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IsadorABC

Hôtel (2) - 21/06 15:37

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10min |26/06/2025|

13

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Description

Hôtel deuxième épisode du podcast animé par Clarence Massiani et Régis Decaix, autour de la relation entre écrivains et hôtels.


Hébergé par Ausha. Visitez ausha.co/politique-de-confidentialite pour plus d'informations.

Transcription

  • Speaker #0

    Bienvenue dans notre podcast Isadora BC, le podcast où une comédienne et un poète échangent autour d'une tasse de café. La comédienne c'est Clarence Massiani, le poète c'est Régis Dequet. Bonjour Clarence.

  • Speaker #1

    Bonjour Régis.

  • Speaker #0

    Alors ce podcast, c'est à nouveau la suite du podcast précédent sur les hôtels, où on évoque le livre...

  • Speaker #1

    Nous revenons avec le livre Hôtel littéraire, Voyage autour de la terre, de Nathalie Hache de Saint-Fal aux éditions de Noël, à la rencontre d'anecdotes, de souvenirs, de morceaux de vie des écrivains dans les hôtels qu'ils ont fréquentés. Et je vais vous partager un morceau de vie de Gustave Flaubert qui se trouvait à l'hôtel du Nil, dans le Caire. Avant de remonter le Nil, au-delà d'Abu Simbel avec Maxime Ducamp, Gustave Flaubert, qui n'a pas encore 30 ans, s'installe au Caire, à l'hôtel du Nil. Le plus long fleuve du monde charrie le limon qui féconde annuellement la terre et l'imagination d'un écrivain qui emporte son univers avec lui. Cette année-là, en 1850, Au mur du vestibule du premier étage de l'hôtel, Flaubert remarque une série de gravures de l'illustre-illustrateur Gavarni qui ne sont en fait que des pages arrachées au journal satirique Charivari, quintessence du parisianisme qui est ce que la civilisation envoie ici. Il songe à Paris, à la réaction de Bouillet et de Maxime Ducamp, à la lecture de La Tentation de Saint-Antoine, trop lyrique, pas assez réaliste, et à un fait divers récent, l'histoire de Jeanne de Lamarre, un médecin dont la femme infidèle s'est empoisonnée et qui s'est laissée mourir de chagrin. Ayant remonté le Nil jusqu'à la deuxième cataracte de gradinite noire, le djébel à Boussir où le fleuve pénètre en Égypte, Flaubert, sous les rayons brûlants de Ré le Soleil, poursuivi par l'image de l'immorale Madame de Lamarre qui avait vécu dans un village de France au nom de Ré, repensant à nouveau à l'hôtel du Nil, à son propriétaire, M. Bouvaré, s'exclame soudain J'ai trouvé Eureka, Eureka, je l'appellerai Emma Bovary.

  • Speaker #0

    Voilà, nous allons quitter l'Égypte, le Nil, nous allons quitter Flaubert pour aller directement aux États-Unis avec Jack Kerouac. Sur la route à Des Moines, Iowa, Jack Kerouac cherche une chambre d'instinct en flânant du côté des voies de triage. J'échouais dans une vieille gargote ténébreuse près de la rotonde des locomotives et passais toute une journée à dormir sur un grand lit blanc, bien propre et bien dur, avec des graffitis obscènes gravés sur les murs. près de mon oreiller et de foutus rideaux jaunes tirés sur le spectacle fuligineux des rails. Je m'éveillais quand le soleil se mit à rougeoyer. Et ce fut la seule fois de ma vie qu'aussi nettement, moment étrange entre tous, je ne sus plus qui j'étais. Alors Clarence, nous continuons avec ?

  • Speaker #1

    Nous continuons avec plein de petites anecdotes. de différents artistes, des écrivains, des chanteurs qui ont séjourné au Chelsea Hotel.

  • Speaker #0

    Ils ont tous séjourné là-bas, au Chelsea Hotel.

  • Speaker #1

    Oui, tout à fait. Alors, je vais commencer par Arthur Miller. Il travailla sept ans au Chelsea. Tandis que Marilyn Monroe, qui occupait ses esprits, tournait à Hollywood ou l'attendait dans leur maison de Roxbury. Le surréel avait pour citadelle le Chelsea, dont il aimait l'ambiance incomparable de déclin irréversible. Un lieu sans goût, sans honte.

  • Speaker #0

    Alors, on ne va pas quitter le Chelsea Hotel, mais on va évoquer un certain Robert Zimmerman qui prit le nom de Dylan, en hommage à Dylan Thomas. Sur les traces, le porte-parole de la contestation américaine à l'heure de la guerre du Vietnam vint écrire dans les murs du Chelsea Blonde on Blonde et quelques autres textes des années hippies.

  • Speaker #1

    Je continue avec Sam Shepard. Déglingué aux drogues communes et à la rébellion des années 60 et 70, il bâclait pour de l'argent et sauvait à l'instinct Cowboy Mouth, sa première pièce de théâtre, en quelques nuits blanches dans sa chambre d'hôtel. Il écrira ensuite les motels chroniques.

  • Speaker #0

    Léonard Cohen, il a écrit et chanté Chelsea Hotel, bien sûr, pour Janis Joplin, ayant appris sa mort par abus de drogue et d'alcool. I remember you well in Chelsea Hotel. You were famous, your heart was a legend. Une légende dans un hôtel de légende.

  • Speaker #1

    Et je termine avec Tennessee Williams. Il se réfugiait au Chelsea chaque fois qu'il venait à New York pour noyer ses échecs dans l'alcool et les drogues comme ses héros, victimes de leurs obsessions sexuelles, harcelées par la société, culpabilisées et au bord du suicide. Il est mort à New York en 1983, loin de son sud. Je continue avec Guillaume Apollinaire.

  • Speaker #0

    J'imagine qu'on n'est plus au Chelsea Hotel.

  • Speaker #1

    Non, on a quitté le Chelsea Hotel. Nous partons vers Nîmes, en France, à l'hôtel du Midi. Tu m'as parlé de vice en ta lettre d'hier. Le vice n'entre pas dans les amours sublimes. Il n'est pas plus qu'un grain de sable dans la mer, un seul grain descendant dans les glauqueuses abîmes. Septembre 1914. Guillaume Apollinaire est à Nice où il fait la connaissance de Louise de Coligny-Châtillon. Selon un témoin, elle est spirituelle, dégagée, frivole, impétueuse, puérile, sensible, insaisissable, énervée, un peu éperdue en quelque sorte. Il en tombe amoureux. et s'étonne de la voir répondre à ses avances par une étrange et tacite acceptation entravée de provocations et de volte-faces. Il naît entre une troublante complicité. En décembre, après qu'elle se fût une fois de plus dérobée, le jeu lui semble être vain et il rejoint le 38e régiment d'artillerie de campagne à Nîmes, où il arrive le 6. Le 7, elle la rejoint et l'attend à l'hôtel du midi. Ils vont s'aimer, passionnément, violemment, pendant huit jours et huit nuits. Repartie à Nice comme elle était arrivée, Louise va recevoir des lettres quotidiennes, poèmes à loups, parfois en calligramme. Apollinaire, durant plusieurs mois, vit de l'illusion que peut-être elle reviendra. Elle ne lui a pas caché l'existence d'autres liaisons. Il sait, il accepte, il sauvegarde l'ombre des jours de lumière, de l'enfermement érotique, ardent et subtil qu'elle lui a donné en s'offrant. Il la revoit deux fois, à Nice, aller et retour en de brèves permissions, et tenant sa promesse d'entière sincérité, elle répond parfois à ses lettres, entretenant la flamme par ses confidences. Leur amour aura été fulgurant et impossible. Partant pour le front, il se résout à l'adieu. J'ai goûté le meilleur, je vais goûter le pire. Mais je t'aime, ma loup, comme on n'a pas aimé. Et quand tu seras vieille enfant, mon cœur, mon âme, souviens-toi quelquefois de moi. La dernière lettre est datée de janvier 1916, mais déjà en juin, il savait la valeur des poèmes adressés par Amour à loup. Il le confia à une amie. « Mes meilleurs poèmes, il y en a, je crois de bons, vous ne les lirez que si, celle qui les a, veut bien, après la guerre, que je les publie. » Apollinaire est mort de l'épidémie de grippe espagnole le 9 novembre 1918, deux jours avant l'armistice.

  • Speaker #0

    Merci Clarence pour ce magnifique texte qui nous évoque le poète Guillaume Apollinaire et son histoire d'amour avec l'eau. On se retrouve pour un prochain podcast ?

  • Speaker #1

    Oui, tout à fait.

  • Speaker #0

    À très vite.

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Hôtel deuxième épisode du podcast animé par Clarence Massiani et Régis Decaix, autour de la relation entre écrivains et hôtels.


Hébergé par Ausha. Visitez ausha.co/politique-de-confidentialite pour plus d'informations.

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  • Speaker #0

    Bienvenue dans notre podcast Isadora BC, le podcast où une comédienne et un poète échangent autour d'une tasse de café. La comédienne c'est Clarence Massiani, le poète c'est Régis Dequet. Bonjour Clarence.

  • Speaker #1

    Bonjour Régis.

  • Speaker #0

    Alors ce podcast, c'est à nouveau la suite du podcast précédent sur les hôtels, où on évoque le livre...

  • Speaker #1

    Nous revenons avec le livre Hôtel littéraire, Voyage autour de la terre, de Nathalie Hache de Saint-Fal aux éditions de Noël, à la rencontre d'anecdotes, de souvenirs, de morceaux de vie des écrivains dans les hôtels qu'ils ont fréquentés. Et je vais vous partager un morceau de vie de Gustave Flaubert qui se trouvait à l'hôtel du Nil, dans le Caire. Avant de remonter le Nil, au-delà d'Abu Simbel avec Maxime Ducamp, Gustave Flaubert, qui n'a pas encore 30 ans, s'installe au Caire, à l'hôtel du Nil. Le plus long fleuve du monde charrie le limon qui féconde annuellement la terre et l'imagination d'un écrivain qui emporte son univers avec lui. Cette année-là, en 1850, Au mur du vestibule du premier étage de l'hôtel, Flaubert remarque une série de gravures de l'illustre-illustrateur Gavarni qui ne sont en fait que des pages arrachées au journal satirique Charivari, quintessence du parisianisme qui est ce que la civilisation envoie ici. Il songe à Paris, à la réaction de Bouillet et de Maxime Ducamp, à la lecture de La Tentation de Saint-Antoine, trop lyrique, pas assez réaliste, et à un fait divers récent, l'histoire de Jeanne de Lamarre, un médecin dont la femme infidèle s'est empoisonnée et qui s'est laissée mourir de chagrin. Ayant remonté le Nil jusqu'à la deuxième cataracte de gradinite noire, le djébel à Boussir où le fleuve pénètre en Égypte, Flaubert, sous les rayons brûlants de Ré le Soleil, poursuivi par l'image de l'immorale Madame de Lamarre qui avait vécu dans un village de France au nom de Ré, repensant à nouveau à l'hôtel du Nil, à son propriétaire, M. Bouvaré, s'exclame soudain J'ai trouvé Eureka, Eureka, je l'appellerai Emma Bovary.

  • Speaker #0

    Voilà, nous allons quitter l'Égypte, le Nil, nous allons quitter Flaubert pour aller directement aux États-Unis avec Jack Kerouac. Sur la route à Des Moines, Iowa, Jack Kerouac cherche une chambre d'instinct en flânant du côté des voies de triage. J'échouais dans une vieille gargote ténébreuse près de la rotonde des locomotives et passais toute une journée à dormir sur un grand lit blanc, bien propre et bien dur, avec des graffitis obscènes gravés sur les murs. près de mon oreiller et de foutus rideaux jaunes tirés sur le spectacle fuligineux des rails. Je m'éveillais quand le soleil se mit à rougeoyer. Et ce fut la seule fois de ma vie qu'aussi nettement, moment étrange entre tous, je ne sus plus qui j'étais. Alors Clarence, nous continuons avec ?

  • Speaker #1

    Nous continuons avec plein de petites anecdotes. de différents artistes, des écrivains, des chanteurs qui ont séjourné au Chelsea Hotel.

  • Speaker #0

    Ils ont tous séjourné là-bas, au Chelsea Hotel.

  • Speaker #1

    Oui, tout à fait. Alors, je vais commencer par Arthur Miller. Il travailla sept ans au Chelsea. Tandis que Marilyn Monroe, qui occupait ses esprits, tournait à Hollywood ou l'attendait dans leur maison de Roxbury. Le surréel avait pour citadelle le Chelsea, dont il aimait l'ambiance incomparable de déclin irréversible. Un lieu sans goût, sans honte.

  • Speaker #0

    Alors, on ne va pas quitter le Chelsea Hotel, mais on va évoquer un certain Robert Zimmerman qui prit le nom de Dylan, en hommage à Dylan Thomas. Sur les traces, le porte-parole de la contestation américaine à l'heure de la guerre du Vietnam vint écrire dans les murs du Chelsea Blonde on Blonde et quelques autres textes des années hippies.

  • Speaker #1

    Je continue avec Sam Shepard. Déglingué aux drogues communes et à la rébellion des années 60 et 70, il bâclait pour de l'argent et sauvait à l'instinct Cowboy Mouth, sa première pièce de théâtre, en quelques nuits blanches dans sa chambre d'hôtel. Il écrira ensuite les motels chroniques.

  • Speaker #0

    Léonard Cohen, il a écrit et chanté Chelsea Hotel, bien sûr, pour Janis Joplin, ayant appris sa mort par abus de drogue et d'alcool. I remember you well in Chelsea Hotel. You were famous, your heart was a legend. Une légende dans un hôtel de légende.

  • Speaker #1

    Et je termine avec Tennessee Williams. Il se réfugiait au Chelsea chaque fois qu'il venait à New York pour noyer ses échecs dans l'alcool et les drogues comme ses héros, victimes de leurs obsessions sexuelles, harcelées par la société, culpabilisées et au bord du suicide. Il est mort à New York en 1983, loin de son sud. Je continue avec Guillaume Apollinaire.

  • Speaker #0

    J'imagine qu'on n'est plus au Chelsea Hotel.

  • Speaker #1

    Non, on a quitté le Chelsea Hotel. Nous partons vers Nîmes, en France, à l'hôtel du Midi. Tu m'as parlé de vice en ta lettre d'hier. Le vice n'entre pas dans les amours sublimes. Il n'est pas plus qu'un grain de sable dans la mer, un seul grain descendant dans les glauqueuses abîmes. Septembre 1914. Guillaume Apollinaire est à Nice où il fait la connaissance de Louise de Coligny-Châtillon. Selon un témoin, elle est spirituelle, dégagée, frivole, impétueuse, puérile, sensible, insaisissable, énervée, un peu éperdue en quelque sorte. Il en tombe amoureux. et s'étonne de la voir répondre à ses avances par une étrange et tacite acceptation entravée de provocations et de volte-faces. Il naît entre une troublante complicité. En décembre, après qu'elle se fût une fois de plus dérobée, le jeu lui semble être vain et il rejoint le 38e régiment d'artillerie de campagne à Nîmes, où il arrive le 6. Le 7, elle la rejoint et l'attend à l'hôtel du midi. Ils vont s'aimer, passionnément, violemment, pendant huit jours et huit nuits. Repartie à Nice comme elle était arrivée, Louise va recevoir des lettres quotidiennes, poèmes à loups, parfois en calligramme. Apollinaire, durant plusieurs mois, vit de l'illusion que peut-être elle reviendra. Elle ne lui a pas caché l'existence d'autres liaisons. Il sait, il accepte, il sauvegarde l'ombre des jours de lumière, de l'enfermement érotique, ardent et subtil qu'elle lui a donné en s'offrant. Il la revoit deux fois, à Nice, aller et retour en de brèves permissions, et tenant sa promesse d'entière sincérité, elle répond parfois à ses lettres, entretenant la flamme par ses confidences. Leur amour aura été fulgurant et impossible. Partant pour le front, il se résout à l'adieu. J'ai goûté le meilleur, je vais goûter le pire. Mais je t'aime, ma loup, comme on n'a pas aimé. Et quand tu seras vieille enfant, mon cœur, mon âme, souviens-toi quelquefois de moi. La dernière lettre est datée de janvier 1916, mais déjà en juin, il savait la valeur des poèmes adressés par Amour à loup. Il le confia à une amie. « Mes meilleurs poèmes, il y en a, je crois de bons, vous ne les lirez que si, celle qui les a, veut bien, après la guerre, que je les publie. » Apollinaire est mort de l'épidémie de grippe espagnole le 9 novembre 1918, deux jours avant l'armistice.

  • Speaker #0

    Merci Clarence pour ce magnifique texte qui nous évoque le poète Guillaume Apollinaire et son histoire d'amour avec l'eau. On se retrouve pour un prochain podcast ?

  • Speaker #1

    Oui, tout à fait.

  • Speaker #0

    À très vite.

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  • Speaker #0

    Bienvenue dans notre podcast Isadora BC, le podcast où une comédienne et un poète échangent autour d'une tasse de café. La comédienne c'est Clarence Massiani, le poète c'est Régis Dequet. Bonjour Clarence.

  • Speaker #1

    Bonjour Régis.

  • Speaker #0

    Alors ce podcast, c'est à nouveau la suite du podcast précédent sur les hôtels, où on évoque le livre...

  • Speaker #1

    Nous revenons avec le livre Hôtel littéraire, Voyage autour de la terre, de Nathalie Hache de Saint-Fal aux éditions de Noël, à la rencontre d'anecdotes, de souvenirs, de morceaux de vie des écrivains dans les hôtels qu'ils ont fréquentés. Et je vais vous partager un morceau de vie de Gustave Flaubert qui se trouvait à l'hôtel du Nil, dans le Caire. Avant de remonter le Nil, au-delà d'Abu Simbel avec Maxime Ducamp, Gustave Flaubert, qui n'a pas encore 30 ans, s'installe au Caire, à l'hôtel du Nil. Le plus long fleuve du monde charrie le limon qui féconde annuellement la terre et l'imagination d'un écrivain qui emporte son univers avec lui. Cette année-là, en 1850, Au mur du vestibule du premier étage de l'hôtel, Flaubert remarque une série de gravures de l'illustre-illustrateur Gavarni qui ne sont en fait que des pages arrachées au journal satirique Charivari, quintessence du parisianisme qui est ce que la civilisation envoie ici. Il songe à Paris, à la réaction de Bouillet et de Maxime Ducamp, à la lecture de La Tentation de Saint-Antoine, trop lyrique, pas assez réaliste, et à un fait divers récent, l'histoire de Jeanne de Lamarre, un médecin dont la femme infidèle s'est empoisonnée et qui s'est laissée mourir de chagrin. Ayant remonté le Nil jusqu'à la deuxième cataracte de gradinite noire, le djébel à Boussir où le fleuve pénètre en Égypte, Flaubert, sous les rayons brûlants de Ré le Soleil, poursuivi par l'image de l'immorale Madame de Lamarre qui avait vécu dans un village de France au nom de Ré, repensant à nouveau à l'hôtel du Nil, à son propriétaire, M. Bouvaré, s'exclame soudain J'ai trouvé Eureka, Eureka, je l'appellerai Emma Bovary.

  • Speaker #0

    Voilà, nous allons quitter l'Égypte, le Nil, nous allons quitter Flaubert pour aller directement aux États-Unis avec Jack Kerouac. Sur la route à Des Moines, Iowa, Jack Kerouac cherche une chambre d'instinct en flânant du côté des voies de triage. J'échouais dans une vieille gargote ténébreuse près de la rotonde des locomotives et passais toute une journée à dormir sur un grand lit blanc, bien propre et bien dur, avec des graffitis obscènes gravés sur les murs. près de mon oreiller et de foutus rideaux jaunes tirés sur le spectacle fuligineux des rails. Je m'éveillais quand le soleil se mit à rougeoyer. Et ce fut la seule fois de ma vie qu'aussi nettement, moment étrange entre tous, je ne sus plus qui j'étais. Alors Clarence, nous continuons avec ?

  • Speaker #1

    Nous continuons avec plein de petites anecdotes. de différents artistes, des écrivains, des chanteurs qui ont séjourné au Chelsea Hotel.

  • Speaker #0

    Ils ont tous séjourné là-bas, au Chelsea Hotel.

  • Speaker #1

    Oui, tout à fait. Alors, je vais commencer par Arthur Miller. Il travailla sept ans au Chelsea. Tandis que Marilyn Monroe, qui occupait ses esprits, tournait à Hollywood ou l'attendait dans leur maison de Roxbury. Le surréel avait pour citadelle le Chelsea, dont il aimait l'ambiance incomparable de déclin irréversible. Un lieu sans goût, sans honte.

  • Speaker #0

    Alors, on ne va pas quitter le Chelsea Hotel, mais on va évoquer un certain Robert Zimmerman qui prit le nom de Dylan, en hommage à Dylan Thomas. Sur les traces, le porte-parole de la contestation américaine à l'heure de la guerre du Vietnam vint écrire dans les murs du Chelsea Blonde on Blonde et quelques autres textes des années hippies.

  • Speaker #1

    Je continue avec Sam Shepard. Déglingué aux drogues communes et à la rébellion des années 60 et 70, il bâclait pour de l'argent et sauvait à l'instinct Cowboy Mouth, sa première pièce de théâtre, en quelques nuits blanches dans sa chambre d'hôtel. Il écrira ensuite les motels chroniques.

  • Speaker #0

    Léonard Cohen, il a écrit et chanté Chelsea Hotel, bien sûr, pour Janis Joplin, ayant appris sa mort par abus de drogue et d'alcool. I remember you well in Chelsea Hotel. You were famous, your heart was a legend. Une légende dans un hôtel de légende.

  • Speaker #1

    Et je termine avec Tennessee Williams. Il se réfugiait au Chelsea chaque fois qu'il venait à New York pour noyer ses échecs dans l'alcool et les drogues comme ses héros, victimes de leurs obsessions sexuelles, harcelées par la société, culpabilisées et au bord du suicide. Il est mort à New York en 1983, loin de son sud. Je continue avec Guillaume Apollinaire.

  • Speaker #0

    J'imagine qu'on n'est plus au Chelsea Hotel.

  • Speaker #1

    Non, on a quitté le Chelsea Hotel. Nous partons vers Nîmes, en France, à l'hôtel du Midi. Tu m'as parlé de vice en ta lettre d'hier. Le vice n'entre pas dans les amours sublimes. Il n'est pas plus qu'un grain de sable dans la mer, un seul grain descendant dans les glauqueuses abîmes. Septembre 1914. Guillaume Apollinaire est à Nice où il fait la connaissance de Louise de Coligny-Châtillon. Selon un témoin, elle est spirituelle, dégagée, frivole, impétueuse, puérile, sensible, insaisissable, énervée, un peu éperdue en quelque sorte. Il en tombe amoureux. et s'étonne de la voir répondre à ses avances par une étrange et tacite acceptation entravée de provocations et de volte-faces. Il naît entre une troublante complicité. En décembre, après qu'elle se fût une fois de plus dérobée, le jeu lui semble être vain et il rejoint le 38e régiment d'artillerie de campagne à Nîmes, où il arrive le 6. Le 7, elle la rejoint et l'attend à l'hôtel du midi. Ils vont s'aimer, passionnément, violemment, pendant huit jours et huit nuits. Repartie à Nice comme elle était arrivée, Louise va recevoir des lettres quotidiennes, poèmes à loups, parfois en calligramme. Apollinaire, durant plusieurs mois, vit de l'illusion que peut-être elle reviendra. Elle ne lui a pas caché l'existence d'autres liaisons. Il sait, il accepte, il sauvegarde l'ombre des jours de lumière, de l'enfermement érotique, ardent et subtil qu'elle lui a donné en s'offrant. Il la revoit deux fois, à Nice, aller et retour en de brèves permissions, et tenant sa promesse d'entière sincérité, elle répond parfois à ses lettres, entretenant la flamme par ses confidences. Leur amour aura été fulgurant et impossible. Partant pour le front, il se résout à l'adieu. J'ai goûté le meilleur, je vais goûter le pire. Mais je t'aime, ma loup, comme on n'a pas aimé. Et quand tu seras vieille enfant, mon cœur, mon âme, souviens-toi quelquefois de moi. La dernière lettre est datée de janvier 1916, mais déjà en juin, il savait la valeur des poèmes adressés par Amour à loup. Il le confia à une amie. « Mes meilleurs poèmes, il y en a, je crois de bons, vous ne les lirez que si, celle qui les a, veut bien, après la guerre, que je les publie. » Apollinaire est mort de l'épidémie de grippe espagnole le 9 novembre 1918, deux jours avant l'armistice.

  • Speaker #0

    Merci Clarence pour ce magnifique texte qui nous évoque le poète Guillaume Apollinaire et son histoire d'amour avec l'eau. On se retrouve pour un prochain podcast ?

  • Speaker #1

    Oui, tout à fait.

  • Speaker #0

    À très vite.

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Hôtel deuxième épisode du podcast animé par Clarence Massiani et Régis Decaix, autour de la relation entre écrivains et hôtels.


Hébergé par Ausha. Visitez ausha.co/politique-de-confidentialite pour plus d'informations.

Transcription

  • Speaker #0

    Bienvenue dans notre podcast Isadora BC, le podcast où une comédienne et un poète échangent autour d'une tasse de café. La comédienne c'est Clarence Massiani, le poète c'est Régis Dequet. Bonjour Clarence.

  • Speaker #1

    Bonjour Régis.

  • Speaker #0

    Alors ce podcast, c'est à nouveau la suite du podcast précédent sur les hôtels, où on évoque le livre...

  • Speaker #1

    Nous revenons avec le livre Hôtel littéraire, Voyage autour de la terre, de Nathalie Hache de Saint-Fal aux éditions de Noël, à la rencontre d'anecdotes, de souvenirs, de morceaux de vie des écrivains dans les hôtels qu'ils ont fréquentés. Et je vais vous partager un morceau de vie de Gustave Flaubert qui se trouvait à l'hôtel du Nil, dans le Caire. Avant de remonter le Nil, au-delà d'Abu Simbel avec Maxime Ducamp, Gustave Flaubert, qui n'a pas encore 30 ans, s'installe au Caire, à l'hôtel du Nil. Le plus long fleuve du monde charrie le limon qui féconde annuellement la terre et l'imagination d'un écrivain qui emporte son univers avec lui. Cette année-là, en 1850, Au mur du vestibule du premier étage de l'hôtel, Flaubert remarque une série de gravures de l'illustre-illustrateur Gavarni qui ne sont en fait que des pages arrachées au journal satirique Charivari, quintessence du parisianisme qui est ce que la civilisation envoie ici. Il songe à Paris, à la réaction de Bouillet et de Maxime Ducamp, à la lecture de La Tentation de Saint-Antoine, trop lyrique, pas assez réaliste, et à un fait divers récent, l'histoire de Jeanne de Lamarre, un médecin dont la femme infidèle s'est empoisonnée et qui s'est laissée mourir de chagrin. Ayant remonté le Nil jusqu'à la deuxième cataracte de gradinite noire, le djébel à Boussir où le fleuve pénètre en Égypte, Flaubert, sous les rayons brûlants de Ré le Soleil, poursuivi par l'image de l'immorale Madame de Lamarre qui avait vécu dans un village de France au nom de Ré, repensant à nouveau à l'hôtel du Nil, à son propriétaire, M. Bouvaré, s'exclame soudain J'ai trouvé Eureka, Eureka, je l'appellerai Emma Bovary.

  • Speaker #0

    Voilà, nous allons quitter l'Égypte, le Nil, nous allons quitter Flaubert pour aller directement aux États-Unis avec Jack Kerouac. Sur la route à Des Moines, Iowa, Jack Kerouac cherche une chambre d'instinct en flânant du côté des voies de triage. J'échouais dans une vieille gargote ténébreuse près de la rotonde des locomotives et passais toute une journée à dormir sur un grand lit blanc, bien propre et bien dur, avec des graffitis obscènes gravés sur les murs. près de mon oreiller et de foutus rideaux jaunes tirés sur le spectacle fuligineux des rails. Je m'éveillais quand le soleil se mit à rougeoyer. Et ce fut la seule fois de ma vie qu'aussi nettement, moment étrange entre tous, je ne sus plus qui j'étais. Alors Clarence, nous continuons avec ?

  • Speaker #1

    Nous continuons avec plein de petites anecdotes. de différents artistes, des écrivains, des chanteurs qui ont séjourné au Chelsea Hotel.

  • Speaker #0

    Ils ont tous séjourné là-bas, au Chelsea Hotel.

  • Speaker #1

    Oui, tout à fait. Alors, je vais commencer par Arthur Miller. Il travailla sept ans au Chelsea. Tandis que Marilyn Monroe, qui occupait ses esprits, tournait à Hollywood ou l'attendait dans leur maison de Roxbury. Le surréel avait pour citadelle le Chelsea, dont il aimait l'ambiance incomparable de déclin irréversible. Un lieu sans goût, sans honte.

  • Speaker #0

    Alors, on ne va pas quitter le Chelsea Hotel, mais on va évoquer un certain Robert Zimmerman qui prit le nom de Dylan, en hommage à Dylan Thomas. Sur les traces, le porte-parole de la contestation américaine à l'heure de la guerre du Vietnam vint écrire dans les murs du Chelsea Blonde on Blonde et quelques autres textes des années hippies.

  • Speaker #1

    Je continue avec Sam Shepard. Déglingué aux drogues communes et à la rébellion des années 60 et 70, il bâclait pour de l'argent et sauvait à l'instinct Cowboy Mouth, sa première pièce de théâtre, en quelques nuits blanches dans sa chambre d'hôtel. Il écrira ensuite les motels chroniques.

  • Speaker #0

    Léonard Cohen, il a écrit et chanté Chelsea Hotel, bien sûr, pour Janis Joplin, ayant appris sa mort par abus de drogue et d'alcool. I remember you well in Chelsea Hotel. You were famous, your heart was a legend. Une légende dans un hôtel de légende.

  • Speaker #1

    Et je termine avec Tennessee Williams. Il se réfugiait au Chelsea chaque fois qu'il venait à New York pour noyer ses échecs dans l'alcool et les drogues comme ses héros, victimes de leurs obsessions sexuelles, harcelées par la société, culpabilisées et au bord du suicide. Il est mort à New York en 1983, loin de son sud. Je continue avec Guillaume Apollinaire.

  • Speaker #0

    J'imagine qu'on n'est plus au Chelsea Hotel.

  • Speaker #1

    Non, on a quitté le Chelsea Hotel. Nous partons vers Nîmes, en France, à l'hôtel du Midi. Tu m'as parlé de vice en ta lettre d'hier. Le vice n'entre pas dans les amours sublimes. Il n'est pas plus qu'un grain de sable dans la mer, un seul grain descendant dans les glauqueuses abîmes. Septembre 1914. Guillaume Apollinaire est à Nice où il fait la connaissance de Louise de Coligny-Châtillon. Selon un témoin, elle est spirituelle, dégagée, frivole, impétueuse, puérile, sensible, insaisissable, énervée, un peu éperdue en quelque sorte. Il en tombe amoureux. et s'étonne de la voir répondre à ses avances par une étrange et tacite acceptation entravée de provocations et de volte-faces. Il naît entre une troublante complicité. En décembre, après qu'elle se fût une fois de plus dérobée, le jeu lui semble être vain et il rejoint le 38e régiment d'artillerie de campagne à Nîmes, où il arrive le 6. Le 7, elle la rejoint et l'attend à l'hôtel du midi. Ils vont s'aimer, passionnément, violemment, pendant huit jours et huit nuits. Repartie à Nice comme elle était arrivée, Louise va recevoir des lettres quotidiennes, poèmes à loups, parfois en calligramme. Apollinaire, durant plusieurs mois, vit de l'illusion que peut-être elle reviendra. Elle ne lui a pas caché l'existence d'autres liaisons. Il sait, il accepte, il sauvegarde l'ombre des jours de lumière, de l'enfermement érotique, ardent et subtil qu'elle lui a donné en s'offrant. Il la revoit deux fois, à Nice, aller et retour en de brèves permissions, et tenant sa promesse d'entière sincérité, elle répond parfois à ses lettres, entretenant la flamme par ses confidences. Leur amour aura été fulgurant et impossible. Partant pour le front, il se résout à l'adieu. J'ai goûté le meilleur, je vais goûter le pire. Mais je t'aime, ma loup, comme on n'a pas aimé. Et quand tu seras vieille enfant, mon cœur, mon âme, souviens-toi quelquefois de moi. La dernière lettre est datée de janvier 1916, mais déjà en juin, il savait la valeur des poèmes adressés par Amour à loup. Il le confia à une amie. « Mes meilleurs poèmes, il y en a, je crois de bons, vous ne les lirez que si, celle qui les a, veut bien, après la guerre, que je les publie. » Apollinaire est mort de l'épidémie de grippe espagnole le 9 novembre 1918, deux jours avant l'armistice.

  • Speaker #0

    Merci Clarence pour ce magnifique texte qui nous évoque le poète Guillaume Apollinaire et son histoire d'amour avec l'eau. On se retrouve pour un prochain podcast ?

  • Speaker #1

    Oui, tout à fait.

  • Speaker #0

    À très vite.

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