Speaker #2Mais au milieu des cycles et des lois, je suis en guerre avec un tout petit roi. Je suis en guerre avec un tout petit roi. au même titre que la société elle-même. C'est l'aboutissement de la fameuse affaire France Télécom. Pour rappel, suite à la privation de l'entreprise en 2004, Didier Lombard et Louis-Pierre Vanesse avaient lancé deux plans de restructuration consécutifs prévoyant le départ de 22 000 employés et la mobilité de 10 000 autres, sur quelques 120 000 employés total. Ces départs à marche forcée, avec des méthodes interdites, avaient dégradé les conditions de travail de milliers de salariés, provoquant notamment des suicides. Cette affaire avait fait grand bruit dans la presse française et était devenue un symbole de la souffrance psychologique au travail. Pour rappel, la cour d'appel de Paris avait condamné les deux dirigeants pour harcèlement moral au travail le 30 septembre 2022 à un an de prison à exurci et 15 000 euros d'amende, des peines qui avaient été allégées par rapport à celles prononcées en première instance. En 2019, les deux dirigeants se sont alors pourvus en cassation en leur nom alors que la société France Télécom, devenue Orange, n'avait pas poursuivi le contentieux. C'est dans ce cadre que s'inscrit l'arrêt de la Cour de cassation. Dans un premier temps, il importe de revenir sur la notion d'harcèlement moral au travail. Précisons tout de suite que nous sommes dans le domaine du droit pénal et non dans le domaine du droit du travail. On parle d'harcèlement moral au travail lorsqu'une personne est la cible d'agissements répétés ayant pour objet ou pour effet une dégradation de ses conditions de travail, dégradation susceptible de porter atteinte à ses droits et à sa dénité, d'altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel. Le code pénal incrimine le harcèlement moral au travail à l'article 222-33-2. D'où sort alors cette notion d'harcèlement moral ? institutionnelle. C'est bien la Cour d'appel qui a ressorti cette notion d'harcèlement moral institutionnel comme découlant directement de la notion d'harcèlement moral au travail pour condamner les deux dirigeants. Qu'est-ce qu'on entend par harcèlement moral institutionnel ? Il est d'usage de parler d'harcèlement moral institutionnel lorsque des dirigeants déploient une politique d'entreprise qui, en connaissance de cause, conduit à une dégradation des conditions de travail de toute ou partie de leurs salariés. Il doit s'agir d'une dégradation susceptible de porter atteinte au droit et à la dignité des salariés, d'altérer leur santé physique ou mentale, ou de compromettre leur avenir professionnel, comme le harcèlement moral au travail. Le Code pénal incrimine seulement le harcèlement moral au travail sans faire mention spécifique et littérale de sa possible dimension institutionnelle, d'où l'origine jurisprudentielle de cette notion. Quelle a donc été la question de droit posée à la Cour de cassation ? Les dirigeants d'une société peuvent-ils être condamnés sur le fondement de la loi réprimant le harcèlement moral au travail pour avoir, en connaissance de cause, défini et mis en œuvre une politique générale d'entreprise de nature à entraîner une dégradation des conditions de travail des salariés ? La Cour de cassation confirme bien que le harcèlement moral institutionnel entre bien dans le champ du harcèlement moral au travail tel que le conçoit le Code pénal. En effet, le législateur a souhaité donner au harcèlement moral au travail la portée la plus large possible. En effet, la loi n'impose pas que les agissements répétés s'exercent à l'égard d'une victime déterminée. La loi n'impose pas non plus que les agissements répétés s'exercent dans une relation interpersonnelle entre l'auteur et la victime, entre un chef et le salarié. Le fait qu'auteur et victime appartiennent à la même communauté de travail, à la même société, est suffisant. La loi permet de réprimer les agissements répétés qui s'inscrivent dans une politique d'entreprise, c'est-à-dire l'ensemble des décisions prises par les dirigeants ou les organes dirigeants d'une société visant à établir ces modes de gouvernance et d'action. Cette interprétation du texte n'était pas imprévisible, d'autant plus pour les dirigeants qui avaient la possibilité de s'entourer des conseils éclairés des juristes. La Cour d'appel a donc établi, par des motifs suffisants, l'existence d'agissements de la part des prévenus caractérisant le délit d'harcèlement moral institutionnel ou la complicité de ce déni. La publicité de cette décision, de cet arrêt, devrait certainement remettre en question certaines politiques RH agressives, surtout dans des situations économiques tendues puisque maintenant, désormais, la responsabilité pénale des dirigeants peut être retenue. Je vous laisse sur ces considérations et je vous dis à la semaine prochaine pour un nouvel épisode de Jurys Vulgaire. Salut l'équipe !