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Inky et Peete se livrent

De Pierre et d'Os, de Bérengère Cournut

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14min |11/06/2025
Play
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Description

Connaissez-vous Uqsuralik ?

❄️🪬🐺

Uqsuralik est une jeune femme inuit, brutalement séparée de sa famille et de tout ce qu'elle connaît. Elle va marcher à travers l'Arctique. Et dans ces étendues blanches, désertiques, dangereuses et inhospitalières au possible, elle va survivre. Et vivre.


📚 Références :

titre : De Pierre et d'Os

autrice : Bérengère Cournut

couverture : Juliette Maroni

éditeur : Le Tripode

site : https://le-tripode.net

à partir de 14 ans


🎙️ Au micro : Mafalda Vidal


🫶🏻 Abonnez-vous pour ne manquer aucun incipit !

Et si cet incipit vous a plu, n'hésitez pas à laisser une note et un commentaire sur Apple Podcast, Deezer ou votre plateforme d'écoute ! Ainsi, ces incipits arriveront dans les oreilles d'autres amoureuses et amoureux des belles histoires (et cela donnera aussi de la force à Inky, Peete et moi pour continuer à vous parler de nos lectures).


🙀😻 Et retrouvez Inky et Peete sur Instagram.


Hébergé par Ausha. Visitez ausha.co/politique-de-confidentialite pour plus d'informations.

Transcription

  • Speaker #0

    1. C'est la troisième lune depuis que le soleil a disparu derrière la ligne d'horizon, et la première fois de ma vie que j'ai si mal au ventre. Me décoller du corps chaud de ma sœur et de mon frère, me dégager des peaux qui nous recouvrent, descendre de la plateforme de glace. Sous son dôme, ma famille ressemble à une grosse bête roulée sur elle-même. D'ordinaire, je respire comme tous du même grognement de mon père, mais cette nuit, une douleur me déchire et m'extrait. Enfiler un pantalon, des bottes, une veste, me glisser hors de la maison de neige. L'air glacé entre dans mes poumons, descend le long de ma colonne vertébrale, vient apaiser la brûlure de mes entrailles. Au-dessus de moi, la nuit est claire, comme une aurore. La lune brille comme deux couteaux de femmes assemblées, tranchant sur les bords. Tout autour court un vaste troupeau d'étoiles. La lumière faible et bleutée qui tombe du ciel révèle sous moi un liquide sombre et visqueux. J'approche mon nez de la neige. On dirait que mon ventre délivre du sang et des foies d'oiseaux. Qu'est-ce encore que cela ? 2. Penché sur la flaque, je n'ai pas entendu le grondement au loin. Lorsque je sens la vibration dans mes jambes, il est trop tard. La banquise est en train de se fendre à quelques pas de moi. L'igloo est de l'autre côté de la faille, ainsi que le traîneau et les chiens. Je pourrais crier, mais cela ne servirait à rien. L'énorme craquement a réveillé mon père. Il se tient torse nu devant l'entrée de notre abri. Portant la main à sa poitrine, il me lance sa dent douce accrochée à un lacet. Il me jette également un lourd paquet au bruit mat. C'est une peau,

  • Speaker #1

    roulée serrée.

  • Speaker #0

    Le harpon qui l'accompagnait s'est brisé sous son poids. Je récupère le manche, tandis que l'autre partie s'enfonce dans la soupe de glace. Disparaissant lentement, la flèche fait un bruit étrange de poissons qui têtent la surface. La silhouette de ma mère se dresse maintenant aux côtés de mon père. Ma sœur et mon frère sortent l'un après l'autre du tunnel de l'igloo. Nous ne disons rien. Bientôt la faille se transforme en chenal. Un brouillard s'élève de l'eau sombre. Petit à petit, ma famille disparaît dans la brume. Le cri de mon père imitant l'ours me parvient, de plus en plus lointain, jusqu'à s'éteindre tout à fait. Un silence lugubre envahit mes oreilles et me raidit la nuque.

  • Speaker #1

    Trois.

  • Speaker #0

    Avant que le brouillard n'engloutisse tout, je ramasse la mulette et la passe autour de mon cou.

  • Speaker #1

    À quelques pas de là,

  • Speaker #0

    j'y la peau roulée. C'est celle d'un ours. Par chance, mon couteau en demi-lune est resté dans la poche de ma parka. J'utilise son manche en ivoire pour dénouer les liens. Le harpon va me manquer cruellement. Mon père devait être ému pour rater un tel lancer.

  • Speaker #1

    Le brouillard qui sort de la faille s'épaissit à présent.

  • Speaker #0

    La lumière de la lune n'est plus qu'un halo diffus. Je dois me diriger à l'oreille, en me fiant au bruit de l'eau et des glaçons. Le manche du harpon me sert à sonder la glace devant moi, et ne pas passer au travers. Soudain, un crissement attire mon attention. Craignant un nouvel effondrement, je m'allonge, et j'attends. Si une crevasse se forme sous moi, elle ne fera pas tout de suite la taille de mes membres écartés. Bizarrement, le bruit se prolonge, mais ne se déplace pas.

  • Speaker #1

    On dirait que quelque chose remue quelque part.

  • Speaker #0

    Ça grogne, ça souffle,

  • Speaker #1

    ça fouille,

  • Speaker #0

    mon cœur se serre. Et s'il s'agissait d'un esprit lancé à ma poursuite ? Et si la faille était l'œuvre de Thorn Garsook ? Et si cet être maléfique abattait sur moi son énorme bras pour m'écraser comme un moustique ? Tout en sachant que c'est dérisoire, je rabats la peau d'ours sur ma tête et continue de guetter par en dessous ce qui se passe. À quelques pas, la neige se soulève comme une vague. Un frisson d'épouvante me parcourt les chines pour finir en sursaut de joie.

  • Speaker #1

    C'est Ikasuk qui se dresse devant moi,

  • Speaker #0

    la meilleure chienne de mon père. Elle et quatre jeunes chiens devaient être enfouis là sous un monticule de neige lorsque la banquise s'est fendue.

  • Speaker #1

    Ils aboient. Le reste de la meute répond au loin,

  • Speaker #0

    mais... Le vent couvre bientôt ses voies fantomatiques.

  • Speaker #1

    Je suis seule,

  • Speaker #0

    avec cinq chiens, fraîchement sortis du néant. Me relevant, j'observe les jeunes mâles. Ils ont une envie furieuse de sauter à l'eau. Je m'approche d'eux. Je ne bouge pas. Je ne dis rien. Ils me regardent d'un air sournois.

  • Speaker #1

    Ils ont l'air de penser que j'y suis pour quelque chose,

  • Speaker #0

    que cette situation est ma faute. Je m'avance pour leur faire face. Soudain,

  • Speaker #1

    l'un d'eux bondit vers moi.

  • Speaker #0

    Je me jette sur un tas de neige pour lui échapper. Les autres grognent, les babines retroussées. Passé par-dessus ma tête, le chien a atteint l'endroit où je me tenais lorsque la banquise s'est fendue. Il est comme fou. Il grogne, il gratte,

  • Speaker #1

    se déchire la gueule sur la glace.

  • Speaker #0

    Il est en train de dévorer le sang coagulé qui s'est échappé de mon ventre. Les trois autres mâles me scrutent désormais comme une proie. Je me lève brusquement et crie le nom d'Ikasuk. D'un bond, la chienne se place entre eux et moi. Le premier mâle, qui est de l'autre côté, me saute sur le dos. Ikasuk fait volte-face. Il y a des jappements, des grognements, des coups de dents. Enfin, un hurlement strident. La chienne a saisi la gorge de son adversaire entre ses mâchoires. Du sang frais coule sur la neige. Sans relâcher son étreinte, elle fixe les trois autres d'un œil vif. C'est elle qui domine, prête à me défendre. Les jeunes mâles se rendent sans insister. Ils la regardent maintenant comme s'ils venaient simplement de jouer avec elle une bonne partie autour d'un os.

  • Speaker #1

    Vous écoutez Inky et Pete se livrent. Le podcast lecture en 15 minutes, à peu près, qui donne vie et voix aux premiers mots d'un livre et vous donne envie de découvrir les suivants. Ou pas, je suis Mafalda Vidal, amoureuse des jolis mots et des belles histoires. Vous venez d'écouter l'Inkipit de De Pierre et d'Os, écrit par Bérangère Cournue et publié aux éditions Le Tripode en 2019. L'histoire de Deux pierres et d'os, c'est l'histoire d'Ursuralik, une jeune femme inuite qu'on a rencontrée dans l'Inkipit. La banquise qui se fend sous ses pieds, c'est la métaphore, matérielle, de la douleur qui la déchire. Une douleur terrible qui marque l'entrée dans la puberté. C'est la séparation entre l'enfance et la vie d'adulte. Sauf que là c'est une vraie séparation,

  • Speaker #0

    un vrai déchirement.

  • Speaker #1

    La banquise se fend, pour de vrai, la séparant... littéralement de sa maison, de ses parents, de ses frères et soeurs,

  • Speaker #0

    de ses chiens,

  • Speaker #1

    de toute sa vie d'enfance en fait. Et elle se retrouve toute seule, perdue dans l'immensité de la nuit, du froid et de la glace. Elle devrait être terrifiée, pétrifiée de froid et de peur, mais finalement pas tant que ça. C'est comme si elle était préparée, comme si elle s'y attendait presque, parce qu'en fin de compte, qu'est-ce qu'elle pourrait y faire ? C'est comme ça ? La vie est dure, mais la vie continue.

  • Speaker #0

    Elle a ses amulettes,

  • Speaker #1

    elle a, et c'est une bonne surprise,

  • Speaker #0

    les chiens de son père, qui sont maintenant les siens.

  • Speaker #1

    Les esprits veillent sur elle.

  • Speaker #0

    Et puis elle peut encore bouger,

  • Speaker #1

    alors c'est ce qu'elle va faire. Elle va marcher, elle va s'éloigner de l'eau, déjà, qui pourrait l'avaler, et puis elle va avancer vers le nouveau chapitre de sa vie. Ours au rallye qu'elle va marcher pendant longtemps à travers les glaces de l'Arctique. Elle va vite rencontrer son premier esprit. Un esprit qui va la chasser, qui va lui ordonner de continuer à marcher, de continuer à vivre. Et elle va obéir,

  • Speaker #0

    elle va se remettre en marche et elle va continuer sa vie.

  • Speaker #1

    De Pierre et d'Ausse, c'est une histoire sur les Inuits, un monde inconnu, des traditions oubliées. Les Inuits sont un peuple à part, un peuple profondément lié à la nature. Ils occupent un territoire immense et désertique. Les conditions de vie sont difficiles pour les humains comme pour les animaux. Et tout le monde est obligé de s'adapter et de s'accorder pour cohabiter. Et tout est à double tranchant. L'eau, sous toutes ses formes, est partout. Elle permet la vie, certes, mais elle est aussi mortelle. Le vent peut rendre sourd et aveugle, mais c'est aussi lui qui donne le souffle aux femmes et aux hommes, et à toutes les créatures. Dans ce monde gelé, les esprits, la nature, les dieux, sont les gardiens de la vie. C'est grâce à eux que le soleil se lève et aussi grâce à eux que la longue nuit se termine. Ce sont donc eux qui régissent le monde, qui permettent à la vie de se faire une place. Grâce à eux, donc, les Inuits peuvent tenir et survivre, et même vivre en fait, en formant des communautés. Les communautés sont plus qu'importantes, elles sont vitales. Ensemble, on est plus fort. Ensemble, on survit. On s'entraide, on chante, on joue. On traque, on chasse, on pêche, on tue aussi, toujours avec l'autorisation, la bénédiction des esprits de la nature. Et il faut bien prendre soin de ne pas contrarier ces esprits, qui peuvent être assez susceptibles, donc il faut faire attention de ne pas les vexer, et surtout de ne pas les mettre en colère. Dans ce monde si dangereux et inhospitalier, les traditions et les superstitions passent au niveau de règles très strictes. Si on ne les respecte pas, on se met en danger, bêtement. Et donc on est puni, et par la mort le plus souvent. De Pierre et d'Os, c'est aussi une histoire sur le pouvoir des communautés, le pouvoir du collectif, du ensemble. Les chances de survie sont assez minces pour Ursuralic, car elle est toute seule. Mais pourtant, elle va s'accrocher à ses chances, comme le lui a ordonné l'esprit qu'elle a rencontré, et sa détermination va payer, parce qu'elle finit par tomber sur une de ses communautés. Elle y est accueillie, mais pas totalement en sécurité, parce qu'elle doit faire ses preuves et se montrer utile. Ce qu'elle fait. Ours oralique n'est qu'au début de sa vie. Elle va encore grandir, encore apprendre. Dans ce monde si dur et si cruel, au sein de ces communautés qui sont finalement extrêmement soudées, on trouve tout de même des êtres qui sont mauvais, qui sont égoïstes, jaloux, comme dans notre vie à nous finalement. Mais on trouve aussi des amis fidèles, des amants loyaux, des sœurs et des frères d'âme, des sœurs et des frères de vie. Les liens de sang sont importants, mais les liens de... cœur le sont tout autant. Quand une vie s'éteint, elle se réincarne dans un nouveau-né de la communauté. Ainsi, quand la grand-mère de quelqu'un meurt, elle va se réincarner dans la fille de quelqu'un d'autre. Et des liens spirituels sont créés de cette façon, et viennent encore renforcer les relations étroites entre les familles déjà existantes. Les liens sont encore renforcés par des chants, à la fois poétiques et crus, à la fois simples et puissants. Ces chants rythment le roman, et crée des liens entre les lecteurices et ces communautés. Il nous implique finalement au sein même de cette vie si dure et si forte. L'histoire derrière de Pierre et d'Oss, elle souligne aussi le pouvoir des femmes. Dans ce monde, les femmes possèdent le plus grand des pouvoirs. En fait, je devrais dire dans le monde en général. C'est un pouvoir que tout le monde connaît, que tout le monde voit, mais qu'il est facile d'oublier, de prétendre oublier, voire d'étouffer. Le pouvoir des femmes, c'est que ce sont des femmes. Ce sont elles qui possèdent et qui contrôlent le flux de la vie. Ce pouvoir, elles-mêmes l'ignorent au début de leur vie, et elles le découvrent petit à petit, progressivement ou bien brutalement, comme Oursouralik. Ce pouvoir va donner à Oursouralik la clé de l'univers, et va aussi lui permettre non seulement de survivre, mais de vivre, et de réussir à se faire une place au sein de la communauté des Inuits, et aussi un nom. On n'a pas parlé des noms, mais les noms sont aussi porteurs de sens et de pouvoir. Chaque humain possède un nom, mais aussi chaque esprit, chaque animal, chaque lieu. Et donc chaque chose ainsi nommée possède son propre pouvoir. Dans ces endroits désertiques et gelés, où la vie est un combat permanent, où le danger est toujours présent, où il serait si facile de se rouler en boule et de se laisser aller au sommeil, et donc à la mort, ces femmes, ces hommes, ces enfants se battent. Et ce combat, c'est leur vie. Une vie dure, certes, mais une vie qui a du sens. De Pierre et d'Os, c'est un roman bouleversant, une leçon d'humilité, une leçon de vie aussi, une leçon de nature et d'espoir. De Pierre et d'Os a reçu le prix du roman FNAC en 2019 et le prix Libre à nous en 2020. Et si vous n'avez pas peur d'être ébloui par des aurores boréales, si vous aimez les légendes, si vous aimez aussi avoir chaud au cœur, alors lisez De Pierre et d'Os. de Bérangère Cournue aux éditions Le Tripode. Merci de m'avoir écoutée jusqu'au bout. Si vous avez passé un bon moment, dites-le moi. Dites-le aussi à votre plateforme d'écoute et n'hésitez pas à partager le podcast avec d'autres amoureux et amoureuses des moules. A bientôt !

  • Speaker #0

    Merci.

Description

Connaissez-vous Uqsuralik ?

❄️🪬🐺

Uqsuralik est une jeune femme inuit, brutalement séparée de sa famille et de tout ce qu'elle connaît. Elle va marcher à travers l'Arctique. Et dans ces étendues blanches, désertiques, dangereuses et inhospitalières au possible, elle va survivre. Et vivre.


📚 Références :

titre : De Pierre et d'Os

autrice : Bérengère Cournut

couverture : Juliette Maroni

éditeur : Le Tripode

site : https://le-tripode.net

à partir de 14 ans


🎙️ Au micro : Mafalda Vidal


🫶🏻 Abonnez-vous pour ne manquer aucun incipit !

Et si cet incipit vous a plu, n'hésitez pas à laisser une note et un commentaire sur Apple Podcast, Deezer ou votre plateforme d'écoute ! Ainsi, ces incipits arriveront dans les oreilles d'autres amoureuses et amoureux des belles histoires (et cela donnera aussi de la force à Inky, Peete et moi pour continuer à vous parler de nos lectures).


🙀😻 Et retrouvez Inky et Peete sur Instagram.


Hébergé par Ausha. Visitez ausha.co/politique-de-confidentialite pour plus d'informations.

Transcription

  • Speaker #0

    1. C'est la troisième lune depuis que le soleil a disparu derrière la ligne d'horizon, et la première fois de ma vie que j'ai si mal au ventre. Me décoller du corps chaud de ma sœur et de mon frère, me dégager des peaux qui nous recouvrent, descendre de la plateforme de glace. Sous son dôme, ma famille ressemble à une grosse bête roulée sur elle-même. D'ordinaire, je respire comme tous du même grognement de mon père, mais cette nuit, une douleur me déchire et m'extrait. Enfiler un pantalon, des bottes, une veste, me glisser hors de la maison de neige. L'air glacé entre dans mes poumons, descend le long de ma colonne vertébrale, vient apaiser la brûlure de mes entrailles. Au-dessus de moi, la nuit est claire, comme une aurore. La lune brille comme deux couteaux de femmes assemblées, tranchant sur les bords. Tout autour court un vaste troupeau d'étoiles. La lumière faible et bleutée qui tombe du ciel révèle sous moi un liquide sombre et visqueux. J'approche mon nez de la neige. On dirait que mon ventre délivre du sang et des foies d'oiseaux. Qu'est-ce encore que cela ? 2. Penché sur la flaque, je n'ai pas entendu le grondement au loin. Lorsque je sens la vibration dans mes jambes, il est trop tard. La banquise est en train de se fendre à quelques pas de moi. L'igloo est de l'autre côté de la faille, ainsi que le traîneau et les chiens. Je pourrais crier, mais cela ne servirait à rien. L'énorme craquement a réveillé mon père. Il se tient torse nu devant l'entrée de notre abri. Portant la main à sa poitrine, il me lance sa dent douce accrochée à un lacet. Il me jette également un lourd paquet au bruit mat. C'est une peau,

  • Speaker #1

    roulée serrée.

  • Speaker #0

    Le harpon qui l'accompagnait s'est brisé sous son poids. Je récupère le manche, tandis que l'autre partie s'enfonce dans la soupe de glace. Disparaissant lentement, la flèche fait un bruit étrange de poissons qui têtent la surface. La silhouette de ma mère se dresse maintenant aux côtés de mon père. Ma sœur et mon frère sortent l'un après l'autre du tunnel de l'igloo. Nous ne disons rien. Bientôt la faille se transforme en chenal. Un brouillard s'élève de l'eau sombre. Petit à petit, ma famille disparaît dans la brume. Le cri de mon père imitant l'ours me parvient, de plus en plus lointain, jusqu'à s'éteindre tout à fait. Un silence lugubre envahit mes oreilles et me raidit la nuque.

  • Speaker #1

    Trois.

  • Speaker #0

    Avant que le brouillard n'engloutisse tout, je ramasse la mulette et la passe autour de mon cou.

  • Speaker #1

    À quelques pas de là,

  • Speaker #0

    j'y la peau roulée. C'est celle d'un ours. Par chance, mon couteau en demi-lune est resté dans la poche de ma parka. J'utilise son manche en ivoire pour dénouer les liens. Le harpon va me manquer cruellement. Mon père devait être ému pour rater un tel lancer.

  • Speaker #1

    Le brouillard qui sort de la faille s'épaissit à présent.

  • Speaker #0

    La lumière de la lune n'est plus qu'un halo diffus. Je dois me diriger à l'oreille, en me fiant au bruit de l'eau et des glaçons. Le manche du harpon me sert à sonder la glace devant moi, et ne pas passer au travers. Soudain, un crissement attire mon attention. Craignant un nouvel effondrement, je m'allonge, et j'attends. Si une crevasse se forme sous moi, elle ne fera pas tout de suite la taille de mes membres écartés. Bizarrement, le bruit se prolonge, mais ne se déplace pas.

  • Speaker #1

    On dirait que quelque chose remue quelque part.

  • Speaker #0

    Ça grogne, ça souffle,

  • Speaker #1

    ça fouille,

  • Speaker #0

    mon cœur se serre. Et s'il s'agissait d'un esprit lancé à ma poursuite ? Et si la faille était l'œuvre de Thorn Garsook ? Et si cet être maléfique abattait sur moi son énorme bras pour m'écraser comme un moustique ? Tout en sachant que c'est dérisoire, je rabats la peau d'ours sur ma tête et continue de guetter par en dessous ce qui se passe. À quelques pas, la neige se soulève comme une vague. Un frisson d'épouvante me parcourt les chines pour finir en sursaut de joie.

  • Speaker #1

    C'est Ikasuk qui se dresse devant moi,

  • Speaker #0

    la meilleure chienne de mon père. Elle et quatre jeunes chiens devaient être enfouis là sous un monticule de neige lorsque la banquise s'est fendue.

  • Speaker #1

    Ils aboient. Le reste de la meute répond au loin,

  • Speaker #0

    mais... Le vent couvre bientôt ses voies fantomatiques.

  • Speaker #1

    Je suis seule,

  • Speaker #0

    avec cinq chiens, fraîchement sortis du néant. Me relevant, j'observe les jeunes mâles. Ils ont une envie furieuse de sauter à l'eau. Je m'approche d'eux. Je ne bouge pas. Je ne dis rien. Ils me regardent d'un air sournois.

  • Speaker #1

    Ils ont l'air de penser que j'y suis pour quelque chose,

  • Speaker #0

    que cette situation est ma faute. Je m'avance pour leur faire face. Soudain,

  • Speaker #1

    l'un d'eux bondit vers moi.

  • Speaker #0

    Je me jette sur un tas de neige pour lui échapper. Les autres grognent, les babines retroussées. Passé par-dessus ma tête, le chien a atteint l'endroit où je me tenais lorsque la banquise s'est fendue. Il est comme fou. Il grogne, il gratte,

  • Speaker #1

    se déchire la gueule sur la glace.

  • Speaker #0

    Il est en train de dévorer le sang coagulé qui s'est échappé de mon ventre. Les trois autres mâles me scrutent désormais comme une proie. Je me lève brusquement et crie le nom d'Ikasuk. D'un bond, la chienne se place entre eux et moi. Le premier mâle, qui est de l'autre côté, me saute sur le dos. Ikasuk fait volte-face. Il y a des jappements, des grognements, des coups de dents. Enfin, un hurlement strident. La chienne a saisi la gorge de son adversaire entre ses mâchoires. Du sang frais coule sur la neige. Sans relâcher son étreinte, elle fixe les trois autres d'un œil vif. C'est elle qui domine, prête à me défendre. Les jeunes mâles se rendent sans insister. Ils la regardent maintenant comme s'ils venaient simplement de jouer avec elle une bonne partie autour d'un os.

  • Speaker #1

    Vous écoutez Inky et Pete se livrent. Le podcast lecture en 15 minutes, à peu près, qui donne vie et voix aux premiers mots d'un livre et vous donne envie de découvrir les suivants. Ou pas, je suis Mafalda Vidal, amoureuse des jolis mots et des belles histoires. Vous venez d'écouter l'Inkipit de De Pierre et d'Os, écrit par Bérangère Cournue et publié aux éditions Le Tripode en 2019. L'histoire de Deux pierres et d'os, c'est l'histoire d'Ursuralik, une jeune femme inuite qu'on a rencontrée dans l'Inkipit. La banquise qui se fend sous ses pieds, c'est la métaphore, matérielle, de la douleur qui la déchire. Une douleur terrible qui marque l'entrée dans la puberté. C'est la séparation entre l'enfance et la vie d'adulte. Sauf que là c'est une vraie séparation,

  • Speaker #0

    un vrai déchirement.

  • Speaker #1

    La banquise se fend, pour de vrai, la séparant... littéralement de sa maison, de ses parents, de ses frères et soeurs,

  • Speaker #0

    de ses chiens,

  • Speaker #1

    de toute sa vie d'enfance en fait. Et elle se retrouve toute seule, perdue dans l'immensité de la nuit, du froid et de la glace. Elle devrait être terrifiée, pétrifiée de froid et de peur, mais finalement pas tant que ça. C'est comme si elle était préparée, comme si elle s'y attendait presque, parce qu'en fin de compte, qu'est-ce qu'elle pourrait y faire ? C'est comme ça ? La vie est dure, mais la vie continue.

  • Speaker #0

    Elle a ses amulettes,

  • Speaker #1

    elle a, et c'est une bonne surprise,

  • Speaker #0

    les chiens de son père, qui sont maintenant les siens.

  • Speaker #1

    Les esprits veillent sur elle.

  • Speaker #0

    Et puis elle peut encore bouger,

  • Speaker #1

    alors c'est ce qu'elle va faire. Elle va marcher, elle va s'éloigner de l'eau, déjà, qui pourrait l'avaler, et puis elle va avancer vers le nouveau chapitre de sa vie. Ours au rallye qu'elle va marcher pendant longtemps à travers les glaces de l'Arctique. Elle va vite rencontrer son premier esprit. Un esprit qui va la chasser, qui va lui ordonner de continuer à marcher, de continuer à vivre. Et elle va obéir,

  • Speaker #0

    elle va se remettre en marche et elle va continuer sa vie.

  • Speaker #1

    De Pierre et d'Ausse, c'est une histoire sur les Inuits, un monde inconnu, des traditions oubliées. Les Inuits sont un peuple à part, un peuple profondément lié à la nature. Ils occupent un territoire immense et désertique. Les conditions de vie sont difficiles pour les humains comme pour les animaux. Et tout le monde est obligé de s'adapter et de s'accorder pour cohabiter. Et tout est à double tranchant. L'eau, sous toutes ses formes, est partout. Elle permet la vie, certes, mais elle est aussi mortelle. Le vent peut rendre sourd et aveugle, mais c'est aussi lui qui donne le souffle aux femmes et aux hommes, et à toutes les créatures. Dans ce monde gelé, les esprits, la nature, les dieux, sont les gardiens de la vie. C'est grâce à eux que le soleil se lève et aussi grâce à eux que la longue nuit se termine. Ce sont donc eux qui régissent le monde, qui permettent à la vie de se faire une place. Grâce à eux, donc, les Inuits peuvent tenir et survivre, et même vivre en fait, en formant des communautés. Les communautés sont plus qu'importantes, elles sont vitales. Ensemble, on est plus fort. Ensemble, on survit. On s'entraide, on chante, on joue. On traque, on chasse, on pêche, on tue aussi, toujours avec l'autorisation, la bénédiction des esprits de la nature. Et il faut bien prendre soin de ne pas contrarier ces esprits, qui peuvent être assez susceptibles, donc il faut faire attention de ne pas les vexer, et surtout de ne pas les mettre en colère. Dans ce monde si dangereux et inhospitalier, les traditions et les superstitions passent au niveau de règles très strictes. Si on ne les respecte pas, on se met en danger, bêtement. Et donc on est puni, et par la mort le plus souvent. De Pierre et d'Os, c'est aussi une histoire sur le pouvoir des communautés, le pouvoir du collectif, du ensemble. Les chances de survie sont assez minces pour Ursuralic, car elle est toute seule. Mais pourtant, elle va s'accrocher à ses chances, comme le lui a ordonné l'esprit qu'elle a rencontré, et sa détermination va payer, parce qu'elle finit par tomber sur une de ses communautés. Elle y est accueillie, mais pas totalement en sécurité, parce qu'elle doit faire ses preuves et se montrer utile. Ce qu'elle fait. Ours oralique n'est qu'au début de sa vie. Elle va encore grandir, encore apprendre. Dans ce monde si dur et si cruel, au sein de ces communautés qui sont finalement extrêmement soudées, on trouve tout de même des êtres qui sont mauvais, qui sont égoïstes, jaloux, comme dans notre vie à nous finalement. Mais on trouve aussi des amis fidèles, des amants loyaux, des sœurs et des frères d'âme, des sœurs et des frères de vie. Les liens de sang sont importants, mais les liens de... cœur le sont tout autant. Quand une vie s'éteint, elle se réincarne dans un nouveau-né de la communauté. Ainsi, quand la grand-mère de quelqu'un meurt, elle va se réincarner dans la fille de quelqu'un d'autre. Et des liens spirituels sont créés de cette façon, et viennent encore renforcer les relations étroites entre les familles déjà existantes. Les liens sont encore renforcés par des chants, à la fois poétiques et crus, à la fois simples et puissants. Ces chants rythment le roman, et crée des liens entre les lecteurices et ces communautés. Il nous implique finalement au sein même de cette vie si dure et si forte. L'histoire derrière de Pierre et d'Oss, elle souligne aussi le pouvoir des femmes. Dans ce monde, les femmes possèdent le plus grand des pouvoirs. En fait, je devrais dire dans le monde en général. C'est un pouvoir que tout le monde connaît, que tout le monde voit, mais qu'il est facile d'oublier, de prétendre oublier, voire d'étouffer. Le pouvoir des femmes, c'est que ce sont des femmes. Ce sont elles qui possèdent et qui contrôlent le flux de la vie. Ce pouvoir, elles-mêmes l'ignorent au début de leur vie, et elles le découvrent petit à petit, progressivement ou bien brutalement, comme Oursouralik. Ce pouvoir va donner à Oursouralik la clé de l'univers, et va aussi lui permettre non seulement de survivre, mais de vivre, et de réussir à se faire une place au sein de la communauté des Inuits, et aussi un nom. On n'a pas parlé des noms, mais les noms sont aussi porteurs de sens et de pouvoir. Chaque humain possède un nom, mais aussi chaque esprit, chaque animal, chaque lieu. Et donc chaque chose ainsi nommée possède son propre pouvoir. Dans ces endroits désertiques et gelés, où la vie est un combat permanent, où le danger est toujours présent, où il serait si facile de se rouler en boule et de se laisser aller au sommeil, et donc à la mort, ces femmes, ces hommes, ces enfants se battent. Et ce combat, c'est leur vie. Une vie dure, certes, mais une vie qui a du sens. De Pierre et d'Os, c'est un roman bouleversant, une leçon d'humilité, une leçon de vie aussi, une leçon de nature et d'espoir. De Pierre et d'Os a reçu le prix du roman FNAC en 2019 et le prix Libre à nous en 2020. Et si vous n'avez pas peur d'être ébloui par des aurores boréales, si vous aimez les légendes, si vous aimez aussi avoir chaud au cœur, alors lisez De Pierre et d'Os. de Bérangère Cournue aux éditions Le Tripode. Merci de m'avoir écoutée jusqu'au bout. Si vous avez passé un bon moment, dites-le moi. Dites-le aussi à votre plateforme d'écoute et n'hésitez pas à partager le podcast avec d'autres amoureux et amoureuses des moules. A bientôt !

  • Speaker #0

    Merci.

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Description

Connaissez-vous Uqsuralik ?

❄️🪬🐺

Uqsuralik est une jeune femme inuit, brutalement séparée de sa famille et de tout ce qu'elle connaît. Elle va marcher à travers l'Arctique. Et dans ces étendues blanches, désertiques, dangereuses et inhospitalières au possible, elle va survivre. Et vivre.


📚 Références :

titre : De Pierre et d'Os

autrice : Bérengère Cournut

couverture : Juliette Maroni

éditeur : Le Tripode

site : https://le-tripode.net

à partir de 14 ans


🎙️ Au micro : Mafalda Vidal


🫶🏻 Abonnez-vous pour ne manquer aucun incipit !

Et si cet incipit vous a plu, n'hésitez pas à laisser une note et un commentaire sur Apple Podcast, Deezer ou votre plateforme d'écoute ! Ainsi, ces incipits arriveront dans les oreilles d'autres amoureuses et amoureux des belles histoires (et cela donnera aussi de la force à Inky, Peete et moi pour continuer à vous parler de nos lectures).


🙀😻 Et retrouvez Inky et Peete sur Instagram.


Hébergé par Ausha. Visitez ausha.co/politique-de-confidentialite pour plus d'informations.

Transcription

  • Speaker #0

    1. C'est la troisième lune depuis que le soleil a disparu derrière la ligne d'horizon, et la première fois de ma vie que j'ai si mal au ventre. Me décoller du corps chaud de ma sœur et de mon frère, me dégager des peaux qui nous recouvrent, descendre de la plateforme de glace. Sous son dôme, ma famille ressemble à une grosse bête roulée sur elle-même. D'ordinaire, je respire comme tous du même grognement de mon père, mais cette nuit, une douleur me déchire et m'extrait. Enfiler un pantalon, des bottes, une veste, me glisser hors de la maison de neige. L'air glacé entre dans mes poumons, descend le long de ma colonne vertébrale, vient apaiser la brûlure de mes entrailles. Au-dessus de moi, la nuit est claire, comme une aurore. La lune brille comme deux couteaux de femmes assemblées, tranchant sur les bords. Tout autour court un vaste troupeau d'étoiles. La lumière faible et bleutée qui tombe du ciel révèle sous moi un liquide sombre et visqueux. J'approche mon nez de la neige. On dirait que mon ventre délivre du sang et des foies d'oiseaux. Qu'est-ce encore que cela ? 2. Penché sur la flaque, je n'ai pas entendu le grondement au loin. Lorsque je sens la vibration dans mes jambes, il est trop tard. La banquise est en train de se fendre à quelques pas de moi. L'igloo est de l'autre côté de la faille, ainsi que le traîneau et les chiens. Je pourrais crier, mais cela ne servirait à rien. L'énorme craquement a réveillé mon père. Il se tient torse nu devant l'entrée de notre abri. Portant la main à sa poitrine, il me lance sa dent douce accrochée à un lacet. Il me jette également un lourd paquet au bruit mat. C'est une peau,

  • Speaker #1

    roulée serrée.

  • Speaker #0

    Le harpon qui l'accompagnait s'est brisé sous son poids. Je récupère le manche, tandis que l'autre partie s'enfonce dans la soupe de glace. Disparaissant lentement, la flèche fait un bruit étrange de poissons qui têtent la surface. La silhouette de ma mère se dresse maintenant aux côtés de mon père. Ma sœur et mon frère sortent l'un après l'autre du tunnel de l'igloo. Nous ne disons rien. Bientôt la faille se transforme en chenal. Un brouillard s'élève de l'eau sombre. Petit à petit, ma famille disparaît dans la brume. Le cri de mon père imitant l'ours me parvient, de plus en plus lointain, jusqu'à s'éteindre tout à fait. Un silence lugubre envahit mes oreilles et me raidit la nuque.

  • Speaker #1

    Trois.

  • Speaker #0

    Avant que le brouillard n'engloutisse tout, je ramasse la mulette et la passe autour de mon cou.

  • Speaker #1

    À quelques pas de là,

  • Speaker #0

    j'y la peau roulée. C'est celle d'un ours. Par chance, mon couteau en demi-lune est resté dans la poche de ma parka. J'utilise son manche en ivoire pour dénouer les liens. Le harpon va me manquer cruellement. Mon père devait être ému pour rater un tel lancer.

  • Speaker #1

    Le brouillard qui sort de la faille s'épaissit à présent.

  • Speaker #0

    La lumière de la lune n'est plus qu'un halo diffus. Je dois me diriger à l'oreille, en me fiant au bruit de l'eau et des glaçons. Le manche du harpon me sert à sonder la glace devant moi, et ne pas passer au travers. Soudain, un crissement attire mon attention. Craignant un nouvel effondrement, je m'allonge, et j'attends. Si une crevasse se forme sous moi, elle ne fera pas tout de suite la taille de mes membres écartés. Bizarrement, le bruit se prolonge, mais ne se déplace pas.

  • Speaker #1

    On dirait que quelque chose remue quelque part.

  • Speaker #0

    Ça grogne, ça souffle,

  • Speaker #1

    ça fouille,

  • Speaker #0

    mon cœur se serre. Et s'il s'agissait d'un esprit lancé à ma poursuite ? Et si la faille était l'œuvre de Thorn Garsook ? Et si cet être maléfique abattait sur moi son énorme bras pour m'écraser comme un moustique ? Tout en sachant que c'est dérisoire, je rabats la peau d'ours sur ma tête et continue de guetter par en dessous ce qui se passe. À quelques pas, la neige se soulève comme une vague. Un frisson d'épouvante me parcourt les chines pour finir en sursaut de joie.

  • Speaker #1

    C'est Ikasuk qui se dresse devant moi,

  • Speaker #0

    la meilleure chienne de mon père. Elle et quatre jeunes chiens devaient être enfouis là sous un monticule de neige lorsque la banquise s'est fendue.

  • Speaker #1

    Ils aboient. Le reste de la meute répond au loin,

  • Speaker #0

    mais... Le vent couvre bientôt ses voies fantomatiques.

  • Speaker #1

    Je suis seule,

  • Speaker #0

    avec cinq chiens, fraîchement sortis du néant. Me relevant, j'observe les jeunes mâles. Ils ont une envie furieuse de sauter à l'eau. Je m'approche d'eux. Je ne bouge pas. Je ne dis rien. Ils me regardent d'un air sournois.

  • Speaker #1

    Ils ont l'air de penser que j'y suis pour quelque chose,

  • Speaker #0

    que cette situation est ma faute. Je m'avance pour leur faire face. Soudain,

  • Speaker #1

    l'un d'eux bondit vers moi.

  • Speaker #0

    Je me jette sur un tas de neige pour lui échapper. Les autres grognent, les babines retroussées. Passé par-dessus ma tête, le chien a atteint l'endroit où je me tenais lorsque la banquise s'est fendue. Il est comme fou. Il grogne, il gratte,

  • Speaker #1

    se déchire la gueule sur la glace.

  • Speaker #0

    Il est en train de dévorer le sang coagulé qui s'est échappé de mon ventre. Les trois autres mâles me scrutent désormais comme une proie. Je me lève brusquement et crie le nom d'Ikasuk. D'un bond, la chienne se place entre eux et moi. Le premier mâle, qui est de l'autre côté, me saute sur le dos. Ikasuk fait volte-face. Il y a des jappements, des grognements, des coups de dents. Enfin, un hurlement strident. La chienne a saisi la gorge de son adversaire entre ses mâchoires. Du sang frais coule sur la neige. Sans relâcher son étreinte, elle fixe les trois autres d'un œil vif. C'est elle qui domine, prête à me défendre. Les jeunes mâles se rendent sans insister. Ils la regardent maintenant comme s'ils venaient simplement de jouer avec elle une bonne partie autour d'un os.

  • Speaker #1

    Vous écoutez Inky et Pete se livrent. Le podcast lecture en 15 minutes, à peu près, qui donne vie et voix aux premiers mots d'un livre et vous donne envie de découvrir les suivants. Ou pas, je suis Mafalda Vidal, amoureuse des jolis mots et des belles histoires. Vous venez d'écouter l'Inkipit de De Pierre et d'Os, écrit par Bérangère Cournue et publié aux éditions Le Tripode en 2019. L'histoire de Deux pierres et d'os, c'est l'histoire d'Ursuralik, une jeune femme inuite qu'on a rencontrée dans l'Inkipit. La banquise qui se fend sous ses pieds, c'est la métaphore, matérielle, de la douleur qui la déchire. Une douleur terrible qui marque l'entrée dans la puberté. C'est la séparation entre l'enfance et la vie d'adulte. Sauf que là c'est une vraie séparation,

  • Speaker #0

    un vrai déchirement.

  • Speaker #1

    La banquise se fend, pour de vrai, la séparant... littéralement de sa maison, de ses parents, de ses frères et soeurs,

  • Speaker #0

    de ses chiens,

  • Speaker #1

    de toute sa vie d'enfance en fait. Et elle se retrouve toute seule, perdue dans l'immensité de la nuit, du froid et de la glace. Elle devrait être terrifiée, pétrifiée de froid et de peur, mais finalement pas tant que ça. C'est comme si elle était préparée, comme si elle s'y attendait presque, parce qu'en fin de compte, qu'est-ce qu'elle pourrait y faire ? C'est comme ça ? La vie est dure, mais la vie continue.

  • Speaker #0

    Elle a ses amulettes,

  • Speaker #1

    elle a, et c'est une bonne surprise,

  • Speaker #0

    les chiens de son père, qui sont maintenant les siens.

  • Speaker #1

    Les esprits veillent sur elle.

  • Speaker #0

    Et puis elle peut encore bouger,

  • Speaker #1

    alors c'est ce qu'elle va faire. Elle va marcher, elle va s'éloigner de l'eau, déjà, qui pourrait l'avaler, et puis elle va avancer vers le nouveau chapitre de sa vie. Ours au rallye qu'elle va marcher pendant longtemps à travers les glaces de l'Arctique. Elle va vite rencontrer son premier esprit. Un esprit qui va la chasser, qui va lui ordonner de continuer à marcher, de continuer à vivre. Et elle va obéir,

  • Speaker #0

    elle va se remettre en marche et elle va continuer sa vie.

  • Speaker #1

    De Pierre et d'Ausse, c'est une histoire sur les Inuits, un monde inconnu, des traditions oubliées. Les Inuits sont un peuple à part, un peuple profondément lié à la nature. Ils occupent un territoire immense et désertique. Les conditions de vie sont difficiles pour les humains comme pour les animaux. Et tout le monde est obligé de s'adapter et de s'accorder pour cohabiter. Et tout est à double tranchant. L'eau, sous toutes ses formes, est partout. Elle permet la vie, certes, mais elle est aussi mortelle. Le vent peut rendre sourd et aveugle, mais c'est aussi lui qui donne le souffle aux femmes et aux hommes, et à toutes les créatures. Dans ce monde gelé, les esprits, la nature, les dieux, sont les gardiens de la vie. C'est grâce à eux que le soleil se lève et aussi grâce à eux que la longue nuit se termine. Ce sont donc eux qui régissent le monde, qui permettent à la vie de se faire une place. Grâce à eux, donc, les Inuits peuvent tenir et survivre, et même vivre en fait, en formant des communautés. Les communautés sont plus qu'importantes, elles sont vitales. Ensemble, on est plus fort. Ensemble, on survit. On s'entraide, on chante, on joue. On traque, on chasse, on pêche, on tue aussi, toujours avec l'autorisation, la bénédiction des esprits de la nature. Et il faut bien prendre soin de ne pas contrarier ces esprits, qui peuvent être assez susceptibles, donc il faut faire attention de ne pas les vexer, et surtout de ne pas les mettre en colère. Dans ce monde si dangereux et inhospitalier, les traditions et les superstitions passent au niveau de règles très strictes. Si on ne les respecte pas, on se met en danger, bêtement. Et donc on est puni, et par la mort le plus souvent. De Pierre et d'Os, c'est aussi une histoire sur le pouvoir des communautés, le pouvoir du collectif, du ensemble. Les chances de survie sont assez minces pour Ursuralic, car elle est toute seule. Mais pourtant, elle va s'accrocher à ses chances, comme le lui a ordonné l'esprit qu'elle a rencontré, et sa détermination va payer, parce qu'elle finit par tomber sur une de ses communautés. Elle y est accueillie, mais pas totalement en sécurité, parce qu'elle doit faire ses preuves et se montrer utile. Ce qu'elle fait. Ours oralique n'est qu'au début de sa vie. Elle va encore grandir, encore apprendre. Dans ce monde si dur et si cruel, au sein de ces communautés qui sont finalement extrêmement soudées, on trouve tout de même des êtres qui sont mauvais, qui sont égoïstes, jaloux, comme dans notre vie à nous finalement. Mais on trouve aussi des amis fidèles, des amants loyaux, des sœurs et des frères d'âme, des sœurs et des frères de vie. Les liens de sang sont importants, mais les liens de... cœur le sont tout autant. Quand une vie s'éteint, elle se réincarne dans un nouveau-né de la communauté. Ainsi, quand la grand-mère de quelqu'un meurt, elle va se réincarner dans la fille de quelqu'un d'autre. Et des liens spirituels sont créés de cette façon, et viennent encore renforcer les relations étroites entre les familles déjà existantes. Les liens sont encore renforcés par des chants, à la fois poétiques et crus, à la fois simples et puissants. Ces chants rythment le roman, et crée des liens entre les lecteurices et ces communautés. Il nous implique finalement au sein même de cette vie si dure et si forte. L'histoire derrière de Pierre et d'Oss, elle souligne aussi le pouvoir des femmes. Dans ce monde, les femmes possèdent le plus grand des pouvoirs. En fait, je devrais dire dans le monde en général. C'est un pouvoir que tout le monde connaît, que tout le monde voit, mais qu'il est facile d'oublier, de prétendre oublier, voire d'étouffer. Le pouvoir des femmes, c'est que ce sont des femmes. Ce sont elles qui possèdent et qui contrôlent le flux de la vie. Ce pouvoir, elles-mêmes l'ignorent au début de leur vie, et elles le découvrent petit à petit, progressivement ou bien brutalement, comme Oursouralik. Ce pouvoir va donner à Oursouralik la clé de l'univers, et va aussi lui permettre non seulement de survivre, mais de vivre, et de réussir à se faire une place au sein de la communauté des Inuits, et aussi un nom. On n'a pas parlé des noms, mais les noms sont aussi porteurs de sens et de pouvoir. Chaque humain possède un nom, mais aussi chaque esprit, chaque animal, chaque lieu. Et donc chaque chose ainsi nommée possède son propre pouvoir. Dans ces endroits désertiques et gelés, où la vie est un combat permanent, où le danger est toujours présent, où il serait si facile de se rouler en boule et de se laisser aller au sommeil, et donc à la mort, ces femmes, ces hommes, ces enfants se battent. Et ce combat, c'est leur vie. Une vie dure, certes, mais une vie qui a du sens. De Pierre et d'Os, c'est un roman bouleversant, une leçon d'humilité, une leçon de vie aussi, une leçon de nature et d'espoir. De Pierre et d'Os a reçu le prix du roman FNAC en 2019 et le prix Libre à nous en 2020. Et si vous n'avez pas peur d'être ébloui par des aurores boréales, si vous aimez les légendes, si vous aimez aussi avoir chaud au cœur, alors lisez De Pierre et d'Os. de Bérangère Cournue aux éditions Le Tripode. Merci de m'avoir écoutée jusqu'au bout. Si vous avez passé un bon moment, dites-le moi. Dites-le aussi à votre plateforme d'écoute et n'hésitez pas à partager le podcast avec d'autres amoureux et amoureuses des moules. A bientôt !

  • Speaker #0

    Merci.

Description

Connaissez-vous Uqsuralik ?

❄️🪬🐺

Uqsuralik est une jeune femme inuit, brutalement séparée de sa famille et de tout ce qu'elle connaît. Elle va marcher à travers l'Arctique. Et dans ces étendues blanches, désertiques, dangereuses et inhospitalières au possible, elle va survivre. Et vivre.


📚 Références :

titre : De Pierre et d'Os

autrice : Bérengère Cournut

couverture : Juliette Maroni

éditeur : Le Tripode

site : https://le-tripode.net

à partir de 14 ans


🎙️ Au micro : Mafalda Vidal


🫶🏻 Abonnez-vous pour ne manquer aucun incipit !

Et si cet incipit vous a plu, n'hésitez pas à laisser une note et un commentaire sur Apple Podcast, Deezer ou votre plateforme d'écoute ! Ainsi, ces incipits arriveront dans les oreilles d'autres amoureuses et amoureux des belles histoires (et cela donnera aussi de la force à Inky, Peete et moi pour continuer à vous parler de nos lectures).


🙀😻 Et retrouvez Inky et Peete sur Instagram.


Hébergé par Ausha. Visitez ausha.co/politique-de-confidentialite pour plus d'informations.

Transcription

  • Speaker #0

    1. C'est la troisième lune depuis que le soleil a disparu derrière la ligne d'horizon, et la première fois de ma vie que j'ai si mal au ventre. Me décoller du corps chaud de ma sœur et de mon frère, me dégager des peaux qui nous recouvrent, descendre de la plateforme de glace. Sous son dôme, ma famille ressemble à une grosse bête roulée sur elle-même. D'ordinaire, je respire comme tous du même grognement de mon père, mais cette nuit, une douleur me déchire et m'extrait. Enfiler un pantalon, des bottes, une veste, me glisser hors de la maison de neige. L'air glacé entre dans mes poumons, descend le long de ma colonne vertébrale, vient apaiser la brûlure de mes entrailles. Au-dessus de moi, la nuit est claire, comme une aurore. La lune brille comme deux couteaux de femmes assemblées, tranchant sur les bords. Tout autour court un vaste troupeau d'étoiles. La lumière faible et bleutée qui tombe du ciel révèle sous moi un liquide sombre et visqueux. J'approche mon nez de la neige. On dirait que mon ventre délivre du sang et des foies d'oiseaux. Qu'est-ce encore que cela ? 2. Penché sur la flaque, je n'ai pas entendu le grondement au loin. Lorsque je sens la vibration dans mes jambes, il est trop tard. La banquise est en train de se fendre à quelques pas de moi. L'igloo est de l'autre côté de la faille, ainsi que le traîneau et les chiens. Je pourrais crier, mais cela ne servirait à rien. L'énorme craquement a réveillé mon père. Il se tient torse nu devant l'entrée de notre abri. Portant la main à sa poitrine, il me lance sa dent douce accrochée à un lacet. Il me jette également un lourd paquet au bruit mat. C'est une peau,

  • Speaker #1

    roulée serrée.

  • Speaker #0

    Le harpon qui l'accompagnait s'est brisé sous son poids. Je récupère le manche, tandis que l'autre partie s'enfonce dans la soupe de glace. Disparaissant lentement, la flèche fait un bruit étrange de poissons qui têtent la surface. La silhouette de ma mère se dresse maintenant aux côtés de mon père. Ma sœur et mon frère sortent l'un après l'autre du tunnel de l'igloo. Nous ne disons rien. Bientôt la faille se transforme en chenal. Un brouillard s'élève de l'eau sombre. Petit à petit, ma famille disparaît dans la brume. Le cri de mon père imitant l'ours me parvient, de plus en plus lointain, jusqu'à s'éteindre tout à fait. Un silence lugubre envahit mes oreilles et me raidit la nuque.

  • Speaker #1

    Trois.

  • Speaker #0

    Avant que le brouillard n'engloutisse tout, je ramasse la mulette et la passe autour de mon cou.

  • Speaker #1

    À quelques pas de là,

  • Speaker #0

    j'y la peau roulée. C'est celle d'un ours. Par chance, mon couteau en demi-lune est resté dans la poche de ma parka. J'utilise son manche en ivoire pour dénouer les liens. Le harpon va me manquer cruellement. Mon père devait être ému pour rater un tel lancer.

  • Speaker #1

    Le brouillard qui sort de la faille s'épaissit à présent.

  • Speaker #0

    La lumière de la lune n'est plus qu'un halo diffus. Je dois me diriger à l'oreille, en me fiant au bruit de l'eau et des glaçons. Le manche du harpon me sert à sonder la glace devant moi, et ne pas passer au travers. Soudain, un crissement attire mon attention. Craignant un nouvel effondrement, je m'allonge, et j'attends. Si une crevasse se forme sous moi, elle ne fera pas tout de suite la taille de mes membres écartés. Bizarrement, le bruit se prolonge, mais ne se déplace pas.

  • Speaker #1

    On dirait que quelque chose remue quelque part.

  • Speaker #0

    Ça grogne, ça souffle,

  • Speaker #1

    ça fouille,

  • Speaker #0

    mon cœur se serre. Et s'il s'agissait d'un esprit lancé à ma poursuite ? Et si la faille était l'œuvre de Thorn Garsook ? Et si cet être maléfique abattait sur moi son énorme bras pour m'écraser comme un moustique ? Tout en sachant que c'est dérisoire, je rabats la peau d'ours sur ma tête et continue de guetter par en dessous ce qui se passe. À quelques pas, la neige se soulève comme une vague. Un frisson d'épouvante me parcourt les chines pour finir en sursaut de joie.

  • Speaker #1

    C'est Ikasuk qui se dresse devant moi,

  • Speaker #0

    la meilleure chienne de mon père. Elle et quatre jeunes chiens devaient être enfouis là sous un monticule de neige lorsque la banquise s'est fendue.

  • Speaker #1

    Ils aboient. Le reste de la meute répond au loin,

  • Speaker #0

    mais... Le vent couvre bientôt ses voies fantomatiques.

  • Speaker #1

    Je suis seule,

  • Speaker #0

    avec cinq chiens, fraîchement sortis du néant. Me relevant, j'observe les jeunes mâles. Ils ont une envie furieuse de sauter à l'eau. Je m'approche d'eux. Je ne bouge pas. Je ne dis rien. Ils me regardent d'un air sournois.

  • Speaker #1

    Ils ont l'air de penser que j'y suis pour quelque chose,

  • Speaker #0

    que cette situation est ma faute. Je m'avance pour leur faire face. Soudain,

  • Speaker #1

    l'un d'eux bondit vers moi.

  • Speaker #0

    Je me jette sur un tas de neige pour lui échapper. Les autres grognent, les babines retroussées. Passé par-dessus ma tête, le chien a atteint l'endroit où je me tenais lorsque la banquise s'est fendue. Il est comme fou. Il grogne, il gratte,

  • Speaker #1

    se déchire la gueule sur la glace.

  • Speaker #0

    Il est en train de dévorer le sang coagulé qui s'est échappé de mon ventre. Les trois autres mâles me scrutent désormais comme une proie. Je me lève brusquement et crie le nom d'Ikasuk. D'un bond, la chienne se place entre eux et moi. Le premier mâle, qui est de l'autre côté, me saute sur le dos. Ikasuk fait volte-face. Il y a des jappements, des grognements, des coups de dents. Enfin, un hurlement strident. La chienne a saisi la gorge de son adversaire entre ses mâchoires. Du sang frais coule sur la neige. Sans relâcher son étreinte, elle fixe les trois autres d'un œil vif. C'est elle qui domine, prête à me défendre. Les jeunes mâles se rendent sans insister. Ils la regardent maintenant comme s'ils venaient simplement de jouer avec elle une bonne partie autour d'un os.

  • Speaker #1

    Vous écoutez Inky et Pete se livrent. Le podcast lecture en 15 minutes, à peu près, qui donne vie et voix aux premiers mots d'un livre et vous donne envie de découvrir les suivants. Ou pas, je suis Mafalda Vidal, amoureuse des jolis mots et des belles histoires. Vous venez d'écouter l'Inkipit de De Pierre et d'Os, écrit par Bérangère Cournue et publié aux éditions Le Tripode en 2019. L'histoire de Deux pierres et d'os, c'est l'histoire d'Ursuralik, une jeune femme inuite qu'on a rencontrée dans l'Inkipit. La banquise qui se fend sous ses pieds, c'est la métaphore, matérielle, de la douleur qui la déchire. Une douleur terrible qui marque l'entrée dans la puberté. C'est la séparation entre l'enfance et la vie d'adulte. Sauf que là c'est une vraie séparation,

  • Speaker #0

    un vrai déchirement.

  • Speaker #1

    La banquise se fend, pour de vrai, la séparant... littéralement de sa maison, de ses parents, de ses frères et soeurs,

  • Speaker #0

    de ses chiens,

  • Speaker #1

    de toute sa vie d'enfance en fait. Et elle se retrouve toute seule, perdue dans l'immensité de la nuit, du froid et de la glace. Elle devrait être terrifiée, pétrifiée de froid et de peur, mais finalement pas tant que ça. C'est comme si elle était préparée, comme si elle s'y attendait presque, parce qu'en fin de compte, qu'est-ce qu'elle pourrait y faire ? C'est comme ça ? La vie est dure, mais la vie continue.

  • Speaker #0

    Elle a ses amulettes,

  • Speaker #1

    elle a, et c'est une bonne surprise,

  • Speaker #0

    les chiens de son père, qui sont maintenant les siens.

  • Speaker #1

    Les esprits veillent sur elle.

  • Speaker #0

    Et puis elle peut encore bouger,

  • Speaker #1

    alors c'est ce qu'elle va faire. Elle va marcher, elle va s'éloigner de l'eau, déjà, qui pourrait l'avaler, et puis elle va avancer vers le nouveau chapitre de sa vie. Ours au rallye qu'elle va marcher pendant longtemps à travers les glaces de l'Arctique. Elle va vite rencontrer son premier esprit. Un esprit qui va la chasser, qui va lui ordonner de continuer à marcher, de continuer à vivre. Et elle va obéir,

  • Speaker #0

    elle va se remettre en marche et elle va continuer sa vie.

  • Speaker #1

    De Pierre et d'Ausse, c'est une histoire sur les Inuits, un monde inconnu, des traditions oubliées. Les Inuits sont un peuple à part, un peuple profondément lié à la nature. Ils occupent un territoire immense et désertique. Les conditions de vie sont difficiles pour les humains comme pour les animaux. Et tout le monde est obligé de s'adapter et de s'accorder pour cohabiter. Et tout est à double tranchant. L'eau, sous toutes ses formes, est partout. Elle permet la vie, certes, mais elle est aussi mortelle. Le vent peut rendre sourd et aveugle, mais c'est aussi lui qui donne le souffle aux femmes et aux hommes, et à toutes les créatures. Dans ce monde gelé, les esprits, la nature, les dieux, sont les gardiens de la vie. C'est grâce à eux que le soleil se lève et aussi grâce à eux que la longue nuit se termine. Ce sont donc eux qui régissent le monde, qui permettent à la vie de se faire une place. Grâce à eux, donc, les Inuits peuvent tenir et survivre, et même vivre en fait, en formant des communautés. Les communautés sont plus qu'importantes, elles sont vitales. Ensemble, on est plus fort. Ensemble, on survit. On s'entraide, on chante, on joue. On traque, on chasse, on pêche, on tue aussi, toujours avec l'autorisation, la bénédiction des esprits de la nature. Et il faut bien prendre soin de ne pas contrarier ces esprits, qui peuvent être assez susceptibles, donc il faut faire attention de ne pas les vexer, et surtout de ne pas les mettre en colère. Dans ce monde si dangereux et inhospitalier, les traditions et les superstitions passent au niveau de règles très strictes. Si on ne les respecte pas, on se met en danger, bêtement. Et donc on est puni, et par la mort le plus souvent. De Pierre et d'Os, c'est aussi une histoire sur le pouvoir des communautés, le pouvoir du collectif, du ensemble. Les chances de survie sont assez minces pour Ursuralic, car elle est toute seule. Mais pourtant, elle va s'accrocher à ses chances, comme le lui a ordonné l'esprit qu'elle a rencontré, et sa détermination va payer, parce qu'elle finit par tomber sur une de ses communautés. Elle y est accueillie, mais pas totalement en sécurité, parce qu'elle doit faire ses preuves et se montrer utile. Ce qu'elle fait. Ours oralique n'est qu'au début de sa vie. Elle va encore grandir, encore apprendre. Dans ce monde si dur et si cruel, au sein de ces communautés qui sont finalement extrêmement soudées, on trouve tout de même des êtres qui sont mauvais, qui sont égoïstes, jaloux, comme dans notre vie à nous finalement. Mais on trouve aussi des amis fidèles, des amants loyaux, des sœurs et des frères d'âme, des sœurs et des frères de vie. Les liens de sang sont importants, mais les liens de... cœur le sont tout autant. Quand une vie s'éteint, elle se réincarne dans un nouveau-né de la communauté. Ainsi, quand la grand-mère de quelqu'un meurt, elle va se réincarner dans la fille de quelqu'un d'autre. Et des liens spirituels sont créés de cette façon, et viennent encore renforcer les relations étroites entre les familles déjà existantes. Les liens sont encore renforcés par des chants, à la fois poétiques et crus, à la fois simples et puissants. Ces chants rythment le roman, et crée des liens entre les lecteurices et ces communautés. Il nous implique finalement au sein même de cette vie si dure et si forte. L'histoire derrière de Pierre et d'Oss, elle souligne aussi le pouvoir des femmes. Dans ce monde, les femmes possèdent le plus grand des pouvoirs. En fait, je devrais dire dans le monde en général. C'est un pouvoir que tout le monde connaît, que tout le monde voit, mais qu'il est facile d'oublier, de prétendre oublier, voire d'étouffer. Le pouvoir des femmes, c'est que ce sont des femmes. Ce sont elles qui possèdent et qui contrôlent le flux de la vie. Ce pouvoir, elles-mêmes l'ignorent au début de leur vie, et elles le découvrent petit à petit, progressivement ou bien brutalement, comme Oursouralik. Ce pouvoir va donner à Oursouralik la clé de l'univers, et va aussi lui permettre non seulement de survivre, mais de vivre, et de réussir à se faire une place au sein de la communauté des Inuits, et aussi un nom. On n'a pas parlé des noms, mais les noms sont aussi porteurs de sens et de pouvoir. Chaque humain possède un nom, mais aussi chaque esprit, chaque animal, chaque lieu. Et donc chaque chose ainsi nommée possède son propre pouvoir. Dans ces endroits désertiques et gelés, où la vie est un combat permanent, où le danger est toujours présent, où il serait si facile de se rouler en boule et de se laisser aller au sommeil, et donc à la mort, ces femmes, ces hommes, ces enfants se battent. Et ce combat, c'est leur vie. Une vie dure, certes, mais une vie qui a du sens. De Pierre et d'Os, c'est un roman bouleversant, une leçon d'humilité, une leçon de vie aussi, une leçon de nature et d'espoir. De Pierre et d'Os a reçu le prix du roman FNAC en 2019 et le prix Libre à nous en 2020. Et si vous n'avez pas peur d'être ébloui par des aurores boréales, si vous aimez les légendes, si vous aimez aussi avoir chaud au cœur, alors lisez De Pierre et d'Os. de Bérangère Cournue aux éditions Le Tripode. Merci de m'avoir écoutée jusqu'au bout. Si vous avez passé un bon moment, dites-le moi. Dites-le aussi à votre plateforme d'écoute et n'hésitez pas à partager le podcast avec d'autres amoureux et amoureuses des moules. A bientôt !

  • Speaker #0

    Merci.

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