- Speaker #0
Je suis Fanny Cisorne et vous écoutez le podcast Hop on a vote. Ici, je vous invite à rencontrer des personnes qui partagent une urgence commune, celle de réinventer notre monde. Ce sont des penseurs, des créatrices et créateurs de mouvements, des voix qui résonnent et qui font du commun. Ensemble, nous explorons comment transformer les idéaux en actions, comment mobiliser, inspirer, créer et partager, comment l'espoir se travaille et se construit. Alors rejoignez-nous dans cette aventure collective où chaque épisode est une invitation à agir. et espérer ensemble un monde plus juste et solidaire.
- Speaker #1
Bonjour Lydie Raher.
- Speaker #2
Bonjour.
- Speaker #1
Alors Lydie, tu es conseillère municipale d'Ivry-sur-Seine, tu es militante écoféministe et tu es membre du collectif des dévalideuses, un collectif qui démontre les idées reçues sur le handicap. Est-ce que tu peux me préciser un petit peu les actions des dévalideuses et puis revenir aussi sur un terme peut-être qui vous est cher, qui est au cœur de votre action ? qui est le terme du validisme.
- Speaker #2
Oui, alors rapidement j'ai expliqué l'origine des dévalideuses de notre collectif. C'est suite à la première manifestation Nous Toutes qui s'est déroulée en novembre 2018. Il y a plusieurs femmes handicapées qui se sont dit mais c'est curieux quand même on est nulle part. On n'est ni dans la manif, ni sur les pancartes, alors qu'on est les premières victimes de violences sexistes et sexuelles. Et donc, on est un collectif composé de femmes handies. La corde se comporte d'une quinzaine de personnes. Tout le monde peut adhérer aux dévalideuses. Dès qu'on adhère, on arrive sur un Discord. Néanmoins, il y a une corde.
- Speaker #1
Tu peux juste préciser ce qu'est le Discord ?
- Speaker #2
Discord, c'est une plateforme. Je crois que c'est issu du gaming. C'est pas mal utilisé dans le monde militant. On peut créer des salons de discussion. Dans la corde, on applique une double mixité. On est à la fois des personnes qui appartiennent à des minorités de genre. Pas de mixis. et on est aussi handicapé. Et qu'est-ce qu'on fait ? A la base, on ne faisait pas d'action coup de poing, c'est-à-dire qu'on fait beaucoup de travail autour de la culture CRIP, de vulgarisation, on traduit des textes de culture CRIP, j'expliquerai après de quoi il s'agit. Sur les réseaux sociaux, on fait beaucoup de vulgarisation autour du terme validisme, autour de la désinstitutionnalisation, autour des enjeux anti-féministes. On a notamment un compte Instagram qu'on alimente régulièrement. On a également un site internet. On forme également des collectifs autour des enjeux anti-féministes, autour du validisme. Par exemple, aussi en janvier dernier, avec une collègue, on a formé la Cité Fertile. Comment ne pas être validiste en milieu festif ? Voilà, on fait ce genre de choses. Et on a aussi des projets. Il y a un projet qui s'appelle les petites cuillères, c'est un projet de prix littéraire à destination des enfants, là qui est en cours. En septembre dernier, on a organisé une soirée Crip & Queer afin de faire l'alliance entre les communautés LGBT et la communauté handi. Et l'année dernière, on a organisé deux actions coup de poing. Une première, on a bloqué la station métro des Invalides pour dénoncer l'inaccessibilité des transports en commun.... parisien et plus largement, plus globalement pour dénoncer le validisme. Un mois plus tard, on a avec les Dégomeuses, qui est une équipe de foot queer et féministe, on a fait rupture, place de la République dans le village paralympique. En fait, il se trouve que c'était notre seule fenêtre de tir. pour dénoncer ce qu'on estime être une mascarade autour des jeux paralympiques. Et donc on a déroulé une banderole où était écrit la France médaille d'or du validisme. Alors c'est quoi le validisme ? Le validisme en fait c'est le terme, l'expression qui désigne les discriminations subies par les personnes en situation de handicap du fait de leur non appartenance à la validité. C'est-à-dire les personnes qui n'ont pas un corps qui correspond à la norme dite valide, aux personnes qui... pathologie mentale ou voilà aux personnes handicapées.
- Speaker #1
En quoi c'est important de politiser les débats, les mots qui sont mis sur vos actions ?
- Speaker #2
Oui c'est important parce que le handicap est traité sous l'angle médical en fait. Le handicap est vu comme une tragédie personnelle. Or notre exclusion en fait elle résulte de choix politiques. Elle résulte du fait que les transports en commun ne soient pas accessibles. Elle résulte du fait que les logements ne sont pas accessibles, que la société ne soit pas accessible. Les personnes handicapées sont soit considérées comme des personnes qui suscitent la tristesse avec le téléthon typiquement. Ça sous-entend que les personnes handicapées ne peuvent pas être heureuses si elles ne sont pas soignées. Et d'un autre côté, et c'est pour ça qu'on a fait notre action anti-JOP, les personnes handicapées sont vues aussi comme des super-héroïnes qui transcendent, qui dépassent leur handicap via le sport par exemple. Et il y a aussi un concept qui est hyper intéressant qui s'appelle l'inspiration porn qui a été créé par une activiste australienne, il me semble, qui est décédée depuis, Stella Young, qui, selon ce concept, on est félicité pour un oui, pour un non. On est félicité parce qu'on se rappelle de notre prénom en se levant le matin. Par exemple, moi, souvent, quand des gens me rencontrent dans la rue, elles me disent bon courage, bravo.
- Speaker #1
Qu'est-ce que tu attends, toi, des pouvoirs publics ?
- Speaker #2
Déjà, il y a un grand slogan chez les militants anti-vaillant, c'est Nothing about us without us Donc, rien sans nous sur nous. Donc, on attend le respect de nos droits, en fait. Donc, ça sous-entend que des moyens soient mis sur la table pour la mise en accessibilité des transports, la mise en accessibilité des logements, par exemple. Et avec Macron, la loi Elan est un véritable recul en arrière de la loi 2005, la grande loi handicap, selon laquelle les nouvelles constructions devaient être 100% accessibles. Là, on a rétro-pédalé, on est passé. à du 20% accessible. On attend aussi ce qu'on appelle la désinstitutionnalisation, c'est-à-dire qu'on attend que les personnes puissent vivre où elles souhaitent, c'est-à-dire à domicile, avec des auxiliaires de vie. C'est le concept de la vie autonome, c'est-à-dire que les personnes choisissent le lieu où elles vivent. Par exemple, en institution, une personne n'a pas le choix de savoir quand elle va manger, qu'est-ce qu'elle va manger, quand elle va se coucher. je ne pense pas qu'une personne valide accepterait ça. Donc pourquoi une personne handicapée doit vivre comme des citoyens de seconde classe ?
- Speaker #1
Est-ce que tu peux revenir sur le mouvement CRIP ?
- Speaker #2
Alors ça vient du mot CRIP en anglais qui veut dire tordu, boiteux, estropié. C'est comme le mot queer, il s'agit d'un retournement du stigmate. Et donc ça sous-entend qu'il existe une fierté handi. Et effectivement, nous en tant que militants handis, on ne veut pas être soignés. moi je suis en fauteuil roulant, je veux pas marcher, c'est pas le rêve de ma vie et au contraire on est fiers de nos corps hors normes et donc il y a toute une culture creep, il y a des autoristes creep, il y a notamment Noanger, je sais pas si tu connais c'est un performer creep qui fait beaucoup de performances dansées avec des textes qui accompagnent, enfin voilà c'est vraiment toute une culture et c'est comme en fait il y a de gros gros parallèle avec le mouvement queer aussi et donc ce mouvement creep est issu du modèle social du handicap. Tout à l'heure je te parlais du modèle médical et justement à partir des années 60-70 il y a eu ce modèle social mais les militants appartenant à des minorités de genre ou les militants racisés se disent ah quand même ce modèle social il y a beaucoup de mecs blancs cis-hétéros donc voilà c'est une sorte d'alliance entre ce modèle social. et les luttes queer.
- Speaker #1
Et sur comment travailler du coup, pas sans vous, est-ce que tu as des exemples de collectivités territoriales qui arrivent à créer des collectifs de travail, pour faire des diagnostics ensemble, et puis pour après améliorer ce qui peut l'être peut-être sur l'espace public, aussi sur les bâtiments, on sait que les collectivités sont celles qui investissent le plus en France. Donc est-ce qu'il y a des villes qui ont des actions particulières, villes ou départements ou régions ? qui ont des actions particulières pensées avec des collectifs de personnes porteuses de handicap pour penser à des politiques publiques ?
- Speaker #2
Pour l'instant, on ne va pas assez loin. Il y a des instances, il y a les commissions communales d'accessibilité. Il y a également, moi je travaille là-dessus, au département, c'est le CDCA, le Conseil départemental de la citoyenneté et de l'autonomie, qui à la base a pour objectif de permettre la participation des personnes concernées. Mais en fait, on se rend compte que ces instances-là sont peu utilisées. C'est aussi parce que, par exemple, le CDCA, les réunions se déroulent sur les horaires de travail. En fait, quand ces instances ont été créées, ils ne se sont pas dit que les personnes handicapées travaillaient. On n'est pas vu comme des personnes actives. Donc il y a tout un effort aussi pour rendre ces instances-là plus dynamiques. Il y a aussi l'enjeu de rendre aussi les instances et la participation citoyenne aussi accessible aux personnes en situation de handicap mental. Il y a le FALC, mais par exemple, il y a peu de documents encore qui sont traduits en FALC, le facile à lire et à comprendre. Et ce n'est pas qu'une histoire de FALC aussi, il y a des outils à créer.
- Speaker #1
Sur le FALC, est-ce que tu peux expliquer un petit peu en plus ? En quoi ça consiste ?
- Speaker #2
Ah oui, en fait, ça consiste à rendre un document accessible. Ça consiste à écrire des phrases très très courtes, accompagnées de dessins, d'illustrations. Donc l'idée, c'est d'aller à l'essentiel.
- Speaker #1
Est-ce qu'il y a des pays d'Europe qui pourraient nous inspirer ?
- Speaker #2
Pour l'instant, pas de pays où il fait bon vivre en tant que personne handi. Après, pour avoir voyagé dans quelques pays anglo-saxons, au Royaume-Uni, aux Etats-Unis, je trouve que le regard, pour le coup, porté sur les personnes handi est différent. moins ce côté misérabiliste. Mais après, c'est juste un ressenti personnel. Après, en termes de politique publique, il y a une grande loi handicap aux Etats-Unis qui a l'air plus appliquée qu'en France. Mais il n'y a pas de pays idéal, non, pour l'instant.
- Speaker #1
Sur le gouvernement, nouveau gouvernement, ça serait quoi les premiers combats à mener sur cette question ?
- Speaker #2
Ce qu'il faudrait, ce soit l'application de la loi 2005 plus la désinstitutionnalisation. C'est-à-dire l'application de la loi 2005, c'est une école vraiment inclusive. C'est la fameuse accessibilité dont je t'ai parlé, des transports, du bâti. Ce qui manque à cette loi 2005, c'est qu'elle est toujours dans un système, oui, elle se situe dans un système institutionnel.
- Speaker #1
Une touche d'espoir pour terminer cet échange. Quel est pour toi ton espoir, mais que ça soit d'un point de vue militant, citoyenne ? Qu'est-ce qui t'anime aujourd'hui ? Qu'est-ce qui te fait tenir sur tes combats ?
- Speaker #2
L'Alliance des luttes. Là par exemple aujourd'hui c'est la journée internationale des lesbiennes. A titre d'exemple, tout à l'heure je t'ai parlé de l'action paralympique qu'on avait fait avec les Dégomeuses, qui est une association qui comporte beaucoup de lesbiennes et de personnes trans. Et depuis cette action, souvent on collabore ensemble, on fait des projets ensemble, même en manif. Parce que c'est très difficile en tant que personne handie de participer à des manifs. Elle nous protège en manif. Enfin vraiment c'est vraiment ça, l'Alliance des luttes. Et pas qu'avec les lesbiennes, mais avec tous les collectifs qui luttent contre diverses oppressions.
- Speaker #1
Merci beaucoup, Lydie. Je précise pour tout le fond sonore que nous sommes toutes les deux dans un café d'ivry. On avait plaisir de se retrouver dans un café populaire d'ivry sur scène. Merci beaucoup,
- Speaker #2
Lydie.
- Speaker #0
C'était un épisode du podcast Hop Hop Hop. Et pour continuer à espérer ensemble un monde plus juste. N'hésitez pas à partager cet épisode, et si vous avez des idées, des avis ou des suggestions, contactez-moi sur LinkedIn ou Instagram. Je suis Fanny Cisorme, et je vous dis à très bientôt.