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Inky et Peete se livrent - le podcast lecture qui donne voix aux premiers mots d’un livre

Les Essaims, de Chloé Chevalier

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16min |03/10/2025
Play
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16min |03/10/2025
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Description

Connaissez-vous Tenyka, la conductrice de Reine ?

✨🚀🪐

Tenyka conduit sa Reine, son vaisseau, dans le système Texi-221. Là, elles vont trouver trois planètes habitables, mais une seule effectivement habitée. Voilà qui est curieux. Tanika doit descendre de toute façon. Alors tant qu'à faire, elle va essayer de comprendre pourquoi, et découvrir une manière tout à fait unique de s'organiser en société, dans le respect de son écosystème.


📚 Références :

titre : Les Essaims

autrice : Chloé Chevalier

couverture : David Adrien

éditeur : Robert Laffont

site : https://www.lisez.com/ailleurs-et-demain

à partir de 14 ans


🎙️ Au micro : Mafalda Vidal


🫶🏻 Abonnez-vous pour ne manquer aucun incipit !

Et si cet incipit vous a plu, n'hésitez pas à laisser une note et un commentaire sur Apple Podcast, Deezer ou votre plateforme d'écoute ! Ainsi, ces incipits arriveront dans les oreilles d'autres amoureuses et amoureux des belles histoires (et cela donnera aussi de la force à Inky, Peete et moi pour continuer à vous parler de nos lectures).


🙀😻 Et retrouvez Inky et Peete sur Instagram.


Hébergé par Ausha. Visitez ausha.co/politique-de-confidentialite pour plus d'informations.

Transcription

  • Speaker #0

    Jachère, nom féminin. La jachère est l'ensemble des pratiques agricoles de printemps et d'été préparant l'ensemencement d'une céréale d'automne. Elle a souvent été appelée « repos de la terre » , terme doublement ambigu, d'une part parce qu'il s'appliquait à la friche enherbée, d'autre part parce que cette terre en sommeil était intensément travaillée. Chapitre 1. Les éternités du vide. À l'orée de sa conscience diluée, un bruissement. Pas une alerte encore, mais un signal ténu. Ténica cligne des paupières. Ses pupilles se contractent. Son regard se rapproche, se fixe, sur la structure qui l'entoure, puis sur elle-même. Maintenant, elle sait, tout autant qu'elle sent, sa reine des croix. Ténica va devoir s'extraire de sa torpeur, quitter des yeux le vide, trouver un sol ferme à fouler. effectuer une brève halse dans son périple à travers la galaxie, avant que son esprit ne se détisse tout à fait dans l'infini du temps voyage et que, dans l'arène, la matière pourpre se volatilise. Ses pensées, déjà, accélèrent son souffle comme son cœur. La langueur se dissipe. Ténica effectue un premier geste. Une main se lève, un pied pousse. Elle se laisse flotter, sans hâte encore, jusqu'aux écrans où les données confirment son intuition. Le contenu de la reine s'étiole. Les outils de bord du vaisseau d'Essémage lui indiquent un système où diriger son vol. Le temps voyage pour l'atteindre est encore long, mais cette simple perspective stimule Ténica. Un changement. De quoi ancrer sa conscience dans la réalité qui l'entoure. Depuis qu'elle a cessé de contempler le vide qui les aspire, elle et sa reine, cette dernière frissonne. Une douce vibration d'éveil. Bientôt, elle pourra croître à nouveau. avec la volonté méticuleuse qui la caractérise. Avant de faire escale, Ténica doit se préparer, ranimer son corps et son esprit, préparer l'un au sol, l'autre à la parole. En elle, ces deux contraintes se confondent, car les mots lui sont lourds. Même si la matière pourpre la préserve des effets de l'impesanteur, que ses muscles ne se sont pas atrophiés, ni ses os dissous, il lui faut réinstaller en elle la pétance du mouvement. Sanglée au tapis défilant, elle réapprend la marche tandis que, sur un écran, s'affichent les données du système qu'elles approchent. Kaoni, Mourzou et Tzapira sont habitables. Deux planètes et une lune abritant la vie humaine dans un même système solaire, c'est beaucoup. La reine Texie, si elle les sème rarement, se montre souvent féconde. Tenika a demandé aux outils d'actualiser leurs connaissances. Les dernières nouvelles parviennent à la reine. alors qu'elle a déjà déployé ses ailes d'or pour entamer sa décélération. Les planètes Kaoni et Mourzou, proches l'une de l'autre, sont aisément visibles à l'œil nu, baignées par la lumière de l'étoile Texi 221. D'après les mises à jour, Mourzou ne serait en réalité plus habitée depuis 51 années glorieuses, même si elle accueille toujours une vie animale et végétale luxuriante. Aucune catastrophe planétaire connue ne vient expliquer cette désertion complète. L'essentiel de la population humaine du système, plus de 90%, est rassemblé sur Kaoni. Les 10% restants demeurent sur le satellite Tzapira. Les outils avertissent Ténika d'une activité orbitale extrême autour de Kaoni, où elle dirige sa reine. Aussi, leur recommande-t-elle de solliciter dès maintenant une autorisation de positionnement. Même si ce système emploie comme elle la commune glorienne, Ténika ne se sent pas encore prête à ouvrir la bouche. Elle n'a parlé à personne depuis... Elle ne sait même pas si les muscles de sa langue et de ses lèvres sont encore capables de former des sons. Pour s'entraîner, elle lance un outil vocal. K, K, K, T, T, T, L, L, L. Reproduisant les exemples qu'on lui fournit, elle forme des séries de syllabes, réapprend à les accentuer. Puis elle est liée les unes aux autres. Peu à peu, les mots reviennent. Pourquoi ont-ils tous quitté Mourzou ? La curiosité chatouille la conductrice. Dans ses membres, tandis qu'elle court sur le tapis, le besoin du sol se fait sentir, en un fourmillement discret, où se mêlent excitation et effroi. Autour d'elle, la reine frissonne de nouveau, enveloppant sa conductrice d'une tendre onde de joie. Un globe rouge et vert pâle striés de sillons bleus, des fleuves larges comme des mers, remplit toute la géode de l'arène. Les facettes, sous la tête de commande, découpent la planète en autant de fragments. Kaoni. Même à cette distance, la conductrice perçoit l'activité fourmillante des orbites basses. Des centaines de points gris-blancs ceinturent la planète en surplomb de l'équateur, formant une ligne presque continue. Même si la conductrice n'en perçoit pas l'échelle exacte, elle devine des vaisseaux immenses. comparable à ceux qui transportent les essaims à travers les éternités du vide. Pour autant, aucun n'atteint, aucun ne se compare au gigantisme céleste de sa reine. Quand la citerne passera entre l'étoile et la planète, elle imprimera son ombre sur Kaoni. Tenika se détourne et se propulse hors de la géode, loin de Kaoni, loin des facettes transparentes qui laissent filtrer sa luminescence rougeâtre. Elle vole jusqu'aux entrailles nocturnes de la reine. Lors de leur balayage, les outils ont récolté quelques œufs, messages pondus dans le vide par les conducteurs des autres reines. La conductrice souhaite ouvrir au moins l'un d'eux avant d'entamer sa descente, pour se donner du courage. Ponte pour le vide. Rêve. J'ai revu gloire en songe, sa verdeur restaurée par le départ des essaims. J'orbitais à 450 MP, si proche. Je ne voyais pas la lune, j'ignorais pourquoi, mais ma reine me répétait. qu'elle luisait rose dans sa course. Je voulais descendre sur gloire pour récupérer un objet oublié, mais je ne savais pas de quoi il s'agissait au juste, ni où il se trouvait. L'idée de mon départ inquiétait ma reine, et dans la citerne, la matière pourpre menaçait de cristalliser, si bien que je renonçais à la descente et repartais en voyage. Alors que l'on s'éloignait, j'apercevais enfin la lune. Elle avait quitté son orbite et elle s'enfuyait, loin de gloire, vers les éternités du vide. L'angoisse du temps passé rodait autour de moi et pourtant, je ne me sentais pas inquiète. Je me suis réveillée bien après le début de la période du Rhône et les outils m'ont informé que ma reine était pleine, qu'il fallait essaimer. Mais cela, je le sentais déjà. Conducteur d'Oss Ringas pour le 547e essaimage de la reine Balsès.

  • Speaker #1

    Vous écoutez Inky et Pete se livre, le podcast lecture en 15 minutes. à peu près, qui donne vie et voix aux premiers mots d'un livre et vous donne envie de découvrir les suivants. Ou pas. Je suis Mafalda Vidal, amoureuse des jolis mots et des belles histoires. Vous venez d'écouter Linky Pit de Les Essains, lu et écrit par Chloé Chevalier, publié aux éditions Robert Laffont dans la collection Ailleurs et Demain en 2024. L'histoire des Essens, c'est l'histoire de Ténika. Ténika, c'est une conductrice de reines. Les reines sont des énormes vaisseaux qui parcourent la galaxie pour essaimer la vie humaine. Ténika va donc conduire sa reine et va se retrouver dans le système Texi 221. Et elle va se trouver devant une situation plutôt inhabituelle. Dans ce système, il y a deux planètes et une lune qui sont habitables, mais les activités humaines sont principalement sur une seule de ces planètes. et les deux autres sont comme abandonnées. Elle va donc se poser sur la planète avec le plus d'activité humaine, et se retrouver en pleine rotation. Je vous explique ce que c'est que la rotation juste après. Dans cette histoire, on a en fait trois niveaux, trois échelles d'histoire. On a d'abord l'échelle galactique, puisque Ténica conduit sa reine à travers le vide interspatial. On a aussi un niveau planétaire, puisqu'elle va s'arrêter dans le système Texie et vivre une rotation. Toujours pareil, je vous explique tout à l'heure. Et on a aussi une échelle humaine, puisque les relations humaines, et aussi les non-relations, sont au cœur de tout. Et chaque niveau va révéler des liens, des relations, que l'être humain tisse sans cesse autour de lui, où qu'il soit. Et ces différents niveaux, ces différentes échelles, vont dialoguer pour notre plus grand plaisir. On va s'intéresser aux relations que tisse l'humain avec son environnement d'abord. Et ces relations-là, on peut les appeler écologie, tout simplement. On sait tous et toutes à peu près comment fonctionne le système de la jachère. Et une courte définition de ce mot ouvre le roman. Vous l'avez entendu dans l'Inquipit. La terre en jachère est donc une terre qui se repose. Mais en réalité, ce repos n'est pas de tout travail, comme qui dirait. Pour faire simple, la terre en jachère est en fait labourée plusieurs fois à vide pour la nettoyer de ses impuretés et la préparer pour le prochain ensemencement. Mais là où ça devient intéressant, c'est que ce système de jachère sous-entend une rotation, qui implique que ce n'est pas toujours la même terre qui est en jachère. et que c'est chacune son tour, pour récupérer, pour respirer, pour pouvoir repartir sur de bonnes bases sans s'épuiser complètement. Vous noterez le parallèle avec l'être humain et le concept de vacances, qu'on néglige trop souvent. Donc ce système de rotation, quand il est appliqué à un système solaire, ça donne le système de Texi 221. Tous les 50 ans, les humains changent de planète. Ils quittent tous leur planète pour que cette planète puisse se reposer, se régénérer. et accueillir à nouveau la vie, le monde et la société 100 ans plus tard. Intéressons-nous à cette société, puisque cette société finalement, c'est le résultat de toutes les relations entre humains. Et toute la société s'est construite et organisée autour de ces rotations, dans ce système de Texi 221. Donc ces migrations humaines volontaires de masse. La relation de ces humains à leurs trois terres prend une place énorme dans leur vie. On ne parle pas d'un simple déménagement, on parle de changer de planète. Ce qui va forcément avoir des conséquences sur leur relation entre eux, parce que chacun et chacune est libre de s'installer où il veut pendant cette rotation, et de devenir ce qu'elle ou il veut. Et comment faire si on ne veut pas la même chose ? Et comment faire si on doit se séparer après des fois plus de 50 ans de vie commune ? Comment faire pour laisser nos animaux derrière nous, parce que seuls les humains sont autorisés à migrer ? Et puis, comme dans chaque voyage, il y a toujours ceux qui refusent de partir, qui se cachent, et qu'on est forcé d'abandonner. C'est triste, mais pour les habitants du système Texi, c'est le cycle naturel de la vie. C'est normal. Tenika va débarquer pendant l'une de ces migrations, qu'on appelle donc rotation. Elle va être accueillie, bien sûr, mais avec l'idée qu'il ne faudrait pas qu'elle reste trop longtemps quand même, parce que tout le monde part dans quelques jours. Elle va faire la rencontre d'une famille, avec des personnes âgées, d'autres plus jeunes. Elle va les observer sans jugement, mais avec curiosité, car eux sont très ancrés dans la vie et dans leurs préoccupations pratico-pratiques, quotidiennes, matérielles, alors que elle, pas du tout. La condition de Ténica est un peu particulière, parce qu'il faut être un peu particulier pour être conducteur ou conductrice de rennes, donc de vaisseaux spatiaux. Ce n'est pas pour tout le monde. Ténika est introvertie, solitaire, à part. Elle a peu de relations avec les autres humains et en fait les contacts humains ne lui manquent pas. Ils ne sont pas essentiels pour elle. Pourtant, son vaisseau a besoin d'avoir une humaine à son bord, une sorte de modèle pour pouvoir remplir sa mission et distribuer la vie. Donc Ténika est forcée de se recharger en humanité régulièrement pour nourrir sa reine et se nourrir elle aussi et continuer d'être humaine. pour éviter de devenir ce vide dans lequel elle voyage, ce vide où le temps n'existe pas. Et là, on va pouvoir interroger les relations que les humains créent et entretiennent avec le temps. Et là se pose une question intéressante, parce que sans le temps, est-ce qu'on est encore humain ? Dans les esseins, le temps est décrit comme une sensation similaire à la faim ou à la fatigue. On ne se rend vraiment compte de la présence de la faim. que quand on a de nouveau faim, pas quand on est repu. On ne se rend compte qu'on est fatigué que quand on est de nouveau fatigué. Sous-entendu, il faut des moments où on n'a pas faim, où on n'est pas fatigué, pour ressentir la faim ou la fatigue. Alors nous, humains, le temps, on le connaît. Quelle que soit notre relation avec lui, qu'on en ait parfois trop ou bien jamais assez, on le vit, on l'expérimente en permanence. On a donc du mal, en tout cas moi j'ai beaucoup de mal, à imaginer un état où le temps n'existerait pas. Donc un état où on serait sorti du temps et d'un autre état où on y rentrerait à nouveau. Et donc en fait, comparer ce retour du temps au retour de la faim, c'est très parlant. Grosse pensée et force aux parents qui connaissent un état de fatigue permanent et ont peut-être oublié ce qu'est cet état de non-fatigue. On se sait et courage, il paraît que ça passe. Quand Enika voyage dans l'espace, le temps n'existe plus, mais les planètes. le système Texi, tout ça, c'est dans l'espace. Donc, ces planètes sont aussi hors du temps. Ce qui les inclut dans le temps, c'est la présence des humains, d'une société, quelle que soit sa forme. Et donc, il faut que Ténica se plonge à nouveau dans la société, qu'elle côtoie des personnes qui vivent et qui construisent leur vie et qui construisent des souvenirs qui sont basés sur le temps qui passe pour réaliser que le temps existe et se réhabituer à sa présence et à recréer une relation avec lui. Et finalement, la relation avec le temps, c'est les souvenirs. Est-ce que ça sera une relation sereine ou pas ? Et donc en conséquence, est-ce que ce sera des souvenirs heureux qui seront créés, ou bien des regrets, des remords ? Les souvenirs nous construisent en tant qu'individus, mais un souvenir finalement. C'est un moment dans le temps, cristallisé. Si on enlève le temps, les souvenirs restent-ils aussi importants ? Ont-ils toujours le même effet ? Ou bien est-ce qu'ils deviennent des sortes de rêves désincarnés ? Des sortes d'œufs qu'on pourrait semer et récolter, comme dans l'Inkipit. Et que se passerait-il si un humain qui ne ressemble pas à Ténika Un humain avec des souvenirs, des envies, des projets, des relations avec son environnement, quel qu'il soit, qu'est-ce qu'il se passerait si cet humain était privé de temps ? Pour avoir les réponses à ces questions, c'est très simple, il suffit de lire les esseins. Il y a un autre point dont je ne peux pas ne pas parler à propos de ce roman, c'est la plume de Chloé Chevalier. Elle parvient, avec une facilité déconcertante, à transformer la science dure en poésie. plaisir de se laisser emporter par la mélodie de ses mots. Et aussi, un argument de plus, Les Essains a reçu le Grand Prix de l'imaginaire, catégorie Nouvelle, en 2025. Donc, si vous aimez voyager, si vous aimez découvrir de nouvelles cultures, rencontrer de nouvelles personnes, si vous n'avez pas peur de vous perdre dans des lieux où le temps n'existe plus, alors lisez Les Essains, de Chloé Chevalier, aux éditions Robert Laffont, dans la collection Ailleurs et Demain. Merci de m'avoir écoutée jusqu'au bout. Si vous avez passé un bon moment, dites-le moi. Dites-le aussi à votre plateforme d'écoute. Et n'hésitez pas à partager le podcast avec d'autres amoureux et amoureuses des mots. A bientôt.

Chapters

  • Incipit des Essaims, écrit pas Chloé Chevalier, lu par l'autrice

    00:00

  • Pourquoi lire Les Essaims, de Chloé Chevalier ?

    07:21

Description

Connaissez-vous Tenyka, la conductrice de Reine ?

✨🚀🪐

Tenyka conduit sa Reine, son vaisseau, dans le système Texi-221. Là, elles vont trouver trois planètes habitables, mais une seule effectivement habitée. Voilà qui est curieux. Tanika doit descendre de toute façon. Alors tant qu'à faire, elle va essayer de comprendre pourquoi, et découvrir une manière tout à fait unique de s'organiser en société, dans le respect de son écosystème.


📚 Références :

titre : Les Essaims

autrice : Chloé Chevalier

couverture : David Adrien

éditeur : Robert Laffont

site : https://www.lisez.com/ailleurs-et-demain

à partir de 14 ans


🎙️ Au micro : Mafalda Vidal


🫶🏻 Abonnez-vous pour ne manquer aucun incipit !

Et si cet incipit vous a plu, n'hésitez pas à laisser une note et un commentaire sur Apple Podcast, Deezer ou votre plateforme d'écoute ! Ainsi, ces incipits arriveront dans les oreilles d'autres amoureuses et amoureux des belles histoires (et cela donnera aussi de la force à Inky, Peete et moi pour continuer à vous parler de nos lectures).


🙀😻 Et retrouvez Inky et Peete sur Instagram.


Hébergé par Ausha. Visitez ausha.co/politique-de-confidentialite pour plus d'informations.

Transcription

  • Speaker #0

    Jachère, nom féminin. La jachère est l'ensemble des pratiques agricoles de printemps et d'été préparant l'ensemencement d'une céréale d'automne. Elle a souvent été appelée « repos de la terre » , terme doublement ambigu, d'une part parce qu'il s'appliquait à la friche enherbée, d'autre part parce que cette terre en sommeil était intensément travaillée. Chapitre 1. Les éternités du vide. À l'orée de sa conscience diluée, un bruissement. Pas une alerte encore, mais un signal ténu. Ténica cligne des paupières. Ses pupilles se contractent. Son regard se rapproche, se fixe, sur la structure qui l'entoure, puis sur elle-même. Maintenant, elle sait, tout autant qu'elle sent, sa reine des croix. Ténica va devoir s'extraire de sa torpeur, quitter des yeux le vide, trouver un sol ferme à fouler. effectuer une brève halse dans son périple à travers la galaxie, avant que son esprit ne se détisse tout à fait dans l'infini du temps voyage et que, dans l'arène, la matière pourpre se volatilise. Ses pensées, déjà, accélèrent son souffle comme son cœur. La langueur se dissipe. Ténica effectue un premier geste. Une main se lève, un pied pousse. Elle se laisse flotter, sans hâte encore, jusqu'aux écrans où les données confirment son intuition. Le contenu de la reine s'étiole. Les outils de bord du vaisseau d'Essémage lui indiquent un système où diriger son vol. Le temps voyage pour l'atteindre est encore long, mais cette simple perspective stimule Ténica. Un changement. De quoi ancrer sa conscience dans la réalité qui l'entoure. Depuis qu'elle a cessé de contempler le vide qui les aspire, elle et sa reine, cette dernière frissonne. Une douce vibration d'éveil. Bientôt, elle pourra croître à nouveau. avec la volonté méticuleuse qui la caractérise. Avant de faire escale, Ténica doit se préparer, ranimer son corps et son esprit, préparer l'un au sol, l'autre à la parole. En elle, ces deux contraintes se confondent, car les mots lui sont lourds. Même si la matière pourpre la préserve des effets de l'impesanteur, que ses muscles ne se sont pas atrophiés, ni ses os dissous, il lui faut réinstaller en elle la pétance du mouvement. Sanglée au tapis défilant, elle réapprend la marche tandis que, sur un écran, s'affichent les données du système qu'elles approchent. Kaoni, Mourzou et Tzapira sont habitables. Deux planètes et une lune abritant la vie humaine dans un même système solaire, c'est beaucoup. La reine Texie, si elle les sème rarement, se montre souvent féconde. Tenika a demandé aux outils d'actualiser leurs connaissances. Les dernières nouvelles parviennent à la reine. alors qu'elle a déjà déployé ses ailes d'or pour entamer sa décélération. Les planètes Kaoni et Mourzou, proches l'une de l'autre, sont aisément visibles à l'œil nu, baignées par la lumière de l'étoile Texi 221. D'après les mises à jour, Mourzou ne serait en réalité plus habitée depuis 51 années glorieuses, même si elle accueille toujours une vie animale et végétale luxuriante. Aucune catastrophe planétaire connue ne vient expliquer cette désertion complète. L'essentiel de la population humaine du système, plus de 90%, est rassemblé sur Kaoni. Les 10% restants demeurent sur le satellite Tzapira. Les outils avertissent Ténika d'une activité orbitale extrême autour de Kaoni, où elle dirige sa reine. Aussi, leur recommande-t-elle de solliciter dès maintenant une autorisation de positionnement. Même si ce système emploie comme elle la commune glorienne, Ténika ne se sent pas encore prête à ouvrir la bouche. Elle n'a parlé à personne depuis... Elle ne sait même pas si les muscles de sa langue et de ses lèvres sont encore capables de former des sons. Pour s'entraîner, elle lance un outil vocal. K, K, K, T, T, T, L, L, L. Reproduisant les exemples qu'on lui fournit, elle forme des séries de syllabes, réapprend à les accentuer. Puis elle est liée les unes aux autres. Peu à peu, les mots reviennent. Pourquoi ont-ils tous quitté Mourzou ? La curiosité chatouille la conductrice. Dans ses membres, tandis qu'elle court sur le tapis, le besoin du sol se fait sentir, en un fourmillement discret, où se mêlent excitation et effroi. Autour d'elle, la reine frissonne de nouveau, enveloppant sa conductrice d'une tendre onde de joie. Un globe rouge et vert pâle striés de sillons bleus, des fleuves larges comme des mers, remplit toute la géode de l'arène. Les facettes, sous la tête de commande, découpent la planète en autant de fragments. Kaoni. Même à cette distance, la conductrice perçoit l'activité fourmillante des orbites basses. Des centaines de points gris-blancs ceinturent la planète en surplomb de l'équateur, formant une ligne presque continue. Même si la conductrice n'en perçoit pas l'échelle exacte, elle devine des vaisseaux immenses. comparable à ceux qui transportent les essaims à travers les éternités du vide. Pour autant, aucun n'atteint, aucun ne se compare au gigantisme céleste de sa reine. Quand la citerne passera entre l'étoile et la planète, elle imprimera son ombre sur Kaoni. Tenika se détourne et se propulse hors de la géode, loin de Kaoni, loin des facettes transparentes qui laissent filtrer sa luminescence rougeâtre. Elle vole jusqu'aux entrailles nocturnes de la reine. Lors de leur balayage, les outils ont récolté quelques œufs, messages pondus dans le vide par les conducteurs des autres reines. La conductrice souhaite ouvrir au moins l'un d'eux avant d'entamer sa descente, pour se donner du courage. Ponte pour le vide. Rêve. J'ai revu gloire en songe, sa verdeur restaurée par le départ des essaims. J'orbitais à 450 MP, si proche. Je ne voyais pas la lune, j'ignorais pourquoi, mais ma reine me répétait. qu'elle luisait rose dans sa course. Je voulais descendre sur gloire pour récupérer un objet oublié, mais je ne savais pas de quoi il s'agissait au juste, ni où il se trouvait. L'idée de mon départ inquiétait ma reine, et dans la citerne, la matière pourpre menaçait de cristalliser, si bien que je renonçais à la descente et repartais en voyage. Alors que l'on s'éloignait, j'apercevais enfin la lune. Elle avait quitté son orbite et elle s'enfuyait, loin de gloire, vers les éternités du vide. L'angoisse du temps passé rodait autour de moi et pourtant, je ne me sentais pas inquiète. Je me suis réveillée bien après le début de la période du Rhône et les outils m'ont informé que ma reine était pleine, qu'il fallait essaimer. Mais cela, je le sentais déjà. Conducteur d'Oss Ringas pour le 547e essaimage de la reine Balsès.

  • Speaker #1

    Vous écoutez Inky et Pete se livre, le podcast lecture en 15 minutes. à peu près, qui donne vie et voix aux premiers mots d'un livre et vous donne envie de découvrir les suivants. Ou pas. Je suis Mafalda Vidal, amoureuse des jolis mots et des belles histoires. Vous venez d'écouter Linky Pit de Les Essains, lu et écrit par Chloé Chevalier, publié aux éditions Robert Laffont dans la collection Ailleurs et Demain en 2024. L'histoire des Essens, c'est l'histoire de Ténika. Ténika, c'est une conductrice de reines. Les reines sont des énormes vaisseaux qui parcourent la galaxie pour essaimer la vie humaine. Ténika va donc conduire sa reine et va se retrouver dans le système Texi 221. Et elle va se trouver devant une situation plutôt inhabituelle. Dans ce système, il y a deux planètes et une lune qui sont habitables, mais les activités humaines sont principalement sur une seule de ces planètes. et les deux autres sont comme abandonnées. Elle va donc se poser sur la planète avec le plus d'activité humaine, et se retrouver en pleine rotation. Je vous explique ce que c'est que la rotation juste après. Dans cette histoire, on a en fait trois niveaux, trois échelles d'histoire. On a d'abord l'échelle galactique, puisque Ténica conduit sa reine à travers le vide interspatial. On a aussi un niveau planétaire, puisqu'elle va s'arrêter dans le système Texie et vivre une rotation. Toujours pareil, je vous explique tout à l'heure. Et on a aussi une échelle humaine, puisque les relations humaines, et aussi les non-relations, sont au cœur de tout. Et chaque niveau va révéler des liens, des relations, que l'être humain tisse sans cesse autour de lui, où qu'il soit. Et ces différents niveaux, ces différentes échelles, vont dialoguer pour notre plus grand plaisir. On va s'intéresser aux relations que tisse l'humain avec son environnement d'abord. Et ces relations-là, on peut les appeler écologie, tout simplement. On sait tous et toutes à peu près comment fonctionne le système de la jachère. Et une courte définition de ce mot ouvre le roman. Vous l'avez entendu dans l'Inquipit. La terre en jachère est donc une terre qui se repose. Mais en réalité, ce repos n'est pas de tout travail, comme qui dirait. Pour faire simple, la terre en jachère est en fait labourée plusieurs fois à vide pour la nettoyer de ses impuretés et la préparer pour le prochain ensemencement. Mais là où ça devient intéressant, c'est que ce système de jachère sous-entend une rotation, qui implique que ce n'est pas toujours la même terre qui est en jachère. et que c'est chacune son tour, pour récupérer, pour respirer, pour pouvoir repartir sur de bonnes bases sans s'épuiser complètement. Vous noterez le parallèle avec l'être humain et le concept de vacances, qu'on néglige trop souvent. Donc ce système de rotation, quand il est appliqué à un système solaire, ça donne le système de Texi 221. Tous les 50 ans, les humains changent de planète. Ils quittent tous leur planète pour que cette planète puisse se reposer, se régénérer. et accueillir à nouveau la vie, le monde et la société 100 ans plus tard. Intéressons-nous à cette société, puisque cette société finalement, c'est le résultat de toutes les relations entre humains. Et toute la société s'est construite et organisée autour de ces rotations, dans ce système de Texi 221. Donc ces migrations humaines volontaires de masse. La relation de ces humains à leurs trois terres prend une place énorme dans leur vie. On ne parle pas d'un simple déménagement, on parle de changer de planète. Ce qui va forcément avoir des conséquences sur leur relation entre eux, parce que chacun et chacune est libre de s'installer où il veut pendant cette rotation, et de devenir ce qu'elle ou il veut. Et comment faire si on ne veut pas la même chose ? Et comment faire si on doit se séparer après des fois plus de 50 ans de vie commune ? Comment faire pour laisser nos animaux derrière nous, parce que seuls les humains sont autorisés à migrer ? Et puis, comme dans chaque voyage, il y a toujours ceux qui refusent de partir, qui se cachent, et qu'on est forcé d'abandonner. C'est triste, mais pour les habitants du système Texi, c'est le cycle naturel de la vie. C'est normal. Tenika va débarquer pendant l'une de ces migrations, qu'on appelle donc rotation. Elle va être accueillie, bien sûr, mais avec l'idée qu'il ne faudrait pas qu'elle reste trop longtemps quand même, parce que tout le monde part dans quelques jours. Elle va faire la rencontre d'une famille, avec des personnes âgées, d'autres plus jeunes. Elle va les observer sans jugement, mais avec curiosité, car eux sont très ancrés dans la vie et dans leurs préoccupations pratico-pratiques, quotidiennes, matérielles, alors que elle, pas du tout. La condition de Ténica est un peu particulière, parce qu'il faut être un peu particulier pour être conducteur ou conductrice de rennes, donc de vaisseaux spatiaux. Ce n'est pas pour tout le monde. Ténika est introvertie, solitaire, à part. Elle a peu de relations avec les autres humains et en fait les contacts humains ne lui manquent pas. Ils ne sont pas essentiels pour elle. Pourtant, son vaisseau a besoin d'avoir une humaine à son bord, une sorte de modèle pour pouvoir remplir sa mission et distribuer la vie. Donc Ténika est forcée de se recharger en humanité régulièrement pour nourrir sa reine et se nourrir elle aussi et continuer d'être humaine. pour éviter de devenir ce vide dans lequel elle voyage, ce vide où le temps n'existe pas. Et là, on va pouvoir interroger les relations que les humains créent et entretiennent avec le temps. Et là se pose une question intéressante, parce que sans le temps, est-ce qu'on est encore humain ? Dans les esseins, le temps est décrit comme une sensation similaire à la faim ou à la fatigue. On ne se rend vraiment compte de la présence de la faim. que quand on a de nouveau faim, pas quand on est repu. On ne se rend compte qu'on est fatigué que quand on est de nouveau fatigué. Sous-entendu, il faut des moments où on n'a pas faim, où on n'est pas fatigué, pour ressentir la faim ou la fatigue. Alors nous, humains, le temps, on le connaît. Quelle que soit notre relation avec lui, qu'on en ait parfois trop ou bien jamais assez, on le vit, on l'expérimente en permanence. On a donc du mal, en tout cas moi j'ai beaucoup de mal, à imaginer un état où le temps n'existerait pas. Donc un état où on serait sorti du temps et d'un autre état où on y rentrerait à nouveau. Et donc en fait, comparer ce retour du temps au retour de la faim, c'est très parlant. Grosse pensée et force aux parents qui connaissent un état de fatigue permanent et ont peut-être oublié ce qu'est cet état de non-fatigue. On se sait et courage, il paraît que ça passe. Quand Enika voyage dans l'espace, le temps n'existe plus, mais les planètes. le système Texi, tout ça, c'est dans l'espace. Donc, ces planètes sont aussi hors du temps. Ce qui les inclut dans le temps, c'est la présence des humains, d'une société, quelle que soit sa forme. Et donc, il faut que Ténica se plonge à nouveau dans la société, qu'elle côtoie des personnes qui vivent et qui construisent leur vie et qui construisent des souvenirs qui sont basés sur le temps qui passe pour réaliser que le temps existe et se réhabituer à sa présence et à recréer une relation avec lui. Et finalement, la relation avec le temps, c'est les souvenirs. Est-ce que ça sera une relation sereine ou pas ? Et donc en conséquence, est-ce que ce sera des souvenirs heureux qui seront créés, ou bien des regrets, des remords ? Les souvenirs nous construisent en tant qu'individus, mais un souvenir finalement. C'est un moment dans le temps, cristallisé. Si on enlève le temps, les souvenirs restent-ils aussi importants ? Ont-ils toujours le même effet ? Ou bien est-ce qu'ils deviennent des sortes de rêves désincarnés ? Des sortes d'œufs qu'on pourrait semer et récolter, comme dans l'Inkipit. Et que se passerait-il si un humain qui ne ressemble pas à Ténika Un humain avec des souvenirs, des envies, des projets, des relations avec son environnement, quel qu'il soit, qu'est-ce qu'il se passerait si cet humain était privé de temps ? Pour avoir les réponses à ces questions, c'est très simple, il suffit de lire les esseins. Il y a un autre point dont je ne peux pas ne pas parler à propos de ce roman, c'est la plume de Chloé Chevalier. Elle parvient, avec une facilité déconcertante, à transformer la science dure en poésie. plaisir de se laisser emporter par la mélodie de ses mots. Et aussi, un argument de plus, Les Essains a reçu le Grand Prix de l'imaginaire, catégorie Nouvelle, en 2025. Donc, si vous aimez voyager, si vous aimez découvrir de nouvelles cultures, rencontrer de nouvelles personnes, si vous n'avez pas peur de vous perdre dans des lieux où le temps n'existe plus, alors lisez Les Essains, de Chloé Chevalier, aux éditions Robert Laffont, dans la collection Ailleurs et Demain. Merci de m'avoir écoutée jusqu'au bout. Si vous avez passé un bon moment, dites-le moi. Dites-le aussi à votre plateforme d'écoute. Et n'hésitez pas à partager le podcast avec d'autres amoureux et amoureuses des mots. A bientôt.

Chapters

  • Incipit des Essaims, écrit pas Chloé Chevalier, lu par l'autrice

    00:00

  • Pourquoi lire Les Essaims, de Chloé Chevalier ?

    07:21

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Description

Connaissez-vous Tenyka, la conductrice de Reine ?

✨🚀🪐

Tenyka conduit sa Reine, son vaisseau, dans le système Texi-221. Là, elles vont trouver trois planètes habitables, mais une seule effectivement habitée. Voilà qui est curieux. Tanika doit descendre de toute façon. Alors tant qu'à faire, elle va essayer de comprendre pourquoi, et découvrir une manière tout à fait unique de s'organiser en société, dans le respect de son écosystème.


📚 Références :

titre : Les Essaims

autrice : Chloé Chevalier

couverture : David Adrien

éditeur : Robert Laffont

site : https://www.lisez.com/ailleurs-et-demain

à partir de 14 ans


🎙️ Au micro : Mafalda Vidal


🫶🏻 Abonnez-vous pour ne manquer aucun incipit !

Et si cet incipit vous a plu, n'hésitez pas à laisser une note et un commentaire sur Apple Podcast, Deezer ou votre plateforme d'écoute ! Ainsi, ces incipits arriveront dans les oreilles d'autres amoureuses et amoureux des belles histoires (et cela donnera aussi de la force à Inky, Peete et moi pour continuer à vous parler de nos lectures).


🙀😻 Et retrouvez Inky et Peete sur Instagram.


Hébergé par Ausha. Visitez ausha.co/politique-de-confidentialite pour plus d'informations.

Transcription

  • Speaker #0

    Jachère, nom féminin. La jachère est l'ensemble des pratiques agricoles de printemps et d'été préparant l'ensemencement d'une céréale d'automne. Elle a souvent été appelée « repos de la terre » , terme doublement ambigu, d'une part parce qu'il s'appliquait à la friche enherbée, d'autre part parce que cette terre en sommeil était intensément travaillée. Chapitre 1. Les éternités du vide. À l'orée de sa conscience diluée, un bruissement. Pas une alerte encore, mais un signal ténu. Ténica cligne des paupières. Ses pupilles se contractent. Son regard se rapproche, se fixe, sur la structure qui l'entoure, puis sur elle-même. Maintenant, elle sait, tout autant qu'elle sent, sa reine des croix. Ténica va devoir s'extraire de sa torpeur, quitter des yeux le vide, trouver un sol ferme à fouler. effectuer une brève halse dans son périple à travers la galaxie, avant que son esprit ne se détisse tout à fait dans l'infini du temps voyage et que, dans l'arène, la matière pourpre se volatilise. Ses pensées, déjà, accélèrent son souffle comme son cœur. La langueur se dissipe. Ténica effectue un premier geste. Une main se lève, un pied pousse. Elle se laisse flotter, sans hâte encore, jusqu'aux écrans où les données confirment son intuition. Le contenu de la reine s'étiole. Les outils de bord du vaisseau d'Essémage lui indiquent un système où diriger son vol. Le temps voyage pour l'atteindre est encore long, mais cette simple perspective stimule Ténica. Un changement. De quoi ancrer sa conscience dans la réalité qui l'entoure. Depuis qu'elle a cessé de contempler le vide qui les aspire, elle et sa reine, cette dernière frissonne. Une douce vibration d'éveil. Bientôt, elle pourra croître à nouveau. avec la volonté méticuleuse qui la caractérise. Avant de faire escale, Ténica doit se préparer, ranimer son corps et son esprit, préparer l'un au sol, l'autre à la parole. En elle, ces deux contraintes se confondent, car les mots lui sont lourds. Même si la matière pourpre la préserve des effets de l'impesanteur, que ses muscles ne se sont pas atrophiés, ni ses os dissous, il lui faut réinstaller en elle la pétance du mouvement. Sanglée au tapis défilant, elle réapprend la marche tandis que, sur un écran, s'affichent les données du système qu'elles approchent. Kaoni, Mourzou et Tzapira sont habitables. Deux planètes et une lune abritant la vie humaine dans un même système solaire, c'est beaucoup. La reine Texie, si elle les sème rarement, se montre souvent féconde. Tenika a demandé aux outils d'actualiser leurs connaissances. Les dernières nouvelles parviennent à la reine. alors qu'elle a déjà déployé ses ailes d'or pour entamer sa décélération. Les planètes Kaoni et Mourzou, proches l'une de l'autre, sont aisément visibles à l'œil nu, baignées par la lumière de l'étoile Texi 221. D'après les mises à jour, Mourzou ne serait en réalité plus habitée depuis 51 années glorieuses, même si elle accueille toujours une vie animale et végétale luxuriante. Aucune catastrophe planétaire connue ne vient expliquer cette désertion complète. L'essentiel de la population humaine du système, plus de 90%, est rassemblé sur Kaoni. Les 10% restants demeurent sur le satellite Tzapira. Les outils avertissent Ténika d'une activité orbitale extrême autour de Kaoni, où elle dirige sa reine. Aussi, leur recommande-t-elle de solliciter dès maintenant une autorisation de positionnement. Même si ce système emploie comme elle la commune glorienne, Ténika ne se sent pas encore prête à ouvrir la bouche. Elle n'a parlé à personne depuis... Elle ne sait même pas si les muscles de sa langue et de ses lèvres sont encore capables de former des sons. Pour s'entraîner, elle lance un outil vocal. K, K, K, T, T, T, L, L, L. Reproduisant les exemples qu'on lui fournit, elle forme des séries de syllabes, réapprend à les accentuer. Puis elle est liée les unes aux autres. Peu à peu, les mots reviennent. Pourquoi ont-ils tous quitté Mourzou ? La curiosité chatouille la conductrice. Dans ses membres, tandis qu'elle court sur le tapis, le besoin du sol se fait sentir, en un fourmillement discret, où se mêlent excitation et effroi. Autour d'elle, la reine frissonne de nouveau, enveloppant sa conductrice d'une tendre onde de joie. Un globe rouge et vert pâle striés de sillons bleus, des fleuves larges comme des mers, remplit toute la géode de l'arène. Les facettes, sous la tête de commande, découpent la planète en autant de fragments. Kaoni. Même à cette distance, la conductrice perçoit l'activité fourmillante des orbites basses. Des centaines de points gris-blancs ceinturent la planète en surplomb de l'équateur, formant une ligne presque continue. Même si la conductrice n'en perçoit pas l'échelle exacte, elle devine des vaisseaux immenses. comparable à ceux qui transportent les essaims à travers les éternités du vide. Pour autant, aucun n'atteint, aucun ne se compare au gigantisme céleste de sa reine. Quand la citerne passera entre l'étoile et la planète, elle imprimera son ombre sur Kaoni. Tenika se détourne et se propulse hors de la géode, loin de Kaoni, loin des facettes transparentes qui laissent filtrer sa luminescence rougeâtre. Elle vole jusqu'aux entrailles nocturnes de la reine. Lors de leur balayage, les outils ont récolté quelques œufs, messages pondus dans le vide par les conducteurs des autres reines. La conductrice souhaite ouvrir au moins l'un d'eux avant d'entamer sa descente, pour se donner du courage. Ponte pour le vide. Rêve. J'ai revu gloire en songe, sa verdeur restaurée par le départ des essaims. J'orbitais à 450 MP, si proche. Je ne voyais pas la lune, j'ignorais pourquoi, mais ma reine me répétait. qu'elle luisait rose dans sa course. Je voulais descendre sur gloire pour récupérer un objet oublié, mais je ne savais pas de quoi il s'agissait au juste, ni où il se trouvait. L'idée de mon départ inquiétait ma reine, et dans la citerne, la matière pourpre menaçait de cristalliser, si bien que je renonçais à la descente et repartais en voyage. Alors que l'on s'éloignait, j'apercevais enfin la lune. Elle avait quitté son orbite et elle s'enfuyait, loin de gloire, vers les éternités du vide. L'angoisse du temps passé rodait autour de moi et pourtant, je ne me sentais pas inquiète. Je me suis réveillée bien après le début de la période du Rhône et les outils m'ont informé que ma reine était pleine, qu'il fallait essaimer. Mais cela, je le sentais déjà. Conducteur d'Oss Ringas pour le 547e essaimage de la reine Balsès.

  • Speaker #1

    Vous écoutez Inky et Pete se livre, le podcast lecture en 15 minutes. à peu près, qui donne vie et voix aux premiers mots d'un livre et vous donne envie de découvrir les suivants. Ou pas. Je suis Mafalda Vidal, amoureuse des jolis mots et des belles histoires. Vous venez d'écouter Linky Pit de Les Essains, lu et écrit par Chloé Chevalier, publié aux éditions Robert Laffont dans la collection Ailleurs et Demain en 2024. L'histoire des Essens, c'est l'histoire de Ténika. Ténika, c'est une conductrice de reines. Les reines sont des énormes vaisseaux qui parcourent la galaxie pour essaimer la vie humaine. Ténika va donc conduire sa reine et va se retrouver dans le système Texi 221. Et elle va se trouver devant une situation plutôt inhabituelle. Dans ce système, il y a deux planètes et une lune qui sont habitables, mais les activités humaines sont principalement sur une seule de ces planètes. et les deux autres sont comme abandonnées. Elle va donc se poser sur la planète avec le plus d'activité humaine, et se retrouver en pleine rotation. Je vous explique ce que c'est que la rotation juste après. Dans cette histoire, on a en fait trois niveaux, trois échelles d'histoire. On a d'abord l'échelle galactique, puisque Ténica conduit sa reine à travers le vide interspatial. On a aussi un niveau planétaire, puisqu'elle va s'arrêter dans le système Texie et vivre une rotation. Toujours pareil, je vous explique tout à l'heure. Et on a aussi une échelle humaine, puisque les relations humaines, et aussi les non-relations, sont au cœur de tout. Et chaque niveau va révéler des liens, des relations, que l'être humain tisse sans cesse autour de lui, où qu'il soit. Et ces différents niveaux, ces différentes échelles, vont dialoguer pour notre plus grand plaisir. On va s'intéresser aux relations que tisse l'humain avec son environnement d'abord. Et ces relations-là, on peut les appeler écologie, tout simplement. On sait tous et toutes à peu près comment fonctionne le système de la jachère. Et une courte définition de ce mot ouvre le roman. Vous l'avez entendu dans l'Inquipit. La terre en jachère est donc une terre qui se repose. Mais en réalité, ce repos n'est pas de tout travail, comme qui dirait. Pour faire simple, la terre en jachère est en fait labourée plusieurs fois à vide pour la nettoyer de ses impuretés et la préparer pour le prochain ensemencement. Mais là où ça devient intéressant, c'est que ce système de jachère sous-entend une rotation, qui implique que ce n'est pas toujours la même terre qui est en jachère. et que c'est chacune son tour, pour récupérer, pour respirer, pour pouvoir repartir sur de bonnes bases sans s'épuiser complètement. Vous noterez le parallèle avec l'être humain et le concept de vacances, qu'on néglige trop souvent. Donc ce système de rotation, quand il est appliqué à un système solaire, ça donne le système de Texi 221. Tous les 50 ans, les humains changent de planète. Ils quittent tous leur planète pour que cette planète puisse se reposer, se régénérer. et accueillir à nouveau la vie, le monde et la société 100 ans plus tard. Intéressons-nous à cette société, puisque cette société finalement, c'est le résultat de toutes les relations entre humains. Et toute la société s'est construite et organisée autour de ces rotations, dans ce système de Texi 221. Donc ces migrations humaines volontaires de masse. La relation de ces humains à leurs trois terres prend une place énorme dans leur vie. On ne parle pas d'un simple déménagement, on parle de changer de planète. Ce qui va forcément avoir des conséquences sur leur relation entre eux, parce que chacun et chacune est libre de s'installer où il veut pendant cette rotation, et de devenir ce qu'elle ou il veut. Et comment faire si on ne veut pas la même chose ? Et comment faire si on doit se séparer après des fois plus de 50 ans de vie commune ? Comment faire pour laisser nos animaux derrière nous, parce que seuls les humains sont autorisés à migrer ? Et puis, comme dans chaque voyage, il y a toujours ceux qui refusent de partir, qui se cachent, et qu'on est forcé d'abandonner. C'est triste, mais pour les habitants du système Texi, c'est le cycle naturel de la vie. C'est normal. Tenika va débarquer pendant l'une de ces migrations, qu'on appelle donc rotation. Elle va être accueillie, bien sûr, mais avec l'idée qu'il ne faudrait pas qu'elle reste trop longtemps quand même, parce que tout le monde part dans quelques jours. Elle va faire la rencontre d'une famille, avec des personnes âgées, d'autres plus jeunes. Elle va les observer sans jugement, mais avec curiosité, car eux sont très ancrés dans la vie et dans leurs préoccupations pratico-pratiques, quotidiennes, matérielles, alors que elle, pas du tout. La condition de Ténica est un peu particulière, parce qu'il faut être un peu particulier pour être conducteur ou conductrice de rennes, donc de vaisseaux spatiaux. Ce n'est pas pour tout le monde. Ténika est introvertie, solitaire, à part. Elle a peu de relations avec les autres humains et en fait les contacts humains ne lui manquent pas. Ils ne sont pas essentiels pour elle. Pourtant, son vaisseau a besoin d'avoir une humaine à son bord, une sorte de modèle pour pouvoir remplir sa mission et distribuer la vie. Donc Ténika est forcée de se recharger en humanité régulièrement pour nourrir sa reine et se nourrir elle aussi et continuer d'être humaine. pour éviter de devenir ce vide dans lequel elle voyage, ce vide où le temps n'existe pas. Et là, on va pouvoir interroger les relations que les humains créent et entretiennent avec le temps. Et là se pose une question intéressante, parce que sans le temps, est-ce qu'on est encore humain ? Dans les esseins, le temps est décrit comme une sensation similaire à la faim ou à la fatigue. On ne se rend vraiment compte de la présence de la faim. que quand on a de nouveau faim, pas quand on est repu. On ne se rend compte qu'on est fatigué que quand on est de nouveau fatigué. Sous-entendu, il faut des moments où on n'a pas faim, où on n'est pas fatigué, pour ressentir la faim ou la fatigue. Alors nous, humains, le temps, on le connaît. Quelle que soit notre relation avec lui, qu'on en ait parfois trop ou bien jamais assez, on le vit, on l'expérimente en permanence. On a donc du mal, en tout cas moi j'ai beaucoup de mal, à imaginer un état où le temps n'existerait pas. Donc un état où on serait sorti du temps et d'un autre état où on y rentrerait à nouveau. Et donc en fait, comparer ce retour du temps au retour de la faim, c'est très parlant. Grosse pensée et force aux parents qui connaissent un état de fatigue permanent et ont peut-être oublié ce qu'est cet état de non-fatigue. On se sait et courage, il paraît que ça passe. Quand Enika voyage dans l'espace, le temps n'existe plus, mais les planètes. le système Texi, tout ça, c'est dans l'espace. Donc, ces planètes sont aussi hors du temps. Ce qui les inclut dans le temps, c'est la présence des humains, d'une société, quelle que soit sa forme. Et donc, il faut que Ténica se plonge à nouveau dans la société, qu'elle côtoie des personnes qui vivent et qui construisent leur vie et qui construisent des souvenirs qui sont basés sur le temps qui passe pour réaliser que le temps existe et se réhabituer à sa présence et à recréer une relation avec lui. Et finalement, la relation avec le temps, c'est les souvenirs. Est-ce que ça sera une relation sereine ou pas ? Et donc en conséquence, est-ce que ce sera des souvenirs heureux qui seront créés, ou bien des regrets, des remords ? Les souvenirs nous construisent en tant qu'individus, mais un souvenir finalement. C'est un moment dans le temps, cristallisé. Si on enlève le temps, les souvenirs restent-ils aussi importants ? Ont-ils toujours le même effet ? Ou bien est-ce qu'ils deviennent des sortes de rêves désincarnés ? Des sortes d'œufs qu'on pourrait semer et récolter, comme dans l'Inkipit. Et que se passerait-il si un humain qui ne ressemble pas à Ténika Un humain avec des souvenirs, des envies, des projets, des relations avec son environnement, quel qu'il soit, qu'est-ce qu'il se passerait si cet humain était privé de temps ? Pour avoir les réponses à ces questions, c'est très simple, il suffit de lire les esseins. Il y a un autre point dont je ne peux pas ne pas parler à propos de ce roman, c'est la plume de Chloé Chevalier. Elle parvient, avec une facilité déconcertante, à transformer la science dure en poésie. plaisir de se laisser emporter par la mélodie de ses mots. Et aussi, un argument de plus, Les Essains a reçu le Grand Prix de l'imaginaire, catégorie Nouvelle, en 2025. Donc, si vous aimez voyager, si vous aimez découvrir de nouvelles cultures, rencontrer de nouvelles personnes, si vous n'avez pas peur de vous perdre dans des lieux où le temps n'existe plus, alors lisez Les Essains, de Chloé Chevalier, aux éditions Robert Laffont, dans la collection Ailleurs et Demain. Merci de m'avoir écoutée jusqu'au bout. Si vous avez passé un bon moment, dites-le moi. Dites-le aussi à votre plateforme d'écoute. Et n'hésitez pas à partager le podcast avec d'autres amoureux et amoureuses des mots. A bientôt.

Chapters

  • Incipit des Essaims, écrit pas Chloé Chevalier, lu par l'autrice

    00:00

  • Pourquoi lire Les Essaims, de Chloé Chevalier ?

    07:21

Description

Connaissez-vous Tenyka, la conductrice de Reine ?

✨🚀🪐

Tenyka conduit sa Reine, son vaisseau, dans le système Texi-221. Là, elles vont trouver trois planètes habitables, mais une seule effectivement habitée. Voilà qui est curieux. Tanika doit descendre de toute façon. Alors tant qu'à faire, elle va essayer de comprendre pourquoi, et découvrir une manière tout à fait unique de s'organiser en société, dans le respect de son écosystème.


📚 Références :

titre : Les Essaims

autrice : Chloé Chevalier

couverture : David Adrien

éditeur : Robert Laffont

site : https://www.lisez.com/ailleurs-et-demain

à partir de 14 ans


🎙️ Au micro : Mafalda Vidal


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Et si cet incipit vous a plu, n'hésitez pas à laisser une note et un commentaire sur Apple Podcast, Deezer ou votre plateforme d'écoute ! Ainsi, ces incipits arriveront dans les oreilles d'autres amoureuses et amoureux des belles histoires (et cela donnera aussi de la force à Inky, Peete et moi pour continuer à vous parler de nos lectures).


🙀😻 Et retrouvez Inky et Peete sur Instagram.


Hébergé par Ausha. Visitez ausha.co/politique-de-confidentialite pour plus d'informations.

Transcription

  • Speaker #0

    Jachère, nom féminin. La jachère est l'ensemble des pratiques agricoles de printemps et d'été préparant l'ensemencement d'une céréale d'automne. Elle a souvent été appelée « repos de la terre » , terme doublement ambigu, d'une part parce qu'il s'appliquait à la friche enherbée, d'autre part parce que cette terre en sommeil était intensément travaillée. Chapitre 1. Les éternités du vide. À l'orée de sa conscience diluée, un bruissement. Pas une alerte encore, mais un signal ténu. Ténica cligne des paupières. Ses pupilles se contractent. Son regard se rapproche, se fixe, sur la structure qui l'entoure, puis sur elle-même. Maintenant, elle sait, tout autant qu'elle sent, sa reine des croix. Ténica va devoir s'extraire de sa torpeur, quitter des yeux le vide, trouver un sol ferme à fouler. effectuer une brève halse dans son périple à travers la galaxie, avant que son esprit ne se détisse tout à fait dans l'infini du temps voyage et que, dans l'arène, la matière pourpre se volatilise. Ses pensées, déjà, accélèrent son souffle comme son cœur. La langueur se dissipe. Ténica effectue un premier geste. Une main se lève, un pied pousse. Elle se laisse flotter, sans hâte encore, jusqu'aux écrans où les données confirment son intuition. Le contenu de la reine s'étiole. Les outils de bord du vaisseau d'Essémage lui indiquent un système où diriger son vol. Le temps voyage pour l'atteindre est encore long, mais cette simple perspective stimule Ténica. Un changement. De quoi ancrer sa conscience dans la réalité qui l'entoure. Depuis qu'elle a cessé de contempler le vide qui les aspire, elle et sa reine, cette dernière frissonne. Une douce vibration d'éveil. Bientôt, elle pourra croître à nouveau. avec la volonté méticuleuse qui la caractérise. Avant de faire escale, Ténica doit se préparer, ranimer son corps et son esprit, préparer l'un au sol, l'autre à la parole. En elle, ces deux contraintes se confondent, car les mots lui sont lourds. Même si la matière pourpre la préserve des effets de l'impesanteur, que ses muscles ne se sont pas atrophiés, ni ses os dissous, il lui faut réinstaller en elle la pétance du mouvement. Sanglée au tapis défilant, elle réapprend la marche tandis que, sur un écran, s'affichent les données du système qu'elles approchent. Kaoni, Mourzou et Tzapira sont habitables. Deux planètes et une lune abritant la vie humaine dans un même système solaire, c'est beaucoup. La reine Texie, si elle les sème rarement, se montre souvent féconde. Tenika a demandé aux outils d'actualiser leurs connaissances. Les dernières nouvelles parviennent à la reine. alors qu'elle a déjà déployé ses ailes d'or pour entamer sa décélération. Les planètes Kaoni et Mourzou, proches l'une de l'autre, sont aisément visibles à l'œil nu, baignées par la lumière de l'étoile Texi 221. D'après les mises à jour, Mourzou ne serait en réalité plus habitée depuis 51 années glorieuses, même si elle accueille toujours une vie animale et végétale luxuriante. Aucune catastrophe planétaire connue ne vient expliquer cette désertion complète. L'essentiel de la population humaine du système, plus de 90%, est rassemblé sur Kaoni. Les 10% restants demeurent sur le satellite Tzapira. Les outils avertissent Ténika d'une activité orbitale extrême autour de Kaoni, où elle dirige sa reine. Aussi, leur recommande-t-elle de solliciter dès maintenant une autorisation de positionnement. Même si ce système emploie comme elle la commune glorienne, Ténika ne se sent pas encore prête à ouvrir la bouche. Elle n'a parlé à personne depuis... Elle ne sait même pas si les muscles de sa langue et de ses lèvres sont encore capables de former des sons. Pour s'entraîner, elle lance un outil vocal. K, K, K, T, T, T, L, L, L. Reproduisant les exemples qu'on lui fournit, elle forme des séries de syllabes, réapprend à les accentuer. Puis elle est liée les unes aux autres. Peu à peu, les mots reviennent. Pourquoi ont-ils tous quitté Mourzou ? La curiosité chatouille la conductrice. Dans ses membres, tandis qu'elle court sur le tapis, le besoin du sol se fait sentir, en un fourmillement discret, où se mêlent excitation et effroi. Autour d'elle, la reine frissonne de nouveau, enveloppant sa conductrice d'une tendre onde de joie. Un globe rouge et vert pâle striés de sillons bleus, des fleuves larges comme des mers, remplit toute la géode de l'arène. Les facettes, sous la tête de commande, découpent la planète en autant de fragments. Kaoni. Même à cette distance, la conductrice perçoit l'activité fourmillante des orbites basses. Des centaines de points gris-blancs ceinturent la planète en surplomb de l'équateur, formant une ligne presque continue. Même si la conductrice n'en perçoit pas l'échelle exacte, elle devine des vaisseaux immenses. comparable à ceux qui transportent les essaims à travers les éternités du vide. Pour autant, aucun n'atteint, aucun ne se compare au gigantisme céleste de sa reine. Quand la citerne passera entre l'étoile et la planète, elle imprimera son ombre sur Kaoni. Tenika se détourne et se propulse hors de la géode, loin de Kaoni, loin des facettes transparentes qui laissent filtrer sa luminescence rougeâtre. Elle vole jusqu'aux entrailles nocturnes de la reine. Lors de leur balayage, les outils ont récolté quelques œufs, messages pondus dans le vide par les conducteurs des autres reines. La conductrice souhaite ouvrir au moins l'un d'eux avant d'entamer sa descente, pour se donner du courage. Ponte pour le vide. Rêve. J'ai revu gloire en songe, sa verdeur restaurée par le départ des essaims. J'orbitais à 450 MP, si proche. Je ne voyais pas la lune, j'ignorais pourquoi, mais ma reine me répétait. qu'elle luisait rose dans sa course. Je voulais descendre sur gloire pour récupérer un objet oublié, mais je ne savais pas de quoi il s'agissait au juste, ni où il se trouvait. L'idée de mon départ inquiétait ma reine, et dans la citerne, la matière pourpre menaçait de cristalliser, si bien que je renonçais à la descente et repartais en voyage. Alors que l'on s'éloignait, j'apercevais enfin la lune. Elle avait quitté son orbite et elle s'enfuyait, loin de gloire, vers les éternités du vide. L'angoisse du temps passé rodait autour de moi et pourtant, je ne me sentais pas inquiète. Je me suis réveillée bien après le début de la période du Rhône et les outils m'ont informé que ma reine était pleine, qu'il fallait essaimer. Mais cela, je le sentais déjà. Conducteur d'Oss Ringas pour le 547e essaimage de la reine Balsès.

  • Speaker #1

    Vous écoutez Inky et Pete se livre, le podcast lecture en 15 minutes. à peu près, qui donne vie et voix aux premiers mots d'un livre et vous donne envie de découvrir les suivants. Ou pas. Je suis Mafalda Vidal, amoureuse des jolis mots et des belles histoires. Vous venez d'écouter Linky Pit de Les Essains, lu et écrit par Chloé Chevalier, publié aux éditions Robert Laffont dans la collection Ailleurs et Demain en 2024. L'histoire des Essens, c'est l'histoire de Ténika. Ténika, c'est une conductrice de reines. Les reines sont des énormes vaisseaux qui parcourent la galaxie pour essaimer la vie humaine. Ténika va donc conduire sa reine et va se retrouver dans le système Texi 221. Et elle va se trouver devant une situation plutôt inhabituelle. Dans ce système, il y a deux planètes et une lune qui sont habitables, mais les activités humaines sont principalement sur une seule de ces planètes. et les deux autres sont comme abandonnées. Elle va donc se poser sur la planète avec le plus d'activité humaine, et se retrouver en pleine rotation. Je vous explique ce que c'est que la rotation juste après. Dans cette histoire, on a en fait trois niveaux, trois échelles d'histoire. On a d'abord l'échelle galactique, puisque Ténica conduit sa reine à travers le vide interspatial. On a aussi un niveau planétaire, puisqu'elle va s'arrêter dans le système Texie et vivre une rotation. Toujours pareil, je vous explique tout à l'heure. Et on a aussi une échelle humaine, puisque les relations humaines, et aussi les non-relations, sont au cœur de tout. Et chaque niveau va révéler des liens, des relations, que l'être humain tisse sans cesse autour de lui, où qu'il soit. Et ces différents niveaux, ces différentes échelles, vont dialoguer pour notre plus grand plaisir. On va s'intéresser aux relations que tisse l'humain avec son environnement d'abord. Et ces relations-là, on peut les appeler écologie, tout simplement. On sait tous et toutes à peu près comment fonctionne le système de la jachère. Et une courte définition de ce mot ouvre le roman. Vous l'avez entendu dans l'Inquipit. La terre en jachère est donc une terre qui se repose. Mais en réalité, ce repos n'est pas de tout travail, comme qui dirait. Pour faire simple, la terre en jachère est en fait labourée plusieurs fois à vide pour la nettoyer de ses impuretés et la préparer pour le prochain ensemencement. Mais là où ça devient intéressant, c'est que ce système de jachère sous-entend une rotation, qui implique que ce n'est pas toujours la même terre qui est en jachère. et que c'est chacune son tour, pour récupérer, pour respirer, pour pouvoir repartir sur de bonnes bases sans s'épuiser complètement. Vous noterez le parallèle avec l'être humain et le concept de vacances, qu'on néglige trop souvent. Donc ce système de rotation, quand il est appliqué à un système solaire, ça donne le système de Texi 221. Tous les 50 ans, les humains changent de planète. Ils quittent tous leur planète pour que cette planète puisse se reposer, se régénérer. et accueillir à nouveau la vie, le monde et la société 100 ans plus tard. Intéressons-nous à cette société, puisque cette société finalement, c'est le résultat de toutes les relations entre humains. Et toute la société s'est construite et organisée autour de ces rotations, dans ce système de Texi 221. Donc ces migrations humaines volontaires de masse. La relation de ces humains à leurs trois terres prend une place énorme dans leur vie. On ne parle pas d'un simple déménagement, on parle de changer de planète. Ce qui va forcément avoir des conséquences sur leur relation entre eux, parce que chacun et chacune est libre de s'installer où il veut pendant cette rotation, et de devenir ce qu'elle ou il veut. Et comment faire si on ne veut pas la même chose ? Et comment faire si on doit se séparer après des fois plus de 50 ans de vie commune ? Comment faire pour laisser nos animaux derrière nous, parce que seuls les humains sont autorisés à migrer ? Et puis, comme dans chaque voyage, il y a toujours ceux qui refusent de partir, qui se cachent, et qu'on est forcé d'abandonner. C'est triste, mais pour les habitants du système Texi, c'est le cycle naturel de la vie. C'est normal. Tenika va débarquer pendant l'une de ces migrations, qu'on appelle donc rotation. Elle va être accueillie, bien sûr, mais avec l'idée qu'il ne faudrait pas qu'elle reste trop longtemps quand même, parce que tout le monde part dans quelques jours. Elle va faire la rencontre d'une famille, avec des personnes âgées, d'autres plus jeunes. Elle va les observer sans jugement, mais avec curiosité, car eux sont très ancrés dans la vie et dans leurs préoccupations pratico-pratiques, quotidiennes, matérielles, alors que elle, pas du tout. La condition de Ténica est un peu particulière, parce qu'il faut être un peu particulier pour être conducteur ou conductrice de rennes, donc de vaisseaux spatiaux. Ce n'est pas pour tout le monde. Ténika est introvertie, solitaire, à part. Elle a peu de relations avec les autres humains et en fait les contacts humains ne lui manquent pas. Ils ne sont pas essentiels pour elle. Pourtant, son vaisseau a besoin d'avoir une humaine à son bord, une sorte de modèle pour pouvoir remplir sa mission et distribuer la vie. Donc Ténika est forcée de se recharger en humanité régulièrement pour nourrir sa reine et se nourrir elle aussi et continuer d'être humaine. pour éviter de devenir ce vide dans lequel elle voyage, ce vide où le temps n'existe pas. Et là, on va pouvoir interroger les relations que les humains créent et entretiennent avec le temps. Et là se pose une question intéressante, parce que sans le temps, est-ce qu'on est encore humain ? Dans les esseins, le temps est décrit comme une sensation similaire à la faim ou à la fatigue. On ne se rend vraiment compte de la présence de la faim. que quand on a de nouveau faim, pas quand on est repu. On ne se rend compte qu'on est fatigué que quand on est de nouveau fatigué. Sous-entendu, il faut des moments où on n'a pas faim, où on n'est pas fatigué, pour ressentir la faim ou la fatigue. Alors nous, humains, le temps, on le connaît. Quelle que soit notre relation avec lui, qu'on en ait parfois trop ou bien jamais assez, on le vit, on l'expérimente en permanence. On a donc du mal, en tout cas moi j'ai beaucoup de mal, à imaginer un état où le temps n'existerait pas. Donc un état où on serait sorti du temps et d'un autre état où on y rentrerait à nouveau. Et donc en fait, comparer ce retour du temps au retour de la faim, c'est très parlant. Grosse pensée et force aux parents qui connaissent un état de fatigue permanent et ont peut-être oublié ce qu'est cet état de non-fatigue. On se sait et courage, il paraît que ça passe. Quand Enika voyage dans l'espace, le temps n'existe plus, mais les planètes. le système Texi, tout ça, c'est dans l'espace. Donc, ces planètes sont aussi hors du temps. Ce qui les inclut dans le temps, c'est la présence des humains, d'une société, quelle que soit sa forme. Et donc, il faut que Ténica se plonge à nouveau dans la société, qu'elle côtoie des personnes qui vivent et qui construisent leur vie et qui construisent des souvenirs qui sont basés sur le temps qui passe pour réaliser que le temps existe et se réhabituer à sa présence et à recréer une relation avec lui. Et finalement, la relation avec le temps, c'est les souvenirs. Est-ce que ça sera une relation sereine ou pas ? Et donc en conséquence, est-ce que ce sera des souvenirs heureux qui seront créés, ou bien des regrets, des remords ? Les souvenirs nous construisent en tant qu'individus, mais un souvenir finalement. C'est un moment dans le temps, cristallisé. Si on enlève le temps, les souvenirs restent-ils aussi importants ? Ont-ils toujours le même effet ? Ou bien est-ce qu'ils deviennent des sortes de rêves désincarnés ? Des sortes d'œufs qu'on pourrait semer et récolter, comme dans l'Inkipit. Et que se passerait-il si un humain qui ne ressemble pas à Ténika Un humain avec des souvenirs, des envies, des projets, des relations avec son environnement, quel qu'il soit, qu'est-ce qu'il se passerait si cet humain était privé de temps ? Pour avoir les réponses à ces questions, c'est très simple, il suffit de lire les esseins. Il y a un autre point dont je ne peux pas ne pas parler à propos de ce roman, c'est la plume de Chloé Chevalier. Elle parvient, avec une facilité déconcertante, à transformer la science dure en poésie. plaisir de se laisser emporter par la mélodie de ses mots. Et aussi, un argument de plus, Les Essains a reçu le Grand Prix de l'imaginaire, catégorie Nouvelle, en 2025. Donc, si vous aimez voyager, si vous aimez découvrir de nouvelles cultures, rencontrer de nouvelles personnes, si vous n'avez pas peur de vous perdre dans des lieux où le temps n'existe plus, alors lisez Les Essains, de Chloé Chevalier, aux éditions Robert Laffont, dans la collection Ailleurs et Demain. Merci de m'avoir écoutée jusqu'au bout. Si vous avez passé un bon moment, dites-le moi. Dites-le aussi à votre plateforme d'écoute. Et n'hésitez pas à partager le podcast avec d'autres amoureux et amoureuses des mots. A bientôt.

Chapters

  • Incipit des Essaims, écrit pas Chloé Chevalier, lu par l'autrice

    00:00

  • Pourquoi lire Les Essaims, de Chloé Chevalier ?

    07:21

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