undefined cover
undefined cover
La Sécurité Sociale peut-elle MOURIR ? cover
La Sécurité Sociale peut-elle MOURIR ? cover
INTERESSANT ! avec Dimitri Pavlenko

La Sécurité Sociale peut-elle MOURIR ?

La Sécurité Sociale peut-elle MOURIR ?

22min |23/06/2025|

89

Play
undefined cover
undefined cover
La Sécurité Sociale peut-elle MOURIR ? cover
La Sécurité Sociale peut-elle MOURIR ? cover
INTERESSANT ! avec Dimitri Pavlenko

La Sécurité Sociale peut-elle MOURIR ?

La Sécurité Sociale peut-elle MOURIR ?

22min |23/06/2025|

89

Play

Transcription

  • Speaker #0

    La Sécu est une vieille dame, elle va avoir 80 ans cette année, mais elle est surtout une incorrigible dépensière. Elle a versé en 2024 plus de 660 milliards d'euros de prestations. Ce sera encore davantage cette année malgré la promesse gouvernementale de faire des économies. Les dépenses de protection sociale sont maintenant hors de contrôle, vient de dire la Cour des comptes, qui déjà en 2024 parlait de trajectoires insoutenables. et de perspectives inquiétantes. Alors, la sécurité sociale peut-elle mourir ? Bonjour, c'est Dimitri Pavlenko, bienvenue sur Intéressant. Toutes les semaines, on va se retrouver autour d'un sujet d'actualité en version grand format pour bien prendre le temps de tout comprendre. Je vous invite à vous abonner dès maintenant pour ne manquer aucune chronique en podcast, mais également en vidéo sur la chaîne YouTube Intéressant. Intéressant avec un point d'exclamation. Cette semaine donc, je vous parle... de la sécurité sociale. Dans l'imaginaire national, la sécu, c'est la France, c'est un morceau de notre patrimoine. Elle a ce statut non écrit, bien sûr, de bien commun à tous les Français. On l'aperçoit d'ailleurs un petit peu comme le bras social de la République. Alors je vous propose un petit jeu. Si je vous demande les mots qui vous viennent spontanément à l'esprit quand vous pensez à la sécurité sociale, vous allez me dire santé, carte vitale. peut-être retraite, remboursement ou encore arrêt maladie. En effet, tout cela, c'est ce que fait la sécurité sociale. Mais si maintenant, je vous demande de me parler de l'état de la sécu, rapidement, vous allez songer déficit, dette, fraude ou encore déclin. Peut-être me parlerez-vous de votre inquiétude pour son avenir. Eh bien, c'est exactement les résultats... d'un sondage récent qui date de la fin du mois de mars pour la Fondation Jean Jaurès et le groupe mutualiste Vive, les mots de l'inquiétude et de l'incertitude, comme quoi le trou de la sécu est bien entré dans nos têtes. Nous sommes tous aujourd'hui attachés à la sécu, mais nous avons des doutes sur son avenir et c'est un sentiment d'insécurité sociale qui nous gagne. Et lorsqu'on y réfléchit un instant, c'est tout de même un comble parce que lorsque l'on crée la Sécu en 1945, l'ambition est précisément de préserver le travailleur de l'incertitude du lendemain. C'était la formule en vogue à l'époque. Préserver le travailleur de l'incertitude du lendemain en lui apportant, ainsi qu'à sa famille, une protection sociale large couvrant les frais liés à l'enfance, à la santé, les risques au travail et la retraite. Il y avait au moment de la reconstruction, après les souffrances et les privations de la guerre, un enjeu de confiance nationale. Les Français voulaient des coussins amortisseurs à tous les stades de l'existence. La Sécu les leur a apportés. Alors au début des années 50, le prélèvement sur la richesse nationale pour financer la toute jeune Sécu est plutôt modeste. Mais à l'époque, il n'y avait pas toute l'armature médicale dont nous disposons aujourd'hui. En 1946, vous avez à peine 30 000 médecins en France pour 40 millions de Français, c'est-à-dire un professionnel de santé pour 1 400 personnes. Aujourd'hui, ces médecins, ils sont 230 000 pour 70 millions de Français, c'est-à-dire 1 pour 300. Et si vous regardez les médicaments, vous aviez quelques dizaines de références en 1946, vous en avez aujourd'hui plus de 13 000. et l'espérance de vie. n'excédait pas à 65 ans, soit l'âge de la retraite à l'époque. On ne touchait donc pas bien longtemps sa pension. Alors qu'aujourd'hui, on atteint fréquemment 80, 85 ans. Et l'espérance de vie en France en 2025, elle est de 77 ans chez les femmes, 75 ans et demi chez les hommes, soit parmi les niveaux les plus élevés du monde. Et quelque part, le problème de la sécurité sociale se trouve précisément là. Elle a formidablement réussi. Cela a permis l'allongement de la durée de vie d'une vingtaine d'années en un demi-siècle, mais cela s'est fait au prix d'une explosion des comptes sociaux. La dépense publique sociale en 1950 était de 5 à 6% du PIB. Aujourd'hui c'est 31,5%. Cela a même été 35% en 2020, l'année du Covid. C'est-à-dire que l'on consacre près d'un tiers de la richesse annuellement créée par l'économie nationale. 31,5% donc consacrés à la protection sociale, record mondial. Pour vous donner une idée plus large, la France c'est 1% de la population mondiale, mais à peu près 5% des dépenses sociales de la planète. Alors pour rappel, la sécurité sociale compte 5 branches. Vous avez la branche famille, les allocations familiales, la branche maladie, la branche accident du travail, maladie professionnelle. La branche retraite et puis la toute jeune branche autonomie dont nous parlerons un petit peu plus loin. Vous avez également une sixième branche qu'elle appelait recouvrement. Cette branche recouvrement c'est le collecteur et le gestionnaire des cotisations et contributions sociales. Cette année 2025, la sécurité sociale dans son ensemble va verser, c'est-à-dire dépenser, plus de 660 milliards d'euros de prestations. Avec comme premier poste les retraites, suivies par l'assurance maladie. Ce sont là les deux principales branches du système. Malheureusement, les recettes ont du mal à suivre. La dernière année dans le vert pour la sécu, c'est-à-dire avec un exercice comptable non déficitaire, remonte à 2001. 2001, depuis, les déficits s'accumulent année après année. Et je vous parle là de points de PIB, de sommes à 10 ou 11 chiffres. Par exemple, en 2010, 29 milliards 600 millions d'euros de déficit. En 2011, 22 milliards 6. 2019, un exploit, on ramène le déficit à seulement 1 milliard 7. Mais l'année suivante, patatras, le Covid, 39 milliards 700 millions d'euros de déficit, c'est colossal. Et ces déficits, année après année, s'accumulent pour former la dette sociale. Comme celle de l'État, cette dette sociale est une dette qui roule, c'est-à-dire que l'on rembourse les créances au fur et à mesure par de nouveaux emprunts. Mais jamais on ne solde. L'an dernier, l'organisme chargé de piloter cette dette, la CADES, la Caisse d'amortissement de la dette sociale, qu'on a créée en 1996, stockait 157 milliards d'euros de dette. Elle était censée, cette CADES, cesser son activité en 2009. La date a été repoussée une première fois à 2024. Aujourd'hui, l'extinction de la CADES, elle est programmée pour 2033. Pourtant, elle rembourse en permanence en empruntant de l'argent sur les marchés. D'ailleurs, en 2017, on a marié la CADES à l'agence France Trésor qui aimait les titres de la dette française, les OAT, les obligations assimilables au trésor. Sans doute est-ce plus simple ainsi, mais clairement cela n'est pas bon signe. Cela veut dire que la dette sociale, comme la dette publique générale, est un tonneau qui se remplit plus vite qu'il ne se vide. Et en effet, les dépenses de la Sécu augmentent naturellement de 3 à 4% par an en moyenne. Et c'est insoutenable quand vous affichez une croissance économique globale qui a du mal à atteindre 1%. Les dépenses augmentent pour plusieurs raisons. L'inflation, bien sûr, mais surtout sous l'effet du vieillissement de la population. Plus on est âgé, plus on a de dépenses de protection sociale. Et le grand âge crée en outre de nouveaux besoins. En 2020. On a ainsi créé une cinquième branche à la sécurité sociale, la branche autonomie, qui coûte déjà 40 milliards d'euros chaque année, bientôt 50. Et l'on ne sait pas où prélever cet argent. Alors ayez bien ce paramètre en tête dans le débat sur l'aide active à mourir. La fin de vie est un poste de dépense majeur pour la société. L'inspection générale des affaires sociales, Ligas, a récemment calculé que les dépenses publiques de santé liées à la dernière année de vie atteintent... 31 000 euros par personne qui va décéder dans l'année. 31 000 euros à raison de 650 000 décès par an, cela représente 20 milliards d'euros chaque année, soit 10% environ de la dépense publique en soins et biens médicaux. Voilà donc derrière les discours sur la liberté de s'en aller, de choisir le moment de son départ, vous avez également une logique comptable un peu sordide. Ça n'est d'ailleurs pas pour rien que les mutuelles sont d'ardentes partisanes. de l'aide active à mourir. Résultat, la Cour des comptes pensait que nous étions parvenus à stabiliser le déficit de la sécu autour de 10 milliards d'euros par an. Eh bien non, 2024, on a fait 15,3 milliards de déficit. En 2025, on espère 22 milliards et ce sera certainement plus. On a déjà de premières alertes de dépassement de l'ondam. c'est-à-dire l'objectif national de dépense d'assurance maladie qui chaque année est fixé par les parlementaires lors de l'examen du budget de la Sécu. Le risque, la Cour des comptes l'écrit en toutes lettres, c'est que la Sécu n'arrive plus à lever de l'argent sur le marché d'emprunt des capitaux parce que ce marché est déjà énormément sollicité. Il faut replacer la situation de déficit chronique de la Sécu dans le contexte plus général. de montée de l'endettement public dans le monde entier, mais aussi parce que des doutes apparaissent sur la qualité de la signature de la France, que l'on sait en baisse. Je vous ai dit tout à l'heure, la sécu, c'est la France. Et bien quand les agences de notation hésitent à maintenir la note AA à l'emprunt français, la sécurité sociale, indirectement, est menacée. Chaque mise à jour des agences de notation menace désormais de mettre en péril le financement par l'emprunt des déficits de la Sécu et donc le versement de l'intégralité des prestations sociales. L'accident de marché guette à l'heure de l'endettement public généralisé. Telle est la réalité budgétaire de la sécurité sociale. C'est dramatique et vraiment cela questionne notre niveau de générosité sociale, mais aussi le mode de financement de la Sécu. Alors regardez votre fiche de paye, en tout cas si vous êtes un actif. En moyenne, vous envoyez à la sécu un quart de votre salaire brut sous forme de cotisation sociale. Sachant qu'avant vous, votre patron, lui, a déjà réglé à la sécu entre 25 et 40% de ce qu'il vous paye brut. C'est donc une double ponction qui s'opère sur votre salaire pour le bénéfice de la sécurité sociale. Alors prenons un exemple, pour vous verser 2000 euros net. Votre patron doit sortir super brut, comme on dit, 3 300 euros. 3 300 dont 1 300 vont partir à la Sécurité sociale. En tant que salarié, vous allez verser entre 500 et 600 euros de cotisation salariale. Votre employeur, lui, entre 700 et 800 euros de cotisation patronale. Voilà le coût pour vous et votre employeur, sonnant et trébuchant de la protection sociale. Malheureusement, ce coût réel est presque... invisible. A 2000 euros net par mois, vous ne connaissez généralement pas votre super brut, c'est-à-dire ce que vous gagneriez si votre patron vous versait l'intégralité de ce que vous lui coûtez réellement. Et c'est un problème parce que le principe financier de départ de la sécu, c'est la participation financière des assurés. Vous touchez parce que vous cotisez. Cela justifie que vous gouverniez le système à travers des représentants les partenaires sociaux, c'est-à-dire les syndicats de salariés et patronaux. Donc au départ, l'État, l'administration sont en tutelle de la sécurité sociale. Mais de loin, ça n'est plus le cas. L'État, aujourd'hui, a les mains sur le manche du système de protection sociale. Ce qui a changé, c'est qu'il y a 30 ans, plus de 90% de l'argent de la Sécu venait des cotisations sociales. Aujourd'hui, ce n'est plus que... 48% selon le site Fipeco qui fait autorité sur les questions de finances publiques. De 90%, nous sommes passés à 48% seulement de financement de la Sécu par les cotisations. Au fondement de cette révolution, il y a un arbitrage politique qui remonte au début des années 90 pour dire qu'il fallait réduire le coût du travail, donc la pression sur les bas salaires pour inciter les patrons à continuer d'embaucher au moment de fortes remontées du chômage. Et c'est ce que l'on continue de faire aujourd'hui. Tous les salaires, compris entre 1 et 3,5 SMIC, c'est-à-dire aux alentours de 4 000 euros, tous ces salaires-là bénéficient d'exonérations de cotisations patronales. Alors de manière dégressive, bien sûr, mais l'institut Rexecode a calculé que 93% des salariés seraient concernés par des exonérations de cotisations patronales à divers degrés. Au niveau du SMIC, on est même depuis 2022 à zéro charge employeur, sachant que l'on a 18% de la population active au SMIC, donc presque un actif sur cinq. D'ailleurs, pour l'anecdote, vous avez aujourd'hui 18 barèmes d'allègements de cotisations et les taux vont varier selon le niveau de salaire, la taille de l'entreprise, sa localisation, son secteur d'activité, le type de contrat et même l'âge du salarié. Cela représente des dizaines de milliers de combinaisons possibles de taux de cotisation. Ainsi, selon les années, cela représente entre 60 et 90 milliards d'euros d'exonération de cotisations qui échappent à la sécurité sociale. On comprend pourquoi aujourd'hui l'État impécunieux réfléchit, depuis plus de deux ans, à la bonne formule pour réduire ces allégements de cotisations patronales auxquels les entreprises sont extrêmement attachées. On les comprend. L'enjeu pour elles, c'est le coût du travail en France qui est élevé. Si vous l'alourdissez d'une manière ou d'une autre, donc par exemple en remontant le niveau des cotisations patronales, vous allez affecter la compétitivité française. Alors il faut bien aller chercher ailleurs ces 60 à 90 milliards qui manquent à la sécu. Mais où ça donc ? Eh bien, dans les impôts et dans les taxes. Le gros morceau, c'est la CSG créée par Michel Rocard en 1991, qui pèse aujourd'hui 20% du financement de la sécu, c'est-à-dire... aux alentours de 130 à 140 milliards d'euros chaque année. Mais vous avez aussi les taxes sur les tabacs, sur les alcools, sur les salaires, ce qu'on appelle le forfait social, des taxes sur les assurances automobiles, sur les activités polluantes, une part de TVA aussi, et pas une petite fraction, de 55 à 60 milliards d'euros de TVA sont fléchés vers les comptes de la Sécu, c'est-à-dire environ 8% de ces ressources. Autrement dit, on fait déjà la TVA sociale. Et au total, ce sont une cinquantaine d'impôts et taxes fléchés pour tout ou partie vers les caisses de la Sécurité sociale. À quoi s'ajoute ce que l'État, au sens large, injecte directement dans les caisses de la Sécu pour maintenir l'illusion de la soutenabilité du système ? En particulier pour les retraites, et notamment pour les retraites des fonctionnaires. L'IFRAP a ainsi calculé que l'an dernier, 2024, sur les 402 milliards d'euros de prestations légales versées, on ne compte que 271 milliards de cotisations. La différence, c'est-à-dire près de 130 milliards. Eh bien ce sont des impôts, des taxes, mais aussi 52 milliards de subventions de l'État au régime notoirement déficitaire de la fonction publique, soit 14 000 euros par retraité. Ces 52 milliards d'euros, c'est de l'emprunt de l'argent que l'on va chercher sur les marchés et qui vient grossir la dette publique. Autrement dit, le système des retraites par répartition vit à crédit des marchés pour près de 20% de son budget. télé la réalité financière de notre système de retraite, de notre sécurité sociale. C'est donc une sacrée usine à gaz budgétaire que l'État a mise en place pour boucher les trous du panier de la sécurité sociale. Et ça lui permet de justifier au passage de prendre de plus en plus de place dans le système. Et ça n'est pas neutre, car en remplaçant des cotisations sociales par de l'impôt, Vous distendez le lien entre l'assuré et le cotisant. Vous passez d'un système d'assurance pour ses cotisants, on parle d'un système bismarckien, à un système que l'on dit beveridgien, c'est-à-dire un système d'assistance pour ceux qui en ont besoin et qui ne contribuent pas forcément. Je vous donne l'exemple de la C2S, c'est-à-dire l'ancienne couverture maladie universelle, la CMU, qui se double aujourd'hui d'une complémentaire dite solidaire. certains bénéficiaires de cette C2S contribuent au système. Mais vous en avez tout de même 6 millions, 6 millions de bénéficiaires de la C2S qui ne payent pas un centime de participation. Et ça, ça exaspère tous les Nicolas de ce pays. Nicolas, c'est devenu sur les réseaux sociaux l'archétype du jeune actif bien payé, mais hyper fiscalisé, qui a l'impression de payer pour tout le monde, et en particulier pour ses parents ou ses grands-parents, la lutte. des générations, vous le voyez, n'est pas très loin. Si on en est rendu là, c'est qu'en France, on veut le forfait maximum de la protection sociale, sans en avoir les moyens. Et on se fait un point d'honneur, malgré cela, à prendre aussi notre part de la misère du monde. Seulement, on a conçu le système sur des bases exclusivement démographiques, et la démographie ne suit plus. Dans les années 50, on mourait jeune, donc on coûtait peu en retraite, on faisait beaucoup d'enfants. beaucoup de futurs actifs cotisants, et la croissance était forte. Donc les revenus progressaient vite, et par là, les cotisations. Rien de tout cela, aujourd'hui, n'est plus vrai. La pyramide des âges est en train de s'inverser. Les plus de 60 ans en France en sont aujourd'hui plus nombreux que les moins de 18 ans, et cela ne va pas s'arranger compte tenu de notre taux de fécondité, 1,6 enfants par femme, sous le seuil de renouvellement des générations. Cela veut dire que, sauf nouveau baby-boom, La pyramide des âges va s'inverser et prendre une forme de toupie. Il y a donc péril sur le financement de la sécu. Et les dépenses vont probablement continuer de grimper, car le consensus n'est clairement plus aux économies, rien que les retraites. Ces trois dernières années, nous les avons relevées cinq fois. Mais pourquoi avoir fait cela à rebours de toute logique de bonne gestion ? Eh bien parce que les retraités sont la première force électorale du pays. Et l'on mesure là les effets politiques de la démographie. Aucun responsable politique n'osera se mettre les retraités à dos. Pour paraphraser Jean-Claude Juncker, l'ancien président de la Commission européenne, tous nos dirigeants savent ce qu'il faut faire pour sauver la sécu. En revanche, ils ne savent pas comment le faire sans perdre les élections. Alors est-ce que la sécurité sociale peut mourir ? Oui, je pense que c'est ce qui est en train de lui arriver, une mort lente. par asphyxie financière, à vouloir prendre en charge toutes les fragilités de l'existence, de la naissance jusqu'au décès. Je crois vous avoir démontré que cela n'était pas soutenable. Personne aujourd'hui n'a envie de réduire la sécu, mais on ne va pas pouvoir fonctionner indéfiniment sans réformer le système de financement. L'emprunt nous met par exemple à la merci. d'un retournement des marchés et c'est inacceptable. Alors il y a la lutte contre la fraude bien sûr, fraude aux prestations sociales que l'on estime à 13 milliards d'euros par an, donc pas tout à fait loin du niveau du déficit 2024. Ça n'est pas anecdotique donc, la fraude aux cotisations également, mais ça n'est clairement pas suffisant pour sauver le système à long terme. À un moment, il faudra soit réduire la couverture, c'est déjà ce qui se passe depuis 15 ans par exemple, avec les déremboursements de médicaments, ou encore... La promotion des génériques. Mais pourquoi pas aussi, zéro prise en charge de la médecine de ville. Un ancien dirigeant de la Sécu, Didier Tabuteau, l'a imaginé par le passé comme un scénario extrême. Aucun remboursement quand vous allez consulter votre généraliste. Les scénarios extrêmes d'aujourd'hui, on le sait, tentent à devenir les scénarios probables, 10 ou 20 ans plus tard. On peut aussi chercher de nouvelles ressources, mais où ? Supprimer les exonérations de cotisations sociales sur les bas salaires paraît irréaliste. Il fut aussi un temps question de travailler plus sans gagner plus. 7 heures par an, soit une nouvelle journée de solidarité pour financer la Sécu. Enfin, pour les retraites, passer à 65, 66 ou 67 ans, ça ce serait sérieux. Mais qui est prêt à le faire dans le pays ? Les Français sont radicalement contre, avec cette logique que moi, individu, Je n'ai pas envie de me sacrifier pour le collectif, mais je veux que le collectif me protège. Je veux les droits, mais pas les devoirs. En quoi le drame de la sécurité sociale est au cœur de la crise démocratique ? C'était intéressant, merci de m'avoir écouté. Si vous avez aimé cet épisode, vous pouvez me le dire en laissant un avis, un commentaire, je me ferai un plaisir de répondre à tous vos questions. tous vos messages, n'hésitez pas à en parler autour de vous, à partager l'épisode. Vous pouvez également me dire s'il y a des sujets que vous souhaiteriez que j'aborde dans de futures chroniques. Je me ferais vraiment un plaisir d'échanger en direct avec vous. Vous pouvez aussi bien sûr vous abonner pour ne manquer aucun épisode d'intéressant. Je suis aussi sur les réseaux sociaux Instagram et Facebook et bien sûr la chaîne YouTube intéressant Dimitri Pablenko. Je vous dis donc à très vite la semaine prochaine. On parlera du narcotrafic.

Chapters

  • Introduction

    00:00

  • La Sécu, monument en péril

    00:58

  • la protection sociale, poids lourds de la dépense publique

    04:06

  • La Sécu à la merci des marchés ?

    06:18

  • La protection sociale sur votre fiche de paye

    10:37

  • L'Etat a pris les commandes de la Sécu

    12:20

  • Le contrat bafoué de la Sécurité Sociale

    16:35

  • la démographie ne suit plus

    18:10

  • La Sécu est en train de mourir... Comment l'éviter ?

    19:41

Transcription

  • Speaker #0

    La Sécu est une vieille dame, elle va avoir 80 ans cette année, mais elle est surtout une incorrigible dépensière. Elle a versé en 2024 plus de 660 milliards d'euros de prestations. Ce sera encore davantage cette année malgré la promesse gouvernementale de faire des économies. Les dépenses de protection sociale sont maintenant hors de contrôle, vient de dire la Cour des comptes, qui déjà en 2024 parlait de trajectoires insoutenables. et de perspectives inquiétantes. Alors, la sécurité sociale peut-elle mourir ? Bonjour, c'est Dimitri Pavlenko, bienvenue sur Intéressant. Toutes les semaines, on va se retrouver autour d'un sujet d'actualité en version grand format pour bien prendre le temps de tout comprendre. Je vous invite à vous abonner dès maintenant pour ne manquer aucune chronique en podcast, mais également en vidéo sur la chaîne YouTube Intéressant. Intéressant avec un point d'exclamation. Cette semaine donc, je vous parle... de la sécurité sociale. Dans l'imaginaire national, la sécu, c'est la France, c'est un morceau de notre patrimoine. Elle a ce statut non écrit, bien sûr, de bien commun à tous les Français. On l'aperçoit d'ailleurs un petit peu comme le bras social de la République. Alors je vous propose un petit jeu. Si je vous demande les mots qui vous viennent spontanément à l'esprit quand vous pensez à la sécurité sociale, vous allez me dire santé, carte vitale. peut-être retraite, remboursement ou encore arrêt maladie. En effet, tout cela, c'est ce que fait la sécurité sociale. Mais si maintenant, je vous demande de me parler de l'état de la sécu, rapidement, vous allez songer déficit, dette, fraude ou encore déclin. Peut-être me parlerez-vous de votre inquiétude pour son avenir. Eh bien, c'est exactement les résultats... d'un sondage récent qui date de la fin du mois de mars pour la Fondation Jean Jaurès et le groupe mutualiste Vive, les mots de l'inquiétude et de l'incertitude, comme quoi le trou de la sécu est bien entré dans nos têtes. Nous sommes tous aujourd'hui attachés à la sécu, mais nous avons des doutes sur son avenir et c'est un sentiment d'insécurité sociale qui nous gagne. Et lorsqu'on y réfléchit un instant, c'est tout de même un comble parce que lorsque l'on crée la Sécu en 1945, l'ambition est précisément de préserver le travailleur de l'incertitude du lendemain. C'était la formule en vogue à l'époque. Préserver le travailleur de l'incertitude du lendemain en lui apportant, ainsi qu'à sa famille, une protection sociale large couvrant les frais liés à l'enfance, à la santé, les risques au travail et la retraite. Il y avait au moment de la reconstruction, après les souffrances et les privations de la guerre, un enjeu de confiance nationale. Les Français voulaient des coussins amortisseurs à tous les stades de l'existence. La Sécu les leur a apportés. Alors au début des années 50, le prélèvement sur la richesse nationale pour financer la toute jeune Sécu est plutôt modeste. Mais à l'époque, il n'y avait pas toute l'armature médicale dont nous disposons aujourd'hui. En 1946, vous avez à peine 30 000 médecins en France pour 40 millions de Français, c'est-à-dire un professionnel de santé pour 1 400 personnes. Aujourd'hui, ces médecins, ils sont 230 000 pour 70 millions de Français, c'est-à-dire 1 pour 300. Et si vous regardez les médicaments, vous aviez quelques dizaines de références en 1946, vous en avez aujourd'hui plus de 13 000. et l'espérance de vie. n'excédait pas à 65 ans, soit l'âge de la retraite à l'époque. On ne touchait donc pas bien longtemps sa pension. Alors qu'aujourd'hui, on atteint fréquemment 80, 85 ans. Et l'espérance de vie en France en 2025, elle est de 77 ans chez les femmes, 75 ans et demi chez les hommes, soit parmi les niveaux les plus élevés du monde. Et quelque part, le problème de la sécurité sociale se trouve précisément là. Elle a formidablement réussi. Cela a permis l'allongement de la durée de vie d'une vingtaine d'années en un demi-siècle, mais cela s'est fait au prix d'une explosion des comptes sociaux. La dépense publique sociale en 1950 était de 5 à 6% du PIB. Aujourd'hui c'est 31,5%. Cela a même été 35% en 2020, l'année du Covid. C'est-à-dire que l'on consacre près d'un tiers de la richesse annuellement créée par l'économie nationale. 31,5% donc consacrés à la protection sociale, record mondial. Pour vous donner une idée plus large, la France c'est 1% de la population mondiale, mais à peu près 5% des dépenses sociales de la planète. Alors pour rappel, la sécurité sociale compte 5 branches. Vous avez la branche famille, les allocations familiales, la branche maladie, la branche accident du travail, maladie professionnelle. La branche retraite et puis la toute jeune branche autonomie dont nous parlerons un petit peu plus loin. Vous avez également une sixième branche qu'elle appelait recouvrement. Cette branche recouvrement c'est le collecteur et le gestionnaire des cotisations et contributions sociales. Cette année 2025, la sécurité sociale dans son ensemble va verser, c'est-à-dire dépenser, plus de 660 milliards d'euros de prestations. Avec comme premier poste les retraites, suivies par l'assurance maladie. Ce sont là les deux principales branches du système. Malheureusement, les recettes ont du mal à suivre. La dernière année dans le vert pour la sécu, c'est-à-dire avec un exercice comptable non déficitaire, remonte à 2001. 2001, depuis, les déficits s'accumulent année après année. Et je vous parle là de points de PIB, de sommes à 10 ou 11 chiffres. Par exemple, en 2010, 29 milliards 600 millions d'euros de déficit. En 2011, 22 milliards 6. 2019, un exploit, on ramène le déficit à seulement 1 milliard 7. Mais l'année suivante, patatras, le Covid, 39 milliards 700 millions d'euros de déficit, c'est colossal. Et ces déficits, année après année, s'accumulent pour former la dette sociale. Comme celle de l'État, cette dette sociale est une dette qui roule, c'est-à-dire que l'on rembourse les créances au fur et à mesure par de nouveaux emprunts. Mais jamais on ne solde. L'an dernier, l'organisme chargé de piloter cette dette, la CADES, la Caisse d'amortissement de la dette sociale, qu'on a créée en 1996, stockait 157 milliards d'euros de dette. Elle était censée, cette CADES, cesser son activité en 2009. La date a été repoussée une première fois à 2024. Aujourd'hui, l'extinction de la CADES, elle est programmée pour 2033. Pourtant, elle rembourse en permanence en empruntant de l'argent sur les marchés. D'ailleurs, en 2017, on a marié la CADES à l'agence France Trésor qui aimait les titres de la dette française, les OAT, les obligations assimilables au trésor. Sans doute est-ce plus simple ainsi, mais clairement cela n'est pas bon signe. Cela veut dire que la dette sociale, comme la dette publique générale, est un tonneau qui se remplit plus vite qu'il ne se vide. Et en effet, les dépenses de la Sécu augmentent naturellement de 3 à 4% par an en moyenne. Et c'est insoutenable quand vous affichez une croissance économique globale qui a du mal à atteindre 1%. Les dépenses augmentent pour plusieurs raisons. L'inflation, bien sûr, mais surtout sous l'effet du vieillissement de la population. Plus on est âgé, plus on a de dépenses de protection sociale. Et le grand âge crée en outre de nouveaux besoins. En 2020. On a ainsi créé une cinquième branche à la sécurité sociale, la branche autonomie, qui coûte déjà 40 milliards d'euros chaque année, bientôt 50. Et l'on ne sait pas où prélever cet argent. Alors ayez bien ce paramètre en tête dans le débat sur l'aide active à mourir. La fin de vie est un poste de dépense majeur pour la société. L'inspection générale des affaires sociales, Ligas, a récemment calculé que les dépenses publiques de santé liées à la dernière année de vie atteintent... 31 000 euros par personne qui va décéder dans l'année. 31 000 euros à raison de 650 000 décès par an, cela représente 20 milliards d'euros chaque année, soit 10% environ de la dépense publique en soins et biens médicaux. Voilà donc derrière les discours sur la liberté de s'en aller, de choisir le moment de son départ, vous avez également une logique comptable un peu sordide. Ça n'est d'ailleurs pas pour rien que les mutuelles sont d'ardentes partisanes. de l'aide active à mourir. Résultat, la Cour des comptes pensait que nous étions parvenus à stabiliser le déficit de la sécu autour de 10 milliards d'euros par an. Eh bien non, 2024, on a fait 15,3 milliards de déficit. En 2025, on espère 22 milliards et ce sera certainement plus. On a déjà de premières alertes de dépassement de l'ondam. c'est-à-dire l'objectif national de dépense d'assurance maladie qui chaque année est fixé par les parlementaires lors de l'examen du budget de la Sécu. Le risque, la Cour des comptes l'écrit en toutes lettres, c'est que la Sécu n'arrive plus à lever de l'argent sur le marché d'emprunt des capitaux parce que ce marché est déjà énormément sollicité. Il faut replacer la situation de déficit chronique de la Sécu dans le contexte plus général. de montée de l'endettement public dans le monde entier, mais aussi parce que des doutes apparaissent sur la qualité de la signature de la France, que l'on sait en baisse. Je vous ai dit tout à l'heure, la sécu, c'est la France. Et bien quand les agences de notation hésitent à maintenir la note AA à l'emprunt français, la sécurité sociale, indirectement, est menacée. Chaque mise à jour des agences de notation menace désormais de mettre en péril le financement par l'emprunt des déficits de la Sécu et donc le versement de l'intégralité des prestations sociales. L'accident de marché guette à l'heure de l'endettement public généralisé. Telle est la réalité budgétaire de la sécurité sociale. C'est dramatique et vraiment cela questionne notre niveau de générosité sociale, mais aussi le mode de financement de la Sécu. Alors regardez votre fiche de paye, en tout cas si vous êtes un actif. En moyenne, vous envoyez à la sécu un quart de votre salaire brut sous forme de cotisation sociale. Sachant qu'avant vous, votre patron, lui, a déjà réglé à la sécu entre 25 et 40% de ce qu'il vous paye brut. C'est donc une double ponction qui s'opère sur votre salaire pour le bénéfice de la sécurité sociale. Alors prenons un exemple, pour vous verser 2000 euros net. Votre patron doit sortir super brut, comme on dit, 3 300 euros. 3 300 dont 1 300 vont partir à la Sécurité sociale. En tant que salarié, vous allez verser entre 500 et 600 euros de cotisation salariale. Votre employeur, lui, entre 700 et 800 euros de cotisation patronale. Voilà le coût pour vous et votre employeur, sonnant et trébuchant de la protection sociale. Malheureusement, ce coût réel est presque... invisible. A 2000 euros net par mois, vous ne connaissez généralement pas votre super brut, c'est-à-dire ce que vous gagneriez si votre patron vous versait l'intégralité de ce que vous lui coûtez réellement. Et c'est un problème parce que le principe financier de départ de la sécu, c'est la participation financière des assurés. Vous touchez parce que vous cotisez. Cela justifie que vous gouverniez le système à travers des représentants les partenaires sociaux, c'est-à-dire les syndicats de salariés et patronaux. Donc au départ, l'État, l'administration sont en tutelle de la sécurité sociale. Mais de loin, ça n'est plus le cas. L'État, aujourd'hui, a les mains sur le manche du système de protection sociale. Ce qui a changé, c'est qu'il y a 30 ans, plus de 90% de l'argent de la Sécu venait des cotisations sociales. Aujourd'hui, ce n'est plus que... 48% selon le site Fipeco qui fait autorité sur les questions de finances publiques. De 90%, nous sommes passés à 48% seulement de financement de la Sécu par les cotisations. Au fondement de cette révolution, il y a un arbitrage politique qui remonte au début des années 90 pour dire qu'il fallait réduire le coût du travail, donc la pression sur les bas salaires pour inciter les patrons à continuer d'embaucher au moment de fortes remontées du chômage. Et c'est ce que l'on continue de faire aujourd'hui. Tous les salaires, compris entre 1 et 3,5 SMIC, c'est-à-dire aux alentours de 4 000 euros, tous ces salaires-là bénéficient d'exonérations de cotisations patronales. Alors de manière dégressive, bien sûr, mais l'institut Rexecode a calculé que 93% des salariés seraient concernés par des exonérations de cotisations patronales à divers degrés. Au niveau du SMIC, on est même depuis 2022 à zéro charge employeur, sachant que l'on a 18% de la population active au SMIC, donc presque un actif sur cinq. D'ailleurs, pour l'anecdote, vous avez aujourd'hui 18 barèmes d'allègements de cotisations et les taux vont varier selon le niveau de salaire, la taille de l'entreprise, sa localisation, son secteur d'activité, le type de contrat et même l'âge du salarié. Cela représente des dizaines de milliers de combinaisons possibles de taux de cotisation. Ainsi, selon les années, cela représente entre 60 et 90 milliards d'euros d'exonération de cotisations qui échappent à la sécurité sociale. On comprend pourquoi aujourd'hui l'État impécunieux réfléchit, depuis plus de deux ans, à la bonne formule pour réduire ces allégements de cotisations patronales auxquels les entreprises sont extrêmement attachées. On les comprend. L'enjeu pour elles, c'est le coût du travail en France qui est élevé. Si vous l'alourdissez d'une manière ou d'une autre, donc par exemple en remontant le niveau des cotisations patronales, vous allez affecter la compétitivité française. Alors il faut bien aller chercher ailleurs ces 60 à 90 milliards qui manquent à la sécu. Mais où ça donc ? Eh bien, dans les impôts et dans les taxes. Le gros morceau, c'est la CSG créée par Michel Rocard en 1991, qui pèse aujourd'hui 20% du financement de la sécu, c'est-à-dire... aux alentours de 130 à 140 milliards d'euros chaque année. Mais vous avez aussi les taxes sur les tabacs, sur les alcools, sur les salaires, ce qu'on appelle le forfait social, des taxes sur les assurances automobiles, sur les activités polluantes, une part de TVA aussi, et pas une petite fraction, de 55 à 60 milliards d'euros de TVA sont fléchés vers les comptes de la Sécu, c'est-à-dire environ 8% de ces ressources. Autrement dit, on fait déjà la TVA sociale. Et au total, ce sont une cinquantaine d'impôts et taxes fléchés pour tout ou partie vers les caisses de la Sécurité sociale. À quoi s'ajoute ce que l'État, au sens large, injecte directement dans les caisses de la Sécu pour maintenir l'illusion de la soutenabilité du système ? En particulier pour les retraites, et notamment pour les retraites des fonctionnaires. L'IFRAP a ainsi calculé que l'an dernier, 2024, sur les 402 milliards d'euros de prestations légales versées, on ne compte que 271 milliards de cotisations. La différence, c'est-à-dire près de 130 milliards. Eh bien ce sont des impôts, des taxes, mais aussi 52 milliards de subventions de l'État au régime notoirement déficitaire de la fonction publique, soit 14 000 euros par retraité. Ces 52 milliards d'euros, c'est de l'emprunt de l'argent que l'on va chercher sur les marchés et qui vient grossir la dette publique. Autrement dit, le système des retraites par répartition vit à crédit des marchés pour près de 20% de son budget. télé la réalité financière de notre système de retraite, de notre sécurité sociale. C'est donc une sacrée usine à gaz budgétaire que l'État a mise en place pour boucher les trous du panier de la sécurité sociale. Et ça lui permet de justifier au passage de prendre de plus en plus de place dans le système. Et ça n'est pas neutre, car en remplaçant des cotisations sociales par de l'impôt, Vous distendez le lien entre l'assuré et le cotisant. Vous passez d'un système d'assurance pour ses cotisants, on parle d'un système bismarckien, à un système que l'on dit beveridgien, c'est-à-dire un système d'assistance pour ceux qui en ont besoin et qui ne contribuent pas forcément. Je vous donne l'exemple de la C2S, c'est-à-dire l'ancienne couverture maladie universelle, la CMU, qui se double aujourd'hui d'une complémentaire dite solidaire. certains bénéficiaires de cette C2S contribuent au système. Mais vous en avez tout de même 6 millions, 6 millions de bénéficiaires de la C2S qui ne payent pas un centime de participation. Et ça, ça exaspère tous les Nicolas de ce pays. Nicolas, c'est devenu sur les réseaux sociaux l'archétype du jeune actif bien payé, mais hyper fiscalisé, qui a l'impression de payer pour tout le monde, et en particulier pour ses parents ou ses grands-parents, la lutte. des générations, vous le voyez, n'est pas très loin. Si on en est rendu là, c'est qu'en France, on veut le forfait maximum de la protection sociale, sans en avoir les moyens. Et on se fait un point d'honneur, malgré cela, à prendre aussi notre part de la misère du monde. Seulement, on a conçu le système sur des bases exclusivement démographiques, et la démographie ne suit plus. Dans les années 50, on mourait jeune, donc on coûtait peu en retraite, on faisait beaucoup d'enfants. beaucoup de futurs actifs cotisants, et la croissance était forte. Donc les revenus progressaient vite, et par là, les cotisations. Rien de tout cela, aujourd'hui, n'est plus vrai. La pyramide des âges est en train de s'inverser. Les plus de 60 ans en France en sont aujourd'hui plus nombreux que les moins de 18 ans, et cela ne va pas s'arranger compte tenu de notre taux de fécondité, 1,6 enfants par femme, sous le seuil de renouvellement des générations. Cela veut dire que, sauf nouveau baby-boom, La pyramide des âges va s'inverser et prendre une forme de toupie. Il y a donc péril sur le financement de la sécu. Et les dépenses vont probablement continuer de grimper, car le consensus n'est clairement plus aux économies, rien que les retraites. Ces trois dernières années, nous les avons relevées cinq fois. Mais pourquoi avoir fait cela à rebours de toute logique de bonne gestion ? Eh bien parce que les retraités sont la première force électorale du pays. Et l'on mesure là les effets politiques de la démographie. Aucun responsable politique n'osera se mettre les retraités à dos. Pour paraphraser Jean-Claude Juncker, l'ancien président de la Commission européenne, tous nos dirigeants savent ce qu'il faut faire pour sauver la sécu. En revanche, ils ne savent pas comment le faire sans perdre les élections. Alors est-ce que la sécurité sociale peut mourir ? Oui, je pense que c'est ce qui est en train de lui arriver, une mort lente. par asphyxie financière, à vouloir prendre en charge toutes les fragilités de l'existence, de la naissance jusqu'au décès. Je crois vous avoir démontré que cela n'était pas soutenable. Personne aujourd'hui n'a envie de réduire la sécu, mais on ne va pas pouvoir fonctionner indéfiniment sans réformer le système de financement. L'emprunt nous met par exemple à la merci. d'un retournement des marchés et c'est inacceptable. Alors il y a la lutte contre la fraude bien sûr, fraude aux prestations sociales que l'on estime à 13 milliards d'euros par an, donc pas tout à fait loin du niveau du déficit 2024. Ça n'est pas anecdotique donc, la fraude aux cotisations également, mais ça n'est clairement pas suffisant pour sauver le système à long terme. À un moment, il faudra soit réduire la couverture, c'est déjà ce qui se passe depuis 15 ans par exemple, avec les déremboursements de médicaments, ou encore... La promotion des génériques. Mais pourquoi pas aussi, zéro prise en charge de la médecine de ville. Un ancien dirigeant de la Sécu, Didier Tabuteau, l'a imaginé par le passé comme un scénario extrême. Aucun remboursement quand vous allez consulter votre généraliste. Les scénarios extrêmes d'aujourd'hui, on le sait, tentent à devenir les scénarios probables, 10 ou 20 ans plus tard. On peut aussi chercher de nouvelles ressources, mais où ? Supprimer les exonérations de cotisations sociales sur les bas salaires paraît irréaliste. Il fut aussi un temps question de travailler plus sans gagner plus. 7 heures par an, soit une nouvelle journée de solidarité pour financer la Sécu. Enfin, pour les retraites, passer à 65, 66 ou 67 ans, ça ce serait sérieux. Mais qui est prêt à le faire dans le pays ? Les Français sont radicalement contre, avec cette logique que moi, individu, Je n'ai pas envie de me sacrifier pour le collectif, mais je veux que le collectif me protège. Je veux les droits, mais pas les devoirs. En quoi le drame de la sécurité sociale est au cœur de la crise démocratique ? C'était intéressant, merci de m'avoir écouté. Si vous avez aimé cet épisode, vous pouvez me le dire en laissant un avis, un commentaire, je me ferai un plaisir de répondre à tous vos questions. tous vos messages, n'hésitez pas à en parler autour de vous, à partager l'épisode. Vous pouvez également me dire s'il y a des sujets que vous souhaiteriez que j'aborde dans de futures chroniques. Je me ferais vraiment un plaisir d'échanger en direct avec vous. Vous pouvez aussi bien sûr vous abonner pour ne manquer aucun épisode d'intéressant. Je suis aussi sur les réseaux sociaux Instagram et Facebook et bien sûr la chaîne YouTube intéressant Dimitri Pablenko. Je vous dis donc à très vite la semaine prochaine. On parlera du narcotrafic.

Chapters

  • Introduction

    00:00

  • La Sécu, monument en péril

    00:58

  • la protection sociale, poids lourds de la dépense publique

    04:06

  • La Sécu à la merci des marchés ?

    06:18

  • La protection sociale sur votre fiche de paye

    10:37

  • L'Etat a pris les commandes de la Sécu

    12:20

  • Le contrat bafoué de la Sécurité Sociale

    16:35

  • la démographie ne suit plus

    18:10

  • La Sécu est en train de mourir... Comment l'éviter ?

    19:41

Share

Embed

You may also like

Transcription

  • Speaker #0

    La Sécu est une vieille dame, elle va avoir 80 ans cette année, mais elle est surtout une incorrigible dépensière. Elle a versé en 2024 plus de 660 milliards d'euros de prestations. Ce sera encore davantage cette année malgré la promesse gouvernementale de faire des économies. Les dépenses de protection sociale sont maintenant hors de contrôle, vient de dire la Cour des comptes, qui déjà en 2024 parlait de trajectoires insoutenables. et de perspectives inquiétantes. Alors, la sécurité sociale peut-elle mourir ? Bonjour, c'est Dimitri Pavlenko, bienvenue sur Intéressant. Toutes les semaines, on va se retrouver autour d'un sujet d'actualité en version grand format pour bien prendre le temps de tout comprendre. Je vous invite à vous abonner dès maintenant pour ne manquer aucune chronique en podcast, mais également en vidéo sur la chaîne YouTube Intéressant. Intéressant avec un point d'exclamation. Cette semaine donc, je vous parle... de la sécurité sociale. Dans l'imaginaire national, la sécu, c'est la France, c'est un morceau de notre patrimoine. Elle a ce statut non écrit, bien sûr, de bien commun à tous les Français. On l'aperçoit d'ailleurs un petit peu comme le bras social de la République. Alors je vous propose un petit jeu. Si je vous demande les mots qui vous viennent spontanément à l'esprit quand vous pensez à la sécurité sociale, vous allez me dire santé, carte vitale. peut-être retraite, remboursement ou encore arrêt maladie. En effet, tout cela, c'est ce que fait la sécurité sociale. Mais si maintenant, je vous demande de me parler de l'état de la sécu, rapidement, vous allez songer déficit, dette, fraude ou encore déclin. Peut-être me parlerez-vous de votre inquiétude pour son avenir. Eh bien, c'est exactement les résultats... d'un sondage récent qui date de la fin du mois de mars pour la Fondation Jean Jaurès et le groupe mutualiste Vive, les mots de l'inquiétude et de l'incertitude, comme quoi le trou de la sécu est bien entré dans nos têtes. Nous sommes tous aujourd'hui attachés à la sécu, mais nous avons des doutes sur son avenir et c'est un sentiment d'insécurité sociale qui nous gagne. Et lorsqu'on y réfléchit un instant, c'est tout de même un comble parce que lorsque l'on crée la Sécu en 1945, l'ambition est précisément de préserver le travailleur de l'incertitude du lendemain. C'était la formule en vogue à l'époque. Préserver le travailleur de l'incertitude du lendemain en lui apportant, ainsi qu'à sa famille, une protection sociale large couvrant les frais liés à l'enfance, à la santé, les risques au travail et la retraite. Il y avait au moment de la reconstruction, après les souffrances et les privations de la guerre, un enjeu de confiance nationale. Les Français voulaient des coussins amortisseurs à tous les stades de l'existence. La Sécu les leur a apportés. Alors au début des années 50, le prélèvement sur la richesse nationale pour financer la toute jeune Sécu est plutôt modeste. Mais à l'époque, il n'y avait pas toute l'armature médicale dont nous disposons aujourd'hui. En 1946, vous avez à peine 30 000 médecins en France pour 40 millions de Français, c'est-à-dire un professionnel de santé pour 1 400 personnes. Aujourd'hui, ces médecins, ils sont 230 000 pour 70 millions de Français, c'est-à-dire 1 pour 300. Et si vous regardez les médicaments, vous aviez quelques dizaines de références en 1946, vous en avez aujourd'hui plus de 13 000. et l'espérance de vie. n'excédait pas à 65 ans, soit l'âge de la retraite à l'époque. On ne touchait donc pas bien longtemps sa pension. Alors qu'aujourd'hui, on atteint fréquemment 80, 85 ans. Et l'espérance de vie en France en 2025, elle est de 77 ans chez les femmes, 75 ans et demi chez les hommes, soit parmi les niveaux les plus élevés du monde. Et quelque part, le problème de la sécurité sociale se trouve précisément là. Elle a formidablement réussi. Cela a permis l'allongement de la durée de vie d'une vingtaine d'années en un demi-siècle, mais cela s'est fait au prix d'une explosion des comptes sociaux. La dépense publique sociale en 1950 était de 5 à 6% du PIB. Aujourd'hui c'est 31,5%. Cela a même été 35% en 2020, l'année du Covid. C'est-à-dire que l'on consacre près d'un tiers de la richesse annuellement créée par l'économie nationale. 31,5% donc consacrés à la protection sociale, record mondial. Pour vous donner une idée plus large, la France c'est 1% de la population mondiale, mais à peu près 5% des dépenses sociales de la planète. Alors pour rappel, la sécurité sociale compte 5 branches. Vous avez la branche famille, les allocations familiales, la branche maladie, la branche accident du travail, maladie professionnelle. La branche retraite et puis la toute jeune branche autonomie dont nous parlerons un petit peu plus loin. Vous avez également une sixième branche qu'elle appelait recouvrement. Cette branche recouvrement c'est le collecteur et le gestionnaire des cotisations et contributions sociales. Cette année 2025, la sécurité sociale dans son ensemble va verser, c'est-à-dire dépenser, plus de 660 milliards d'euros de prestations. Avec comme premier poste les retraites, suivies par l'assurance maladie. Ce sont là les deux principales branches du système. Malheureusement, les recettes ont du mal à suivre. La dernière année dans le vert pour la sécu, c'est-à-dire avec un exercice comptable non déficitaire, remonte à 2001. 2001, depuis, les déficits s'accumulent année après année. Et je vous parle là de points de PIB, de sommes à 10 ou 11 chiffres. Par exemple, en 2010, 29 milliards 600 millions d'euros de déficit. En 2011, 22 milliards 6. 2019, un exploit, on ramène le déficit à seulement 1 milliard 7. Mais l'année suivante, patatras, le Covid, 39 milliards 700 millions d'euros de déficit, c'est colossal. Et ces déficits, année après année, s'accumulent pour former la dette sociale. Comme celle de l'État, cette dette sociale est une dette qui roule, c'est-à-dire que l'on rembourse les créances au fur et à mesure par de nouveaux emprunts. Mais jamais on ne solde. L'an dernier, l'organisme chargé de piloter cette dette, la CADES, la Caisse d'amortissement de la dette sociale, qu'on a créée en 1996, stockait 157 milliards d'euros de dette. Elle était censée, cette CADES, cesser son activité en 2009. La date a été repoussée une première fois à 2024. Aujourd'hui, l'extinction de la CADES, elle est programmée pour 2033. Pourtant, elle rembourse en permanence en empruntant de l'argent sur les marchés. D'ailleurs, en 2017, on a marié la CADES à l'agence France Trésor qui aimait les titres de la dette française, les OAT, les obligations assimilables au trésor. Sans doute est-ce plus simple ainsi, mais clairement cela n'est pas bon signe. Cela veut dire que la dette sociale, comme la dette publique générale, est un tonneau qui se remplit plus vite qu'il ne se vide. Et en effet, les dépenses de la Sécu augmentent naturellement de 3 à 4% par an en moyenne. Et c'est insoutenable quand vous affichez une croissance économique globale qui a du mal à atteindre 1%. Les dépenses augmentent pour plusieurs raisons. L'inflation, bien sûr, mais surtout sous l'effet du vieillissement de la population. Plus on est âgé, plus on a de dépenses de protection sociale. Et le grand âge crée en outre de nouveaux besoins. En 2020. On a ainsi créé une cinquième branche à la sécurité sociale, la branche autonomie, qui coûte déjà 40 milliards d'euros chaque année, bientôt 50. Et l'on ne sait pas où prélever cet argent. Alors ayez bien ce paramètre en tête dans le débat sur l'aide active à mourir. La fin de vie est un poste de dépense majeur pour la société. L'inspection générale des affaires sociales, Ligas, a récemment calculé que les dépenses publiques de santé liées à la dernière année de vie atteintent... 31 000 euros par personne qui va décéder dans l'année. 31 000 euros à raison de 650 000 décès par an, cela représente 20 milliards d'euros chaque année, soit 10% environ de la dépense publique en soins et biens médicaux. Voilà donc derrière les discours sur la liberté de s'en aller, de choisir le moment de son départ, vous avez également une logique comptable un peu sordide. Ça n'est d'ailleurs pas pour rien que les mutuelles sont d'ardentes partisanes. de l'aide active à mourir. Résultat, la Cour des comptes pensait que nous étions parvenus à stabiliser le déficit de la sécu autour de 10 milliards d'euros par an. Eh bien non, 2024, on a fait 15,3 milliards de déficit. En 2025, on espère 22 milliards et ce sera certainement plus. On a déjà de premières alertes de dépassement de l'ondam. c'est-à-dire l'objectif national de dépense d'assurance maladie qui chaque année est fixé par les parlementaires lors de l'examen du budget de la Sécu. Le risque, la Cour des comptes l'écrit en toutes lettres, c'est que la Sécu n'arrive plus à lever de l'argent sur le marché d'emprunt des capitaux parce que ce marché est déjà énormément sollicité. Il faut replacer la situation de déficit chronique de la Sécu dans le contexte plus général. de montée de l'endettement public dans le monde entier, mais aussi parce que des doutes apparaissent sur la qualité de la signature de la France, que l'on sait en baisse. Je vous ai dit tout à l'heure, la sécu, c'est la France. Et bien quand les agences de notation hésitent à maintenir la note AA à l'emprunt français, la sécurité sociale, indirectement, est menacée. Chaque mise à jour des agences de notation menace désormais de mettre en péril le financement par l'emprunt des déficits de la Sécu et donc le versement de l'intégralité des prestations sociales. L'accident de marché guette à l'heure de l'endettement public généralisé. Telle est la réalité budgétaire de la sécurité sociale. C'est dramatique et vraiment cela questionne notre niveau de générosité sociale, mais aussi le mode de financement de la Sécu. Alors regardez votre fiche de paye, en tout cas si vous êtes un actif. En moyenne, vous envoyez à la sécu un quart de votre salaire brut sous forme de cotisation sociale. Sachant qu'avant vous, votre patron, lui, a déjà réglé à la sécu entre 25 et 40% de ce qu'il vous paye brut. C'est donc une double ponction qui s'opère sur votre salaire pour le bénéfice de la sécurité sociale. Alors prenons un exemple, pour vous verser 2000 euros net. Votre patron doit sortir super brut, comme on dit, 3 300 euros. 3 300 dont 1 300 vont partir à la Sécurité sociale. En tant que salarié, vous allez verser entre 500 et 600 euros de cotisation salariale. Votre employeur, lui, entre 700 et 800 euros de cotisation patronale. Voilà le coût pour vous et votre employeur, sonnant et trébuchant de la protection sociale. Malheureusement, ce coût réel est presque... invisible. A 2000 euros net par mois, vous ne connaissez généralement pas votre super brut, c'est-à-dire ce que vous gagneriez si votre patron vous versait l'intégralité de ce que vous lui coûtez réellement. Et c'est un problème parce que le principe financier de départ de la sécu, c'est la participation financière des assurés. Vous touchez parce que vous cotisez. Cela justifie que vous gouverniez le système à travers des représentants les partenaires sociaux, c'est-à-dire les syndicats de salariés et patronaux. Donc au départ, l'État, l'administration sont en tutelle de la sécurité sociale. Mais de loin, ça n'est plus le cas. L'État, aujourd'hui, a les mains sur le manche du système de protection sociale. Ce qui a changé, c'est qu'il y a 30 ans, plus de 90% de l'argent de la Sécu venait des cotisations sociales. Aujourd'hui, ce n'est plus que... 48% selon le site Fipeco qui fait autorité sur les questions de finances publiques. De 90%, nous sommes passés à 48% seulement de financement de la Sécu par les cotisations. Au fondement de cette révolution, il y a un arbitrage politique qui remonte au début des années 90 pour dire qu'il fallait réduire le coût du travail, donc la pression sur les bas salaires pour inciter les patrons à continuer d'embaucher au moment de fortes remontées du chômage. Et c'est ce que l'on continue de faire aujourd'hui. Tous les salaires, compris entre 1 et 3,5 SMIC, c'est-à-dire aux alentours de 4 000 euros, tous ces salaires-là bénéficient d'exonérations de cotisations patronales. Alors de manière dégressive, bien sûr, mais l'institut Rexecode a calculé que 93% des salariés seraient concernés par des exonérations de cotisations patronales à divers degrés. Au niveau du SMIC, on est même depuis 2022 à zéro charge employeur, sachant que l'on a 18% de la population active au SMIC, donc presque un actif sur cinq. D'ailleurs, pour l'anecdote, vous avez aujourd'hui 18 barèmes d'allègements de cotisations et les taux vont varier selon le niveau de salaire, la taille de l'entreprise, sa localisation, son secteur d'activité, le type de contrat et même l'âge du salarié. Cela représente des dizaines de milliers de combinaisons possibles de taux de cotisation. Ainsi, selon les années, cela représente entre 60 et 90 milliards d'euros d'exonération de cotisations qui échappent à la sécurité sociale. On comprend pourquoi aujourd'hui l'État impécunieux réfléchit, depuis plus de deux ans, à la bonne formule pour réduire ces allégements de cotisations patronales auxquels les entreprises sont extrêmement attachées. On les comprend. L'enjeu pour elles, c'est le coût du travail en France qui est élevé. Si vous l'alourdissez d'une manière ou d'une autre, donc par exemple en remontant le niveau des cotisations patronales, vous allez affecter la compétitivité française. Alors il faut bien aller chercher ailleurs ces 60 à 90 milliards qui manquent à la sécu. Mais où ça donc ? Eh bien, dans les impôts et dans les taxes. Le gros morceau, c'est la CSG créée par Michel Rocard en 1991, qui pèse aujourd'hui 20% du financement de la sécu, c'est-à-dire... aux alentours de 130 à 140 milliards d'euros chaque année. Mais vous avez aussi les taxes sur les tabacs, sur les alcools, sur les salaires, ce qu'on appelle le forfait social, des taxes sur les assurances automobiles, sur les activités polluantes, une part de TVA aussi, et pas une petite fraction, de 55 à 60 milliards d'euros de TVA sont fléchés vers les comptes de la Sécu, c'est-à-dire environ 8% de ces ressources. Autrement dit, on fait déjà la TVA sociale. Et au total, ce sont une cinquantaine d'impôts et taxes fléchés pour tout ou partie vers les caisses de la Sécurité sociale. À quoi s'ajoute ce que l'État, au sens large, injecte directement dans les caisses de la Sécu pour maintenir l'illusion de la soutenabilité du système ? En particulier pour les retraites, et notamment pour les retraites des fonctionnaires. L'IFRAP a ainsi calculé que l'an dernier, 2024, sur les 402 milliards d'euros de prestations légales versées, on ne compte que 271 milliards de cotisations. La différence, c'est-à-dire près de 130 milliards. Eh bien ce sont des impôts, des taxes, mais aussi 52 milliards de subventions de l'État au régime notoirement déficitaire de la fonction publique, soit 14 000 euros par retraité. Ces 52 milliards d'euros, c'est de l'emprunt de l'argent que l'on va chercher sur les marchés et qui vient grossir la dette publique. Autrement dit, le système des retraites par répartition vit à crédit des marchés pour près de 20% de son budget. télé la réalité financière de notre système de retraite, de notre sécurité sociale. C'est donc une sacrée usine à gaz budgétaire que l'État a mise en place pour boucher les trous du panier de la sécurité sociale. Et ça lui permet de justifier au passage de prendre de plus en plus de place dans le système. Et ça n'est pas neutre, car en remplaçant des cotisations sociales par de l'impôt, Vous distendez le lien entre l'assuré et le cotisant. Vous passez d'un système d'assurance pour ses cotisants, on parle d'un système bismarckien, à un système que l'on dit beveridgien, c'est-à-dire un système d'assistance pour ceux qui en ont besoin et qui ne contribuent pas forcément. Je vous donne l'exemple de la C2S, c'est-à-dire l'ancienne couverture maladie universelle, la CMU, qui se double aujourd'hui d'une complémentaire dite solidaire. certains bénéficiaires de cette C2S contribuent au système. Mais vous en avez tout de même 6 millions, 6 millions de bénéficiaires de la C2S qui ne payent pas un centime de participation. Et ça, ça exaspère tous les Nicolas de ce pays. Nicolas, c'est devenu sur les réseaux sociaux l'archétype du jeune actif bien payé, mais hyper fiscalisé, qui a l'impression de payer pour tout le monde, et en particulier pour ses parents ou ses grands-parents, la lutte. des générations, vous le voyez, n'est pas très loin. Si on en est rendu là, c'est qu'en France, on veut le forfait maximum de la protection sociale, sans en avoir les moyens. Et on se fait un point d'honneur, malgré cela, à prendre aussi notre part de la misère du monde. Seulement, on a conçu le système sur des bases exclusivement démographiques, et la démographie ne suit plus. Dans les années 50, on mourait jeune, donc on coûtait peu en retraite, on faisait beaucoup d'enfants. beaucoup de futurs actifs cotisants, et la croissance était forte. Donc les revenus progressaient vite, et par là, les cotisations. Rien de tout cela, aujourd'hui, n'est plus vrai. La pyramide des âges est en train de s'inverser. Les plus de 60 ans en France en sont aujourd'hui plus nombreux que les moins de 18 ans, et cela ne va pas s'arranger compte tenu de notre taux de fécondité, 1,6 enfants par femme, sous le seuil de renouvellement des générations. Cela veut dire que, sauf nouveau baby-boom, La pyramide des âges va s'inverser et prendre une forme de toupie. Il y a donc péril sur le financement de la sécu. Et les dépenses vont probablement continuer de grimper, car le consensus n'est clairement plus aux économies, rien que les retraites. Ces trois dernières années, nous les avons relevées cinq fois. Mais pourquoi avoir fait cela à rebours de toute logique de bonne gestion ? Eh bien parce que les retraités sont la première force électorale du pays. Et l'on mesure là les effets politiques de la démographie. Aucun responsable politique n'osera se mettre les retraités à dos. Pour paraphraser Jean-Claude Juncker, l'ancien président de la Commission européenne, tous nos dirigeants savent ce qu'il faut faire pour sauver la sécu. En revanche, ils ne savent pas comment le faire sans perdre les élections. Alors est-ce que la sécurité sociale peut mourir ? Oui, je pense que c'est ce qui est en train de lui arriver, une mort lente. par asphyxie financière, à vouloir prendre en charge toutes les fragilités de l'existence, de la naissance jusqu'au décès. Je crois vous avoir démontré que cela n'était pas soutenable. Personne aujourd'hui n'a envie de réduire la sécu, mais on ne va pas pouvoir fonctionner indéfiniment sans réformer le système de financement. L'emprunt nous met par exemple à la merci. d'un retournement des marchés et c'est inacceptable. Alors il y a la lutte contre la fraude bien sûr, fraude aux prestations sociales que l'on estime à 13 milliards d'euros par an, donc pas tout à fait loin du niveau du déficit 2024. Ça n'est pas anecdotique donc, la fraude aux cotisations également, mais ça n'est clairement pas suffisant pour sauver le système à long terme. À un moment, il faudra soit réduire la couverture, c'est déjà ce qui se passe depuis 15 ans par exemple, avec les déremboursements de médicaments, ou encore... La promotion des génériques. Mais pourquoi pas aussi, zéro prise en charge de la médecine de ville. Un ancien dirigeant de la Sécu, Didier Tabuteau, l'a imaginé par le passé comme un scénario extrême. Aucun remboursement quand vous allez consulter votre généraliste. Les scénarios extrêmes d'aujourd'hui, on le sait, tentent à devenir les scénarios probables, 10 ou 20 ans plus tard. On peut aussi chercher de nouvelles ressources, mais où ? Supprimer les exonérations de cotisations sociales sur les bas salaires paraît irréaliste. Il fut aussi un temps question de travailler plus sans gagner plus. 7 heures par an, soit une nouvelle journée de solidarité pour financer la Sécu. Enfin, pour les retraites, passer à 65, 66 ou 67 ans, ça ce serait sérieux. Mais qui est prêt à le faire dans le pays ? Les Français sont radicalement contre, avec cette logique que moi, individu, Je n'ai pas envie de me sacrifier pour le collectif, mais je veux que le collectif me protège. Je veux les droits, mais pas les devoirs. En quoi le drame de la sécurité sociale est au cœur de la crise démocratique ? C'était intéressant, merci de m'avoir écouté. Si vous avez aimé cet épisode, vous pouvez me le dire en laissant un avis, un commentaire, je me ferai un plaisir de répondre à tous vos questions. tous vos messages, n'hésitez pas à en parler autour de vous, à partager l'épisode. Vous pouvez également me dire s'il y a des sujets que vous souhaiteriez que j'aborde dans de futures chroniques. Je me ferais vraiment un plaisir d'échanger en direct avec vous. Vous pouvez aussi bien sûr vous abonner pour ne manquer aucun épisode d'intéressant. Je suis aussi sur les réseaux sociaux Instagram et Facebook et bien sûr la chaîne YouTube intéressant Dimitri Pablenko. Je vous dis donc à très vite la semaine prochaine. On parlera du narcotrafic.

Chapters

  • Introduction

    00:00

  • La Sécu, monument en péril

    00:58

  • la protection sociale, poids lourds de la dépense publique

    04:06

  • La Sécu à la merci des marchés ?

    06:18

  • La protection sociale sur votre fiche de paye

    10:37

  • L'Etat a pris les commandes de la Sécu

    12:20

  • Le contrat bafoué de la Sécurité Sociale

    16:35

  • la démographie ne suit plus

    18:10

  • La Sécu est en train de mourir... Comment l'éviter ?

    19:41

Transcription

  • Speaker #0

    La Sécu est une vieille dame, elle va avoir 80 ans cette année, mais elle est surtout une incorrigible dépensière. Elle a versé en 2024 plus de 660 milliards d'euros de prestations. Ce sera encore davantage cette année malgré la promesse gouvernementale de faire des économies. Les dépenses de protection sociale sont maintenant hors de contrôle, vient de dire la Cour des comptes, qui déjà en 2024 parlait de trajectoires insoutenables. et de perspectives inquiétantes. Alors, la sécurité sociale peut-elle mourir ? Bonjour, c'est Dimitri Pavlenko, bienvenue sur Intéressant. Toutes les semaines, on va se retrouver autour d'un sujet d'actualité en version grand format pour bien prendre le temps de tout comprendre. Je vous invite à vous abonner dès maintenant pour ne manquer aucune chronique en podcast, mais également en vidéo sur la chaîne YouTube Intéressant. Intéressant avec un point d'exclamation. Cette semaine donc, je vous parle... de la sécurité sociale. Dans l'imaginaire national, la sécu, c'est la France, c'est un morceau de notre patrimoine. Elle a ce statut non écrit, bien sûr, de bien commun à tous les Français. On l'aperçoit d'ailleurs un petit peu comme le bras social de la République. Alors je vous propose un petit jeu. Si je vous demande les mots qui vous viennent spontanément à l'esprit quand vous pensez à la sécurité sociale, vous allez me dire santé, carte vitale. peut-être retraite, remboursement ou encore arrêt maladie. En effet, tout cela, c'est ce que fait la sécurité sociale. Mais si maintenant, je vous demande de me parler de l'état de la sécu, rapidement, vous allez songer déficit, dette, fraude ou encore déclin. Peut-être me parlerez-vous de votre inquiétude pour son avenir. Eh bien, c'est exactement les résultats... d'un sondage récent qui date de la fin du mois de mars pour la Fondation Jean Jaurès et le groupe mutualiste Vive, les mots de l'inquiétude et de l'incertitude, comme quoi le trou de la sécu est bien entré dans nos têtes. Nous sommes tous aujourd'hui attachés à la sécu, mais nous avons des doutes sur son avenir et c'est un sentiment d'insécurité sociale qui nous gagne. Et lorsqu'on y réfléchit un instant, c'est tout de même un comble parce que lorsque l'on crée la Sécu en 1945, l'ambition est précisément de préserver le travailleur de l'incertitude du lendemain. C'était la formule en vogue à l'époque. Préserver le travailleur de l'incertitude du lendemain en lui apportant, ainsi qu'à sa famille, une protection sociale large couvrant les frais liés à l'enfance, à la santé, les risques au travail et la retraite. Il y avait au moment de la reconstruction, après les souffrances et les privations de la guerre, un enjeu de confiance nationale. Les Français voulaient des coussins amortisseurs à tous les stades de l'existence. La Sécu les leur a apportés. Alors au début des années 50, le prélèvement sur la richesse nationale pour financer la toute jeune Sécu est plutôt modeste. Mais à l'époque, il n'y avait pas toute l'armature médicale dont nous disposons aujourd'hui. En 1946, vous avez à peine 30 000 médecins en France pour 40 millions de Français, c'est-à-dire un professionnel de santé pour 1 400 personnes. Aujourd'hui, ces médecins, ils sont 230 000 pour 70 millions de Français, c'est-à-dire 1 pour 300. Et si vous regardez les médicaments, vous aviez quelques dizaines de références en 1946, vous en avez aujourd'hui plus de 13 000. et l'espérance de vie. n'excédait pas à 65 ans, soit l'âge de la retraite à l'époque. On ne touchait donc pas bien longtemps sa pension. Alors qu'aujourd'hui, on atteint fréquemment 80, 85 ans. Et l'espérance de vie en France en 2025, elle est de 77 ans chez les femmes, 75 ans et demi chez les hommes, soit parmi les niveaux les plus élevés du monde. Et quelque part, le problème de la sécurité sociale se trouve précisément là. Elle a formidablement réussi. Cela a permis l'allongement de la durée de vie d'une vingtaine d'années en un demi-siècle, mais cela s'est fait au prix d'une explosion des comptes sociaux. La dépense publique sociale en 1950 était de 5 à 6% du PIB. Aujourd'hui c'est 31,5%. Cela a même été 35% en 2020, l'année du Covid. C'est-à-dire que l'on consacre près d'un tiers de la richesse annuellement créée par l'économie nationale. 31,5% donc consacrés à la protection sociale, record mondial. Pour vous donner une idée plus large, la France c'est 1% de la population mondiale, mais à peu près 5% des dépenses sociales de la planète. Alors pour rappel, la sécurité sociale compte 5 branches. Vous avez la branche famille, les allocations familiales, la branche maladie, la branche accident du travail, maladie professionnelle. La branche retraite et puis la toute jeune branche autonomie dont nous parlerons un petit peu plus loin. Vous avez également une sixième branche qu'elle appelait recouvrement. Cette branche recouvrement c'est le collecteur et le gestionnaire des cotisations et contributions sociales. Cette année 2025, la sécurité sociale dans son ensemble va verser, c'est-à-dire dépenser, plus de 660 milliards d'euros de prestations. Avec comme premier poste les retraites, suivies par l'assurance maladie. Ce sont là les deux principales branches du système. Malheureusement, les recettes ont du mal à suivre. La dernière année dans le vert pour la sécu, c'est-à-dire avec un exercice comptable non déficitaire, remonte à 2001. 2001, depuis, les déficits s'accumulent année après année. Et je vous parle là de points de PIB, de sommes à 10 ou 11 chiffres. Par exemple, en 2010, 29 milliards 600 millions d'euros de déficit. En 2011, 22 milliards 6. 2019, un exploit, on ramène le déficit à seulement 1 milliard 7. Mais l'année suivante, patatras, le Covid, 39 milliards 700 millions d'euros de déficit, c'est colossal. Et ces déficits, année après année, s'accumulent pour former la dette sociale. Comme celle de l'État, cette dette sociale est une dette qui roule, c'est-à-dire que l'on rembourse les créances au fur et à mesure par de nouveaux emprunts. Mais jamais on ne solde. L'an dernier, l'organisme chargé de piloter cette dette, la CADES, la Caisse d'amortissement de la dette sociale, qu'on a créée en 1996, stockait 157 milliards d'euros de dette. Elle était censée, cette CADES, cesser son activité en 2009. La date a été repoussée une première fois à 2024. Aujourd'hui, l'extinction de la CADES, elle est programmée pour 2033. Pourtant, elle rembourse en permanence en empruntant de l'argent sur les marchés. D'ailleurs, en 2017, on a marié la CADES à l'agence France Trésor qui aimait les titres de la dette française, les OAT, les obligations assimilables au trésor. Sans doute est-ce plus simple ainsi, mais clairement cela n'est pas bon signe. Cela veut dire que la dette sociale, comme la dette publique générale, est un tonneau qui se remplit plus vite qu'il ne se vide. Et en effet, les dépenses de la Sécu augmentent naturellement de 3 à 4% par an en moyenne. Et c'est insoutenable quand vous affichez une croissance économique globale qui a du mal à atteindre 1%. Les dépenses augmentent pour plusieurs raisons. L'inflation, bien sûr, mais surtout sous l'effet du vieillissement de la population. Plus on est âgé, plus on a de dépenses de protection sociale. Et le grand âge crée en outre de nouveaux besoins. En 2020. On a ainsi créé une cinquième branche à la sécurité sociale, la branche autonomie, qui coûte déjà 40 milliards d'euros chaque année, bientôt 50. Et l'on ne sait pas où prélever cet argent. Alors ayez bien ce paramètre en tête dans le débat sur l'aide active à mourir. La fin de vie est un poste de dépense majeur pour la société. L'inspection générale des affaires sociales, Ligas, a récemment calculé que les dépenses publiques de santé liées à la dernière année de vie atteintent... 31 000 euros par personne qui va décéder dans l'année. 31 000 euros à raison de 650 000 décès par an, cela représente 20 milliards d'euros chaque année, soit 10% environ de la dépense publique en soins et biens médicaux. Voilà donc derrière les discours sur la liberté de s'en aller, de choisir le moment de son départ, vous avez également une logique comptable un peu sordide. Ça n'est d'ailleurs pas pour rien que les mutuelles sont d'ardentes partisanes. de l'aide active à mourir. Résultat, la Cour des comptes pensait que nous étions parvenus à stabiliser le déficit de la sécu autour de 10 milliards d'euros par an. Eh bien non, 2024, on a fait 15,3 milliards de déficit. En 2025, on espère 22 milliards et ce sera certainement plus. On a déjà de premières alertes de dépassement de l'ondam. c'est-à-dire l'objectif national de dépense d'assurance maladie qui chaque année est fixé par les parlementaires lors de l'examen du budget de la Sécu. Le risque, la Cour des comptes l'écrit en toutes lettres, c'est que la Sécu n'arrive plus à lever de l'argent sur le marché d'emprunt des capitaux parce que ce marché est déjà énormément sollicité. Il faut replacer la situation de déficit chronique de la Sécu dans le contexte plus général. de montée de l'endettement public dans le monde entier, mais aussi parce que des doutes apparaissent sur la qualité de la signature de la France, que l'on sait en baisse. Je vous ai dit tout à l'heure, la sécu, c'est la France. Et bien quand les agences de notation hésitent à maintenir la note AA à l'emprunt français, la sécurité sociale, indirectement, est menacée. Chaque mise à jour des agences de notation menace désormais de mettre en péril le financement par l'emprunt des déficits de la Sécu et donc le versement de l'intégralité des prestations sociales. L'accident de marché guette à l'heure de l'endettement public généralisé. Telle est la réalité budgétaire de la sécurité sociale. C'est dramatique et vraiment cela questionne notre niveau de générosité sociale, mais aussi le mode de financement de la Sécu. Alors regardez votre fiche de paye, en tout cas si vous êtes un actif. En moyenne, vous envoyez à la sécu un quart de votre salaire brut sous forme de cotisation sociale. Sachant qu'avant vous, votre patron, lui, a déjà réglé à la sécu entre 25 et 40% de ce qu'il vous paye brut. C'est donc une double ponction qui s'opère sur votre salaire pour le bénéfice de la sécurité sociale. Alors prenons un exemple, pour vous verser 2000 euros net. Votre patron doit sortir super brut, comme on dit, 3 300 euros. 3 300 dont 1 300 vont partir à la Sécurité sociale. En tant que salarié, vous allez verser entre 500 et 600 euros de cotisation salariale. Votre employeur, lui, entre 700 et 800 euros de cotisation patronale. Voilà le coût pour vous et votre employeur, sonnant et trébuchant de la protection sociale. Malheureusement, ce coût réel est presque... invisible. A 2000 euros net par mois, vous ne connaissez généralement pas votre super brut, c'est-à-dire ce que vous gagneriez si votre patron vous versait l'intégralité de ce que vous lui coûtez réellement. Et c'est un problème parce que le principe financier de départ de la sécu, c'est la participation financière des assurés. Vous touchez parce que vous cotisez. Cela justifie que vous gouverniez le système à travers des représentants les partenaires sociaux, c'est-à-dire les syndicats de salariés et patronaux. Donc au départ, l'État, l'administration sont en tutelle de la sécurité sociale. Mais de loin, ça n'est plus le cas. L'État, aujourd'hui, a les mains sur le manche du système de protection sociale. Ce qui a changé, c'est qu'il y a 30 ans, plus de 90% de l'argent de la Sécu venait des cotisations sociales. Aujourd'hui, ce n'est plus que... 48% selon le site Fipeco qui fait autorité sur les questions de finances publiques. De 90%, nous sommes passés à 48% seulement de financement de la Sécu par les cotisations. Au fondement de cette révolution, il y a un arbitrage politique qui remonte au début des années 90 pour dire qu'il fallait réduire le coût du travail, donc la pression sur les bas salaires pour inciter les patrons à continuer d'embaucher au moment de fortes remontées du chômage. Et c'est ce que l'on continue de faire aujourd'hui. Tous les salaires, compris entre 1 et 3,5 SMIC, c'est-à-dire aux alentours de 4 000 euros, tous ces salaires-là bénéficient d'exonérations de cotisations patronales. Alors de manière dégressive, bien sûr, mais l'institut Rexecode a calculé que 93% des salariés seraient concernés par des exonérations de cotisations patronales à divers degrés. Au niveau du SMIC, on est même depuis 2022 à zéro charge employeur, sachant que l'on a 18% de la population active au SMIC, donc presque un actif sur cinq. D'ailleurs, pour l'anecdote, vous avez aujourd'hui 18 barèmes d'allègements de cotisations et les taux vont varier selon le niveau de salaire, la taille de l'entreprise, sa localisation, son secteur d'activité, le type de contrat et même l'âge du salarié. Cela représente des dizaines de milliers de combinaisons possibles de taux de cotisation. Ainsi, selon les années, cela représente entre 60 et 90 milliards d'euros d'exonération de cotisations qui échappent à la sécurité sociale. On comprend pourquoi aujourd'hui l'État impécunieux réfléchit, depuis plus de deux ans, à la bonne formule pour réduire ces allégements de cotisations patronales auxquels les entreprises sont extrêmement attachées. On les comprend. L'enjeu pour elles, c'est le coût du travail en France qui est élevé. Si vous l'alourdissez d'une manière ou d'une autre, donc par exemple en remontant le niveau des cotisations patronales, vous allez affecter la compétitivité française. Alors il faut bien aller chercher ailleurs ces 60 à 90 milliards qui manquent à la sécu. Mais où ça donc ? Eh bien, dans les impôts et dans les taxes. Le gros morceau, c'est la CSG créée par Michel Rocard en 1991, qui pèse aujourd'hui 20% du financement de la sécu, c'est-à-dire... aux alentours de 130 à 140 milliards d'euros chaque année. Mais vous avez aussi les taxes sur les tabacs, sur les alcools, sur les salaires, ce qu'on appelle le forfait social, des taxes sur les assurances automobiles, sur les activités polluantes, une part de TVA aussi, et pas une petite fraction, de 55 à 60 milliards d'euros de TVA sont fléchés vers les comptes de la Sécu, c'est-à-dire environ 8% de ces ressources. Autrement dit, on fait déjà la TVA sociale. Et au total, ce sont une cinquantaine d'impôts et taxes fléchés pour tout ou partie vers les caisses de la Sécurité sociale. À quoi s'ajoute ce que l'État, au sens large, injecte directement dans les caisses de la Sécu pour maintenir l'illusion de la soutenabilité du système ? En particulier pour les retraites, et notamment pour les retraites des fonctionnaires. L'IFRAP a ainsi calculé que l'an dernier, 2024, sur les 402 milliards d'euros de prestations légales versées, on ne compte que 271 milliards de cotisations. La différence, c'est-à-dire près de 130 milliards. Eh bien ce sont des impôts, des taxes, mais aussi 52 milliards de subventions de l'État au régime notoirement déficitaire de la fonction publique, soit 14 000 euros par retraité. Ces 52 milliards d'euros, c'est de l'emprunt de l'argent que l'on va chercher sur les marchés et qui vient grossir la dette publique. Autrement dit, le système des retraites par répartition vit à crédit des marchés pour près de 20% de son budget. télé la réalité financière de notre système de retraite, de notre sécurité sociale. C'est donc une sacrée usine à gaz budgétaire que l'État a mise en place pour boucher les trous du panier de la sécurité sociale. Et ça lui permet de justifier au passage de prendre de plus en plus de place dans le système. Et ça n'est pas neutre, car en remplaçant des cotisations sociales par de l'impôt, Vous distendez le lien entre l'assuré et le cotisant. Vous passez d'un système d'assurance pour ses cotisants, on parle d'un système bismarckien, à un système que l'on dit beveridgien, c'est-à-dire un système d'assistance pour ceux qui en ont besoin et qui ne contribuent pas forcément. Je vous donne l'exemple de la C2S, c'est-à-dire l'ancienne couverture maladie universelle, la CMU, qui se double aujourd'hui d'une complémentaire dite solidaire. certains bénéficiaires de cette C2S contribuent au système. Mais vous en avez tout de même 6 millions, 6 millions de bénéficiaires de la C2S qui ne payent pas un centime de participation. Et ça, ça exaspère tous les Nicolas de ce pays. Nicolas, c'est devenu sur les réseaux sociaux l'archétype du jeune actif bien payé, mais hyper fiscalisé, qui a l'impression de payer pour tout le monde, et en particulier pour ses parents ou ses grands-parents, la lutte. des générations, vous le voyez, n'est pas très loin. Si on en est rendu là, c'est qu'en France, on veut le forfait maximum de la protection sociale, sans en avoir les moyens. Et on se fait un point d'honneur, malgré cela, à prendre aussi notre part de la misère du monde. Seulement, on a conçu le système sur des bases exclusivement démographiques, et la démographie ne suit plus. Dans les années 50, on mourait jeune, donc on coûtait peu en retraite, on faisait beaucoup d'enfants. beaucoup de futurs actifs cotisants, et la croissance était forte. Donc les revenus progressaient vite, et par là, les cotisations. Rien de tout cela, aujourd'hui, n'est plus vrai. La pyramide des âges est en train de s'inverser. Les plus de 60 ans en France en sont aujourd'hui plus nombreux que les moins de 18 ans, et cela ne va pas s'arranger compte tenu de notre taux de fécondité, 1,6 enfants par femme, sous le seuil de renouvellement des générations. Cela veut dire que, sauf nouveau baby-boom, La pyramide des âges va s'inverser et prendre une forme de toupie. Il y a donc péril sur le financement de la sécu. Et les dépenses vont probablement continuer de grimper, car le consensus n'est clairement plus aux économies, rien que les retraites. Ces trois dernières années, nous les avons relevées cinq fois. Mais pourquoi avoir fait cela à rebours de toute logique de bonne gestion ? Eh bien parce que les retraités sont la première force électorale du pays. Et l'on mesure là les effets politiques de la démographie. Aucun responsable politique n'osera se mettre les retraités à dos. Pour paraphraser Jean-Claude Juncker, l'ancien président de la Commission européenne, tous nos dirigeants savent ce qu'il faut faire pour sauver la sécu. En revanche, ils ne savent pas comment le faire sans perdre les élections. Alors est-ce que la sécurité sociale peut mourir ? Oui, je pense que c'est ce qui est en train de lui arriver, une mort lente. par asphyxie financière, à vouloir prendre en charge toutes les fragilités de l'existence, de la naissance jusqu'au décès. Je crois vous avoir démontré que cela n'était pas soutenable. Personne aujourd'hui n'a envie de réduire la sécu, mais on ne va pas pouvoir fonctionner indéfiniment sans réformer le système de financement. L'emprunt nous met par exemple à la merci. d'un retournement des marchés et c'est inacceptable. Alors il y a la lutte contre la fraude bien sûr, fraude aux prestations sociales que l'on estime à 13 milliards d'euros par an, donc pas tout à fait loin du niveau du déficit 2024. Ça n'est pas anecdotique donc, la fraude aux cotisations également, mais ça n'est clairement pas suffisant pour sauver le système à long terme. À un moment, il faudra soit réduire la couverture, c'est déjà ce qui se passe depuis 15 ans par exemple, avec les déremboursements de médicaments, ou encore... La promotion des génériques. Mais pourquoi pas aussi, zéro prise en charge de la médecine de ville. Un ancien dirigeant de la Sécu, Didier Tabuteau, l'a imaginé par le passé comme un scénario extrême. Aucun remboursement quand vous allez consulter votre généraliste. Les scénarios extrêmes d'aujourd'hui, on le sait, tentent à devenir les scénarios probables, 10 ou 20 ans plus tard. On peut aussi chercher de nouvelles ressources, mais où ? Supprimer les exonérations de cotisations sociales sur les bas salaires paraît irréaliste. Il fut aussi un temps question de travailler plus sans gagner plus. 7 heures par an, soit une nouvelle journée de solidarité pour financer la Sécu. Enfin, pour les retraites, passer à 65, 66 ou 67 ans, ça ce serait sérieux. Mais qui est prêt à le faire dans le pays ? Les Français sont radicalement contre, avec cette logique que moi, individu, Je n'ai pas envie de me sacrifier pour le collectif, mais je veux que le collectif me protège. Je veux les droits, mais pas les devoirs. En quoi le drame de la sécurité sociale est au cœur de la crise démocratique ? C'était intéressant, merci de m'avoir écouté. Si vous avez aimé cet épisode, vous pouvez me le dire en laissant un avis, un commentaire, je me ferai un plaisir de répondre à tous vos questions. tous vos messages, n'hésitez pas à en parler autour de vous, à partager l'épisode. Vous pouvez également me dire s'il y a des sujets que vous souhaiteriez que j'aborde dans de futures chroniques. Je me ferais vraiment un plaisir d'échanger en direct avec vous. Vous pouvez aussi bien sûr vous abonner pour ne manquer aucun épisode d'intéressant. Je suis aussi sur les réseaux sociaux Instagram et Facebook et bien sûr la chaîne YouTube intéressant Dimitri Pablenko. Je vous dis donc à très vite la semaine prochaine. On parlera du narcotrafic.

Chapters

  • Introduction

    00:00

  • La Sécu, monument en péril

    00:58

  • la protection sociale, poids lourds de la dépense publique

    04:06

  • La Sécu à la merci des marchés ?

    06:18

  • La protection sociale sur votre fiche de paye

    10:37

  • L'Etat a pris les commandes de la Sécu

    12:20

  • Le contrat bafoué de la Sécurité Sociale

    16:35

  • la démographie ne suit plus

    18:10

  • La Sécu est en train de mourir... Comment l'éviter ?

    19:41

Share

Embed

You may also like