Ép. #14 - L'innovation industrielle est-elle notre dernière chance ? (avec Nicolas Dufourcq) cover
Ép. #14 - L'innovation industrielle est-elle notre dernière chance ? (avec Nicolas Dufourcq) cover
Industry4Good

Ép. #14 - L'innovation industrielle est-elle notre dernière chance ? (avec Nicolas Dufourcq)

Ép. #14 - L'innovation industrielle est-elle notre dernière chance ? (avec Nicolas Dufourcq)

21min |26/06/2024
Play
Ép. #14 - L'innovation industrielle est-elle notre dernière chance ? (avec Nicolas Dufourcq) cover
Ép. #14 - L'innovation industrielle est-elle notre dernière chance ? (avec Nicolas Dufourcq) cover
Industry4Good

Ép. #14 - L'innovation industrielle est-elle notre dernière chance ? (avec Nicolas Dufourcq)

Ép. #14 - L'innovation industrielle est-elle notre dernière chance ? (avec Nicolas Dufourcq)

21min |26/06/2024
Play

Description

Dans cet épisode, plus court qu'à l'accoutumée, nous avons le plaisir de recevoir Nicolas Dufourcq, Directeur général de Bpifrance. Avec notre invité, nous explorons divers sujets captivants, tels que le lien entre les musiques électroniques et l'industrie, les défis actuels en matière d'investissement public et privé, l'architecture de nos usines, le financement de l'innovation dans un contexte de dette nationale exacerbée, ainsi que la représentativité et l’acceptabilité de nos industries en France. Nous abordons également leur compétitivité, l'avenir de l’Europe industrielle, et bien d'autres questions essentielles. Bonne écoute !


Hébergé par Ausha. Visitez ausha.co/politique-de-confidentialite pour plus d'informations.

Transcription

  • Speaker #0

    Bienvenue sur Industry for Good, le podcast qui pose un regard nouveau sur le monde de l'industrie.

  • Speaker #1

    Un programme audio indépendant,

  • Speaker #0

    présenté par Aurélien Goyer. Bonjour à toutes et à tous, bienvenue dans ce nouvel épisode d'Industrie for Good, le podcast qui propose une lecture sociale, politique et citoyenne du monde industriel. Alors aujourd'hui, c'est un invité d'exception qui nous ouvre ses portes, une figure clé du développement économique et de l'innovation en France, Nicolas Dufour, directeur général de BPI France. Alors je vais commencer par une petite histoire. On nous a récemment présenté, Nicolas, à l'Hôtel de l'Industrie. On salue d'ailleurs Anaïs Vagilis au passage, où on m'avait dit Ah oui, vous êtes l'influenceur Et je vous ai répondu une parfaite banalité, comme souvent dans ces genres de moments un peu en suspens, alors j'aurais dû vous répondre sobrement mais fermement, mais c'est vous l'influenceur Nicolas Dufour, parce que oui, depuis plusieurs années maintenant, vous êtes la personne la plus suivie sur les sujets de réindustrialisation française et d'innovation industrielle. Bienvenue à vous en tout cas, je suis vraiment ravi de vous recevoir sur l'émission, on va commencer par l'essentiel, est-ce que ça va ?

  • Speaker #1

    Oui, ça va très bien.

  • Speaker #0

    Je vous propose de vous présenter rapidement pour les quelques personnes qui ne vous connaîtraient pas encore et nous parler aussi de votre parcours. Alors, j'ai pioché quelques mots clés qui m'ont interpellé pendant mes recherches. Je vais vous les dire dans le désordre. WANADU, ENA, musique électronique, French Fab, anti-déclinisme. Je vous laisse me dire qui vous êtes, Nicolas Dufour, après ce joyeux Camoulox.

  • Speaker #1

    Je suis un peu entrepreneur sur les bords puisque j'ai créé quelques boîtes en tout début de vie et puis ensuite je suis entré chez France Télécom où j'étais entrepreneur pour créer le monde multimédia de France Télécom qu'on a coté le 10 juillet 2000 pour 19 milliards d'euros qui s'appelait Wanadu et qu'on a développé pour en faire un numéro européen et puis après je suis parti chez Capgemini pendant 10 ans participer à la mondialisation extraordinaire de cette boîte et puis après j'ai répondu à l'appel du pays d'une certaine manière qui m'était lancé par le président Hollande pour créer la BPI voilà qui je suis

  • Speaker #0

    C'était rapide, c'était concis, je prends le temps de parler d'un truc qui me alors on en a parlé et puis j'ai vu que vous avez écrit il y avait un article qui était sorti là dessus en disant que vous êtes un grand fan de musique électronique euh Et je vais essayer de faire une tentative et de deviner quel type de musique électronique vous aimez. Je crois que votre grand-père était musicographe. Je vois bien des goûts chez vous assez puristes et surtout, vous êtes né la même année que Jeff Mills, qui est le grand pape de la techno de Détroit. Donc, je vois bien écouter ça ou vraiment les prémices de la musique concrète, craftwork, des trucs un peu comme ça. Est-ce que je me plante ou j'ai pas fait de recherche ?

  • Speaker #1

    C'est très fort. Non, tout à fait. J'ai mon âge. Et donc, j'avais 15 ans en 78. Et donc, 15 ans 78, qu'est-ce qu'on écoute ? On écoute effectivement Kratwerk, on écoute Klaus Schulz, on écoute Tangerine Dream, on écoute aussi Zappa, beaucoup Zappa. grosso modo, alors on dit qu'on n'aime pas Jean-Michel Jarre, à 15 ans on est un peu snob comme ça, mais on est déjà dans la musique électronique effectivement.

  • Speaker #0

    Et c'est marrant parce qu'en fait, ce que j'aime dans l'industrie, je pense que c'est un point peut-être qu'on a en commun, c'est qu'en fait je trouve que tout ramène à l'industrie, toutes les routes ramènent à l'industrie, et en fait quand on parle de musique industrielle, etc., vous en dites deux mots, même dans un de vos discours, vous en avez parlé, c'est assez marrant. Expliquez-nous un petit peu, vous pouvez développer une minute autour de ça, quel rapport en fait ?

  • Speaker #1

    Tout part de Pierre-Henri en fait. Pierre-Henri en fait, il avait sa machine à enregistrer les sons, donc il allait dans les tunnels, il allait dans les métros, il enregistrait les sons. Ferrari aussi d'ailleurs, toute cette école française incroyable. Et donc moi je suis comme ça en effet, j'ai des espèces de grandes oreilles, j'écoute les sons partout. Et en effet la techno elle est née dans le son des usines. Il y a une fresque extraordinaire d'ailleurs qui est au musée de Détroit de ce grand artiste mexicain. exale un son, qui est le son de la techno, de la techno de Détroit. Ensuite, on peut se poser mille questions de savoir comment cette musique, qui est fondamentalement une musique noire de Détroit, des ouvriers noirs de Chicago et du nord des États-Unis, à l'origine, en particulier avec Jeff Mills, est progressivement devenue, c'est assez frappant aujourd'hui, une musique assez blanche. aussi bizarre que ça puisse paraître. Et donc, la société l'a en fait distillée, alchimisée, et ça, je peux le regretter.

  • Speaker #0

    Super intéressant. Bon, on va revenir à des choses, on va dire, moins culturelles et artistiques. Quoique, comment vous expliqueriez le rôle de BPI France à mon fils de 5 ans ?

  • Speaker #1

    À votre fils de 5 ans, je vais lui dire t'as envie de faire quelque chose par toi-même, avec tes propres mains, à ta manière. T'es donc un petit peu entrepreneur.

  • Speaker #0

    C'est super clair ça, je suis sûr qu'il aurait compris. On va parler du bouquin. Je l'ai amené, il est abîmé parce que je le trimballe pas mal. Donc en mai 2022, vous publiez chez Odile Jacob un livre intitulé La déindustrialisation de la France 1995 à 2015. Je vais vous avouer un truc, quand j'ai vu la sortie du bouquin, je me suis dit... encore quelqu'un qui va faire un constat sur ce qui ne va pas. mais l'avenir m'a donné tort parce qu'en fait vous êtes tous sauf ça et c'était intéressant, c'était quoi la genèse rapidement pourquoi il fallait l'écrire ce livre et puis surtout deuxième question si vous l'aviez écrit cette année en quoi il aurait été différent ?

  • Speaker #1

    En fait j'ai eu une chance extraordinaire c'est que depuis plus de 10 ans maintenant je vis avec les entrepreneurs de France et de Navarre dans les territoires et je finis par beaucoup les tutoyer et ça s'est fait comme ça je me suis dit je vais les interviewer non pas tellement avec l'idée que j'allais publier tout ça, mais j'avais envie d'entendre leurs paroles, comme vous faites avec moi finalement. En fait, j'ai fait un blog perso, écrit, d'entrepreneurs qui avaient vécu la désindustrialisation, pour qu'ils me racontent ce qu'ils avaient vécu dans ces années-là. Et petit à petit, je me suis aperçu que c'était un corpus extraordinaire. Et puis surtout, moi-même, j'avais mes propres convictions, je voulais... J'aime bien à certains moments que les patrons, patronnes comme moi, aient le courage de dire réellement ce qu'ils pensent. Je pense qu'on n'a pas le droit d'être normand. Passez-moi l'expression, peut-être ben oui, peut-être ben non, je ne sais pas bien, c'est flou, je ne sais pas vous dire. Il y a un moment, il s'est passé quelque chose de très très grave, dites-nous, il s'est passé quoi ? Or, le chêneau manquant entre mes intuitions et la vérité de ce qui s'était passé, c'est tout simplement... le témoignage de ces gens. Donc c'est un livre de témoignages. C'est fondamentalement 45 témoignages de gens exceptionnels qui racontent des années très difficiles qu'ils ont surmontées. Et quand on fait la concaténation de tout ce qu'ils disent dans un espèce de sirop, ça donne les 150 pages que j'ai écrites et qui sont l'histoire de la déindustrialisation de la France. Qui fait aujourd'hui à peu près consensus, c'est ça qui m'a frappé, que je n'avais absolument pas anticipé.

  • Speaker #0

    Merci pour ça Nicolas moi je vais vous dire ce qui m'a marqué dans ce bouquin et j'en parle pas mal autour de moi ce que je trouve le fil rouge pour moi de ce livre c'est qu'en fait il y a une sorte de constat systématique, les entreprises industrielles qui ont traversé le temps sont celles qui mettaient le paquet sur l'innovation. Dans une interview récente d'ailleurs vous avez dit que notre seule chance réside dans l'innovation est-ce que vous pouvez élaborer sur cette idée et me dire quelque part quelle est la limite entre la promotion de l'innovation et le technosolutionnisme

  • Speaker #1

    Les entreprises industrielles qui durent, elles sont celles qui innovent dans les produits qui sont fabriqués, évidemment, mais aussi dans les machines. En fait, l'industrie, c'est les machines. On revient à la question du bruit et du son. Et donc, une entreprise familiale industrielle qui traverse le temps, c'est une entreprise qui consacre la totalité de ses profits et de ses dividendes, etc., à investir dans des machines qui, normalement, ne sont pas rentables dans les 5 ans qui viennent, mais qui vont s'apporter en 15 ans, peut-être même 20 ans. Donc, industrie égale machine, pour produire des objets qui eux-mêmes doivent être dans l'air du temps, et qui parfois sont de plus en plus innovants, de plus en plus complexes, etc. Donc tout ça est en effet traversé par la question même du progrès et du machinisme. D'où la robotique, d'où la cobotique, d'où l'intelligence artificielle dans les processus de production, d'où l'industrie dite 4.0 puis 5.0, la connectique, les capteurs, enfin tout ça c'est des machines. Ça me permet de dire simplement que c'est pour ça que l'industrie a besoin de beaucoup d'argent. parce que tout ça, c'est des capex. C'est cher. C'est cher. C'est beaucoup plus difficile de faire une entreprise industrielle qu'une start-up digitale. C'est beaucoup, beaucoup plus difficile. La courbe en J, comme on dit, elle creuse beaucoup plus profond, elle remonte plus lentement. Alors ensuite, ça cartonne. Mais il faut déjà immobiliser beaucoup de capitaux. Et c'est aussi pour ça qu'il faut faire très attention aux excès de prélèvements fiscaux sur l'industrie. Parce que tout impôt qui est prélevé, en excès par rapport à nos concurrents, c'est des machines en moins. c'est de l'innovation au moins. C'est aussi bête que ça. On est sur des équations simples.

  • Speaker #0

    On avait dit qu'on ne parlait pas politique, mais du coup, est-ce que ça existe un patron dans l'industrie de gauche ? Bien sûr.

  • Speaker #1

    Il y en a quantité. Ce n'est pas de la politique que de dire qu'il faut comprendre la nécessité de préserver la possibilité d'investir du capital dans des quantités importantes pour faire des entreprises industrielles qui durent. c'est très différent d'autres secteurs.

  • Speaker #0

    Oui, qui démarre fort. Donc il y a un peu une préservation de cet espèce d'écosystème qui est très particulier dans sa façon de se construire.

  • Speaker #1

    Oui, alors ensuite, c'est culturel. Les industriels sont des gens qui aiment la machine. Vous prenez par exemple, on va prendre un Italien, tiens, le fondateur de Luxottica, le cavaliéré d'Elvacchio. Quand j'ai visité l'usine incroyable qui est dans les Dolomites, il faut voir ça, vous êtes dans les Dolomites, vous êtes au bout du monde. Il n'a pas voulu bouger, il n'a pas voulu se mettre dans un endroit, il a voulu rester chez lui. Donc la vallée est couverte. Très belle d'ailleurs, l'usine qui fabrique les montures de lunettes du monde entier. Et puis... Il avait 87 ans. Il fait sa visite. C'était avant... deux ans avant sa mort. Et il repère un endroit où, dans le process de production, ça n'est pas encore automatisé. C'est-à-dire qu'il n'y a pas encore la machine. Ça redevient manuel, physique, et donc avec des risques de malfaçon, etc. Et c'est très simple. Il a donné le mandat, le défi a été lancé à ses ingénieurs de l'usine en question, de fabriquer. Une machine, une nouvelle machine. Il ne s'agit pas de l'acheter sur catalogue, les machines n'existent pas sur catalogue. Il faut les fabriquer pour des besoins très précis, donc c'est toute l'inventivité humaine. Et ils ont fait de ce défi, le défi de leur vie. 18 mois plus tard, ils avaient inventé la nouvelle machine, ils l'ont présentée... à Alessandro Lubecchio qui était évidemment très très fier. Donc c'est ça, la vie quotidienne de l'industrie, c'est ça.

  • Speaker #0

    Super illustration, merci beaucoup. Moi j'ai une petite question, on va dire plus financière. Comment on finance intelligemment l'innovation quand on a 3000 milliards de dettes ?

  • Speaker #1

    Alors la dette de l'État, en effet, elle est devenue très très importante, notamment depuis la crise du Covid qui a coûté extrêmement cher, ainsi que le bouclier tarifaire qui a suivi. Dans cette dette, il y a deux dettes. Il y a une dette qui finance des investissements rentables. Donc ça, c'est la dette du plan de relance France 2030, par exemple, prépare une France qui sera prospère et qui remboursera cette dette.

  • Speaker #0

    Notre dernier invité était Bruno Bonnel.

  • Speaker #1

    Donc ça c'est exactement comme une entreprise qui s'endette pour financer des machines. Ça c'est des investissements, des capex comme on dit. Et il y a la malheureuse dette qui finance les opex, c'est-à-dire les salaires. Les salaires, les prestations, le doliprane de ma grand-mère. Cette dette, c'est pas une bonne dette, on est d'accord. Et il faudra absolument la réduire, en tout cas la stabiliser. Il est complètement immoral que le doliprane de ma grand-mère soit payé. par mes petits-enfants, quand ils rembourseront la dette en question. C'est pas possible. Donc la discipline budgétaire, c'est une discipline nécessaire. Pour le reste, aujourd'hui, c'est un équilibre avec ceux qui nous financent. Ceux qui nous financent, c'est qui ? C'est 50% les Français, 50% les étrangers. Les Français mettent leur assurance-vie dans la dette de l'État français. Et ça va continuer. Les étrangers veulent bien le faire, à condition qu'on soit un minimum discipliné. Donc c'est une ligne fine. Il faut qu'on montre qu'on a compris les équations de base. Aujourd'hui, on arrive à financer une dette de 3 000 milliards. Si on continue de montrer qu'on la laisse déraper parce que l'argent magique existe, il y a un moment où le marché... Les étrangers. les étrangers, ceux qui financent la moitié de notre dette, diront, écoutez, c'est terminé.

  • Speaker #0

    C'est hyper bien expliqué. Je vous en remercie parce que j'ai l'impression que j'ai compris des choses que je n'avais pas compris. Merci pour ça. On va parler un peu d'environnement. Pour la petite anecdote, vous êtes passé il n'y a pas très longtemps sur une grande radio, c'était il y a un an à peu près. Vous faites 45 minutes d'un entretien qui est incroyable et vous ne parlez pas d'environnement. Et à ce moment-là, je me dis, bon sang, je vais faire un post-LinkedIn. Et puis comme mon post-LinkedIn, il est resté dans mes brouillons parce que c'est tellement facile de tirer sur l'ambulance. Je pense que je l'ai gardé, d'ailleurs. Je pense que je vous l'enverrai un jour. La vraie question que je voulais vous poser par là, c'est est-ce que les entrepreneurs dans les secteurs dont on parle, l'industrie, ils ont compris, selon vous, la magnitude des enjeux climatiques ? Est-ce que vous avez l'impression que c'est un truc intégré ? Oui, oui. Vous avez vu les choses évoluer ? Qu'est-ce qui vous fait dire qu'aujourd'hui, c'est intégré ? Et surtout, est-ce qu'ils agissent en fonction ? Bien sûr.

  • Speaker #1

    Je ne sais pas pourquoi l'occasion ne s'est pas présentée dans les 45 minutes d'en parler, parce qu'en fait, on est clairement en banque du climat. Ça nous occupe toute la journée. et ça a transformé toutes nos pratiques. On est devenu la première structure qui fait des diagnostics de bilan carbone en France. On en fera cette année à peu près, j'ai envie de dire, 5000. Donc, porte à porte de masse, des anthropos d'un français pour les convaincre de se mettre en transition, on le fait. tous nos collaborateurs chargés d'affaires sur le terrain sont inceptivés là-dessus les entrepreneurs au total ils ont tous des enfants ils sont eux-mêmes conscientisés la question de la prise de conscience ne se pose plus tout le monde est d'accord ensuite il y a ceux qui ne savent toujours pas exactement comment faire notamment les entrepreneurs PME industriels bon même il y a ceux dont l'énergie est du gaz pour passer l'électricité c'est des investissements très importants comment je les finance c'est ça c'est des investissements qui n'ont pas forcément une grande rentabilité qui va m'aider. Il y a ceux qui sont déjà électrifiés, mais qui fabriquent des produits qui sont des produits très carbonés, du métal, par exemple. Donc des tubes, des pompes, des vérins, qu'est-ce que je fais, comment je fais ? Donc c'est vraiment des questions très complexes. Et donc, en fait, notre vie quotidienne, c'est d'être confronté à des entrepreneurs qui savent que le problème est là, et qui demandent des solutions, qui demandent d'être accompagnés. Il faut absolument, et c'est ce qu'on a commencé, d'abord on met beaucoup de financement. Il faut que vous sachiez par exemple qu'on est la première banque française devant toutes les banques privées pour le financement du photovoltaïque et de l'éolien. Première banque française, oui. Numéro un, devant tous les privés. mais on est aussi évidemment le premier financeur des green tech, le premier financeur des innovations vertes, donc on est, je pense, en volume, complètement incontestable.

  • Speaker #0

    Vous faites beaucoup d'interviews, Nicolas Dufour, je ne voudrais pas pêcher la seule.

  • Speaker #1

    Non, mais il faut qu'on aille beaucoup plus loin, il faut qu'on soit, en fait, on est devenu un très gros cabinet de conseil, mais ça va devoir prendre encore plus d'ampleur, parce qu'il faut vraiment aller voir tout le monde. Tant que vous n'avez pas parlé aux gens. ça n'avance pas.

  • Speaker #0

    Parlons-en, c'est quoi les grands chantiers, les perspectives de développement de BPI France, c'est quoi en rapide dans les 3 à 5 ans ? Qu'est-ce que vous ambitionnez ?

  • Speaker #1

    Dans les 5 ans, on va mettre 35 milliards d'euros sur le climat, on va mettre 35 autres milliards d'euros sur la réindustrialisation. Voilà. donc c'est ça qu'il faut retenir

  • Speaker #0

    Très bien, deux chiffres des années c'est très très clair une autre question parce que je pense qu'en fait elle nous concerne tous les deux est-ce que vous trouvez que les apparitions médiatiques qui promeut une industrie, on va dire une industrie nouvelle est forte, est souvent dominée par des dirigeants encore souvent parisiens d'une part et puis qu'on donne pas tellement la visibilité encore aux premiers de cordée dans l'industrie ceux qui font l'industrie avec leurs mains les ouvriers et Est-ce que vous avez l'impression qu'on a quand même encore ce truc un peu parisianiste quand on parle d'industrie, et puis que finalement ça parle peut-être pas autant qu'on le veut dans les territoires ? Ça a changé, ça évolue sûrement, mais c'est quoi votre regard là-dessus ?

  • Speaker #1

    L'industrie c'est les territoires, c'est pas Paris. Et Paris... En fait, on va se le dire, dans les 30 dernières années, perdu l'habitude de comprendre l'industrie. Très difficile d'avoir un dîner en ville à Paris avec un patron de PME industriel. On peut parfois rencontrer un patron d'un très grand groupe mondial industrialisé, mais il n'y en a quand même pas beaucoup. Disons qu'il y en a une petite dizaine. En revanche, tout l'écosystème de l'ETI familiale ou de la PME industrielle n'est pas à Paris. Et donc, l'establishment parisien n'a pas de culture industrielle. Donc, quand on parle d'industrie... Et à partir de Paris, d'abord, on ne parlait plus du tout d'industrie à partir de Paris. On s'y remit un tout petit peu, mais c'est extrêmement récent. Ça peut être effectivement un peu théorique. Ça va être des économistes, ça va être des journalistes, ça va être des banquiers peut-être. La parole des entrepreneurs, c'est ça qui est mon livre en fait. C'est la parole de Saint-Julien-en-Champsort, de Saint-Paul-de-Charlençon, c'est la parole de la capitale de la Vendée, c'est la parole de Yonax, c'est cette parole-là qui est importante. On la trouve... pas assez parce que ces patrons sont très discrets, donc il faut les faire monter sur scène. Nous, on fait, les gens ne savent peut-être pas, 400 événements physiques par an.

  • Speaker #0

    C'est énorme. On voit l'activité.

  • Speaker #1

    400 physiques par an. pour les faire monter sur scène. Et au BIG, on fait chaque année en octobre, vous voyez bien qu'on révèle la quantité de noms qui étaient des noms inconnus. Quantité, et qui viennent de toute la France et qui parlent devant 2000 entrepreneurs. C'est ça qu'on veut faire.

  • Speaker #0

    Et donc vous allez garder cette courbe d'augmentation de toujours plus d'événements, il y a le French Turbuce, il y a plein de trucs, ça va rester très central pour la BPI les événements ?

  • Speaker #1

    Complètement. Plus il y a de digital, plus il y a d'écran, plus il faut du physique.

  • Speaker #0

    On termine par une chose, on a dit qu'on serait modéré sur la politique aujourd'hui, mais j'aimerais quand même, dans le contexte actuel, un peu compliqué démocratiquement, en quoi l'industrie, elle fait d'autant plus sens, et puis à quoi ça ressemble, à quoi elle doit ressembler cette France et cette Europe industrielle ?

  • Speaker #1

    Quand vous allez en Allemagne, c'est très difficile de traverser un village où il n'y a pas d'usine. Quand vous allez en Italie du Nord, y compris dans les Marches... Vous êtes avec vos voitures, le paysage est... Et vous allez le valer. Il y a de l'industrie partout. La France, c'est des industries réalisées. Pas partout. Vous avez toute la région au Vannes-Rhône-Alpes, vous avez la région Vendée, la Mayenne, une partie de la Bretagne. Vous avez encore beaucoup d'usines. Le Sud. Il reste 16% du PIB, il y en avait 20. La réindustrialisation a démarré. On construit beaucoup plus d'usines qu'on en détruit. C'est une occasion extraordinaire de faire deux choses. Une industrie verte, d'abord, nativement verte, donc, électrique, très robotisé, qui ne produira pas de troubles musculosquelétiques en masse, donc toute cette culture ouvrière de la souffrance physique terminée, qui produit des objets complexes, qui sont les objets inventés par les scientifiques de nos 74 pôles scientifiques français, les universités. Et puis, c'est aussi l'occasion de faire des belles usines. On a cette chance incroyable, parce que l'usine, c'est un bloc physique totémique dans le territoire. Donc, autant qu'ils soient beaux. Quand en plus, on est sur des petits recteurs nucléaires, par exemple, ou des usines qui vont durer 100 ans, c'est l'occasion de faire des cathédrales. C'est pour ça qu'on est très attaché à la BPI, à cette idée-là, au point de réfléchir à faire un concours d'architecte d'usine. Cette semaine, j'étais le président du jury de la photo industrielle. Il faut mettre du beau.

  • Speaker #0

    Superbe. Vous êtes notre boussole et vous devez nous aider à atterrir sur un... Le bon pourcentage de PIB qu'on attendra à 2035. Il y a eu plein de débats entre les experts, France 2030, les gens se disent, ouais, ce sera 12%, 13% du PIB français à 2035. C'est quoi ? Le chiffre, vous l'avez, c'est sûr ? Ce sera quoi ce chiffre à 2035 ?

  • Speaker #1

    De toute façon, c'est une mobilisation générale pour tenter d'atteindre, je pense, quelque chose comme 12%. Mais ça suppose une mobilisation générale. Parce que pour faire 12%, il faut beaucoup de réacteurs nucléaires, parce qu'il faut une industrie électrique. Il faut créer à peu près 600 000 emplois industriels. Donc il faut qu'il y ait 600 000 Français qui aient envie de travailler dans l'industrie.

  • Speaker #0

    Supplémentaires.

  • Speaker #1

    Supplémentaires, et qui aient été formés. Et si ce n'est pas des Français dits natifs, ce sera... des Français récents, qui auront décidé de participer au grand récit national, venus de leurs cultures étrangères, comme ça a toujours été le cas dans l'industrie, depuis le début du 19ème siècle. Il faut beaucoup d'innovation, il faut du foncier, il faut des terrains. Il faut que les médias qui sont quand même fondamentaux dans la construction de l'imaginaire collectif continuent de positiver l'industrie comme ils ont commencé de le faire depuis peu, trois ans on va dire, trois ans maximum, trois, quatre ans peut-être. Il faut que la politique de l'offre dure sans accroc. Donc la politique de l'offre qui a démarré il y a maintenant douze ans, douze, treize ans. elle est fondamentale donc elle ne doit pas s'arrêter dans les 20 ans qui viennent sinon tout s'arrête franchement tout s'arrête le rêve de réindustrialisation devient impossible voilà tout ce qu'il faut faire très bien bon belle conclusion je vais vous remercier pour votre présence

  • Speaker #0

    Nicolas pour votre accueil et puis à vous tous et toutes qui nous écoutez on vous donne rendez-vous pour un prochain épisode de Circular For Good si vous n'êtes toujours pas abonné à la newsletter vous savez où la trouver votre moteur de recherche Industrie For Good avec un 4 et on vous dit à bientôt pour un prochain épisode

Description

Dans cet épisode, plus court qu'à l'accoutumée, nous avons le plaisir de recevoir Nicolas Dufourcq, Directeur général de Bpifrance. Avec notre invité, nous explorons divers sujets captivants, tels que le lien entre les musiques électroniques et l'industrie, les défis actuels en matière d'investissement public et privé, l'architecture de nos usines, le financement de l'innovation dans un contexte de dette nationale exacerbée, ainsi que la représentativité et l’acceptabilité de nos industries en France. Nous abordons également leur compétitivité, l'avenir de l’Europe industrielle, et bien d'autres questions essentielles. Bonne écoute !


Hébergé par Ausha. Visitez ausha.co/politique-de-confidentialite pour plus d'informations.

Transcription

  • Speaker #0

    Bienvenue sur Industry for Good, le podcast qui pose un regard nouveau sur le monde de l'industrie.

  • Speaker #1

    Un programme audio indépendant,

  • Speaker #0

    présenté par Aurélien Goyer. Bonjour à toutes et à tous, bienvenue dans ce nouvel épisode d'Industrie for Good, le podcast qui propose une lecture sociale, politique et citoyenne du monde industriel. Alors aujourd'hui, c'est un invité d'exception qui nous ouvre ses portes, une figure clé du développement économique et de l'innovation en France, Nicolas Dufour, directeur général de BPI France. Alors je vais commencer par une petite histoire. On nous a récemment présenté, Nicolas, à l'Hôtel de l'Industrie. On salue d'ailleurs Anaïs Vagilis au passage, où on m'avait dit Ah oui, vous êtes l'influenceur Et je vous ai répondu une parfaite banalité, comme souvent dans ces genres de moments un peu en suspens, alors j'aurais dû vous répondre sobrement mais fermement, mais c'est vous l'influenceur Nicolas Dufour, parce que oui, depuis plusieurs années maintenant, vous êtes la personne la plus suivie sur les sujets de réindustrialisation française et d'innovation industrielle. Bienvenue à vous en tout cas, je suis vraiment ravi de vous recevoir sur l'émission, on va commencer par l'essentiel, est-ce que ça va ?

  • Speaker #1

    Oui, ça va très bien.

  • Speaker #0

    Je vous propose de vous présenter rapidement pour les quelques personnes qui ne vous connaîtraient pas encore et nous parler aussi de votre parcours. Alors, j'ai pioché quelques mots clés qui m'ont interpellé pendant mes recherches. Je vais vous les dire dans le désordre. WANADU, ENA, musique électronique, French Fab, anti-déclinisme. Je vous laisse me dire qui vous êtes, Nicolas Dufour, après ce joyeux Camoulox.

  • Speaker #1

    Je suis un peu entrepreneur sur les bords puisque j'ai créé quelques boîtes en tout début de vie et puis ensuite je suis entré chez France Télécom où j'étais entrepreneur pour créer le monde multimédia de France Télécom qu'on a coté le 10 juillet 2000 pour 19 milliards d'euros qui s'appelait Wanadu et qu'on a développé pour en faire un numéro européen et puis après je suis parti chez Capgemini pendant 10 ans participer à la mondialisation extraordinaire de cette boîte et puis après j'ai répondu à l'appel du pays d'une certaine manière qui m'était lancé par le président Hollande pour créer la BPI voilà qui je suis

  • Speaker #0

    C'était rapide, c'était concis, je prends le temps de parler d'un truc qui me alors on en a parlé et puis j'ai vu que vous avez écrit il y avait un article qui était sorti là dessus en disant que vous êtes un grand fan de musique électronique euh Et je vais essayer de faire une tentative et de deviner quel type de musique électronique vous aimez. Je crois que votre grand-père était musicographe. Je vois bien des goûts chez vous assez puristes et surtout, vous êtes né la même année que Jeff Mills, qui est le grand pape de la techno de Détroit. Donc, je vois bien écouter ça ou vraiment les prémices de la musique concrète, craftwork, des trucs un peu comme ça. Est-ce que je me plante ou j'ai pas fait de recherche ?

  • Speaker #1

    C'est très fort. Non, tout à fait. J'ai mon âge. Et donc, j'avais 15 ans en 78. Et donc, 15 ans 78, qu'est-ce qu'on écoute ? On écoute effectivement Kratwerk, on écoute Klaus Schulz, on écoute Tangerine Dream, on écoute aussi Zappa, beaucoup Zappa. grosso modo, alors on dit qu'on n'aime pas Jean-Michel Jarre, à 15 ans on est un peu snob comme ça, mais on est déjà dans la musique électronique effectivement.

  • Speaker #0

    Et c'est marrant parce qu'en fait, ce que j'aime dans l'industrie, je pense que c'est un point peut-être qu'on a en commun, c'est qu'en fait je trouve que tout ramène à l'industrie, toutes les routes ramènent à l'industrie, et en fait quand on parle de musique industrielle, etc., vous en dites deux mots, même dans un de vos discours, vous en avez parlé, c'est assez marrant. Expliquez-nous un petit peu, vous pouvez développer une minute autour de ça, quel rapport en fait ?

  • Speaker #1

    Tout part de Pierre-Henri en fait. Pierre-Henri en fait, il avait sa machine à enregistrer les sons, donc il allait dans les tunnels, il allait dans les métros, il enregistrait les sons. Ferrari aussi d'ailleurs, toute cette école française incroyable. Et donc moi je suis comme ça en effet, j'ai des espèces de grandes oreilles, j'écoute les sons partout. Et en effet la techno elle est née dans le son des usines. Il y a une fresque extraordinaire d'ailleurs qui est au musée de Détroit de ce grand artiste mexicain. exale un son, qui est le son de la techno, de la techno de Détroit. Ensuite, on peut se poser mille questions de savoir comment cette musique, qui est fondamentalement une musique noire de Détroit, des ouvriers noirs de Chicago et du nord des États-Unis, à l'origine, en particulier avec Jeff Mills, est progressivement devenue, c'est assez frappant aujourd'hui, une musique assez blanche. aussi bizarre que ça puisse paraître. Et donc, la société l'a en fait distillée, alchimisée, et ça, je peux le regretter.

  • Speaker #0

    Super intéressant. Bon, on va revenir à des choses, on va dire, moins culturelles et artistiques. Quoique, comment vous expliqueriez le rôle de BPI France à mon fils de 5 ans ?

  • Speaker #1

    À votre fils de 5 ans, je vais lui dire t'as envie de faire quelque chose par toi-même, avec tes propres mains, à ta manière. T'es donc un petit peu entrepreneur.

  • Speaker #0

    C'est super clair ça, je suis sûr qu'il aurait compris. On va parler du bouquin. Je l'ai amené, il est abîmé parce que je le trimballe pas mal. Donc en mai 2022, vous publiez chez Odile Jacob un livre intitulé La déindustrialisation de la France 1995 à 2015. Je vais vous avouer un truc, quand j'ai vu la sortie du bouquin, je me suis dit... encore quelqu'un qui va faire un constat sur ce qui ne va pas. mais l'avenir m'a donné tort parce qu'en fait vous êtes tous sauf ça et c'était intéressant, c'était quoi la genèse rapidement pourquoi il fallait l'écrire ce livre et puis surtout deuxième question si vous l'aviez écrit cette année en quoi il aurait été différent ?

  • Speaker #1

    En fait j'ai eu une chance extraordinaire c'est que depuis plus de 10 ans maintenant je vis avec les entrepreneurs de France et de Navarre dans les territoires et je finis par beaucoup les tutoyer et ça s'est fait comme ça je me suis dit je vais les interviewer non pas tellement avec l'idée que j'allais publier tout ça, mais j'avais envie d'entendre leurs paroles, comme vous faites avec moi finalement. En fait, j'ai fait un blog perso, écrit, d'entrepreneurs qui avaient vécu la désindustrialisation, pour qu'ils me racontent ce qu'ils avaient vécu dans ces années-là. Et petit à petit, je me suis aperçu que c'était un corpus extraordinaire. Et puis surtout, moi-même, j'avais mes propres convictions, je voulais... J'aime bien à certains moments que les patrons, patronnes comme moi, aient le courage de dire réellement ce qu'ils pensent. Je pense qu'on n'a pas le droit d'être normand. Passez-moi l'expression, peut-être ben oui, peut-être ben non, je ne sais pas bien, c'est flou, je ne sais pas vous dire. Il y a un moment, il s'est passé quelque chose de très très grave, dites-nous, il s'est passé quoi ? Or, le chêneau manquant entre mes intuitions et la vérité de ce qui s'était passé, c'est tout simplement... le témoignage de ces gens. Donc c'est un livre de témoignages. C'est fondamentalement 45 témoignages de gens exceptionnels qui racontent des années très difficiles qu'ils ont surmontées. Et quand on fait la concaténation de tout ce qu'ils disent dans un espèce de sirop, ça donne les 150 pages que j'ai écrites et qui sont l'histoire de la déindustrialisation de la France. Qui fait aujourd'hui à peu près consensus, c'est ça qui m'a frappé, que je n'avais absolument pas anticipé.

  • Speaker #0

    Merci pour ça Nicolas moi je vais vous dire ce qui m'a marqué dans ce bouquin et j'en parle pas mal autour de moi ce que je trouve le fil rouge pour moi de ce livre c'est qu'en fait il y a une sorte de constat systématique, les entreprises industrielles qui ont traversé le temps sont celles qui mettaient le paquet sur l'innovation. Dans une interview récente d'ailleurs vous avez dit que notre seule chance réside dans l'innovation est-ce que vous pouvez élaborer sur cette idée et me dire quelque part quelle est la limite entre la promotion de l'innovation et le technosolutionnisme

  • Speaker #1

    Les entreprises industrielles qui durent, elles sont celles qui innovent dans les produits qui sont fabriqués, évidemment, mais aussi dans les machines. En fait, l'industrie, c'est les machines. On revient à la question du bruit et du son. Et donc, une entreprise familiale industrielle qui traverse le temps, c'est une entreprise qui consacre la totalité de ses profits et de ses dividendes, etc., à investir dans des machines qui, normalement, ne sont pas rentables dans les 5 ans qui viennent, mais qui vont s'apporter en 15 ans, peut-être même 20 ans. Donc, industrie égale machine, pour produire des objets qui eux-mêmes doivent être dans l'air du temps, et qui parfois sont de plus en plus innovants, de plus en plus complexes, etc. Donc tout ça est en effet traversé par la question même du progrès et du machinisme. D'où la robotique, d'où la cobotique, d'où l'intelligence artificielle dans les processus de production, d'où l'industrie dite 4.0 puis 5.0, la connectique, les capteurs, enfin tout ça c'est des machines. Ça me permet de dire simplement que c'est pour ça que l'industrie a besoin de beaucoup d'argent. parce que tout ça, c'est des capex. C'est cher. C'est cher. C'est beaucoup plus difficile de faire une entreprise industrielle qu'une start-up digitale. C'est beaucoup, beaucoup plus difficile. La courbe en J, comme on dit, elle creuse beaucoup plus profond, elle remonte plus lentement. Alors ensuite, ça cartonne. Mais il faut déjà immobiliser beaucoup de capitaux. Et c'est aussi pour ça qu'il faut faire très attention aux excès de prélèvements fiscaux sur l'industrie. Parce que tout impôt qui est prélevé, en excès par rapport à nos concurrents, c'est des machines en moins. c'est de l'innovation au moins. C'est aussi bête que ça. On est sur des équations simples.

  • Speaker #0

    On avait dit qu'on ne parlait pas politique, mais du coup, est-ce que ça existe un patron dans l'industrie de gauche ? Bien sûr.

  • Speaker #1

    Il y en a quantité. Ce n'est pas de la politique que de dire qu'il faut comprendre la nécessité de préserver la possibilité d'investir du capital dans des quantités importantes pour faire des entreprises industrielles qui durent. c'est très différent d'autres secteurs.

  • Speaker #0

    Oui, qui démarre fort. Donc il y a un peu une préservation de cet espèce d'écosystème qui est très particulier dans sa façon de se construire.

  • Speaker #1

    Oui, alors ensuite, c'est culturel. Les industriels sont des gens qui aiment la machine. Vous prenez par exemple, on va prendre un Italien, tiens, le fondateur de Luxottica, le cavaliéré d'Elvacchio. Quand j'ai visité l'usine incroyable qui est dans les Dolomites, il faut voir ça, vous êtes dans les Dolomites, vous êtes au bout du monde. Il n'a pas voulu bouger, il n'a pas voulu se mettre dans un endroit, il a voulu rester chez lui. Donc la vallée est couverte. Très belle d'ailleurs, l'usine qui fabrique les montures de lunettes du monde entier. Et puis... Il avait 87 ans. Il fait sa visite. C'était avant... deux ans avant sa mort. Et il repère un endroit où, dans le process de production, ça n'est pas encore automatisé. C'est-à-dire qu'il n'y a pas encore la machine. Ça redevient manuel, physique, et donc avec des risques de malfaçon, etc. Et c'est très simple. Il a donné le mandat, le défi a été lancé à ses ingénieurs de l'usine en question, de fabriquer. Une machine, une nouvelle machine. Il ne s'agit pas de l'acheter sur catalogue, les machines n'existent pas sur catalogue. Il faut les fabriquer pour des besoins très précis, donc c'est toute l'inventivité humaine. Et ils ont fait de ce défi, le défi de leur vie. 18 mois plus tard, ils avaient inventé la nouvelle machine, ils l'ont présentée... à Alessandro Lubecchio qui était évidemment très très fier. Donc c'est ça, la vie quotidienne de l'industrie, c'est ça.

  • Speaker #0

    Super illustration, merci beaucoup. Moi j'ai une petite question, on va dire plus financière. Comment on finance intelligemment l'innovation quand on a 3000 milliards de dettes ?

  • Speaker #1

    Alors la dette de l'État, en effet, elle est devenue très très importante, notamment depuis la crise du Covid qui a coûté extrêmement cher, ainsi que le bouclier tarifaire qui a suivi. Dans cette dette, il y a deux dettes. Il y a une dette qui finance des investissements rentables. Donc ça, c'est la dette du plan de relance France 2030, par exemple, prépare une France qui sera prospère et qui remboursera cette dette.

  • Speaker #0

    Notre dernier invité était Bruno Bonnel.

  • Speaker #1

    Donc ça c'est exactement comme une entreprise qui s'endette pour financer des machines. Ça c'est des investissements, des capex comme on dit. Et il y a la malheureuse dette qui finance les opex, c'est-à-dire les salaires. Les salaires, les prestations, le doliprane de ma grand-mère. Cette dette, c'est pas une bonne dette, on est d'accord. Et il faudra absolument la réduire, en tout cas la stabiliser. Il est complètement immoral que le doliprane de ma grand-mère soit payé. par mes petits-enfants, quand ils rembourseront la dette en question. C'est pas possible. Donc la discipline budgétaire, c'est une discipline nécessaire. Pour le reste, aujourd'hui, c'est un équilibre avec ceux qui nous financent. Ceux qui nous financent, c'est qui ? C'est 50% les Français, 50% les étrangers. Les Français mettent leur assurance-vie dans la dette de l'État français. Et ça va continuer. Les étrangers veulent bien le faire, à condition qu'on soit un minimum discipliné. Donc c'est une ligne fine. Il faut qu'on montre qu'on a compris les équations de base. Aujourd'hui, on arrive à financer une dette de 3 000 milliards. Si on continue de montrer qu'on la laisse déraper parce que l'argent magique existe, il y a un moment où le marché... Les étrangers. les étrangers, ceux qui financent la moitié de notre dette, diront, écoutez, c'est terminé.

  • Speaker #0

    C'est hyper bien expliqué. Je vous en remercie parce que j'ai l'impression que j'ai compris des choses que je n'avais pas compris. Merci pour ça. On va parler un peu d'environnement. Pour la petite anecdote, vous êtes passé il n'y a pas très longtemps sur une grande radio, c'était il y a un an à peu près. Vous faites 45 minutes d'un entretien qui est incroyable et vous ne parlez pas d'environnement. Et à ce moment-là, je me dis, bon sang, je vais faire un post-LinkedIn. Et puis comme mon post-LinkedIn, il est resté dans mes brouillons parce que c'est tellement facile de tirer sur l'ambulance. Je pense que je l'ai gardé, d'ailleurs. Je pense que je vous l'enverrai un jour. La vraie question que je voulais vous poser par là, c'est est-ce que les entrepreneurs dans les secteurs dont on parle, l'industrie, ils ont compris, selon vous, la magnitude des enjeux climatiques ? Est-ce que vous avez l'impression que c'est un truc intégré ? Oui, oui. Vous avez vu les choses évoluer ? Qu'est-ce qui vous fait dire qu'aujourd'hui, c'est intégré ? Et surtout, est-ce qu'ils agissent en fonction ? Bien sûr.

  • Speaker #1

    Je ne sais pas pourquoi l'occasion ne s'est pas présentée dans les 45 minutes d'en parler, parce qu'en fait, on est clairement en banque du climat. Ça nous occupe toute la journée. et ça a transformé toutes nos pratiques. On est devenu la première structure qui fait des diagnostics de bilan carbone en France. On en fera cette année à peu près, j'ai envie de dire, 5000. Donc, porte à porte de masse, des anthropos d'un français pour les convaincre de se mettre en transition, on le fait. tous nos collaborateurs chargés d'affaires sur le terrain sont inceptivés là-dessus les entrepreneurs au total ils ont tous des enfants ils sont eux-mêmes conscientisés la question de la prise de conscience ne se pose plus tout le monde est d'accord ensuite il y a ceux qui ne savent toujours pas exactement comment faire notamment les entrepreneurs PME industriels bon même il y a ceux dont l'énergie est du gaz pour passer l'électricité c'est des investissements très importants comment je les finance c'est ça c'est des investissements qui n'ont pas forcément une grande rentabilité qui va m'aider. Il y a ceux qui sont déjà électrifiés, mais qui fabriquent des produits qui sont des produits très carbonés, du métal, par exemple. Donc des tubes, des pompes, des vérins, qu'est-ce que je fais, comment je fais ? Donc c'est vraiment des questions très complexes. Et donc, en fait, notre vie quotidienne, c'est d'être confronté à des entrepreneurs qui savent que le problème est là, et qui demandent des solutions, qui demandent d'être accompagnés. Il faut absolument, et c'est ce qu'on a commencé, d'abord on met beaucoup de financement. Il faut que vous sachiez par exemple qu'on est la première banque française devant toutes les banques privées pour le financement du photovoltaïque et de l'éolien. Première banque française, oui. Numéro un, devant tous les privés. mais on est aussi évidemment le premier financeur des green tech, le premier financeur des innovations vertes, donc on est, je pense, en volume, complètement incontestable.

  • Speaker #0

    Vous faites beaucoup d'interviews, Nicolas Dufour, je ne voudrais pas pêcher la seule.

  • Speaker #1

    Non, mais il faut qu'on aille beaucoup plus loin, il faut qu'on soit, en fait, on est devenu un très gros cabinet de conseil, mais ça va devoir prendre encore plus d'ampleur, parce qu'il faut vraiment aller voir tout le monde. Tant que vous n'avez pas parlé aux gens. ça n'avance pas.

  • Speaker #0

    Parlons-en, c'est quoi les grands chantiers, les perspectives de développement de BPI France, c'est quoi en rapide dans les 3 à 5 ans ? Qu'est-ce que vous ambitionnez ?

  • Speaker #1

    Dans les 5 ans, on va mettre 35 milliards d'euros sur le climat, on va mettre 35 autres milliards d'euros sur la réindustrialisation. Voilà. donc c'est ça qu'il faut retenir

  • Speaker #0

    Très bien, deux chiffres des années c'est très très clair une autre question parce que je pense qu'en fait elle nous concerne tous les deux est-ce que vous trouvez que les apparitions médiatiques qui promeut une industrie, on va dire une industrie nouvelle est forte, est souvent dominée par des dirigeants encore souvent parisiens d'une part et puis qu'on donne pas tellement la visibilité encore aux premiers de cordée dans l'industrie ceux qui font l'industrie avec leurs mains les ouvriers et Est-ce que vous avez l'impression qu'on a quand même encore ce truc un peu parisianiste quand on parle d'industrie, et puis que finalement ça parle peut-être pas autant qu'on le veut dans les territoires ? Ça a changé, ça évolue sûrement, mais c'est quoi votre regard là-dessus ?

  • Speaker #1

    L'industrie c'est les territoires, c'est pas Paris. Et Paris... En fait, on va se le dire, dans les 30 dernières années, perdu l'habitude de comprendre l'industrie. Très difficile d'avoir un dîner en ville à Paris avec un patron de PME industriel. On peut parfois rencontrer un patron d'un très grand groupe mondial industrialisé, mais il n'y en a quand même pas beaucoup. Disons qu'il y en a une petite dizaine. En revanche, tout l'écosystème de l'ETI familiale ou de la PME industrielle n'est pas à Paris. Et donc, l'establishment parisien n'a pas de culture industrielle. Donc, quand on parle d'industrie... Et à partir de Paris, d'abord, on ne parlait plus du tout d'industrie à partir de Paris. On s'y remit un tout petit peu, mais c'est extrêmement récent. Ça peut être effectivement un peu théorique. Ça va être des économistes, ça va être des journalistes, ça va être des banquiers peut-être. La parole des entrepreneurs, c'est ça qui est mon livre en fait. C'est la parole de Saint-Julien-en-Champsort, de Saint-Paul-de-Charlençon, c'est la parole de la capitale de la Vendée, c'est la parole de Yonax, c'est cette parole-là qui est importante. On la trouve... pas assez parce que ces patrons sont très discrets, donc il faut les faire monter sur scène. Nous, on fait, les gens ne savent peut-être pas, 400 événements physiques par an.

  • Speaker #0

    C'est énorme. On voit l'activité.

  • Speaker #1

    400 physiques par an. pour les faire monter sur scène. Et au BIG, on fait chaque année en octobre, vous voyez bien qu'on révèle la quantité de noms qui étaient des noms inconnus. Quantité, et qui viennent de toute la France et qui parlent devant 2000 entrepreneurs. C'est ça qu'on veut faire.

  • Speaker #0

    Et donc vous allez garder cette courbe d'augmentation de toujours plus d'événements, il y a le French Turbuce, il y a plein de trucs, ça va rester très central pour la BPI les événements ?

  • Speaker #1

    Complètement. Plus il y a de digital, plus il y a d'écran, plus il faut du physique.

  • Speaker #0

    On termine par une chose, on a dit qu'on serait modéré sur la politique aujourd'hui, mais j'aimerais quand même, dans le contexte actuel, un peu compliqué démocratiquement, en quoi l'industrie, elle fait d'autant plus sens, et puis à quoi ça ressemble, à quoi elle doit ressembler cette France et cette Europe industrielle ?

  • Speaker #1

    Quand vous allez en Allemagne, c'est très difficile de traverser un village où il n'y a pas d'usine. Quand vous allez en Italie du Nord, y compris dans les Marches... Vous êtes avec vos voitures, le paysage est... Et vous allez le valer. Il y a de l'industrie partout. La France, c'est des industries réalisées. Pas partout. Vous avez toute la région au Vannes-Rhône-Alpes, vous avez la région Vendée, la Mayenne, une partie de la Bretagne. Vous avez encore beaucoup d'usines. Le Sud. Il reste 16% du PIB, il y en avait 20. La réindustrialisation a démarré. On construit beaucoup plus d'usines qu'on en détruit. C'est une occasion extraordinaire de faire deux choses. Une industrie verte, d'abord, nativement verte, donc, électrique, très robotisé, qui ne produira pas de troubles musculosquelétiques en masse, donc toute cette culture ouvrière de la souffrance physique terminée, qui produit des objets complexes, qui sont les objets inventés par les scientifiques de nos 74 pôles scientifiques français, les universités. Et puis, c'est aussi l'occasion de faire des belles usines. On a cette chance incroyable, parce que l'usine, c'est un bloc physique totémique dans le territoire. Donc, autant qu'ils soient beaux. Quand en plus, on est sur des petits recteurs nucléaires, par exemple, ou des usines qui vont durer 100 ans, c'est l'occasion de faire des cathédrales. C'est pour ça qu'on est très attaché à la BPI, à cette idée-là, au point de réfléchir à faire un concours d'architecte d'usine. Cette semaine, j'étais le président du jury de la photo industrielle. Il faut mettre du beau.

  • Speaker #0

    Superbe. Vous êtes notre boussole et vous devez nous aider à atterrir sur un... Le bon pourcentage de PIB qu'on attendra à 2035. Il y a eu plein de débats entre les experts, France 2030, les gens se disent, ouais, ce sera 12%, 13% du PIB français à 2035. C'est quoi ? Le chiffre, vous l'avez, c'est sûr ? Ce sera quoi ce chiffre à 2035 ?

  • Speaker #1

    De toute façon, c'est une mobilisation générale pour tenter d'atteindre, je pense, quelque chose comme 12%. Mais ça suppose une mobilisation générale. Parce que pour faire 12%, il faut beaucoup de réacteurs nucléaires, parce qu'il faut une industrie électrique. Il faut créer à peu près 600 000 emplois industriels. Donc il faut qu'il y ait 600 000 Français qui aient envie de travailler dans l'industrie.

  • Speaker #0

    Supplémentaires.

  • Speaker #1

    Supplémentaires, et qui aient été formés. Et si ce n'est pas des Français dits natifs, ce sera... des Français récents, qui auront décidé de participer au grand récit national, venus de leurs cultures étrangères, comme ça a toujours été le cas dans l'industrie, depuis le début du 19ème siècle. Il faut beaucoup d'innovation, il faut du foncier, il faut des terrains. Il faut que les médias qui sont quand même fondamentaux dans la construction de l'imaginaire collectif continuent de positiver l'industrie comme ils ont commencé de le faire depuis peu, trois ans on va dire, trois ans maximum, trois, quatre ans peut-être. Il faut que la politique de l'offre dure sans accroc. Donc la politique de l'offre qui a démarré il y a maintenant douze ans, douze, treize ans. elle est fondamentale donc elle ne doit pas s'arrêter dans les 20 ans qui viennent sinon tout s'arrête franchement tout s'arrête le rêve de réindustrialisation devient impossible voilà tout ce qu'il faut faire très bien bon belle conclusion je vais vous remercier pour votre présence

  • Speaker #0

    Nicolas pour votre accueil et puis à vous tous et toutes qui nous écoutez on vous donne rendez-vous pour un prochain épisode de Circular For Good si vous n'êtes toujours pas abonné à la newsletter vous savez où la trouver votre moteur de recherche Industrie For Good avec un 4 et on vous dit à bientôt pour un prochain épisode

Share

Embed

You may also like

Description

Dans cet épisode, plus court qu'à l'accoutumée, nous avons le plaisir de recevoir Nicolas Dufourcq, Directeur général de Bpifrance. Avec notre invité, nous explorons divers sujets captivants, tels que le lien entre les musiques électroniques et l'industrie, les défis actuels en matière d'investissement public et privé, l'architecture de nos usines, le financement de l'innovation dans un contexte de dette nationale exacerbée, ainsi que la représentativité et l’acceptabilité de nos industries en France. Nous abordons également leur compétitivité, l'avenir de l’Europe industrielle, et bien d'autres questions essentielles. Bonne écoute !


Hébergé par Ausha. Visitez ausha.co/politique-de-confidentialite pour plus d'informations.

Transcription

  • Speaker #0

    Bienvenue sur Industry for Good, le podcast qui pose un regard nouveau sur le monde de l'industrie.

  • Speaker #1

    Un programme audio indépendant,

  • Speaker #0

    présenté par Aurélien Goyer. Bonjour à toutes et à tous, bienvenue dans ce nouvel épisode d'Industrie for Good, le podcast qui propose une lecture sociale, politique et citoyenne du monde industriel. Alors aujourd'hui, c'est un invité d'exception qui nous ouvre ses portes, une figure clé du développement économique et de l'innovation en France, Nicolas Dufour, directeur général de BPI France. Alors je vais commencer par une petite histoire. On nous a récemment présenté, Nicolas, à l'Hôtel de l'Industrie. On salue d'ailleurs Anaïs Vagilis au passage, où on m'avait dit Ah oui, vous êtes l'influenceur Et je vous ai répondu une parfaite banalité, comme souvent dans ces genres de moments un peu en suspens, alors j'aurais dû vous répondre sobrement mais fermement, mais c'est vous l'influenceur Nicolas Dufour, parce que oui, depuis plusieurs années maintenant, vous êtes la personne la plus suivie sur les sujets de réindustrialisation française et d'innovation industrielle. Bienvenue à vous en tout cas, je suis vraiment ravi de vous recevoir sur l'émission, on va commencer par l'essentiel, est-ce que ça va ?

  • Speaker #1

    Oui, ça va très bien.

  • Speaker #0

    Je vous propose de vous présenter rapidement pour les quelques personnes qui ne vous connaîtraient pas encore et nous parler aussi de votre parcours. Alors, j'ai pioché quelques mots clés qui m'ont interpellé pendant mes recherches. Je vais vous les dire dans le désordre. WANADU, ENA, musique électronique, French Fab, anti-déclinisme. Je vous laisse me dire qui vous êtes, Nicolas Dufour, après ce joyeux Camoulox.

  • Speaker #1

    Je suis un peu entrepreneur sur les bords puisque j'ai créé quelques boîtes en tout début de vie et puis ensuite je suis entré chez France Télécom où j'étais entrepreneur pour créer le monde multimédia de France Télécom qu'on a coté le 10 juillet 2000 pour 19 milliards d'euros qui s'appelait Wanadu et qu'on a développé pour en faire un numéro européen et puis après je suis parti chez Capgemini pendant 10 ans participer à la mondialisation extraordinaire de cette boîte et puis après j'ai répondu à l'appel du pays d'une certaine manière qui m'était lancé par le président Hollande pour créer la BPI voilà qui je suis

  • Speaker #0

    C'était rapide, c'était concis, je prends le temps de parler d'un truc qui me alors on en a parlé et puis j'ai vu que vous avez écrit il y avait un article qui était sorti là dessus en disant que vous êtes un grand fan de musique électronique euh Et je vais essayer de faire une tentative et de deviner quel type de musique électronique vous aimez. Je crois que votre grand-père était musicographe. Je vois bien des goûts chez vous assez puristes et surtout, vous êtes né la même année que Jeff Mills, qui est le grand pape de la techno de Détroit. Donc, je vois bien écouter ça ou vraiment les prémices de la musique concrète, craftwork, des trucs un peu comme ça. Est-ce que je me plante ou j'ai pas fait de recherche ?

  • Speaker #1

    C'est très fort. Non, tout à fait. J'ai mon âge. Et donc, j'avais 15 ans en 78. Et donc, 15 ans 78, qu'est-ce qu'on écoute ? On écoute effectivement Kratwerk, on écoute Klaus Schulz, on écoute Tangerine Dream, on écoute aussi Zappa, beaucoup Zappa. grosso modo, alors on dit qu'on n'aime pas Jean-Michel Jarre, à 15 ans on est un peu snob comme ça, mais on est déjà dans la musique électronique effectivement.

  • Speaker #0

    Et c'est marrant parce qu'en fait, ce que j'aime dans l'industrie, je pense que c'est un point peut-être qu'on a en commun, c'est qu'en fait je trouve que tout ramène à l'industrie, toutes les routes ramènent à l'industrie, et en fait quand on parle de musique industrielle, etc., vous en dites deux mots, même dans un de vos discours, vous en avez parlé, c'est assez marrant. Expliquez-nous un petit peu, vous pouvez développer une minute autour de ça, quel rapport en fait ?

  • Speaker #1

    Tout part de Pierre-Henri en fait. Pierre-Henri en fait, il avait sa machine à enregistrer les sons, donc il allait dans les tunnels, il allait dans les métros, il enregistrait les sons. Ferrari aussi d'ailleurs, toute cette école française incroyable. Et donc moi je suis comme ça en effet, j'ai des espèces de grandes oreilles, j'écoute les sons partout. Et en effet la techno elle est née dans le son des usines. Il y a une fresque extraordinaire d'ailleurs qui est au musée de Détroit de ce grand artiste mexicain. exale un son, qui est le son de la techno, de la techno de Détroit. Ensuite, on peut se poser mille questions de savoir comment cette musique, qui est fondamentalement une musique noire de Détroit, des ouvriers noirs de Chicago et du nord des États-Unis, à l'origine, en particulier avec Jeff Mills, est progressivement devenue, c'est assez frappant aujourd'hui, une musique assez blanche. aussi bizarre que ça puisse paraître. Et donc, la société l'a en fait distillée, alchimisée, et ça, je peux le regretter.

  • Speaker #0

    Super intéressant. Bon, on va revenir à des choses, on va dire, moins culturelles et artistiques. Quoique, comment vous expliqueriez le rôle de BPI France à mon fils de 5 ans ?

  • Speaker #1

    À votre fils de 5 ans, je vais lui dire t'as envie de faire quelque chose par toi-même, avec tes propres mains, à ta manière. T'es donc un petit peu entrepreneur.

  • Speaker #0

    C'est super clair ça, je suis sûr qu'il aurait compris. On va parler du bouquin. Je l'ai amené, il est abîmé parce que je le trimballe pas mal. Donc en mai 2022, vous publiez chez Odile Jacob un livre intitulé La déindustrialisation de la France 1995 à 2015. Je vais vous avouer un truc, quand j'ai vu la sortie du bouquin, je me suis dit... encore quelqu'un qui va faire un constat sur ce qui ne va pas. mais l'avenir m'a donné tort parce qu'en fait vous êtes tous sauf ça et c'était intéressant, c'était quoi la genèse rapidement pourquoi il fallait l'écrire ce livre et puis surtout deuxième question si vous l'aviez écrit cette année en quoi il aurait été différent ?

  • Speaker #1

    En fait j'ai eu une chance extraordinaire c'est que depuis plus de 10 ans maintenant je vis avec les entrepreneurs de France et de Navarre dans les territoires et je finis par beaucoup les tutoyer et ça s'est fait comme ça je me suis dit je vais les interviewer non pas tellement avec l'idée que j'allais publier tout ça, mais j'avais envie d'entendre leurs paroles, comme vous faites avec moi finalement. En fait, j'ai fait un blog perso, écrit, d'entrepreneurs qui avaient vécu la désindustrialisation, pour qu'ils me racontent ce qu'ils avaient vécu dans ces années-là. Et petit à petit, je me suis aperçu que c'était un corpus extraordinaire. Et puis surtout, moi-même, j'avais mes propres convictions, je voulais... J'aime bien à certains moments que les patrons, patronnes comme moi, aient le courage de dire réellement ce qu'ils pensent. Je pense qu'on n'a pas le droit d'être normand. Passez-moi l'expression, peut-être ben oui, peut-être ben non, je ne sais pas bien, c'est flou, je ne sais pas vous dire. Il y a un moment, il s'est passé quelque chose de très très grave, dites-nous, il s'est passé quoi ? Or, le chêneau manquant entre mes intuitions et la vérité de ce qui s'était passé, c'est tout simplement... le témoignage de ces gens. Donc c'est un livre de témoignages. C'est fondamentalement 45 témoignages de gens exceptionnels qui racontent des années très difficiles qu'ils ont surmontées. Et quand on fait la concaténation de tout ce qu'ils disent dans un espèce de sirop, ça donne les 150 pages que j'ai écrites et qui sont l'histoire de la déindustrialisation de la France. Qui fait aujourd'hui à peu près consensus, c'est ça qui m'a frappé, que je n'avais absolument pas anticipé.

  • Speaker #0

    Merci pour ça Nicolas moi je vais vous dire ce qui m'a marqué dans ce bouquin et j'en parle pas mal autour de moi ce que je trouve le fil rouge pour moi de ce livre c'est qu'en fait il y a une sorte de constat systématique, les entreprises industrielles qui ont traversé le temps sont celles qui mettaient le paquet sur l'innovation. Dans une interview récente d'ailleurs vous avez dit que notre seule chance réside dans l'innovation est-ce que vous pouvez élaborer sur cette idée et me dire quelque part quelle est la limite entre la promotion de l'innovation et le technosolutionnisme

  • Speaker #1

    Les entreprises industrielles qui durent, elles sont celles qui innovent dans les produits qui sont fabriqués, évidemment, mais aussi dans les machines. En fait, l'industrie, c'est les machines. On revient à la question du bruit et du son. Et donc, une entreprise familiale industrielle qui traverse le temps, c'est une entreprise qui consacre la totalité de ses profits et de ses dividendes, etc., à investir dans des machines qui, normalement, ne sont pas rentables dans les 5 ans qui viennent, mais qui vont s'apporter en 15 ans, peut-être même 20 ans. Donc, industrie égale machine, pour produire des objets qui eux-mêmes doivent être dans l'air du temps, et qui parfois sont de plus en plus innovants, de plus en plus complexes, etc. Donc tout ça est en effet traversé par la question même du progrès et du machinisme. D'où la robotique, d'où la cobotique, d'où l'intelligence artificielle dans les processus de production, d'où l'industrie dite 4.0 puis 5.0, la connectique, les capteurs, enfin tout ça c'est des machines. Ça me permet de dire simplement que c'est pour ça que l'industrie a besoin de beaucoup d'argent. parce que tout ça, c'est des capex. C'est cher. C'est cher. C'est beaucoup plus difficile de faire une entreprise industrielle qu'une start-up digitale. C'est beaucoup, beaucoup plus difficile. La courbe en J, comme on dit, elle creuse beaucoup plus profond, elle remonte plus lentement. Alors ensuite, ça cartonne. Mais il faut déjà immobiliser beaucoup de capitaux. Et c'est aussi pour ça qu'il faut faire très attention aux excès de prélèvements fiscaux sur l'industrie. Parce que tout impôt qui est prélevé, en excès par rapport à nos concurrents, c'est des machines en moins. c'est de l'innovation au moins. C'est aussi bête que ça. On est sur des équations simples.

  • Speaker #0

    On avait dit qu'on ne parlait pas politique, mais du coup, est-ce que ça existe un patron dans l'industrie de gauche ? Bien sûr.

  • Speaker #1

    Il y en a quantité. Ce n'est pas de la politique que de dire qu'il faut comprendre la nécessité de préserver la possibilité d'investir du capital dans des quantités importantes pour faire des entreprises industrielles qui durent. c'est très différent d'autres secteurs.

  • Speaker #0

    Oui, qui démarre fort. Donc il y a un peu une préservation de cet espèce d'écosystème qui est très particulier dans sa façon de se construire.

  • Speaker #1

    Oui, alors ensuite, c'est culturel. Les industriels sont des gens qui aiment la machine. Vous prenez par exemple, on va prendre un Italien, tiens, le fondateur de Luxottica, le cavaliéré d'Elvacchio. Quand j'ai visité l'usine incroyable qui est dans les Dolomites, il faut voir ça, vous êtes dans les Dolomites, vous êtes au bout du monde. Il n'a pas voulu bouger, il n'a pas voulu se mettre dans un endroit, il a voulu rester chez lui. Donc la vallée est couverte. Très belle d'ailleurs, l'usine qui fabrique les montures de lunettes du monde entier. Et puis... Il avait 87 ans. Il fait sa visite. C'était avant... deux ans avant sa mort. Et il repère un endroit où, dans le process de production, ça n'est pas encore automatisé. C'est-à-dire qu'il n'y a pas encore la machine. Ça redevient manuel, physique, et donc avec des risques de malfaçon, etc. Et c'est très simple. Il a donné le mandat, le défi a été lancé à ses ingénieurs de l'usine en question, de fabriquer. Une machine, une nouvelle machine. Il ne s'agit pas de l'acheter sur catalogue, les machines n'existent pas sur catalogue. Il faut les fabriquer pour des besoins très précis, donc c'est toute l'inventivité humaine. Et ils ont fait de ce défi, le défi de leur vie. 18 mois plus tard, ils avaient inventé la nouvelle machine, ils l'ont présentée... à Alessandro Lubecchio qui était évidemment très très fier. Donc c'est ça, la vie quotidienne de l'industrie, c'est ça.

  • Speaker #0

    Super illustration, merci beaucoup. Moi j'ai une petite question, on va dire plus financière. Comment on finance intelligemment l'innovation quand on a 3000 milliards de dettes ?

  • Speaker #1

    Alors la dette de l'État, en effet, elle est devenue très très importante, notamment depuis la crise du Covid qui a coûté extrêmement cher, ainsi que le bouclier tarifaire qui a suivi. Dans cette dette, il y a deux dettes. Il y a une dette qui finance des investissements rentables. Donc ça, c'est la dette du plan de relance France 2030, par exemple, prépare une France qui sera prospère et qui remboursera cette dette.

  • Speaker #0

    Notre dernier invité était Bruno Bonnel.

  • Speaker #1

    Donc ça c'est exactement comme une entreprise qui s'endette pour financer des machines. Ça c'est des investissements, des capex comme on dit. Et il y a la malheureuse dette qui finance les opex, c'est-à-dire les salaires. Les salaires, les prestations, le doliprane de ma grand-mère. Cette dette, c'est pas une bonne dette, on est d'accord. Et il faudra absolument la réduire, en tout cas la stabiliser. Il est complètement immoral que le doliprane de ma grand-mère soit payé. par mes petits-enfants, quand ils rembourseront la dette en question. C'est pas possible. Donc la discipline budgétaire, c'est une discipline nécessaire. Pour le reste, aujourd'hui, c'est un équilibre avec ceux qui nous financent. Ceux qui nous financent, c'est qui ? C'est 50% les Français, 50% les étrangers. Les Français mettent leur assurance-vie dans la dette de l'État français. Et ça va continuer. Les étrangers veulent bien le faire, à condition qu'on soit un minimum discipliné. Donc c'est une ligne fine. Il faut qu'on montre qu'on a compris les équations de base. Aujourd'hui, on arrive à financer une dette de 3 000 milliards. Si on continue de montrer qu'on la laisse déraper parce que l'argent magique existe, il y a un moment où le marché... Les étrangers. les étrangers, ceux qui financent la moitié de notre dette, diront, écoutez, c'est terminé.

  • Speaker #0

    C'est hyper bien expliqué. Je vous en remercie parce que j'ai l'impression que j'ai compris des choses que je n'avais pas compris. Merci pour ça. On va parler un peu d'environnement. Pour la petite anecdote, vous êtes passé il n'y a pas très longtemps sur une grande radio, c'était il y a un an à peu près. Vous faites 45 minutes d'un entretien qui est incroyable et vous ne parlez pas d'environnement. Et à ce moment-là, je me dis, bon sang, je vais faire un post-LinkedIn. Et puis comme mon post-LinkedIn, il est resté dans mes brouillons parce que c'est tellement facile de tirer sur l'ambulance. Je pense que je l'ai gardé, d'ailleurs. Je pense que je vous l'enverrai un jour. La vraie question que je voulais vous poser par là, c'est est-ce que les entrepreneurs dans les secteurs dont on parle, l'industrie, ils ont compris, selon vous, la magnitude des enjeux climatiques ? Est-ce que vous avez l'impression que c'est un truc intégré ? Oui, oui. Vous avez vu les choses évoluer ? Qu'est-ce qui vous fait dire qu'aujourd'hui, c'est intégré ? Et surtout, est-ce qu'ils agissent en fonction ? Bien sûr.

  • Speaker #1

    Je ne sais pas pourquoi l'occasion ne s'est pas présentée dans les 45 minutes d'en parler, parce qu'en fait, on est clairement en banque du climat. Ça nous occupe toute la journée. et ça a transformé toutes nos pratiques. On est devenu la première structure qui fait des diagnostics de bilan carbone en France. On en fera cette année à peu près, j'ai envie de dire, 5000. Donc, porte à porte de masse, des anthropos d'un français pour les convaincre de se mettre en transition, on le fait. tous nos collaborateurs chargés d'affaires sur le terrain sont inceptivés là-dessus les entrepreneurs au total ils ont tous des enfants ils sont eux-mêmes conscientisés la question de la prise de conscience ne se pose plus tout le monde est d'accord ensuite il y a ceux qui ne savent toujours pas exactement comment faire notamment les entrepreneurs PME industriels bon même il y a ceux dont l'énergie est du gaz pour passer l'électricité c'est des investissements très importants comment je les finance c'est ça c'est des investissements qui n'ont pas forcément une grande rentabilité qui va m'aider. Il y a ceux qui sont déjà électrifiés, mais qui fabriquent des produits qui sont des produits très carbonés, du métal, par exemple. Donc des tubes, des pompes, des vérins, qu'est-ce que je fais, comment je fais ? Donc c'est vraiment des questions très complexes. Et donc, en fait, notre vie quotidienne, c'est d'être confronté à des entrepreneurs qui savent que le problème est là, et qui demandent des solutions, qui demandent d'être accompagnés. Il faut absolument, et c'est ce qu'on a commencé, d'abord on met beaucoup de financement. Il faut que vous sachiez par exemple qu'on est la première banque française devant toutes les banques privées pour le financement du photovoltaïque et de l'éolien. Première banque française, oui. Numéro un, devant tous les privés. mais on est aussi évidemment le premier financeur des green tech, le premier financeur des innovations vertes, donc on est, je pense, en volume, complètement incontestable.

  • Speaker #0

    Vous faites beaucoup d'interviews, Nicolas Dufour, je ne voudrais pas pêcher la seule.

  • Speaker #1

    Non, mais il faut qu'on aille beaucoup plus loin, il faut qu'on soit, en fait, on est devenu un très gros cabinet de conseil, mais ça va devoir prendre encore plus d'ampleur, parce qu'il faut vraiment aller voir tout le monde. Tant que vous n'avez pas parlé aux gens. ça n'avance pas.

  • Speaker #0

    Parlons-en, c'est quoi les grands chantiers, les perspectives de développement de BPI France, c'est quoi en rapide dans les 3 à 5 ans ? Qu'est-ce que vous ambitionnez ?

  • Speaker #1

    Dans les 5 ans, on va mettre 35 milliards d'euros sur le climat, on va mettre 35 autres milliards d'euros sur la réindustrialisation. Voilà. donc c'est ça qu'il faut retenir

  • Speaker #0

    Très bien, deux chiffres des années c'est très très clair une autre question parce que je pense qu'en fait elle nous concerne tous les deux est-ce que vous trouvez que les apparitions médiatiques qui promeut une industrie, on va dire une industrie nouvelle est forte, est souvent dominée par des dirigeants encore souvent parisiens d'une part et puis qu'on donne pas tellement la visibilité encore aux premiers de cordée dans l'industrie ceux qui font l'industrie avec leurs mains les ouvriers et Est-ce que vous avez l'impression qu'on a quand même encore ce truc un peu parisianiste quand on parle d'industrie, et puis que finalement ça parle peut-être pas autant qu'on le veut dans les territoires ? Ça a changé, ça évolue sûrement, mais c'est quoi votre regard là-dessus ?

  • Speaker #1

    L'industrie c'est les territoires, c'est pas Paris. Et Paris... En fait, on va se le dire, dans les 30 dernières années, perdu l'habitude de comprendre l'industrie. Très difficile d'avoir un dîner en ville à Paris avec un patron de PME industriel. On peut parfois rencontrer un patron d'un très grand groupe mondial industrialisé, mais il n'y en a quand même pas beaucoup. Disons qu'il y en a une petite dizaine. En revanche, tout l'écosystème de l'ETI familiale ou de la PME industrielle n'est pas à Paris. Et donc, l'establishment parisien n'a pas de culture industrielle. Donc, quand on parle d'industrie... Et à partir de Paris, d'abord, on ne parlait plus du tout d'industrie à partir de Paris. On s'y remit un tout petit peu, mais c'est extrêmement récent. Ça peut être effectivement un peu théorique. Ça va être des économistes, ça va être des journalistes, ça va être des banquiers peut-être. La parole des entrepreneurs, c'est ça qui est mon livre en fait. C'est la parole de Saint-Julien-en-Champsort, de Saint-Paul-de-Charlençon, c'est la parole de la capitale de la Vendée, c'est la parole de Yonax, c'est cette parole-là qui est importante. On la trouve... pas assez parce que ces patrons sont très discrets, donc il faut les faire monter sur scène. Nous, on fait, les gens ne savent peut-être pas, 400 événements physiques par an.

  • Speaker #0

    C'est énorme. On voit l'activité.

  • Speaker #1

    400 physiques par an. pour les faire monter sur scène. Et au BIG, on fait chaque année en octobre, vous voyez bien qu'on révèle la quantité de noms qui étaient des noms inconnus. Quantité, et qui viennent de toute la France et qui parlent devant 2000 entrepreneurs. C'est ça qu'on veut faire.

  • Speaker #0

    Et donc vous allez garder cette courbe d'augmentation de toujours plus d'événements, il y a le French Turbuce, il y a plein de trucs, ça va rester très central pour la BPI les événements ?

  • Speaker #1

    Complètement. Plus il y a de digital, plus il y a d'écran, plus il faut du physique.

  • Speaker #0

    On termine par une chose, on a dit qu'on serait modéré sur la politique aujourd'hui, mais j'aimerais quand même, dans le contexte actuel, un peu compliqué démocratiquement, en quoi l'industrie, elle fait d'autant plus sens, et puis à quoi ça ressemble, à quoi elle doit ressembler cette France et cette Europe industrielle ?

  • Speaker #1

    Quand vous allez en Allemagne, c'est très difficile de traverser un village où il n'y a pas d'usine. Quand vous allez en Italie du Nord, y compris dans les Marches... Vous êtes avec vos voitures, le paysage est... Et vous allez le valer. Il y a de l'industrie partout. La France, c'est des industries réalisées. Pas partout. Vous avez toute la région au Vannes-Rhône-Alpes, vous avez la région Vendée, la Mayenne, une partie de la Bretagne. Vous avez encore beaucoup d'usines. Le Sud. Il reste 16% du PIB, il y en avait 20. La réindustrialisation a démarré. On construit beaucoup plus d'usines qu'on en détruit. C'est une occasion extraordinaire de faire deux choses. Une industrie verte, d'abord, nativement verte, donc, électrique, très robotisé, qui ne produira pas de troubles musculosquelétiques en masse, donc toute cette culture ouvrière de la souffrance physique terminée, qui produit des objets complexes, qui sont les objets inventés par les scientifiques de nos 74 pôles scientifiques français, les universités. Et puis, c'est aussi l'occasion de faire des belles usines. On a cette chance incroyable, parce que l'usine, c'est un bloc physique totémique dans le territoire. Donc, autant qu'ils soient beaux. Quand en plus, on est sur des petits recteurs nucléaires, par exemple, ou des usines qui vont durer 100 ans, c'est l'occasion de faire des cathédrales. C'est pour ça qu'on est très attaché à la BPI, à cette idée-là, au point de réfléchir à faire un concours d'architecte d'usine. Cette semaine, j'étais le président du jury de la photo industrielle. Il faut mettre du beau.

  • Speaker #0

    Superbe. Vous êtes notre boussole et vous devez nous aider à atterrir sur un... Le bon pourcentage de PIB qu'on attendra à 2035. Il y a eu plein de débats entre les experts, France 2030, les gens se disent, ouais, ce sera 12%, 13% du PIB français à 2035. C'est quoi ? Le chiffre, vous l'avez, c'est sûr ? Ce sera quoi ce chiffre à 2035 ?

  • Speaker #1

    De toute façon, c'est une mobilisation générale pour tenter d'atteindre, je pense, quelque chose comme 12%. Mais ça suppose une mobilisation générale. Parce que pour faire 12%, il faut beaucoup de réacteurs nucléaires, parce qu'il faut une industrie électrique. Il faut créer à peu près 600 000 emplois industriels. Donc il faut qu'il y ait 600 000 Français qui aient envie de travailler dans l'industrie.

  • Speaker #0

    Supplémentaires.

  • Speaker #1

    Supplémentaires, et qui aient été formés. Et si ce n'est pas des Français dits natifs, ce sera... des Français récents, qui auront décidé de participer au grand récit national, venus de leurs cultures étrangères, comme ça a toujours été le cas dans l'industrie, depuis le début du 19ème siècle. Il faut beaucoup d'innovation, il faut du foncier, il faut des terrains. Il faut que les médias qui sont quand même fondamentaux dans la construction de l'imaginaire collectif continuent de positiver l'industrie comme ils ont commencé de le faire depuis peu, trois ans on va dire, trois ans maximum, trois, quatre ans peut-être. Il faut que la politique de l'offre dure sans accroc. Donc la politique de l'offre qui a démarré il y a maintenant douze ans, douze, treize ans. elle est fondamentale donc elle ne doit pas s'arrêter dans les 20 ans qui viennent sinon tout s'arrête franchement tout s'arrête le rêve de réindustrialisation devient impossible voilà tout ce qu'il faut faire très bien bon belle conclusion je vais vous remercier pour votre présence

  • Speaker #0

    Nicolas pour votre accueil et puis à vous tous et toutes qui nous écoutez on vous donne rendez-vous pour un prochain épisode de Circular For Good si vous n'êtes toujours pas abonné à la newsletter vous savez où la trouver votre moteur de recherche Industrie For Good avec un 4 et on vous dit à bientôt pour un prochain épisode

Description

Dans cet épisode, plus court qu'à l'accoutumée, nous avons le plaisir de recevoir Nicolas Dufourcq, Directeur général de Bpifrance. Avec notre invité, nous explorons divers sujets captivants, tels que le lien entre les musiques électroniques et l'industrie, les défis actuels en matière d'investissement public et privé, l'architecture de nos usines, le financement de l'innovation dans un contexte de dette nationale exacerbée, ainsi que la représentativité et l’acceptabilité de nos industries en France. Nous abordons également leur compétitivité, l'avenir de l’Europe industrielle, et bien d'autres questions essentielles. Bonne écoute !


Hébergé par Ausha. Visitez ausha.co/politique-de-confidentialite pour plus d'informations.

Transcription

  • Speaker #0

    Bienvenue sur Industry for Good, le podcast qui pose un regard nouveau sur le monde de l'industrie.

  • Speaker #1

    Un programme audio indépendant,

  • Speaker #0

    présenté par Aurélien Goyer. Bonjour à toutes et à tous, bienvenue dans ce nouvel épisode d'Industrie for Good, le podcast qui propose une lecture sociale, politique et citoyenne du monde industriel. Alors aujourd'hui, c'est un invité d'exception qui nous ouvre ses portes, une figure clé du développement économique et de l'innovation en France, Nicolas Dufour, directeur général de BPI France. Alors je vais commencer par une petite histoire. On nous a récemment présenté, Nicolas, à l'Hôtel de l'Industrie. On salue d'ailleurs Anaïs Vagilis au passage, où on m'avait dit Ah oui, vous êtes l'influenceur Et je vous ai répondu une parfaite banalité, comme souvent dans ces genres de moments un peu en suspens, alors j'aurais dû vous répondre sobrement mais fermement, mais c'est vous l'influenceur Nicolas Dufour, parce que oui, depuis plusieurs années maintenant, vous êtes la personne la plus suivie sur les sujets de réindustrialisation française et d'innovation industrielle. Bienvenue à vous en tout cas, je suis vraiment ravi de vous recevoir sur l'émission, on va commencer par l'essentiel, est-ce que ça va ?

  • Speaker #1

    Oui, ça va très bien.

  • Speaker #0

    Je vous propose de vous présenter rapidement pour les quelques personnes qui ne vous connaîtraient pas encore et nous parler aussi de votre parcours. Alors, j'ai pioché quelques mots clés qui m'ont interpellé pendant mes recherches. Je vais vous les dire dans le désordre. WANADU, ENA, musique électronique, French Fab, anti-déclinisme. Je vous laisse me dire qui vous êtes, Nicolas Dufour, après ce joyeux Camoulox.

  • Speaker #1

    Je suis un peu entrepreneur sur les bords puisque j'ai créé quelques boîtes en tout début de vie et puis ensuite je suis entré chez France Télécom où j'étais entrepreneur pour créer le monde multimédia de France Télécom qu'on a coté le 10 juillet 2000 pour 19 milliards d'euros qui s'appelait Wanadu et qu'on a développé pour en faire un numéro européen et puis après je suis parti chez Capgemini pendant 10 ans participer à la mondialisation extraordinaire de cette boîte et puis après j'ai répondu à l'appel du pays d'une certaine manière qui m'était lancé par le président Hollande pour créer la BPI voilà qui je suis

  • Speaker #0

    C'était rapide, c'était concis, je prends le temps de parler d'un truc qui me alors on en a parlé et puis j'ai vu que vous avez écrit il y avait un article qui était sorti là dessus en disant que vous êtes un grand fan de musique électronique euh Et je vais essayer de faire une tentative et de deviner quel type de musique électronique vous aimez. Je crois que votre grand-père était musicographe. Je vois bien des goûts chez vous assez puristes et surtout, vous êtes né la même année que Jeff Mills, qui est le grand pape de la techno de Détroit. Donc, je vois bien écouter ça ou vraiment les prémices de la musique concrète, craftwork, des trucs un peu comme ça. Est-ce que je me plante ou j'ai pas fait de recherche ?

  • Speaker #1

    C'est très fort. Non, tout à fait. J'ai mon âge. Et donc, j'avais 15 ans en 78. Et donc, 15 ans 78, qu'est-ce qu'on écoute ? On écoute effectivement Kratwerk, on écoute Klaus Schulz, on écoute Tangerine Dream, on écoute aussi Zappa, beaucoup Zappa. grosso modo, alors on dit qu'on n'aime pas Jean-Michel Jarre, à 15 ans on est un peu snob comme ça, mais on est déjà dans la musique électronique effectivement.

  • Speaker #0

    Et c'est marrant parce qu'en fait, ce que j'aime dans l'industrie, je pense que c'est un point peut-être qu'on a en commun, c'est qu'en fait je trouve que tout ramène à l'industrie, toutes les routes ramènent à l'industrie, et en fait quand on parle de musique industrielle, etc., vous en dites deux mots, même dans un de vos discours, vous en avez parlé, c'est assez marrant. Expliquez-nous un petit peu, vous pouvez développer une minute autour de ça, quel rapport en fait ?

  • Speaker #1

    Tout part de Pierre-Henri en fait. Pierre-Henri en fait, il avait sa machine à enregistrer les sons, donc il allait dans les tunnels, il allait dans les métros, il enregistrait les sons. Ferrari aussi d'ailleurs, toute cette école française incroyable. Et donc moi je suis comme ça en effet, j'ai des espèces de grandes oreilles, j'écoute les sons partout. Et en effet la techno elle est née dans le son des usines. Il y a une fresque extraordinaire d'ailleurs qui est au musée de Détroit de ce grand artiste mexicain. exale un son, qui est le son de la techno, de la techno de Détroit. Ensuite, on peut se poser mille questions de savoir comment cette musique, qui est fondamentalement une musique noire de Détroit, des ouvriers noirs de Chicago et du nord des États-Unis, à l'origine, en particulier avec Jeff Mills, est progressivement devenue, c'est assez frappant aujourd'hui, une musique assez blanche. aussi bizarre que ça puisse paraître. Et donc, la société l'a en fait distillée, alchimisée, et ça, je peux le regretter.

  • Speaker #0

    Super intéressant. Bon, on va revenir à des choses, on va dire, moins culturelles et artistiques. Quoique, comment vous expliqueriez le rôle de BPI France à mon fils de 5 ans ?

  • Speaker #1

    À votre fils de 5 ans, je vais lui dire t'as envie de faire quelque chose par toi-même, avec tes propres mains, à ta manière. T'es donc un petit peu entrepreneur.

  • Speaker #0

    C'est super clair ça, je suis sûr qu'il aurait compris. On va parler du bouquin. Je l'ai amené, il est abîmé parce que je le trimballe pas mal. Donc en mai 2022, vous publiez chez Odile Jacob un livre intitulé La déindustrialisation de la France 1995 à 2015. Je vais vous avouer un truc, quand j'ai vu la sortie du bouquin, je me suis dit... encore quelqu'un qui va faire un constat sur ce qui ne va pas. mais l'avenir m'a donné tort parce qu'en fait vous êtes tous sauf ça et c'était intéressant, c'était quoi la genèse rapidement pourquoi il fallait l'écrire ce livre et puis surtout deuxième question si vous l'aviez écrit cette année en quoi il aurait été différent ?

  • Speaker #1

    En fait j'ai eu une chance extraordinaire c'est que depuis plus de 10 ans maintenant je vis avec les entrepreneurs de France et de Navarre dans les territoires et je finis par beaucoup les tutoyer et ça s'est fait comme ça je me suis dit je vais les interviewer non pas tellement avec l'idée que j'allais publier tout ça, mais j'avais envie d'entendre leurs paroles, comme vous faites avec moi finalement. En fait, j'ai fait un blog perso, écrit, d'entrepreneurs qui avaient vécu la désindustrialisation, pour qu'ils me racontent ce qu'ils avaient vécu dans ces années-là. Et petit à petit, je me suis aperçu que c'était un corpus extraordinaire. Et puis surtout, moi-même, j'avais mes propres convictions, je voulais... J'aime bien à certains moments que les patrons, patronnes comme moi, aient le courage de dire réellement ce qu'ils pensent. Je pense qu'on n'a pas le droit d'être normand. Passez-moi l'expression, peut-être ben oui, peut-être ben non, je ne sais pas bien, c'est flou, je ne sais pas vous dire. Il y a un moment, il s'est passé quelque chose de très très grave, dites-nous, il s'est passé quoi ? Or, le chêneau manquant entre mes intuitions et la vérité de ce qui s'était passé, c'est tout simplement... le témoignage de ces gens. Donc c'est un livre de témoignages. C'est fondamentalement 45 témoignages de gens exceptionnels qui racontent des années très difficiles qu'ils ont surmontées. Et quand on fait la concaténation de tout ce qu'ils disent dans un espèce de sirop, ça donne les 150 pages que j'ai écrites et qui sont l'histoire de la déindustrialisation de la France. Qui fait aujourd'hui à peu près consensus, c'est ça qui m'a frappé, que je n'avais absolument pas anticipé.

  • Speaker #0

    Merci pour ça Nicolas moi je vais vous dire ce qui m'a marqué dans ce bouquin et j'en parle pas mal autour de moi ce que je trouve le fil rouge pour moi de ce livre c'est qu'en fait il y a une sorte de constat systématique, les entreprises industrielles qui ont traversé le temps sont celles qui mettaient le paquet sur l'innovation. Dans une interview récente d'ailleurs vous avez dit que notre seule chance réside dans l'innovation est-ce que vous pouvez élaborer sur cette idée et me dire quelque part quelle est la limite entre la promotion de l'innovation et le technosolutionnisme

  • Speaker #1

    Les entreprises industrielles qui durent, elles sont celles qui innovent dans les produits qui sont fabriqués, évidemment, mais aussi dans les machines. En fait, l'industrie, c'est les machines. On revient à la question du bruit et du son. Et donc, une entreprise familiale industrielle qui traverse le temps, c'est une entreprise qui consacre la totalité de ses profits et de ses dividendes, etc., à investir dans des machines qui, normalement, ne sont pas rentables dans les 5 ans qui viennent, mais qui vont s'apporter en 15 ans, peut-être même 20 ans. Donc, industrie égale machine, pour produire des objets qui eux-mêmes doivent être dans l'air du temps, et qui parfois sont de plus en plus innovants, de plus en plus complexes, etc. Donc tout ça est en effet traversé par la question même du progrès et du machinisme. D'où la robotique, d'où la cobotique, d'où l'intelligence artificielle dans les processus de production, d'où l'industrie dite 4.0 puis 5.0, la connectique, les capteurs, enfin tout ça c'est des machines. Ça me permet de dire simplement que c'est pour ça que l'industrie a besoin de beaucoup d'argent. parce que tout ça, c'est des capex. C'est cher. C'est cher. C'est beaucoup plus difficile de faire une entreprise industrielle qu'une start-up digitale. C'est beaucoup, beaucoup plus difficile. La courbe en J, comme on dit, elle creuse beaucoup plus profond, elle remonte plus lentement. Alors ensuite, ça cartonne. Mais il faut déjà immobiliser beaucoup de capitaux. Et c'est aussi pour ça qu'il faut faire très attention aux excès de prélèvements fiscaux sur l'industrie. Parce que tout impôt qui est prélevé, en excès par rapport à nos concurrents, c'est des machines en moins. c'est de l'innovation au moins. C'est aussi bête que ça. On est sur des équations simples.

  • Speaker #0

    On avait dit qu'on ne parlait pas politique, mais du coup, est-ce que ça existe un patron dans l'industrie de gauche ? Bien sûr.

  • Speaker #1

    Il y en a quantité. Ce n'est pas de la politique que de dire qu'il faut comprendre la nécessité de préserver la possibilité d'investir du capital dans des quantités importantes pour faire des entreprises industrielles qui durent. c'est très différent d'autres secteurs.

  • Speaker #0

    Oui, qui démarre fort. Donc il y a un peu une préservation de cet espèce d'écosystème qui est très particulier dans sa façon de se construire.

  • Speaker #1

    Oui, alors ensuite, c'est culturel. Les industriels sont des gens qui aiment la machine. Vous prenez par exemple, on va prendre un Italien, tiens, le fondateur de Luxottica, le cavaliéré d'Elvacchio. Quand j'ai visité l'usine incroyable qui est dans les Dolomites, il faut voir ça, vous êtes dans les Dolomites, vous êtes au bout du monde. Il n'a pas voulu bouger, il n'a pas voulu se mettre dans un endroit, il a voulu rester chez lui. Donc la vallée est couverte. Très belle d'ailleurs, l'usine qui fabrique les montures de lunettes du monde entier. Et puis... Il avait 87 ans. Il fait sa visite. C'était avant... deux ans avant sa mort. Et il repère un endroit où, dans le process de production, ça n'est pas encore automatisé. C'est-à-dire qu'il n'y a pas encore la machine. Ça redevient manuel, physique, et donc avec des risques de malfaçon, etc. Et c'est très simple. Il a donné le mandat, le défi a été lancé à ses ingénieurs de l'usine en question, de fabriquer. Une machine, une nouvelle machine. Il ne s'agit pas de l'acheter sur catalogue, les machines n'existent pas sur catalogue. Il faut les fabriquer pour des besoins très précis, donc c'est toute l'inventivité humaine. Et ils ont fait de ce défi, le défi de leur vie. 18 mois plus tard, ils avaient inventé la nouvelle machine, ils l'ont présentée... à Alessandro Lubecchio qui était évidemment très très fier. Donc c'est ça, la vie quotidienne de l'industrie, c'est ça.

  • Speaker #0

    Super illustration, merci beaucoup. Moi j'ai une petite question, on va dire plus financière. Comment on finance intelligemment l'innovation quand on a 3000 milliards de dettes ?

  • Speaker #1

    Alors la dette de l'État, en effet, elle est devenue très très importante, notamment depuis la crise du Covid qui a coûté extrêmement cher, ainsi que le bouclier tarifaire qui a suivi. Dans cette dette, il y a deux dettes. Il y a une dette qui finance des investissements rentables. Donc ça, c'est la dette du plan de relance France 2030, par exemple, prépare une France qui sera prospère et qui remboursera cette dette.

  • Speaker #0

    Notre dernier invité était Bruno Bonnel.

  • Speaker #1

    Donc ça c'est exactement comme une entreprise qui s'endette pour financer des machines. Ça c'est des investissements, des capex comme on dit. Et il y a la malheureuse dette qui finance les opex, c'est-à-dire les salaires. Les salaires, les prestations, le doliprane de ma grand-mère. Cette dette, c'est pas une bonne dette, on est d'accord. Et il faudra absolument la réduire, en tout cas la stabiliser. Il est complètement immoral que le doliprane de ma grand-mère soit payé. par mes petits-enfants, quand ils rembourseront la dette en question. C'est pas possible. Donc la discipline budgétaire, c'est une discipline nécessaire. Pour le reste, aujourd'hui, c'est un équilibre avec ceux qui nous financent. Ceux qui nous financent, c'est qui ? C'est 50% les Français, 50% les étrangers. Les Français mettent leur assurance-vie dans la dette de l'État français. Et ça va continuer. Les étrangers veulent bien le faire, à condition qu'on soit un minimum discipliné. Donc c'est une ligne fine. Il faut qu'on montre qu'on a compris les équations de base. Aujourd'hui, on arrive à financer une dette de 3 000 milliards. Si on continue de montrer qu'on la laisse déraper parce que l'argent magique existe, il y a un moment où le marché... Les étrangers. les étrangers, ceux qui financent la moitié de notre dette, diront, écoutez, c'est terminé.

  • Speaker #0

    C'est hyper bien expliqué. Je vous en remercie parce que j'ai l'impression que j'ai compris des choses que je n'avais pas compris. Merci pour ça. On va parler un peu d'environnement. Pour la petite anecdote, vous êtes passé il n'y a pas très longtemps sur une grande radio, c'était il y a un an à peu près. Vous faites 45 minutes d'un entretien qui est incroyable et vous ne parlez pas d'environnement. Et à ce moment-là, je me dis, bon sang, je vais faire un post-LinkedIn. Et puis comme mon post-LinkedIn, il est resté dans mes brouillons parce que c'est tellement facile de tirer sur l'ambulance. Je pense que je l'ai gardé, d'ailleurs. Je pense que je vous l'enverrai un jour. La vraie question que je voulais vous poser par là, c'est est-ce que les entrepreneurs dans les secteurs dont on parle, l'industrie, ils ont compris, selon vous, la magnitude des enjeux climatiques ? Est-ce que vous avez l'impression que c'est un truc intégré ? Oui, oui. Vous avez vu les choses évoluer ? Qu'est-ce qui vous fait dire qu'aujourd'hui, c'est intégré ? Et surtout, est-ce qu'ils agissent en fonction ? Bien sûr.

  • Speaker #1

    Je ne sais pas pourquoi l'occasion ne s'est pas présentée dans les 45 minutes d'en parler, parce qu'en fait, on est clairement en banque du climat. Ça nous occupe toute la journée. et ça a transformé toutes nos pratiques. On est devenu la première structure qui fait des diagnostics de bilan carbone en France. On en fera cette année à peu près, j'ai envie de dire, 5000. Donc, porte à porte de masse, des anthropos d'un français pour les convaincre de se mettre en transition, on le fait. tous nos collaborateurs chargés d'affaires sur le terrain sont inceptivés là-dessus les entrepreneurs au total ils ont tous des enfants ils sont eux-mêmes conscientisés la question de la prise de conscience ne se pose plus tout le monde est d'accord ensuite il y a ceux qui ne savent toujours pas exactement comment faire notamment les entrepreneurs PME industriels bon même il y a ceux dont l'énergie est du gaz pour passer l'électricité c'est des investissements très importants comment je les finance c'est ça c'est des investissements qui n'ont pas forcément une grande rentabilité qui va m'aider. Il y a ceux qui sont déjà électrifiés, mais qui fabriquent des produits qui sont des produits très carbonés, du métal, par exemple. Donc des tubes, des pompes, des vérins, qu'est-ce que je fais, comment je fais ? Donc c'est vraiment des questions très complexes. Et donc, en fait, notre vie quotidienne, c'est d'être confronté à des entrepreneurs qui savent que le problème est là, et qui demandent des solutions, qui demandent d'être accompagnés. Il faut absolument, et c'est ce qu'on a commencé, d'abord on met beaucoup de financement. Il faut que vous sachiez par exemple qu'on est la première banque française devant toutes les banques privées pour le financement du photovoltaïque et de l'éolien. Première banque française, oui. Numéro un, devant tous les privés. mais on est aussi évidemment le premier financeur des green tech, le premier financeur des innovations vertes, donc on est, je pense, en volume, complètement incontestable.

  • Speaker #0

    Vous faites beaucoup d'interviews, Nicolas Dufour, je ne voudrais pas pêcher la seule.

  • Speaker #1

    Non, mais il faut qu'on aille beaucoup plus loin, il faut qu'on soit, en fait, on est devenu un très gros cabinet de conseil, mais ça va devoir prendre encore plus d'ampleur, parce qu'il faut vraiment aller voir tout le monde. Tant que vous n'avez pas parlé aux gens. ça n'avance pas.

  • Speaker #0

    Parlons-en, c'est quoi les grands chantiers, les perspectives de développement de BPI France, c'est quoi en rapide dans les 3 à 5 ans ? Qu'est-ce que vous ambitionnez ?

  • Speaker #1

    Dans les 5 ans, on va mettre 35 milliards d'euros sur le climat, on va mettre 35 autres milliards d'euros sur la réindustrialisation. Voilà. donc c'est ça qu'il faut retenir

  • Speaker #0

    Très bien, deux chiffres des années c'est très très clair une autre question parce que je pense qu'en fait elle nous concerne tous les deux est-ce que vous trouvez que les apparitions médiatiques qui promeut une industrie, on va dire une industrie nouvelle est forte, est souvent dominée par des dirigeants encore souvent parisiens d'une part et puis qu'on donne pas tellement la visibilité encore aux premiers de cordée dans l'industrie ceux qui font l'industrie avec leurs mains les ouvriers et Est-ce que vous avez l'impression qu'on a quand même encore ce truc un peu parisianiste quand on parle d'industrie, et puis que finalement ça parle peut-être pas autant qu'on le veut dans les territoires ? Ça a changé, ça évolue sûrement, mais c'est quoi votre regard là-dessus ?

  • Speaker #1

    L'industrie c'est les territoires, c'est pas Paris. Et Paris... En fait, on va se le dire, dans les 30 dernières années, perdu l'habitude de comprendre l'industrie. Très difficile d'avoir un dîner en ville à Paris avec un patron de PME industriel. On peut parfois rencontrer un patron d'un très grand groupe mondial industrialisé, mais il n'y en a quand même pas beaucoup. Disons qu'il y en a une petite dizaine. En revanche, tout l'écosystème de l'ETI familiale ou de la PME industrielle n'est pas à Paris. Et donc, l'establishment parisien n'a pas de culture industrielle. Donc, quand on parle d'industrie... Et à partir de Paris, d'abord, on ne parlait plus du tout d'industrie à partir de Paris. On s'y remit un tout petit peu, mais c'est extrêmement récent. Ça peut être effectivement un peu théorique. Ça va être des économistes, ça va être des journalistes, ça va être des banquiers peut-être. La parole des entrepreneurs, c'est ça qui est mon livre en fait. C'est la parole de Saint-Julien-en-Champsort, de Saint-Paul-de-Charlençon, c'est la parole de la capitale de la Vendée, c'est la parole de Yonax, c'est cette parole-là qui est importante. On la trouve... pas assez parce que ces patrons sont très discrets, donc il faut les faire monter sur scène. Nous, on fait, les gens ne savent peut-être pas, 400 événements physiques par an.

  • Speaker #0

    C'est énorme. On voit l'activité.

  • Speaker #1

    400 physiques par an. pour les faire monter sur scène. Et au BIG, on fait chaque année en octobre, vous voyez bien qu'on révèle la quantité de noms qui étaient des noms inconnus. Quantité, et qui viennent de toute la France et qui parlent devant 2000 entrepreneurs. C'est ça qu'on veut faire.

  • Speaker #0

    Et donc vous allez garder cette courbe d'augmentation de toujours plus d'événements, il y a le French Turbuce, il y a plein de trucs, ça va rester très central pour la BPI les événements ?

  • Speaker #1

    Complètement. Plus il y a de digital, plus il y a d'écran, plus il faut du physique.

  • Speaker #0

    On termine par une chose, on a dit qu'on serait modéré sur la politique aujourd'hui, mais j'aimerais quand même, dans le contexte actuel, un peu compliqué démocratiquement, en quoi l'industrie, elle fait d'autant plus sens, et puis à quoi ça ressemble, à quoi elle doit ressembler cette France et cette Europe industrielle ?

  • Speaker #1

    Quand vous allez en Allemagne, c'est très difficile de traverser un village où il n'y a pas d'usine. Quand vous allez en Italie du Nord, y compris dans les Marches... Vous êtes avec vos voitures, le paysage est... Et vous allez le valer. Il y a de l'industrie partout. La France, c'est des industries réalisées. Pas partout. Vous avez toute la région au Vannes-Rhône-Alpes, vous avez la région Vendée, la Mayenne, une partie de la Bretagne. Vous avez encore beaucoup d'usines. Le Sud. Il reste 16% du PIB, il y en avait 20. La réindustrialisation a démarré. On construit beaucoup plus d'usines qu'on en détruit. C'est une occasion extraordinaire de faire deux choses. Une industrie verte, d'abord, nativement verte, donc, électrique, très robotisé, qui ne produira pas de troubles musculosquelétiques en masse, donc toute cette culture ouvrière de la souffrance physique terminée, qui produit des objets complexes, qui sont les objets inventés par les scientifiques de nos 74 pôles scientifiques français, les universités. Et puis, c'est aussi l'occasion de faire des belles usines. On a cette chance incroyable, parce que l'usine, c'est un bloc physique totémique dans le territoire. Donc, autant qu'ils soient beaux. Quand en plus, on est sur des petits recteurs nucléaires, par exemple, ou des usines qui vont durer 100 ans, c'est l'occasion de faire des cathédrales. C'est pour ça qu'on est très attaché à la BPI, à cette idée-là, au point de réfléchir à faire un concours d'architecte d'usine. Cette semaine, j'étais le président du jury de la photo industrielle. Il faut mettre du beau.

  • Speaker #0

    Superbe. Vous êtes notre boussole et vous devez nous aider à atterrir sur un... Le bon pourcentage de PIB qu'on attendra à 2035. Il y a eu plein de débats entre les experts, France 2030, les gens se disent, ouais, ce sera 12%, 13% du PIB français à 2035. C'est quoi ? Le chiffre, vous l'avez, c'est sûr ? Ce sera quoi ce chiffre à 2035 ?

  • Speaker #1

    De toute façon, c'est une mobilisation générale pour tenter d'atteindre, je pense, quelque chose comme 12%. Mais ça suppose une mobilisation générale. Parce que pour faire 12%, il faut beaucoup de réacteurs nucléaires, parce qu'il faut une industrie électrique. Il faut créer à peu près 600 000 emplois industriels. Donc il faut qu'il y ait 600 000 Français qui aient envie de travailler dans l'industrie.

  • Speaker #0

    Supplémentaires.

  • Speaker #1

    Supplémentaires, et qui aient été formés. Et si ce n'est pas des Français dits natifs, ce sera... des Français récents, qui auront décidé de participer au grand récit national, venus de leurs cultures étrangères, comme ça a toujours été le cas dans l'industrie, depuis le début du 19ème siècle. Il faut beaucoup d'innovation, il faut du foncier, il faut des terrains. Il faut que les médias qui sont quand même fondamentaux dans la construction de l'imaginaire collectif continuent de positiver l'industrie comme ils ont commencé de le faire depuis peu, trois ans on va dire, trois ans maximum, trois, quatre ans peut-être. Il faut que la politique de l'offre dure sans accroc. Donc la politique de l'offre qui a démarré il y a maintenant douze ans, douze, treize ans. elle est fondamentale donc elle ne doit pas s'arrêter dans les 20 ans qui viennent sinon tout s'arrête franchement tout s'arrête le rêve de réindustrialisation devient impossible voilà tout ce qu'il faut faire très bien bon belle conclusion je vais vous remercier pour votre présence

  • Speaker #0

    Nicolas pour votre accueil et puis à vous tous et toutes qui nous écoutez on vous donne rendez-vous pour un prochain épisode de Circular For Good si vous n'êtes toujours pas abonné à la newsletter vous savez où la trouver votre moteur de recherche Industrie For Good avec un 4 et on vous dit à bientôt pour un prochain épisode

Share

Embed

You may also like