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Le vieux qui lisait des romans d'amour - 12/06 16:48

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16min |12/06/2025|

7

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Description

Clarence Massiani interroge Régis Decaix à propos d'un livre qu'il a aimé. Régis évoque le livre "le vieux qui lisait des romans d'amour" de Luis Sepulveda.


Hébergé par Ausha. Visitez ausha.co/politique-de-confidentialite pour plus d'informations.

Transcription

  • Speaker #0

    Bienvenue dans notre podcast Isadora BC, le podcast où une comédienne et un poète échangent autour d'une tasse de café. La comédienne, c'est Clarence Maciani et le poète, c'est Régis Dequet. Bonjour Régis.

  • Speaker #1

    Bonjour Clarence.

  • Speaker #0

    Alors aujourd'hui, nous allons parler... peu d'un livre que tu aimes particulièrement, qui s'intitule Le vieux qui lisait des romans d'amour de Luis Sepulveda. Et j'ai une première question pour toi. Est-ce que le titre de ce livre a un lien avec le livre, avec l'histoire ? Et si oui, lequel ?

  • Speaker #1

    Alors oui, absolument. Effectivement, le titre est important parce que il s'agit d'un... d'un homme, un vieil homme, effectivement. Et la lecture, c'est un élément central du livre. Le fait qu'il sache lire, ce n'est pas évident puisque ça se passe en Amazonie. Donc oui, il sait lire, c'est quelque chose d'important parce que tout le monde ne sait pas lire. Et puis, il lit effectivement des romans d'amour, donc c'est aussi assez particulier parce que dans cette... ouvrage, il y a vraiment à la fois une espèce de contraste entre la dureté, la dureté de la vie, la dureté de la nature aussi, la cruauté et puis une sorte de contraste justement avec ses mots d'amour et ses histoires d'amour.

  • Speaker #0

    Est-ce que tu peux nous lire Linky Pit qui, je trouve, est tout de même extraordinaire ?

  • Speaker #1

    Alors oui, tout à fait. Ça commence par « Le ciel était une pence d'âne gonflée qui pendait très bas, menaçante au-dessus des têtes. » Effectivement, moi j'aime beaucoup cette Inky Pit, puisqu'on a fini un podcast sur le sujet, sur l'Inky Pit. Et là, effectivement, dès cette première phrase, on est déjà ailleurs. Ça se passe dans l'Amazonie. Effectivement, on imagine ce... Ce ciel qui est là, tout gris, pesant, énorme, gonflé, en plus c'est une très belle image, une pence d'âne gonflée, moi je trouve ça amusant, qui pendait, menaçante, au-dessus des têtes. Et dès le départ, on a cette idée de menace, il y a quelque chose qui est là, qui est prégnant, quelque chose d'un peu inquiétant, effectivement, qu'on va retrouver ensuite dans le récit.

  • Speaker #0

    Est-ce que tu peux me raconter brièvement l'histoire ? et surtout, Surtout me dire ce qui te touche particulièrement dans ce livre.

  • Speaker #1

    Alors, ce qui me touche, je vais commencer par ça, si tu veux bien. En fait, quand on a évoqué l'idée de, tiens, on va parler d'un livre qui nous a touchés, qu'on a bien aimé. Je ne sais pas pourquoi, le premier livre qui m'est venu, moi, c'est celui-ci. C'est un livre qui est tout petit, qui se lit assez facilement. Je ne suis pas un grand lecteur. J'aime la littérature, j'aime tout ça, mais je ne suis pas moi-même un grand lecteur. Et là, effectivement, c'est un livre que j'ai aimé parce que justement, c'est un petit bouquin. Ça se lit très bien. Et j'ai trouvé qu'il y avait quelque chose dans cet ouvrage à la fois romanesque, parce que c'est... Et en même temps, il y a un côté, je trouve, il y a une forme d'humour. Il y a une forme d'humour. Il y a un côté aussi un peu politique, puisque Sepulveda, il faut le rappeler aussi, c'est un Chilien qui a été quand même condamné à 28 ans de prison sous la dictature de Pinochet. C'est quand même quelqu'un qui est engagé politiquement. Et puis, il y a cette place de la nature. Il y a quelque chose qui m'avait beaucoup plu. Et c'est un livre comme ça qui m'est tout de suite... qui m'est venu, j'ai tout de suite eu envie de parler de ce livre-là. L'histoire qui est racontée, elle est toute simple en fait. C'est un homme, on suit ce vieil homme en fait, ce vieil homme, qui est un Chouard. Alors Chouard, c'est une ethnie en fait, c'est une ethnie amazonienne, il y a évidemment les Ausha, il y a les Jivaros qui sont des Indiens, qu'on considère un peu dépravés parce qu'ils vivent un peu comme des blancs. Et puis évidemment il y avait des colons, voilà, donc c'est un peu cette population. Et ce monsieur, lui, il vit un peu à l'écart, dans une cabane, il est un peu dans la nature, c'est un peu un sauvage en fait, un sauvage mais qui fuit. une forme de civilisation dans laquelle il ne se reconnaît pas trop. Il y a la nature qui est extrêmement présente. Et à un moment donné, c'est la scène du début où il y a un homme qui a été tué par une bête sauvage. C'est un jaguar. Et ça commence comme ça. Évidemment, il y a l'inquiétude politique de l'homme face à la nature. Il y a plein de choses. Et à un moment donné, il est amené à traquer cette... On fait appel à lui parce que c'est un connaisseur, en fait. Un connaisseur de la nature, un connaisseur de la forêt amazonienne. Donc, on fait appel à lui pour traquer cet animal féroce. Ce qui est intéressant, c'est qu'on se rende compte au fil de l'ouvrage, je ne vais pas tout révéler, mais que la véritable férocité, la véritable sauvagerie, c'est celle de l'homme, ce n'est pas celle de l'animal. Absolument, tout à fait.

  • Speaker #0

    Alors, j'avais une question pour toi. Est-ce que tu aimes, toi, les romans d'amour ?

  • Speaker #1

    Pas forcément. Pas forcément. Non, non, je ne suis pas un lecteur de romans d'amour particulièrement. Mais c'est vrai que le titre, je le trouve beau. Le vieux qui lisait des romans d'amour, on a envie de le connaître presque. Non, non, pas spécialement. Mais... effectivement, il y a des... On comprend, lui, pourquoi il aime ça, en tout cas. Oui, oui.

  • Speaker #0

    Alors, j'aimerais que tu me lises, je ne sais pas si tu as un extrait ou deux à partager avec nous, mais je voulais d'abord, avant que tu lises l'extrait, je voulais... Moi, j'ai donc lu le livre et je me disais qu'il y avait de très, très belles phrases et notamment de très belles réflexions. J'en ai noté une ou deux qui m'ont particulièrement... attiré. Le jour, il y a l'homme et la forêt. La nuit, l'homme est forêt.

  • Speaker #1

    Ah, c'est beau.

  • Speaker #0

    J'avais noté ça. Il y avait une autre phrase aussi, c'était « Depuis que sa femme l'a quitté, il vivait plus seul qu'un bâton d'aveugle. » C'est magnifique. Et donc, je voulais te poser la question avant que tu lises un extrait de « Qu'est-ce que toi, tu... » pensent de l'écriture de Sepulveda ? Qu'est-ce que toi, tu peux m'en dire ?

  • Speaker #1

    Moi, c'est un auteur que j'aime beaucoup. C'est un auteur que j'aime beaucoup. J'avais fait référence dans un autre podcast à ces histoires d'amour, toujours, dans un pays en guerre ou des choses comme ça. Elles sont toujours assez incroyables, ces histoires. Moi, j'aime beaucoup parce qu'il a un imaginaire qui est... Comment je pourrais le qualifier ? Pas exotique, parce que ce n'est pas ça, mais à chaque fois, il y a une espèce de folie dans ses histoires, dans ses textes. Et puis, il y a une tendresse. Moi, je trouve qu'il y a beaucoup, beaucoup de tendresse dans ses écrits. Il y a un engagement aussi. C'est quelqu'un, on le sent, qui est assez engagé. On le retrouve d'ailleurs dans cet ouvrage-là. Et ce n'est pas un engagement, je dirais, qui est... On ne sent pas que c'est quelqu'un qui fasse du prosélytisme. Mais si tu veux, les personnages de ces romans sont parfois des gens engagés. C'est-à-dire qu'au début, par exemple, il y a ce dentiste qui est là. On apprend qu'il est d'origine un peu espagnole, qu'il a fui la dictature de Franco. Donc, c'est un anarchiste. Il est contre les gouvernements. Il y a des teintes comme ça. Il y a des petits trucs. Mais ce n'est pas lourd. Ce n'est pas pompeux. Au contraire. Donc, j'aime bien ces petits clins d'œil. Et puis, oui, c'est des belles images. Il y a presque un côté un peu rock'n'roll, moi, je trouve, dans ces poulevées-là, parce que c'est toujours un peu fou. Il y a des personnages comme ça, hauts en couleur. C'est assez étrange, parfois.

  • Speaker #0

    Ok. Est-ce que tu... Justement, j'avais encore une question avant que tu ne lises. Quelle est la caractéristique du personnage qui te... parle ou qui te plaît le plus ?

  • Speaker #1

    Voilà, c'est une question que je ne saurais pas forcément te répondre. Je crois que c'est l'ensemble, ce n'est pas forcément les personnages qui me touchent, c'est parce que je les aime bien tous.

  • Speaker #0

    Là que tu parlais du dentiste, justement, il y avait cette caractéristique de ce côté un peu militant, mais en même temps pas trop lourd. Oui, oui.

  • Speaker #1

    Oui, en fait, dans un des extraits que je veux lire, c'est un des extraits du début du bouquin. Moi, le dentiste, il me fait marrer. Il y a un côté, quand je dis un peu rock'n'roll, il y a ça.

  • Speaker #0

    Oui,

  • Speaker #1

    oui, oui. Il y a un côté, ça m'amuse. C'est des personnages assez hauts en couleurs parfois.

  • Speaker #0

    Et le personnage principal ?

  • Speaker #1

    Ah bah oui, le personnage principal, il est touchant lui, parce qu'on sent que c'est quelqu'un de simple. C'est quelqu'un de simple, il a perdu effectivement sa femme, il vit seul, il vit un peu reclus. En même temps, on ne lui fait pas... C'est quelqu'un qui a une lecture des autres et de la nature assez juste, je crois. On sent bien que c'est quelqu'un qui a un peu le balson. Je ne dirais pas qu'il est sage, mais il est vieux, donc il a de l'expérience. Il a acquis une lecture des autres et du monde basée sur sa vie, sur son expérience. On sent bien ça. Il connaît bien la place sociale des uns et des autres. Je crois que c'est quelqu'un qui est assez lucide. Oui, il est assez attachant, oui, tout à fait.

  • Speaker #0

    D'accord. Je voulais que... Je sais que je pense que tu voulais partager quelques extraits choisis. Est-ce que tu veux bien me lire un ou deux extraits, je ne sais pas combien tu en as choisis, et me dire ensuite pourquoi cela. Ou celui-là.

  • Speaker #1

    Je voulais bien... Je ne suis pas vraiment préparé, mais disons que je peux lire une ou deux choses. Alors, dans le début, on passe l'Inkipit, d'accord, on l'a déjà évoqué. Mais le livre, il commence comme ça et on va rencontrer ce fameux dentiste, en fait. Alors, les quelques habitants d'El Idilio, auxquels s'était joint une poignée d'aventuriers venus des environs, attendaient sur le quai leur tour de s'asseoir dans le fauteuil mobile du dentiste, le docteur Rubi Gondo Loakim, qui pratiquait une étrange anesthésie verbale. pour atténuer les douleurs de ses patients. « Ça te fait mal ? » questionnait-il. Agrippés au bras du fauteuil, les patients, en guise de réponse, ouvraient des yeux immenses et transpiraient à grosses gouttes. Certains tentaient de retirer de leur bouche les mains insolentes du dentiste, afin de pouvoir lui répondre par une grossièreté bien sentie. Mais ils se heurtaient à ses muscles puissants et à sa voix autoritaire. « Tiens-toi tranquille, bordel ! Bas les pattes ! Je sais bien que ça te fait mal, mais à qui la faute ? Hein ? À moi ? Non, au gouvernement ! Enfonce-toi bien ça dans le crâne ! C'est la faute du gouvernement si tu as des dents aussi pourries et si tu as mal ! La faute au gouvernement ! » Voilà un petit peu le ton de ce fameux dentiste, qui est un dentiste itinérant, on l'imagine bien en la forêt. tous ces petits villages qui sont là le long du fleuve, en fait, Amazon. Et donc, lui, il est là, il va arracher... Arracher les dents des villageois ici ou là. Et donc, c'est lui qui, de temps en temps, va en ville et ramène effectivement des romans d'amour à notre héros. Voilà. Alors, un autre petit passage que je peux lire... qui est pas mal, enfin que j'aime bien, voilà. Il y en a plusieurs, mais bon, voilà. Ah ben justement, sur le moment où la question est-ce qu'il sait lire ou est-ce qu'il sait pas lire, voilà. Et c'est assez marrant parce que ça se passe à un moment des élections, voilà. Donc, je commence. Là, les deux envoyés moroses du pouvoir recueillaient les suffrages secrets des citoyens d'El Idilio pour les élections présidentielles qui devaient avoir lieu le mois suivant. Antonio José Bolivar défila comme tout le monde devant la table. « Tu sais lire ? » lui demanda-t-on. « Je ne me rappelle plus. » « On va voir. Qu'est-ce qui est écrit là ? » « Monsieur le candidat, tu vois, tu as le droit de voter. » « Le droit de quoi ? » « De voter au suffrage universel et secret pour choisir démocratiquement entre les trois candidats qui se présentent à la magistrature suprême. » « Tu comprends ? » « Je ne comprends rien du tout. » « Ça va me coûter combien, ce droit ? » « Rien, puisque c'est un droit. » Et pour qui je dois voter ? Pour celui qui sera président, pour son excellence, le candidat du peuple. Antonia vota pour le vainqueur et reçut une bouteille de Frontera en contrepartie de l'exercice de son droit. Il savait lire. Voilà. Donc c'est à partir de là que... que commence ce rapport à la lecture et juste après, il écrit « Ce fut la découverte la plus importante de sa vie. » Il savait lire. Il possédait l'antidote contre le redoutable venin de la vieillesse. Il savait lire, mais il n'avait rien à lire. Voilà.

  • Speaker #0

    Merci pour ces extraits.

  • Speaker #1

    Je veux bien en relire un petit dernier, si tu permets. Voilà, donc c'est la fin.

  • Speaker #0

    Justement, peux-tu me lire la fin du livre ? C'était ma dernière question, justement.

  • Speaker #1

    Alors, La fin du livre, c'est la suivante. Antonio José Bolivar ôta son dentier, le rangea dans son mouchoir et, sans cesser de maudire le gringo responsable de la tragédie, le maire, les chercheurs d'or, tous ceux qui souillaient la virginité de son Amazonie, il coupa une grosse branche d'un coup de machette. s'y appuya et prit la direction d'El Idilio, de sa cabane et de ses romans qui parlaient d'amour avec des mots si beaux que parfois ils lui faisaient oublier la barbarie des hommes.

  • Speaker #0

    Merci beaucoup. Merci Régis d'avoir partagé avec nous ce magnifique livre. Je le rappelle, Le vieux qui lisait des romans d'amour de Luis Sepulveda. et je souhaite à tous à tout le monde d'avoir l'occasion de le découvrir.

  • Speaker #1

    Il faut absolument le lire.

  • Speaker #0

    Oui, c'est très beau. Moi, je l'avais lu il y a longtemps, je l'ai relu, donc il n'y a pas si longtemps, il y a quelques jours, et c'est vrai que c'est absolument magnifique. Merci à toi, et je te dis à bientôt.

  • Speaker #1

    À bientôt. Au revoir.

  • Speaker #0

    Au revoir.

Description

Clarence Massiani interroge Régis Decaix à propos d'un livre qu'il a aimé. Régis évoque le livre "le vieux qui lisait des romans d'amour" de Luis Sepulveda.


Hébergé par Ausha. Visitez ausha.co/politique-de-confidentialite pour plus d'informations.

Transcription

  • Speaker #0

    Bienvenue dans notre podcast Isadora BC, le podcast où une comédienne et un poète échangent autour d'une tasse de café. La comédienne, c'est Clarence Maciani et le poète, c'est Régis Dequet. Bonjour Régis.

  • Speaker #1

    Bonjour Clarence.

  • Speaker #0

    Alors aujourd'hui, nous allons parler... peu d'un livre que tu aimes particulièrement, qui s'intitule Le vieux qui lisait des romans d'amour de Luis Sepulveda. Et j'ai une première question pour toi. Est-ce que le titre de ce livre a un lien avec le livre, avec l'histoire ? Et si oui, lequel ?

  • Speaker #1

    Alors oui, absolument. Effectivement, le titre est important parce que il s'agit d'un... d'un homme, un vieil homme, effectivement. Et la lecture, c'est un élément central du livre. Le fait qu'il sache lire, ce n'est pas évident puisque ça se passe en Amazonie. Donc oui, il sait lire, c'est quelque chose d'important parce que tout le monde ne sait pas lire. Et puis, il lit effectivement des romans d'amour, donc c'est aussi assez particulier parce que dans cette... ouvrage, il y a vraiment à la fois une espèce de contraste entre la dureté, la dureté de la vie, la dureté de la nature aussi, la cruauté et puis une sorte de contraste justement avec ses mots d'amour et ses histoires d'amour.

  • Speaker #0

    Est-ce que tu peux nous lire Linky Pit qui, je trouve, est tout de même extraordinaire ?

  • Speaker #1

    Alors oui, tout à fait. Ça commence par « Le ciel était une pence d'âne gonflée qui pendait très bas, menaçante au-dessus des têtes. » Effectivement, moi j'aime beaucoup cette Inky Pit, puisqu'on a fini un podcast sur le sujet, sur l'Inky Pit. Et là, effectivement, dès cette première phrase, on est déjà ailleurs. Ça se passe dans l'Amazonie. Effectivement, on imagine ce... Ce ciel qui est là, tout gris, pesant, énorme, gonflé, en plus c'est une très belle image, une pence d'âne gonflée, moi je trouve ça amusant, qui pendait, menaçante, au-dessus des têtes. Et dès le départ, on a cette idée de menace, il y a quelque chose qui est là, qui est prégnant, quelque chose d'un peu inquiétant, effectivement, qu'on va retrouver ensuite dans le récit.

  • Speaker #0

    Est-ce que tu peux me raconter brièvement l'histoire ? et surtout, Surtout me dire ce qui te touche particulièrement dans ce livre.

  • Speaker #1

    Alors, ce qui me touche, je vais commencer par ça, si tu veux bien. En fait, quand on a évoqué l'idée de, tiens, on va parler d'un livre qui nous a touchés, qu'on a bien aimé. Je ne sais pas pourquoi, le premier livre qui m'est venu, moi, c'est celui-ci. C'est un livre qui est tout petit, qui se lit assez facilement. Je ne suis pas un grand lecteur. J'aime la littérature, j'aime tout ça, mais je ne suis pas moi-même un grand lecteur. Et là, effectivement, c'est un livre que j'ai aimé parce que justement, c'est un petit bouquin. Ça se lit très bien. Et j'ai trouvé qu'il y avait quelque chose dans cet ouvrage à la fois romanesque, parce que c'est... Et en même temps, il y a un côté, je trouve, il y a une forme d'humour. Il y a une forme d'humour. Il y a un côté aussi un peu politique, puisque Sepulveda, il faut le rappeler aussi, c'est un Chilien qui a été quand même condamné à 28 ans de prison sous la dictature de Pinochet. C'est quand même quelqu'un qui est engagé politiquement. Et puis, il y a cette place de la nature. Il y a quelque chose qui m'avait beaucoup plu. Et c'est un livre comme ça qui m'est tout de suite... qui m'est venu, j'ai tout de suite eu envie de parler de ce livre-là. L'histoire qui est racontée, elle est toute simple en fait. C'est un homme, on suit ce vieil homme en fait, ce vieil homme, qui est un Chouard. Alors Chouard, c'est une ethnie en fait, c'est une ethnie amazonienne, il y a évidemment les Ausha, il y a les Jivaros qui sont des Indiens, qu'on considère un peu dépravés parce qu'ils vivent un peu comme des blancs. Et puis évidemment il y avait des colons, voilà, donc c'est un peu cette population. Et ce monsieur, lui, il vit un peu à l'écart, dans une cabane, il est un peu dans la nature, c'est un peu un sauvage en fait, un sauvage mais qui fuit. une forme de civilisation dans laquelle il ne se reconnaît pas trop. Il y a la nature qui est extrêmement présente. Et à un moment donné, c'est la scène du début où il y a un homme qui a été tué par une bête sauvage. C'est un jaguar. Et ça commence comme ça. Évidemment, il y a l'inquiétude politique de l'homme face à la nature. Il y a plein de choses. Et à un moment donné, il est amené à traquer cette... On fait appel à lui parce que c'est un connaisseur, en fait. Un connaisseur de la nature, un connaisseur de la forêt amazonienne. Donc, on fait appel à lui pour traquer cet animal féroce. Ce qui est intéressant, c'est qu'on se rende compte au fil de l'ouvrage, je ne vais pas tout révéler, mais que la véritable férocité, la véritable sauvagerie, c'est celle de l'homme, ce n'est pas celle de l'animal. Absolument, tout à fait.

  • Speaker #0

    Alors, j'avais une question pour toi. Est-ce que tu aimes, toi, les romans d'amour ?

  • Speaker #1

    Pas forcément. Pas forcément. Non, non, je ne suis pas un lecteur de romans d'amour particulièrement. Mais c'est vrai que le titre, je le trouve beau. Le vieux qui lisait des romans d'amour, on a envie de le connaître presque. Non, non, pas spécialement. Mais... effectivement, il y a des... On comprend, lui, pourquoi il aime ça, en tout cas. Oui, oui.

  • Speaker #0

    Alors, j'aimerais que tu me lises, je ne sais pas si tu as un extrait ou deux à partager avec nous, mais je voulais d'abord, avant que tu lises l'extrait, je voulais... Moi, j'ai donc lu le livre et je me disais qu'il y avait de très, très belles phrases et notamment de très belles réflexions. J'en ai noté une ou deux qui m'ont particulièrement... attiré. Le jour, il y a l'homme et la forêt. La nuit, l'homme est forêt.

  • Speaker #1

    Ah, c'est beau.

  • Speaker #0

    J'avais noté ça. Il y avait une autre phrase aussi, c'était « Depuis que sa femme l'a quitté, il vivait plus seul qu'un bâton d'aveugle. » C'est magnifique. Et donc, je voulais te poser la question avant que tu lises un extrait de « Qu'est-ce que toi, tu... » pensent de l'écriture de Sepulveda ? Qu'est-ce que toi, tu peux m'en dire ?

  • Speaker #1

    Moi, c'est un auteur que j'aime beaucoup. C'est un auteur que j'aime beaucoup. J'avais fait référence dans un autre podcast à ces histoires d'amour, toujours, dans un pays en guerre ou des choses comme ça. Elles sont toujours assez incroyables, ces histoires. Moi, j'aime beaucoup parce qu'il a un imaginaire qui est... Comment je pourrais le qualifier ? Pas exotique, parce que ce n'est pas ça, mais à chaque fois, il y a une espèce de folie dans ses histoires, dans ses textes. Et puis, il y a une tendresse. Moi, je trouve qu'il y a beaucoup, beaucoup de tendresse dans ses écrits. Il y a un engagement aussi. C'est quelqu'un, on le sent, qui est assez engagé. On le retrouve d'ailleurs dans cet ouvrage-là. Et ce n'est pas un engagement, je dirais, qui est... On ne sent pas que c'est quelqu'un qui fasse du prosélytisme. Mais si tu veux, les personnages de ces romans sont parfois des gens engagés. C'est-à-dire qu'au début, par exemple, il y a ce dentiste qui est là. On apprend qu'il est d'origine un peu espagnole, qu'il a fui la dictature de Franco. Donc, c'est un anarchiste. Il est contre les gouvernements. Il y a des teintes comme ça. Il y a des petits trucs. Mais ce n'est pas lourd. Ce n'est pas pompeux. Au contraire. Donc, j'aime bien ces petits clins d'œil. Et puis, oui, c'est des belles images. Il y a presque un côté un peu rock'n'roll, moi, je trouve, dans ces poulevées-là, parce que c'est toujours un peu fou. Il y a des personnages comme ça, hauts en couleur. C'est assez étrange, parfois.

  • Speaker #0

    Ok. Est-ce que tu... Justement, j'avais encore une question avant que tu ne lises. Quelle est la caractéristique du personnage qui te... parle ou qui te plaît le plus ?

  • Speaker #1

    Voilà, c'est une question que je ne saurais pas forcément te répondre. Je crois que c'est l'ensemble, ce n'est pas forcément les personnages qui me touchent, c'est parce que je les aime bien tous.

  • Speaker #0

    Là que tu parlais du dentiste, justement, il y avait cette caractéristique de ce côté un peu militant, mais en même temps pas trop lourd. Oui, oui.

  • Speaker #1

    Oui, en fait, dans un des extraits que je veux lire, c'est un des extraits du début du bouquin. Moi, le dentiste, il me fait marrer. Il y a un côté, quand je dis un peu rock'n'roll, il y a ça.

  • Speaker #0

    Oui,

  • Speaker #1

    oui, oui. Il y a un côté, ça m'amuse. C'est des personnages assez hauts en couleurs parfois.

  • Speaker #0

    Et le personnage principal ?

  • Speaker #1

    Ah bah oui, le personnage principal, il est touchant lui, parce qu'on sent que c'est quelqu'un de simple. C'est quelqu'un de simple, il a perdu effectivement sa femme, il vit seul, il vit un peu reclus. En même temps, on ne lui fait pas... C'est quelqu'un qui a une lecture des autres et de la nature assez juste, je crois. On sent bien que c'est quelqu'un qui a un peu le balson. Je ne dirais pas qu'il est sage, mais il est vieux, donc il a de l'expérience. Il a acquis une lecture des autres et du monde basée sur sa vie, sur son expérience. On sent bien ça. Il connaît bien la place sociale des uns et des autres. Je crois que c'est quelqu'un qui est assez lucide. Oui, il est assez attachant, oui, tout à fait.

  • Speaker #0

    D'accord. Je voulais que... Je sais que je pense que tu voulais partager quelques extraits choisis. Est-ce que tu veux bien me lire un ou deux extraits, je ne sais pas combien tu en as choisis, et me dire ensuite pourquoi cela. Ou celui-là.

  • Speaker #1

    Je voulais bien... Je ne suis pas vraiment préparé, mais disons que je peux lire une ou deux choses. Alors, dans le début, on passe l'Inkipit, d'accord, on l'a déjà évoqué. Mais le livre, il commence comme ça et on va rencontrer ce fameux dentiste, en fait. Alors, les quelques habitants d'El Idilio, auxquels s'était joint une poignée d'aventuriers venus des environs, attendaient sur le quai leur tour de s'asseoir dans le fauteuil mobile du dentiste, le docteur Rubi Gondo Loakim, qui pratiquait une étrange anesthésie verbale. pour atténuer les douleurs de ses patients. « Ça te fait mal ? » questionnait-il. Agrippés au bras du fauteuil, les patients, en guise de réponse, ouvraient des yeux immenses et transpiraient à grosses gouttes. Certains tentaient de retirer de leur bouche les mains insolentes du dentiste, afin de pouvoir lui répondre par une grossièreté bien sentie. Mais ils se heurtaient à ses muscles puissants et à sa voix autoritaire. « Tiens-toi tranquille, bordel ! Bas les pattes ! Je sais bien que ça te fait mal, mais à qui la faute ? Hein ? À moi ? Non, au gouvernement ! Enfonce-toi bien ça dans le crâne ! C'est la faute du gouvernement si tu as des dents aussi pourries et si tu as mal ! La faute au gouvernement ! » Voilà un petit peu le ton de ce fameux dentiste, qui est un dentiste itinérant, on l'imagine bien en la forêt. tous ces petits villages qui sont là le long du fleuve, en fait, Amazon. Et donc, lui, il est là, il va arracher... Arracher les dents des villageois ici ou là. Et donc, c'est lui qui, de temps en temps, va en ville et ramène effectivement des romans d'amour à notre héros. Voilà. Alors, un autre petit passage que je peux lire... qui est pas mal, enfin que j'aime bien, voilà. Il y en a plusieurs, mais bon, voilà. Ah ben justement, sur le moment où la question est-ce qu'il sait lire ou est-ce qu'il sait pas lire, voilà. Et c'est assez marrant parce que ça se passe à un moment des élections, voilà. Donc, je commence. Là, les deux envoyés moroses du pouvoir recueillaient les suffrages secrets des citoyens d'El Idilio pour les élections présidentielles qui devaient avoir lieu le mois suivant. Antonio José Bolivar défila comme tout le monde devant la table. « Tu sais lire ? » lui demanda-t-on. « Je ne me rappelle plus. » « On va voir. Qu'est-ce qui est écrit là ? » « Monsieur le candidat, tu vois, tu as le droit de voter. » « Le droit de quoi ? » « De voter au suffrage universel et secret pour choisir démocratiquement entre les trois candidats qui se présentent à la magistrature suprême. » « Tu comprends ? » « Je ne comprends rien du tout. » « Ça va me coûter combien, ce droit ? » « Rien, puisque c'est un droit. » Et pour qui je dois voter ? Pour celui qui sera président, pour son excellence, le candidat du peuple. Antonia vota pour le vainqueur et reçut une bouteille de Frontera en contrepartie de l'exercice de son droit. Il savait lire. Voilà. Donc c'est à partir de là que... que commence ce rapport à la lecture et juste après, il écrit « Ce fut la découverte la plus importante de sa vie. » Il savait lire. Il possédait l'antidote contre le redoutable venin de la vieillesse. Il savait lire, mais il n'avait rien à lire. Voilà.

  • Speaker #0

    Merci pour ces extraits.

  • Speaker #1

    Je veux bien en relire un petit dernier, si tu permets. Voilà, donc c'est la fin.

  • Speaker #0

    Justement, peux-tu me lire la fin du livre ? C'était ma dernière question, justement.

  • Speaker #1

    Alors, La fin du livre, c'est la suivante. Antonio José Bolivar ôta son dentier, le rangea dans son mouchoir et, sans cesser de maudire le gringo responsable de la tragédie, le maire, les chercheurs d'or, tous ceux qui souillaient la virginité de son Amazonie, il coupa une grosse branche d'un coup de machette. s'y appuya et prit la direction d'El Idilio, de sa cabane et de ses romans qui parlaient d'amour avec des mots si beaux que parfois ils lui faisaient oublier la barbarie des hommes.

  • Speaker #0

    Merci beaucoup. Merci Régis d'avoir partagé avec nous ce magnifique livre. Je le rappelle, Le vieux qui lisait des romans d'amour de Luis Sepulveda. et je souhaite à tous à tout le monde d'avoir l'occasion de le découvrir.

  • Speaker #1

    Il faut absolument le lire.

  • Speaker #0

    Oui, c'est très beau. Moi, je l'avais lu il y a longtemps, je l'ai relu, donc il n'y a pas si longtemps, il y a quelques jours, et c'est vrai que c'est absolument magnifique. Merci à toi, et je te dis à bientôt.

  • Speaker #1

    À bientôt. Au revoir.

  • Speaker #0

    Au revoir.

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Description

Clarence Massiani interroge Régis Decaix à propos d'un livre qu'il a aimé. Régis évoque le livre "le vieux qui lisait des romans d'amour" de Luis Sepulveda.


Hébergé par Ausha. Visitez ausha.co/politique-de-confidentialite pour plus d'informations.

Transcription

  • Speaker #0

    Bienvenue dans notre podcast Isadora BC, le podcast où une comédienne et un poète échangent autour d'une tasse de café. La comédienne, c'est Clarence Maciani et le poète, c'est Régis Dequet. Bonjour Régis.

  • Speaker #1

    Bonjour Clarence.

  • Speaker #0

    Alors aujourd'hui, nous allons parler... peu d'un livre que tu aimes particulièrement, qui s'intitule Le vieux qui lisait des romans d'amour de Luis Sepulveda. Et j'ai une première question pour toi. Est-ce que le titre de ce livre a un lien avec le livre, avec l'histoire ? Et si oui, lequel ?

  • Speaker #1

    Alors oui, absolument. Effectivement, le titre est important parce que il s'agit d'un... d'un homme, un vieil homme, effectivement. Et la lecture, c'est un élément central du livre. Le fait qu'il sache lire, ce n'est pas évident puisque ça se passe en Amazonie. Donc oui, il sait lire, c'est quelque chose d'important parce que tout le monde ne sait pas lire. Et puis, il lit effectivement des romans d'amour, donc c'est aussi assez particulier parce que dans cette... ouvrage, il y a vraiment à la fois une espèce de contraste entre la dureté, la dureté de la vie, la dureté de la nature aussi, la cruauté et puis une sorte de contraste justement avec ses mots d'amour et ses histoires d'amour.

  • Speaker #0

    Est-ce que tu peux nous lire Linky Pit qui, je trouve, est tout de même extraordinaire ?

  • Speaker #1

    Alors oui, tout à fait. Ça commence par « Le ciel était une pence d'âne gonflée qui pendait très bas, menaçante au-dessus des têtes. » Effectivement, moi j'aime beaucoup cette Inky Pit, puisqu'on a fini un podcast sur le sujet, sur l'Inky Pit. Et là, effectivement, dès cette première phrase, on est déjà ailleurs. Ça se passe dans l'Amazonie. Effectivement, on imagine ce... Ce ciel qui est là, tout gris, pesant, énorme, gonflé, en plus c'est une très belle image, une pence d'âne gonflée, moi je trouve ça amusant, qui pendait, menaçante, au-dessus des têtes. Et dès le départ, on a cette idée de menace, il y a quelque chose qui est là, qui est prégnant, quelque chose d'un peu inquiétant, effectivement, qu'on va retrouver ensuite dans le récit.

  • Speaker #0

    Est-ce que tu peux me raconter brièvement l'histoire ? et surtout, Surtout me dire ce qui te touche particulièrement dans ce livre.

  • Speaker #1

    Alors, ce qui me touche, je vais commencer par ça, si tu veux bien. En fait, quand on a évoqué l'idée de, tiens, on va parler d'un livre qui nous a touchés, qu'on a bien aimé. Je ne sais pas pourquoi, le premier livre qui m'est venu, moi, c'est celui-ci. C'est un livre qui est tout petit, qui se lit assez facilement. Je ne suis pas un grand lecteur. J'aime la littérature, j'aime tout ça, mais je ne suis pas moi-même un grand lecteur. Et là, effectivement, c'est un livre que j'ai aimé parce que justement, c'est un petit bouquin. Ça se lit très bien. Et j'ai trouvé qu'il y avait quelque chose dans cet ouvrage à la fois romanesque, parce que c'est... Et en même temps, il y a un côté, je trouve, il y a une forme d'humour. Il y a une forme d'humour. Il y a un côté aussi un peu politique, puisque Sepulveda, il faut le rappeler aussi, c'est un Chilien qui a été quand même condamné à 28 ans de prison sous la dictature de Pinochet. C'est quand même quelqu'un qui est engagé politiquement. Et puis, il y a cette place de la nature. Il y a quelque chose qui m'avait beaucoup plu. Et c'est un livre comme ça qui m'est tout de suite... qui m'est venu, j'ai tout de suite eu envie de parler de ce livre-là. L'histoire qui est racontée, elle est toute simple en fait. C'est un homme, on suit ce vieil homme en fait, ce vieil homme, qui est un Chouard. Alors Chouard, c'est une ethnie en fait, c'est une ethnie amazonienne, il y a évidemment les Ausha, il y a les Jivaros qui sont des Indiens, qu'on considère un peu dépravés parce qu'ils vivent un peu comme des blancs. Et puis évidemment il y avait des colons, voilà, donc c'est un peu cette population. Et ce monsieur, lui, il vit un peu à l'écart, dans une cabane, il est un peu dans la nature, c'est un peu un sauvage en fait, un sauvage mais qui fuit. une forme de civilisation dans laquelle il ne se reconnaît pas trop. Il y a la nature qui est extrêmement présente. Et à un moment donné, c'est la scène du début où il y a un homme qui a été tué par une bête sauvage. C'est un jaguar. Et ça commence comme ça. Évidemment, il y a l'inquiétude politique de l'homme face à la nature. Il y a plein de choses. Et à un moment donné, il est amené à traquer cette... On fait appel à lui parce que c'est un connaisseur, en fait. Un connaisseur de la nature, un connaisseur de la forêt amazonienne. Donc, on fait appel à lui pour traquer cet animal féroce. Ce qui est intéressant, c'est qu'on se rende compte au fil de l'ouvrage, je ne vais pas tout révéler, mais que la véritable férocité, la véritable sauvagerie, c'est celle de l'homme, ce n'est pas celle de l'animal. Absolument, tout à fait.

  • Speaker #0

    Alors, j'avais une question pour toi. Est-ce que tu aimes, toi, les romans d'amour ?

  • Speaker #1

    Pas forcément. Pas forcément. Non, non, je ne suis pas un lecteur de romans d'amour particulièrement. Mais c'est vrai que le titre, je le trouve beau. Le vieux qui lisait des romans d'amour, on a envie de le connaître presque. Non, non, pas spécialement. Mais... effectivement, il y a des... On comprend, lui, pourquoi il aime ça, en tout cas. Oui, oui.

  • Speaker #0

    Alors, j'aimerais que tu me lises, je ne sais pas si tu as un extrait ou deux à partager avec nous, mais je voulais d'abord, avant que tu lises l'extrait, je voulais... Moi, j'ai donc lu le livre et je me disais qu'il y avait de très, très belles phrases et notamment de très belles réflexions. J'en ai noté une ou deux qui m'ont particulièrement... attiré. Le jour, il y a l'homme et la forêt. La nuit, l'homme est forêt.

  • Speaker #1

    Ah, c'est beau.

  • Speaker #0

    J'avais noté ça. Il y avait une autre phrase aussi, c'était « Depuis que sa femme l'a quitté, il vivait plus seul qu'un bâton d'aveugle. » C'est magnifique. Et donc, je voulais te poser la question avant que tu lises un extrait de « Qu'est-ce que toi, tu... » pensent de l'écriture de Sepulveda ? Qu'est-ce que toi, tu peux m'en dire ?

  • Speaker #1

    Moi, c'est un auteur que j'aime beaucoup. C'est un auteur que j'aime beaucoup. J'avais fait référence dans un autre podcast à ces histoires d'amour, toujours, dans un pays en guerre ou des choses comme ça. Elles sont toujours assez incroyables, ces histoires. Moi, j'aime beaucoup parce qu'il a un imaginaire qui est... Comment je pourrais le qualifier ? Pas exotique, parce que ce n'est pas ça, mais à chaque fois, il y a une espèce de folie dans ses histoires, dans ses textes. Et puis, il y a une tendresse. Moi, je trouve qu'il y a beaucoup, beaucoup de tendresse dans ses écrits. Il y a un engagement aussi. C'est quelqu'un, on le sent, qui est assez engagé. On le retrouve d'ailleurs dans cet ouvrage-là. Et ce n'est pas un engagement, je dirais, qui est... On ne sent pas que c'est quelqu'un qui fasse du prosélytisme. Mais si tu veux, les personnages de ces romans sont parfois des gens engagés. C'est-à-dire qu'au début, par exemple, il y a ce dentiste qui est là. On apprend qu'il est d'origine un peu espagnole, qu'il a fui la dictature de Franco. Donc, c'est un anarchiste. Il est contre les gouvernements. Il y a des teintes comme ça. Il y a des petits trucs. Mais ce n'est pas lourd. Ce n'est pas pompeux. Au contraire. Donc, j'aime bien ces petits clins d'œil. Et puis, oui, c'est des belles images. Il y a presque un côté un peu rock'n'roll, moi, je trouve, dans ces poulevées-là, parce que c'est toujours un peu fou. Il y a des personnages comme ça, hauts en couleur. C'est assez étrange, parfois.

  • Speaker #0

    Ok. Est-ce que tu... Justement, j'avais encore une question avant que tu ne lises. Quelle est la caractéristique du personnage qui te... parle ou qui te plaît le plus ?

  • Speaker #1

    Voilà, c'est une question que je ne saurais pas forcément te répondre. Je crois que c'est l'ensemble, ce n'est pas forcément les personnages qui me touchent, c'est parce que je les aime bien tous.

  • Speaker #0

    Là que tu parlais du dentiste, justement, il y avait cette caractéristique de ce côté un peu militant, mais en même temps pas trop lourd. Oui, oui.

  • Speaker #1

    Oui, en fait, dans un des extraits que je veux lire, c'est un des extraits du début du bouquin. Moi, le dentiste, il me fait marrer. Il y a un côté, quand je dis un peu rock'n'roll, il y a ça.

  • Speaker #0

    Oui,

  • Speaker #1

    oui, oui. Il y a un côté, ça m'amuse. C'est des personnages assez hauts en couleurs parfois.

  • Speaker #0

    Et le personnage principal ?

  • Speaker #1

    Ah bah oui, le personnage principal, il est touchant lui, parce qu'on sent que c'est quelqu'un de simple. C'est quelqu'un de simple, il a perdu effectivement sa femme, il vit seul, il vit un peu reclus. En même temps, on ne lui fait pas... C'est quelqu'un qui a une lecture des autres et de la nature assez juste, je crois. On sent bien que c'est quelqu'un qui a un peu le balson. Je ne dirais pas qu'il est sage, mais il est vieux, donc il a de l'expérience. Il a acquis une lecture des autres et du monde basée sur sa vie, sur son expérience. On sent bien ça. Il connaît bien la place sociale des uns et des autres. Je crois que c'est quelqu'un qui est assez lucide. Oui, il est assez attachant, oui, tout à fait.

  • Speaker #0

    D'accord. Je voulais que... Je sais que je pense que tu voulais partager quelques extraits choisis. Est-ce que tu veux bien me lire un ou deux extraits, je ne sais pas combien tu en as choisis, et me dire ensuite pourquoi cela. Ou celui-là.

  • Speaker #1

    Je voulais bien... Je ne suis pas vraiment préparé, mais disons que je peux lire une ou deux choses. Alors, dans le début, on passe l'Inkipit, d'accord, on l'a déjà évoqué. Mais le livre, il commence comme ça et on va rencontrer ce fameux dentiste, en fait. Alors, les quelques habitants d'El Idilio, auxquels s'était joint une poignée d'aventuriers venus des environs, attendaient sur le quai leur tour de s'asseoir dans le fauteuil mobile du dentiste, le docteur Rubi Gondo Loakim, qui pratiquait une étrange anesthésie verbale. pour atténuer les douleurs de ses patients. « Ça te fait mal ? » questionnait-il. Agrippés au bras du fauteuil, les patients, en guise de réponse, ouvraient des yeux immenses et transpiraient à grosses gouttes. Certains tentaient de retirer de leur bouche les mains insolentes du dentiste, afin de pouvoir lui répondre par une grossièreté bien sentie. Mais ils se heurtaient à ses muscles puissants et à sa voix autoritaire. « Tiens-toi tranquille, bordel ! Bas les pattes ! Je sais bien que ça te fait mal, mais à qui la faute ? Hein ? À moi ? Non, au gouvernement ! Enfonce-toi bien ça dans le crâne ! C'est la faute du gouvernement si tu as des dents aussi pourries et si tu as mal ! La faute au gouvernement ! » Voilà un petit peu le ton de ce fameux dentiste, qui est un dentiste itinérant, on l'imagine bien en la forêt. tous ces petits villages qui sont là le long du fleuve, en fait, Amazon. Et donc, lui, il est là, il va arracher... Arracher les dents des villageois ici ou là. Et donc, c'est lui qui, de temps en temps, va en ville et ramène effectivement des romans d'amour à notre héros. Voilà. Alors, un autre petit passage que je peux lire... qui est pas mal, enfin que j'aime bien, voilà. Il y en a plusieurs, mais bon, voilà. Ah ben justement, sur le moment où la question est-ce qu'il sait lire ou est-ce qu'il sait pas lire, voilà. Et c'est assez marrant parce que ça se passe à un moment des élections, voilà. Donc, je commence. Là, les deux envoyés moroses du pouvoir recueillaient les suffrages secrets des citoyens d'El Idilio pour les élections présidentielles qui devaient avoir lieu le mois suivant. Antonio José Bolivar défila comme tout le monde devant la table. « Tu sais lire ? » lui demanda-t-on. « Je ne me rappelle plus. » « On va voir. Qu'est-ce qui est écrit là ? » « Monsieur le candidat, tu vois, tu as le droit de voter. » « Le droit de quoi ? » « De voter au suffrage universel et secret pour choisir démocratiquement entre les trois candidats qui se présentent à la magistrature suprême. » « Tu comprends ? » « Je ne comprends rien du tout. » « Ça va me coûter combien, ce droit ? » « Rien, puisque c'est un droit. » Et pour qui je dois voter ? Pour celui qui sera président, pour son excellence, le candidat du peuple. Antonia vota pour le vainqueur et reçut une bouteille de Frontera en contrepartie de l'exercice de son droit. Il savait lire. Voilà. Donc c'est à partir de là que... que commence ce rapport à la lecture et juste après, il écrit « Ce fut la découverte la plus importante de sa vie. » Il savait lire. Il possédait l'antidote contre le redoutable venin de la vieillesse. Il savait lire, mais il n'avait rien à lire. Voilà.

  • Speaker #0

    Merci pour ces extraits.

  • Speaker #1

    Je veux bien en relire un petit dernier, si tu permets. Voilà, donc c'est la fin.

  • Speaker #0

    Justement, peux-tu me lire la fin du livre ? C'était ma dernière question, justement.

  • Speaker #1

    Alors, La fin du livre, c'est la suivante. Antonio José Bolivar ôta son dentier, le rangea dans son mouchoir et, sans cesser de maudire le gringo responsable de la tragédie, le maire, les chercheurs d'or, tous ceux qui souillaient la virginité de son Amazonie, il coupa une grosse branche d'un coup de machette. s'y appuya et prit la direction d'El Idilio, de sa cabane et de ses romans qui parlaient d'amour avec des mots si beaux que parfois ils lui faisaient oublier la barbarie des hommes.

  • Speaker #0

    Merci beaucoup. Merci Régis d'avoir partagé avec nous ce magnifique livre. Je le rappelle, Le vieux qui lisait des romans d'amour de Luis Sepulveda. et je souhaite à tous à tout le monde d'avoir l'occasion de le découvrir.

  • Speaker #1

    Il faut absolument le lire.

  • Speaker #0

    Oui, c'est très beau. Moi, je l'avais lu il y a longtemps, je l'ai relu, donc il n'y a pas si longtemps, il y a quelques jours, et c'est vrai que c'est absolument magnifique. Merci à toi, et je te dis à bientôt.

  • Speaker #1

    À bientôt. Au revoir.

  • Speaker #0

    Au revoir.

Description

Clarence Massiani interroge Régis Decaix à propos d'un livre qu'il a aimé. Régis évoque le livre "le vieux qui lisait des romans d'amour" de Luis Sepulveda.


Hébergé par Ausha. Visitez ausha.co/politique-de-confidentialite pour plus d'informations.

Transcription

  • Speaker #0

    Bienvenue dans notre podcast Isadora BC, le podcast où une comédienne et un poète échangent autour d'une tasse de café. La comédienne, c'est Clarence Maciani et le poète, c'est Régis Dequet. Bonjour Régis.

  • Speaker #1

    Bonjour Clarence.

  • Speaker #0

    Alors aujourd'hui, nous allons parler... peu d'un livre que tu aimes particulièrement, qui s'intitule Le vieux qui lisait des romans d'amour de Luis Sepulveda. Et j'ai une première question pour toi. Est-ce que le titre de ce livre a un lien avec le livre, avec l'histoire ? Et si oui, lequel ?

  • Speaker #1

    Alors oui, absolument. Effectivement, le titre est important parce que il s'agit d'un... d'un homme, un vieil homme, effectivement. Et la lecture, c'est un élément central du livre. Le fait qu'il sache lire, ce n'est pas évident puisque ça se passe en Amazonie. Donc oui, il sait lire, c'est quelque chose d'important parce que tout le monde ne sait pas lire. Et puis, il lit effectivement des romans d'amour, donc c'est aussi assez particulier parce que dans cette... ouvrage, il y a vraiment à la fois une espèce de contraste entre la dureté, la dureté de la vie, la dureté de la nature aussi, la cruauté et puis une sorte de contraste justement avec ses mots d'amour et ses histoires d'amour.

  • Speaker #0

    Est-ce que tu peux nous lire Linky Pit qui, je trouve, est tout de même extraordinaire ?

  • Speaker #1

    Alors oui, tout à fait. Ça commence par « Le ciel était une pence d'âne gonflée qui pendait très bas, menaçante au-dessus des têtes. » Effectivement, moi j'aime beaucoup cette Inky Pit, puisqu'on a fini un podcast sur le sujet, sur l'Inky Pit. Et là, effectivement, dès cette première phrase, on est déjà ailleurs. Ça se passe dans l'Amazonie. Effectivement, on imagine ce... Ce ciel qui est là, tout gris, pesant, énorme, gonflé, en plus c'est une très belle image, une pence d'âne gonflée, moi je trouve ça amusant, qui pendait, menaçante, au-dessus des têtes. Et dès le départ, on a cette idée de menace, il y a quelque chose qui est là, qui est prégnant, quelque chose d'un peu inquiétant, effectivement, qu'on va retrouver ensuite dans le récit.

  • Speaker #0

    Est-ce que tu peux me raconter brièvement l'histoire ? et surtout, Surtout me dire ce qui te touche particulièrement dans ce livre.

  • Speaker #1

    Alors, ce qui me touche, je vais commencer par ça, si tu veux bien. En fait, quand on a évoqué l'idée de, tiens, on va parler d'un livre qui nous a touchés, qu'on a bien aimé. Je ne sais pas pourquoi, le premier livre qui m'est venu, moi, c'est celui-ci. C'est un livre qui est tout petit, qui se lit assez facilement. Je ne suis pas un grand lecteur. J'aime la littérature, j'aime tout ça, mais je ne suis pas moi-même un grand lecteur. Et là, effectivement, c'est un livre que j'ai aimé parce que justement, c'est un petit bouquin. Ça se lit très bien. Et j'ai trouvé qu'il y avait quelque chose dans cet ouvrage à la fois romanesque, parce que c'est... Et en même temps, il y a un côté, je trouve, il y a une forme d'humour. Il y a une forme d'humour. Il y a un côté aussi un peu politique, puisque Sepulveda, il faut le rappeler aussi, c'est un Chilien qui a été quand même condamné à 28 ans de prison sous la dictature de Pinochet. C'est quand même quelqu'un qui est engagé politiquement. Et puis, il y a cette place de la nature. Il y a quelque chose qui m'avait beaucoup plu. Et c'est un livre comme ça qui m'est tout de suite... qui m'est venu, j'ai tout de suite eu envie de parler de ce livre-là. L'histoire qui est racontée, elle est toute simple en fait. C'est un homme, on suit ce vieil homme en fait, ce vieil homme, qui est un Chouard. Alors Chouard, c'est une ethnie en fait, c'est une ethnie amazonienne, il y a évidemment les Ausha, il y a les Jivaros qui sont des Indiens, qu'on considère un peu dépravés parce qu'ils vivent un peu comme des blancs. Et puis évidemment il y avait des colons, voilà, donc c'est un peu cette population. Et ce monsieur, lui, il vit un peu à l'écart, dans une cabane, il est un peu dans la nature, c'est un peu un sauvage en fait, un sauvage mais qui fuit. une forme de civilisation dans laquelle il ne se reconnaît pas trop. Il y a la nature qui est extrêmement présente. Et à un moment donné, c'est la scène du début où il y a un homme qui a été tué par une bête sauvage. C'est un jaguar. Et ça commence comme ça. Évidemment, il y a l'inquiétude politique de l'homme face à la nature. Il y a plein de choses. Et à un moment donné, il est amené à traquer cette... On fait appel à lui parce que c'est un connaisseur, en fait. Un connaisseur de la nature, un connaisseur de la forêt amazonienne. Donc, on fait appel à lui pour traquer cet animal féroce. Ce qui est intéressant, c'est qu'on se rende compte au fil de l'ouvrage, je ne vais pas tout révéler, mais que la véritable férocité, la véritable sauvagerie, c'est celle de l'homme, ce n'est pas celle de l'animal. Absolument, tout à fait.

  • Speaker #0

    Alors, j'avais une question pour toi. Est-ce que tu aimes, toi, les romans d'amour ?

  • Speaker #1

    Pas forcément. Pas forcément. Non, non, je ne suis pas un lecteur de romans d'amour particulièrement. Mais c'est vrai que le titre, je le trouve beau. Le vieux qui lisait des romans d'amour, on a envie de le connaître presque. Non, non, pas spécialement. Mais... effectivement, il y a des... On comprend, lui, pourquoi il aime ça, en tout cas. Oui, oui.

  • Speaker #0

    Alors, j'aimerais que tu me lises, je ne sais pas si tu as un extrait ou deux à partager avec nous, mais je voulais d'abord, avant que tu lises l'extrait, je voulais... Moi, j'ai donc lu le livre et je me disais qu'il y avait de très, très belles phrases et notamment de très belles réflexions. J'en ai noté une ou deux qui m'ont particulièrement... attiré. Le jour, il y a l'homme et la forêt. La nuit, l'homme est forêt.

  • Speaker #1

    Ah, c'est beau.

  • Speaker #0

    J'avais noté ça. Il y avait une autre phrase aussi, c'était « Depuis que sa femme l'a quitté, il vivait plus seul qu'un bâton d'aveugle. » C'est magnifique. Et donc, je voulais te poser la question avant que tu lises un extrait de « Qu'est-ce que toi, tu... » pensent de l'écriture de Sepulveda ? Qu'est-ce que toi, tu peux m'en dire ?

  • Speaker #1

    Moi, c'est un auteur que j'aime beaucoup. C'est un auteur que j'aime beaucoup. J'avais fait référence dans un autre podcast à ces histoires d'amour, toujours, dans un pays en guerre ou des choses comme ça. Elles sont toujours assez incroyables, ces histoires. Moi, j'aime beaucoup parce qu'il a un imaginaire qui est... Comment je pourrais le qualifier ? Pas exotique, parce que ce n'est pas ça, mais à chaque fois, il y a une espèce de folie dans ses histoires, dans ses textes. Et puis, il y a une tendresse. Moi, je trouve qu'il y a beaucoup, beaucoup de tendresse dans ses écrits. Il y a un engagement aussi. C'est quelqu'un, on le sent, qui est assez engagé. On le retrouve d'ailleurs dans cet ouvrage-là. Et ce n'est pas un engagement, je dirais, qui est... On ne sent pas que c'est quelqu'un qui fasse du prosélytisme. Mais si tu veux, les personnages de ces romans sont parfois des gens engagés. C'est-à-dire qu'au début, par exemple, il y a ce dentiste qui est là. On apprend qu'il est d'origine un peu espagnole, qu'il a fui la dictature de Franco. Donc, c'est un anarchiste. Il est contre les gouvernements. Il y a des teintes comme ça. Il y a des petits trucs. Mais ce n'est pas lourd. Ce n'est pas pompeux. Au contraire. Donc, j'aime bien ces petits clins d'œil. Et puis, oui, c'est des belles images. Il y a presque un côté un peu rock'n'roll, moi, je trouve, dans ces poulevées-là, parce que c'est toujours un peu fou. Il y a des personnages comme ça, hauts en couleur. C'est assez étrange, parfois.

  • Speaker #0

    Ok. Est-ce que tu... Justement, j'avais encore une question avant que tu ne lises. Quelle est la caractéristique du personnage qui te... parle ou qui te plaît le plus ?

  • Speaker #1

    Voilà, c'est une question que je ne saurais pas forcément te répondre. Je crois que c'est l'ensemble, ce n'est pas forcément les personnages qui me touchent, c'est parce que je les aime bien tous.

  • Speaker #0

    Là que tu parlais du dentiste, justement, il y avait cette caractéristique de ce côté un peu militant, mais en même temps pas trop lourd. Oui, oui.

  • Speaker #1

    Oui, en fait, dans un des extraits que je veux lire, c'est un des extraits du début du bouquin. Moi, le dentiste, il me fait marrer. Il y a un côté, quand je dis un peu rock'n'roll, il y a ça.

  • Speaker #0

    Oui,

  • Speaker #1

    oui, oui. Il y a un côté, ça m'amuse. C'est des personnages assez hauts en couleurs parfois.

  • Speaker #0

    Et le personnage principal ?

  • Speaker #1

    Ah bah oui, le personnage principal, il est touchant lui, parce qu'on sent que c'est quelqu'un de simple. C'est quelqu'un de simple, il a perdu effectivement sa femme, il vit seul, il vit un peu reclus. En même temps, on ne lui fait pas... C'est quelqu'un qui a une lecture des autres et de la nature assez juste, je crois. On sent bien que c'est quelqu'un qui a un peu le balson. Je ne dirais pas qu'il est sage, mais il est vieux, donc il a de l'expérience. Il a acquis une lecture des autres et du monde basée sur sa vie, sur son expérience. On sent bien ça. Il connaît bien la place sociale des uns et des autres. Je crois que c'est quelqu'un qui est assez lucide. Oui, il est assez attachant, oui, tout à fait.

  • Speaker #0

    D'accord. Je voulais que... Je sais que je pense que tu voulais partager quelques extraits choisis. Est-ce que tu veux bien me lire un ou deux extraits, je ne sais pas combien tu en as choisis, et me dire ensuite pourquoi cela. Ou celui-là.

  • Speaker #1

    Je voulais bien... Je ne suis pas vraiment préparé, mais disons que je peux lire une ou deux choses. Alors, dans le début, on passe l'Inkipit, d'accord, on l'a déjà évoqué. Mais le livre, il commence comme ça et on va rencontrer ce fameux dentiste, en fait. Alors, les quelques habitants d'El Idilio, auxquels s'était joint une poignée d'aventuriers venus des environs, attendaient sur le quai leur tour de s'asseoir dans le fauteuil mobile du dentiste, le docteur Rubi Gondo Loakim, qui pratiquait une étrange anesthésie verbale. pour atténuer les douleurs de ses patients. « Ça te fait mal ? » questionnait-il. Agrippés au bras du fauteuil, les patients, en guise de réponse, ouvraient des yeux immenses et transpiraient à grosses gouttes. Certains tentaient de retirer de leur bouche les mains insolentes du dentiste, afin de pouvoir lui répondre par une grossièreté bien sentie. Mais ils se heurtaient à ses muscles puissants et à sa voix autoritaire. « Tiens-toi tranquille, bordel ! Bas les pattes ! Je sais bien que ça te fait mal, mais à qui la faute ? Hein ? À moi ? Non, au gouvernement ! Enfonce-toi bien ça dans le crâne ! C'est la faute du gouvernement si tu as des dents aussi pourries et si tu as mal ! La faute au gouvernement ! » Voilà un petit peu le ton de ce fameux dentiste, qui est un dentiste itinérant, on l'imagine bien en la forêt. tous ces petits villages qui sont là le long du fleuve, en fait, Amazon. Et donc, lui, il est là, il va arracher... Arracher les dents des villageois ici ou là. Et donc, c'est lui qui, de temps en temps, va en ville et ramène effectivement des romans d'amour à notre héros. Voilà. Alors, un autre petit passage que je peux lire... qui est pas mal, enfin que j'aime bien, voilà. Il y en a plusieurs, mais bon, voilà. Ah ben justement, sur le moment où la question est-ce qu'il sait lire ou est-ce qu'il sait pas lire, voilà. Et c'est assez marrant parce que ça se passe à un moment des élections, voilà. Donc, je commence. Là, les deux envoyés moroses du pouvoir recueillaient les suffrages secrets des citoyens d'El Idilio pour les élections présidentielles qui devaient avoir lieu le mois suivant. Antonio José Bolivar défila comme tout le monde devant la table. « Tu sais lire ? » lui demanda-t-on. « Je ne me rappelle plus. » « On va voir. Qu'est-ce qui est écrit là ? » « Monsieur le candidat, tu vois, tu as le droit de voter. » « Le droit de quoi ? » « De voter au suffrage universel et secret pour choisir démocratiquement entre les trois candidats qui se présentent à la magistrature suprême. » « Tu comprends ? » « Je ne comprends rien du tout. » « Ça va me coûter combien, ce droit ? » « Rien, puisque c'est un droit. » Et pour qui je dois voter ? Pour celui qui sera président, pour son excellence, le candidat du peuple. Antonia vota pour le vainqueur et reçut une bouteille de Frontera en contrepartie de l'exercice de son droit. Il savait lire. Voilà. Donc c'est à partir de là que... que commence ce rapport à la lecture et juste après, il écrit « Ce fut la découverte la plus importante de sa vie. » Il savait lire. Il possédait l'antidote contre le redoutable venin de la vieillesse. Il savait lire, mais il n'avait rien à lire. Voilà.

  • Speaker #0

    Merci pour ces extraits.

  • Speaker #1

    Je veux bien en relire un petit dernier, si tu permets. Voilà, donc c'est la fin.

  • Speaker #0

    Justement, peux-tu me lire la fin du livre ? C'était ma dernière question, justement.

  • Speaker #1

    Alors, La fin du livre, c'est la suivante. Antonio José Bolivar ôta son dentier, le rangea dans son mouchoir et, sans cesser de maudire le gringo responsable de la tragédie, le maire, les chercheurs d'or, tous ceux qui souillaient la virginité de son Amazonie, il coupa une grosse branche d'un coup de machette. s'y appuya et prit la direction d'El Idilio, de sa cabane et de ses romans qui parlaient d'amour avec des mots si beaux que parfois ils lui faisaient oublier la barbarie des hommes.

  • Speaker #0

    Merci beaucoup. Merci Régis d'avoir partagé avec nous ce magnifique livre. Je le rappelle, Le vieux qui lisait des romans d'amour de Luis Sepulveda. et je souhaite à tous à tout le monde d'avoir l'occasion de le découvrir.

  • Speaker #1

    Il faut absolument le lire.

  • Speaker #0

    Oui, c'est très beau. Moi, je l'avais lu il y a longtemps, je l'ai relu, donc il n'y a pas si longtemps, il y a quelques jours, et c'est vrai que c'est absolument magnifique. Merci à toi, et je te dis à bientôt.

  • Speaker #1

    À bientôt. Au revoir.

  • Speaker #0

    Au revoir.

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