Speaker #0Bonjour, c'est Morgane Sous-la-Rue. Ça vous dit de faire un saut dans la préhistoire de l'électronique, à une époque où les geeks étaient encore une vue de l'esprit ? Du Minitel à la Cyber Week et des télécommunications à la Défense, Rennes s'est imposée depuis 50 ans comme une place forte de l'innovation électronique en France et dans le monde. Citons l'invention de la prise Péritel ou encore celle du format JPEG. Lâchez vos écrans de smartphone, éteignez vos consoles de jeux et ouvrez grand vos oreilles. Je vous propose de faire le point sur un demi-siècle de bandes passantes. Voici l'électronique renaise, du silence radio au prime time, un podcast pour être parfaitement connecté à l'histoire de votre ville préférée. Rennes, année 1950. C'est le silence radio dans le grand désert de province. Dans la capitale de Bretagne, comme dans toutes les autres villes françaises, l'appel de l'électronique tombe en effet sur un répondeur. Nous sommes absents pour le moment, veuillez laisser un message. Ce dernier sera heureusement entendu par deux hommes, Pierre Marzin et René Plévin. Après s'être assis sur les bancs du lycée Châteaubriand à Rennes, le premier a fait polytechnique et suivi les... cours de SUPELEC, une école fondée en 1894. Ancien salarié dans le groupe anglo-américain Automatique Électrique, le second est également un homme politique et un fervent ambassadeur de la Bretagne, notamment par le biais du comité d'études et de liaisons des intérêts bretons appelé CELIB. Une double casquette qui se révélera très utile en temps voulu. Le CELAR et Fairchild donnent le top départ. Après avoir présenté un rapport sur le retard de la télévision en Bretagne en 1954, Pierre Marzin crève l'écran huit ans plus tard à Plumer-Baudou avec la réception en direct live des premières images de télévision en provenance des Etats-Unis. qui est l'agent pour l'étude électronique du gouvernement français. Il décide en parallèle de lancer le Centre national d'études en télécommunication de l'Agnon sur le numérique. Un choix vivement critiqué dès le début. Auteur du livre « Paris et le désert français » , Jean-François Gravier milite quant à lui pour l'installation d'une annexe à Rennes. C'est finalement le centre électronique de l'armement, CELAR, et une usine Fairchild, troisième fabricant mondial de transistors. qui y poseront leur valise en premier. En décembre 1967, le Comité interministériel d'aménagement du territoire, CIAT, a validé la création du pôle scientifique de Rennes. Avec Lagnon et Brest, Rennes dessine alors un triangle de l'électronique breton. Qu'il semble loin le temps où le breton Camille Tissot réalisait la première transmission radio en Rade de Brest. C'était en 1898, quelques années avant que ce dernier ne soutienne la première peste française sur les antennes radio. À Rennes, les deux universitaires les plus engagés furent des militants du Célib, le géographe Michel Filippono et le juriste Claude Champot. Mais l'acteur le plus décisif reste sans nul doute René Plévin. En 1969, le ministre parvient malgré la résistance des lobbies parisiens à convaincre le président Georges Pompidou d'installer en Bretagne l'École nationale supérieure des télécommunications, ENST et SUPELEC. L'annonce retentissante fait la une de Ouest France, mais il faudra attendre 10 ans pour voir cette dernière se matérialiser. Ce sera Brest pour l'ENST et Rennes pour Supelec. En parallèle, l'idée d'un nouvel établissement du CNET, Centre National d'Études en Télécommunications, à Rennes, s'impose progressivement dans les esprits, avec en toile de fond le projet d'interconnecter les services techniques de la télévision et ceux des télécoms. En 1972, le Centre commun d'études de télévision et communication s'installe provisoirement quai du Jardin avant de prendre ses quartiers à la Mabilet. C'est notamment dans les coulisses de ce bâtiment futuriste que sera lancée la grande aventure du Minitel, comme nous le verrons bientôt. Dominant les longs champs, les buts de Coëm ont déjà accueilli une première tour herzienne en 1958 pour assurer la liaison entre Paris, Caen, Rennes et Nantes. En 1971, quelques années après l'inauguration du campus de Beaulieu, la Datar exige la mise à disposition de terrain pour mettre fin à l'éparpillement des acteurs de l'électronique rennais et concentrer sur un même pôle la recherche et l'industrie. Le CELAR est basé à Brue, Fairchild, dans le quartier du Blône. Supélec sera le premier pensionnaire de cette zone située à l'ouest de Sesson-Sévigné. On en profite alors pour remplacer la tour Ertzienne par une autre, culminant à 110 mètres. Cette dernière servira notamment de relais à l'autoroute de l'électronique de l'Ouest, le premier autoroute numérique en France, qui desservira le CELAR et le CNEC de Lagnon, Centre National d'Études en Télécommunications. Supélec sera rejoint en 1972 par l'École supérieure d'électronique de l'armée de terre et SEAT, nouvelle maille d'une toile cyber sécuritaire renaise pour le moins développée aujourd'hui. Alors que l'image de Rennes est de plus en plus nette, le numérique breton se distingue en 1972 avec, une première mondiale, la numérisation du réseau téléphonique trégorois. Un appel du grand large breton bien reçu par l'Institut de recherche informatique et des automatismes, IRIA, qui décide de s'installer à Rennes. L'Institut IRISA est quant à lui fondé en 1975 par l'universitaire Michel Métivier. 15 000 emplois créés de 1969 à 1974, la période est faste pour l'électronique bretonne. Le Centre commun d'études de télévision et de télécommunication, le CCE2T, s'installe à proximité de Supelec, suivi de l'entreprise Transpac. La technopole reine à talent était née dans une Bretagne devenue région d'excellence du numérique en France. Et le Minitel alors ? En 2012, 1,7 million d'utilisateurs recouraient toujours au service du Minitel, du nom de son terminal emblématique. Alors que certains lui prédisaient un échec retentissant, le service Teletel aura finalement vécu 30 ans. Revenons sur cette aventure passant par le laboratoire de linguistique de l'université Rennes 2 et par les Jeux Olympiques de Moscou. 3615. 3615. 3615. Dites 3615, tout va bien, vous êtes juste accro aux Minitel. La grande aventure de la petite boîte a commencé en 1971 au croisement de la recherche sur la télévision numérique et la télévision par câble. La mise en commun des moyens des laboratoires des PTT et de l'ORTF se traduit par l'installation à Rennes du Centre commun d'études de télévision et de télécommunication CCE2T. Là vont se côtoyer les experts en radiodiffusion, télécommunication et informatique, mais c'est dans un quatrième et obscur laboratoire confié à Bernard Marty que va se jouer le destin du Minutem. Dédié aux autres applications des techniques numériques et optiques, ce dernier va très vite se trouver un sujet d'étude. Les terminaux... et services audiovisuels, un domaine dans lequel les Britanniques ont un train d'avance avec la création d'un service télétexte dès les années 1970. Traduisez, transmission de texte sur un écran de télévision domestique. Pour des raisons d'alphabet et de bande passante, la piste anglaise est abandonnée. Bernard Marty et ses collègues vont alors imaginer une structure différente. Un contrat est passé avec le laboratoire de linguistique de Rennes 2, qui réalise un inventaire des caractères utilisés dans les 39 langues européennes utilisant l'alphabet latin. Baptisé Antiope, ce dernier fait encore autorité aujourd'hui et a même servi de base au système de codage d'Internet, ISO latin, puis Unicode. La structure imaginée possède le grand avantage de concilier une vocation culturelle grand public, l'architecture du système et les soucis de compatibilité. Premier directeur du CCE2T, Centre commun d'études de télévision et de télécommunication, Maurice Rémy demande à l'équipe de se porter candidate pour l'organisation d'un système d'information des journalistes au futur JO de 1980 à Moscou. Lancée dans une véritable course contre la montre, l'équipe de Bernard Marty doit concevoir en six mois une série de récepteurs, mais surtout réaliser une démo simulant une journée journalistique de Jeux Olympiques. Regardez, c'est lui avec le dossard 243, les records 22 France, Bernard en 49 et ce record tient toujours. Ce record tient toujours et c'est un super record. Pour corser le tout, les décodeurs devront intégrer l'alphabet cyrillique. Également professeur à l'université Rennes 2, le diacre orthodoxe de la capitale bretonne ne sera pas de trop pour faire des miracles. La démonstration moscovite est couronnée de succès et la maquette des terminaux enrichie en retour. par un modem téléphonique. Bernard Marty se souvient. Nous avons alors gavé l'ordinateur du CCE2T de base de données destinée à simuler des services interactif. Horaire SNCF, annuaire téléphonique, résultat des championnats de football, petites annonces. Baptisé Titan, pour Terminal Interactif de Telex Antioch, le bébé est plébiscité à Berlin en 1977. En attendant le Minitel, Teletel naît quelques mois plus tard, arrivant à Point-Nommé pour voler au secours d'une industrie du téléphone en surchauffe. Le Minitel rentrera en fonction trois ans plus tard en vue du déploiement du service annuaire. L'écran d'Antiop ou de Titan étant celui du téléviseur domestique, il s'agit d'imaginer une prise spéciale pour relier ce dernier au décodeur. Puis de convaincre le syndicat des constructeurs d'appareils de radio et de télévision d'ajouter cette prise au téléviseur. Celle-ci sera commercialisée dans... toute l'Europe sous le nom de Peritel et règnera longtemps avant d'être supplantée par l'HDMI. Les premières maquettes du terminal annuaire électronique vont être expérimentées chez 49 volontaires malouins. Puis le TAE devient le Minitel, distribué en 1981 à 2500 foyers de béton, montforts et retines. Les services centraux de l'annuaire s'installent quant à eux avenue Henri-Fréville, avec dans ses bagages la plus grosse base de données informatiques et le plus gros moteur de recherche. Alors, pionniers les rennais ? Il n'y a pas photo. Ou plutôt si, la création des mini-tels photographiques. utilisée par les agences touristiques et immobilières sera à l'origine d'un nouveau format d'image. Nommé JPEG, ce dernier deviendra la base de la photographie numérique, après avoir été le premier moyen de diffusion de photographies sur Internet. Et la cybersécurité dans tous sens ? Du développement de ses activités militaires à l'implantation de l'Agence nationale de la sécurité des systèmes d'information, l'ANSI, en passant par la renommée grandissante de sa filière. universitaire, Rennes s'est imposée au fil des ans comme une place forte de la cybersécurité civile et militaire. Nous avons mené l'enquête. L'installation à Rennes du Centre électronique de l'armement dans les années 1950 et de l'École supérieure d'électronique de l'armée de terre en 1972 avait posé les jalons. À l'image de la croissance des emplois privés dans ce domaine, plus 7,5% par an, Rennes-Métropole n'a jamais cessé par la suite de conforter son statut de territoire de référence en matière de cybersécurité à l'échelle nationale et européenne. Historiquement, le bassin rennais des télécommunications et de la sécurité des systèmes d'information a été créé dans les années 1970 et s'est développé selon deux axes, la défense et les télécommunications. L'ancrage local d'institutions étatiques, de start-up et de grands groupes industriels n'a fait que confirmer la tendance. En 2014, la mise en place d'un partenariat pour la recherche en cyberdéfense entre la Direction générale des armées, la région Bretagne et l'Union européenne a été créée. et l'enseignement supérieur ont ouvert de nouvelles perspectives au territoire métropolitain. Une dynamique boostée par l'arrivée de la LGV en 2017. L'inauguration en 2019 du ComCyber, composant du commandement de la cyberdéfense, ce dernier rassemble aujourd'hui 865 cybercombattants, une autre manière de dire que Rennes est devenue une place forte de la cyberdéfense en Europe. La toile de la cybersécurité rennaise ne cesse de s'étoffer. En 2021, 96 entreprises emploient 3 377 personnes Et l'on estime alors le potentiel de recrutement dans les métiers de la cybernétique à 250 postes par an sur le territoire de la métropole. Dans le domaine académique, 150 chercheurs et 90 doctorants planchent par ailleurs sur le sujet. Ouverte en septembre 2020, une école universitaire de recherche baptisée Cyber School propose enfin une offre de formation unique en Europe avec un doublement des étudiants à la clé. Singtong Au Brentrust, la capitale de Bretagne est également devenue un cluster industriel en matière de cybersécurité. Orange, Airbus ou encore Thales Service ont notamment choisi d'y poser leur balise. Les startups n'ont pas connu non plus de retard à l'allumage. En parallèle, l'AnciaOvert à Rennes en 2022, une nouvelle antenne employant plus de 200 agents. Pas besoin de se rendre à l'anglais le siège de la CIA pour devenir un pro de la cybersécurité. À Rennes, les étudiants disposent d'une offre proposée par des structures de niveau international. La capitale de Bretagne est notamment le siège de cinq unités de recherche. Parmi elles, l'Institut de recherche en informatique et systèmes aléatoires est par exemple le plus important des laboratoires de recherche françaises et emploie pas moins de 850 personnes. L'Institut de recherche mathématique de Rennes planche quant à lui sur le sujet de la cryptographie. Un dialogue civil et militaire, industriel et académique, public et privé ? Rien de tel que les échanges pour tisser sa toile, et Rennes Métropole a mis en place de nombreux dispositifs fédérateurs. Citons la Cyber Defense Factory, un incubateur à la fois civil et militaire, le Pôle d'Excellence Cyber, PEC, fondé en 2014, le Digital Square, une pépinière accueillant de jeunes entreprises, le French Cyber Booster, et la Cyberplace, située dans la ZAC via Silva. Point d'orgue et vitrine de la dynamique en cours, l'European Cyber Week accueille chaque année plus de 4000 participants venus de 23 pays. Notamment porté par des pirates éthiques, le temps fort Brez CTF est quant à lui désormais incontournable. Et oui, les hackers ont du cœur, en particulier dans la capitale de Bretagne. L'électronique rennait du silence radio. au Prime Time, un récit écrit par Jean-Baptiste Gandon. C'était Morgane Sous-la-Rue, je vous dis à bientôt pour un nouvel épisode de Raconte-moi, Reine, votre série de podcasts sur l'histoire de notre ville.