-à-dire qu'à un moment, j'avais écrit sur un papier avec un feutre et puis je l'avais scotché dans mon atelier avec des lettres capitales. J'avais écrit prendre son temps Et en fait, j'ai réfléchi toute la journée prendre son temps T'as l'expression prendre son temps qui est aller doucement Mais en fait, plus tu la regardes et tu te dis prendre, prendre, c'est on prend avec ses mains. Et là, tu dois prendre quelque chose qui est complètement dématérialisé. Donc, ça veut dire quoi prendre son temps ? Franchement, j'ai réfléchi là-dessus pendant des plombes. Parce qu'en fait, en gros, la réelle différence qu'il y avait entre la personne qui m'a appris, donc Thierry Roger, et moi, c'est qu'en fait, lui, il suivait la temporalité de la teinte. Alors que moi, je voulais... tout le temps allé plus vite, je voulais arriver au bout, je voulais me prouver quelque chose. Et en fait, cette acceptation de la temporalité, de la matière, du process et aussi de la mienne, il y a des fois où je peux plus que d'autres. Et d'ailleurs, j'ai remarqué, c'est quand je suis fatiguée, quand je suis affaiblie, je vais plus doucement, je fais des teintes beaucoup plus précises, je fais moins d'erreurs. Si je suis trop agitée, je suis grave en forme, je fais plein de trucs, et bien il y a des journées où je mets trop de jaune. Et je me fais, ok, trop de jaune. Aujourd'hui, trop de jaune. Donc je me dis, bon, sans faire de psychologie de comptoir, je ne sais pas ce que ça veut dire, peut-être que je suis trop joyeuse, je ne sais pas. Mais dans tous les cas, du coup, je me méfie de ce que je fais. C'est-à-dire quand je fais un dosage, sur une journée où je mets trop de jaune, je divise mon jaune par deux. Je vais revoir mon jugement. Donc du coup, ce temps qui est nécessaire à la fabrication des choses, qui est en même temps ce qu'on est en train de perdre dans notre société, il est au cœur des métiers d'artisanat. Parce que sans temps, il ne se passe rien. Et en fait, quand tu cours après le temps, ça ne marche pas non plus. Quand tu prends trop de temps, ça ne marche pas non plus. Et être dans un... Peut-être que plus que le temps, c'est le rythme. Et en fait, arriver à caler ton rythme au rythme des matières et des process avec lesquels tu travailles, c'est plus là l'enjeu, en fait. Et accepter, j'allais dire, cette matérialité du temps. qui t'appartient pas.
- Speaker #1
J'allais même aller plus loin en disant en fonction de ton tempérament, tu ne peux pas forcément faire tous les métiers de l'artisanat.
- Speaker #0
Je vais même te dire une chose, Thierry Roger qui m'a appris ce métier, il m'a dit moi je vais t'apprendre comment moi je teins. Mais toi, tu vas trouver ta propre manière de teindre et tu teindras différemment de moi. Et ça, c'est une chose que j'ai trouvé intéressante et belle dans le sens où on fait le même métier. On est autant reconnus l'un que l'autre, nos teintures sont aussi solides l'un que l'autre, les coloris sont tout aussi vibrants même s'ils sont différents bien sûr, mais n'empêche qu'on travaille de la même manière et en même temps complètement différemment. Et ça, mettre cette pensée-là au centre... d'un savoir-faire, c'est énorme. Ça veut dire qu'en fait, t'as une place en tant qu'individu qui n'est pas la même que quand tu répliques une recette, quand bien même c'est toi qui l'as trouvée. Et j'ai trouvé que cette place, pour moi, elle est éminemment vivante et humaine. Après, c'est très très dur d'être dans le mouvement perpétuel, en fait. Parce que t'es dans ton mouvement à toi, aujourd'hui t'es plus comme ci, la matière est plus comme ça, il fait plus chaud, l'eau est plus acide ou moins acide. Tous ces micro-mouvements, en fait, de la vie, c'est le fondement de ton savoir-faire, leur observation. Et jouer avec, c'est pour ça que je te disais, moi je ne prête pas rien, j'improvise. En vrai, je n'improvise pas. J'analyse ce qu'il y a en face de moi et je m'adapte. Je donne une réponse ou je pose des questions qui correspondent à ce que j'observe.
- Speaker #1
J'aimerais savoir, donc tu loues les murs et les machines. Oui. Concrètement, aujourd'hui, comment tu vis ton entreprise à toi ? Tu produis sur mesure, tu produis et tu vends. Concrètement, comment ça se passe ? Et qui sont tes clients, par exemple ?
- Speaker #0
Alors, mes clients sont, dans la grande majorité, issus des arts textiles. Donc, ça peut être des lissiers qui sont dans la tapisserie, mais aussi des tisserands qui tissent, des designers textiles, des gens qui tuftent, qui font des tapis, qui font aussi du point noué, des gens qui font la broderie, de la tapisserie à l'aiguille, du crochet, du tricot, de la restauration textile aussi. Donc c'est tous les gens qui sont dans les arts textiles et qui sont dans l'univers des arts textiles. Ça peut être aussi un éleveur d'animaux qui va utiliser les poils de son animal, les faire filer, et qui veut, pour se diversifier en tant qu'agriculteur, qui va vendre sa laine et donc va la teinter. Ça peut être aussi... Mais de toute façon, à la fin, la destination, c'est les arts textiles. Parce que moi, je teins sur fil ou sur tissu. Donc... Je réponds aux demandes de cette clientèle-là particulière, dans la mesure où l'industrie textile produit déjà des couleurs à leur destination. Et donc, moi, mes clients, ce sont tous les gens qui ne trouvent pas leur bonheur dans ce que l'industrie textile fabrique. Et qui, peut-être, le trouvent, mais dans une matière, et eux, ils veulent la couleur dans une autre matière. Donc, en fait, en gros, il y a trois possibilités. Soit on me demande de reproduire une teinte qui est dans une matière sur la même matière. soit on me demande de la changer de matière, auquel cas là il y a une première discussion sur qu'est-ce que c'est qu'une couleur, quand tu la retires de sa matière, en gros, qu'est-ce qu'un esprit sans son corps, et que du coup tu vas le remettre dans un autre corps, qu'est-ce qui va se passer, et du coup qu'est-ce qui... Voilà, donc là on a une première discussion. Et ensuite, troisième type de client, c'est un client qui est dans les arts textiles et qui ne trouve pas sa couleur, elle n'existe pas. Donc en tout cas, il ne l'a pas trouvée. Et auquel cas, là, on part d'une quelque chose de coloré. Ça peut être une peinture, une impression d'un nuancier type Pantone ou autre. Ça peut être une aquarelle, ça peut être une encre, ça peut être un morceau de tissu, un bout de magazine, enfin n'importe quoi qui est coloré, une photographie. Et à ce moment-là, on va discuter. Là, la couleur avec laquelle je vais travailler, l'échantillon, est un point de départ. Et le point d'arrivée, on va le définir. avec le client et dans ce cas-là, je vais demander à quoi elle va servir, quelle technique va être utilisée, quelles sont les couleurs environnantes autour parce que si tu fais par exemple un jaune qui est destiné à être uniquement des petits points sur un fond bleu foncé ou bien si c'est un fond complètement jaune, moi je ne vais pas faire le même jaune parce que comme disait Mathis, un centimètre carré d'une couleur n'est pas égal à un mètre carré de la même teinte. Donc du coup, tout ça, je vais prendre en compte. Par exemple, si c'est des petits points, le jaune, je vais le faire plus vif que ce qu'on me demande. parce que je sais qu'il va être éteint, parce qu'il n'a pas beaucoup d'espace. Et au contraire, je vais peut-être faire l'inverse si c'est un fond jaune, par exemple. Je dis n'importe quoi, je donne des exemples pour juste expliquer quel est le travail coloré. Donc c'est un peu la couleur dans tous ces états possibles textiles, en petite quantité, parce que je travaille que de 500 grammes à 10 kilos, ce qui est tout petit dans le monde de la teinture.
- Speaker #1
10 kilos, ça va vite ?
- Speaker #0
Ça dépend. 10 kilos pour quelqu'un qui tricote, c'est énorme. Et 10 kilos pour quelqu'un qui teuf, ça va très vite. Ça dépend de la technique.
- Speaker #1
Est-ce que tu aurais une anecdote à nous raconter en relation avec ton métier ?
- Speaker #0
Là, j'ai une anecdote à la fois triste et drôle et ma honte.
- Speaker #1
Oh là là, on est sur un bingo ! Ouais,
- Speaker #0
c'est ça, c'est ça. En fait, il y a 4 mois maintenant, je suis revenue de vacances et j'ai fait 12 heures de bateau sur un gros cargo, Corsica Ferry, machin là, et la mer a été agitée. Et en fait, j'ai eu le mal de mer et ça a tangué. Et depuis, je tangue. J'ai plus d'équilibre, j'ai ce qu'on appelle le mal de terre ou mal du débarquement. Donc en fait, je tangue tout le temps. C'est un enfer. J'arrivais plus à travailler parce que rester debout, c'était pas possible. Et comme quand t'es à ton compte, tu peux pas te mettre en arrêt maladie, donc j'ai perdu de l'argent, de la production. Et en même temps, les machines ont commencé à tomber en panne, la télécommande d'un palan a pris feu, la chaudière est devenue irréparable. Enfin bref, tous les matins, je me levais et j'avais la chanson de NTM dans ma tête. Tout n'est pas si facile, tout ne tient qu'à un fil Et tu sais, tout va bien, et puis tout s'écroule d'un coup, comme si tu marches dans une espèce de tourbillon. Puis là, c'était vraiment ça. Et j'ai tellement perdu d'argent que j'ai failli fermer ma boîte. Et c'est Totoro qui m'a sauvée. C'est pas trop beau, ça ? Du coup, j'ai gagné appel d'offre de la CISI de la tapisserie pour la teinture et la fourniture des matières de la tapisserie de Totoro qui va être tissée. Donc, pour l'instant, il y a des sous juste pour acheter les fils, teindre les couleurs et faire le carton. Donc, on est dans toute cette phase de préparation. Et je... Alors là, on est parti sur les vers parce que c'est Totoro qui est dans son île, son trou, sa grotte, je ne sais pas comment ça s'appelle, avec May qui est sur son ventre en train de se reposer, vue du haut et dans un environnement verdoyant. Donc ça ressemble un peu à un genre de tapisserie traditionnelle qui est la verdure parce qu'il y a énormément de plantes, de mousses, d'arbres qui sont représentés et en même temps, c'est une image très actuelle issue d'un dessin animé où la couleur est... particulière parce que la couleur d'une image de dessin animé, c'est une couleur lumière. Et travailler ces verres, ça me calme, ça me cadre. C'est-à-dire non seulement les verres de Totoro ont sauvé mon entreprise parce que ça m'a permis d'avoir... Ah oui, parce qu'en même temps que j'étais malade et les machines, il y a eu une baisse de demande de clients, qui c'est la première fois en 4 ans que ça m'arrive. Tout en même temps. Et du coup, je teins ces couleurs, ces verres-là, différemment parce que je sais que j'aurais pu ne pas le faire. Et en même temps, aller au cœur de la vibration que l'on cherche. Parce que pour chaque tapisserie, on cherche une vibration colorée. C'est-à-dire, tant dans le travail du lissier, donc de tissage, que dans le travail du filateur, du choix du fil, que dans le travail de la couleur, on essaye vraiment d'adapter et de trouver le langage technique, mais aussi émotionnel et aussi au niveau de la pensée. d'insuffler tout ça à l'intérieur de chaque étape. Moi, pour ce qui est de la teinture et pour ce qui est des images de Miyazaki et notamment celles de Totoro, c'est avoir cette espèce de vibration à la fois rassurante et à la fois magique qui nous échappe, que la couleur, elle doit vivre, vibrer, être vivante sans être trop pop non plus. Elle doit être aussi ancrée dans une forme de matérialité tout en passant des valeurs sur le rapport à la nature, Le rapport aux animaux, le rapport à l'innocence, à l'enfance, et à comment la société nous déconstruit quelque part en tant qu'être humain. Et passer tout ça dans une couleur, c'est pas évident. Et en même temps, c'est génial. Parce que là, c'est une commande où je ne fais pas que teindre une couleur. Je passe des émotions, je passe des pensées, et je les partage parce qu'on le fait en communauté en plus, je ne le fais pas toute seule. Je travaille avec la cartonnière Delphine Mangeret. Et du coup, c'est une anecdote à la fois drôle, marrante et triste. Parce que je suis dans ces verres absolument magiques. Et j'avoue que je suis un peu sur un petit nuage.
- Speaker #1
Je comprends. Je pense que de toute façon, quand on communiquera sur les épisodes de podcast, on montrera évidemment cette teinture. Mais en même temps, je n'ai pas encore vu le carton de Delphine. Mais j'ai vu des photos. Moi, j'ai donné pour la campagne de Crowdfundville.
- Speaker #0
Pas moi. Prends l'argent.
- Speaker #1
Donnez-le moi.
- Speaker #0
Moi, je prends l'argent que tu donnes.
- Speaker #1
Je pense que ce que t'abordes, l'indépendance, mais que ce soit l'indépendance quand t'es artisan ou non, d'ailleurs, c'est que c'est des avantages et aussi des inconvénients. C'est qu'il faut que t'anticipes ton entreprise constamment parce que tu sais jamais ce qui va te tomber dessus.
- Speaker #0
Et en même temps, quand c'est Totoro qui te tombe dessus, il est lourd. Il est lourd. Il est quand même moelleux.
- Speaker #1
Il est doux. Non mais c'est incroyable, Jean-Philippe ne m'avait pas raconté cette anecdote, donc je suis ravie de la prendre de ta bouche. Quand on s'est contacté avec Jean-Philippe, c'était évident qu'on parlerait de leur partenariat avec le studio Miyazaki. Et moi je trouve ça génial. Déjà, ce que j'aime beaucoup, c'est justement sortir des métiers comme... Enfin, tous les métiers qui entourent la tapisserie. Donc le métier de teinturier, le métier de cartonnier, le métier de lissier. Tout ça c'est des métiers... C'est un peu comme le monde du vitrail. Quand on pense à un vitrail, on pense à quelque chose de religieux, de conservateur, alors qu'on peut en faire tellement de choses. Et je trouve ça génial d'avoir des projets comme ça, qui montrent qu'on peut sortir un univers très contemporain avec des techniques séculaires et anciennes.
- Speaker #0
Bien sûr, et surtout, ce que je trouve intéressant aujourd'hui, on est quand même dans un monde qui est fondé sur l'individualisme et la réussite personnelle, individuelle. de soi et de son ego. Nous ici, on fabrique des objets plus grands que nous, qu'on ne pourrait pas faire tout seul. C'est-à-dire, on le fait en communauté. Et c'est l'éleveur ou l'éleveuse, quand c'est de la laine, mais ou l'agriculteur, l'agricultrice, quand c'est une fibre végétale, le filateur, la filatrice, celui qui fabrique le fil, ensuite teinturier, teinturière, ensuite cartonnier, cartonnière, lissier, lissière, et ensuite tous les gens qui font la couture, plus... tous les gens qui restaurent et entretiennent les tapisseries, ça fait une sacrée chaîne de métiers et de savoir-faire qui, en fait, quand on se met tous ensemble, main dans la main, au service d'une même intention, comment on fabrique quelque chose qui est plus grand que nous tout seuls ? Et je trouve que ça aussi, c'est aussi important que le fait de travailler de manière contemporaine un savoir-faire séculaire. Parce qu'en vrai, un savoir-faire, je ne sais pas, est-ce que tous les savoir-faires ne sont pas séculaires ? Plus ou moins. Mais ils ont tous une histoire. Maintenant, tout l'enjeu de tous les savoir-faires, c'est de vivre avec leur temps et de s'adapter. Et c'est aussi en ce sens-là qu'on fabrique tous ensemble en conscience que tout seul, on serait incapable de le faire. Et ça, c'est une valeur. Je me demande si d'ailleurs, ce n'est pas une des raisons inconscientes pour lesquelles aujourd'hui, la tapisserie est de nouveau, et le textile, au cœur des questionnements. des êtres humains et des jeunes, et que c'est redevenu une mode, c'est qu'en fait, ce sont des métiers qui sont communautaires. Tu ne peux pas travailler tout seul. Et ça, c'est super intéressant. Comment ensemble, quand on se met tous ensemble, main dans la main, dans un même objectif, on peut faire quelque chose qui est grandiose. Et en plus, quand c'est une image d'une personne qui a été réalisée, une personne comme Miyazaki, c'est une chance inouïe même de pouvoir participer au projet. Parce que tout ce qu'on fait, chacun à notre niveau, les problématiques que Miyazaki travaille, on peut s'en emparer et elle donne une dimension à nos savoir-faire et à nos productions qui nous permettent de nous exprimer d'une manière très très très très forte. Tant dans la technique elle-même que dans sa portée dans le monde aussi. C'est-à-dire que ça nous permet de raisonner aussi, loin, grâce à ses productions à lui.
- Speaker #1
Un sujet qu'on n'a pas du tout abordé. C'est justement la place d'Aubusson. En déjeunant ensemble, vous me parliez de la tapisserie d'Aubusson. Et du coup, toi, tu parlais des tapisseries d'Aubusson. On n'a pas vraiment expliqué ce que représentait Aubusson pour les tapisseries.
- Speaker #0
Alors, Aubusson, pour les tapisseries, c'est arrivé à peu près au Moyen-Âge. Alors, soit des Flandres, soit des Arabes, qui sont arrivés en 1515, montés jusqu'à Poitiers, donc on est un peu en dessous. Bon, vraisemblablement, ça viendrait des Flandres, même si dans les Flandres, on tisse sur un métier. haute lisse verticale et que nous, on travaille sur un métier basse lisse horizontale qui est plus issu des cultures arabes. Mais peut-être pour les Français, c'est difficile de se dire qu'il y a des choses qui nous viennent des Arabes. Eh ouais. Enfin, en tout cas, je sais pas. Je suis pas historienne. Je sais que la thèse aujourd'hui la plus retenue, c'est que la tapisserie d'Aubusson a été importée par des mariages entre seigneurs et femmes de seigneurs. Voilà. Elle a été importée à Aubusson. À l'occasion justement d'alliances et donc une princesse X ou Y, je ne sais même pas si elle est princesse ou une femme, voilà, aurait apporté avec elle des flambes en se mariant avec un seigneur local. Donc ça date du Moyen-Âge et qu'en fait ici, on tissait de manière privée, rapide, parce qu'en même temps, il y avait des manufactures royales à l'époque, et on pourrait dire étatiques aujourd'hui, qui elles n'avaient non pas les mêmes contraintes économiques. Quand tu es en privé, tu dois te dépêcher, tu ne peux pas trop prendre ton temps, même si évidemment que toutes les manufactures et les endroits qui sont étatiques ou royaux, enfin bref, payés par... La gouvernance, je vais dire ça comme ça, je ne sais pas comment le dire autrement, ou par l'ensemble des gens, enfin bref. Ils ont aussi des contraintes de temps, mais nous c'est différent. Donc au Buisson, c'était une espèce de sédiscounte où on va vite et où on reproduit et on produit donc un grand centre de production des textiles, des tapisseries depuis le Moyen-Âge. En sachant que les tapisseries étaient utilisées comme la laine isolante du bruit, du froid, du chaud. Elle était utilisée comme élément de décor, mais aussi comme élément architectural. C'est aussi une des raisons, peut-être, pour lesquelles elle revient aujourd'hui au goût du jour, dans le sens où, bien sûr, on a les isolants, des placots, etc., qui sont faits par l'industrie, mais mettre une tapisserie à son mur, c'est aussi garder la chaleur, couper le son avec la pièce voisine, etc. Aujourd'hui, peut-être, on revient à des questionnements. Elle avait aussi fonction à l'intérieur des maisons, mais aussi fonction à l'intérieur, par exemple, des églises, pour formaliser un événement qui s'est passé, important. Donc ça produisait à la fois des images qui étaient liées au pouvoir, mais aussi pour les gens qui avaient un certain sou pour isoler leur maison et les décorer. Et donc c'est resté, Aubusson est resté, malgré les hauts et les bas, malgré l'arrivée de la peinture. de la peinture et du tableau, qui est sorti du mur et qui est devenu un tableau et qui du coup pour décorer, c'était plus rapide. Malgré le fait qu'on ne l'utilise plus comme isolant, malgré le fait qu'on ne décore plus ses murs avec du textile, etc. A Obusson est resté, le foyer est resté au gré des hauts et des bas, vivant, présent. Et moi quand je suis arrivée il y a 14 ans, il ne restait plus grand chose. Et heureusement le territoire s'est mobilisé pour maintenir ce savoir-faire heureusement et les savoir-faire qui sont autour comme la teinture et heureusement parce que finalement on revient toujours ce rapport qu'on a les humains avec le textile parfois on l'aime parfois on le déteste parfois on veut en faire un objet qu'on prend qu'on jette mais là je pense qu'on est en train de revenir à une valeur fondamentale en fait chauffer habiller décorer et tisser trisser nouer broder Tout ça, ça fait partie de notre culture humaine depuis toujours. Et même si ça prend des formes différentes et que ça ne se fait pas via ordinateur aujourd'hui, via IA, via plein de choses, et qu'aujourd'hui, il y a les images-lumières qui viennent se poser des questions et créer des couleurs-matières. Enfin, disons que le fil, c'est comme un réceptacle qui traverse le temps et les générations. Et quand tu regardes une tapisserie qui a été faite, Il y a des siècles et des siècles, tu peux ressentir les émotions que les gens qui ont fabriqué l'image et le fil, ils ont voulu te faire passer. Ça veut dire que le fil est un support qui permet de transmettre des émotions à travers les générations. Et ça, c'est fort. Donc du coup, Aubusson reste quand même, même si c'est aujourd'hui un village de 3000 habitants alors qu'il y en avait 20 000 au début du XXe siècle, on reste dans l'imagerie... populaire, dans le fantasme, un endroit dans lequel on est dépositaire. Nous, petit village de 3000 habitants aujourd'hui en 2024, dépositaire d'une histoire du textile forte et qui est loin d'être terminée.
- Speaker #1
Trop intéressant. Est-ce que tu peux nous raconter un projet sur lequel tu as fait beaucoup de recherches, voire d'innovations ?
- Speaker #0
Recherche voire innovation. En fait, ta question est sous-tendue le fait que j'ai une phase de recherche et une phase de réalisation. Or, en fait, les deux dans mon savoir-faire fusionnent. Ma production, mon process. est une recherche. Je ne sais pas comment le dire autrement.
- Speaker #1
C'est pour ça que je te dis, je savais ce que tu allais me répondre. C'est le cas tous les jours, toutes les heures, toutes les minutes.
- Speaker #0
C'est ça. Après, il y a des recherches qui, moi, me font plus vibrer que d'autres. Aujourd'hui, ce sont les recherches autour des teintures irrégulières où il y a plusieurs teintes à l'intérieur de la teinte ou plusieurs nuances de la même teinte à l'intérieur du fil et au... potentiel qu'il représente à l'intérieur du monde textile d'expressivité possible parce que en fonction du motif qui est un de sa longueur de sa section du nom de motif et de la technique qui va être utilisé brodé tissé si c'est sur 5 cm sur 10 cm sur 20 cm le motif sera différent si tu prends plusieurs brins que tu mélanges ou si c'est un seul mot nos brins tous ses potentiels effet, je veux dire, plastique de la teinte sur fil irrégulière sont pour moi un champ de recherche dans lequel je m'épanouis et je m'éclate.
- Speaker #1
Sachant que, est-ce qu'il est plus difficile de faire de l'irrégulier ou du régulier ?
- Speaker #0
Tout dépend de ta posture. Moi, dans ma posture en tant que teinturière et par rapport à qui je suis, c'est plus facile de créer que de reproduire. Parce que je vibre beaucoup et j'ai une énergie. C'est pour ça que je fais de la couleur et que c'est OK pour moi. Les couleurs, je les ressens parce que je n'ai pas d'autres mots que je vibre fort. Et parfois, ça peut être compliqué. Ça a été très compliqué dans ma vie, sauf depuis que je fais de la couleur, parce que tout d'un coup, tout le monde me fait mais oui, tes couleurs, elles vibrent Mais en fait, oui, c'est parce que je ne suis que pratiquement vibration. Mais c'est bien malgré moi, j'aimerais bien ressembler à tout le monde et être moins vibratoire. Mais je ne suis plus rien. Je ne sais pas comment j'en suis rendue là. Du coup, pour moi, c'est plus facile de faire des couleurs qui vibrent. Plus elles vibrent fort, plus j'ai de l'espace pour m'exprimer et moins je suis obligée de me contenir dans la manière dont je vais aborder le travail. plus je vais être en phase avec ce que je fais. Donc, je ne peux pas dire, les autres teinturiers, peut-être que c'est plus facile de faire un unis ou peut-être plus facile de reproduire une teinte plutôt que de la créer. C'est plus facile aussi pour moi, comme je suis un animal très émotionnel, de retranscrire des émotions plutôt que des choses qu'on voit, type bleu, rouge, jaune. C'est-à-dire, ah, la couleur, elle est trop rose. Bon, je vais la reprendre. Je vais plus facilement me tromper quand je reproduis une couleur que quand je la crée. Et qu'on me dit, là tu vois c'est jaune, on doit pouvoir ressentir qu'il y a une espèce de vibration qui l'emmène, qui n'est pas trop ensoleillée mais qui doit être aussi vers les profondeurs. Et tout ça je vais arriver à le retranscrire. Alors que peut-être pour un autre teinturier, une autre teinturière ça va être plus difficile. Donc oui les couleurs irrégulières. me permettent d'être plus en phase avec ce que je suis en train de faire. Parce qu'elles ont des vibrations plus fortes.
- Speaker #1
Est-ce que tu connais l'emphathasie ?
- Speaker #0
Non. C'est ce que tu pianotes sur ton téléphone. Moi, je crois que tu répondais à tes textos.
- Speaker #1
Tu rigoles, quoi. J'ai jamais de blague. Non, je cherchais. En fait, j'ai appris ça. Il y a des gens qui ne voient pas en images. Ils voient différemment. Ils ne sont pas capables d'expliquer en émotions, en sensations. mais il ne voit pas en image. Et que tu me parles de... On me dit que c'est un peu trop rose. Ça t'embête alors que quand on te dit que ce n'est pas assez vibrant ou que ça ne raconte pas du romantisme, là, ça te parle le plus.
- Speaker #0
Oui, parce que je ressens les vibrations. Je ne peux pas dire que je les vois parce que je ne les vois pas. Ce n'est pas voir au niveau de la vue. C'est comme une mélodie. Chaque couleur a sa mélodie. Et j'arrive à retranscrire cette mélodie-là parce que je la ressens. Mais c'est pas vraiment une musique que j'entends. Je peux pas dire, je sais pas. Mais de toute façon, ça fait plusieurs années que je fais un travail psy. Et ma psy fait aussi de l'hypnose. Alors j'ai fait quelques séances d'hypnose. Et en fait, je me parle à moi-même sous forme de couleurs. Et chaque couleur, elle y a une émotion.
- Speaker #1
Mais il faut que tu regardes vice-versa. C'est des couleurs. C'est des émotions à travers les couleurs.
- Speaker #0
Eh ben c'est ça, c'est ça.
- Speaker #1
Ah non, ça m'a trop de plaire vice-versa, je suis sûre. Faut que tu regardes.
- Speaker #0
Tu me les regarderais.
- Speaker #1
Tu les regarderais. Est-ce que tu peux nous parler de projets futurs ou d'envies futures pour toi ?
- Speaker #0
Faire des créations qui soient une forme d'hybridation. entre le tissage en tapisserie ou tissage tisserand, le tissage, et la teinture. Parce que souvent, on choisit les teintures, les couleurs, sur fil, et on les tisse dans un second temps. Donc là, quelque part, c'est le tissage qui révèle la couleur. Et là, ça serait de faire l'inverse, de faire des productions. Mais là, je commence au début, comme je sais tisser et teindre, c'était mon objectif de faire toute seule. Mais en fait, je me rends compte que... Cette espèce de truc de solitude, toute seule avec mes questionnements, moi je me perds dans mon gouffre. Franchement, je ne sais pas faire ça. Je suis admirative des gens qui sont capables de le faire tout seul, mais moi je n'y arrive pas. Et en même temps, je trouve ça vachement plus intéressant. En fait, j'arrive à travailler avec les autres. Et donc, je suis en train de m'associer avec une personne qui tisse pour qu'on fasse ses créations où en fait, ça serait la teinture qui révèle l'image et pas l'inverse.
- Speaker #1
Ah ouais, moi j'ai hâte de voir ça.
- Speaker #0
Ça fait envie, hein ?
- Speaker #1
Bah ouais, tu nous siendras au courant.
- Speaker #0
En vrai, je devais avoir, je sais pas, peut-être une vingtaine d'années, j'ai vu une expo de Rodko au Musée d'Art Moderne de Paris. J'ai que de la vibration, de la couleur. Tout et rien en même temps. C'est-à-dire que t'as rien devant toi et t'as tout. C'est... J'ai pleuré, j'ai fait quatre heures de queue pour rentrer dedans parce qu'à l'époque, on faisait la queue. On réservait pas à l'avance. Et c'est arrivé à ce degré-là de vibration. de la couleur, mais à l'intérieur dans le monde du textile, pas dans la peinture. Mais peut-être que c'est un point de départ et qu'en fait, je ferais un truc qui n'a rien à voir. Parce qu'il y a souvent ce que je dis, c'est pas du tout ce que je fais.
- Speaker #1
C'est normal. Et puis, comme tu le dis, tu dis, je ne sais pas faire toute seule. Ça se trouve, tu vas rencontrer une autre personne avec qui tu voudras développer un autre projet.
- Speaker #0
Mais c'est en cours.
- Speaker #1
Ce que je veux dire, c'est que ça se trouve, aujourd'hui, tu as d'autres idées qui germent. et elles prendront forme le jour où tu rencontreras la bonne personne.
- Speaker #0
Bien sûr, bien sûr. Mais celle-là, elle est plus que germée, elle est en train de moisir à l'intérieur de moi, donc il va falloir qu'elle sorte rapidement.
- Speaker #1
Je ne sais pas si la personne avec qui tu collabores nous écoute, mais il faut lui mettre un coup de pied aux fesses.
- Speaker #0
Bon, là, elle est en vacances, mais elle va se dépêcher de rentrer.
- Speaker #1
Eh bien, on arrive à la dernière question, qui est une question un peu plus méta. Puisque c'est une question concernant ton métier et ton secteur en général, qu'est-ce que tu souhaites à ton métier et ton secteur ?
- Speaker #0
Non seulement continuer à vivre avec son temps, mais de devenir un modèle, voire un précurseur de ce que sera la vie future. Parce que ça serait cool que le mode de vie de demain vienne de nos approches du fil et du textile, et qu'on arrive à les modifier assez rapidement pour que toutes les approches... En fait, on est en train de commencer à arrêter dans le textile, de produire uniquement un produit, mais de réfléchir au sens d'où il vient, comment il est fait, quel est son impact sur la vie des gens et des êtres vivants autres que nous. Je souhaite qu'on transforme nos manières de travailler, et donc nos manières de produire, et donc nos produits, pour qu'ils soient... Une espèce de bannière, de drapeau et en même temps de voie d'ouverture possible pour les générations futures. On n'y est pas, mais c'est un souhait.
- Speaker #1
C'est intéressant parce que des artisans, souvent relativement jeunes, ou en tout cas au début de leur carrière, qui développent justement des nouveaux fils, des nouvelles techniques, il y en a. Et moi je pourrais t'en parler de plein. D'ailleurs, il y a des projets dont je devrais te parler qui peuvent peut-être t'intéresser. Mais en tout cas, il y a beaucoup d'expérimentations sur le fil, je trouve.
- Speaker #0
Oui, le fil, c'est à la fois celui auquel on s'en prend et aussi quand on n'est pas content. Quand je dis ça, je fais référence au moment de désuétude de l'art textile dans l'humanité. Et c'est peut-être en même temps du fil que viennent les premières expérimentations aussi. C'est-à-dire qu'aujourd'hui, par exemple, tous les gens qui viennent me demandent si je fais de la teinture naturelle, d'où viennent mes pigments. Où vont les os ? Je veux dire, je ne suis pas sûre que quand tu ailles dans l'atelier d'un peintre, tu lui demandes d'où viennent ces pigments, qu'est-ce qu'il fait et après du reste, enfin voilà, on ne se pose pas. Alors que pour le fil, tous ces questionnements-là, d'où vient ton tissu, où est-ce qu'il a été cousu, où est-ce qu'il a été produit, on se pose toutes ces questions-là, alors que tu vois le micro-là qu'on a, on ne se pose pas les questions par qui il a été fait, où il a été fait, ni le casque, ni combien de plastique il y a à l'intérieur, alors que le vêtement, oui. Donc c'est en ça que je dis, le textile, ce n'est pas que le vêtement. Mais pour ce qui est textile, je ne sais pas pour quelle raison, mais en tout cas, ça peut être un des premiers endroits dans lesquels on peut voir les premières transformations des sociétés. Donc je souhaite de se transformer rapidement.
- Speaker #1
Eh bien, merci beaucoup Nadia. Merci pour ce beau mot de la fin. Et c'est vrai que je ne m'étais jamais fait la réflexion qu'on challenge beaucoup plus la filière textile que toutes les autres filières.
- Speaker #0
Et c'est bien.
- Speaker #1
Et c'est bien, oui. Moi, quand j'achète un vêtement, je ne dis pas que je suis encore à ne pas l'acheter parce qu'il vient de Chine. Mais en tout cas, je regarde tout le temps la présidence. Oui, oui. Et parfois, si, parfois, je me dis, en fait, non. Je ne l'achèterai pas parce qu'il ne vient pas du bon endroit. Donc, merci beaucoup pour ce dernier message. Et merci beaucoup pour ton temps, puisque je sais qu'il est précieux. J'étais ravie d'enregistrer au milieu de toutes ces couleurs. Si seulement tous les gens pouvaient voir tout ce qui nous entoure. C'est beau.
- Speaker #0
C'est une vraie thérapie. C'est une vraie thérapie. Et sur les réseaux sociaux, je ne mets que des couleurs. Oui,
- Speaker #1
c'est vrai.
- Speaker #0
Et parce qu'en fait, ça fait du bien. En fait, c'est peut-être le seul espace de fantasme et de liberté qui existe encore. dans lequel, en fait, on ne te dit pas ce que tu dois ressentir. Peut-être que oui, mais quand même. C'est là où il y a le moins de... Bien sûr qu'il y a des dogmes. Si tu t'en écartes, ce n'est pas grave, en fait. Il n'y a personne qui va t'embêter trop, quoique. Quand même, c'est un espace de projection et de fantasme et de liberté qui est sans limite. Et ça fait du bien de se rappeler que ça existe.
- Speaker #1
C'est sûr, je suis complètement d'accord. Je suis un peu comme toi. Enfin, moins que toi, puisque toi, tu travailles dans le milieu, mais... j'ai toujours eu une appétence pour la couleur me mettre de la couleur partout enfin bref je comprends totalement ce que tu dis donc merci pour ton partage merci à toi et puis bah à bientôt à bientôt merci beaucoup pour votre écoute j'espère que ce deuxième épisode avec Nadia Petkovic teinturière vous aura plu vous pouvez continuer de m'aider à faire découvrir les histoires d'artisans en plus grand nombre en mettant une note un commentaire et en vous abonnant sur votre plateforme de streaming préférée Vous pouvez nous retrouver sur Instagram pour découvrir le métier en images. Nous sommes toujours heureux de recevoir vos témoignages et vos ressentis sur les épisodes de podcast. Si vous avez envie de nous transmettre un message, vous pouvez nous écrire à podcast.histoired'artisan.com. En attendant, je vous dis à bientôt avec une nouvelle histoire.