Description
Sortie du rêve, fin de la récréation !
Du plus profond de nos mémoires, un vieux clou tordu et rouillé restait irréversiblement planté au mur de notre ancien dortoir.
Un grand sac pesant, à l'étoffe incertaine, tout aussi oublié que quiconque l'ayant accroché là, le tirait vers le bas, se fatigant lui-même, ainsi qu'il fatiguait d'un contenu massif, sa patère de fortune.
Il arrivait aux unes, aux uns, aux autres de faire ici la sieste, les hivers calfeutrés, l'été, fenêtres ouvertes aux sons de la campagne et de la maisonnée, auxquels, à notre insu, se mêlait la complainte discrète et continue qu'endurait la matière et du clou et du sac.
Lieu de repos ou de passage, de rencontre et de partage, de séduction ou de conquête, de frottement ou de transgression et de compromission, de recul et de rupture, d'indifférence, de plénitude et/ou de solitude... Se vivaient là les rêves fous, ensommeillés ou engourdis du drame et de la comédie, les affres de la scène humaine, en ce théâtre de lumière, d'insouciance, d'allégresse, d'excitation, de tolérance ou d'étroitesse, de déception et de tracas.
Nul ne prêtait attention aux grincements insignifiants d'un sac usé et tiraillé, pendu à un clou biscornu d'une arrière-salle de l'univers, s'empesant depuis la nuit des temps de l'épaisseur de l'erreur, par laquelle se séparaient, se dispersaient et s'enfermaient les esprits, s'allégeant par ailleurs de toute réalisation de la vérité, dont se nourrissent et s'illuminent les âmes.
Calibré à l'équilibre, le clou ployait sous la charge depuis des millénaires, sa structure craquelante et l'anse déformée du sac gémissant en s'échangeant des tics tacs fondus dans le profond silence des ignorances.
Tension jusqu'à l'extrême déchirure qui initia le grand vacarme de la chute du sac, dont la brutalité assourdissante fracassa toute individualité, depuis son lieu d'éloignement, sur l'unique et implacable vérité du Réel.
C'était la fin du mirage, déjà oublié et ignoré, anéanti, enfoui, en même temps que tout son décorum, comme l'était aussi la sieste qui n'avait pas eu lieu.
L'humanité l'ignorait. À force de s'enfoncer dans l'erreur et dans ses illusions, elle a lesté le sac jusqu'à le faire craquer. Chacun est tombé de sa chaise, d'où qu'il était dans son délire, a délaissé sa singularité pour revenir dans l'Unité qu'il n'avait jamais quitté.
---------
Texte déposé ©Renaud Soubise
Musique : ©Rossini - William Tell Overture - Part 1
Hébergé par Ausha. Visitez ausha.co/politique-de-confidentialite pour plus d'informations.