- Speaker #0
Qu'est-ce qui te vient à l'esprit quand on te parle de notre sujet du jour, un comparatif privé-public ?
- Speaker #1
Alors, on pense tout de suite naturellement à des oppositions.
- Speaker #0
Secteur public est assez inefficace comparé au privé.
- Speaker #1
Je pense que c'est en fait difficilement comparable. On essaie quand même de raconter une histoire, de mettre en avant une certaine qualité de vie au travail.
- Speaker #0
Performance, efficacité, ça parle au service public alors ?
- Speaker #1
Ça parle, en tout cas c'est des mots qui pouvaient peut-être un petit peu heurter certaines oreilles il y a quelques années, qui commencent à rentrer dans les mœurs aujourd'hui.
- Speaker #0
Joborama, votre panorama sur l'emploi. Bonjour à tous et bienvenue dans ce deuxième épisode de votre podcast Joborama. Je suis Jonathan Gozart, recruteur indépendant et chroniqueur média spécialisé en emploi. Pour rappel, ce podcast est votre guide dédié, conçu pour tous les professionnels désireux de donner un coup de boost à leur carrière. Alors que vous soyez étudiant en quête de votre première opportunité, salarié cherchant à évoluer, entrepreneur, recruteur ou simplement curieux de découvrir les dessous du monde du travail, Joborama est fait pour vous. Aujourd'hui, nous allons nous intéresser au secteur public et au secteur privé. Souvent perçus comme opposés, ils peuvent en réalité collaborer et s'inspirer mutuellement pour influencer des objectifs de carrière mais aussi pour relever les défis du marché du travail qu'il s'agisse. de pratiques RH, de recrutement ou des transformations nécessaires pour s'adapter aux nouvelles attentes professionnelles. Vous êtes prêts ? C'est parti ! Il y a souvent cette idée que les secteurs publics et privés sont cloisonnés. Mais la réalité est bien plus nuancée. Que ce soit pour innover en matière de recrutement, pour adopter des pratiques RH plus agiles, un véritable échange de bonnes pratiques entre ces deux mondes semble possible. Et qui de mieux pour en parler qu'un acteur qui évolue au cœur de la fonction publique. J'ai l'honneur pour ce numéro de Joborama d'accueillir Mathieu Gagé, maire d'une commune. Bonjour Mathieu.
- Speaker #1
Bonjour Jonathan.
- Speaker #0
Merci d'être avec nous. Alors, peux-tu te présenter rapidement pour nos auditeurs et nous parler un peu de ta commune ?
- Speaker #1
Je m'appelle donc Mathieu Gagé, j'ai 35 ans, j'ai un parcours professionnel à la fois dans la fonction publique territoriale et dans le privé. Et aujourd'hui, je suis maire. maire d'une commune de 6200 habitants qui a la chance de connaître une très forte dynamique, dynamique économique, dynamique démographique et aussi une dynamique sociale. On emploie 160 agents et je suis ravi d'intervenir dans ce podcast. Merci encore pour l'invitation.
- Speaker #0
Merci à toi de l'avoir accepté surtout. Alors oui, pour être clair tout de suite, Mathieu et moi, nous connaissons depuis longtemps et nous échangeons justement souvent sur les approches comparatives entre le privé et le public. D'ailleurs, petite anecdote. Mathieu n'y est pas pour rien dans le choix du nom de ce podcast, n'est-ce pas Mathieu ?
- Speaker #1
Oui, quand tu m'as parlé de la création de ce podcast, on a beaucoup échangé, je suis ravi de t'avoir un petit peu aidé à trouver le nom du podcast.
- Speaker #0
Alors, pourquoi le sujet de l'emploi t'intéresse ?
- Speaker #1
Alors, l'emploi n'est pas forcément une passion première pour moi, mais quand on s'y intéresse, c'est passionnant. Ça a été mon cas, j'ai été manager dans mes précédents emplois, je suis aujourd'hui employeur de 160 agents, je m'y suis donc mis... et j'ai mordu au truc.
- Speaker #0
Bon, visiblement, le sujet de l'emploi semble te préoccuper aujourd'hui, en tout cas, tu t'intéresses de plus en plus. Alors, de manière finalement très générale, qu'est-ce qui te vient à l'esprit quand on te parle de notre sujet du jour, un comparatif privé-public ?
- Speaker #1
Alors, on pense tout de suite, naturellement, à des oppositions, à des différences d'approche et à des différences de fonctionnement. On a plutôt tendance, y compris d'ailleurs sur la formulation, à séparer ces deux mondes. C'est la pensée collective, ou en tout cas, ça l'a été pendant longtemps. Aujourd'hui, je trouve qu'on tend un peu plus à rapprocher ces deux secteurs, à la fois naturellement, à la fois par envie, mais aussi par besoin.
- Speaker #0
Bon, en tout cas, on voit qu'il y a quand même beaucoup à dire sur le sujet. Je pense de nombreux points à creuser. Je te propose qu'on rentre un peu plus dans le détail.
- Speaker #1
Volontiers.
- Speaker #0
Commençons d'abord par parler pratiques RH. Comment le secteur public peut s'inspirer des pratiques plutôt identifiées comme agiles du privé, pour mieux gérer justement les talents ? Et comment... le privé peut apprendre des processus plutôt structurés et stables du public. C'est ce que nous allons voir. Dans le domaine de la gestion des talents et des compétences, le secteur public dispose souvent de processus ancrés dans des cadres réglementaires plutôt rigoureux. Cette approche apporte une forme de stabilité précieuse pour le développement des compétences des employés et surtout quand on sait que près de 70% des employés estiment qu'un parcours de carrière bien défini est essentiel pour leur motivation. Donc Mathieu... Toi, est-ce que déjà tu ressens cette attente et comment tu juges aujourd'hui le processus de valorisation des compétences dans le public ?
- Speaker #1
Alors au risque de te décevoir un peu Jonathan, pas vraiment. Plutôt je vais être un peu plus précis et honnête, pas chez tous les agents. Je m'explique. On va avoir des agents qui connaissent parfaitement les processus d'évolution de carrière et qui vont donc pouvoir pleinement en bénéficier. Et puis il va y avoir des agents qui sont souvent à la fois plus jeunes ou en début de carrière, qui méconnaissent ce fonctionnement et qui pourraient donc moins se projeter dans leur carrière. Cette méconnaissance, elle vient soit d'un déficit d'informations de la part de l'employeur, ça existe, soit d'un désintérêt envers ce système, soit, c'est peut-être le pire des cas, des difficultés de compréhension de ce système qui, il faut vraiment l'avouer, est particulièrement complexe.
- Speaker #0
Oui, donc c'est-à-dire que finalement, aujourd'hui, c'est un peu à double tranchant. À vouloir être trop stable et structuré, ça en devient un défaut, en fait.
- Speaker #1
Ça peut en tout cas l'être, très facilement.
- Speaker #0
Alors, tu parlais justement de carrière. On va parler de ces fameux plans de carrière que l'on dit plutôt bien définis dans le public. Ils proposent des parcours clairs avec des étapes de progression, des formations continues qui sont souvent d'ailleurs obligatoires. Une étude a montré que les employés qui ont justement ce plan de carrière défini avaient 50% plus de chances. de rester dans leur poste à long terme. Alors, ça se traduit comment dans ta commune ?
- Speaker #1
On a un certain nombre d'agents qui ont beaucoup d'ancienneté chez nous. Je parle de 20 ans, 25 ans, 30 ans, et j'en ai même quelques-uns à 35 ans d'expérience. Ils y trouvent en fait un certain challenge, une certaine reconnaissance professionnelle et aussi une progression salariale sur le long terme. Et de ce fait, il est assez facile pour nous de fidéliser des agents quand on se fixe ça vraiment comme un objectif managérial clair.
- Speaker #0
Donc au final, si je comprends bien ce que tu es en train de nous dire, les entreprises privées, elles devraient adopter des plans de carrière qui sont finalement beaucoup plus structurés pour améliorer leur rétention de talent, comme vous le faites dans le secteur public.
- Speaker #1
Alors clairement, des plans de carrière plus structurés, oui. Les mêmes que dans le public, non. En fait, on a un système qui est particulièrement archaïque dans la fonction publique.
- Speaker #0
Archaïque carrément.
- Speaker #1
Archaïque, bien sûr. Et je trouve qu'il pourrait paralyser, voire même scléroser très vite les entreprises dans leur développement.
- Speaker #0
Oui, donc on va essayer d'éviter ça, effectivement. Alors, il y a peut-être un sujet qui permet de lutter un peu contre ce côté un peu archaïque et sclérosé. Ça peut être justement la valorisation des compétences qu'on dit transversales. On en a parlé dans le premier épisode de Joborama sur les compétences du futur. Je vous invite d'ailleurs à aller l'écouter juste après si ce n'est pas déjà le cas. Pour rappel, quand même, les compétences transférables, ce sont ces compétences qui sont applicables dans divers contextes, comme... la gestion du temps, la communication ou la résolution de problèmes complexes. L'intérêt, c'est qu'elles peuvent être utilisées dans différents rôles et combinées justement à de nouvelles compétences. Dans le public, comme ces compétences, comme la gestion de projet, la négociation inter-service, on imagine qu'elles sont quand même largement développées, elles sont souvent transférables d'un poste à un autre et elles peuvent améliorer la flexibilité des équipes. 65% des employeurs estiment que les compétences transférables sont d'ailleurs essentielles. à la réussite organisationnelle. C'est quelque chose que tu favorises, ces développements de compétences au sein de ton équipe municipale ?
- Speaker #1
Alors déjà, je vous recommande aussi l'écoute du premier podcast de Joe Marma, qui est particulièrement réussi. Merci beaucoup. Sur le développement des compétences dans l'équipe municipale, deux choses. La première, c'est qu'on bénéficie déjà, et c'est un vrai atout pour nous, une culture du public. Une culture du public qui est très forte et qui est surtout universelle pour l'ensemble des collectivités territoriales en France. C'est un point fort. Le deuxième point, chez nous plus particulièrement, c'est qu'on a une politique de formation qui est... à la fois très forte et surtout incitative pour les agents, et surtout à tous les niveaux d'hierarchie.
- Speaker #0
Tu as des exemples concrets de ça, un petit peu, de comment ça se traduit sur le terrain ?
- Speaker #1
Par exemple, je pense à une ADSEM, qui était sur une deuxième partie de carrière, la cinquantaine passée, qui commence à développer des troubles musculaires et squelettiques assez classiques dans ce genre de métier, et dont on a pu faire bénéficier d'une deuxième partie de carrière sur des postes plutôt administratifs, grâce à ces compétences transversales qu'elle a acquises auparavant et qu'on a pu renforcer à l'aide de la formation.
- Speaker #0
Alors, parfait, transition parfaite, tu me parles de formation. La formation continue obligatoire dans la fonction publique, on en parlait tout à l'heure. On le sait, vous investissez massivement pour la formation de vos employés, imposée par des réglementations assez strictes. Ça garantit quand même que les compétences soient à jour. 81% des entreprises qui investissent dans la formation, elles constatent véritablement une augmentation de leur productivité. Toi, comment tu gères ce besoin de mise à jour constante des compétences au sein de ton administration ?
- Speaker #1
Alors, chez nous, on a une politique de formation qui est très développée. Il y a au-delà du... que la plupart des communes font, on a un petit peu un cas particulier. Déjà, chaque agent se forme plusieurs fois par an. On a un plan de formation et de gestion des compétences qu'on actualise annuellement et qu'on enterrine. Et enfin, on vient récompenser aussi financièrement l'effort des agents, l'effort de formation des agents qui suivent un certain nombre de jours de formation sur une période donnée.
- Speaker #0
Donc là, clairement, le secteur privé, il faut qu'il s'inspire de son approche systémique de la formation.
- Speaker #1
Bien sûr, et j'y vois franchement un double intérêt. Déjà, pour le salarié et le manager, Ça leur permet de s'interroger régulièrement sur les besoins de formation, c'est important de prendre du temps pour ça. Et le deuxième intérêt, c'est que le salarié reste entre guillemets toujours un petit peu à la page dans son domaine et sur son poste.
- Speaker #0
Il y a un centre, vous avez carrément une structure externe aux collectivités qui organisent ces formations, le CNFPT, le Centre National de la Fonction Publique Territoriale. Il faut aller vers un CNFPT du privé, Mathieu ?
- Speaker #1
Pourquoi pas, mais je vais juste me permettre un petit point de vigilance. C'est que dès qu'on a une structure de cette taille-là, il y a un petit peu des biais aussi de mise en œuvre. Et je pense notamment à des formations qui sont saturées et auxquelles le CNFPT ne peut plus faire face. Donc on a certains agents qui ne peuvent pas avoir accès à certaines formations assez spécifiques.
- Speaker #0
Ce n'est pas le cas pour les formations obligatoires type formation d'intégration, ce genre de choses ?
- Speaker #1
La formation d'intégration est toujours assurée par le CNFPT. Heureusement, chaque agent qui devient fonctionnaire suit une formation d'intégration obligatoire. qui lui permet de découvrir l'ensemble de l'univers du public.
- Speaker #0
Finalement, c'est un peu l'envers du décor, à trop vouloir former, vous êtes victime de votre succès quelque part, et du coup, il n'y a plus de place dans les formations. C'est quand même un sacré paradoxe.
- Speaker #1
C'est un sacré paradoxe, et on a aussi parfois un petit peu de mal à trouver des formateurs.
- Speaker #0
Alors, c'est quoi les formations qui sont les plus demandées ?
- Speaker #1
Alors, les plus demandées, je ne sais pas si on peut le voir comme ça, parce qu'il y a autant de demandes spécifiques que de villes, en fonction de la structuration de nos services et des priorités d'action comme en place. Par contre, sur les formations les plus pertinentes, quelque part... davantage sur les relations hiérarchiques, les relations managériales, nos vrais enjeux sont là aujourd'hui et aussi n'ayons pas peur des mots même si elles sont formulées souvent autrement sur la productivité au travail.
- Speaker #0
Alors dernier point sur les pratiques RH avant de passer sur un autre sujet c'est l'évaluation régulière un petit peu de ces justement nouvelles compétences qu'on développe via les formations. Dans le public elles sont normées, elles permettent un suivi constant du progrès c'est plutôt bénéfique puisque 30% de la satisfaction des employés provient justement de ces évaluations régulières. Ça fonctionne comment exactement ?
- Speaker #1
Alors chez nous, c'est un véritable rituel annuel. On fait un entretien d'évaluation individuel. Chaque agent passe un entretien d'évaluation chaque année au cours duquel on va brosser un panel très large de sujets. Déjà, on va faire le bilan global de son activité, on va vérifier que les objectifs professionnels de l'année précédente ont bien été exécutés, on va fixer des nouveaux objectifs pour l'année à venir, on va parler des formations que l'agent souhaite, On va parler des relations professionnelles avec la hiérarchie, avec les collègues. On va aborder également les conditions de travail et peut-être aussi les souhaits d'évolution de carrière pour l'agent.
- Speaker #0
Alors finalement, c'est quand même très complet. Alors ça existe aussi dans le secteur privé, les évaluations annuelles. Mais on va se parler franchement, elles ne sont pas toujours réalisées en réalité.
- Speaker #1
Elles ne sont peut-être pas toujours réalisées. Je sais quand même qu'il y a beaucoup d'entreprises qui ont des processus relativement similaires. Certaines ont même des logiciels spécifiques qui aident à suivre ces bilans d'évaluation. Je pense franchement qu'on a tout à y gagner. à prendre du temps et avoir un petit peu de rigueur à suivre ses salariés lors d'entretiens d'évaluation.
- Speaker #0
Tout à y gagner, donc on a un lien direct entre évaluation, selon toi, régulière et satisfaction des employés dans l'organisation ?
- Speaker #1
Bien sûr, en tout cas, c'est un moment, il faut vraiment le voir comme ça, un moment privilégié, c'est un peu une pause dans l'année. Ça permet de reconnaître un investissement professionnel particulier. Ça permet aussi, ça paraît peut-être un peu bateau, mais c'est important de dire merci pour le travail effectué. Et c'est aussi, parfois, malheureusement, ça arrive, l'occasion de dire à un agent qu'on n'est pas tout à fait satisfait de son travail.
- Speaker #0
Le message est passé, c'est vrai que ce côté remerciement est aussi important, on n'y pense pas assez souvent. Abordons maintenant un deuxième point, un sujet crucial, le sujet du recrutement. Les défis pour attirer des talents dans le secteur public sont vraiment réels, en tout cas tu vas nous expliquer ça. Surtout face à un marché du travail de plus en plus concurrentiel, le secteur privé lui de son côté a plutôt réagi avec agilité, en adoptant des méthodes de recrutement assez modernes. Il y a des pistes d'inspiration intéressantes. je pense, pour le secteur public. Alors, on va prendre d'abord l'exemple de l'intelligence artificielle. C'est très spécifique, mais selon une étude, 67% des entreprises privées utilisent aujourd'hui l'intelligence artificielle pour accélérer leur processus de recrutement, notamment sur l'aspect du tri des candidatures. Ça permet non seulement de gagner du temps, mais aussi de cibler plus précisément les profils qui correspondent à des besoins spécifiques. Donc là, le secteur public, on est sur des processus longs et exigeants, non ?
- Speaker #1
Longs, rigides, à la fois par tradition et peut-être aussi un peu par incapacité à évoluer très clairement. On a un formalisme de recrutement qui est lourd, qui est long dans le public. À la base, c'est pour être garant d'une égalité de traitement et de justice de traitement des candidatures. Le résultat, c'est qu'on a aujourd'hui des délais réglementaires qui sont parfois contre-productifs. Et à tout point de vue, ils nous font passer à côté de certains talents et ils nous empêchent mécaniquement tout huilage sur les postes.
- Speaker #0
Alors c'est lié à quoi ? C'est une question de manque de confiance, de réticence au changement ?
- Speaker #1
Peut-être un peu des deux.
- Speaker #0
Un peu des deux. L'IA, c'est possible dans le public ?
- Speaker #1
Je pense que c'est possible et surtout c'est souhaitable.
- Speaker #0
On va l'espérer puisque visiblement ça fonctionne. Il y a aussi en parallèle de ça, il y a les campagnes de recrutement, il faut qu'elles soient attractives. Le privé, lui, a misé beaucoup sur des stratégies de communication de plus en plus perquittantes avec les réseaux sociaux. 79% des candidats affirment d'ailleurs être influencés. par les communications et la marque employeur d'une entreprise avant de postuler. Dans le public, qu'est-ce que vous faites pour attirer des talents face à cette concurrence un peu énorme, en tout cas je la vois énorme du privé, qui peut notamment offrir des salaires beaucoup plus élevés, des évolutions beaucoup plus rapides ?
- Speaker #1
Alors la réalité c'est que dans le public on est coincé dans des grilles salariales de la fonction publique territoriale. Donc on a assez peu la main sur la rémunération, en tout cas à la marge. Là où on se distingue par contre vraiment, c'est sur le sens du travail, le sens du service public et les missions qu'on va exercer pour la population. Et cette question du sens, pour moi, c'est un argument qui est massif. On organise aussi la vie en société, on participe au bien vivre ensemble, on participe à la pratique du sport, au développement culturel ou encore à l'éducation des enfants. Il n'y a, à ma connaissance, aucune entreprise qui offre tout ça à un salarié.
- Speaker #0
Tu soulèves un point intéressant, la question du sens, en tout cas des valeurs du service public. Certes, elles sont importantes. Mais est-ce que ça suffit vraiment à attirer des profils aujourd'hui, surtout les jeunes générations ?
- Speaker #1
C'est massif, mais ça ne suffit pas. On travaille aussi nos marques employeurs. C'est nouveau, il n'y a pas de collectivités qui savent encore le faire parfaitement, mais en tout cas, on s'y met. On essaie quand même de raconter une histoire, de mettre en avant une certaine qualité de vie au travail et aussi de véhiculer un ensemble de valeurs qui peuvent correspondre aux attentes, je pense, surtout de la jeune génération.
- Speaker #0
Oui, alors excuse-moi d'être un peu direct, mais au final, malgré tout ce que tu me dis, est-ce qu'aujourd'hui le secteur... public, il finit pas par se retrouver à recruter à défaut, c'est-à-dire les personnes qu'on n'a pas trouvées dans le privé.
- Speaker #1
Alors c'est le risque, mais c'est pas ce que je constate au quotidien. On arrive encore à dénicher des vrais talents, des vrais pépites.
- Speaker #0
Il y a peut-être des passerelles de carrière qui sont possibles, qui peuvent exister en tout cas entre le privé et le public. Donc quand on parle de carrière, c'est de plus en plus évident que les frontières s'effacent peu à peu entre nos deux secteurs. Passerelles de carrière, elles offrent quand même des opportunités qui, je pense, peuvent être fascinantes. Du public vers le privé, on peut trouver des talents qui apportent des compétences solides en gestion de projet, en réglementation ou justement en service à la population. Tu en parlais, c'est quand même assez recherché dans les entreprises aujourd'hui en quête de stabilité et de rigueur. Qu'est-ce que les professionnels qui viennent du privé, selon toi, apportent généralement au secteur public lorsqu'ils changent de carrière ?
- Speaker #1
Alors, ils nous apportent un regard neuf, surtout sur la gestion de projet. Pour moi, le secteur, je trouve, où le regard est vraiment différent et ça nous permet de nous réinventer, ça nous force aussi à nous réinventer parfois. Une vraie plus-value pour nous d'aller chercher aujourd'hui certaines personnes qui viennent du privé. En tout cas, sur certains postes, c'est vraiment une cible de recrutement assez forte. Et évidemment qu'on va chercher des personnes du privé.
- Speaker #0
Oui, d'accord. Donc, c'est vraiment un objectif de recrutement. Et à l'inverse, quand on est un agent du secteur public qui part vers le privé, c'est bien vu ça en interne ?
- Speaker #1
C'est super bon signe. C'est bon signe en fait. Parce que ça veut dire que le service public aujourd'hui est formateur de manière qualitative.
- Speaker #0
Ok, tant mieux. Il vaut mieux que l'idée, c'est quand même d'encourager les personnes à faire des passerelles entre les deux. Est-ce que tu penses que le secteur public, il est suffisamment attractif aujourd'hui pour attirer des professionnels du privé ? Il y a quand même encore certaines pratiques qui sont à développer et à encourager peut-être de manière un peu plus fluide.
- Speaker #1
Je pense que nous sommes attractifs sur le contenu des postes, sur la qualité du travail qu'on propose. Là où on manque peut-être un peu d'attractivité, c'est à la fois sur l'organisation du travail, où on a quand même certaines limites fonctionnelles, et aussi sur la rémunération, on en parlait juste avant. En tout cas, les passerelles publics-privés, il faut être très clair, pour moi, elles sont nécessaires sans aucun doute.
- Speaker #0
Alors, pour les jeunes talents qui nous écoutent, qui écoutent ce podcast, les personnes qui démarrent leur carrière, toi, est-ce que tu recommanderais justement d'aller un petit peu explorer les deux secteurs, privé et public, pour demain créer des profils qui soient un peu plus polyvalents ?
- Speaker #1
Bien sûr, et j'en suis moi-même l'exemple. D'explorer les deux secteurs, ça permet d'un côté de démultiplier les expériences, toujours profitable, mais aussi de multiplier les regards et les approches. Et je trouve que c'est en fait très valorisant sur un CV, quand vous êtes capable d'expliquer que vous avez fait à la fois du secteur privé et du secteur public. public. C'est aussi un gage de flexibilité et d'adaptation professionnelle. J'encourage donc pleinement.
- Speaker #0
Mathieu, toi et moi, on se parle souvent franchement et ça tombe bien puisque c'est le moment d'un point récurrent dans ce podcast. C'est le moment de la rubrique où on se parle franchement. Quand on parle public et privé, il y a souvent cette idée reçue qui revient dans le public. On va parler sécurité de l'emploi. Alors que dans le privé, on parle plutôt performance, efficacité. Mais est-ce que c'est vraiment une opposition aussi nette aujourd'hui ?
- Speaker #1
Non, je pense que ce n'est plus d'actualité en tout cas aujourd'hui. La sécurité de l'emploi, moi je le constate à chaque jury de recrutement, ce n'est plus du tout un argument. Plus du tout un argument pour les candidats qui sont en face de nous. Sur la performance et l'efficacité, c'est en tout cas un souhait de ma part, dans ma collectivité, c'est ce que j'instruis auprès de mes équipes. C'est les directives que je donne qui sont très claires en ce sens.
- Speaker #0
Alors dans le privé, c'est une réalité aussi. Le CDI finalement n'est plus... Un argument aujourd'hui à proprement parler pour trouver un poste, c'est presque une généralité, une banalité. Les candidats ne recherchent plus forcément des CDI. La cote, c'est aussi pour les missions courtes en ce moment. Performance, efficacité, ça parle au service public alors ?
- Speaker #1
Ça parle. En tout cas, c'est des mots qui pouvaient peut-être un petit peu heurter certaines oreilles il y a quelques années, qui commencent à rentrer dans les mœurs aujourd'hui. On a une nécessité d'efficacité. On gère de l'argent public. On est là pour rendre un service à la population. On se doit que ce service soit performant. On a aussi des contraintes budgétaires qui sont naissantes. On connaît tous l'état des finances publiques aujourd'hui. Donc on se doit de dépenser chaque euro de la meilleure des manières et de pouvoir rendre des comptes. soit claire et honnête envers la population.
- Speaker #0
On ne peut pas finir ce podcast sans te poser une question qui est quand même dans tous les esprits. Il y a quand même des critiques assez fréquentes qui disent que le secteur public est assez inefficace comparé au privé.
- Speaker #1
Je pense que c'est en fait difficilement comparable. On n'a pas les mêmes attentes, on n'a pas les mêmes exigences professionnelles non plus. On a aussi un cadre juridique et réglementaire qui nous alendit, nous côté public, clairement nos procédures. Donc je pense qu'on ne peut pas vraiment comparer sur un pied d'égalité, qu'ils soient honnêtes et objectifs, nos deux fonctionnements. Voilà, on a des vocations, des missions premières qui sont différentes. Les deux complètent la société aujourd'hui. Le public et le privé ne sont plus à opposer, ils sont à travailler main dans la main ensemble pour faire société en France. En tout cas, je pense, ça sera le plus efficace pour l'avenir.
- Speaker #0
En tout cas, c'est le message qu'on a essayé de faire passer à travers ce podcast, d'avoir des passerelles possibles, des liens possibles entre nos deux secteurs d'activité. Merci en tout cas Mathieu, merci beaucoup pour cette discussion enrichissante. Peut-être pour conclure, est-ce que tu aurais un message à transmettre à nos auditeurs justement sur cette importance de collaboration entre le secteur privé et public ?
- Speaker #1
Je pense qu'il faut collaborer. Il faut collaborer, j'insiste bien sur le faut parce qu'on ne peut plus se passer l'un de l'autre. L'histoire nous le prouve, je trouve, dans nos deux secteurs. On tend à se rapprocher au maximum, on va se rapprocher de plus en plus, voire peut-être se confondre en un seul dans quelques années, dans quelques décennies. En tout cas, le message que je souhaite faire passer. Merci beaucoup pour l'invitation, Jonathan.
- Speaker #0
Eh bien, merci à toi. Le message est passé. Collaborons ! Vous l'aurez donc compris, au travers de cette interview captivante, les passerelles entre public et privé ne s'arrêtent pas aux carrières individuelles. Il y a des pratiques, des astuces que chaque secteur peut emprunter à l'autre pour mieux gérer ses équipes. Prenons le secteur privé, par exemple. Il pourrait... S'inspirer des méthodes publiques pour renforcer la stabilité et la gestion des talents, les plans de carrière clairement définis, les formations continues obligatoires et les évolutions régulières sont des pratiques ancrées dans le public qui apportent un vrai cadre. Adopter cette approche dans le privé, avec un suivi constant des compétences, permettrait de limiter le turnover et de sécuriser les parcours de développement des équipes sur le long terme. C'est d'ailleurs ce qui rassure beaucoup de salariés dans le public. D'un autre côté, le secteur public pourrait aussi emprunter certaines pratiques identifiées comme agiles du privé, notamment dans le recrutement. Par exemple, dynamiser ses campagnes de recrutement en utilisant davantage des outils numériques comme l'intelligence artificielle ou le marketing RH. Cela permettrait de cibler plus précisément les candidats tout en modernisant l'image du secteur public qui est parfois perçue comme un peu plus rigide. Adopter des techniques plus attractives comme les campagnes personnalisées où le processus de recrutement simplifié pourrait vraiment aider le public à attirer des talents plus diversifiés et ainsi à renforcer son attractivité. Avant de conclure ce numéro de Joborama, je veux vous donner quelques outils qui favorisent la collaboration entre les deux secteurs. Il existe aujourd'hui des outils numériques facilitant la collaboration entre les deux secteurs comme des plateformes dédiées aux projets communs ou aux échanges de bonnes pratiques en matière de gestion des ressources humaines. Ces outils permettent de créer des synergies sur différents domaines, d'identifier des besoins complémentaires et de partager des compétences de manière agile. On peut citer la plateforme PLAS, la plateforme des achats partagés de l'État. Cette plateforme permet de mettre en relation des acteurs publics et privés pour la gestion de marchés publics. On a aussi la plateforme PLAS. PIA, la plateforme d'innovation pour l'administration. C'est une plateforme française qui favorise la collaboration entre le secteur public et les startups du privé pour créer des outils de transformation digitale. Les RH y sont souvent intégrés avec des initiatives visant à renforcer les compétences numériques des agents publics en s'appuyant sur les bonnes pratiques du privé. Bien sûr, il y a aussi la BPI France. En collaboration avec des entités publiques, BPI France a développé des programmes de collaboration public-privé incluant des échanges sur les compétences, sur l'innovation RH, sur la gestion de projets communs. Cette plateforme permet notamment à des entreprises privées de proposer des solutions RH adaptées aux besoins des administrations. On a aussi le développement dans beaucoup de communes d'incubateurs ou de laboratoires d'innovation. Ces structures portées par le public permettent à public et privé de se rencontrer et de co-développer des solutions innovantes, que ce soit dans la gestion des talents ou dans le développement d'un projet spécifique. Pour aller plus loin sur le sujet, un livre incontournable, Le management des RH dans le secteur public de Jean-Marie Peretti, qui donne une vue d'ensemble des pratiques RH publiques et de leur potentiel à s'inspirer du privé. Pour ceux qui préfèrent les articles, il existe de nombreux travaux dans les revues comme la Harvard Business Review ou la Revue française de gestion qui se penchent justement sur ces convergences possibles entre les pratiques RH des deux secteurs. Mais alors, que faire du côté candidat ? Préparez-vous à la polyvalence. Si vous envisagez de passer d'un secteur à l'autre, développez des compétences transversales comme la gestion de projet, la communication inter-service ou encore la maîtrise des outils digitaux qui sont aujourd'hui essentiels dans les deux secteurs. Restez aussi à l'écoute des opportunités. Soyez attentifs aux initiatives de passerelle, aux programmes de mobilité entre secteurs ou aux nouvelles plateformes de mise en relation. Participer à des formations continues qui s'appliquent autant au privé qu'au public peut aussi vous rendre plus attractif. Et enfin, quand vous changez de secteur, apprenez à traduire votre expérience de manière à ce qu'elle parle à des recruteurs d'un autre univers. A titre d'exemple, dans le privé, on parle de salariés. Dans le public... on parle d'agent. L'agilité que vous avez développée dans le privé peut être un atout pour dynamiser le processus dans le public et inversement. Ces outils et conseils sont là pour vous guider que vous soyez recruteur, décideur ou candidat et pour faciliter cette synergie entre le public et le privé. Aujourd'hui, nous avons vu que privé et public ne sont pas des adversaires mais bien des partenaires potentiels pour l'avenir de l'emploi. Les deux secteurs peuvent énormément apprendre l'un de l'autre, que ce soit en matière de gestion des compétences, de recrutement ou même d'innovation organisationnelle. Si cet épisode vous a inspiré, abonnez-vous à Joborama pour ne rien manquer des prochains épisodes. N'hésitez pas à partager vos réflexions sur les réseaux sociaux Facebook, Instagram, LinkedIn. Dans notre prochain épisode, nous continuerons à parler emploi, bien sûr, et nous nous intéresserons cette fois-ci à la flexibilité au travail Ou comment allier vie pro et vie perso ? Pas toujours évident. Merci à tous d'avoir écouté. Si vous avez des questions ou des suggestions pour de futurs épisodes, n'hésitez pas à me contacter. C'était Joborama, votre panorama sur l'emploi.