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Dans la forêt de Hokkaido, de Éric Pessan cover
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Inky et Peete se livrent

Dans la forêt de Hokkaido, de Éric Pessan

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10min |04/06/2025
Play
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10min |04/06/2025
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Description

Connaissez-vous Julie ?

Et savez-vous de quoi elle rêve ?

💭🗾🌳


Julie est une adolescente comme les autres, ou presque : elle rêve qu'elle est un petit garçon japonais, abandonné dans la forêt de Hokkaido. Et elle va vite se rendre compte que ce petit garçon et lié à elle, d'une manière ou d'une autre.


📚 Références :

titre : Dans la forêt de Hokkaido

auteur : Éric Pessan

couverture : Daniiel Grizeli / Getty images

éditeur : L'école des loisirs

site :

à partir de 10 ans


🎙️ Au micro : Mafalda Vidal


🫶🏻 Abonnez-vous pour ne manquer aucun incipit !

Et si cet incipit vous a plu, n'hésitez pas à laisser une note et un commentaire sur Apple Podcast, Deezer ou votre plateforme d'écoute ! Ainsi, ces incipits arriveront dans les oreilles d'autres amoureuses et amoureux des belles histoires (et cela donnera aussi de la force à Inky, Peete et moi pour continuer à vous parler de nos lectures).


🙀😻 Et retrouvez Inky et Peete sur Instagram.


Hébergé par Ausha. Visitez ausha.co/politique-de-confidentialite pour plus d'informations.

Transcription

  • Speaker #0

    J'ai poussé un long cri, très long, un cri terrible qui n'en finissait plus de jaillir de ma gorge, de monter de mon ventre, de naître de ma peur. Un cri qui charriait la douleur, la terreur et l'incompréhension. Un cri d'impuissance aussi, comme un appel au secours, comme quelque chose qui se casse. et qui ne pourra pas se réparer. Jamais de ma vie je n'ai poussé un tel cri. Jamais. Aucune tristesse, aucune blessure, aucune peine ne m'avait conduite aussi loin dans la souffrance. Je crois bien que si je n'avais pas crié, j'aurais explosé. Ce que ce cri a expulsé de moi était trop lourd pour que je le garde. Cela m'aurait écrasé le cœur, compressé les organes. Cela m'aurait étouffée. J'ai hurlé, hurlé. Et quand la porte de ma chambre s'est ouverte d'un coup, j'étais assise dans mon lit. La couette rejetée, et je criais obstinément dans le noir. Ma mère m'a prise dans ses bras. « Julie ! » elle disait. « Julie ! » Elle répétait mon prénom sans parvenir à assembler une phrase. La lumière s'est allumée, mon père est entré, suivi de mon frère. L'un comme l'autre tirait du lit, ne portant qu'un caleçon. Je les ai regardés sans trop comprendre ce qu'ils faisaient là. « Ça va, Poitlume ? » a demandé mon frère. Je déteste quand ils m'appellent comme ça. J'ai eu envie de le traiter d'abruti et j'ai réalisé que j'avais rêvé. Le cri était né dans mon rêve. Il y a eu un grand moment de silence. Ma mère a de nouveau chuchoté. Julie, tout près de mon oreille. Je sentais la chaleur enveloppante de ses bras. Mon père et mon frère se tenaient immobiles, un air mi-préoccupé, mi-idiot sur le visage, et j'ai éclaté de rire. Au lieu de rassurer tout le monde, mon rire a provoqué une explosion de protestation. Mon frère a décrété que je me foutais du monde. Mon père a poussé un long soupir et ma mère m'a lâché tout de suite. « Un rêve ! » j'ai expliqué. « J'ai fait un rêve, ou plutôt un cauchemar. C'est ce qui m'a réveillée en sursaut. C'est en parlant que j'ai réalisé combien j'étais essoufflée. Mon cœur battait trop vite et fort dans ma poitrine. Je me sentais épuisée, comme après une longue course. Ce grand crétin de Thomas m'a fait remarquer que nous étions samedi matin et qu'il était à peine 7h30. Qu'il avait prévu de dormir parce qu'il passe le bac dans un mois, qu'il a besoin de sommeil, et que ce ne sont pas des manières de hurler comme ça, même si on rêve qu'on est poursuivi par un type avec un masque de hockey brandissant un grand couteau. Quand il a eu fini sa tirade, il est reparti se coucher. Je suis restée seule avec mes parents qui voulaient savoir si j'allais bien, et si je me souvenais de mon rêve. Ma mère a touché mon front et l'a jugé un peu chaud. Je les ai rassurés comme j'ai pu, je voyais bien qu'une alarme s'était enclenchée dans leur regard. Dès que j'ai de la fièvre ou qu'il se passe une chose qui sort de l'ordinaire, il repense à ce que, dans la mythologie de la famille, on appelle « le jour où j'ai failli mourir » . J'avais trois ans, j'avais fait une crise de convulsion. J'avais cessé de respirer une poignée de très longues secondes serrées dans les bras de mon père. Il paraît que j'étais devenue toute noire de visage et bleue des lèvres. J'ai beau n'avoir aucun souvenir de cet épisode, je sais qu'il traverse l'esprit de mes parents dès que je vais mal. Tout va bien. J'ai fini par dire en reprenant mon souffle, ce n'était rien qu'un mauvais rêve, et pour couper court aux questions, j'ai menti en ajoutant que j'avais totalement oublié ce qui m'avait fait crier dans mon sommeil. Quand ils m'ont enfin laissé, j'ai éteint la lumière, je me suis allongée, j'ai attendu que les battements de mon cœur s'apaisent, et j'ai repensé à mon rêve. Il était là, parfaitement gravé dans ma mémoire, dans les moindres détails, et je ne sais pas pourquoi je n'ai pas voulu le raconter à mes parents. Je ne comprends pas pourquoi j'ai su d'instinct que ce rêve serait un secret. J'étais un petit garçon. J'étais perdue. J'étais dans la forêt de Hokkaido. J'étais seule. Totalement. Absolument. Terriblement. Seule. Perdue. Pire que perdue. Abandonnée. Vous écoutez Inky Pit, ce livre, le podcast lecture en 15 minutes, à peu près, qui donne vie et voix aux premiers mots d'un livre et vous donne envie de découvrir les suivants. Ou pas, je suis Mafalda Vidal, amoureuse des jolis mots et des belles histoires. Vous venez d'écouter l'Inky Pit de Dans la forêt de Hokkaido, écrit par Eric Pessan et publié à l'École des loisirs en 2017. L'histoire de Dans la forêt de Hokkaido, c'est l'histoire de Julie, une collégienne normale, qui va se mettre à faire des cauchemars, ou plutôt des rêves, extrêmement réalistes. Elle rêve qu'elle est un petit garçon abandonné dans la forêt de Hokkaido. Elle va commencer à faire des recherches sur ses rêves, et elle va se rendre compte que Hokkaido n'est pas tout à fait une forêt, mais une île, du Japon. Elle va aussi se rendre compte que les mots qui lui viennent en japonais existent, et signifient vraiment quelque chose. Et puis, elle va vite tomber malade. Au début, Julie ne comprend pas pourquoi elle rêve de ce petit garçon, ni pourquoi elle est si malade, si brutalement. Et puis elle doit se rendre à l'évidence, elle et ce petit garçon sont liés. Et la survie de ce petit garçon dépend d'elle. Merci. Dans la forêt de Hokkaido, c'est un livre sur l'autre. L'autre, c'est ce petit garçon japonais, lié à Julie par ses rêves bizarres, qui ne sont pas vraiment des rêves, et qui vont lui donner à voir la réalité de l'autre, de ce petit garçon japonais. L'autre, c'est aussi trois réfugiés immigrés qui vont séjourner un moment dans le salon de Julie. Mais l'autre, c'est aussi les parents de Julie, très différents l'un de l'autre et pourtant follement amoureux. L'autre, c'est son frère. C'est aussi Elliot, Clara. c'est tout l'écosystème de l'immeuble dans lequel vit Julie, mais c'est aussi le monde. Le monde au-delà de son monde. Le monde à l'extérieur de sa petite bulle de collégienne. Et la question « qui est l'autre ? » elle est posée tout au long du roman. Mais finalement, la réponse n'a pas vraiment d'importance. L'autre existe, et ça suffit. C'est un livre qui souligne le pouvoir de l'empathie, se mettre à la place de l'autre. au point de ressentir physiquement sa douleur et sa peine. Être affectée profondément par les milléandrames relayés par les médias, au point d'être physiquement mal. C'est ça le pouvoir de Julie. Et même avec des gens qui se trouvent à plus de 10 000 km d'elle et dont elle n'a jamais entendu parler, comme ce petit garçon par exemple. Alors je pense qu'on est nombreux et nombreuses à avoir ce pouvoir, qui parfois ressemble beaucoup, beaucoup à une malédiction. Un autre point intéressant qui est souligné par ce roman, c'est que ce pouvoir est possible et sublimé uniquement s'il y a suspension de jugement. Si on juge l'autre, on ne se met plus à sa place. On brise la confiance, on brise le pacte et on installe une barrière. Donc il est indispensable de suspendre son jugement si on veut faire preuve de vraie empathie. On ne juge pas un enfant turbulent sur les bêtises qu'il fait, ni les parents excédés sur leurs bêtises. Le principe même de l'empathie, c'est de se mettre... à la place de l'autre et essayer de ressentir ce qu'il ou elle ressent. Point. Si on comprend, c'est bien, mais c'est pas obligatoire. Et c'est pas se mettre à sa place et se demander ce qu'on aurait fait nous, parce que ça, c'est impossible, parce que justement, on n'est pas l'autre. Et on n'a pas son expérience, on n'a pas sa douleur, on n'a pas sa fatigue, on n'a pas son vécu. Et donc, on ne peut pas fondamentalement juger. On doit se contenter d'imaginer pour ressentir ses émotions. Parfois, c'est dur. Comment ne pas juger ses parents qui abandonnent leur enfant dans la forêt ? Julie leur en veut à ses parents irresponsables. Et elle veut aussi comprendre pourquoi ils ont fait ça. Et donc elle essaye d'imaginer, du haut de ses 15 ans, de se mettre dans leur basket, juste un moment. D'imaginer la fatigue, l'épuisement, le craquage, les paroles de trop, l'enfant qui se cache, les parents excédés qui regardent ailleurs une seconde, et la panique quand ils réalisent la perte. Et ça, ça ressemble de moins en moins à un abandon, et plus à une bêtise. Une énorme bêtise, certes bouleversante, irrémédiable, lourde de conséquences, mais ça reste une bêtise, qu'on regrette amèrement. Cette capacité, cette empathie, c'est un peu la base pour raconter des histoires. On pourrait même se demander si c'est pas le pouvoir de tout artiste. Je pense que tout être sensible renferme un ou une artiste, et leur pouvoir c'est de retranscrire. de transformer la douleur, la peine, les émotions de manière générale, ça peut être aussi la joie, en un autre truc, perceptible par tous et toutes. D'ailleurs, l'histoire de ce petit garçon japonais abandonné, à la base, c'est un fait divers, qui a eu lieu, vraiment lieu, en 2016. Et finalement, les descriptions, les mots, dans le cadre d'écriture de romans, ce sont les vecteurs des émotions. Et dans ce livre, les descriptions sont belles parce qu'elles font sens. Julie est au collège, mais elle a une vision à la fois simple et poétique du monde. La plume d'Éric Pessin est très sensible et permet de voir le monde à travers la sensibilité de Julie, un peu comme elle, elle voit le monde à travers les yeux de ce petit garçon. Donc si vous êtes prête et prêt à vous mettre à la place de l'autre, sans juger, et à ressentir des émotions qui ne sont pas les vôtres, alors lisez Dans la forêt de Hokkaido de Éric Pessin. Merci de m'avoir écoutée jusqu'au bout Si vous avez passé un bon moment, dites-le moi. Dites-le aussi à votre plateforme d'écoute. Et n'hésitez pas à partager le podcast avec d'autres amoureux et amoureuses d'ému. A bientôt !

Chapters

  • Incipit de Dans la forêt de Hokkaido, lu par Mafalda Vidal

    00:00

  • Pourquoi lire Dans la forêt de Hokkaido, de Éric Pessan ?

    04:35

Description

Connaissez-vous Julie ?

Et savez-vous de quoi elle rêve ?

💭🗾🌳


Julie est une adolescente comme les autres, ou presque : elle rêve qu'elle est un petit garçon japonais, abandonné dans la forêt de Hokkaido. Et elle va vite se rendre compte que ce petit garçon et lié à elle, d'une manière ou d'une autre.


📚 Références :

titre : Dans la forêt de Hokkaido

auteur : Éric Pessan

couverture : Daniiel Grizeli / Getty images

éditeur : L'école des loisirs

site :

à partir de 10 ans


🎙️ Au micro : Mafalda Vidal


🫶🏻 Abonnez-vous pour ne manquer aucun incipit !

Et si cet incipit vous a plu, n'hésitez pas à laisser une note et un commentaire sur Apple Podcast, Deezer ou votre plateforme d'écoute ! Ainsi, ces incipits arriveront dans les oreilles d'autres amoureuses et amoureux des belles histoires (et cela donnera aussi de la force à Inky, Peete et moi pour continuer à vous parler de nos lectures).


🙀😻 Et retrouvez Inky et Peete sur Instagram.


Hébergé par Ausha. Visitez ausha.co/politique-de-confidentialite pour plus d'informations.

Transcription

  • Speaker #0

    J'ai poussé un long cri, très long, un cri terrible qui n'en finissait plus de jaillir de ma gorge, de monter de mon ventre, de naître de ma peur. Un cri qui charriait la douleur, la terreur et l'incompréhension. Un cri d'impuissance aussi, comme un appel au secours, comme quelque chose qui se casse. et qui ne pourra pas se réparer. Jamais de ma vie je n'ai poussé un tel cri. Jamais. Aucune tristesse, aucune blessure, aucune peine ne m'avait conduite aussi loin dans la souffrance. Je crois bien que si je n'avais pas crié, j'aurais explosé. Ce que ce cri a expulsé de moi était trop lourd pour que je le garde. Cela m'aurait écrasé le cœur, compressé les organes. Cela m'aurait étouffée. J'ai hurlé, hurlé. Et quand la porte de ma chambre s'est ouverte d'un coup, j'étais assise dans mon lit. La couette rejetée, et je criais obstinément dans le noir. Ma mère m'a prise dans ses bras. « Julie ! » elle disait. « Julie ! » Elle répétait mon prénom sans parvenir à assembler une phrase. La lumière s'est allumée, mon père est entré, suivi de mon frère. L'un comme l'autre tirait du lit, ne portant qu'un caleçon. Je les ai regardés sans trop comprendre ce qu'ils faisaient là. « Ça va, Poitlume ? » a demandé mon frère. Je déteste quand ils m'appellent comme ça. J'ai eu envie de le traiter d'abruti et j'ai réalisé que j'avais rêvé. Le cri était né dans mon rêve. Il y a eu un grand moment de silence. Ma mère a de nouveau chuchoté. Julie, tout près de mon oreille. Je sentais la chaleur enveloppante de ses bras. Mon père et mon frère se tenaient immobiles, un air mi-préoccupé, mi-idiot sur le visage, et j'ai éclaté de rire. Au lieu de rassurer tout le monde, mon rire a provoqué une explosion de protestation. Mon frère a décrété que je me foutais du monde. Mon père a poussé un long soupir et ma mère m'a lâché tout de suite. « Un rêve ! » j'ai expliqué. « J'ai fait un rêve, ou plutôt un cauchemar. C'est ce qui m'a réveillée en sursaut. C'est en parlant que j'ai réalisé combien j'étais essoufflée. Mon cœur battait trop vite et fort dans ma poitrine. Je me sentais épuisée, comme après une longue course. Ce grand crétin de Thomas m'a fait remarquer que nous étions samedi matin et qu'il était à peine 7h30. Qu'il avait prévu de dormir parce qu'il passe le bac dans un mois, qu'il a besoin de sommeil, et que ce ne sont pas des manières de hurler comme ça, même si on rêve qu'on est poursuivi par un type avec un masque de hockey brandissant un grand couteau. Quand il a eu fini sa tirade, il est reparti se coucher. Je suis restée seule avec mes parents qui voulaient savoir si j'allais bien, et si je me souvenais de mon rêve. Ma mère a touché mon front et l'a jugé un peu chaud. Je les ai rassurés comme j'ai pu, je voyais bien qu'une alarme s'était enclenchée dans leur regard. Dès que j'ai de la fièvre ou qu'il se passe une chose qui sort de l'ordinaire, il repense à ce que, dans la mythologie de la famille, on appelle « le jour où j'ai failli mourir » . J'avais trois ans, j'avais fait une crise de convulsion. J'avais cessé de respirer une poignée de très longues secondes serrées dans les bras de mon père. Il paraît que j'étais devenue toute noire de visage et bleue des lèvres. J'ai beau n'avoir aucun souvenir de cet épisode, je sais qu'il traverse l'esprit de mes parents dès que je vais mal. Tout va bien. J'ai fini par dire en reprenant mon souffle, ce n'était rien qu'un mauvais rêve, et pour couper court aux questions, j'ai menti en ajoutant que j'avais totalement oublié ce qui m'avait fait crier dans mon sommeil. Quand ils m'ont enfin laissé, j'ai éteint la lumière, je me suis allongée, j'ai attendu que les battements de mon cœur s'apaisent, et j'ai repensé à mon rêve. Il était là, parfaitement gravé dans ma mémoire, dans les moindres détails, et je ne sais pas pourquoi je n'ai pas voulu le raconter à mes parents. Je ne comprends pas pourquoi j'ai su d'instinct que ce rêve serait un secret. J'étais un petit garçon. J'étais perdue. J'étais dans la forêt de Hokkaido. J'étais seule. Totalement. Absolument. Terriblement. Seule. Perdue. Pire que perdue. Abandonnée. Vous écoutez Inky Pit, ce livre, le podcast lecture en 15 minutes, à peu près, qui donne vie et voix aux premiers mots d'un livre et vous donne envie de découvrir les suivants. Ou pas, je suis Mafalda Vidal, amoureuse des jolis mots et des belles histoires. Vous venez d'écouter l'Inky Pit de Dans la forêt de Hokkaido, écrit par Eric Pessan et publié à l'École des loisirs en 2017. L'histoire de Dans la forêt de Hokkaido, c'est l'histoire de Julie, une collégienne normale, qui va se mettre à faire des cauchemars, ou plutôt des rêves, extrêmement réalistes. Elle rêve qu'elle est un petit garçon abandonné dans la forêt de Hokkaido. Elle va commencer à faire des recherches sur ses rêves, et elle va se rendre compte que Hokkaido n'est pas tout à fait une forêt, mais une île, du Japon. Elle va aussi se rendre compte que les mots qui lui viennent en japonais existent, et signifient vraiment quelque chose. Et puis, elle va vite tomber malade. Au début, Julie ne comprend pas pourquoi elle rêve de ce petit garçon, ni pourquoi elle est si malade, si brutalement. Et puis elle doit se rendre à l'évidence, elle et ce petit garçon sont liés. Et la survie de ce petit garçon dépend d'elle. Merci. Dans la forêt de Hokkaido, c'est un livre sur l'autre. L'autre, c'est ce petit garçon japonais, lié à Julie par ses rêves bizarres, qui ne sont pas vraiment des rêves, et qui vont lui donner à voir la réalité de l'autre, de ce petit garçon japonais. L'autre, c'est aussi trois réfugiés immigrés qui vont séjourner un moment dans le salon de Julie. Mais l'autre, c'est aussi les parents de Julie, très différents l'un de l'autre et pourtant follement amoureux. L'autre, c'est son frère. C'est aussi Elliot, Clara. c'est tout l'écosystème de l'immeuble dans lequel vit Julie, mais c'est aussi le monde. Le monde au-delà de son monde. Le monde à l'extérieur de sa petite bulle de collégienne. Et la question « qui est l'autre ? » elle est posée tout au long du roman. Mais finalement, la réponse n'a pas vraiment d'importance. L'autre existe, et ça suffit. C'est un livre qui souligne le pouvoir de l'empathie, se mettre à la place de l'autre. au point de ressentir physiquement sa douleur et sa peine. Être affectée profondément par les milléandrames relayés par les médias, au point d'être physiquement mal. C'est ça le pouvoir de Julie. Et même avec des gens qui se trouvent à plus de 10 000 km d'elle et dont elle n'a jamais entendu parler, comme ce petit garçon par exemple. Alors je pense qu'on est nombreux et nombreuses à avoir ce pouvoir, qui parfois ressemble beaucoup, beaucoup à une malédiction. Un autre point intéressant qui est souligné par ce roman, c'est que ce pouvoir est possible et sublimé uniquement s'il y a suspension de jugement. Si on juge l'autre, on ne se met plus à sa place. On brise la confiance, on brise le pacte et on installe une barrière. Donc il est indispensable de suspendre son jugement si on veut faire preuve de vraie empathie. On ne juge pas un enfant turbulent sur les bêtises qu'il fait, ni les parents excédés sur leurs bêtises. Le principe même de l'empathie, c'est de se mettre... à la place de l'autre et essayer de ressentir ce qu'il ou elle ressent. Point. Si on comprend, c'est bien, mais c'est pas obligatoire. Et c'est pas se mettre à sa place et se demander ce qu'on aurait fait nous, parce que ça, c'est impossible, parce que justement, on n'est pas l'autre. Et on n'a pas son expérience, on n'a pas sa douleur, on n'a pas sa fatigue, on n'a pas son vécu. Et donc, on ne peut pas fondamentalement juger. On doit se contenter d'imaginer pour ressentir ses émotions. Parfois, c'est dur. Comment ne pas juger ses parents qui abandonnent leur enfant dans la forêt ? Julie leur en veut à ses parents irresponsables. Et elle veut aussi comprendre pourquoi ils ont fait ça. Et donc elle essaye d'imaginer, du haut de ses 15 ans, de se mettre dans leur basket, juste un moment. D'imaginer la fatigue, l'épuisement, le craquage, les paroles de trop, l'enfant qui se cache, les parents excédés qui regardent ailleurs une seconde, et la panique quand ils réalisent la perte. Et ça, ça ressemble de moins en moins à un abandon, et plus à une bêtise. Une énorme bêtise, certes bouleversante, irrémédiable, lourde de conséquences, mais ça reste une bêtise, qu'on regrette amèrement. Cette capacité, cette empathie, c'est un peu la base pour raconter des histoires. On pourrait même se demander si c'est pas le pouvoir de tout artiste. Je pense que tout être sensible renferme un ou une artiste, et leur pouvoir c'est de retranscrire. de transformer la douleur, la peine, les émotions de manière générale, ça peut être aussi la joie, en un autre truc, perceptible par tous et toutes. D'ailleurs, l'histoire de ce petit garçon japonais abandonné, à la base, c'est un fait divers, qui a eu lieu, vraiment lieu, en 2016. Et finalement, les descriptions, les mots, dans le cadre d'écriture de romans, ce sont les vecteurs des émotions. Et dans ce livre, les descriptions sont belles parce qu'elles font sens. Julie est au collège, mais elle a une vision à la fois simple et poétique du monde. La plume d'Éric Pessin est très sensible et permet de voir le monde à travers la sensibilité de Julie, un peu comme elle, elle voit le monde à travers les yeux de ce petit garçon. Donc si vous êtes prête et prêt à vous mettre à la place de l'autre, sans juger, et à ressentir des émotions qui ne sont pas les vôtres, alors lisez Dans la forêt de Hokkaido de Éric Pessin. Merci de m'avoir écoutée jusqu'au bout Si vous avez passé un bon moment, dites-le moi. Dites-le aussi à votre plateforme d'écoute. Et n'hésitez pas à partager le podcast avec d'autres amoureux et amoureuses d'ému. A bientôt !

Chapters

  • Incipit de Dans la forêt de Hokkaido, lu par Mafalda Vidal

    00:00

  • Pourquoi lire Dans la forêt de Hokkaido, de Éric Pessan ?

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Description

Connaissez-vous Julie ?

Et savez-vous de quoi elle rêve ?

💭🗾🌳


Julie est une adolescente comme les autres, ou presque : elle rêve qu'elle est un petit garçon japonais, abandonné dans la forêt de Hokkaido. Et elle va vite se rendre compte que ce petit garçon et lié à elle, d'une manière ou d'une autre.


📚 Références :

titre : Dans la forêt de Hokkaido

auteur : Éric Pessan

couverture : Daniiel Grizeli / Getty images

éditeur : L'école des loisirs

site :

à partir de 10 ans


🎙️ Au micro : Mafalda Vidal


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Et si cet incipit vous a plu, n'hésitez pas à laisser une note et un commentaire sur Apple Podcast, Deezer ou votre plateforme d'écoute ! Ainsi, ces incipits arriveront dans les oreilles d'autres amoureuses et amoureux des belles histoires (et cela donnera aussi de la force à Inky, Peete et moi pour continuer à vous parler de nos lectures).


🙀😻 Et retrouvez Inky et Peete sur Instagram.


Hébergé par Ausha. Visitez ausha.co/politique-de-confidentialite pour plus d'informations.

Transcription

  • Speaker #0

    J'ai poussé un long cri, très long, un cri terrible qui n'en finissait plus de jaillir de ma gorge, de monter de mon ventre, de naître de ma peur. Un cri qui charriait la douleur, la terreur et l'incompréhension. Un cri d'impuissance aussi, comme un appel au secours, comme quelque chose qui se casse. et qui ne pourra pas se réparer. Jamais de ma vie je n'ai poussé un tel cri. Jamais. Aucune tristesse, aucune blessure, aucune peine ne m'avait conduite aussi loin dans la souffrance. Je crois bien que si je n'avais pas crié, j'aurais explosé. Ce que ce cri a expulsé de moi était trop lourd pour que je le garde. Cela m'aurait écrasé le cœur, compressé les organes. Cela m'aurait étouffée. J'ai hurlé, hurlé. Et quand la porte de ma chambre s'est ouverte d'un coup, j'étais assise dans mon lit. La couette rejetée, et je criais obstinément dans le noir. Ma mère m'a prise dans ses bras. « Julie ! » elle disait. « Julie ! » Elle répétait mon prénom sans parvenir à assembler une phrase. La lumière s'est allumée, mon père est entré, suivi de mon frère. L'un comme l'autre tirait du lit, ne portant qu'un caleçon. Je les ai regardés sans trop comprendre ce qu'ils faisaient là. « Ça va, Poitlume ? » a demandé mon frère. Je déteste quand ils m'appellent comme ça. J'ai eu envie de le traiter d'abruti et j'ai réalisé que j'avais rêvé. Le cri était né dans mon rêve. Il y a eu un grand moment de silence. Ma mère a de nouveau chuchoté. Julie, tout près de mon oreille. Je sentais la chaleur enveloppante de ses bras. Mon père et mon frère se tenaient immobiles, un air mi-préoccupé, mi-idiot sur le visage, et j'ai éclaté de rire. Au lieu de rassurer tout le monde, mon rire a provoqué une explosion de protestation. Mon frère a décrété que je me foutais du monde. Mon père a poussé un long soupir et ma mère m'a lâché tout de suite. « Un rêve ! » j'ai expliqué. « J'ai fait un rêve, ou plutôt un cauchemar. C'est ce qui m'a réveillée en sursaut. C'est en parlant que j'ai réalisé combien j'étais essoufflée. Mon cœur battait trop vite et fort dans ma poitrine. Je me sentais épuisée, comme après une longue course. Ce grand crétin de Thomas m'a fait remarquer que nous étions samedi matin et qu'il était à peine 7h30. Qu'il avait prévu de dormir parce qu'il passe le bac dans un mois, qu'il a besoin de sommeil, et que ce ne sont pas des manières de hurler comme ça, même si on rêve qu'on est poursuivi par un type avec un masque de hockey brandissant un grand couteau. Quand il a eu fini sa tirade, il est reparti se coucher. Je suis restée seule avec mes parents qui voulaient savoir si j'allais bien, et si je me souvenais de mon rêve. Ma mère a touché mon front et l'a jugé un peu chaud. Je les ai rassurés comme j'ai pu, je voyais bien qu'une alarme s'était enclenchée dans leur regard. Dès que j'ai de la fièvre ou qu'il se passe une chose qui sort de l'ordinaire, il repense à ce que, dans la mythologie de la famille, on appelle « le jour où j'ai failli mourir » . J'avais trois ans, j'avais fait une crise de convulsion. J'avais cessé de respirer une poignée de très longues secondes serrées dans les bras de mon père. Il paraît que j'étais devenue toute noire de visage et bleue des lèvres. J'ai beau n'avoir aucun souvenir de cet épisode, je sais qu'il traverse l'esprit de mes parents dès que je vais mal. Tout va bien. J'ai fini par dire en reprenant mon souffle, ce n'était rien qu'un mauvais rêve, et pour couper court aux questions, j'ai menti en ajoutant que j'avais totalement oublié ce qui m'avait fait crier dans mon sommeil. Quand ils m'ont enfin laissé, j'ai éteint la lumière, je me suis allongée, j'ai attendu que les battements de mon cœur s'apaisent, et j'ai repensé à mon rêve. Il était là, parfaitement gravé dans ma mémoire, dans les moindres détails, et je ne sais pas pourquoi je n'ai pas voulu le raconter à mes parents. Je ne comprends pas pourquoi j'ai su d'instinct que ce rêve serait un secret. J'étais un petit garçon. J'étais perdue. J'étais dans la forêt de Hokkaido. J'étais seule. Totalement. Absolument. Terriblement. Seule. Perdue. Pire que perdue. Abandonnée. Vous écoutez Inky Pit, ce livre, le podcast lecture en 15 minutes, à peu près, qui donne vie et voix aux premiers mots d'un livre et vous donne envie de découvrir les suivants. Ou pas, je suis Mafalda Vidal, amoureuse des jolis mots et des belles histoires. Vous venez d'écouter l'Inky Pit de Dans la forêt de Hokkaido, écrit par Eric Pessan et publié à l'École des loisirs en 2017. L'histoire de Dans la forêt de Hokkaido, c'est l'histoire de Julie, une collégienne normale, qui va se mettre à faire des cauchemars, ou plutôt des rêves, extrêmement réalistes. Elle rêve qu'elle est un petit garçon abandonné dans la forêt de Hokkaido. Elle va commencer à faire des recherches sur ses rêves, et elle va se rendre compte que Hokkaido n'est pas tout à fait une forêt, mais une île, du Japon. Elle va aussi se rendre compte que les mots qui lui viennent en japonais existent, et signifient vraiment quelque chose. Et puis, elle va vite tomber malade. Au début, Julie ne comprend pas pourquoi elle rêve de ce petit garçon, ni pourquoi elle est si malade, si brutalement. Et puis elle doit se rendre à l'évidence, elle et ce petit garçon sont liés. Et la survie de ce petit garçon dépend d'elle. Merci. Dans la forêt de Hokkaido, c'est un livre sur l'autre. L'autre, c'est ce petit garçon japonais, lié à Julie par ses rêves bizarres, qui ne sont pas vraiment des rêves, et qui vont lui donner à voir la réalité de l'autre, de ce petit garçon japonais. L'autre, c'est aussi trois réfugiés immigrés qui vont séjourner un moment dans le salon de Julie. Mais l'autre, c'est aussi les parents de Julie, très différents l'un de l'autre et pourtant follement amoureux. L'autre, c'est son frère. C'est aussi Elliot, Clara. c'est tout l'écosystème de l'immeuble dans lequel vit Julie, mais c'est aussi le monde. Le monde au-delà de son monde. Le monde à l'extérieur de sa petite bulle de collégienne. Et la question « qui est l'autre ? » elle est posée tout au long du roman. Mais finalement, la réponse n'a pas vraiment d'importance. L'autre existe, et ça suffit. C'est un livre qui souligne le pouvoir de l'empathie, se mettre à la place de l'autre. au point de ressentir physiquement sa douleur et sa peine. Être affectée profondément par les milléandrames relayés par les médias, au point d'être physiquement mal. C'est ça le pouvoir de Julie. Et même avec des gens qui se trouvent à plus de 10 000 km d'elle et dont elle n'a jamais entendu parler, comme ce petit garçon par exemple. Alors je pense qu'on est nombreux et nombreuses à avoir ce pouvoir, qui parfois ressemble beaucoup, beaucoup à une malédiction. Un autre point intéressant qui est souligné par ce roman, c'est que ce pouvoir est possible et sublimé uniquement s'il y a suspension de jugement. Si on juge l'autre, on ne se met plus à sa place. On brise la confiance, on brise le pacte et on installe une barrière. Donc il est indispensable de suspendre son jugement si on veut faire preuve de vraie empathie. On ne juge pas un enfant turbulent sur les bêtises qu'il fait, ni les parents excédés sur leurs bêtises. Le principe même de l'empathie, c'est de se mettre... à la place de l'autre et essayer de ressentir ce qu'il ou elle ressent. Point. Si on comprend, c'est bien, mais c'est pas obligatoire. Et c'est pas se mettre à sa place et se demander ce qu'on aurait fait nous, parce que ça, c'est impossible, parce que justement, on n'est pas l'autre. Et on n'a pas son expérience, on n'a pas sa douleur, on n'a pas sa fatigue, on n'a pas son vécu. Et donc, on ne peut pas fondamentalement juger. On doit se contenter d'imaginer pour ressentir ses émotions. Parfois, c'est dur. Comment ne pas juger ses parents qui abandonnent leur enfant dans la forêt ? Julie leur en veut à ses parents irresponsables. Et elle veut aussi comprendre pourquoi ils ont fait ça. Et donc elle essaye d'imaginer, du haut de ses 15 ans, de se mettre dans leur basket, juste un moment. D'imaginer la fatigue, l'épuisement, le craquage, les paroles de trop, l'enfant qui se cache, les parents excédés qui regardent ailleurs une seconde, et la panique quand ils réalisent la perte. Et ça, ça ressemble de moins en moins à un abandon, et plus à une bêtise. Une énorme bêtise, certes bouleversante, irrémédiable, lourde de conséquences, mais ça reste une bêtise, qu'on regrette amèrement. Cette capacité, cette empathie, c'est un peu la base pour raconter des histoires. On pourrait même se demander si c'est pas le pouvoir de tout artiste. Je pense que tout être sensible renferme un ou une artiste, et leur pouvoir c'est de retranscrire. de transformer la douleur, la peine, les émotions de manière générale, ça peut être aussi la joie, en un autre truc, perceptible par tous et toutes. D'ailleurs, l'histoire de ce petit garçon japonais abandonné, à la base, c'est un fait divers, qui a eu lieu, vraiment lieu, en 2016. Et finalement, les descriptions, les mots, dans le cadre d'écriture de romans, ce sont les vecteurs des émotions. Et dans ce livre, les descriptions sont belles parce qu'elles font sens. Julie est au collège, mais elle a une vision à la fois simple et poétique du monde. La plume d'Éric Pessin est très sensible et permet de voir le monde à travers la sensibilité de Julie, un peu comme elle, elle voit le monde à travers les yeux de ce petit garçon. Donc si vous êtes prête et prêt à vous mettre à la place de l'autre, sans juger, et à ressentir des émotions qui ne sont pas les vôtres, alors lisez Dans la forêt de Hokkaido de Éric Pessin. Merci de m'avoir écoutée jusqu'au bout Si vous avez passé un bon moment, dites-le moi. Dites-le aussi à votre plateforme d'écoute. Et n'hésitez pas à partager le podcast avec d'autres amoureux et amoureuses d'ému. A bientôt !

Chapters

  • Incipit de Dans la forêt de Hokkaido, lu par Mafalda Vidal

    00:00

  • Pourquoi lire Dans la forêt de Hokkaido, de Éric Pessan ?

    04:35

Description

Connaissez-vous Julie ?

Et savez-vous de quoi elle rêve ?

💭🗾🌳


Julie est une adolescente comme les autres, ou presque : elle rêve qu'elle est un petit garçon japonais, abandonné dans la forêt de Hokkaido. Et elle va vite se rendre compte que ce petit garçon et lié à elle, d'une manière ou d'une autre.


📚 Références :

titre : Dans la forêt de Hokkaido

auteur : Éric Pessan

couverture : Daniiel Grizeli / Getty images

éditeur : L'école des loisirs

site :

à partir de 10 ans


🎙️ Au micro : Mafalda Vidal


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Transcription

  • Speaker #0

    J'ai poussé un long cri, très long, un cri terrible qui n'en finissait plus de jaillir de ma gorge, de monter de mon ventre, de naître de ma peur. Un cri qui charriait la douleur, la terreur et l'incompréhension. Un cri d'impuissance aussi, comme un appel au secours, comme quelque chose qui se casse. et qui ne pourra pas se réparer. Jamais de ma vie je n'ai poussé un tel cri. Jamais. Aucune tristesse, aucune blessure, aucune peine ne m'avait conduite aussi loin dans la souffrance. Je crois bien que si je n'avais pas crié, j'aurais explosé. Ce que ce cri a expulsé de moi était trop lourd pour que je le garde. Cela m'aurait écrasé le cœur, compressé les organes. Cela m'aurait étouffée. J'ai hurlé, hurlé. Et quand la porte de ma chambre s'est ouverte d'un coup, j'étais assise dans mon lit. La couette rejetée, et je criais obstinément dans le noir. Ma mère m'a prise dans ses bras. « Julie ! » elle disait. « Julie ! » Elle répétait mon prénom sans parvenir à assembler une phrase. La lumière s'est allumée, mon père est entré, suivi de mon frère. L'un comme l'autre tirait du lit, ne portant qu'un caleçon. Je les ai regardés sans trop comprendre ce qu'ils faisaient là. « Ça va, Poitlume ? » a demandé mon frère. Je déteste quand ils m'appellent comme ça. J'ai eu envie de le traiter d'abruti et j'ai réalisé que j'avais rêvé. Le cri était né dans mon rêve. Il y a eu un grand moment de silence. Ma mère a de nouveau chuchoté. Julie, tout près de mon oreille. Je sentais la chaleur enveloppante de ses bras. Mon père et mon frère se tenaient immobiles, un air mi-préoccupé, mi-idiot sur le visage, et j'ai éclaté de rire. Au lieu de rassurer tout le monde, mon rire a provoqué une explosion de protestation. Mon frère a décrété que je me foutais du monde. Mon père a poussé un long soupir et ma mère m'a lâché tout de suite. « Un rêve ! » j'ai expliqué. « J'ai fait un rêve, ou plutôt un cauchemar. C'est ce qui m'a réveillée en sursaut. C'est en parlant que j'ai réalisé combien j'étais essoufflée. Mon cœur battait trop vite et fort dans ma poitrine. Je me sentais épuisée, comme après une longue course. Ce grand crétin de Thomas m'a fait remarquer que nous étions samedi matin et qu'il était à peine 7h30. Qu'il avait prévu de dormir parce qu'il passe le bac dans un mois, qu'il a besoin de sommeil, et que ce ne sont pas des manières de hurler comme ça, même si on rêve qu'on est poursuivi par un type avec un masque de hockey brandissant un grand couteau. Quand il a eu fini sa tirade, il est reparti se coucher. Je suis restée seule avec mes parents qui voulaient savoir si j'allais bien, et si je me souvenais de mon rêve. Ma mère a touché mon front et l'a jugé un peu chaud. Je les ai rassurés comme j'ai pu, je voyais bien qu'une alarme s'était enclenchée dans leur regard. Dès que j'ai de la fièvre ou qu'il se passe une chose qui sort de l'ordinaire, il repense à ce que, dans la mythologie de la famille, on appelle « le jour où j'ai failli mourir » . J'avais trois ans, j'avais fait une crise de convulsion. J'avais cessé de respirer une poignée de très longues secondes serrées dans les bras de mon père. Il paraît que j'étais devenue toute noire de visage et bleue des lèvres. J'ai beau n'avoir aucun souvenir de cet épisode, je sais qu'il traverse l'esprit de mes parents dès que je vais mal. Tout va bien. J'ai fini par dire en reprenant mon souffle, ce n'était rien qu'un mauvais rêve, et pour couper court aux questions, j'ai menti en ajoutant que j'avais totalement oublié ce qui m'avait fait crier dans mon sommeil. Quand ils m'ont enfin laissé, j'ai éteint la lumière, je me suis allongée, j'ai attendu que les battements de mon cœur s'apaisent, et j'ai repensé à mon rêve. Il était là, parfaitement gravé dans ma mémoire, dans les moindres détails, et je ne sais pas pourquoi je n'ai pas voulu le raconter à mes parents. Je ne comprends pas pourquoi j'ai su d'instinct que ce rêve serait un secret. J'étais un petit garçon. J'étais perdue. J'étais dans la forêt de Hokkaido. J'étais seule. Totalement. Absolument. Terriblement. Seule. Perdue. Pire que perdue. Abandonnée. Vous écoutez Inky Pit, ce livre, le podcast lecture en 15 minutes, à peu près, qui donne vie et voix aux premiers mots d'un livre et vous donne envie de découvrir les suivants. Ou pas, je suis Mafalda Vidal, amoureuse des jolis mots et des belles histoires. Vous venez d'écouter l'Inky Pit de Dans la forêt de Hokkaido, écrit par Eric Pessan et publié à l'École des loisirs en 2017. L'histoire de Dans la forêt de Hokkaido, c'est l'histoire de Julie, une collégienne normale, qui va se mettre à faire des cauchemars, ou plutôt des rêves, extrêmement réalistes. Elle rêve qu'elle est un petit garçon abandonné dans la forêt de Hokkaido. Elle va commencer à faire des recherches sur ses rêves, et elle va se rendre compte que Hokkaido n'est pas tout à fait une forêt, mais une île, du Japon. Elle va aussi se rendre compte que les mots qui lui viennent en japonais existent, et signifient vraiment quelque chose. Et puis, elle va vite tomber malade. Au début, Julie ne comprend pas pourquoi elle rêve de ce petit garçon, ni pourquoi elle est si malade, si brutalement. Et puis elle doit se rendre à l'évidence, elle et ce petit garçon sont liés. Et la survie de ce petit garçon dépend d'elle. Merci. Dans la forêt de Hokkaido, c'est un livre sur l'autre. L'autre, c'est ce petit garçon japonais, lié à Julie par ses rêves bizarres, qui ne sont pas vraiment des rêves, et qui vont lui donner à voir la réalité de l'autre, de ce petit garçon japonais. L'autre, c'est aussi trois réfugiés immigrés qui vont séjourner un moment dans le salon de Julie. Mais l'autre, c'est aussi les parents de Julie, très différents l'un de l'autre et pourtant follement amoureux. L'autre, c'est son frère. C'est aussi Elliot, Clara. c'est tout l'écosystème de l'immeuble dans lequel vit Julie, mais c'est aussi le monde. Le monde au-delà de son monde. Le monde à l'extérieur de sa petite bulle de collégienne. Et la question « qui est l'autre ? » elle est posée tout au long du roman. Mais finalement, la réponse n'a pas vraiment d'importance. L'autre existe, et ça suffit. C'est un livre qui souligne le pouvoir de l'empathie, se mettre à la place de l'autre. au point de ressentir physiquement sa douleur et sa peine. Être affectée profondément par les milléandrames relayés par les médias, au point d'être physiquement mal. C'est ça le pouvoir de Julie. Et même avec des gens qui se trouvent à plus de 10 000 km d'elle et dont elle n'a jamais entendu parler, comme ce petit garçon par exemple. Alors je pense qu'on est nombreux et nombreuses à avoir ce pouvoir, qui parfois ressemble beaucoup, beaucoup à une malédiction. Un autre point intéressant qui est souligné par ce roman, c'est que ce pouvoir est possible et sublimé uniquement s'il y a suspension de jugement. Si on juge l'autre, on ne se met plus à sa place. On brise la confiance, on brise le pacte et on installe une barrière. Donc il est indispensable de suspendre son jugement si on veut faire preuve de vraie empathie. On ne juge pas un enfant turbulent sur les bêtises qu'il fait, ni les parents excédés sur leurs bêtises. Le principe même de l'empathie, c'est de se mettre... à la place de l'autre et essayer de ressentir ce qu'il ou elle ressent. Point. Si on comprend, c'est bien, mais c'est pas obligatoire. Et c'est pas se mettre à sa place et se demander ce qu'on aurait fait nous, parce que ça, c'est impossible, parce que justement, on n'est pas l'autre. Et on n'a pas son expérience, on n'a pas sa douleur, on n'a pas sa fatigue, on n'a pas son vécu. Et donc, on ne peut pas fondamentalement juger. On doit se contenter d'imaginer pour ressentir ses émotions. Parfois, c'est dur. Comment ne pas juger ses parents qui abandonnent leur enfant dans la forêt ? Julie leur en veut à ses parents irresponsables. Et elle veut aussi comprendre pourquoi ils ont fait ça. Et donc elle essaye d'imaginer, du haut de ses 15 ans, de se mettre dans leur basket, juste un moment. D'imaginer la fatigue, l'épuisement, le craquage, les paroles de trop, l'enfant qui se cache, les parents excédés qui regardent ailleurs une seconde, et la panique quand ils réalisent la perte. Et ça, ça ressemble de moins en moins à un abandon, et plus à une bêtise. Une énorme bêtise, certes bouleversante, irrémédiable, lourde de conséquences, mais ça reste une bêtise, qu'on regrette amèrement. Cette capacité, cette empathie, c'est un peu la base pour raconter des histoires. On pourrait même se demander si c'est pas le pouvoir de tout artiste. Je pense que tout être sensible renferme un ou une artiste, et leur pouvoir c'est de retranscrire. de transformer la douleur, la peine, les émotions de manière générale, ça peut être aussi la joie, en un autre truc, perceptible par tous et toutes. D'ailleurs, l'histoire de ce petit garçon japonais abandonné, à la base, c'est un fait divers, qui a eu lieu, vraiment lieu, en 2016. Et finalement, les descriptions, les mots, dans le cadre d'écriture de romans, ce sont les vecteurs des émotions. Et dans ce livre, les descriptions sont belles parce qu'elles font sens. Julie est au collège, mais elle a une vision à la fois simple et poétique du monde. La plume d'Éric Pessin est très sensible et permet de voir le monde à travers la sensibilité de Julie, un peu comme elle, elle voit le monde à travers les yeux de ce petit garçon. Donc si vous êtes prête et prêt à vous mettre à la place de l'autre, sans juger, et à ressentir des émotions qui ne sont pas les vôtres, alors lisez Dans la forêt de Hokkaido de Éric Pessin. Merci de m'avoir écoutée jusqu'au bout Si vous avez passé un bon moment, dites-le moi. Dites-le aussi à votre plateforme d'écoute. Et n'hésitez pas à partager le podcast avec d'autres amoureux et amoureuses d'ému. A bientôt !

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  • Incipit de Dans la forêt de Hokkaido, lu par Mafalda Vidal

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  • Pourquoi lire Dans la forêt de Hokkaido, de Éric Pessan ?

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