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Transformer sa souffrance en un geste de création avec Aude Carleton cover
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Hypnose et conversations thérapeutiques

Transformer sa souffrance en un geste de création avec Aude Carleton

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52min |25/07/2024
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Hypnose et conversations thérapeutiques

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Description

J'invite Aude Carleton, nous abordons ensemble le regard qu’elle pose sur l’image en tant que photographe, la quête de ses origines, des anecdotes d’enfance touchantes. Aude nous partage en deuxième partie d’épisode le témoignage intime et douloureux du deuil de sa maman qui fera naitre un nouveau projet artistique : " the garden of love ".


Hébergé par Ausha. Visitez ausha.co/politique-de-confidentialite pour plus d'informations.

Transcription

  • Speaker #0

    Bonjour à tous, je m'appelle Ariane, je suis thérapeute et je propose Hypnose et Conversations Thérapeutiques, un podcast où j'explore différents angles de vue et de vie. Je crois profondément au pouvoir libérateur de la parole, de l'écriture, de la relation, du lien et des histoires qui nous sont racontées. Je propose cette série d'épisodes pour mettre en avant des gens ordinaires et pourtant au parcours complètement extraordinaire. C'est absolument... sans filtre, authentique, comme si vous preniez un café à nos côtés. Bonne écrite. Bonjour à tous, pour l'introduction de cet épisode, j'ai envie de commencer par vous poser une question, entendue dans une conférence de Jacques Seguéla, qui est un grand publicitaire sur l'intelligence émotionnelle. Est-ce que vous savez ce que devient la neige lorsqu'elle fond ? Les plus rationnels d'entre vous répondront, bah oui, de l'eau. Et les plus créatifs d'entre vous répondront, peut-être, sûrement, le printemps. Je vous propose donc une conversation avec mon invité Aude, dont la créativité et la sensibilité ne sont plus à démontrer. Nous abordons ensemble la quête de ses origines, des anecdotes d'enfance touchantes, le regard aussi qu'elle pose sur l'image en tant que photographe. Aude, en deuxième partie des épis... d'épisodes nous partagent aussi le témoignage intime et douloureux du deuil de sa maman à seulement 30 ans qui fera naître aujourd'hui un nouveau projet artistique alors je la remercie infiniment pour son temps pour ses confidences qui peut-être vous inspireront. J'ai créé cette série d'épisodes pour montrer et rappeler à quel point l'extraordinaire est déjà autour de nous il suffit de poser un regard curieux et d'avoir une écoute attentive à celles et ceux qui nous entourent à travers leur vécu, leurs histoires, pour simplement le remarquer. Une seule façon pour vous de soutenir mon travail et la création de ces épisodes, c'est de laisser un avis ou une note ou tout simplement de vous abonner sur les plateformes d'écoute de votre choix. Je vous remercie infiniment pour votre soutien et je vous souhaite une très très bonne écoute. Je lisais dernièrement dans un ouvrage de Jean-Luc Thiement, psychopédagogue et thérapeute, que le capitalisme est une économie qui est fondée sur la consommation, la jouissance et le profit. Ce type d'économie est à moyen et à long terme destructrice de l'humanité et de la planète. Quand cesserons-nous de nous laisser berner par ce mythe de la croissance qui va toujours tout résoudre ? Nous sommes en train de perdre l'humain, il n'est plus au centre des préoccupations des politiques et des dirigeants des leviers de ce monde. Le règne de l'image et du virtuel... contribue à enfermer les humains dans un individualisme dévastateur et ceci oublie que la survie de l'espèce humaine repose pourtant sur la solidarité et non sur la compétition. On fait face à une immaturité psychique de plus en plus criante. Notre société favorise-t-elle le désespoir, l'addiction, la dépression ? Pousse-t-elle vers la maladie plutôt que de favoriser le lien ? J'écoutais dernièrement une psychologue clinicienne, Marie-Estelle Dupont, dire que l'enfant est un être d'affect. Un être de récits, de narration et de créativité. Or, si on le met derrière des écrans, dès son plus jeune âge, ça va être ô combien difficile pour lui de cultiver ses ressources intérieures, sa créativité, son imagination, qui lui permettent d'avoir confiance en lui. Réinvestir ce qui correspond à notre nature d'être humain, c'est d'abord des liens. La survie de l'espèce dépend des liens affectifs. Réinvestir les liens, et pas à travers les écrans, ça maintient la santé mentale. Apprendre maintient la santé mentale, notre cerveau. et fait pour être utilisé. Des liens, nous en avons un en particulier puisque nous sommes cousines, nous partageons donc de nombreux souvenirs d'enfance bien précieux à nos yeux. On se retrouvait, on imaginait, on créait, on faisait des spectacles, on dansait, on chantait, on jouait, on faisait de délicieuses citronnades. On avait même réussi à créer une fausse émission de radio qui s'appelait Réconcilia Bulle car on voulait réconcilier les gens entre eux. On a grandi dans un univers artistique, ta maman chantait, peignée, cuisinée divinement bien. Tu fais partie d'une famille nombreuse, tu as trois sœurs, elles aussi talentueuses, Estelle qui est danseuse, chorégraphe, Léna, étudiante au Beaux-Arts de Paris et Amandine, jeune architecte. Et toi, Aude, tu es aujourd'hui photographe, diplômée de l'École Nationale Supérieure de la Photographie d'Arles. Tes différents projets artistiques ont été reconnus pour être partagés au plus grand nombre, notamment pour être exposés dans les aéroports de Paris, au sein du parc de la Villette. et tu as été aussi finaliste de concours reconnus dans le domaine. Je te perçois comme quelqu'un de très sensible, mais aussi avec un feu intérieur très très puissant, qui laisse pas indifférent. Quand je regarde tes photos, donc ton travail, je me dis qu'à travers ton art, ton imagination, ton regard, ton univers, ton histoire, finalement la personne que tu es, tu arrives à capter, tu sublimes, tu racontes. Alors la première question que je pose à chacun de mes invités pour cette série d'épisodes, et souvent de revenir sur l'enfant que tu étais pour mieux comprendre celle que tu es devenue aujourd'hui. Alors la petite Aude, elle aimait quoi ? Elle rêvait de quoi ? Qu'est-ce qui l'inspirait ? Pour faire simple, à quoi ressemblait ton enfance ?

  • Speaker #1

    Bonjour Ariane, merci pour cette introduction. Si j'essaie de plonger dans ma biographie et de ressentir l'enfant que j'ai été, j'ai des images, des images qu'on a partagées ensemble, et je me vois, je ne sais pas comment dire, c'est plutôt que je ressens un sentiment intérieur. Je peux sentir jusqu'à un certain âge un sentiment de joie en fait, de joie, de pétiment, de force et d'envie de... de braver les interdits, aussi de fédérer. J'aimais beaucoup être entourée, avoir des gens autour de moi, ma famille, mes sœurs, mes cousins, mes cousines, mes amis. Oui, je suis la deuxième d'une fratrie, d'une sororie, sœurrie de quatre. Et je crois que la place du deuxième enfant, il est beaucoup plus en lien avec la liberté. Il est moins chargé, je trouve. du poids des parents qui ont un premier enfant. Et souvent, le premier enfant est très... Je ne sais pas comment dire, mais le premier enfant a souvent un désir de bien faire, de répondre à l'attention des parents, comme un peu un idéal d'être aussi un petit adulte, parce qu'il a... Pas toujours, mais je trouve, en tout cas, dans les familles, que chaque enfant a une place assez différente. Et le deuxième arrive avec... Il a de la chance d'avoir... Bon, ce n'est pas vérifié tout le temps, mais pour moi, en tout cas, beaucoup plus de liberté. Et moi, je passe entre les mailles du filet. Et aussi, je peux sentir, au-delà de cette joie et cette envie de créer, aussi des moments de tristesse. Je ne dirais pas de chaos, parce qu'il n'y a pas cette conscience quand on est petit du désastre. Mais je pourrais dire, à différents âges de l'enfance, on peut imaginer jusqu'à... Par exemple, à mes 5 ans, j'ai des souvenirs d'angoisse, d'avoir peur d'être abandonnée, d'être perdue dans la nature.

  • Speaker #0

    Tu sais pourquoi tu as ces angoisses-là ?

  • Speaker #1

    Non. Et on peut se demander d'où ça vient. Alors, je sais que ça répond à une situation. Par exemple, j'étais en voiture avec ma mère et elle s'était perdue. Et rien de grave, j'imagine qu'on allait chez des amis ou qu'on rentrait d'une promenade. J'imagine qu'elle a manifesté le fait qu'on soit perdus. Et pour moi, c'était un désastre parce qu'elle ne comprenait pas ce que je ressentais, parce que je ne devais pas l'exprimer. Et je me disais, mais est-ce qu'on va réussir à retourner à la maison ? Est-ce qu'on va mourir dans la voiture ? Des choses comme ça. Et je pleurais, j'étais en crise. Et c'est vrai que les parents n'ont pas toujours conscience de ce qui se passe très, très profondément. Et que parfois, l'enfant... à une sensibilité qui dépasse en fait les choses qu'il exprime. Et ça m'a beaucoup traumatisée, alors que je pense qu'il n'y avait aucun problème en fait. Et je ne crois pas que ma mère était stressée au point de me donner une angoisse. Parce que bon, un chemin ça se retrouve, on n'était pas dans le désert, on était dans...

  • Speaker #0

    Vous étiez en Picardie quand même.

  • Speaker #1

    On était en Picardie dans notre région, dans une zone de confort, je veux dire, d'un village à l'autre. Mais bon, qu'est-ce que... Qu'est-ce que vivait ma mère à ce moment-là ? Vraiment, je ne sais pas. Voilà, après, comme tous les enfants, des sentiments parfois de solitude ou d'humiliation. J'ai un souvenir, étant petite, on a vécu un peu à Marseille et pendant un carnaval, j'avais décidé de m'habiller tout en chœur. J'étais très petite, je ne sais pas, je devais avoir 4 ans. Et je me souviens avoir été très très fière de ce déguisement en forme de chœur. J'avais des... Des cœurs sur mon cœur, des cœurs sur mes épaules, sur ma tête. J'étais déguisée en cœur. Et les enfants, c'était des bons enfants, se sont moqués de moi. Ils me disaient que j'étais amoureuse. Évidemment, quand on est habillée en cœur, c'est qu'on a de l'amour pour les choses. Et je ne pouvais pas le supporter. Et ça m'a fait être très triste et me renfermer sur moi-même. Et j'ai senti ça, je vivais ça comme une agression. Alors que franchement, quand on prend du recul... Bon, voilà, des... Je me souviens de ces moments qui ont pointé dans ma vie. J'en ai un autre où j'étais beaucoup plus grande, je pense que je devais avoir une dizaine d'années. On est à l'école primaire à 10 ans, je ne me souviens plus. Ouais,

  • Speaker #0

    normalement.

  • Speaker #1

    En tout cas, j'étais assez jeune et j'avais un professeur que j'aimais beaucoup. Je ne sais pas pourquoi je raconte mes petits traumas. Et je me souviens que c'était la première fois que notre professeur prenait autant de temps pour... Il racontait quelque chose, c'est comme s'il avait préparé un exposé, c'était assez... Il avait... Voilà, c'était nouveau dans le... Je ne sais pas comment dire... Quotidiennement, les jours se ressemblaient, on avait des maths du français, mais ce jour-là, il avait fait une sorte de nouvelle préparation, une petite surprise, quoi, sur un thème très intéressant dont je ne me souviens plus. Et donc, il fait son exposé. Le format a changé. C'est différent. On est beaucoup plus dans l'écoute. Et puis, j'ai levé la main au moment des questions. J'en ai encore honte. Et j'ai demandé à ce professeur, quand il m'a dit Oui, Aude ! Il était très enthousiaste. Et moi, j'ai dit Quand est-ce que c'est fini ? Avec une insolence. Et je ne sais pas. Je ne sais pas pourquoi j'ai dit ça. Je ne sais pas si c'était pour le blesser ou si c'était pour faire mon intéressant devant tout le monde. Parce qu'en fait... Comme une enfant, j'arrivais pas... Ça devenait un peu long, quoi. Et c'est bizarre, parce que j'ai tout de suite senti la honte. Au moment où... Le manque de justesse à faire ça, je sais pas comment dire... C'est comme si j'étais poussée pour le faire, et qu'en même temps, je sentais très bien que ça allait me mettre dans l'embarras, et qu'en fait, j'allais faire de la peine à ce monsieur, qui m'avait jamais rien fait, je veux dire.

  • Speaker #0

    Donc il y a une sensibilité.

  • Speaker #1

    Oui, quand même ! Mais c'était dur parce que je me souviens que mes copines, elles étaient allées me voir en me disant mais t'es trop méchante en fait C'est trop méchante Et ça m'avait vraiment, ça m'avait heurtée. Donc sensible, oui, comme tous les enfants, je pense. Après, est-ce qu'il y a une qualité de, c'est quoi la qualité de laisser la place aux enfants, de pouvoir s'exprimer ? Et oui, tu parlais de cette clinicienne qui parlait de l'imagination. et des écrans et toutes ces choses. Et c'est vrai qu'en tant qu'enfant, j'ai beaucoup, beaucoup regardé la télé. C'était les années 90, 2000. Et c'était encore différent, mais ça a beaucoup nourri quelque chose en moi de l'imaginaire. Et je ne sais pas si c'était quelque chose qui était bien, en fait, mais je sais que ça nourrissait. Ça m'a certainement affaiblie aussi, mais ça nourrissait l'envie de faire des concerts, des spectacles, comme tous les enfants ont envie d'être un peu stars. Et puis de reproduire dans sa chambre des concerts.

  • Speaker #0

    C'était peut-être une source d'inspiration. Pour après, toi, créer dans... Parce que moi, j'ai le souvenir quand même d'une maison, en tout cas dans laquelle tu vivais, où il y avait toujours, toujours des chants, on était toujours en train de faire quelque chose.

  • Speaker #1

    Oui. Et je crois que l'enfant se lie à son environnement, complètement. Et on a eu de la chance qu'il y ait... Que nos parents soient musiciens, qu'il y ait beaucoup de vie, en fait. Et ça m'a donné un tremplin pour la vie et pour la création. Et je remercie vraiment mon milieu familial pour ça. Parce qu'on arrive et on porte déjà quelque chose en nous, mais si en plus le milieu dans lequel on est nous propose de créer, de devenir créateur, déjà en tant qu'enfant c'était beaucoup de liberté, beaucoup de temps de jeu. D'ailleurs, je n'aimais pas vraiment l'école. J'étais assez mauvaise et je ne pouvais pas me lier à ce qui était enseigné. Je ne sais pas, je ne comprenais pas d'être assise, d'entendre, d'écouter. Évidemment, j'aimais la récréation, mais surtout, je dormais en classe intérieurement. Je dormais et je disais que j'étais assez mauvaise.

  • Speaker #0

    Et d'avoir grandi auprès de soeurs dans un univers très féminin. Qu'est-ce que ça t'a donné comme énergie, comme force, comme regard justement aussi sur la vie ?

  • Speaker #1

    On est quatre sœurs, oui. Et puis on avait beaucoup de tantes. Il y avait peu d'hommes chez nous parce que les hommes ont vite déserté. Mais bizarrement, je ne sais pas, je dirais... Peut-être que j'ai eu cette tendance après à me lier plus aux femmes dans les habitiers. Parce que mes sœurs étaient aussi comme un peu des amies. Et puis, je ne sais pas... Naturellement, il y avait peu de garçons à la maison. Naturellement, je suis allée vers les filles, quoi. Je veux dire, en termes d'amitié, à développer vraiment une fraternité avec les femmes. Les garçons ne me faisaient plus peur, beaucoup plus, parce que c'était plus inconnu, quoi. Je ne connaissais pas vraiment mon père. Oui, c'est ça, quand le référent s'absente, j'imagine que ça crée quelque chose. Je ne sais pas, moi, je n'ai jamais vécu ça, mais d'avoir un papa dans sa maison... Je ne sais pas, qu'il me donne des conseils, qu'il répare une étagère, je ne sais pas, qu'il fasse le balai, j'en sais rien. Mais qu'est-ce que ça fait en fait d'avoir un homme dans une maison ?

  • Speaker #0

    Est-ce que ça en tant qu'enfant, c'est quelque chose dont tu rêvais ou tu te questionnais ?

  • Speaker #1

    Oui, oui, oui. Des fois je pleurais et je réclamais mon père, des souvenirs comme ça. Quand vraiment ma mère m'insupportait parce que je la trouvais injuste sur des choses, mon secours c'était d'appeler mon père parce que c'était trop pour un parent d'avoir toute l'éducation je trouve. Et je pleurais, je me disais mais papa... Mais bon, il n'entendait pas, il n'était pas là et j'aurais aimé qu'il puisse se mêler. C'est trop pour une mère quatre enfants comme ça, je veux dire c'est trop. 4 filles, c'est injuste de scoltiner toute la colère pour elle-même, toute la colère de ses enfants.

  • Speaker #0

    Donc c'est un lien que tu as gardé avec ton imaginaire, que tu as nourri comment ? Ou que tu as remplacé comment ?

  • Speaker #1

    Je ne sais pas, c'est inconscient. Mais c'est vrai que petite, j'aimais bien les émissions, les feuilletons où il y avait un papa et une maman. Des choses comme ça. Je ne sais pas. Il faudrait que j'y réfléchisse, mais c'est vrai que je ne sais pas. Après, on se construit aussi sans et ça nous donne beaucoup de force. Et puis, c'est plutôt dans ma vie de femme, j'ai mis du temps à vraiment être en couple. Et encore aujourd'hui, je trouve ça difficile. Je n'ai pas encore d'enfant, mais de vraiment bien répartir les rôles. Et de me dire que l'homme avec qui je vais faire une partie de ma vie, ou je ne sais pas, ou peut-être qui sera le père de mes enfants. Il va avoir un rôle à jouer, des responsabilités, et puis dans un quotidien, il faut s'accorder avec un homme, avec l'idée d'être à deux. Et donc, je ne sais pas si c'est un idéal pour moi d'avoir un petit mari, mais pendant longtemps, ça ne l'a pas été. Et donc, j'apprends. C'est quoi être à deux ? C'est quoi les forces masculines ? C'est quoi les forces du père ? qu'on possède aussi mais qui sont autres dans un homme homme. Et voilà. En tout cas, je me souviens qu'à l'adolescence, c'est un moment vraiment où je trouve que le père, il a un vrai rôle à jouer. Je veux dire, moi je parlerais de force plutôt que de... Je parle de force, ouais. Les forces du père, j'ai l'impression qu'à l'adolescence, elles sont vraiment là pour mener l'enfant, mener l'être, mener l'adolescent dans le monde. L'aider à ouvrir des portes, à être débrouillard, à voyager, faire des choses comme ça. Et moi, j'ai rencontré deux jeunes femmes. C'était des jumelles. Elles s'appelaient Caroline et Juliette. Et elles ont vraiment joué ce rôle-là pour moi à cette époque. Et ça a été incroyable. On est parties en rando. On a appris à pêcher, à découper du poisson, à faire un feu. Et je leur serai toujours reconnaissante. C'était des filles de maçons. Elles savaient chasser, elles savaient faire toutes ces choses que les hommes aussi font. Je ne sais pas comment dire, c'était deux jumelles dans un milieu assez macho de chasseurs et de maçons. Et elles ont été un peu élevées comme des garçons. Et donc elles avaient des facultés que moi je n'avais pas du tout en vivant dans un milieu de femmes. Et ça m'a fait du bien aussi, de voir cette virilité chez une femme et de le... que ma mère portait, je veux dire, quand on est obligé de faire un peu le père, quand on est mère de quatre enfants. Mais je veux dire, c'était incarné différemment chez elle. Et c'était fou, quoi. On peut se... C'est beaucoup plus ancré chez moi, le sentiment que je peux vraiment faire ma vie toute seule, quoi. C'est comme si d'être contre-femme, ça donnait une autonomie. Bon, je me sens très incapable à plein d'endroits, mais je veux dire, j'ai jamais pensé dans ma vie qu'en fait, un homme pourrait m'aider. En fait, une sorte d'autonomie intérieure, en tout cas, et matérielle, parce qu'on se débrouille, en fait. Et puis, on vaut aussi bien qu'eux. Et être avec des femmes, oui, mais c'est quelque chose.

  • Speaker #0

    Et quels liens vous avez aujourd'hui entre soeurs ? Parce que quatre soeurs, c'est quand même... Oui,

  • Speaker #1

    c'est tout le temps. On a des liens. C'est énormément disputé parce que le climat familial n'était pas toujours agréable. Et voilà, on a une très belle complicité avec des hauts et des bas. Mais... Voilà, c'est des sœurs pour la vie. Et puis, oui, tout ce lien, la féminité, toutes ces choses. Je ne sais pas comment dire, dans une maison, d'avoir nos lunes, nos règles. Je ne sais pas ce que ça m'apporte. Je ne me rends pas compte parce que c'est...

  • Speaker #0

    Vous avez quand même quelque chose qui vous lie. C'est forcément votre mère, mais aussi toute cette partie créative, artistique. Donc toi, tu as choisi la photographie. Comment ça s'est imposé à toi ?

  • Speaker #1

    Je me souviens très bien qu'à 8 ans, on dit souvent que c'est la naissance de la vocation pour l'être et que ça va un peu déterminer ce qu'il va faire dans la vie. Ou alors une envie, une ambition, un rêve, je ne sais pas comment dire. Et moi, c'est vrai que je voulais être liée aux animaux. Alors j'ai super peur. Je ne peux pas supporter ça, les chiens, les chats, tout ce monde animal. Ce qui est incroyable et sublime. et qui a une grande valeur, mais je veux dire, j'en ai tellement peur, et c'est tellement inconnu pour moi que j'ai du mal à imaginer qu'est-ce qu'il y avait... De comprendre en fait qu'est-ce que ça incarne d'être un photographe animalier ou même, je me souviens, je voulais être zoologue. Qu'est-ce que ça veut dire en fait ? Qu'est-ce que ça veut dire ? Voilà, si vous comprenez, peut-être. Je sais pas. Mais oui, la photo c'est important pour moi, c'est spécial. Tout le monde en fait aujourd'hui, surtout dans ce monde de l'image, c'est presque... étrange d'être un photographe et d'en vivre. Parce que l'image nous échappe complètement, même le métier de photographe qui est tellement vulgarisé. C'est incroyable ce qu'on peut faire. Mais bon, je m'accroche à continuer d'essayer de traduire une certaine beauté. Je pense que l'art, c'est une responsabilité et que les images que je crée, je ne les crée pas au hasard et elles ont une importance déjà pour moi, mais aussi... Je trouve important de laisser quelque chose de beau dans ce flot. Bon, voilà, peut-être que certaines personnes trouvent ça moche, quoi. Mais je veux dire, comment dans la démarche, dans la lumière, j'essaye de... C'est pas que je crée du beau, mais en tout cas quelque chose qui est à la limite de... Entre la poésie et quelque chose d'un peu sacré, quoi. Parce que tout ce qui va nourrir ma photographie... Ça vient de quelque chose qui est beaucoup plus grand. J'ai des images...

  • Speaker #0

    Pourquoi par la photo ? Et pourquoi ça ne s'est pas fait par le champ ?

  • Speaker #1

    J'aurais aimé, j'aurais aimé. Maintenant, je me dis, oui, oui, oui, j'aurais aimé. Je ne sais pas. C'est un choix.

  • Speaker #0

    Vous venez avec un premier appareil photo ?

  • Speaker #1

    Oui, oui, je me souviens qu'à 15 ans, c'était mon grand-père, oui. C'est Pépé qui m'a donné son appareil. Et j'ai fait des photos toute ma vie avec. J'ai commencé très naïvement à photographier mes petites sœurs en noir et blanc. Toujours en argentique. Et ça fait seulement quelques années que je fais du numérique, mais je ne sais pas. L'image, le fait de capter quelque chose et de pouvoir après le contempler. Et surtout les visages, parce que je n'ai vraiment pas fait des photos animalières. Et ça, je ne sais pas, ça s'est fait naturellement. Ça s'est fait naturellement. C'est vrai que j'aimerais tellement être chanteuse. Je vois tous ces métiers incroyables, faire de la harpe ou alors être guide de haute montagne. Je ne sais pas pourquoi j'ai choisi ça. C'est pas le meilleur truc pour moi, mais maintenant, je m'en arrange. Et puis, j'ai du plaisir aussi.

  • Speaker #0

    Mais qu'est-ce que tu penses que tu vois que les autres ne voient pas ?

  • Speaker #1

    Non, rien du tout, rien du tout. Oui,

  • Speaker #0

    mais justement, aujourd'hui, on peut tous faire des photos avec l'iPhone.

  • Speaker #1

    C'est vrai, c'est pas... Peut-être que c'est un style qu'on a à force de travailler. Ça fait tellement longtemps que j'en fais. Et encore, j'ai tellement de lacunes. Mais moi, j'ai un intérêt pour la lumière, pour les visages. C'est une ambiance, en fait. Des ambiances peut-être que j'avais vécues en étant enfant, des ambiances que j'ai vues parce que j'ai vu tellement de films, j'ai étudié le cinéma pendant longtemps. Et puis qu'est-ce que ça raconte en fait ? Cette lumière, l'ambiance en fait. C'est transmettre une ambiance. Mais oui, ça aurait pu être autre chose. Mais je pense que les qualités qu'il y a dans la photo, dans mes photos, elles pourraient, si je les transposais ou si je les transformais, elles pourraient aller... dans la poésie, dans le chant, dans quelques gestes de danse. Et puis toutes ces choses nourrissent mes créations. J'aime autant chanter que... J'aime même plus chanter, c'est encore plus vivant pour moi que de faire de la photo.

  • Speaker #0

    Voilà.

  • Speaker #1

    Et qu'est-ce que tu as appris à l'école... Non, c'est ça l'école...

  • Speaker #0

    L'école de photographe.

  • Speaker #1

    L'école de photographie. Est-ce que tu penses qu'on doit vraiment passer par ce cas de l'école ? Ou est-ce qu'on peut être photographe de manière autodidacte ? Oui,

  • Speaker #0

    oui, oui.

  • Speaker #1

    Qu'est-ce que ça t'a apporté ? Quel a été le plus de cette formation, de ce parcours ?

  • Speaker #0

    Je dirais que, oui, les rencontres, c'est sûr qu'on se crée un réseau et puis il y a des belles amitiés. On est là-bas pendant trois ans. Ce n'était pas que facile, mais... Il y a des gens merveilleux, je veux dire, comme partout sur Terre, mais c'est surtout le fait d'être au soleil. Et puis, c'est une école qui était, à mon époque, assez formidable parce qu'elle proposait, elle doit le faire toujours, mais elle proposait une sorte de liberté de la création. Je ne sais pas comment dire. Je n'ai pas toujours trouvé ça juste vrai, mais je veux dire, une liberté dans la création et dans le... Surtout le sentiment d'avoir du temps pour pouvoir se... chercher pour pouvoir se trouver, pour pouvoir faire des erreurs. C'était comme pour moi trois années d'exercice. Je me suis exercée à la photographie, tout était disponible, des numériques, de l'argentique, d'une très grande qualité, avec une équipe technique incroyable qui vous aide à réaliser, à comprendre ce que vous cherchez dans une image. Et c'est vrai que la présence d'une équipe avec des compétences techniques, c'est vraiment très important pour la photographie. pour qu'elle soit juste, pour qu'elle puisse répondre à nos besoins vraiment, nos envies. Quel est le meilleur appareil adapté ? Quelle lumière ? Quel soufflet ? Quel objectif ? Quel bain ? Quelle chimie ? Je ne sais pas. Et voilà, c'était vraiment de pouvoir avoir du temps, de n'avoir à faire que ça en fait. Et c'était vraiment une chance, parce que c'est une école qui est aussi publique, et sur concours, donc c'est incroyable.

  • Speaker #1

    Et dans le cadre de ces études-là ? Tu as fait une exposition, je crois, tu sais, en Martinique.

  • Speaker #0

    Ah oui, non, oui, oui, oui. En fait, l'école a créé un partenariat avec Kickstarter. Et il s'agissait de créer un projet, créer une histoire et de la proposer à l'école. Et puis Kickstarter, avec certains des responsables, choisissait, sélectionnait. On a été cinq, je crois, à être sélectionnés. pour nos projets et puis pour... Ils nous ont aidés à les mettre en œuvre, c'est-à-dire que... À les financer ? Voilà, c'est ça. Alors, c'est ça, parce que c'était la création d'un financement participatif, donc il fallait créer un projet de A à Z, avec des cadeaux à la clé, mais aussi une exposition. Et puis, alors, mon projet, c'était de partir en Martinique, un peu sur les traces. de mon père et de moi-même. C'était une quête racinaire, comme je pourrais dire, à mes 29 ans, je crois. Je suis partie là-bas et j'ai eu la chance d'être sélectionnée. Et ça a été une de mes premières fois. J'étais certainement partie plus petite, vraiment enfant, en Martinique, avec mon père et j'en ai très peu de souvenirs. Donc c'était d'y partir de manière consciente et puis de faire ce chemin vers soi, vers lui, vers ma négritude. Et évidemment, j'avais lu...

  • Speaker #1

    À travers la photo.

  • Speaker #0

    Tous ces poètes. À travers la photo, c'est un bon prétexte. Et je n'en ai pas fait assez à mon goût parce que ça a été un voyage assez difficile.

  • Speaker #1

    Finalement, à 29 ans, il y a cette quête identitaire qui revient. Je viens d'où ? Donc, ton père a des origines antillaises, de Martinique. Est-ce que c'est quelque chose qui t'a toujours... T'as toujours voulu aller en Martinique depuis que t'es petite ? Est-ce que tu avais des liens quand même avec des grand-mères là-bas ? Qu'est-ce qui t'a donné envie d'aller connaître justement d'où tu venais, tes racines ? Je sais que tu disais souvent ça, où tu avais une adoration pour les cheveux lisses, pour les yeux clairs. Et en plus, justement, à la télévision, dans les séries, etc., c'était plutôt des personnes blanches qui étaient mises en avant et rarement métisses. Donc, est-ce que tu as grandi en rêvant d'être européenne, enfin blanche ? Aujourd'hui, tu es justement grâce à ce voyage aussi et cette quête, tu es fière de tes racines.

  • Speaker #0

    Oui, c'est une très bonne question. Oui, absolument. C'est horrible parce que j'ai même troublé, j'ai abîmé, je pense, même ma conscience, mon âme. Parce que le soir, avant de dormir, je me faisais des images, des scénarios de moi dans une vie meilleure. Et j'avais oublié. Et j'étais blonde, en fait. J'étais blonde avec des cheveux lisses. Et c'est peut-être en ça que la télévision m'a fait du mal. Et comme notre mère était blanche, on n'avait pas ce modèle, ce modèle quand le parent qui est métisse n'est pas là, qui est black. Je ne sais pas, on n'avait pas de référence. J'ai très peu vu ma famille, mais je connaissais un peu mes cousines, une tante, comme ça. Mais je veux dire, c'est une goutte d'eau dans la vie, dans ma biographie. Donc oui, voilà, cette quête racinaire. Et évidemment que ça a changé ma vie. Ça a été assez douloureux, mais ça a été vraiment... J'ai vraiment changé. Même si les transformations sont très lentes. J'ai libéré quelque chose de mes cheveux, de ma peau, de mes seins. Ça a été vraiment...... Ça a été...

  • Speaker #1

    Est-ce que c'est le fait d'arriver là-bas et de voir qu'il y a des personnes finalement auxquelles tu ressembles ?

  • Speaker #0

    Absolument, c'est exactement ça.

  • Speaker #1

    Et de pouvoir être beauté à l'extérieur, de dire que tu l'as à l'intérieur et que tu la représentes aussi ?

  • Speaker #0

    C'est toujours pas si facile aujourd'hui. On a toujours envie d'avoir des cheveux qui tombent jusqu'aux pieds et qui soient raides. Mais oui, c'était de voir la beauté, en fait. Tout ces... Toutes ces femmes, tous ces hommes, je veux dire, ils sont superbes. Et je leur ressemble à un endroit, vraiment. Et vraiment, je pense que de mes trois sœurs, quatre sœurs, je suis certainement la plus martiniquaise.

  • Speaker #1

    Pourquoi ? Sans plus martiniquaise ?

  • Speaker #0

    Je me sens physiquement, ce que je trouve dans les visages que j'ai vus, le nez, la bouche, les yeux, l'attitude, même intérieurement, je sais pas. C'est quoi d'être martiniquais ? Je ne sais pas, c'est une espèce de feuille de nonchalance, de texture, d'ambiance, je ne sais pas, c'est peut-être l'âme. Tâche de rousseur, je ne sais rien. Je ne sais pas, peut-être parce que je ressemble à mon père, mais en tout cas, ça a été très libérateur. Et heureusement que j'ai fait ce voyage, parce que j'ai beaucoup changé depuis. En tout cas, à l'intérieur, c'est... Ça m'a permis, je pense, de vraiment me mettre sur le chemin d'amour pour moi-même. Je veux dire, c'est le début. Et c'est vrai que je ne sais pas qui j'étais avant pour avoir été aussi loin de moi. Donc, je remercie cette île de m'avoir accueillie pendant quelques mois. Et voilà, je vais y retourner. C'est encore un peu indigeste, mais parce qu'il s'est passé des événements là-bas et parce que ça a été tellement difficile d'être sur cette île sans mon père. Parce que j'aurais aimé comprendre au travers de lui, avec lui en fait. J'ai compris avec son absence, mais j'aurais aimé qu'il soit là.

  • Speaker #1

    Comment il a réagi quand tu lui as dit que tu partais en mars ?

  • Speaker #0

    Je crois qu'il était très angoissé. Je ne sais pas s'il y a des secrets de famille ou quoi, mais ça l'a angoissé.

  • Speaker #1

    Et les photos que tu as décidé de prendre là-bas, tu avais un thème particulier ?

  • Speaker #0

    Non, j'ai souvent besoin de visages et de nature. Et ce n'était pas facile parce que je n'avais pas d'amitié là-bas. Et donc de demander à des inconnus... Je veux dire, je n'étais pas dans le cadre d'une résidence. C'est moi qui inventais cette résidence. Et c'est là où ça a été difficile. Et au bout d'un moment, les paysages, on a envie de... De visage, donc après de longues journées sur les plages à chercher des visages. Il y en avait peu qui acceptaient en fait, c'est bizarre. Et sinon j'ai eu quelques belles images quand même. Un portrait que j'aime beaucoup, dans un crépuscule rose, et ça très reconnaissante de ce jeune garçon qui a accepté. Il sortait de l'eau, mais ouais. Donc peu heureuse du travail que j'ai. que j'étais censée apporter, rapporter. Voilà, c'est pour ça qu'il faut que j'y retourne.

  • Speaker #1

    Donc finalement, cette quête, elle est perpétuelle.

  • Speaker #0

    Elle est perpétuelle, peut-être. On cherche ce qu'on n'a pas. On verra, on verra.

  • Speaker #1

    Et après, tu as eu l'occasion de faire d'autres photos ?

  • Speaker #0

    Eh bien, oui, oui. Ces derniers temps, j'ai beaucoup travaillé. J'ai fait beaucoup plus de commandes, en fait. J'ai vécu un deuil qui m'a... qui arrivait au moment du confinement et qui m'a... dont je... qui a un peu glacé mon énergie de... non pas de mon énergie mais qui a un peu glacé ma création. Et depuis j'ai du mal à retrouver cette soif et cette... Alors je fais beaucoup de commandes et ça me fait très plaisir parce que la commande elle a quelque chose de l'injonction et en même temps il y a toute une partie création de... On demande telle chose, tel cadrage, mais en même temps, c'est ma patte à moi. J'imprime ma marque et donc c'est très rassurant pour moi dans ces circonstances où la création est beaucoup plus difficile. Je veux dire pure, la création pure. Et je travaille comme chargée de com'dans un lieu qui forme de formation artisanale, pédagogique et artistique. Et j'ai la chance de réaliser beaucoup, beaucoup d'images pour ce lieu et d'être beaucoup plus détachée parce que c'est en mon nom, mais c'est surtout au nom de la structure. Et voilà, c'est beaucoup plus léger. Mais voilà, je fais beaucoup d'images. d'affiches, de photographies, de posts, de choses comme ça.

  • Speaker #1

    Et qu'est-ce que tu dirais à un artiste qui traverse une période de deuil, justement, dans sa phase de création ?

  • Speaker #0

    Je trouve que la création, elle est tellement intime à la personne que j'aurais rien à dire. Mais si je peux parler de mon expérience, c'est que les épreuves, c'est malheureux, mais elles deviennent un vrai terreau, en fait, pour l'être. Et pour la vie en fait, je ne souhaite à personne de vivre des douleurs, mais je crois qu'on ne peut pas y échapper. Et que le temps fait bien souvent que quelque chose peut refleurir à un moment. Et la transformation d'une souffrance en un geste de création, je crois que c'est ce qu'il y a de plus beau. C'est ce qu'il y a de plus beau, et c'est les plus grandes œuvres, et c'est les plus beaux poèmes, et c'est quand l'être peut toucher à quelque chose qui est très profond, et très lumineux, et qui est au-delà de l'envie de la reconnaissance, au-delà de l'égoïsme.

  • Speaker #1

    Mais c'est transformer le plomb en or ?

  • Speaker #0

    Certainement, certainement, mais on ne sait pas quand ça arrive. Je veux dire, on ne peut pas se dire, bon, je vais transformer cette bonne petite souffrance après le...

  • Speaker #1

    Oui, mais comment tu sais que justement ça se transforme et que ça prend une autre forme ? Tu le ressens dans ton corps, tu le ressens dans tes penses, tu le ressens... Est-ce que ça se matérialise aussi dans ton quotidien où tu vois les choses différemment, où tu commences à comprendre ?

  • Speaker #0

    Oui, je pense qu'il y a un moment qui est un peu libérateur. De toute façon, il faut du temps et c'est un processus. Il y en a qui ne s'en remettent jamais, je veux dire, des drames. Et c'est comme ça. Mais oui, on peut le ressentir dans la tête, dans le cœur, dans une nouvelle mobilité, une nouvelle respiration. Surtout un désir qui ressurgit, quoi. Et qui appelle, et c'est comme si, à nouveau, on avait des forces fraîches et qu'elles étaient à nouveau disponibles parce que... Parce que quelque chose avait pu se transformer. Moi, je ne sais pas, je ressens ça comme les saisons. Cette espèce de... Oui, c'est ça, les choses, les pommes qui tombent au sol et qui pourrissent. Et qui viennent nourrir la terre. Les saisons qui passent, le sol qui est gelé. Et toute cette vie qui se prépare dans la nuit de la terre, en fait. C'est fou, cette saison qui est l'hiver. Et c'est vraiment ça, un deuil, en fait. Très cliché, mais c'était absolument vrai. C'est absolument vrai. C'est vraiment de descendre dans les profondeurs et d'essayer d'être seule. On est seule, on est sous-seule, et en même temps, quelque chose doit survivre jusqu'au prochain printemps. Donc,

  • Speaker #1

    le deuil dont tu parles, c'est celui de ta mère. Et t'avais 30 ans, non ? Quel âge t'avais ?

  • Speaker #0

    Oui.

  • Speaker #1

    Comment on fait quand on perd sa mère à 30 ans ? Comment tu l'as vécu tout ce processus ? Si tu peux le partager et que ça peut surtout aider d'autres personnes. Déjà, il y a eu la maladie, il y a eu l'annonce. Vous êtes quatre sœurs. Je suppose que l'une n'a pas vécu le même événement de la même façon. Mais en tout cas, toi, déjà cette annonce de maladie, qu'est-ce que tu ressens ? Est-ce que c'est de la colère ? Est-ce que c'est de la... de la haine ? Est-ce que c'est de l'injustice ? Est-ce que c'est, ok, on va être soudés justement, on est un clan ? Et comment ça se passe en fait, pour toi ?

  • Speaker #0

    Oui, c'est très juste en fait. On a beau être de la même famille, être des sœurs, mais la biographie est complètement différente. Et la manière de vivre un deuil l'est aussi, et l'est encore plus. C'est difficile de replonger là-dedans. Je ne sais pas si j'ai envie. Sans les résistances, je n'ai pas envie du tout. Mais c'est sûr que quand on apprend une chose pareille, le monde s'effondre. C'est très bizarre. Je sais pas, c'est comme si dans ma vie, le cancer c'était quelque chose pour les autres. Évidemment, on peut pas imaginer que sa mère développe un cancer comme ça, si sourd, si agressif. Oui, et puis certainement qu'on était aussi dans le déni. Je veux dire, il a dû y avoir des signes. Et je ne me souviens pas. Et ça a été très, très difficile. Et puis c'était assez court, je crois. Ça a duré deux ans à peine de maladie, ce qui est déjà très, très long, je veux dire. Affreusement long de souffrir deux ans. Quelle force. Et en même temps... Je sais pas. C'était une période où j'étais quand même assez en colère. Mais ça m'a permis de développer un lien beaucoup plus tendre, de l'accompagner à ses chimios, tout ça. Je me rendais compte de sa fragilité, quoi. même temps parfois on oubliait complètement et on continuait. Je trouve que j'ai manqué de... j'ai manqué de... de religion, je sais pas comment dire, cette manière de se relier à elle en fait, à cet endroit là de soin et en même temps... Et en même temps, voilà, on l'a accompagné jusqu'à ses derniers jours et ça a été... C'est bizarre parce que je me souviens quand j'étais assez jeune, je sais pas si tu te souviens aussi, il y avait ce film, un film américain avec... Julia Roberts et Ma pire ennemie ou Ma meilleure ennemie c'était un film qui m'avait vraiment fait beaucoup beaucoup pleurer J'étais jeune quand je l'ai vue. C'était l'histoire d'une femme qui avait deux enfants et qui se savait malade. Elle savait qu'elle allait mourir. Je ne me souviens plus, mais en substance, une femme est rentrée dans sa vie et elle a un peu joué les rôles de nounou pour accompagner ses enfants pendant que la maman était malade. Je me souviens d'une scène où les deux enfants sont sur leur lit et... pleurent parce qu'elles refusent que leur mère meurt ou ils pleurent parce que leur mère est morte. Et j'étais petite, enfin jeune, assez jeune, ça m'avait serré le cœur parce que je m'imaginais avec mes soeurs et je me disais mais si nous, on perdait notre mère, comment on s'en sortirait jamais ? Et je ne sais pas, je nous imaginais orphelines comme ça. Donc en fait, c'est vraiment ce qu'on a vécu les derniers jours. Ma maman, elle avait un appartement tout petit et on s'est tout réputé. plus j'y ai là-bas, parce qu'on ne dormait pas avec elle quand elle était à l'hôpital. Je veux dire, elle a passé ses derniers mois à l'hôpital et on ne dormait pas toujours là-bas, quoi. Donc on dormait dans son appart. Et puis il y a des nuits, plus l'échéance se rapprochait, et je me souviens, toutes les quatre dans un lit, à pleurer, c'était désespérant. Et puis de vivre la scène que j'avais tant redoutée, enfant ou adolescente, je ne sais plus. Oui, c'est difficile. Et en même temps, quand la souffrance est trop grande comme ça pour un être, on a hâte que tout s'arrête, pour elle, pour nous. Et qu'un grand silence se fasse, quoi. Parce que c'est quelle épreuve ? Voilà. Bon, je sais pas. Et aujourd'hui, le lien, il est mystérieux, parce qu'elle est très présente et que ça devient... Oui, je dirais que c'est comme un guide. On lui pose des questions. Je trouve que la manière dont on la fait le mieux vivre, c'est quand on l'imite, dans ses moments de bonheur, dans les mots qu'elle disait. C'est la manière de... Elle est vraiment en nous, dans ces moments-là. dans l'imitation, les souvenirs qu'on ranime. Voilà, et là, bon. Et on a fait de sa tombe un jardin, parce qu'on n'avait pas beaucoup d'argent, de toute façon. Pas d'argent pour mettre du marbre. Et puis on n'avait pas envie, on n'avait pas envie. Et ma mère aimait la nature, et pour moi c'était évident, en fait, que ce soit un jardin, un potager, n'importe quoi. Donc on... Je vais sur sa tombe. Je crois que je suis la seule à y aller. Pour moi, c'est mon petit jardin. J'ai planté du thym, du romarin, des roses, des glaïeules, de la menthe. Je ne sais même plus. Il y a plein de choses qui poussent aussi. Les pissenlits, toutes ces fleurs des champs.

  • Speaker #1

    Tu as eu des rituels qui t'ont aidé aussi ? Tu sais, à rendre aussi... C'est très tabou aussi la mort dans notre société aujourd'hui. On ne s'est jamais déjà posé les bons mots et accompagné. Mais on parle souvent du rituel, de justement prendre le temps, même si elle est tout le temps avec toi, que tu la sens présente et que tu vas la faire revivre déjà par la personne que tu es. Mais est-ce que tu as eu des... Est-ce que te recueillir effectivement sur cette tombe que tu as transformée en un lieu qui est beau ?

  • Speaker #0

    Oui, oui. Surtout les premières années, on l'a accompagné au-delà du seuil. Et après, c'est vrai que moi, j'ai la conviction que la famille est bouddhiste. Je suis attachée à toutes les images de la réincarnation et de l'âme qui fait son chemin sur terre et qui prépare une autre vie. C'est une évidence et ça l'a toujours été pour moi. Il y a aussi quelque chose qui n'est pas que triste dans cette fin. Ça m'a permis d'ouvrir des images beaucoup plus grandes sur les questions de karma, sur les questions de vie après la mort. C'est comme un être qui, pour moi, fait son chemin et avec lequel je peux rentrer en dialogue. Déjà intérieurement et par des images ou des rêves en fait. C'est vrai que les moments importants comme son anniversaire ou la date de sa mort, on n'a jamais pu se réunir encore avec les sœurs. Et je trouve que c'est vraiment dommage parce que je pense que l'être se penche vraiment dans ces moments-là. Quand c'est Noël, quand c'est les jours de notre naissance, tout ça. Je pense que tout est prétexte à penser. Et je ne sais pas si j'ai des rituels, mais j'ai des choses, oui, bien à moi que je ne veux pas livrer comme ça, parce que c'est très intime. Mais en tout cas, j'aime lui faire des hôtels. J'adore mettre son image et je change les photographies, les pierres qui sont à côté d'elle, les fleurs. Et c'est comme un monument aux morts qui est dans ma chambre constamment et qui... se métamorphose au fil des saisons.

  • Speaker #1

    Et tu as aussi ces fameuses photos qui ont été exposées au parc de la Villette.

  • Speaker #0

    Oui, j'ai une série où quand j'ai étudié à Arles, j'ai réalisé mon diplôme et dans les images que j'ai créées, j'ai souhaité rendre hommage à un poème de César Pavès. qui s'appelle Été dans son recueil Travailler fatigue comme le sucre des fruits tombés en ce temps-là. Et ça parle vraiment de l'été, de cette chaleur, de la mélancolie. Et donc, dans cette série, il y a la main de ma mère qui cueille comme des baies des fruits empoisonnés. C'est dans un petit arbre qui s'appelle le sorbier, un sorbier des oiseaux-leurs. Et donc je trouvais que cette image, c'était quelques temps avant sa mort, et je trouvais que cette image était très forte parce qu'elle a l'air très naïve, dans un soleil éclatant, une main qui cueille des fruits qui sont en fait... Et donc il y a quelque chose d'un peu tragique aussi dans se nourrir et mourir.

  • Speaker #1

    Mais qu'est-ce que tu ressens, toi, quand tu vois toutes tes photos à toi ?

  • Speaker #0

    On se dit qu'on est chanceux que nos images prennent de la place dans l'espace, en fait, sur la Terre et en dehors de nos journaux, de notre ordinateur, et que c'est fait pour ça, en fait. Et surtout, la manière dont elles ont été exposées, être à l'extérieur, dans un jardin, des miroirs... dans la nature, je trouve que c'est vraiment leur mission.

  • Speaker #1

    Et tu as eu des retours ?

  • Speaker #0

    Oui, je crois que ça a beaucoup plu et j'en suis assez heureuse. Parce que des fois, je les regarde et elles me touchent. Et puis des fois, on ne se supporte plus. Et puis on se trouve que c'est tellement naïf. Et on se dit, mais il y a tellement de choses, il faut aller beaucoup plus loin. Mais bon, écoute, c'est bien. Je suis heureuse qu'elle migre jusqu'à Nantes, pour tous ceux qui ne connaissent pas ces images. Et puis, j'ai vraiment hâte maintenant de... d'ouvrir un nouveau projet. Et donc, je prépare, justement, une nouvelle exposition qui va s'intituler... Alors, ça devait s'appeler Terrienne. C'est un projet qu'on a écrit avec mes sœurs au lendemain de la mort de notre mère et que je souhaiterais appeler autrement. J'ai pu, il y a quelques mois, rencontrer une artiste électro formidable qui s'appelle Maude Geffray, avec... avec qui on a décidé de participer à un appel à projet. Et donc, on a travaillé ensemble sur le deuil. Et le nom de notre travail était The Garden of Love. Et ça vient d'un de ses morceaux. Et c'est complètement... Et je trouve que ce titre est complètement approprié parce qu'il parle de cette histoire de deuil, de jardin, de beauté. de métamorphose. Je ne l'ai pas encore demandé, mais j'aimerais poursuivre ce travail, bien sûr, mais avec ce nom.

  • Speaker #1

    Et avec tes sœurs aussi ?

  • Speaker #0

    Elles seront absolument. Je ne sais pas si ça prendra la forme d'une création plus grande de chorégraphie, de chant. En tout cas, ça va déjà devenir de la poésie, de l'écriture et des images. Je vais commencer cet été.

  • Speaker #1

    C'est magnifique. Tu vas faire quoi cet été ?

  • Speaker #0

    Cet été, je vais réaliser quelques portraits. Les premiers portraits de ma grande sœur Estelle. Et peut-être des auteurs. Je ne sais pas. On va déjà voir. Peut-être avec Céline.

  • Speaker #1

    Ça va être un lien avec vous ?

  • Speaker #0

    Oui. Ça parle vraiment de quatre sœurs en deuil. Ça va être des images. Je me vois, je vois. Oui, j'ai des images. Je ne vais pas les dévoiler tout de suite.

  • Speaker #1

    Je t'imagine déjà.

  • Speaker #0

    Oui, oui. Et puis, ça a été écrit en 2021.

  • Speaker #1

    Vous réussissez à faire quelque chose de magnifique ?

  • Speaker #0

    Alors, je ne sais pas, j'espère que ça va l'être. En tout cas, ce sera notre image et ce sera ce qu'on peut faire du mieux qu'on peut. Et c'est des images intérieures qu'on essaye de faire jaillir à l'extérieur. Et ça parle de tout ce qui se passe à l'intérieur.

  • Speaker #1

    Merci pour ton entier.

  • Speaker #0

    Merci Ariane, merci beaucoup

  • Speaker #1

    Est-ce que tu as envie de partager en tout cas quelque chose que tu n'aurais pas pu dire dans ce podcast, dans cet échange dans cette conversation très intime peut-être un message clé que tu as envie de délivrer par rapport à ce que tu observes, ce que tu vis en ce moment ou alors un mot, une chanson pour faire plus simple

  • Speaker #0

    Je ne sais pas En tout cas, peut-être une envie de me souhaiter d'avoir des enfants et d'essayer de leur transmettre l'envie de créer et de liberté, et puis de les emmener en Martinique. Ce sera bien. Ils seront un peu flisés, je pense. De pouvoir être un gardien et de pouvoir transmettre. et de protéger tant qu'on peut les âmes des images qui pourraient détruire. Il y en a beaucoup, beaucoup maintenant sur la Terre. Je pense qu'il faut vraiment être armé maintenant pour naître dans ce monde et parvenir à avoir une vraie vie intérieure avec des images qui portent des forces vertueuses. Et je crois que c'est l'enjeu d'aujourd'hui.

Description

J'invite Aude Carleton, nous abordons ensemble le regard qu’elle pose sur l’image en tant que photographe, la quête de ses origines, des anecdotes d’enfance touchantes. Aude nous partage en deuxième partie d’épisode le témoignage intime et douloureux du deuil de sa maman qui fera naitre un nouveau projet artistique : " the garden of love ".


Hébergé par Ausha. Visitez ausha.co/politique-de-confidentialite pour plus d'informations.

Transcription

  • Speaker #0

    Bonjour à tous, je m'appelle Ariane, je suis thérapeute et je propose Hypnose et Conversations Thérapeutiques, un podcast où j'explore différents angles de vue et de vie. Je crois profondément au pouvoir libérateur de la parole, de l'écriture, de la relation, du lien et des histoires qui nous sont racontées. Je propose cette série d'épisodes pour mettre en avant des gens ordinaires et pourtant au parcours complètement extraordinaire. C'est absolument... sans filtre, authentique, comme si vous preniez un café à nos côtés. Bonne écrite. Bonjour à tous, pour l'introduction de cet épisode, j'ai envie de commencer par vous poser une question, entendue dans une conférence de Jacques Seguéla, qui est un grand publicitaire sur l'intelligence émotionnelle. Est-ce que vous savez ce que devient la neige lorsqu'elle fond ? Les plus rationnels d'entre vous répondront, bah oui, de l'eau. Et les plus créatifs d'entre vous répondront, peut-être, sûrement, le printemps. Je vous propose donc une conversation avec mon invité Aude, dont la créativité et la sensibilité ne sont plus à démontrer. Nous abordons ensemble la quête de ses origines, des anecdotes d'enfance touchantes, le regard aussi qu'elle pose sur l'image en tant que photographe. Aude, en deuxième partie des épis... d'épisodes nous partagent aussi le témoignage intime et douloureux du deuil de sa maman à seulement 30 ans qui fera naître aujourd'hui un nouveau projet artistique alors je la remercie infiniment pour son temps pour ses confidences qui peut-être vous inspireront. J'ai créé cette série d'épisodes pour montrer et rappeler à quel point l'extraordinaire est déjà autour de nous il suffit de poser un regard curieux et d'avoir une écoute attentive à celles et ceux qui nous entourent à travers leur vécu, leurs histoires, pour simplement le remarquer. Une seule façon pour vous de soutenir mon travail et la création de ces épisodes, c'est de laisser un avis ou une note ou tout simplement de vous abonner sur les plateformes d'écoute de votre choix. Je vous remercie infiniment pour votre soutien et je vous souhaite une très très bonne écoute. Je lisais dernièrement dans un ouvrage de Jean-Luc Thiement, psychopédagogue et thérapeute, que le capitalisme est une économie qui est fondée sur la consommation, la jouissance et le profit. Ce type d'économie est à moyen et à long terme destructrice de l'humanité et de la planète. Quand cesserons-nous de nous laisser berner par ce mythe de la croissance qui va toujours tout résoudre ? Nous sommes en train de perdre l'humain, il n'est plus au centre des préoccupations des politiques et des dirigeants des leviers de ce monde. Le règne de l'image et du virtuel... contribue à enfermer les humains dans un individualisme dévastateur et ceci oublie que la survie de l'espèce humaine repose pourtant sur la solidarité et non sur la compétition. On fait face à une immaturité psychique de plus en plus criante. Notre société favorise-t-elle le désespoir, l'addiction, la dépression ? Pousse-t-elle vers la maladie plutôt que de favoriser le lien ? J'écoutais dernièrement une psychologue clinicienne, Marie-Estelle Dupont, dire que l'enfant est un être d'affect. Un être de récits, de narration et de créativité. Or, si on le met derrière des écrans, dès son plus jeune âge, ça va être ô combien difficile pour lui de cultiver ses ressources intérieures, sa créativité, son imagination, qui lui permettent d'avoir confiance en lui. Réinvestir ce qui correspond à notre nature d'être humain, c'est d'abord des liens. La survie de l'espèce dépend des liens affectifs. Réinvestir les liens, et pas à travers les écrans, ça maintient la santé mentale. Apprendre maintient la santé mentale, notre cerveau. et fait pour être utilisé. Des liens, nous en avons un en particulier puisque nous sommes cousines, nous partageons donc de nombreux souvenirs d'enfance bien précieux à nos yeux. On se retrouvait, on imaginait, on créait, on faisait des spectacles, on dansait, on chantait, on jouait, on faisait de délicieuses citronnades. On avait même réussi à créer une fausse émission de radio qui s'appelait Réconcilia Bulle car on voulait réconcilier les gens entre eux. On a grandi dans un univers artistique, ta maman chantait, peignée, cuisinée divinement bien. Tu fais partie d'une famille nombreuse, tu as trois sœurs, elles aussi talentueuses, Estelle qui est danseuse, chorégraphe, Léna, étudiante au Beaux-Arts de Paris et Amandine, jeune architecte. Et toi, Aude, tu es aujourd'hui photographe, diplômée de l'École Nationale Supérieure de la Photographie d'Arles. Tes différents projets artistiques ont été reconnus pour être partagés au plus grand nombre, notamment pour être exposés dans les aéroports de Paris, au sein du parc de la Villette. et tu as été aussi finaliste de concours reconnus dans le domaine. Je te perçois comme quelqu'un de très sensible, mais aussi avec un feu intérieur très très puissant, qui laisse pas indifférent. Quand je regarde tes photos, donc ton travail, je me dis qu'à travers ton art, ton imagination, ton regard, ton univers, ton histoire, finalement la personne que tu es, tu arrives à capter, tu sublimes, tu racontes. Alors la première question que je pose à chacun de mes invités pour cette série d'épisodes, et souvent de revenir sur l'enfant que tu étais pour mieux comprendre celle que tu es devenue aujourd'hui. Alors la petite Aude, elle aimait quoi ? Elle rêvait de quoi ? Qu'est-ce qui l'inspirait ? Pour faire simple, à quoi ressemblait ton enfance ?

  • Speaker #1

    Bonjour Ariane, merci pour cette introduction. Si j'essaie de plonger dans ma biographie et de ressentir l'enfant que j'ai été, j'ai des images, des images qu'on a partagées ensemble, et je me vois, je ne sais pas comment dire, c'est plutôt que je ressens un sentiment intérieur. Je peux sentir jusqu'à un certain âge un sentiment de joie en fait, de joie, de pétiment, de force et d'envie de... de braver les interdits, aussi de fédérer. J'aimais beaucoup être entourée, avoir des gens autour de moi, ma famille, mes sœurs, mes cousins, mes cousines, mes amis. Oui, je suis la deuxième d'une fratrie, d'une sororie, sœurrie de quatre. Et je crois que la place du deuxième enfant, il est beaucoup plus en lien avec la liberté. Il est moins chargé, je trouve. du poids des parents qui ont un premier enfant. Et souvent, le premier enfant est très... Je ne sais pas comment dire, mais le premier enfant a souvent un désir de bien faire, de répondre à l'attention des parents, comme un peu un idéal d'être aussi un petit adulte, parce qu'il a... Pas toujours, mais je trouve, en tout cas, dans les familles, que chaque enfant a une place assez différente. Et le deuxième arrive avec... Il a de la chance d'avoir... Bon, ce n'est pas vérifié tout le temps, mais pour moi, en tout cas, beaucoup plus de liberté. Et moi, je passe entre les mailles du filet. Et aussi, je peux sentir, au-delà de cette joie et cette envie de créer, aussi des moments de tristesse. Je ne dirais pas de chaos, parce qu'il n'y a pas cette conscience quand on est petit du désastre. Mais je pourrais dire, à différents âges de l'enfance, on peut imaginer jusqu'à... Par exemple, à mes 5 ans, j'ai des souvenirs d'angoisse, d'avoir peur d'être abandonnée, d'être perdue dans la nature.

  • Speaker #0

    Tu sais pourquoi tu as ces angoisses-là ?

  • Speaker #1

    Non. Et on peut se demander d'où ça vient. Alors, je sais que ça répond à une situation. Par exemple, j'étais en voiture avec ma mère et elle s'était perdue. Et rien de grave, j'imagine qu'on allait chez des amis ou qu'on rentrait d'une promenade. J'imagine qu'elle a manifesté le fait qu'on soit perdus. Et pour moi, c'était un désastre parce qu'elle ne comprenait pas ce que je ressentais, parce que je ne devais pas l'exprimer. Et je me disais, mais est-ce qu'on va réussir à retourner à la maison ? Est-ce qu'on va mourir dans la voiture ? Des choses comme ça. Et je pleurais, j'étais en crise. Et c'est vrai que les parents n'ont pas toujours conscience de ce qui se passe très, très profondément. Et que parfois, l'enfant... à une sensibilité qui dépasse en fait les choses qu'il exprime. Et ça m'a beaucoup traumatisée, alors que je pense qu'il n'y avait aucun problème en fait. Et je ne crois pas que ma mère était stressée au point de me donner une angoisse. Parce que bon, un chemin ça se retrouve, on n'était pas dans le désert, on était dans...

  • Speaker #0

    Vous étiez en Picardie quand même.

  • Speaker #1

    On était en Picardie dans notre région, dans une zone de confort, je veux dire, d'un village à l'autre. Mais bon, qu'est-ce que... Qu'est-ce que vivait ma mère à ce moment-là ? Vraiment, je ne sais pas. Voilà, après, comme tous les enfants, des sentiments parfois de solitude ou d'humiliation. J'ai un souvenir, étant petite, on a vécu un peu à Marseille et pendant un carnaval, j'avais décidé de m'habiller tout en chœur. J'étais très petite, je ne sais pas, je devais avoir 4 ans. Et je me souviens avoir été très très fière de ce déguisement en forme de chœur. J'avais des... Des cœurs sur mon cœur, des cœurs sur mes épaules, sur ma tête. J'étais déguisée en cœur. Et les enfants, c'était des bons enfants, se sont moqués de moi. Ils me disaient que j'étais amoureuse. Évidemment, quand on est habillée en cœur, c'est qu'on a de l'amour pour les choses. Et je ne pouvais pas le supporter. Et ça m'a fait être très triste et me renfermer sur moi-même. Et j'ai senti ça, je vivais ça comme une agression. Alors que franchement, quand on prend du recul... Bon, voilà, des... Je me souviens de ces moments qui ont pointé dans ma vie. J'en ai un autre où j'étais beaucoup plus grande, je pense que je devais avoir une dizaine d'années. On est à l'école primaire à 10 ans, je ne me souviens plus. Ouais,

  • Speaker #0

    normalement.

  • Speaker #1

    En tout cas, j'étais assez jeune et j'avais un professeur que j'aimais beaucoup. Je ne sais pas pourquoi je raconte mes petits traumas. Et je me souviens que c'était la première fois que notre professeur prenait autant de temps pour... Il racontait quelque chose, c'est comme s'il avait préparé un exposé, c'était assez... Il avait... Voilà, c'était nouveau dans le... Je ne sais pas comment dire... Quotidiennement, les jours se ressemblaient, on avait des maths du français, mais ce jour-là, il avait fait une sorte de nouvelle préparation, une petite surprise, quoi, sur un thème très intéressant dont je ne me souviens plus. Et donc, il fait son exposé. Le format a changé. C'est différent. On est beaucoup plus dans l'écoute. Et puis, j'ai levé la main au moment des questions. J'en ai encore honte. Et j'ai demandé à ce professeur, quand il m'a dit Oui, Aude ! Il était très enthousiaste. Et moi, j'ai dit Quand est-ce que c'est fini ? Avec une insolence. Et je ne sais pas. Je ne sais pas pourquoi j'ai dit ça. Je ne sais pas si c'était pour le blesser ou si c'était pour faire mon intéressant devant tout le monde. Parce qu'en fait... Comme une enfant, j'arrivais pas... Ça devenait un peu long, quoi. Et c'est bizarre, parce que j'ai tout de suite senti la honte. Au moment où... Le manque de justesse à faire ça, je sais pas comment dire... C'est comme si j'étais poussée pour le faire, et qu'en même temps, je sentais très bien que ça allait me mettre dans l'embarras, et qu'en fait, j'allais faire de la peine à ce monsieur, qui m'avait jamais rien fait, je veux dire.

  • Speaker #0

    Donc il y a une sensibilité.

  • Speaker #1

    Oui, quand même ! Mais c'était dur parce que je me souviens que mes copines, elles étaient allées me voir en me disant mais t'es trop méchante en fait C'est trop méchante Et ça m'avait vraiment, ça m'avait heurtée. Donc sensible, oui, comme tous les enfants, je pense. Après, est-ce qu'il y a une qualité de, c'est quoi la qualité de laisser la place aux enfants, de pouvoir s'exprimer ? Et oui, tu parlais de cette clinicienne qui parlait de l'imagination. et des écrans et toutes ces choses. Et c'est vrai qu'en tant qu'enfant, j'ai beaucoup, beaucoup regardé la télé. C'était les années 90, 2000. Et c'était encore différent, mais ça a beaucoup nourri quelque chose en moi de l'imaginaire. Et je ne sais pas si c'était quelque chose qui était bien, en fait, mais je sais que ça nourrissait. Ça m'a certainement affaiblie aussi, mais ça nourrissait l'envie de faire des concerts, des spectacles, comme tous les enfants ont envie d'être un peu stars. Et puis de reproduire dans sa chambre des concerts.

  • Speaker #0

    C'était peut-être une source d'inspiration. Pour après, toi, créer dans... Parce que moi, j'ai le souvenir quand même d'une maison, en tout cas dans laquelle tu vivais, où il y avait toujours, toujours des chants, on était toujours en train de faire quelque chose.

  • Speaker #1

    Oui. Et je crois que l'enfant se lie à son environnement, complètement. Et on a eu de la chance qu'il y ait... Que nos parents soient musiciens, qu'il y ait beaucoup de vie, en fait. Et ça m'a donné un tremplin pour la vie et pour la création. Et je remercie vraiment mon milieu familial pour ça. Parce qu'on arrive et on porte déjà quelque chose en nous, mais si en plus le milieu dans lequel on est nous propose de créer, de devenir créateur, déjà en tant qu'enfant c'était beaucoup de liberté, beaucoup de temps de jeu. D'ailleurs, je n'aimais pas vraiment l'école. J'étais assez mauvaise et je ne pouvais pas me lier à ce qui était enseigné. Je ne sais pas, je ne comprenais pas d'être assise, d'entendre, d'écouter. Évidemment, j'aimais la récréation, mais surtout, je dormais en classe intérieurement. Je dormais et je disais que j'étais assez mauvaise.

  • Speaker #0

    Et d'avoir grandi auprès de soeurs dans un univers très féminin. Qu'est-ce que ça t'a donné comme énergie, comme force, comme regard justement aussi sur la vie ?

  • Speaker #1

    On est quatre sœurs, oui. Et puis on avait beaucoup de tantes. Il y avait peu d'hommes chez nous parce que les hommes ont vite déserté. Mais bizarrement, je ne sais pas, je dirais... Peut-être que j'ai eu cette tendance après à me lier plus aux femmes dans les habitiers. Parce que mes sœurs étaient aussi comme un peu des amies. Et puis, je ne sais pas... Naturellement, il y avait peu de garçons à la maison. Naturellement, je suis allée vers les filles, quoi. Je veux dire, en termes d'amitié, à développer vraiment une fraternité avec les femmes. Les garçons ne me faisaient plus peur, beaucoup plus, parce que c'était plus inconnu, quoi. Je ne connaissais pas vraiment mon père. Oui, c'est ça, quand le référent s'absente, j'imagine que ça crée quelque chose. Je ne sais pas, moi, je n'ai jamais vécu ça, mais d'avoir un papa dans sa maison... Je ne sais pas, qu'il me donne des conseils, qu'il répare une étagère, je ne sais pas, qu'il fasse le balai, j'en sais rien. Mais qu'est-ce que ça fait en fait d'avoir un homme dans une maison ?

  • Speaker #0

    Est-ce que ça en tant qu'enfant, c'est quelque chose dont tu rêvais ou tu te questionnais ?

  • Speaker #1

    Oui, oui, oui. Des fois je pleurais et je réclamais mon père, des souvenirs comme ça. Quand vraiment ma mère m'insupportait parce que je la trouvais injuste sur des choses, mon secours c'était d'appeler mon père parce que c'était trop pour un parent d'avoir toute l'éducation je trouve. Et je pleurais, je me disais mais papa... Mais bon, il n'entendait pas, il n'était pas là et j'aurais aimé qu'il puisse se mêler. C'est trop pour une mère quatre enfants comme ça, je veux dire c'est trop. 4 filles, c'est injuste de scoltiner toute la colère pour elle-même, toute la colère de ses enfants.

  • Speaker #0

    Donc c'est un lien que tu as gardé avec ton imaginaire, que tu as nourri comment ? Ou que tu as remplacé comment ?

  • Speaker #1

    Je ne sais pas, c'est inconscient. Mais c'est vrai que petite, j'aimais bien les émissions, les feuilletons où il y avait un papa et une maman. Des choses comme ça. Je ne sais pas. Il faudrait que j'y réfléchisse, mais c'est vrai que je ne sais pas. Après, on se construit aussi sans et ça nous donne beaucoup de force. Et puis, c'est plutôt dans ma vie de femme, j'ai mis du temps à vraiment être en couple. Et encore aujourd'hui, je trouve ça difficile. Je n'ai pas encore d'enfant, mais de vraiment bien répartir les rôles. Et de me dire que l'homme avec qui je vais faire une partie de ma vie, ou je ne sais pas, ou peut-être qui sera le père de mes enfants. Il va avoir un rôle à jouer, des responsabilités, et puis dans un quotidien, il faut s'accorder avec un homme, avec l'idée d'être à deux. Et donc, je ne sais pas si c'est un idéal pour moi d'avoir un petit mari, mais pendant longtemps, ça ne l'a pas été. Et donc, j'apprends. C'est quoi être à deux ? C'est quoi les forces masculines ? C'est quoi les forces du père ? qu'on possède aussi mais qui sont autres dans un homme homme. Et voilà. En tout cas, je me souviens qu'à l'adolescence, c'est un moment vraiment où je trouve que le père, il a un vrai rôle à jouer. Je veux dire, moi je parlerais de force plutôt que de... Je parle de force, ouais. Les forces du père, j'ai l'impression qu'à l'adolescence, elles sont vraiment là pour mener l'enfant, mener l'être, mener l'adolescent dans le monde. L'aider à ouvrir des portes, à être débrouillard, à voyager, faire des choses comme ça. Et moi, j'ai rencontré deux jeunes femmes. C'était des jumelles. Elles s'appelaient Caroline et Juliette. Et elles ont vraiment joué ce rôle-là pour moi à cette époque. Et ça a été incroyable. On est parties en rando. On a appris à pêcher, à découper du poisson, à faire un feu. Et je leur serai toujours reconnaissante. C'était des filles de maçons. Elles savaient chasser, elles savaient faire toutes ces choses que les hommes aussi font. Je ne sais pas comment dire, c'était deux jumelles dans un milieu assez macho de chasseurs et de maçons. Et elles ont été un peu élevées comme des garçons. Et donc elles avaient des facultés que moi je n'avais pas du tout en vivant dans un milieu de femmes. Et ça m'a fait du bien aussi, de voir cette virilité chez une femme et de le... que ma mère portait, je veux dire, quand on est obligé de faire un peu le père, quand on est mère de quatre enfants. Mais je veux dire, c'était incarné différemment chez elle. Et c'était fou, quoi. On peut se... C'est beaucoup plus ancré chez moi, le sentiment que je peux vraiment faire ma vie toute seule, quoi. C'est comme si d'être contre-femme, ça donnait une autonomie. Bon, je me sens très incapable à plein d'endroits, mais je veux dire, j'ai jamais pensé dans ma vie qu'en fait, un homme pourrait m'aider. En fait, une sorte d'autonomie intérieure, en tout cas, et matérielle, parce qu'on se débrouille, en fait. Et puis, on vaut aussi bien qu'eux. Et être avec des femmes, oui, mais c'est quelque chose.

  • Speaker #0

    Et quels liens vous avez aujourd'hui entre soeurs ? Parce que quatre soeurs, c'est quand même... Oui,

  • Speaker #1

    c'est tout le temps. On a des liens. C'est énormément disputé parce que le climat familial n'était pas toujours agréable. Et voilà, on a une très belle complicité avec des hauts et des bas. Mais... Voilà, c'est des sœurs pour la vie. Et puis, oui, tout ce lien, la féminité, toutes ces choses. Je ne sais pas comment dire, dans une maison, d'avoir nos lunes, nos règles. Je ne sais pas ce que ça m'apporte. Je ne me rends pas compte parce que c'est...

  • Speaker #0

    Vous avez quand même quelque chose qui vous lie. C'est forcément votre mère, mais aussi toute cette partie créative, artistique. Donc toi, tu as choisi la photographie. Comment ça s'est imposé à toi ?

  • Speaker #1

    Je me souviens très bien qu'à 8 ans, on dit souvent que c'est la naissance de la vocation pour l'être et que ça va un peu déterminer ce qu'il va faire dans la vie. Ou alors une envie, une ambition, un rêve, je ne sais pas comment dire. Et moi, c'est vrai que je voulais être liée aux animaux. Alors j'ai super peur. Je ne peux pas supporter ça, les chiens, les chats, tout ce monde animal. Ce qui est incroyable et sublime. et qui a une grande valeur, mais je veux dire, j'en ai tellement peur, et c'est tellement inconnu pour moi que j'ai du mal à imaginer qu'est-ce qu'il y avait... De comprendre en fait qu'est-ce que ça incarne d'être un photographe animalier ou même, je me souviens, je voulais être zoologue. Qu'est-ce que ça veut dire en fait ? Qu'est-ce que ça veut dire ? Voilà, si vous comprenez, peut-être. Je sais pas. Mais oui, la photo c'est important pour moi, c'est spécial. Tout le monde en fait aujourd'hui, surtout dans ce monde de l'image, c'est presque... étrange d'être un photographe et d'en vivre. Parce que l'image nous échappe complètement, même le métier de photographe qui est tellement vulgarisé. C'est incroyable ce qu'on peut faire. Mais bon, je m'accroche à continuer d'essayer de traduire une certaine beauté. Je pense que l'art, c'est une responsabilité et que les images que je crée, je ne les crée pas au hasard et elles ont une importance déjà pour moi, mais aussi... Je trouve important de laisser quelque chose de beau dans ce flot. Bon, voilà, peut-être que certaines personnes trouvent ça moche, quoi. Mais je veux dire, comment dans la démarche, dans la lumière, j'essaye de... C'est pas que je crée du beau, mais en tout cas quelque chose qui est à la limite de... Entre la poésie et quelque chose d'un peu sacré, quoi. Parce que tout ce qui va nourrir ma photographie... Ça vient de quelque chose qui est beaucoup plus grand. J'ai des images...

  • Speaker #0

    Pourquoi par la photo ? Et pourquoi ça ne s'est pas fait par le champ ?

  • Speaker #1

    J'aurais aimé, j'aurais aimé. Maintenant, je me dis, oui, oui, oui, j'aurais aimé. Je ne sais pas. C'est un choix.

  • Speaker #0

    Vous venez avec un premier appareil photo ?

  • Speaker #1

    Oui, oui, je me souviens qu'à 15 ans, c'était mon grand-père, oui. C'est Pépé qui m'a donné son appareil. Et j'ai fait des photos toute ma vie avec. J'ai commencé très naïvement à photographier mes petites sœurs en noir et blanc. Toujours en argentique. Et ça fait seulement quelques années que je fais du numérique, mais je ne sais pas. L'image, le fait de capter quelque chose et de pouvoir après le contempler. Et surtout les visages, parce que je n'ai vraiment pas fait des photos animalières. Et ça, je ne sais pas, ça s'est fait naturellement. Ça s'est fait naturellement. C'est vrai que j'aimerais tellement être chanteuse. Je vois tous ces métiers incroyables, faire de la harpe ou alors être guide de haute montagne. Je ne sais pas pourquoi j'ai choisi ça. C'est pas le meilleur truc pour moi, mais maintenant, je m'en arrange. Et puis, j'ai du plaisir aussi.

  • Speaker #0

    Mais qu'est-ce que tu penses que tu vois que les autres ne voient pas ?

  • Speaker #1

    Non, rien du tout, rien du tout. Oui,

  • Speaker #0

    mais justement, aujourd'hui, on peut tous faire des photos avec l'iPhone.

  • Speaker #1

    C'est vrai, c'est pas... Peut-être que c'est un style qu'on a à force de travailler. Ça fait tellement longtemps que j'en fais. Et encore, j'ai tellement de lacunes. Mais moi, j'ai un intérêt pour la lumière, pour les visages. C'est une ambiance, en fait. Des ambiances peut-être que j'avais vécues en étant enfant, des ambiances que j'ai vues parce que j'ai vu tellement de films, j'ai étudié le cinéma pendant longtemps. Et puis qu'est-ce que ça raconte en fait ? Cette lumière, l'ambiance en fait. C'est transmettre une ambiance. Mais oui, ça aurait pu être autre chose. Mais je pense que les qualités qu'il y a dans la photo, dans mes photos, elles pourraient, si je les transposais ou si je les transformais, elles pourraient aller... dans la poésie, dans le chant, dans quelques gestes de danse. Et puis toutes ces choses nourrissent mes créations. J'aime autant chanter que... J'aime même plus chanter, c'est encore plus vivant pour moi que de faire de la photo.

  • Speaker #0

    Voilà.

  • Speaker #1

    Et qu'est-ce que tu as appris à l'école... Non, c'est ça l'école...

  • Speaker #0

    L'école de photographe.

  • Speaker #1

    L'école de photographie. Est-ce que tu penses qu'on doit vraiment passer par ce cas de l'école ? Ou est-ce qu'on peut être photographe de manière autodidacte ? Oui,

  • Speaker #0

    oui, oui.

  • Speaker #1

    Qu'est-ce que ça t'a apporté ? Quel a été le plus de cette formation, de ce parcours ?

  • Speaker #0

    Je dirais que, oui, les rencontres, c'est sûr qu'on se crée un réseau et puis il y a des belles amitiés. On est là-bas pendant trois ans. Ce n'était pas que facile, mais... Il y a des gens merveilleux, je veux dire, comme partout sur Terre, mais c'est surtout le fait d'être au soleil. Et puis, c'est une école qui était, à mon époque, assez formidable parce qu'elle proposait, elle doit le faire toujours, mais elle proposait une sorte de liberté de la création. Je ne sais pas comment dire. Je n'ai pas toujours trouvé ça juste vrai, mais je veux dire, une liberté dans la création et dans le... Surtout le sentiment d'avoir du temps pour pouvoir se... chercher pour pouvoir se trouver, pour pouvoir faire des erreurs. C'était comme pour moi trois années d'exercice. Je me suis exercée à la photographie, tout était disponible, des numériques, de l'argentique, d'une très grande qualité, avec une équipe technique incroyable qui vous aide à réaliser, à comprendre ce que vous cherchez dans une image. Et c'est vrai que la présence d'une équipe avec des compétences techniques, c'est vraiment très important pour la photographie. pour qu'elle soit juste, pour qu'elle puisse répondre à nos besoins vraiment, nos envies. Quel est le meilleur appareil adapté ? Quelle lumière ? Quel soufflet ? Quel objectif ? Quel bain ? Quelle chimie ? Je ne sais pas. Et voilà, c'était vraiment de pouvoir avoir du temps, de n'avoir à faire que ça en fait. Et c'était vraiment une chance, parce que c'est une école qui est aussi publique, et sur concours, donc c'est incroyable.

  • Speaker #1

    Et dans le cadre de ces études-là ? Tu as fait une exposition, je crois, tu sais, en Martinique.

  • Speaker #0

    Ah oui, non, oui, oui, oui. En fait, l'école a créé un partenariat avec Kickstarter. Et il s'agissait de créer un projet, créer une histoire et de la proposer à l'école. Et puis Kickstarter, avec certains des responsables, choisissait, sélectionnait. On a été cinq, je crois, à être sélectionnés. pour nos projets et puis pour... Ils nous ont aidés à les mettre en œuvre, c'est-à-dire que... À les financer ? Voilà, c'est ça. Alors, c'est ça, parce que c'était la création d'un financement participatif, donc il fallait créer un projet de A à Z, avec des cadeaux à la clé, mais aussi une exposition. Et puis, alors, mon projet, c'était de partir en Martinique, un peu sur les traces. de mon père et de moi-même. C'était une quête racinaire, comme je pourrais dire, à mes 29 ans, je crois. Je suis partie là-bas et j'ai eu la chance d'être sélectionnée. Et ça a été une de mes premières fois. J'étais certainement partie plus petite, vraiment enfant, en Martinique, avec mon père et j'en ai très peu de souvenirs. Donc c'était d'y partir de manière consciente et puis de faire ce chemin vers soi, vers lui, vers ma négritude. Et évidemment, j'avais lu...

  • Speaker #1

    À travers la photo.

  • Speaker #0

    Tous ces poètes. À travers la photo, c'est un bon prétexte. Et je n'en ai pas fait assez à mon goût parce que ça a été un voyage assez difficile.

  • Speaker #1

    Finalement, à 29 ans, il y a cette quête identitaire qui revient. Je viens d'où ? Donc, ton père a des origines antillaises, de Martinique. Est-ce que c'est quelque chose qui t'a toujours... T'as toujours voulu aller en Martinique depuis que t'es petite ? Est-ce que tu avais des liens quand même avec des grand-mères là-bas ? Qu'est-ce qui t'a donné envie d'aller connaître justement d'où tu venais, tes racines ? Je sais que tu disais souvent ça, où tu avais une adoration pour les cheveux lisses, pour les yeux clairs. Et en plus, justement, à la télévision, dans les séries, etc., c'était plutôt des personnes blanches qui étaient mises en avant et rarement métisses. Donc, est-ce que tu as grandi en rêvant d'être européenne, enfin blanche ? Aujourd'hui, tu es justement grâce à ce voyage aussi et cette quête, tu es fière de tes racines.

  • Speaker #0

    Oui, c'est une très bonne question. Oui, absolument. C'est horrible parce que j'ai même troublé, j'ai abîmé, je pense, même ma conscience, mon âme. Parce que le soir, avant de dormir, je me faisais des images, des scénarios de moi dans une vie meilleure. Et j'avais oublié. Et j'étais blonde, en fait. J'étais blonde avec des cheveux lisses. Et c'est peut-être en ça que la télévision m'a fait du mal. Et comme notre mère était blanche, on n'avait pas ce modèle, ce modèle quand le parent qui est métisse n'est pas là, qui est black. Je ne sais pas, on n'avait pas de référence. J'ai très peu vu ma famille, mais je connaissais un peu mes cousines, une tante, comme ça. Mais je veux dire, c'est une goutte d'eau dans la vie, dans ma biographie. Donc oui, voilà, cette quête racinaire. Et évidemment que ça a changé ma vie. Ça a été assez douloureux, mais ça a été vraiment... J'ai vraiment changé. Même si les transformations sont très lentes. J'ai libéré quelque chose de mes cheveux, de ma peau, de mes seins. Ça a été vraiment...... Ça a été...

  • Speaker #1

    Est-ce que c'est le fait d'arriver là-bas et de voir qu'il y a des personnes finalement auxquelles tu ressembles ?

  • Speaker #0

    Absolument, c'est exactement ça.

  • Speaker #1

    Et de pouvoir être beauté à l'extérieur, de dire que tu l'as à l'intérieur et que tu la représentes aussi ?

  • Speaker #0

    C'est toujours pas si facile aujourd'hui. On a toujours envie d'avoir des cheveux qui tombent jusqu'aux pieds et qui soient raides. Mais oui, c'était de voir la beauté, en fait. Tout ces... Toutes ces femmes, tous ces hommes, je veux dire, ils sont superbes. Et je leur ressemble à un endroit, vraiment. Et vraiment, je pense que de mes trois sœurs, quatre sœurs, je suis certainement la plus martiniquaise.

  • Speaker #1

    Pourquoi ? Sans plus martiniquaise ?

  • Speaker #0

    Je me sens physiquement, ce que je trouve dans les visages que j'ai vus, le nez, la bouche, les yeux, l'attitude, même intérieurement, je sais pas. C'est quoi d'être martiniquais ? Je ne sais pas, c'est une espèce de feuille de nonchalance, de texture, d'ambiance, je ne sais pas, c'est peut-être l'âme. Tâche de rousseur, je ne sais rien. Je ne sais pas, peut-être parce que je ressemble à mon père, mais en tout cas, ça a été très libérateur. Et heureusement que j'ai fait ce voyage, parce que j'ai beaucoup changé depuis. En tout cas, à l'intérieur, c'est... Ça m'a permis, je pense, de vraiment me mettre sur le chemin d'amour pour moi-même. Je veux dire, c'est le début. Et c'est vrai que je ne sais pas qui j'étais avant pour avoir été aussi loin de moi. Donc, je remercie cette île de m'avoir accueillie pendant quelques mois. Et voilà, je vais y retourner. C'est encore un peu indigeste, mais parce qu'il s'est passé des événements là-bas et parce que ça a été tellement difficile d'être sur cette île sans mon père. Parce que j'aurais aimé comprendre au travers de lui, avec lui en fait. J'ai compris avec son absence, mais j'aurais aimé qu'il soit là.

  • Speaker #1

    Comment il a réagi quand tu lui as dit que tu partais en mars ?

  • Speaker #0

    Je crois qu'il était très angoissé. Je ne sais pas s'il y a des secrets de famille ou quoi, mais ça l'a angoissé.

  • Speaker #1

    Et les photos que tu as décidé de prendre là-bas, tu avais un thème particulier ?

  • Speaker #0

    Non, j'ai souvent besoin de visages et de nature. Et ce n'était pas facile parce que je n'avais pas d'amitié là-bas. Et donc de demander à des inconnus... Je veux dire, je n'étais pas dans le cadre d'une résidence. C'est moi qui inventais cette résidence. Et c'est là où ça a été difficile. Et au bout d'un moment, les paysages, on a envie de... De visage, donc après de longues journées sur les plages à chercher des visages. Il y en avait peu qui acceptaient en fait, c'est bizarre. Et sinon j'ai eu quelques belles images quand même. Un portrait que j'aime beaucoup, dans un crépuscule rose, et ça très reconnaissante de ce jeune garçon qui a accepté. Il sortait de l'eau, mais ouais. Donc peu heureuse du travail que j'ai. que j'étais censée apporter, rapporter. Voilà, c'est pour ça qu'il faut que j'y retourne.

  • Speaker #1

    Donc finalement, cette quête, elle est perpétuelle.

  • Speaker #0

    Elle est perpétuelle, peut-être. On cherche ce qu'on n'a pas. On verra, on verra.

  • Speaker #1

    Et après, tu as eu l'occasion de faire d'autres photos ?

  • Speaker #0

    Eh bien, oui, oui. Ces derniers temps, j'ai beaucoup travaillé. J'ai fait beaucoup plus de commandes, en fait. J'ai vécu un deuil qui m'a... qui arrivait au moment du confinement et qui m'a... dont je... qui a un peu glacé mon énergie de... non pas de mon énergie mais qui a un peu glacé ma création. Et depuis j'ai du mal à retrouver cette soif et cette... Alors je fais beaucoup de commandes et ça me fait très plaisir parce que la commande elle a quelque chose de l'injonction et en même temps il y a toute une partie création de... On demande telle chose, tel cadrage, mais en même temps, c'est ma patte à moi. J'imprime ma marque et donc c'est très rassurant pour moi dans ces circonstances où la création est beaucoup plus difficile. Je veux dire pure, la création pure. Et je travaille comme chargée de com'dans un lieu qui forme de formation artisanale, pédagogique et artistique. Et j'ai la chance de réaliser beaucoup, beaucoup d'images pour ce lieu et d'être beaucoup plus détachée parce que c'est en mon nom, mais c'est surtout au nom de la structure. Et voilà, c'est beaucoup plus léger. Mais voilà, je fais beaucoup d'images. d'affiches, de photographies, de posts, de choses comme ça.

  • Speaker #1

    Et qu'est-ce que tu dirais à un artiste qui traverse une période de deuil, justement, dans sa phase de création ?

  • Speaker #0

    Je trouve que la création, elle est tellement intime à la personne que j'aurais rien à dire. Mais si je peux parler de mon expérience, c'est que les épreuves, c'est malheureux, mais elles deviennent un vrai terreau, en fait, pour l'être. Et pour la vie en fait, je ne souhaite à personne de vivre des douleurs, mais je crois qu'on ne peut pas y échapper. Et que le temps fait bien souvent que quelque chose peut refleurir à un moment. Et la transformation d'une souffrance en un geste de création, je crois que c'est ce qu'il y a de plus beau. C'est ce qu'il y a de plus beau, et c'est les plus grandes œuvres, et c'est les plus beaux poèmes, et c'est quand l'être peut toucher à quelque chose qui est très profond, et très lumineux, et qui est au-delà de l'envie de la reconnaissance, au-delà de l'égoïsme.

  • Speaker #1

    Mais c'est transformer le plomb en or ?

  • Speaker #0

    Certainement, certainement, mais on ne sait pas quand ça arrive. Je veux dire, on ne peut pas se dire, bon, je vais transformer cette bonne petite souffrance après le...

  • Speaker #1

    Oui, mais comment tu sais que justement ça se transforme et que ça prend une autre forme ? Tu le ressens dans ton corps, tu le ressens dans tes penses, tu le ressens... Est-ce que ça se matérialise aussi dans ton quotidien où tu vois les choses différemment, où tu commences à comprendre ?

  • Speaker #0

    Oui, je pense qu'il y a un moment qui est un peu libérateur. De toute façon, il faut du temps et c'est un processus. Il y en a qui ne s'en remettent jamais, je veux dire, des drames. Et c'est comme ça. Mais oui, on peut le ressentir dans la tête, dans le cœur, dans une nouvelle mobilité, une nouvelle respiration. Surtout un désir qui ressurgit, quoi. Et qui appelle, et c'est comme si, à nouveau, on avait des forces fraîches et qu'elles étaient à nouveau disponibles parce que... Parce que quelque chose avait pu se transformer. Moi, je ne sais pas, je ressens ça comme les saisons. Cette espèce de... Oui, c'est ça, les choses, les pommes qui tombent au sol et qui pourrissent. Et qui viennent nourrir la terre. Les saisons qui passent, le sol qui est gelé. Et toute cette vie qui se prépare dans la nuit de la terre, en fait. C'est fou, cette saison qui est l'hiver. Et c'est vraiment ça, un deuil, en fait. Très cliché, mais c'était absolument vrai. C'est absolument vrai. C'est vraiment de descendre dans les profondeurs et d'essayer d'être seule. On est seule, on est sous-seule, et en même temps, quelque chose doit survivre jusqu'au prochain printemps. Donc,

  • Speaker #1

    le deuil dont tu parles, c'est celui de ta mère. Et t'avais 30 ans, non ? Quel âge t'avais ?

  • Speaker #0

    Oui.

  • Speaker #1

    Comment on fait quand on perd sa mère à 30 ans ? Comment tu l'as vécu tout ce processus ? Si tu peux le partager et que ça peut surtout aider d'autres personnes. Déjà, il y a eu la maladie, il y a eu l'annonce. Vous êtes quatre sœurs. Je suppose que l'une n'a pas vécu le même événement de la même façon. Mais en tout cas, toi, déjà cette annonce de maladie, qu'est-ce que tu ressens ? Est-ce que c'est de la colère ? Est-ce que c'est de la... de la haine ? Est-ce que c'est de l'injustice ? Est-ce que c'est, ok, on va être soudés justement, on est un clan ? Et comment ça se passe en fait, pour toi ?

  • Speaker #0

    Oui, c'est très juste en fait. On a beau être de la même famille, être des sœurs, mais la biographie est complètement différente. Et la manière de vivre un deuil l'est aussi, et l'est encore plus. C'est difficile de replonger là-dedans. Je ne sais pas si j'ai envie. Sans les résistances, je n'ai pas envie du tout. Mais c'est sûr que quand on apprend une chose pareille, le monde s'effondre. C'est très bizarre. Je sais pas, c'est comme si dans ma vie, le cancer c'était quelque chose pour les autres. Évidemment, on peut pas imaginer que sa mère développe un cancer comme ça, si sourd, si agressif. Oui, et puis certainement qu'on était aussi dans le déni. Je veux dire, il a dû y avoir des signes. Et je ne me souviens pas. Et ça a été très, très difficile. Et puis c'était assez court, je crois. Ça a duré deux ans à peine de maladie, ce qui est déjà très, très long, je veux dire. Affreusement long de souffrir deux ans. Quelle force. Et en même temps... Je sais pas. C'était une période où j'étais quand même assez en colère. Mais ça m'a permis de développer un lien beaucoup plus tendre, de l'accompagner à ses chimios, tout ça. Je me rendais compte de sa fragilité, quoi. même temps parfois on oubliait complètement et on continuait. Je trouve que j'ai manqué de... j'ai manqué de... de religion, je sais pas comment dire, cette manière de se relier à elle en fait, à cet endroit là de soin et en même temps... Et en même temps, voilà, on l'a accompagné jusqu'à ses derniers jours et ça a été... C'est bizarre parce que je me souviens quand j'étais assez jeune, je sais pas si tu te souviens aussi, il y avait ce film, un film américain avec... Julia Roberts et Ma pire ennemie ou Ma meilleure ennemie c'était un film qui m'avait vraiment fait beaucoup beaucoup pleurer J'étais jeune quand je l'ai vue. C'était l'histoire d'une femme qui avait deux enfants et qui se savait malade. Elle savait qu'elle allait mourir. Je ne me souviens plus, mais en substance, une femme est rentrée dans sa vie et elle a un peu joué les rôles de nounou pour accompagner ses enfants pendant que la maman était malade. Je me souviens d'une scène où les deux enfants sont sur leur lit et... pleurent parce qu'elles refusent que leur mère meurt ou ils pleurent parce que leur mère est morte. Et j'étais petite, enfin jeune, assez jeune, ça m'avait serré le cœur parce que je m'imaginais avec mes soeurs et je me disais mais si nous, on perdait notre mère, comment on s'en sortirait jamais ? Et je ne sais pas, je nous imaginais orphelines comme ça. Donc en fait, c'est vraiment ce qu'on a vécu les derniers jours. Ma maman, elle avait un appartement tout petit et on s'est tout réputé. plus j'y ai là-bas, parce qu'on ne dormait pas avec elle quand elle était à l'hôpital. Je veux dire, elle a passé ses derniers mois à l'hôpital et on ne dormait pas toujours là-bas, quoi. Donc on dormait dans son appart. Et puis il y a des nuits, plus l'échéance se rapprochait, et je me souviens, toutes les quatre dans un lit, à pleurer, c'était désespérant. Et puis de vivre la scène que j'avais tant redoutée, enfant ou adolescente, je ne sais plus. Oui, c'est difficile. Et en même temps, quand la souffrance est trop grande comme ça pour un être, on a hâte que tout s'arrête, pour elle, pour nous. Et qu'un grand silence se fasse, quoi. Parce que c'est quelle épreuve ? Voilà. Bon, je sais pas. Et aujourd'hui, le lien, il est mystérieux, parce qu'elle est très présente et que ça devient... Oui, je dirais que c'est comme un guide. On lui pose des questions. Je trouve que la manière dont on la fait le mieux vivre, c'est quand on l'imite, dans ses moments de bonheur, dans les mots qu'elle disait. C'est la manière de... Elle est vraiment en nous, dans ces moments-là. dans l'imitation, les souvenirs qu'on ranime. Voilà, et là, bon. Et on a fait de sa tombe un jardin, parce qu'on n'avait pas beaucoup d'argent, de toute façon. Pas d'argent pour mettre du marbre. Et puis on n'avait pas envie, on n'avait pas envie. Et ma mère aimait la nature, et pour moi c'était évident, en fait, que ce soit un jardin, un potager, n'importe quoi. Donc on... Je vais sur sa tombe. Je crois que je suis la seule à y aller. Pour moi, c'est mon petit jardin. J'ai planté du thym, du romarin, des roses, des glaïeules, de la menthe. Je ne sais même plus. Il y a plein de choses qui poussent aussi. Les pissenlits, toutes ces fleurs des champs.

  • Speaker #1

    Tu as eu des rituels qui t'ont aidé aussi ? Tu sais, à rendre aussi... C'est très tabou aussi la mort dans notre société aujourd'hui. On ne s'est jamais déjà posé les bons mots et accompagné. Mais on parle souvent du rituel, de justement prendre le temps, même si elle est tout le temps avec toi, que tu la sens présente et que tu vas la faire revivre déjà par la personne que tu es. Mais est-ce que tu as eu des... Est-ce que te recueillir effectivement sur cette tombe que tu as transformée en un lieu qui est beau ?

  • Speaker #0

    Oui, oui. Surtout les premières années, on l'a accompagné au-delà du seuil. Et après, c'est vrai que moi, j'ai la conviction que la famille est bouddhiste. Je suis attachée à toutes les images de la réincarnation et de l'âme qui fait son chemin sur terre et qui prépare une autre vie. C'est une évidence et ça l'a toujours été pour moi. Il y a aussi quelque chose qui n'est pas que triste dans cette fin. Ça m'a permis d'ouvrir des images beaucoup plus grandes sur les questions de karma, sur les questions de vie après la mort. C'est comme un être qui, pour moi, fait son chemin et avec lequel je peux rentrer en dialogue. Déjà intérieurement et par des images ou des rêves en fait. C'est vrai que les moments importants comme son anniversaire ou la date de sa mort, on n'a jamais pu se réunir encore avec les sœurs. Et je trouve que c'est vraiment dommage parce que je pense que l'être se penche vraiment dans ces moments-là. Quand c'est Noël, quand c'est les jours de notre naissance, tout ça. Je pense que tout est prétexte à penser. Et je ne sais pas si j'ai des rituels, mais j'ai des choses, oui, bien à moi que je ne veux pas livrer comme ça, parce que c'est très intime. Mais en tout cas, j'aime lui faire des hôtels. J'adore mettre son image et je change les photographies, les pierres qui sont à côté d'elle, les fleurs. Et c'est comme un monument aux morts qui est dans ma chambre constamment et qui... se métamorphose au fil des saisons.

  • Speaker #1

    Et tu as aussi ces fameuses photos qui ont été exposées au parc de la Villette.

  • Speaker #0

    Oui, j'ai une série où quand j'ai étudié à Arles, j'ai réalisé mon diplôme et dans les images que j'ai créées, j'ai souhaité rendre hommage à un poème de César Pavès. qui s'appelle Été dans son recueil Travailler fatigue comme le sucre des fruits tombés en ce temps-là. Et ça parle vraiment de l'été, de cette chaleur, de la mélancolie. Et donc, dans cette série, il y a la main de ma mère qui cueille comme des baies des fruits empoisonnés. C'est dans un petit arbre qui s'appelle le sorbier, un sorbier des oiseaux-leurs. Et donc je trouvais que cette image, c'était quelques temps avant sa mort, et je trouvais que cette image était très forte parce qu'elle a l'air très naïve, dans un soleil éclatant, une main qui cueille des fruits qui sont en fait... Et donc il y a quelque chose d'un peu tragique aussi dans se nourrir et mourir.

  • Speaker #1

    Mais qu'est-ce que tu ressens, toi, quand tu vois toutes tes photos à toi ?

  • Speaker #0

    On se dit qu'on est chanceux que nos images prennent de la place dans l'espace, en fait, sur la Terre et en dehors de nos journaux, de notre ordinateur, et que c'est fait pour ça, en fait. Et surtout, la manière dont elles ont été exposées, être à l'extérieur, dans un jardin, des miroirs... dans la nature, je trouve que c'est vraiment leur mission.

  • Speaker #1

    Et tu as eu des retours ?

  • Speaker #0

    Oui, je crois que ça a beaucoup plu et j'en suis assez heureuse. Parce que des fois, je les regarde et elles me touchent. Et puis des fois, on ne se supporte plus. Et puis on se trouve que c'est tellement naïf. Et on se dit, mais il y a tellement de choses, il faut aller beaucoup plus loin. Mais bon, écoute, c'est bien. Je suis heureuse qu'elle migre jusqu'à Nantes, pour tous ceux qui ne connaissent pas ces images. Et puis, j'ai vraiment hâte maintenant de... d'ouvrir un nouveau projet. Et donc, je prépare, justement, une nouvelle exposition qui va s'intituler... Alors, ça devait s'appeler Terrienne. C'est un projet qu'on a écrit avec mes sœurs au lendemain de la mort de notre mère et que je souhaiterais appeler autrement. J'ai pu, il y a quelques mois, rencontrer une artiste électro formidable qui s'appelle Maude Geffray, avec... avec qui on a décidé de participer à un appel à projet. Et donc, on a travaillé ensemble sur le deuil. Et le nom de notre travail était The Garden of Love. Et ça vient d'un de ses morceaux. Et c'est complètement... Et je trouve que ce titre est complètement approprié parce qu'il parle de cette histoire de deuil, de jardin, de beauté. de métamorphose. Je ne l'ai pas encore demandé, mais j'aimerais poursuivre ce travail, bien sûr, mais avec ce nom.

  • Speaker #1

    Et avec tes sœurs aussi ?

  • Speaker #0

    Elles seront absolument. Je ne sais pas si ça prendra la forme d'une création plus grande de chorégraphie, de chant. En tout cas, ça va déjà devenir de la poésie, de l'écriture et des images. Je vais commencer cet été.

  • Speaker #1

    C'est magnifique. Tu vas faire quoi cet été ?

  • Speaker #0

    Cet été, je vais réaliser quelques portraits. Les premiers portraits de ma grande sœur Estelle. Et peut-être des auteurs. Je ne sais pas. On va déjà voir. Peut-être avec Céline.

  • Speaker #1

    Ça va être un lien avec vous ?

  • Speaker #0

    Oui. Ça parle vraiment de quatre sœurs en deuil. Ça va être des images. Je me vois, je vois. Oui, j'ai des images. Je ne vais pas les dévoiler tout de suite.

  • Speaker #1

    Je t'imagine déjà.

  • Speaker #0

    Oui, oui. Et puis, ça a été écrit en 2021.

  • Speaker #1

    Vous réussissez à faire quelque chose de magnifique ?

  • Speaker #0

    Alors, je ne sais pas, j'espère que ça va l'être. En tout cas, ce sera notre image et ce sera ce qu'on peut faire du mieux qu'on peut. Et c'est des images intérieures qu'on essaye de faire jaillir à l'extérieur. Et ça parle de tout ce qui se passe à l'intérieur.

  • Speaker #1

    Merci pour ton entier.

  • Speaker #0

    Merci Ariane, merci beaucoup

  • Speaker #1

    Est-ce que tu as envie de partager en tout cas quelque chose que tu n'aurais pas pu dire dans ce podcast, dans cet échange dans cette conversation très intime peut-être un message clé que tu as envie de délivrer par rapport à ce que tu observes, ce que tu vis en ce moment ou alors un mot, une chanson pour faire plus simple

  • Speaker #0

    Je ne sais pas En tout cas, peut-être une envie de me souhaiter d'avoir des enfants et d'essayer de leur transmettre l'envie de créer et de liberté, et puis de les emmener en Martinique. Ce sera bien. Ils seront un peu flisés, je pense. De pouvoir être un gardien et de pouvoir transmettre. et de protéger tant qu'on peut les âmes des images qui pourraient détruire. Il y en a beaucoup, beaucoup maintenant sur la Terre. Je pense qu'il faut vraiment être armé maintenant pour naître dans ce monde et parvenir à avoir une vraie vie intérieure avec des images qui portent des forces vertueuses. Et je crois que c'est l'enjeu d'aujourd'hui.

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Description

J'invite Aude Carleton, nous abordons ensemble le regard qu’elle pose sur l’image en tant que photographe, la quête de ses origines, des anecdotes d’enfance touchantes. Aude nous partage en deuxième partie d’épisode le témoignage intime et douloureux du deuil de sa maman qui fera naitre un nouveau projet artistique : " the garden of love ".


Hébergé par Ausha. Visitez ausha.co/politique-de-confidentialite pour plus d'informations.

Transcription

  • Speaker #0

    Bonjour à tous, je m'appelle Ariane, je suis thérapeute et je propose Hypnose et Conversations Thérapeutiques, un podcast où j'explore différents angles de vue et de vie. Je crois profondément au pouvoir libérateur de la parole, de l'écriture, de la relation, du lien et des histoires qui nous sont racontées. Je propose cette série d'épisodes pour mettre en avant des gens ordinaires et pourtant au parcours complètement extraordinaire. C'est absolument... sans filtre, authentique, comme si vous preniez un café à nos côtés. Bonne écrite. Bonjour à tous, pour l'introduction de cet épisode, j'ai envie de commencer par vous poser une question, entendue dans une conférence de Jacques Seguéla, qui est un grand publicitaire sur l'intelligence émotionnelle. Est-ce que vous savez ce que devient la neige lorsqu'elle fond ? Les plus rationnels d'entre vous répondront, bah oui, de l'eau. Et les plus créatifs d'entre vous répondront, peut-être, sûrement, le printemps. Je vous propose donc une conversation avec mon invité Aude, dont la créativité et la sensibilité ne sont plus à démontrer. Nous abordons ensemble la quête de ses origines, des anecdotes d'enfance touchantes, le regard aussi qu'elle pose sur l'image en tant que photographe. Aude, en deuxième partie des épis... d'épisodes nous partagent aussi le témoignage intime et douloureux du deuil de sa maman à seulement 30 ans qui fera naître aujourd'hui un nouveau projet artistique alors je la remercie infiniment pour son temps pour ses confidences qui peut-être vous inspireront. J'ai créé cette série d'épisodes pour montrer et rappeler à quel point l'extraordinaire est déjà autour de nous il suffit de poser un regard curieux et d'avoir une écoute attentive à celles et ceux qui nous entourent à travers leur vécu, leurs histoires, pour simplement le remarquer. Une seule façon pour vous de soutenir mon travail et la création de ces épisodes, c'est de laisser un avis ou une note ou tout simplement de vous abonner sur les plateformes d'écoute de votre choix. Je vous remercie infiniment pour votre soutien et je vous souhaite une très très bonne écoute. Je lisais dernièrement dans un ouvrage de Jean-Luc Thiement, psychopédagogue et thérapeute, que le capitalisme est une économie qui est fondée sur la consommation, la jouissance et le profit. Ce type d'économie est à moyen et à long terme destructrice de l'humanité et de la planète. Quand cesserons-nous de nous laisser berner par ce mythe de la croissance qui va toujours tout résoudre ? Nous sommes en train de perdre l'humain, il n'est plus au centre des préoccupations des politiques et des dirigeants des leviers de ce monde. Le règne de l'image et du virtuel... contribue à enfermer les humains dans un individualisme dévastateur et ceci oublie que la survie de l'espèce humaine repose pourtant sur la solidarité et non sur la compétition. On fait face à une immaturité psychique de plus en plus criante. Notre société favorise-t-elle le désespoir, l'addiction, la dépression ? Pousse-t-elle vers la maladie plutôt que de favoriser le lien ? J'écoutais dernièrement une psychologue clinicienne, Marie-Estelle Dupont, dire que l'enfant est un être d'affect. Un être de récits, de narration et de créativité. Or, si on le met derrière des écrans, dès son plus jeune âge, ça va être ô combien difficile pour lui de cultiver ses ressources intérieures, sa créativité, son imagination, qui lui permettent d'avoir confiance en lui. Réinvestir ce qui correspond à notre nature d'être humain, c'est d'abord des liens. La survie de l'espèce dépend des liens affectifs. Réinvestir les liens, et pas à travers les écrans, ça maintient la santé mentale. Apprendre maintient la santé mentale, notre cerveau. et fait pour être utilisé. Des liens, nous en avons un en particulier puisque nous sommes cousines, nous partageons donc de nombreux souvenirs d'enfance bien précieux à nos yeux. On se retrouvait, on imaginait, on créait, on faisait des spectacles, on dansait, on chantait, on jouait, on faisait de délicieuses citronnades. On avait même réussi à créer une fausse émission de radio qui s'appelait Réconcilia Bulle car on voulait réconcilier les gens entre eux. On a grandi dans un univers artistique, ta maman chantait, peignée, cuisinée divinement bien. Tu fais partie d'une famille nombreuse, tu as trois sœurs, elles aussi talentueuses, Estelle qui est danseuse, chorégraphe, Léna, étudiante au Beaux-Arts de Paris et Amandine, jeune architecte. Et toi, Aude, tu es aujourd'hui photographe, diplômée de l'École Nationale Supérieure de la Photographie d'Arles. Tes différents projets artistiques ont été reconnus pour être partagés au plus grand nombre, notamment pour être exposés dans les aéroports de Paris, au sein du parc de la Villette. et tu as été aussi finaliste de concours reconnus dans le domaine. Je te perçois comme quelqu'un de très sensible, mais aussi avec un feu intérieur très très puissant, qui laisse pas indifférent. Quand je regarde tes photos, donc ton travail, je me dis qu'à travers ton art, ton imagination, ton regard, ton univers, ton histoire, finalement la personne que tu es, tu arrives à capter, tu sublimes, tu racontes. Alors la première question que je pose à chacun de mes invités pour cette série d'épisodes, et souvent de revenir sur l'enfant que tu étais pour mieux comprendre celle que tu es devenue aujourd'hui. Alors la petite Aude, elle aimait quoi ? Elle rêvait de quoi ? Qu'est-ce qui l'inspirait ? Pour faire simple, à quoi ressemblait ton enfance ?

  • Speaker #1

    Bonjour Ariane, merci pour cette introduction. Si j'essaie de plonger dans ma biographie et de ressentir l'enfant que j'ai été, j'ai des images, des images qu'on a partagées ensemble, et je me vois, je ne sais pas comment dire, c'est plutôt que je ressens un sentiment intérieur. Je peux sentir jusqu'à un certain âge un sentiment de joie en fait, de joie, de pétiment, de force et d'envie de... de braver les interdits, aussi de fédérer. J'aimais beaucoup être entourée, avoir des gens autour de moi, ma famille, mes sœurs, mes cousins, mes cousines, mes amis. Oui, je suis la deuxième d'une fratrie, d'une sororie, sœurrie de quatre. Et je crois que la place du deuxième enfant, il est beaucoup plus en lien avec la liberté. Il est moins chargé, je trouve. du poids des parents qui ont un premier enfant. Et souvent, le premier enfant est très... Je ne sais pas comment dire, mais le premier enfant a souvent un désir de bien faire, de répondre à l'attention des parents, comme un peu un idéal d'être aussi un petit adulte, parce qu'il a... Pas toujours, mais je trouve, en tout cas, dans les familles, que chaque enfant a une place assez différente. Et le deuxième arrive avec... Il a de la chance d'avoir... Bon, ce n'est pas vérifié tout le temps, mais pour moi, en tout cas, beaucoup plus de liberté. Et moi, je passe entre les mailles du filet. Et aussi, je peux sentir, au-delà de cette joie et cette envie de créer, aussi des moments de tristesse. Je ne dirais pas de chaos, parce qu'il n'y a pas cette conscience quand on est petit du désastre. Mais je pourrais dire, à différents âges de l'enfance, on peut imaginer jusqu'à... Par exemple, à mes 5 ans, j'ai des souvenirs d'angoisse, d'avoir peur d'être abandonnée, d'être perdue dans la nature.

  • Speaker #0

    Tu sais pourquoi tu as ces angoisses-là ?

  • Speaker #1

    Non. Et on peut se demander d'où ça vient. Alors, je sais que ça répond à une situation. Par exemple, j'étais en voiture avec ma mère et elle s'était perdue. Et rien de grave, j'imagine qu'on allait chez des amis ou qu'on rentrait d'une promenade. J'imagine qu'elle a manifesté le fait qu'on soit perdus. Et pour moi, c'était un désastre parce qu'elle ne comprenait pas ce que je ressentais, parce que je ne devais pas l'exprimer. Et je me disais, mais est-ce qu'on va réussir à retourner à la maison ? Est-ce qu'on va mourir dans la voiture ? Des choses comme ça. Et je pleurais, j'étais en crise. Et c'est vrai que les parents n'ont pas toujours conscience de ce qui se passe très, très profondément. Et que parfois, l'enfant... à une sensibilité qui dépasse en fait les choses qu'il exprime. Et ça m'a beaucoup traumatisée, alors que je pense qu'il n'y avait aucun problème en fait. Et je ne crois pas que ma mère était stressée au point de me donner une angoisse. Parce que bon, un chemin ça se retrouve, on n'était pas dans le désert, on était dans...

  • Speaker #0

    Vous étiez en Picardie quand même.

  • Speaker #1

    On était en Picardie dans notre région, dans une zone de confort, je veux dire, d'un village à l'autre. Mais bon, qu'est-ce que... Qu'est-ce que vivait ma mère à ce moment-là ? Vraiment, je ne sais pas. Voilà, après, comme tous les enfants, des sentiments parfois de solitude ou d'humiliation. J'ai un souvenir, étant petite, on a vécu un peu à Marseille et pendant un carnaval, j'avais décidé de m'habiller tout en chœur. J'étais très petite, je ne sais pas, je devais avoir 4 ans. Et je me souviens avoir été très très fière de ce déguisement en forme de chœur. J'avais des... Des cœurs sur mon cœur, des cœurs sur mes épaules, sur ma tête. J'étais déguisée en cœur. Et les enfants, c'était des bons enfants, se sont moqués de moi. Ils me disaient que j'étais amoureuse. Évidemment, quand on est habillée en cœur, c'est qu'on a de l'amour pour les choses. Et je ne pouvais pas le supporter. Et ça m'a fait être très triste et me renfermer sur moi-même. Et j'ai senti ça, je vivais ça comme une agression. Alors que franchement, quand on prend du recul... Bon, voilà, des... Je me souviens de ces moments qui ont pointé dans ma vie. J'en ai un autre où j'étais beaucoup plus grande, je pense que je devais avoir une dizaine d'années. On est à l'école primaire à 10 ans, je ne me souviens plus. Ouais,

  • Speaker #0

    normalement.

  • Speaker #1

    En tout cas, j'étais assez jeune et j'avais un professeur que j'aimais beaucoup. Je ne sais pas pourquoi je raconte mes petits traumas. Et je me souviens que c'était la première fois que notre professeur prenait autant de temps pour... Il racontait quelque chose, c'est comme s'il avait préparé un exposé, c'était assez... Il avait... Voilà, c'était nouveau dans le... Je ne sais pas comment dire... Quotidiennement, les jours se ressemblaient, on avait des maths du français, mais ce jour-là, il avait fait une sorte de nouvelle préparation, une petite surprise, quoi, sur un thème très intéressant dont je ne me souviens plus. Et donc, il fait son exposé. Le format a changé. C'est différent. On est beaucoup plus dans l'écoute. Et puis, j'ai levé la main au moment des questions. J'en ai encore honte. Et j'ai demandé à ce professeur, quand il m'a dit Oui, Aude ! Il était très enthousiaste. Et moi, j'ai dit Quand est-ce que c'est fini ? Avec une insolence. Et je ne sais pas. Je ne sais pas pourquoi j'ai dit ça. Je ne sais pas si c'était pour le blesser ou si c'était pour faire mon intéressant devant tout le monde. Parce qu'en fait... Comme une enfant, j'arrivais pas... Ça devenait un peu long, quoi. Et c'est bizarre, parce que j'ai tout de suite senti la honte. Au moment où... Le manque de justesse à faire ça, je sais pas comment dire... C'est comme si j'étais poussée pour le faire, et qu'en même temps, je sentais très bien que ça allait me mettre dans l'embarras, et qu'en fait, j'allais faire de la peine à ce monsieur, qui m'avait jamais rien fait, je veux dire.

  • Speaker #0

    Donc il y a une sensibilité.

  • Speaker #1

    Oui, quand même ! Mais c'était dur parce que je me souviens que mes copines, elles étaient allées me voir en me disant mais t'es trop méchante en fait C'est trop méchante Et ça m'avait vraiment, ça m'avait heurtée. Donc sensible, oui, comme tous les enfants, je pense. Après, est-ce qu'il y a une qualité de, c'est quoi la qualité de laisser la place aux enfants, de pouvoir s'exprimer ? Et oui, tu parlais de cette clinicienne qui parlait de l'imagination. et des écrans et toutes ces choses. Et c'est vrai qu'en tant qu'enfant, j'ai beaucoup, beaucoup regardé la télé. C'était les années 90, 2000. Et c'était encore différent, mais ça a beaucoup nourri quelque chose en moi de l'imaginaire. Et je ne sais pas si c'était quelque chose qui était bien, en fait, mais je sais que ça nourrissait. Ça m'a certainement affaiblie aussi, mais ça nourrissait l'envie de faire des concerts, des spectacles, comme tous les enfants ont envie d'être un peu stars. Et puis de reproduire dans sa chambre des concerts.

  • Speaker #0

    C'était peut-être une source d'inspiration. Pour après, toi, créer dans... Parce que moi, j'ai le souvenir quand même d'une maison, en tout cas dans laquelle tu vivais, où il y avait toujours, toujours des chants, on était toujours en train de faire quelque chose.

  • Speaker #1

    Oui. Et je crois que l'enfant se lie à son environnement, complètement. Et on a eu de la chance qu'il y ait... Que nos parents soient musiciens, qu'il y ait beaucoup de vie, en fait. Et ça m'a donné un tremplin pour la vie et pour la création. Et je remercie vraiment mon milieu familial pour ça. Parce qu'on arrive et on porte déjà quelque chose en nous, mais si en plus le milieu dans lequel on est nous propose de créer, de devenir créateur, déjà en tant qu'enfant c'était beaucoup de liberté, beaucoup de temps de jeu. D'ailleurs, je n'aimais pas vraiment l'école. J'étais assez mauvaise et je ne pouvais pas me lier à ce qui était enseigné. Je ne sais pas, je ne comprenais pas d'être assise, d'entendre, d'écouter. Évidemment, j'aimais la récréation, mais surtout, je dormais en classe intérieurement. Je dormais et je disais que j'étais assez mauvaise.

  • Speaker #0

    Et d'avoir grandi auprès de soeurs dans un univers très féminin. Qu'est-ce que ça t'a donné comme énergie, comme force, comme regard justement aussi sur la vie ?

  • Speaker #1

    On est quatre sœurs, oui. Et puis on avait beaucoup de tantes. Il y avait peu d'hommes chez nous parce que les hommes ont vite déserté. Mais bizarrement, je ne sais pas, je dirais... Peut-être que j'ai eu cette tendance après à me lier plus aux femmes dans les habitiers. Parce que mes sœurs étaient aussi comme un peu des amies. Et puis, je ne sais pas... Naturellement, il y avait peu de garçons à la maison. Naturellement, je suis allée vers les filles, quoi. Je veux dire, en termes d'amitié, à développer vraiment une fraternité avec les femmes. Les garçons ne me faisaient plus peur, beaucoup plus, parce que c'était plus inconnu, quoi. Je ne connaissais pas vraiment mon père. Oui, c'est ça, quand le référent s'absente, j'imagine que ça crée quelque chose. Je ne sais pas, moi, je n'ai jamais vécu ça, mais d'avoir un papa dans sa maison... Je ne sais pas, qu'il me donne des conseils, qu'il répare une étagère, je ne sais pas, qu'il fasse le balai, j'en sais rien. Mais qu'est-ce que ça fait en fait d'avoir un homme dans une maison ?

  • Speaker #0

    Est-ce que ça en tant qu'enfant, c'est quelque chose dont tu rêvais ou tu te questionnais ?

  • Speaker #1

    Oui, oui, oui. Des fois je pleurais et je réclamais mon père, des souvenirs comme ça. Quand vraiment ma mère m'insupportait parce que je la trouvais injuste sur des choses, mon secours c'était d'appeler mon père parce que c'était trop pour un parent d'avoir toute l'éducation je trouve. Et je pleurais, je me disais mais papa... Mais bon, il n'entendait pas, il n'était pas là et j'aurais aimé qu'il puisse se mêler. C'est trop pour une mère quatre enfants comme ça, je veux dire c'est trop. 4 filles, c'est injuste de scoltiner toute la colère pour elle-même, toute la colère de ses enfants.

  • Speaker #0

    Donc c'est un lien que tu as gardé avec ton imaginaire, que tu as nourri comment ? Ou que tu as remplacé comment ?

  • Speaker #1

    Je ne sais pas, c'est inconscient. Mais c'est vrai que petite, j'aimais bien les émissions, les feuilletons où il y avait un papa et une maman. Des choses comme ça. Je ne sais pas. Il faudrait que j'y réfléchisse, mais c'est vrai que je ne sais pas. Après, on se construit aussi sans et ça nous donne beaucoup de force. Et puis, c'est plutôt dans ma vie de femme, j'ai mis du temps à vraiment être en couple. Et encore aujourd'hui, je trouve ça difficile. Je n'ai pas encore d'enfant, mais de vraiment bien répartir les rôles. Et de me dire que l'homme avec qui je vais faire une partie de ma vie, ou je ne sais pas, ou peut-être qui sera le père de mes enfants. Il va avoir un rôle à jouer, des responsabilités, et puis dans un quotidien, il faut s'accorder avec un homme, avec l'idée d'être à deux. Et donc, je ne sais pas si c'est un idéal pour moi d'avoir un petit mari, mais pendant longtemps, ça ne l'a pas été. Et donc, j'apprends. C'est quoi être à deux ? C'est quoi les forces masculines ? C'est quoi les forces du père ? qu'on possède aussi mais qui sont autres dans un homme homme. Et voilà. En tout cas, je me souviens qu'à l'adolescence, c'est un moment vraiment où je trouve que le père, il a un vrai rôle à jouer. Je veux dire, moi je parlerais de force plutôt que de... Je parle de force, ouais. Les forces du père, j'ai l'impression qu'à l'adolescence, elles sont vraiment là pour mener l'enfant, mener l'être, mener l'adolescent dans le monde. L'aider à ouvrir des portes, à être débrouillard, à voyager, faire des choses comme ça. Et moi, j'ai rencontré deux jeunes femmes. C'était des jumelles. Elles s'appelaient Caroline et Juliette. Et elles ont vraiment joué ce rôle-là pour moi à cette époque. Et ça a été incroyable. On est parties en rando. On a appris à pêcher, à découper du poisson, à faire un feu. Et je leur serai toujours reconnaissante. C'était des filles de maçons. Elles savaient chasser, elles savaient faire toutes ces choses que les hommes aussi font. Je ne sais pas comment dire, c'était deux jumelles dans un milieu assez macho de chasseurs et de maçons. Et elles ont été un peu élevées comme des garçons. Et donc elles avaient des facultés que moi je n'avais pas du tout en vivant dans un milieu de femmes. Et ça m'a fait du bien aussi, de voir cette virilité chez une femme et de le... que ma mère portait, je veux dire, quand on est obligé de faire un peu le père, quand on est mère de quatre enfants. Mais je veux dire, c'était incarné différemment chez elle. Et c'était fou, quoi. On peut se... C'est beaucoup plus ancré chez moi, le sentiment que je peux vraiment faire ma vie toute seule, quoi. C'est comme si d'être contre-femme, ça donnait une autonomie. Bon, je me sens très incapable à plein d'endroits, mais je veux dire, j'ai jamais pensé dans ma vie qu'en fait, un homme pourrait m'aider. En fait, une sorte d'autonomie intérieure, en tout cas, et matérielle, parce qu'on se débrouille, en fait. Et puis, on vaut aussi bien qu'eux. Et être avec des femmes, oui, mais c'est quelque chose.

  • Speaker #0

    Et quels liens vous avez aujourd'hui entre soeurs ? Parce que quatre soeurs, c'est quand même... Oui,

  • Speaker #1

    c'est tout le temps. On a des liens. C'est énormément disputé parce que le climat familial n'était pas toujours agréable. Et voilà, on a une très belle complicité avec des hauts et des bas. Mais... Voilà, c'est des sœurs pour la vie. Et puis, oui, tout ce lien, la féminité, toutes ces choses. Je ne sais pas comment dire, dans une maison, d'avoir nos lunes, nos règles. Je ne sais pas ce que ça m'apporte. Je ne me rends pas compte parce que c'est...

  • Speaker #0

    Vous avez quand même quelque chose qui vous lie. C'est forcément votre mère, mais aussi toute cette partie créative, artistique. Donc toi, tu as choisi la photographie. Comment ça s'est imposé à toi ?

  • Speaker #1

    Je me souviens très bien qu'à 8 ans, on dit souvent que c'est la naissance de la vocation pour l'être et que ça va un peu déterminer ce qu'il va faire dans la vie. Ou alors une envie, une ambition, un rêve, je ne sais pas comment dire. Et moi, c'est vrai que je voulais être liée aux animaux. Alors j'ai super peur. Je ne peux pas supporter ça, les chiens, les chats, tout ce monde animal. Ce qui est incroyable et sublime. et qui a une grande valeur, mais je veux dire, j'en ai tellement peur, et c'est tellement inconnu pour moi que j'ai du mal à imaginer qu'est-ce qu'il y avait... De comprendre en fait qu'est-ce que ça incarne d'être un photographe animalier ou même, je me souviens, je voulais être zoologue. Qu'est-ce que ça veut dire en fait ? Qu'est-ce que ça veut dire ? Voilà, si vous comprenez, peut-être. Je sais pas. Mais oui, la photo c'est important pour moi, c'est spécial. Tout le monde en fait aujourd'hui, surtout dans ce monde de l'image, c'est presque... étrange d'être un photographe et d'en vivre. Parce que l'image nous échappe complètement, même le métier de photographe qui est tellement vulgarisé. C'est incroyable ce qu'on peut faire. Mais bon, je m'accroche à continuer d'essayer de traduire une certaine beauté. Je pense que l'art, c'est une responsabilité et que les images que je crée, je ne les crée pas au hasard et elles ont une importance déjà pour moi, mais aussi... Je trouve important de laisser quelque chose de beau dans ce flot. Bon, voilà, peut-être que certaines personnes trouvent ça moche, quoi. Mais je veux dire, comment dans la démarche, dans la lumière, j'essaye de... C'est pas que je crée du beau, mais en tout cas quelque chose qui est à la limite de... Entre la poésie et quelque chose d'un peu sacré, quoi. Parce que tout ce qui va nourrir ma photographie... Ça vient de quelque chose qui est beaucoup plus grand. J'ai des images...

  • Speaker #0

    Pourquoi par la photo ? Et pourquoi ça ne s'est pas fait par le champ ?

  • Speaker #1

    J'aurais aimé, j'aurais aimé. Maintenant, je me dis, oui, oui, oui, j'aurais aimé. Je ne sais pas. C'est un choix.

  • Speaker #0

    Vous venez avec un premier appareil photo ?

  • Speaker #1

    Oui, oui, je me souviens qu'à 15 ans, c'était mon grand-père, oui. C'est Pépé qui m'a donné son appareil. Et j'ai fait des photos toute ma vie avec. J'ai commencé très naïvement à photographier mes petites sœurs en noir et blanc. Toujours en argentique. Et ça fait seulement quelques années que je fais du numérique, mais je ne sais pas. L'image, le fait de capter quelque chose et de pouvoir après le contempler. Et surtout les visages, parce que je n'ai vraiment pas fait des photos animalières. Et ça, je ne sais pas, ça s'est fait naturellement. Ça s'est fait naturellement. C'est vrai que j'aimerais tellement être chanteuse. Je vois tous ces métiers incroyables, faire de la harpe ou alors être guide de haute montagne. Je ne sais pas pourquoi j'ai choisi ça. C'est pas le meilleur truc pour moi, mais maintenant, je m'en arrange. Et puis, j'ai du plaisir aussi.

  • Speaker #0

    Mais qu'est-ce que tu penses que tu vois que les autres ne voient pas ?

  • Speaker #1

    Non, rien du tout, rien du tout. Oui,

  • Speaker #0

    mais justement, aujourd'hui, on peut tous faire des photos avec l'iPhone.

  • Speaker #1

    C'est vrai, c'est pas... Peut-être que c'est un style qu'on a à force de travailler. Ça fait tellement longtemps que j'en fais. Et encore, j'ai tellement de lacunes. Mais moi, j'ai un intérêt pour la lumière, pour les visages. C'est une ambiance, en fait. Des ambiances peut-être que j'avais vécues en étant enfant, des ambiances que j'ai vues parce que j'ai vu tellement de films, j'ai étudié le cinéma pendant longtemps. Et puis qu'est-ce que ça raconte en fait ? Cette lumière, l'ambiance en fait. C'est transmettre une ambiance. Mais oui, ça aurait pu être autre chose. Mais je pense que les qualités qu'il y a dans la photo, dans mes photos, elles pourraient, si je les transposais ou si je les transformais, elles pourraient aller... dans la poésie, dans le chant, dans quelques gestes de danse. Et puis toutes ces choses nourrissent mes créations. J'aime autant chanter que... J'aime même plus chanter, c'est encore plus vivant pour moi que de faire de la photo.

  • Speaker #0

    Voilà.

  • Speaker #1

    Et qu'est-ce que tu as appris à l'école... Non, c'est ça l'école...

  • Speaker #0

    L'école de photographe.

  • Speaker #1

    L'école de photographie. Est-ce que tu penses qu'on doit vraiment passer par ce cas de l'école ? Ou est-ce qu'on peut être photographe de manière autodidacte ? Oui,

  • Speaker #0

    oui, oui.

  • Speaker #1

    Qu'est-ce que ça t'a apporté ? Quel a été le plus de cette formation, de ce parcours ?

  • Speaker #0

    Je dirais que, oui, les rencontres, c'est sûr qu'on se crée un réseau et puis il y a des belles amitiés. On est là-bas pendant trois ans. Ce n'était pas que facile, mais... Il y a des gens merveilleux, je veux dire, comme partout sur Terre, mais c'est surtout le fait d'être au soleil. Et puis, c'est une école qui était, à mon époque, assez formidable parce qu'elle proposait, elle doit le faire toujours, mais elle proposait une sorte de liberté de la création. Je ne sais pas comment dire. Je n'ai pas toujours trouvé ça juste vrai, mais je veux dire, une liberté dans la création et dans le... Surtout le sentiment d'avoir du temps pour pouvoir se... chercher pour pouvoir se trouver, pour pouvoir faire des erreurs. C'était comme pour moi trois années d'exercice. Je me suis exercée à la photographie, tout était disponible, des numériques, de l'argentique, d'une très grande qualité, avec une équipe technique incroyable qui vous aide à réaliser, à comprendre ce que vous cherchez dans une image. Et c'est vrai que la présence d'une équipe avec des compétences techniques, c'est vraiment très important pour la photographie. pour qu'elle soit juste, pour qu'elle puisse répondre à nos besoins vraiment, nos envies. Quel est le meilleur appareil adapté ? Quelle lumière ? Quel soufflet ? Quel objectif ? Quel bain ? Quelle chimie ? Je ne sais pas. Et voilà, c'était vraiment de pouvoir avoir du temps, de n'avoir à faire que ça en fait. Et c'était vraiment une chance, parce que c'est une école qui est aussi publique, et sur concours, donc c'est incroyable.

  • Speaker #1

    Et dans le cadre de ces études-là ? Tu as fait une exposition, je crois, tu sais, en Martinique.

  • Speaker #0

    Ah oui, non, oui, oui, oui. En fait, l'école a créé un partenariat avec Kickstarter. Et il s'agissait de créer un projet, créer une histoire et de la proposer à l'école. Et puis Kickstarter, avec certains des responsables, choisissait, sélectionnait. On a été cinq, je crois, à être sélectionnés. pour nos projets et puis pour... Ils nous ont aidés à les mettre en œuvre, c'est-à-dire que... À les financer ? Voilà, c'est ça. Alors, c'est ça, parce que c'était la création d'un financement participatif, donc il fallait créer un projet de A à Z, avec des cadeaux à la clé, mais aussi une exposition. Et puis, alors, mon projet, c'était de partir en Martinique, un peu sur les traces. de mon père et de moi-même. C'était une quête racinaire, comme je pourrais dire, à mes 29 ans, je crois. Je suis partie là-bas et j'ai eu la chance d'être sélectionnée. Et ça a été une de mes premières fois. J'étais certainement partie plus petite, vraiment enfant, en Martinique, avec mon père et j'en ai très peu de souvenirs. Donc c'était d'y partir de manière consciente et puis de faire ce chemin vers soi, vers lui, vers ma négritude. Et évidemment, j'avais lu...

  • Speaker #1

    À travers la photo.

  • Speaker #0

    Tous ces poètes. À travers la photo, c'est un bon prétexte. Et je n'en ai pas fait assez à mon goût parce que ça a été un voyage assez difficile.

  • Speaker #1

    Finalement, à 29 ans, il y a cette quête identitaire qui revient. Je viens d'où ? Donc, ton père a des origines antillaises, de Martinique. Est-ce que c'est quelque chose qui t'a toujours... T'as toujours voulu aller en Martinique depuis que t'es petite ? Est-ce que tu avais des liens quand même avec des grand-mères là-bas ? Qu'est-ce qui t'a donné envie d'aller connaître justement d'où tu venais, tes racines ? Je sais que tu disais souvent ça, où tu avais une adoration pour les cheveux lisses, pour les yeux clairs. Et en plus, justement, à la télévision, dans les séries, etc., c'était plutôt des personnes blanches qui étaient mises en avant et rarement métisses. Donc, est-ce que tu as grandi en rêvant d'être européenne, enfin blanche ? Aujourd'hui, tu es justement grâce à ce voyage aussi et cette quête, tu es fière de tes racines.

  • Speaker #0

    Oui, c'est une très bonne question. Oui, absolument. C'est horrible parce que j'ai même troublé, j'ai abîmé, je pense, même ma conscience, mon âme. Parce que le soir, avant de dormir, je me faisais des images, des scénarios de moi dans une vie meilleure. Et j'avais oublié. Et j'étais blonde, en fait. J'étais blonde avec des cheveux lisses. Et c'est peut-être en ça que la télévision m'a fait du mal. Et comme notre mère était blanche, on n'avait pas ce modèle, ce modèle quand le parent qui est métisse n'est pas là, qui est black. Je ne sais pas, on n'avait pas de référence. J'ai très peu vu ma famille, mais je connaissais un peu mes cousines, une tante, comme ça. Mais je veux dire, c'est une goutte d'eau dans la vie, dans ma biographie. Donc oui, voilà, cette quête racinaire. Et évidemment que ça a changé ma vie. Ça a été assez douloureux, mais ça a été vraiment... J'ai vraiment changé. Même si les transformations sont très lentes. J'ai libéré quelque chose de mes cheveux, de ma peau, de mes seins. Ça a été vraiment...... Ça a été...

  • Speaker #1

    Est-ce que c'est le fait d'arriver là-bas et de voir qu'il y a des personnes finalement auxquelles tu ressembles ?

  • Speaker #0

    Absolument, c'est exactement ça.

  • Speaker #1

    Et de pouvoir être beauté à l'extérieur, de dire que tu l'as à l'intérieur et que tu la représentes aussi ?

  • Speaker #0

    C'est toujours pas si facile aujourd'hui. On a toujours envie d'avoir des cheveux qui tombent jusqu'aux pieds et qui soient raides. Mais oui, c'était de voir la beauté, en fait. Tout ces... Toutes ces femmes, tous ces hommes, je veux dire, ils sont superbes. Et je leur ressemble à un endroit, vraiment. Et vraiment, je pense que de mes trois sœurs, quatre sœurs, je suis certainement la plus martiniquaise.

  • Speaker #1

    Pourquoi ? Sans plus martiniquaise ?

  • Speaker #0

    Je me sens physiquement, ce que je trouve dans les visages que j'ai vus, le nez, la bouche, les yeux, l'attitude, même intérieurement, je sais pas. C'est quoi d'être martiniquais ? Je ne sais pas, c'est une espèce de feuille de nonchalance, de texture, d'ambiance, je ne sais pas, c'est peut-être l'âme. Tâche de rousseur, je ne sais rien. Je ne sais pas, peut-être parce que je ressemble à mon père, mais en tout cas, ça a été très libérateur. Et heureusement que j'ai fait ce voyage, parce que j'ai beaucoup changé depuis. En tout cas, à l'intérieur, c'est... Ça m'a permis, je pense, de vraiment me mettre sur le chemin d'amour pour moi-même. Je veux dire, c'est le début. Et c'est vrai que je ne sais pas qui j'étais avant pour avoir été aussi loin de moi. Donc, je remercie cette île de m'avoir accueillie pendant quelques mois. Et voilà, je vais y retourner. C'est encore un peu indigeste, mais parce qu'il s'est passé des événements là-bas et parce que ça a été tellement difficile d'être sur cette île sans mon père. Parce que j'aurais aimé comprendre au travers de lui, avec lui en fait. J'ai compris avec son absence, mais j'aurais aimé qu'il soit là.

  • Speaker #1

    Comment il a réagi quand tu lui as dit que tu partais en mars ?

  • Speaker #0

    Je crois qu'il était très angoissé. Je ne sais pas s'il y a des secrets de famille ou quoi, mais ça l'a angoissé.

  • Speaker #1

    Et les photos que tu as décidé de prendre là-bas, tu avais un thème particulier ?

  • Speaker #0

    Non, j'ai souvent besoin de visages et de nature. Et ce n'était pas facile parce que je n'avais pas d'amitié là-bas. Et donc de demander à des inconnus... Je veux dire, je n'étais pas dans le cadre d'une résidence. C'est moi qui inventais cette résidence. Et c'est là où ça a été difficile. Et au bout d'un moment, les paysages, on a envie de... De visage, donc après de longues journées sur les plages à chercher des visages. Il y en avait peu qui acceptaient en fait, c'est bizarre. Et sinon j'ai eu quelques belles images quand même. Un portrait que j'aime beaucoup, dans un crépuscule rose, et ça très reconnaissante de ce jeune garçon qui a accepté. Il sortait de l'eau, mais ouais. Donc peu heureuse du travail que j'ai. que j'étais censée apporter, rapporter. Voilà, c'est pour ça qu'il faut que j'y retourne.

  • Speaker #1

    Donc finalement, cette quête, elle est perpétuelle.

  • Speaker #0

    Elle est perpétuelle, peut-être. On cherche ce qu'on n'a pas. On verra, on verra.

  • Speaker #1

    Et après, tu as eu l'occasion de faire d'autres photos ?

  • Speaker #0

    Eh bien, oui, oui. Ces derniers temps, j'ai beaucoup travaillé. J'ai fait beaucoup plus de commandes, en fait. J'ai vécu un deuil qui m'a... qui arrivait au moment du confinement et qui m'a... dont je... qui a un peu glacé mon énergie de... non pas de mon énergie mais qui a un peu glacé ma création. Et depuis j'ai du mal à retrouver cette soif et cette... Alors je fais beaucoup de commandes et ça me fait très plaisir parce que la commande elle a quelque chose de l'injonction et en même temps il y a toute une partie création de... On demande telle chose, tel cadrage, mais en même temps, c'est ma patte à moi. J'imprime ma marque et donc c'est très rassurant pour moi dans ces circonstances où la création est beaucoup plus difficile. Je veux dire pure, la création pure. Et je travaille comme chargée de com'dans un lieu qui forme de formation artisanale, pédagogique et artistique. Et j'ai la chance de réaliser beaucoup, beaucoup d'images pour ce lieu et d'être beaucoup plus détachée parce que c'est en mon nom, mais c'est surtout au nom de la structure. Et voilà, c'est beaucoup plus léger. Mais voilà, je fais beaucoup d'images. d'affiches, de photographies, de posts, de choses comme ça.

  • Speaker #1

    Et qu'est-ce que tu dirais à un artiste qui traverse une période de deuil, justement, dans sa phase de création ?

  • Speaker #0

    Je trouve que la création, elle est tellement intime à la personne que j'aurais rien à dire. Mais si je peux parler de mon expérience, c'est que les épreuves, c'est malheureux, mais elles deviennent un vrai terreau, en fait, pour l'être. Et pour la vie en fait, je ne souhaite à personne de vivre des douleurs, mais je crois qu'on ne peut pas y échapper. Et que le temps fait bien souvent que quelque chose peut refleurir à un moment. Et la transformation d'une souffrance en un geste de création, je crois que c'est ce qu'il y a de plus beau. C'est ce qu'il y a de plus beau, et c'est les plus grandes œuvres, et c'est les plus beaux poèmes, et c'est quand l'être peut toucher à quelque chose qui est très profond, et très lumineux, et qui est au-delà de l'envie de la reconnaissance, au-delà de l'égoïsme.

  • Speaker #1

    Mais c'est transformer le plomb en or ?

  • Speaker #0

    Certainement, certainement, mais on ne sait pas quand ça arrive. Je veux dire, on ne peut pas se dire, bon, je vais transformer cette bonne petite souffrance après le...

  • Speaker #1

    Oui, mais comment tu sais que justement ça se transforme et que ça prend une autre forme ? Tu le ressens dans ton corps, tu le ressens dans tes penses, tu le ressens... Est-ce que ça se matérialise aussi dans ton quotidien où tu vois les choses différemment, où tu commences à comprendre ?

  • Speaker #0

    Oui, je pense qu'il y a un moment qui est un peu libérateur. De toute façon, il faut du temps et c'est un processus. Il y en a qui ne s'en remettent jamais, je veux dire, des drames. Et c'est comme ça. Mais oui, on peut le ressentir dans la tête, dans le cœur, dans une nouvelle mobilité, une nouvelle respiration. Surtout un désir qui ressurgit, quoi. Et qui appelle, et c'est comme si, à nouveau, on avait des forces fraîches et qu'elles étaient à nouveau disponibles parce que... Parce que quelque chose avait pu se transformer. Moi, je ne sais pas, je ressens ça comme les saisons. Cette espèce de... Oui, c'est ça, les choses, les pommes qui tombent au sol et qui pourrissent. Et qui viennent nourrir la terre. Les saisons qui passent, le sol qui est gelé. Et toute cette vie qui se prépare dans la nuit de la terre, en fait. C'est fou, cette saison qui est l'hiver. Et c'est vraiment ça, un deuil, en fait. Très cliché, mais c'était absolument vrai. C'est absolument vrai. C'est vraiment de descendre dans les profondeurs et d'essayer d'être seule. On est seule, on est sous-seule, et en même temps, quelque chose doit survivre jusqu'au prochain printemps. Donc,

  • Speaker #1

    le deuil dont tu parles, c'est celui de ta mère. Et t'avais 30 ans, non ? Quel âge t'avais ?

  • Speaker #0

    Oui.

  • Speaker #1

    Comment on fait quand on perd sa mère à 30 ans ? Comment tu l'as vécu tout ce processus ? Si tu peux le partager et que ça peut surtout aider d'autres personnes. Déjà, il y a eu la maladie, il y a eu l'annonce. Vous êtes quatre sœurs. Je suppose que l'une n'a pas vécu le même événement de la même façon. Mais en tout cas, toi, déjà cette annonce de maladie, qu'est-ce que tu ressens ? Est-ce que c'est de la colère ? Est-ce que c'est de la... de la haine ? Est-ce que c'est de l'injustice ? Est-ce que c'est, ok, on va être soudés justement, on est un clan ? Et comment ça se passe en fait, pour toi ?

  • Speaker #0

    Oui, c'est très juste en fait. On a beau être de la même famille, être des sœurs, mais la biographie est complètement différente. Et la manière de vivre un deuil l'est aussi, et l'est encore plus. C'est difficile de replonger là-dedans. Je ne sais pas si j'ai envie. Sans les résistances, je n'ai pas envie du tout. Mais c'est sûr que quand on apprend une chose pareille, le monde s'effondre. C'est très bizarre. Je sais pas, c'est comme si dans ma vie, le cancer c'était quelque chose pour les autres. Évidemment, on peut pas imaginer que sa mère développe un cancer comme ça, si sourd, si agressif. Oui, et puis certainement qu'on était aussi dans le déni. Je veux dire, il a dû y avoir des signes. Et je ne me souviens pas. Et ça a été très, très difficile. Et puis c'était assez court, je crois. Ça a duré deux ans à peine de maladie, ce qui est déjà très, très long, je veux dire. Affreusement long de souffrir deux ans. Quelle force. Et en même temps... Je sais pas. C'était une période où j'étais quand même assez en colère. Mais ça m'a permis de développer un lien beaucoup plus tendre, de l'accompagner à ses chimios, tout ça. Je me rendais compte de sa fragilité, quoi. même temps parfois on oubliait complètement et on continuait. Je trouve que j'ai manqué de... j'ai manqué de... de religion, je sais pas comment dire, cette manière de se relier à elle en fait, à cet endroit là de soin et en même temps... Et en même temps, voilà, on l'a accompagné jusqu'à ses derniers jours et ça a été... C'est bizarre parce que je me souviens quand j'étais assez jeune, je sais pas si tu te souviens aussi, il y avait ce film, un film américain avec... Julia Roberts et Ma pire ennemie ou Ma meilleure ennemie c'était un film qui m'avait vraiment fait beaucoup beaucoup pleurer J'étais jeune quand je l'ai vue. C'était l'histoire d'une femme qui avait deux enfants et qui se savait malade. Elle savait qu'elle allait mourir. Je ne me souviens plus, mais en substance, une femme est rentrée dans sa vie et elle a un peu joué les rôles de nounou pour accompagner ses enfants pendant que la maman était malade. Je me souviens d'une scène où les deux enfants sont sur leur lit et... pleurent parce qu'elles refusent que leur mère meurt ou ils pleurent parce que leur mère est morte. Et j'étais petite, enfin jeune, assez jeune, ça m'avait serré le cœur parce que je m'imaginais avec mes soeurs et je me disais mais si nous, on perdait notre mère, comment on s'en sortirait jamais ? Et je ne sais pas, je nous imaginais orphelines comme ça. Donc en fait, c'est vraiment ce qu'on a vécu les derniers jours. Ma maman, elle avait un appartement tout petit et on s'est tout réputé. plus j'y ai là-bas, parce qu'on ne dormait pas avec elle quand elle était à l'hôpital. Je veux dire, elle a passé ses derniers mois à l'hôpital et on ne dormait pas toujours là-bas, quoi. Donc on dormait dans son appart. Et puis il y a des nuits, plus l'échéance se rapprochait, et je me souviens, toutes les quatre dans un lit, à pleurer, c'était désespérant. Et puis de vivre la scène que j'avais tant redoutée, enfant ou adolescente, je ne sais plus. Oui, c'est difficile. Et en même temps, quand la souffrance est trop grande comme ça pour un être, on a hâte que tout s'arrête, pour elle, pour nous. Et qu'un grand silence se fasse, quoi. Parce que c'est quelle épreuve ? Voilà. Bon, je sais pas. Et aujourd'hui, le lien, il est mystérieux, parce qu'elle est très présente et que ça devient... Oui, je dirais que c'est comme un guide. On lui pose des questions. Je trouve que la manière dont on la fait le mieux vivre, c'est quand on l'imite, dans ses moments de bonheur, dans les mots qu'elle disait. C'est la manière de... Elle est vraiment en nous, dans ces moments-là. dans l'imitation, les souvenirs qu'on ranime. Voilà, et là, bon. Et on a fait de sa tombe un jardin, parce qu'on n'avait pas beaucoup d'argent, de toute façon. Pas d'argent pour mettre du marbre. Et puis on n'avait pas envie, on n'avait pas envie. Et ma mère aimait la nature, et pour moi c'était évident, en fait, que ce soit un jardin, un potager, n'importe quoi. Donc on... Je vais sur sa tombe. Je crois que je suis la seule à y aller. Pour moi, c'est mon petit jardin. J'ai planté du thym, du romarin, des roses, des glaïeules, de la menthe. Je ne sais même plus. Il y a plein de choses qui poussent aussi. Les pissenlits, toutes ces fleurs des champs.

  • Speaker #1

    Tu as eu des rituels qui t'ont aidé aussi ? Tu sais, à rendre aussi... C'est très tabou aussi la mort dans notre société aujourd'hui. On ne s'est jamais déjà posé les bons mots et accompagné. Mais on parle souvent du rituel, de justement prendre le temps, même si elle est tout le temps avec toi, que tu la sens présente et que tu vas la faire revivre déjà par la personne que tu es. Mais est-ce que tu as eu des... Est-ce que te recueillir effectivement sur cette tombe que tu as transformée en un lieu qui est beau ?

  • Speaker #0

    Oui, oui. Surtout les premières années, on l'a accompagné au-delà du seuil. Et après, c'est vrai que moi, j'ai la conviction que la famille est bouddhiste. Je suis attachée à toutes les images de la réincarnation et de l'âme qui fait son chemin sur terre et qui prépare une autre vie. C'est une évidence et ça l'a toujours été pour moi. Il y a aussi quelque chose qui n'est pas que triste dans cette fin. Ça m'a permis d'ouvrir des images beaucoup plus grandes sur les questions de karma, sur les questions de vie après la mort. C'est comme un être qui, pour moi, fait son chemin et avec lequel je peux rentrer en dialogue. Déjà intérieurement et par des images ou des rêves en fait. C'est vrai que les moments importants comme son anniversaire ou la date de sa mort, on n'a jamais pu se réunir encore avec les sœurs. Et je trouve que c'est vraiment dommage parce que je pense que l'être se penche vraiment dans ces moments-là. Quand c'est Noël, quand c'est les jours de notre naissance, tout ça. Je pense que tout est prétexte à penser. Et je ne sais pas si j'ai des rituels, mais j'ai des choses, oui, bien à moi que je ne veux pas livrer comme ça, parce que c'est très intime. Mais en tout cas, j'aime lui faire des hôtels. J'adore mettre son image et je change les photographies, les pierres qui sont à côté d'elle, les fleurs. Et c'est comme un monument aux morts qui est dans ma chambre constamment et qui... se métamorphose au fil des saisons.

  • Speaker #1

    Et tu as aussi ces fameuses photos qui ont été exposées au parc de la Villette.

  • Speaker #0

    Oui, j'ai une série où quand j'ai étudié à Arles, j'ai réalisé mon diplôme et dans les images que j'ai créées, j'ai souhaité rendre hommage à un poème de César Pavès. qui s'appelle Été dans son recueil Travailler fatigue comme le sucre des fruits tombés en ce temps-là. Et ça parle vraiment de l'été, de cette chaleur, de la mélancolie. Et donc, dans cette série, il y a la main de ma mère qui cueille comme des baies des fruits empoisonnés. C'est dans un petit arbre qui s'appelle le sorbier, un sorbier des oiseaux-leurs. Et donc je trouvais que cette image, c'était quelques temps avant sa mort, et je trouvais que cette image était très forte parce qu'elle a l'air très naïve, dans un soleil éclatant, une main qui cueille des fruits qui sont en fait... Et donc il y a quelque chose d'un peu tragique aussi dans se nourrir et mourir.

  • Speaker #1

    Mais qu'est-ce que tu ressens, toi, quand tu vois toutes tes photos à toi ?

  • Speaker #0

    On se dit qu'on est chanceux que nos images prennent de la place dans l'espace, en fait, sur la Terre et en dehors de nos journaux, de notre ordinateur, et que c'est fait pour ça, en fait. Et surtout, la manière dont elles ont été exposées, être à l'extérieur, dans un jardin, des miroirs... dans la nature, je trouve que c'est vraiment leur mission.

  • Speaker #1

    Et tu as eu des retours ?

  • Speaker #0

    Oui, je crois que ça a beaucoup plu et j'en suis assez heureuse. Parce que des fois, je les regarde et elles me touchent. Et puis des fois, on ne se supporte plus. Et puis on se trouve que c'est tellement naïf. Et on se dit, mais il y a tellement de choses, il faut aller beaucoup plus loin. Mais bon, écoute, c'est bien. Je suis heureuse qu'elle migre jusqu'à Nantes, pour tous ceux qui ne connaissent pas ces images. Et puis, j'ai vraiment hâte maintenant de... d'ouvrir un nouveau projet. Et donc, je prépare, justement, une nouvelle exposition qui va s'intituler... Alors, ça devait s'appeler Terrienne. C'est un projet qu'on a écrit avec mes sœurs au lendemain de la mort de notre mère et que je souhaiterais appeler autrement. J'ai pu, il y a quelques mois, rencontrer une artiste électro formidable qui s'appelle Maude Geffray, avec... avec qui on a décidé de participer à un appel à projet. Et donc, on a travaillé ensemble sur le deuil. Et le nom de notre travail était The Garden of Love. Et ça vient d'un de ses morceaux. Et c'est complètement... Et je trouve que ce titre est complètement approprié parce qu'il parle de cette histoire de deuil, de jardin, de beauté. de métamorphose. Je ne l'ai pas encore demandé, mais j'aimerais poursuivre ce travail, bien sûr, mais avec ce nom.

  • Speaker #1

    Et avec tes sœurs aussi ?

  • Speaker #0

    Elles seront absolument. Je ne sais pas si ça prendra la forme d'une création plus grande de chorégraphie, de chant. En tout cas, ça va déjà devenir de la poésie, de l'écriture et des images. Je vais commencer cet été.

  • Speaker #1

    C'est magnifique. Tu vas faire quoi cet été ?

  • Speaker #0

    Cet été, je vais réaliser quelques portraits. Les premiers portraits de ma grande sœur Estelle. Et peut-être des auteurs. Je ne sais pas. On va déjà voir. Peut-être avec Céline.

  • Speaker #1

    Ça va être un lien avec vous ?

  • Speaker #0

    Oui. Ça parle vraiment de quatre sœurs en deuil. Ça va être des images. Je me vois, je vois. Oui, j'ai des images. Je ne vais pas les dévoiler tout de suite.

  • Speaker #1

    Je t'imagine déjà.

  • Speaker #0

    Oui, oui. Et puis, ça a été écrit en 2021.

  • Speaker #1

    Vous réussissez à faire quelque chose de magnifique ?

  • Speaker #0

    Alors, je ne sais pas, j'espère que ça va l'être. En tout cas, ce sera notre image et ce sera ce qu'on peut faire du mieux qu'on peut. Et c'est des images intérieures qu'on essaye de faire jaillir à l'extérieur. Et ça parle de tout ce qui se passe à l'intérieur.

  • Speaker #1

    Merci pour ton entier.

  • Speaker #0

    Merci Ariane, merci beaucoup

  • Speaker #1

    Est-ce que tu as envie de partager en tout cas quelque chose que tu n'aurais pas pu dire dans ce podcast, dans cet échange dans cette conversation très intime peut-être un message clé que tu as envie de délivrer par rapport à ce que tu observes, ce que tu vis en ce moment ou alors un mot, une chanson pour faire plus simple

  • Speaker #0

    Je ne sais pas En tout cas, peut-être une envie de me souhaiter d'avoir des enfants et d'essayer de leur transmettre l'envie de créer et de liberté, et puis de les emmener en Martinique. Ce sera bien. Ils seront un peu flisés, je pense. De pouvoir être un gardien et de pouvoir transmettre. et de protéger tant qu'on peut les âmes des images qui pourraient détruire. Il y en a beaucoup, beaucoup maintenant sur la Terre. Je pense qu'il faut vraiment être armé maintenant pour naître dans ce monde et parvenir à avoir une vraie vie intérieure avec des images qui portent des forces vertueuses. Et je crois que c'est l'enjeu d'aujourd'hui.

Description

J'invite Aude Carleton, nous abordons ensemble le regard qu’elle pose sur l’image en tant que photographe, la quête de ses origines, des anecdotes d’enfance touchantes. Aude nous partage en deuxième partie d’épisode le témoignage intime et douloureux du deuil de sa maman qui fera naitre un nouveau projet artistique : " the garden of love ".


Hébergé par Ausha. Visitez ausha.co/politique-de-confidentialite pour plus d'informations.

Transcription

  • Speaker #0

    Bonjour à tous, je m'appelle Ariane, je suis thérapeute et je propose Hypnose et Conversations Thérapeutiques, un podcast où j'explore différents angles de vue et de vie. Je crois profondément au pouvoir libérateur de la parole, de l'écriture, de la relation, du lien et des histoires qui nous sont racontées. Je propose cette série d'épisodes pour mettre en avant des gens ordinaires et pourtant au parcours complètement extraordinaire. C'est absolument... sans filtre, authentique, comme si vous preniez un café à nos côtés. Bonne écrite. Bonjour à tous, pour l'introduction de cet épisode, j'ai envie de commencer par vous poser une question, entendue dans une conférence de Jacques Seguéla, qui est un grand publicitaire sur l'intelligence émotionnelle. Est-ce que vous savez ce que devient la neige lorsqu'elle fond ? Les plus rationnels d'entre vous répondront, bah oui, de l'eau. Et les plus créatifs d'entre vous répondront, peut-être, sûrement, le printemps. Je vous propose donc une conversation avec mon invité Aude, dont la créativité et la sensibilité ne sont plus à démontrer. Nous abordons ensemble la quête de ses origines, des anecdotes d'enfance touchantes, le regard aussi qu'elle pose sur l'image en tant que photographe. Aude, en deuxième partie des épis... d'épisodes nous partagent aussi le témoignage intime et douloureux du deuil de sa maman à seulement 30 ans qui fera naître aujourd'hui un nouveau projet artistique alors je la remercie infiniment pour son temps pour ses confidences qui peut-être vous inspireront. J'ai créé cette série d'épisodes pour montrer et rappeler à quel point l'extraordinaire est déjà autour de nous il suffit de poser un regard curieux et d'avoir une écoute attentive à celles et ceux qui nous entourent à travers leur vécu, leurs histoires, pour simplement le remarquer. Une seule façon pour vous de soutenir mon travail et la création de ces épisodes, c'est de laisser un avis ou une note ou tout simplement de vous abonner sur les plateformes d'écoute de votre choix. Je vous remercie infiniment pour votre soutien et je vous souhaite une très très bonne écoute. Je lisais dernièrement dans un ouvrage de Jean-Luc Thiement, psychopédagogue et thérapeute, que le capitalisme est une économie qui est fondée sur la consommation, la jouissance et le profit. Ce type d'économie est à moyen et à long terme destructrice de l'humanité et de la planète. Quand cesserons-nous de nous laisser berner par ce mythe de la croissance qui va toujours tout résoudre ? Nous sommes en train de perdre l'humain, il n'est plus au centre des préoccupations des politiques et des dirigeants des leviers de ce monde. Le règne de l'image et du virtuel... contribue à enfermer les humains dans un individualisme dévastateur et ceci oublie que la survie de l'espèce humaine repose pourtant sur la solidarité et non sur la compétition. On fait face à une immaturité psychique de plus en plus criante. Notre société favorise-t-elle le désespoir, l'addiction, la dépression ? Pousse-t-elle vers la maladie plutôt que de favoriser le lien ? J'écoutais dernièrement une psychologue clinicienne, Marie-Estelle Dupont, dire que l'enfant est un être d'affect. Un être de récits, de narration et de créativité. Or, si on le met derrière des écrans, dès son plus jeune âge, ça va être ô combien difficile pour lui de cultiver ses ressources intérieures, sa créativité, son imagination, qui lui permettent d'avoir confiance en lui. Réinvestir ce qui correspond à notre nature d'être humain, c'est d'abord des liens. La survie de l'espèce dépend des liens affectifs. Réinvestir les liens, et pas à travers les écrans, ça maintient la santé mentale. Apprendre maintient la santé mentale, notre cerveau. et fait pour être utilisé. Des liens, nous en avons un en particulier puisque nous sommes cousines, nous partageons donc de nombreux souvenirs d'enfance bien précieux à nos yeux. On se retrouvait, on imaginait, on créait, on faisait des spectacles, on dansait, on chantait, on jouait, on faisait de délicieuses citronnades. On avait même réussi à créer une fausse émission de radio qui s'appelait Réconcilia Bulle car on voulait réconcilier les gens entre eux. On a grandi dans un univers artistique, ta maman chantait, peignée, cuisinée divinement bien. Tu fais partie d'une famille nombreuse, tu as trois sœurs, elles aussi talentueuses, Estelle qui est danseuse, chorégraphe, Léna, étudiante au Beaux-Arts de Paris et Amandine, jeune architecte. Et toi, Aude, tu es aujourd'hui photographe, diplômée de l'École Nationale Supérieure de la Photographie d'Arles. Tes différents projets artistiques ont été reconnus pour être partagés au plus grand nombre, notamment pour être exposés dans les aéroports de Paris, au sein du parc de la Villette. et tu as été aussi finaliste de concours reconnus dans le domaine. Je te perçois comme quelqu'un de très sensible, mais aussi avec un feu intérieur très très puissant, qui laisse pas indifférent. Quand je regarde tes photos, donc ton travail, je me dis qu'à travers ton art, ton imagination, ton regard, ton univers, ton histoire, finalement la personne que tu es, tu arrives à capter, tu sublimes, tu racontes. Alors la première question que je pose à chacun de mes invités pour cette série d'épisodes, et souvent de revenir sur l'enfant que tu étais pour mieux comprendre celle que tu es devenue aujourd'hui. Alors la petite Aude, elle aimait quoi ? Elle rêvait de quoi ? Qu'est-ce qui l'inspirait ? Pour faire simple, à quoi ressemblait ton enfance ?

  • Speaker #1

    Bonjour Ariane, merci pour cette introduction. Si j'essaie de plonger dans ma biographie et de ressentir l'enfant que j'ai été, j'ai des images, des images qu'on a partagées ensemble, et je me vois, je ne sais pas comment dire, c'est plutôt que je ressens un sentiment intérieur. Je peux sentir jusqu'à un certain âge un sentiment de joie en fait, de joie, de pétiment, de force et d'envie de... de braver les interdits, aussi de fédérer. J'aimais beaucoup être entourée, avoir des gens autour de moi, ma famille, mes sœurs, mes cousins, mes cousines, mes amis. Oui, je suis la deuxième d'une fratrie, d'une sororie, sœurrie de quatre. Et je crois que la place du deuxième enfant, il est beaucoup plus en lien avec la liberté. Il est moins chargé, je trouve. du poids des parents qui ont un premier enfant. Et souvent, le premier enfant est très... Je ne sais pas comment dire, mais le premier enfant a souvent un désir de bien faire, de répondre à l'attention des parents, comme un peu un idéal d'être aussi un petit adulte, parce qu'il a... Pas toujours, mais je trouve, en tout cas, dans les familles, que chaque enfant a une place assez différente. Et le deuxième arrive avec... Il a de la chance d'avoir... Bon, ce n'est pas vérifié tout le temps, mais pour moi, en tout cas, beaucoup plus de liberté. Et moi, je passe entre les mailles du filet. Et aussi, je peux sentir, au-delà de cette joie et cette envie de créer, aussi des moments de tristesse. Je ne dirais pas de chaos, parce qu'il n'y a pas cette conscience quand on est petit du désastre. Mais je pourrais dire, à différents âges de l'enfance, on peut imaginer jusqu'à... Par exemple, à mes 5 ans, j'ai des souvenirs d'angoisse, d'avoir peur d'être abandonnée, d'être perdue dans la nature.

  • Speaker #0

    Tu sais pourquoi tu as ces angoisses-là ?

  • Speaker #1

    Non. Et on peut se demander d'où ça vient. Alors, je sais que ça répond à une situation. Par exemple, j'étais en voiture avec ma mère et elle s'était perdue. Et rien de grave, j'imagine qu'on allait chez des amis ou qu'on rentrait d'une promenade. J'imagine qu'elle a manifesté le fait qu'on soit perdus. Et pour moi, c'était un désastre parce qu'elle ne comprenait pas ce que je ressentais, parce que je ne devais pas l'exprimer. Et je me disais, mais est-ce qu'on va réussir à retourner à la maison ? Est-ce qu'on va mourir dans la voiture ? Des choses comme ça. Et je pleurais, j'étais en crise. Et c'est vrai que les parents n'ont pas toujours conscience de ce qui se passe très, très profondément. Et que parfois, l'enfant... à une sensibilité qui dépasse en fait les choses qu'il exprime. Et ça m'a beaucoup traumatisée, alors que je pense qu'il n'y avait aucun problème en fait. Et je ne crois pas que ma mère était stressée au point de me donner une angoisse. Parce que bon, un chemin ça se retrouve, on n'était pas dans le désert, on était dans...

  • Speaker #0

    Vous étiez en Picardie quand même.

  • Speaker #1

    On était en Picardie dans notre région, dans une zone de confort, je veux dire, d'un village à l'autre. Mais bon, qu'est-ce que... Qu'est-ce que vivait ma mère à ce moment-là ? Vraiment, je ne sais pas. Voilà, après, comme tous les enfants, des sentiments parfois de solitude ou d'humiliation. J'ai un souvenir, étant petite, on a vécu un peu à Marseille et pendant un carnaval, j'avais décidé de m'habiller tout en chœur. J'étais très petite, je ne sais pas, je devais avoir 4 ans. Et je me souviens avoir été très très fière de ce déguisement en forme de chœur. J'avais des... Des cœurs sur mon cœur, des cœurs sur mes épaules, sur ma tête. J'étais déguisée en cœur. Et les enfants, c'était des bons enfants, se sont moqués de moi. Ils me disaient que j'étais amoureuse. Évidemment, quand on est habillée en cœur, c'est qu'on a de l'amour pour les choses. Et je ne pouvais pas le supporter. Et ça m'a fait être très triste et me renfermer sur moi-même. Et j'ai senti ça, je vivais ça comme une agression. Alors que franchement, quand on prend du recul... Bon, voilà, des... Je me souviens de ces moments qui ont pointé dans ma vie. J'en ai un autre où j'étais beaucoup plus grande, je pense que je devais avoir une dizaine d'années. On est à l'école primaire à 10 ans, je ne me souviens plus. Ouais,

  • Speaker #0

    normalement.

  • Speaker #1

    En tout cas, j'étais assez jeune et j'avais un professeur que j'aimais beaucoup. Je ne sais pas pourquoi je raconte mes petits traumas. Et je me souviens que c'était la première fois que notre professeur prenait autant de temps pour... Il racontait quelque chose, c'est comme s'il avait préparé un exposé, c'était assez... Il avait... Voilà, c'était nouveau dans le... Je ne sais pas comment dire... Quotidiennement, les jours se ressemblaient, on avait des maths du français, mais ce jour-là, il avait fait une sorte de nouvelle préparation, une petite surprise, quoi, sur un thème très intéressant dont je ne me souviens plus. Et donc, il fait son exposé. Le format a changé. C'est différent. On est beaucoup plus dans l'écoute. Et puis, j'ai levé la main au moment des questions. J'en ai encore honte. Et j'ai demandé à ce professeur, quand il m'a dit Oui, Aude ! Il était très enthousiaste. Et moi, j'ai dit Quand est-ce que c'est fini ? Avec une insolence. Et je ne sais pas. Je ne sais pas pourquoi j'ai dit ça. Je ne sais pas si c'était pour le blesser ou si c'était pour faire mon intéressant devant tout le monde. Parce qu'en fait... Comme une enfant, j'arrivais pas... Ça devenait un peu long, quoi. Et c'est bizarre, parce que j'ai tout de suite senti la honte. Au moment où... Le manque de justesse à faire ça, je sais pas comment dire... C'est comme si j'étais poussée pour le faire, et qu'en même temps, je sentais très bien que ça allait me mettre dans l'embarras, et qu'en fait, j'allais faire de la peine à ce monsieur, qui m'avait jamais rien fait, je veux dire.

  • Speaker #0

    Donc il y a une sensibilité.

  • Speaker #1

    Oui, quand même ! Mais c'était dur parce que je me souviens que mes copines, elles étaient allées me voir en me disant mais t'es trop méchante en fait C'est trop méchante Et ça m'avait vraiment, ça m'avait heurtée. Donc sensible, oui, comme tous les enfants, je pense. Après, est-ce qu'il y a une qualité de, c'est quoi la qualité de laisser la place aux enfants, de pouvoir s'exprimer ? Et oui, tu parlais de cette clinicienne qui parlait de l'imagination. et des écrans et toutes ces choses. Et c'est vrai qu'en tant qu'enfant, j'ai beaucoup, beaucoup regardé la télé. C'était les années 90, 2000. Et c'était encore différent, mais ça a beaucoup nourri quelque chose en moi de l'imaginaire. Et je ne sais pas si c'était quelque chose qui était bien, en fait, mais je sais que ça nourrissait. Ça m'a certainement affaiblie aussi, mais ça nourrissait l'envie de faire des concerts, des spectacles, comme tous les enfants ont envie d'être un peu stars. Et puis de reproduire dans sa chambre des concerts.

  • Speaker #0

    C'était peut-être une source d'inspiration. Pour après, toi, créer dans... Parce que moi, j'ai le souvenir quand même d'une maison, en tout cas dans laquelle tu vivais, où il y avait toujours, toujours des chants, on était toujours en train de faire quelque chose.

  • Speaker #1

    Oui. Et je crois que l'enfant se lie à son environnement, complètement. Et on a eu de la chance qu'il y ait... Que nos parents soient musiciens, qu'il y ait beaucoup de vie, en fait. Et ça m'a donné un tremplin pour la vie et pour la création. Et je remercie vraiment mon milieu familial pour ça. Parce qu'on arrive et on porte déjà quelque chose en nous, mais si en plus le milieu dans lequel on est nous propose de créer, de devenir créateur, déjà en tant qu'enfant c'était beaucoup de liberté, beaucoup de temps de jeu. D'ailleurs, je n'aimais pas vraiment l'école. J'étais assez mauvaise et je ne pouvais pas me lier à ce qui était enseigné. Je ne sais pas, je ne comprenais pas d'être assise, d'entendre, d'écouter. Évidemment, j'aimais la récréation, mais surtout, je dormais en classe intérieurement. Je dormais et je disais que j'étais assez mauvaise.

  • Speaker #0

    Et d'avoir grandi auprès de soeurs dans un univers très féminin. Qu'est-ce que ça t'a donné comme énergie, comme force, comme regard justement aussi sur la vie ?

  • Speaker #1

    On est quatre sœurs, oui. Et puis on avait beaucoup de tantes. Il y avait peu d'hommes chez nous parce que les hommes ont vite déserté. Mais bizarrement, je ne sais pas, je dirais... Peut-être que j'ai eu cette tendance après à me lier plus aux femmes dans les habitiers. Parce que mes sœurs étaient aussi comme un peu des amies. Et puis, je ne sais pas... Naturellement, il y avait peu de garçons à la maison. Naturellement, je suis allée vers les filles, quoi. Je veux dire, en termes d'amitié, à développer vraiment une fraternité avec les femmes. Les garçons ne me faisaient plus peur, beaucoup plus, parce que c'était plus inconnu, quoi. Je ne connaissais pas vraiment mon père. Oui, c'est ça, quand le référent s'absente, j'imagine que ça crée quelque chose. Je ne sais pas, moi, je n'ai jamais vécu ça, mais d'avoir un papa dans sa maison... Je ne sais pas, qu'il me donne des conseils, qu'il répare une étagère, je ne sais pas, qu'il fasse le balai, j'en sais rien. Mais qu'est-ce que ça fait en fait d'avoir un homme dans une maison ?

  • Speaker #0

    Est-ce que ça en tant qu'enfant, c'est quelque chose dont tu rêvais ou tu te questionnais ?

  • Speaker #1

    Oui, oui, oui. Des fois je pleurais et je réclamais mon père, des souvenirs comme ça. Quand vraiment ma mère m'insupportait parce que je la trouvais injuste sur des choses, mon secours c'était d'appeler mon père parce que c'était trop pour un parent d'avoir toute l'éducation je trouve. Et je pleurais, je me disais mais papa... Mais bon, il n'entendait pas, il n'était pas là et j'aurais aimé qu'il puisse se mêler. C'est trop pour une mère quatre enfants comme ça, je veux dire c'est trop. 4 filles, c'est injuste de scoltiner toute la colère pour elle-même, toute la colère de ses enfants.

  • Speaker #0

    Donc c'est un lien que tu as gardé avec ton imaginaire, que tu as nourri comment ? Ou que tu as remplacé comment ?

  • Speaker #1

    Je ne sais pas, c'est inconscient. Mais c'est vrai que petite, j'aimais bien les émissions, les feuilletons où il y avait un papa et une maman. Des choses comme ça. Je ne sais pas. Il faudrait que j'y réfléchisse, mais c'est vrai que je ne sais pas. Après, on se construit aussi sans et ça nous donne beaucoup de force. Et puis, c'est plutôt dans ma vie de femme, j'ai mis du temps à vraiment être en couple. Et encore aujourd'hui, je trouve ça difficile. Je n'ai pas encore d'enfant, mais de vraiment bien répartir les rôles. Et de me dire que l'homme avec qui je vais faire une partie de ma vie, ou je ne sais pas, ou peut-être qui sera le père de mes enfants. Il va avoir un rôle à jouer, des responsabilités, et puis dans un quotidien, il faut s'accorder avec un homme, avec l'idée d'être à deux. Et donc, je ne sais pas si c'est un idéal pour moi d'avoir un petit mari, mais pendant longtemps, ça ne l'a pas été. Et donc, j'apprends. C'est quoi être à deux ? C'est quoi les forces masculines ? C'est quoi les forces du père ? qu'on possède aussi mais qui sont autres dans un homme homme. Et voilà. En tout cas, je me souviens qu'à l'adolescence, c'est un moment vraiment où je trouve que le père, il a un vrai rôle à jouer. Je veux dire, moi je parlerais de force plutôt que de... Je parle de force, ouais. Les forces du père, j'ai l'impression qu'à l'adolescence, elles sont vraiment là pour mener l'enfant, mener l'être, mener l'adolescent dans le monde. L'aider à ouvrir des portes, à être débrouillard, à voyager, faire des choses comme ça. Et moi, j'ai rencontré deux jeunes femmes. C'était des jumelles. Elles s'appelaient Caroline et Juliette. Et elles ont vraiment joué ce rôle-là pour moi à cette époque. Et ça a été incroyable. On est parties en rando. On a appris à pêcher, à découper du poisson, à faire un feu. Et je leur serai toujours reconnaissante. C'était des filles de maçons. Elles savaient chasser, elles savaient faire toutes ces choses que les hommes aussi font. Je ne sais pas comment dire, c'était deux jumelles dans un milieu assez macho de chasseurs et de maçons. Et elles ont été un peu élevées comme des garçons. Et donc elles avaient des facultés que moi je n'avais pas du tout en vivant dans un milieu de femmes. Et ça m'a fait du bien aussi, de voir cette virilité chez une femme et de le... que ma mère portait, je veux dire, quand on est obligé de faire un peu le père, quand on est mère de quatre enfants. Mais je veux dire, c'était incarné différemment chez elle. Et c'était fou, quoi. On peut se... C'est beaucoup plus ancré chez moi, le sentiment que je peux vraiment faire ma vie toute seule, quoi. C'est comme si d'être contre-femme, ça donnait une autonomie. Bon, je me sens très incapable à plein d'endroits, mais je veux dire, j'ai jamais pensé dans ma vie qu'en fait, un homme pourrait m'aider. En fait, une sorte d'autonomie intérieure, en tout cas, et matérielle, parce qu'on se débrouille, en fait. Et puis, on vaut aussi bien qu'eux. Et être avec des femmes, oui, mais c'est quelque chose.

  • Speaker #0

    Et quels liens vous avez aujourd'hui entre soeurs ? Parce que quatre soeurs, c'est quand même... Oui,

  • Speaker #1

    c'est tout le temps. On a des liens. C'est énormément disputé parce que le climat familial n'était pas toujours agréable. Et voilà, on a une très belle complicité avec des hauts et des bas. Mais... Voilà, c'est des sœurs pour la vie. Et puis, oui, tout ce lien, la féminité, toutes ces choses. Je ne sais pas comment dire, dans une maison, d'avoir nos lunes, nos règles. Je ne sais pas ce que ça m'apporte. Je ne me rends pas compte parce que c'est...

  • Speaker #0

    Vous avez quand même quelque chose qui vous lie. C'est forcément votre mère, mais aussi toute cette partie créative, artistique. Donc toi, tu as choisi la photographie. Comment ça s'est imposé à toi ?

  • Speaker #1

    Je me souviens très bien qu'à 8 ans, on dit souvent que c'est la naissance de la vocation pour l'être et que ça va un peu déterminer ce qu'il va faire dans la vie. Ou alors une envie, une ambition, un rêve, je ne sais pas comment dire. Et moi, c'est vrai que je voulais être liée aux animaux. Alors j'ai super peur. Je ne peux pas supporter ça, les chiens, les chats, tout ce monde animal. Ce qui est incroyable et sublime. et qui a une grande valeur, mais je veux dire, j'en ai tellement peur, et c'est tellement inconnu pour moi que j'ai du mal à imaginer qu'est-ce qu'il y avait... De comprendre en fait qu'est-ce que ça incarne d'être un photographe animalier ou même, je me souviens, je voulais être zoologue. Qu'est-ce que ça veut dire en fait ? Qu'est-ce que ça veut dire ? Voilà, si vous comprenez, peut-être. Je sais pas. Mais oui, la photo c'est important pour moi, c'est spécial. Tout le monde en fait aujourd'hui, surtout dans ce monde de l'image, c'est presque... étrange d'être un photographe et d'en vivre. Parce que l'image nous échappe complètement, même le métier de photographe qui est tellement vulgarisé. C'est incroyable ce qu'on peut faire. Mais bon, je m'accroche à continuer d'essayer de traduire une certaine beauté. Je pense que l'art, c'est une responsabilité et que les images que je crée, je ne les crée pas au hasard et elles ont une importance déjà pour moi, mais aussi... Je trouve important de laisser quelque chose de beau dans ce flot. Bon, voilà, peut-être que certaines personnes trouvent ça moche, quoi. Mais je veux dire, comment dans la démarche, dans la lumière, j'essaye de... C'est pas que je crée du beau, mais en tout cas quelque chose qui est à la limite de... Entre la poésie et quelque chose d'un peu sacré, quoi. Parce que tout ce qui va nourrir ma photographie... Ça vient de quelque chose qui est beaucoup plus grand. J'ai des images...

  • Speaker #0

    Pourquoi par la photo ? Et pourquoi ça ne s'est pas fait par le champ ?

  • Speaker #1

    J'aurais aimé, j'aurais aimé. Maintenant, je me dis, oui, oui, oui, j'aurais aimé. Je ne sais pas. C'est un choix.

  • Speaker #0

    Vous venez avec un premier appareil photo ?

  • Speaker #1

    Oui, oui, je me souviens qu'à 15 ans, c'était mon grand-père, oui. C'est Pépé qui m'a donné son appareil. Et j'ai fait des photos toute ma vie avec. J'ai commencé très naïvement à photographier mes petites sœurs en noir et blanc. Toujours en argentique. Et ça fait seulement quelques années que je fais du numérique, mais je ne sais pas. L'image, le fait de capter quelque chose et de pouvoir après le contempler. Et surtout les visages, parce que je n'ai vraiment pas fait des photos animalières. Et ça, je ne sais pas, ça s'est fait naturellement. Ça s'est fait naturellement. C'est vrai que j'aimerais tellement être chanteuse. Je vois tous ces métiers incroyables, faire de la harpe ou alors être guide de haute montagne. Je ne sais pas pourquoi j'ai choisi ça. C'est pas le meilleur truc pour moi, mais maintenant, je m'en arrange. Et puis, j'ai du plaisir aussi.

  • Speaker #0

    Mais qu'est-ce que tu penses que tu vois que les autres ne voient pas ?

  • Speaker #1

    Non, rien du tout, rien du tout. Oui,

  • Speaker #0

    mais justement, aujourd'hui, on peut tous faire des photos avec l'iPhone.

  • Speaker #1

    C'est vrai, c'est pas... Peut-être que c'est un style qu'on a à force de travailler. Ça fait tellement longtemps que j'en fais. Et encore, j'ai tellement de lacunes. Mais moi, j'ai un intérêt pour la lumière, pour les visages. C'est une ambiance, en fait. Des ambiances peut-être que j'avais vécues en étant enfant, des ambiances que j'ai vues parce que j'ai vu tellement de films, j'ai étudié le cinéma pendant longtemps. Et puis qu'est-ce que ça raconte en fait ? Cette lumière, l'ambiance en fait. C'est transmettre une ambiance. Mais oui, ça aurait pu être autre chose. Mais je pense que les qualités qu'il y a dans la photo, dans mes photos, elles pourraient, si je les transposais ou si je les transformais, elles pourraient aller... dans la poésie, dans le chant, dans quelques gestes de danse. Et puis toutes ces choses nourrissent mes créations. J'aime autant chanter que... J'aime même plus chanter, c'est encore plus vivant pour moi que de faire de la photo.

  • Speaker #0

    Voilà.

  • Speaker #1

    Et qu'est-ce que tu as appris à l'école... Non, c'est ça l'école...

  • Speaker #0

    L'école de photographe.

  • Speaker #1

    L'école de photographie. Est-ce que tu penses qu'on doit vraiment passer par ce cas de l'école ? Ou est-ce qu'on peut être photographe de manière autodidacte ? Oui,

  • Speaker #0

    oui, oui.

  • Speaker #1

    Qu'est-ce que ça t'a apporté ? Quel a été le plus de cette formation, de ce parcours ?

  • Speaker #0

    Je dirais que, oui, les rencontres, c'est sûr qu'on se crée un réseau et puis il y a des belles amitiés. On est là-bas pendant trois ans. Ce n'était pas que facile, mais... Il y a des gens merveilleux, je veux dire, comme partout sur Terre, mais c'est surtout le fait d'être au soleil. Et puis, c'est une école qui était, à mon époque, assez formidable parce qu'elle proposait, elle doit le faire toujours, mais elle proposait une sorte de liberté de la création. Je ne sais pas comment dire. Je n'ai pas toujours trouvé ça juste vrai, mais je veux dire, une liberté dans la création et dans le... Surtout le sentiment d'avoir du temps pour pouvoir se... chercher pour pouvoir se trouver, pour pouvoir faire des erreurs. C'était comme pour moi trois années d'exercice. Je me suis exercée à la photographie, tout était disponible, des numériques, de l'argentique, d'une très grande qualité, avec une équipe technique incroyable qui vous aide à réaliser, à comprendre ce que vous cherchez dans une image. Et c'est vrai que la présence d'une équipe avec des compétences techniques, c'est vraiment très important pour la photographie. pour qu'elle soit juste, pour qu'elle puisse répondre à nos besoins vraiment, nos envies. Quel est le meilleur appareil adapté ? Quelle lumière ? Quel soufflet ? Quel objectif ? Quel bain ? Quelle chimie ? Je ne sais pas. Et voilà, c'était vraiment de pouvoir avoir du temps, de n'avoir à faire que ça en fait. Et c'était vraiment une chance, parce que c'est une école qui est aussi publique, et sur concours, donc c'est incroyable.

  • Speaker #1

    Et dans le cadre de ces études-là ? Tu as fait une exposition, je crois, tu sais, en Martinique.

  • Speaker #0

    Ah oui, non, oui, oui, oui. En fait, l'école a créé un partenariat avec Kickstarter. Et il s'agissait de créer un projet, créer une histoire et de la proposer à l'école. Et puis Kickstarter, avec certains des responsables, choisissait, sélectionnait. On a été cinq, je crois, à être sélectionnés. pour nos projets et puis pour... Ils nous ont aidés à les mettre en œuvre, c'est-à-dire que... À les financer ? Voilà, c'est ça. Alors, c'est ça, parce que c'était la création d'un financement participatif, donc il fallait créer un projet de A à Z, avec des cadeaux à la clé, mais aussi une exposition. Et puis, alors, mon projet, c'était de partir en Martinique, un peu sur les traces. de mon père et de moi-même. C'était une quête racinaire, comme je pourrais dire, à mes 29 ans, je crois. Je suis partie là-bas et j'ai eu la chance d'être sélectionnée. Et ça a été une de mes premières fois. J'étais certainement partie plus petite, vraiment enfant, en Martinique, avec mon père et j'en ai très peu de souvenirs. Donc c'était d'y partir de manière consciente et puis de faire ce chemin vers soi, vers lui, vers ma négritude. Et évidemment, j'avais lu...

  • Speaker #1

    À travers la photo.

  • Speaker #0

    Tous ces poètes. À travers la photo, c'est un bon prétexte. Et je n'en ai pas fait assez à mon goût parce que ça a été un voyage assez difficile.

  • Speaker #1

    Finalement, à 29 ans, il y a cette quête identitaire qui revient. Je viens d'où ? Donc, ton père a des origines antillaises, de Martinique. Est-ce que c'est quelque chose qui t'a toujours... T'as toujours voulu aller en Martinique depuis que t'es petite ? Est-ce que tu avais des liens quand même avec des grand-mères là-bas ? Qu'est-ce qui t'a donné envie d'aller connaître justement d'où tu venais, tes racines ? Je sais que tu disais souvent ça, où tu avais une adoration pour les cheveux lisses, pour les yeux clairs. Et en plus, justement, à la télévision, dans les séries, etc., c'était plutôt des personnes blanches qui étaient mises en avant et rarement métisses. Donc, est-ce que tu as grandi en rêvant d'être européenne, enfin blanche ? Aujourd'hui, tu es justement grâce à ce voyage aussi et cette quête, tu es fière de tes racines.

  • Speaker #0

    Oui, c'est une très bonne question. Oui, absolument. C'est horrible parce que j'ai même troublé, j'ai abîmé, je pense, même ma conscience, mon âme. Parce que le soir, avant de dormir, je me faisais des images, des scénarios de moi dans une vie meilleure. Et j'avais oublié. Et j'étais blonde, en fait. J'étais blonde avec des cheveux lisses. Et c'est peut-être en ça que la télévision m'a fait du mal. Et comme notre mère était blanche, on n'avait pas ce modèle, ce modèle quand le parent qui est métisse n'est pas là, qui est black. Je ne sais pas, on n'avait pas de référence. J'ai très peu vu ma famille, mais je connaissais un peu mes cousines, une tante, comme ça. Mais je veux dire, c'est une goutte d'eau dans la vie, dans ma biographie. Donc oui, voilà, cette quête racinaire. Et évidemment que ça a changé ma vie. Ça a été assez douloureux, mais ça a été vraiment... J'ai vraiment changé. Même si les transformations sont très lentes. J'ai libéré quelque chose de mes cheveux, de ma peau, de mes seins. Ça a été vraiment...... Ça a été...

  • Speaker #1

    Est-ce que c'est le fait d'arriver là-bas et de voir qu'il y a des personnes finalement auxquelles tu ressembles ?

  • Speaker #0

    Absolument, c'est exactement ça.

  • Speaker #1

    Et de pouvoir être beauté à l'extérieur, de dire que tu l'as à l'intérieur et que tu la représentes aussi ?

  • Speaker #0

    C'est toujours pas si facile aujourd'hui. On a toujours envie d'avoir des cheveux qui tombent jusqu'aux pieds et qui soient raides. Mais oui, c'était de voir la beauté, en fait. Tout ces... Toutes ces femmes, tous ces hommes, je veux dire, ils sont superbes. Et je leur ressemble à un endroit, vraiment. Et vraiment, je pense que de mes trois sœurs, quatre sœurs, je suis certainement la plus martiniquaise.

  • Speaker #1

    Pourquoi ? Sans plus martiniquaise ?

  • Speaker #0

    Je me sens physiquement, ce que je trouve dans les visages que j'ai vus, le nez, la bouche, les yeux, l'attitude, même intérieurement, je sais pas. C'est quoi d'être martiniquais ? Je ne sais pas, c'est une espèce de feuille de nonchalance, de texture, d'ambiance, je ne sais pas, c'est peut-être l'âme. Tâche de rousseur, je ne sais rien. Je ne sais pas, peut-être parce que je ressemble à mon père, mais en tout cas, ça a été très libérateur. Et heureusement que j'ai fait ce voyage, parce que j'ai beaucoup changé depuis. En tout cas, à l'intérieur, c'est... Ça m'a permis, je pense, de vraiment me mettre sur le chemin d'amour pour moi-même. Je veux dire, c'est le début. Et c'est vrai que je ne sais pas qui j'étais avant pour avoir été aussi loin de moi. Donc, je remercie cette île de m'avoir accueillie pendant quelques mois. Et voilà, je vais y retourner. C'est encore un peu indigeste, mais parce qu'il s'est passé des événements là-bas et parce que ça a été tellement difficile d'être sur cette île sans mon père. Parce que j'aurais aimé comprendre au travers de lui, avec lui en fait. J'ai compris avec son absence, mais j'aurais aimé qu'il soit là.

  • Speaker #1

    Comment il a réagi quand tu lui as dit que tu partais en mars ?

  • Speaker #0

    Je crois qu'il était très angoissé. Je ne sais pas s'il y a des secrets de famille ou quoi, mais ça l'a angoissé.

  • Speaker #1

    Et les photos que tu as décidé de prendre là-bas, tu avais un thème particulier ?

  • Speaker #0

    Non, j'ai souvent besoin de visages et de nature. Et ce n'était pas facile parce que je n'avais pas d'amitié là-bas. Et donc de demander à des inconnus... Je veux dire, je n'étais pas dans le cadre d'une résidence. C'est moi qui inventais cette résidence. Et c'est là où ça a été difficile. Et au bout d'un moment, les paysages, on a envie de... De visage, donc après de longues journées sur les plages à chercher des visages. Il y en avait peu qui acceptaient en fait, c'est bizarre. Et sinon j'ai eu quelques belles images quand même. Un portrait que j'aime beaucoup, dans un crépuscule rose, et ça très reconnaissante de ce jeune garçon qui a accepté. Il sortait de l'eau, mais ouais. Donc peu heureuse du travail que j'ai. que j'étais censée apporter, rapporter. Voilà, c'est pour ça qu'il faut que j'y retourne.

  • Speaker #1

    Donc finalement, cette quête, elle est perpétuelle.

  • Speaker #0

    Elle est perpétuelle, peut-être. On cherche ce qu'on n'a pas. On verra, on verra.

  • Speaker #1

    Et après, tu as eu l'occasion de faire d'autres photos ?

  • Speaker #0

    Eh bien, oui, oui. Ces derniers temps, j'ai beaucoup travaillé. J'ai fait beaucoup plus de commandes, en fait. J'ai vécu un deuil qui m'a... qui arrivait au moment du confinement et qui m'a... dont je... qui a un peu glacé mon énergie de... non pas de mon énergie mais qui a un peu glacé ma création. Et depuis j'ai du mal à retrouver cette soif et cette... Alors je fais beaucoup de commandes et ça me fait très plaisir parce que la commande elle a quelque chose de l'injonction et en même temps il y a toute une partie création de... On demande telle chose, tel cadrage, mais en même temps, c'est ma patte à moi. J'imprime ma marque et donc c'est très rassurant pour moi dans ces circonstances où la création est beaucoup plus difficile. Je veux dire pure, la création pure. Et je travaille comme chargée de com'dans un lieu qui forme de formation artisanale, pédagogique et artistique. Et j'ai la chance de réaliser beaucoup, beaucoup d'images pour ce lieu et d'être beaucoup plus détachée parce que c'est en mon nom, mais c'est surtout au nom de la structure. Et voilà, c'est beaucoup plus léger. Mais voilà, je fais beaucoup d'images. d'affiches, de photographies, de posts, de choses comme ça.

  • Speaker #1

    Et qu'est-ce que tu dirais à un artiste qui traverse une période de deuil, justement, dans sa phase de création ?

  • Speaker #0

    Je trouve que la création, elle est tellement intime à la personne que j'aurais rien à dire. Mais si je peux parler de mon expérience, c'est que les épreuves, c'est malheureux, mais elles deviennent un vrai terreau, en fait, pour l'être. Et pour la vie en fait, je ne souhaite à personne de vivre des douleurs, mais je crois qu'on ne peut pas y échapper. Et que le temps fait bien souvent que quelque chose peut refleurir à un moment. Et la transformation d'une souffrance en un geste de création, je crois que c'est ce qu'il y a de plus beau. C'est ce qu'il y a de plus beau, et c'est les plus grandes œuvres, et c'est les plus beaux poèmes, et c'est quand l'être peut toucher à quelque chose qui est très profond, et très lumineux, et qui est au-delà de l'envie de la reconnaissance, au-delà de l'égoïsme.

  • Speaker #1

    Mais c'est transformer le plomb en or ?

  • Speaker #0

    Certainement, certainement, mais on ne sait pas quand ça arrive. Je veux dire, on ne peut pas se dire, bon, je vais transformer cette bonne petite souffrance après le...

  • Speaker #1

    Oui, mais comment tu sais que justement ça se transforme et que ça prend une autre forme ? Tu le ressens dans ton corps, tu le ressens dans tes penses, tu le ressens... Est-ce que ça se matérialise aussi dans ton quotidien où tu vois les choses différemment, où tu commences à comprendre ?

  • Speaker #0

    Oui, je pense qu'il y a un moment qui est un peu libérateur. De toute façon, il faut du temps et c'est un processus. Il y en a qui ne s'en remettent jamais, je veux dire, des drames. Et c'est comme ça. Mais oui, on peut le ressentir dans la tête, dans le cœur, dans une nouvelle mobilité, une nouvelle respiration. Surtout un désir qui ressurgit, quoi. Et qui appelle, et c'est comme si, à nouveau, on avait des forces fraîches et qu'elles étaient à nouveau disponibles parce que... Parce que quelque chose avait pu se transformer. Moi, je ne sais pas, je ressens ça comme les saisons. Cette espèce de... Oui, c'est ça, les choses, les pommes qui tombent au sol et qui pourrissent. Et qui viennent nourrir la terre. Les saisons qui passent, le sol qui est gelé. Et toute cette vie qui se prépare dans la nuit de la terre, en fait. C'est fou, cette saison qui est l'hiver. Et c'est vraiment ça, un deuil, en fait. Très cliché, mais c'était absolument vrai. C'est absolument vrai. C'est vraiment de descendre dans les profondeurs et d'essayer d'être seule. On est seule, on est sous-seule, et en même temps, quelque chose doit survivre jusqu'au prochain printemps. Donc,

  • Speaker #1

    le deuil dont tu parles, c'est celui de ta mère. Et t'avais 30 ans, non ? Quel âge t'avais ?

  • Speaker #0

    Oui.

  • Speaker #1

    Comment on fait quand on perd sa mère à 30 ans ? Comment tu l'as vécu tout ce processus ? Si tu peux le partager et que ça peut surtout aider d'autres personnes. Déjà, il y a eu la maladie, il y a eu l'annonce. Vous êtes quatre sœurs. Je suppose que l'une n'a pas vécu le même événement de la même façon. Mais en tout cas, toi, déjà cette annonce de maladie, qu'est-ce que tu ressens ? Est-ce que c'est de la colère ? Est-ce que c'est de la... de la haine ? Est-ce que c'est de l'injustice ? Est-ce que c'est, ok, on va être soudés justement, on est un clan ? Et comment ça se passe en fait, pour toi ?

  • Speaker #0

    Oui, c'est très juste en fait. On a beau être de la même famille, être des sœurs, mais la biographie est complètement différente. Et la manière de vivre un deuil l'est aussi, et l'est encore plus. C'est difficile de replonger là-dedans. Je ne sais pas si j'ai envie. Sans les résistances, je n'ai pas envie du tout. Mais c'est sûr que quand on apprend une chose pareille, le monde s'effondre. C'est très bizarre. Je sais pas, c'est comme si dans ma vie, le cancer c'était quelque chose pour les autres. Évidemment, on peut pas imaginer que sa mère développe un cancer comme ça, si sourd, si agressif. Oui, et puis certainement qu'on était aussi dans le déni. Je veux dire, il a dû y avoir des signes. Et je ne me souviens pas. Et ça a été très, très difficile. Et puis c'était assez court, je crois. Ça a duré deux ans à peine de maladie, ce qui est déjà très, très long, je veux dire. Affreusement long de souffrir deux ans. Quelle force. Et en même temps... Je sais pas. C'était une période où j'étais quand même assez en colère. Mais ça m'a permis de développer un lien beaucoup plus tendre, de l'accompagner à ses chimios, tout ça. Je me rendais compte de sa fragilité, quoi. même temps parfois on oubliait complètement et on continuait. Je trouve que j'ai manqué de... j'ai manqué de... de religion, je sais pas comment dire, cette manière de se relier à elle en fait, à cet endroit là de soin et en même temps... Et en même temps, voilà, on l'a accompagné jusqu'à ses derniers jours et ça a été... C'est bizarre parce que je me souviens quand j'étais assez jeune, je sais pas si tu te souviens aussi, il y avait ce film, un film américain avec... Julia Roberts et Ma pire ennemie ou Ma meilleure ennemie c'était un film qui m'avait vraiment fait beaucoup beaucoup pleurer J'étais jeune quand je l'ai vue. C'était l'histoire d'une femme qui avait deux enfants et qui se savait malade. Elle savait qu'elle allait mourir. Je ne me souviens plus, mais en substance, une femme est rentrée dans sa vie et elle a un peu joué les rôles de nounou pour accompagner ses enfants pendant que la maman était malade. Je me souviens d'une scène où les deux enfants sont sur leur lit et... pleurent parce qu'elles refusent que leur mère meurt ou ils pleurent parce que leur mère est morte. Et j'étais petite, enfin jeune, assez jeune, ça m'avait serré le cœur parce que je m'imaginais avec mes soeurs et je me disais mais si nous, on perdait notre mère, comment on s'en sortirait jamais ? Et je ne sais pas, je nous imaginais orphelines comme ça. Donc en fait, c'est vraiment ce qu'on a vécu les derniers jours. Ma maman, elle avait un appartement tout petit et on s'est tout réputé. plus j'y ai là-bas, parce qu'on ne dormait pas avec elle quand elle était à l'hôpital. Je veux dire, elle a passé ses derniers mois à l'hôpital et on ne dormait pas toujours là-bas, quoi. Donc on dormait dans son appart. Et puis il y a des nuits, plus l'échéance se rapprochait, et je me souviens, toutes les quatre dans un lit, à pleurer, c'était désespérant. Et puis de vivre la scène que j'avais tant redoutée, enfant ou adolescente, je ne sais plus. Oui, c'est difficile. Et en même temps, quand la souffrance est trop grande comme ça pour un être, on a hâte que tout s'arrête, pour elle, pour nous. Et qu'un grand silence se fasse, quoi. Parce que c'est quelle épreuve ? Voilà. Bon, je sais pas. Et aujourd'hui, le lien, il est mystérieux, parce qu'elle est très présente et que ça devient... Oui, je dirais que c'est comme un guide. On lui pose des questions. Je trouve que la manière dont on la fait le mieux vivre, c'est quand on l'imite, dans ses moments de bonheur, dans les mots qu'elle disait. C'est la manière de... Elle est vraiment en nous, dans ces moments-là. dans l'imitation, les souvenirs qu'on ranime. Voilà, et là, bon. Et on a fait de sa tombe un jardin, parce qu'on n'avait pas beaucoup d'argent, de toute façon. Pas d'argent pour mettre du marbre. Et puis on n'avait pas envie, on n'avait pas envie. Et ma mère aimait la nature, et pour moi c'était évident, en fait, que ce soit un jardin, un potager, n'importe quoi. Donc on... Je vais sur sa tombe. Je crois que je suis la seule à y aller. Pour moi, c'est mon petit jardin. J'ai planté du thym, du romarin, des roses, des glaïeules, de la menthe. Je ne sais même plus. Il y a plein de choses qui poussent aussi. Les pissenlits, toutes ces fleurs des champs.

  • Speaker #1

    Tu as eu des rituels qui t'ont aidé aussi ? Tu sais, à rendre aussi... C'est très tabou aussi la mort dans notre société aujourd'hui. On ne s'est jamais déjà posé les bons mots et accompagné. Mais on parle souvent du rituel, de justement prendre le temps, même si elle est tout le temps avec toi, que tu la sens présente et que tu vas la faire revivre déjà par la personne que tu es. Mais est-ce que tu as eu des... Est-ce que te recueillir effectivement sur cette tombe que tu as transformée en un lieu qui est beau ?

  • Speaker #0

    Oui, oui. Surtout les premières années, on l'a accompagné au-delà du seuil. Et après, c'est vrai que moi, j'ai la conviction que la famille est bouddhiste. Je suis attachée à toutes les images de la réincarnation et de l'âme qui fait son chemin sur terre et qui prépare une autre vie. C'est une évidence et ça l'a toujours été pour moi. Il y a aussi quelque chose qui n'est pas que triste dans cette fin. Ça m'a permis d'ouvrir des images beaucoup plus grandes sur les questions de karma, sur les questions de vie après la mort. C'est comme un être qui, pour moi, fait son chemin et avec lequel je peux rentrer en dialogue. Déjà intérieurement et par des images ou des rêves en fait. C'est vrai que les moments importants comme son anniversaire ou la date de sa mort, on n'a jamais pu se réunir encore avec les sœurs. Et je trouve que c'est vraiment dommage parce que je pense que l'être se penche vraiment dans ces moments-là. Quand c'est Noël, quand c'est les jours de notre naissance, tout ça. Je pense que tout est prétexte à penser. Et je ne sais pas si j'ai des rituels, mais j'ai des choses, oui, bien à moi que je ne veux pas livrer comme ça, parce que c'est très intime. Mais en tout cas, j'aime lui faire des hôtels. J'adore mettre son image et je change les photographies, les pierres qui sont à côté d'elle, les fleurs. Et c'est comme un monument aux morts qui est dans ma chambre constamment et qui... se métamorphose au fil des saisons.

  • Speaker #1

    Et tu as aussi ces fameuses photos qui ont été exposées au parc de la Villette.

  • Speaker #0

    Oui, j'ai une série où quand j'ai étudié à Arles, j'ai réalisé mon diplôme et dans les images que j'ai créées, j'ai souhaité rendre hommage à un poème de César Pavès. qui s'appelle Été dans son recueil Travailler fatigue comme le sucre des fruits tombés en ce temps-là. Et ça parle vraiment de l'été, de cette chaleur, de la mélancolie. Et donc, dans cette série, il y a la main de ma mère qui cueille comme des baies des fruits empoisonnés. C'est dans un petit arbre qui s'appelle le sorbier, un sorbier des oiseaux-leurs. Et donc je trouvais que cette image, c'était quelques temps avant sa mort, et je trouvais que cette image était très forte parce qu'elle a l'air très naïve, dans un soleil éclatant, une main qui cueille des fruits qui sont en fait... Et donc il y a quelque chose d'un peu tragique aussi dans se nourrir et mourir.

  • Speaker #1

    Mais qu'est-ce que tu ressens, toi, quand tu vois toutes tes photos à toi ?

  • Speaker #0

    On se dit qu'on est chanceux que nos images prennent de la place dans l'espace, en fait, sur la Terre et en dehors de nos journaux, de notre ordinateur, et que c'est fait pour ça, en fait. Et surtout, la manière dont elles ont été exposées, être à l'extérieur, dans un jardin, des miroirs... dans la nature, je trouve que c'est vraiment leur mission.

  • Speaker #1

    Et tu as eu des retours ?

  • Speaker #0

    Oui, je crois que ça a beaucoup plu et j'en suis assez heureuse. Parce que des fois, je les regarde et elles me touchent. Et puis des fois, on ne se supporte plus. Et puis on se trouve que c'est tellement naïf. Et on se dit, mais il y a tellement de choses, il faut aller beaucoup plus loin. Mais bon, écoute, c'est bien. Je suis heureuse qu'elle migre jusqu'à Nantes, pour tous ceux qui ne connaissent pas ces images. Et puis, j'ai vraiment hâte maintenant de... d'ouvrir un nouveau projet. Et donc, je prépare, justement, une nouvelle exposition qui va s'intituler... Alors, ça devait s'appeler Terrienne. C'est un projet qu'on a écrit avec mes sœurs au lendemain de la mort de notre mère et que je souhaiterais appeler autrement. J'ai pu, il y a quelques mois, rencontrer une artiste électro formidable qui s'appelle Maude Geffray, avec... avec qui on a décidé de participer à un appel à projet. Et donc, on a travaillé ensemble sur le deuil. Et le nom de notre travail était The Garden of Love. Et ça vient d'un de ses morceaux. Et c'est complètement... Et je trouve que ce titre est complètement approprié parce qu'il parle de cette histoire de deuil, de jardin, de beauté. de métamorphose. Je ne l'ai pas encore demandé, mais j'aimerais poursuivre ce travail, bien sûr, mais avec ce nom.

  • Speaker #1

    Et avec tes sœurs aussi ?

  • Speaker #0

    Elles seront absolument. Je ne sais pas si ça prendra la forme d'une création plus grande de chorégraphie, de chant. En tout cas, ça va déjà devenir de la poésie, de l'écriture et des images. Je vais commencer cet été.

  • Speaker #1

    C'est magnifique. Tu vas faire quoi cet été ?

  • Speaker #0

    Cet été, je vais réaliser quelques portraits. Les premiers portraits de ma grande sœur Estelle. Et peut-être des auteurs. Je ne sais pas. On va déjà voir. Peut-être avec Céline.

  • Speaker #1

    Ça va être un lien avec vous ?

  • Speaker #0

    Oui. Ça parle vraiment de quatre sœurs en deuil. Ça va être des images. Je me vois, je vois. Oui, j'ai des images. Je ne vais pas les dévoiler tout de suite.

  • Speaker #1

    Je t'imagine déjà.

  • Speaker #0

    Oui, oui. Et puis, ça a été écrit en 2021.

  • Speaker #1

    Vous réussissez à faire quelque chose de magnifique ?

  • Speaker #0

    Alors, je ne sais pas, j'espère que ça va l'être. En tout cas, ce sera notre image et ce sera ce qu'on peut faire du mieux qu'on peut. Et c'est des images intérieures qu'on essaye de faire jaillir à l'extérieur. Et ça parle de tout ce qui se passe à l'intérieur.

  • Speaker #1

    Merci pour ton entier.

  • Speaker #0

    Merci Ariane, merci beaucoup

  • Speaker #1

    Est-ce que tu as envie de partager en tout cas quelque chose que tu n'aurais pas pu dire dans ce podcast, dans cet échange dans cette conversation très intime peut-être un message clé que tu as envie de délivrer par rapport à ce que tu observes, ce que tu vis en ce moment ou alors un mot, une chanson pour faire plus simple

  • Speaker #0

    Je ne sais pas En tout cas, peut-être une envie de me souhaiter d'avoir des enfants et d'essayer de leur transmettre l'envie de créer et de liberté, et puis de les emmener en Martinique. Ce sera bien. Ils seront un peu flisés, je pense. De pouvoir être un gardien et de pouvoir transmettre. et de protéger tant qu'on peut les âmes des images qui pourraient détruire. Il y en a beaucoup, beaucoup maintenant sur la Terre. Je pense qu'il faut vraiment être armé maintenant pour naître dans ce monde et parvenir à avoir une vraie vie intérieure avec des images qui portent des forces vertueuses. Et je crois que c'est l'enjeu d'aujourd'hui.

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