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Dans le RER B de 5 h 50, avec le photographe Laurent Villeret cover
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L'envers du récit

Dans le RER B de 5 h 50, avec le photographe Laurent Villeret

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17min |30/04/2024
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Description

L’envers du récit, saison spéciale "Dans l’œil des photographes de La Croix", épisode 1 sur 4.


Le photographe Laurent Villeret travaille avec "La Croix" depuis près de 20 ans. En février 2022, le magazine "La Croix l’Hebdo" a fait appel à lui pour illustrer un reportage sur la France qui se lève tôt. Dans cet article, la journaliste Marie Boëton avait choisi d’aller à la rencontre des voyageurs qui, chaque jour, prennent le RER B de 5 h 50.


Avec son trépied et son appareil photo, Laurent Villeret a, lui aussi, arpenté cette ligne qui traverse la Seine-Saint-Denis, Paris et les Hauts-de-Seine. Son but : saisir le quotidien de ces passagers du petit matin.


Dans cette saison spéciale du podcast "L’envers du récit", des photographes reviennent sur les coulisses de reportages, réalisés pour le journal "La Croix". À bord du RER B, auprès des migrants à Calais, sur les traces du loup... Ils nous racontent leur travail de terrain et les choix qu’ils ont faits pour traduire ces histoires en images.


► Retrouvez l'article de Marie Boëton et les photographies de Laurent Villeret :

https://www.la-croix.com/France/RER-5-50-France-leve-tot-2022-02-16-1201200591


► Vous avez une question ou une remarque ? Écrivez-nous à cette adresse : podcast.lacroix@groupebayard.com


CRÉDITS :


Rédaction en chef : Fabienne Lemahieu. Réalisation : Clémence Maret, Célestine Albert-Steward et Flavien Edenne. Entretien et textes : Clémence Maret. Captation, montage et mixage : Flavien Edenne. Chargée de production : Célestine Albert-Steward. Création musicale : Emmanuel Viau. Responsable marketing et voix : Laurence Szabason. Illustration : Mathieu Ughetti.


L'envers du récit est un podcast original de LA CROIX – Mai 2024


Hébergé par Ausha. Visitez ausha.co/politique-de-confidentialite pour plus d'informations.

Transcription

  • Speaker #0

    Se cacher pour faire des photos, ça ne fonctionne pas, au contraire, ça rend encore plus coupable. Et les gens se disent mais pourquoi il se cache, c'est qu'il n'a pas le droit de le faire Donc moi j'ai une solution exactement inverse, je mets un gilet orange, comme si je faisais des travaux publics, je travaille sur trépied et je ne me cache pas du tout.

  • Speaker #1

    Le photographe Laurent Villeret travaille avec Lacroix depuis près de 20 ans. En février 2022, le magazine Lacroix L'Hebdo a fait appel à lui pour illustrer un reportage sur la France qui se lève tôt. Dans cet article, la journaliste Marie Boétan avait choisi d'aller à la rencontre des passagers qui chaque jour gagnent le RER B de 5h50. Avec son trépied et son appareil photo, Laurent Villeret a lui aussi arpenté cette ligne qui traverse la Seine-Saint-Denis, Paris et les Hauts-de-Seine. Son but ? Saisir en images le quotidien de ces voyageurs de l'aube. Dans ce podcast, un photographe revient sur les coulisses d'un reportage réalisé pour le journal La Croix. Il nous explique son travail de terrain et les choix qu'il a fait derrière l'objectif. Vous écoutez l'envers du récit.

  • Speaker #0

    Je suis Laurent Villerey, je suis photographe depuis les années 2000 et je collabore avec La Croix depuis à peu près 2005. Le dernier grand reportage que j'ai réalisé pour Lacroix Hebdo, c'était un reportage sur le premier ERB du matin, qui traverse donc Paris de nord au sud. C'est donc l'idée des gens qui se lèvent très tôt le matin pour aller travailler. Et en fait, ce qui s'est passé, c'est que c'est le service photo de La Croix qui m'a contacté pour me dire, Laurent, on sait que tu avais travaillé sur un sujet, sur les gens qui travaillent très tôt, comme ça, le matin. Une série que j'avais appelée Les Invisibles. Ça pourrait nous intéresser pour le dossier qu'on doit faire ensemble. Très bien, donc je lui envoie les photos. C'est une série de portraits de gens qui travaillent dans la maintenance et l'entretien et qui donc effectivement arrivent sur place, sur des bureaux, dans des centres commerciaux, dans des lieux assez prestigieux, des hôtels, très tôt le matin. Et je les ai rendus transparents via un artifice photographique pour montrer qu'en fait ils sont transparents, mais ils sont là quand même et qu'ils font le ménage. Donc ils avaient trouvé ça intéressant parce que ça correspondait bien au papier. Mais visiblement pas suffisamment puisqu'ils sont revenus vers moi en disant Non, alors finalement, par rapport au papier de Marie Boéton qui avait déjà commencé à écrire le reportage, donc la rédactrice, ça ne correspondait pas assez au papier, donc ils ont décidé de m'envoyer en reportage. Donc là, ça a été pas évident au démarrage puisque c'est la rédaction qui s'occupait notamment des autorisations de prise de vue auprès de la SNCF et de la RATP parce que c'est là que ça rentre. Dans des complications administratives, c'est qu'il y a une partie du réseau du RERB au nord gérée par la SNCF et la partie sud par la RATP. Donc il fallait demander les deux autorisations. J'ai attendu que la rédaction ait ses autorisations de prise de vue pour qu'ensuite je puisse faire ce reportage, sachant que j'avais comme consigne un itinéraire que la journaliste avait fait entre Sevran-Livry au nord jusqu'à Antony au sud. C'est une partie du RERB mais pas la totalité du RERB. Il y a d'autres contraintes sur ce type de sujet, et particulièrement dans la presse aujourd'hui et en France, c'est que là on est dans un lieu public, il va falloir photographier des gens qui prennent le transport, mais évidemment pour des raisons d'autorisation de représentation de la personne, tout le monde ne veut pas s'embêter avec ces histoires de droits, et donc le mieux c'est quand même qu'on ne reconnaisse personne sur les photos. C'est malheureusement quelque chose qu'on a de très commun maintenant aujourd'hui, c'est qu'on passe son temps à faire des photos, il faut qu'on ne reconnaisse personne pour des raisons de droits. Mais en l'occurrence, là, moi, je fais ça depuis longtemps et ça se prêtait très bien au texte de Marie Boéton, puisque, en fait, elle parle de gens fantomatiques le matin qui vont travailler, qui sont anonymes, qui sont à moitié endormis. Moi, quand je suis parti faire ces photos, j'avais ce texte en tête qui m'a guidé pendant... On m'avait demandé de faire trois jours, donc on va dire trois nuits, plutôt trois matinées, parce qu'il fallait se lever très tôt pour faire le premier RER qui débarque à peu près à 5h du matin. Donc moi, avant, je prenais ma voiture, j'allais en bout de ligne au RER et je prenais... Ce fameux RER, je faisais la traversée nord-sud, sud-nord, nord-sud, comme ça, de 5h du matin jusqu'à 9-10h. Et j'ai fait ça trois jours de suite. Et finalement, au bout de trois jours de reportage, je suis toujours inquiet. Moi, je fais beaucoup de photos, je ne suis pas sûr d'avoir les bonnes, etc. Je regarde mes trois premiers jours de photos sur mon ordinateur. Je me dis que quand même, je vais retourner une quatrième fois parce qu'il me semble que j'ai loupé des choses. J'étais déjà parti équipé avec notamment un trépied en m'inspirant d'un photographe russe qui avait fait des photos en noir et blanc à Saint-Pétersbourg où il travaillait sur les flux de piétons à la sortie du métro, du tramway, en travaillant sur des temps de pause long en photo pour créer des rivières humaines que je trouvais intéressantes pour exprimer le flux dans les transports urbains. Et donc j'avais déjà en tête de faire quelques photos en jouant un petit peu sur ce temps de pause long du matin Et par artifice, de voir du mouvement comme ça, des passagers, du RER en lui-même, dans un environnement par contre reconnaissable, parce que l'idée c'était quand même de parler de ce RER B. Donc en partant dans cette idée d'utiliser cet artifice photographique pour faire du flou, je m'étais attardé sur le nœud de Châtelet-Léal et de la gare du Nord, puisque c'est des endroits où il y a énormément de passagers. Et notamment il y en a une que j'ai trouvée intéressante, qui est assez... emblématique de ce que je voulais, il y en a plusieurs, mais celle-là, c'est la gare du Nord, où en fait, on est sur le quai du RER B et A, et en fait, il y a l'escalator qui déverse les passagers sur le quai, et donc on voit dans cette image l'écran qui indique les destinations du RER, en haut de l'image. Sur la droite, l'escalator, dans une lumière blanchâtre qu'on peut trouver très bien dans les stations et les gares. On voit un flot d'humains qui se déversent par l'escalator qui est en rivière. Et ensuite sur le quai, il y a quelques personnes qu'on ne voit que de dos avec le téléphone portable puisque dans les transports on est souvent scotché sur son téléphone. On devine qu'il y a un RER dans le fond qui passe rapidement. Et il y a pas mal de passagers sur le quai qui sont complètement flous, ont des espèces d'ombres fantomatiques. Et assez étrangement, de par le procédé photo et le temps de pose long, on se retrouve avec des gens qui passent au premier plan avec des baskets blanches, mais on voit une séquence comme ça de pieds. 4, 5, 6, 7 pieds, 100 personnes au-dessus, puisque le reste est flou, il n'y a que le pied qui est net. Donc ça, c'était une image qui parlait à la fois de la foule, qui parlait du transport, et qui parlait du temps, comme ça, et de ces gens qui sont anonymes et fantomatiques. Dans la main-veine, il y a une autre photo, alors celle-là, pour moi, c'est une de mes préférées, donc je suis absolument ravi que la rédaction ait choisi. Sur quasiment la totalité de l'image, on voit le RER qui passe vite fait flou. C'est que des lignes comme ça, un peu dans la perspective, qui descend de la gauche vers la droite. Ça n'a pas été facile à réaliser, mais c'est exactement ce que je voulais faire. Dans ce RER qui est tout enfilé, il y a les vitres qui défilent devant rapidement. Ça ne fait que des lignes. Mais du coup, j'ai fait en photo les reflets de ce qu'on voit sur le quai dans les vitres du RER. Et là, on se retrouve avec notamment un voyageur. qui attend sur le quai avec un sweatshirt et une capuche blanche. Et vraiment, ça fait penser à, je ne sais pas si c'est Vendetta ou ce genre de personnage effrayant qui visiblement regarde l'objectif, mais on ne voit quasiment pas son visage. On voit juste un trou noir et la capuche autour blanche qui me regarde et qui est en reflet dans les RER. J'ai trouvé ça assez osé d'avoir choisi cette image-là pour la parution. Quand on fait des photos sur trois jours, comme ça, ou même du plus long terme, on est souvent en train de doute. C'est-à-dire qu'on fait des photos, on en fait beaucoup, limitées à l'overdose, et puis des fois, on ne sait plus pourquoi on fait les photos, est-ce que c'est vraiment pertinent, le choix, la direction qu'on a prise, et on se demande si vraiment c'est intéressant. C'est dans ce doute que je reviens le lendemain et le surlendemain et je cherche des images. Et puis à un moment donné, c'était plutôt l'hiver donc il faisait assez froid, et donc il y avait de la buée sur les vitres. Je me suis dit, là il y a peut-être un truc à faire. Mais c'est pas évident parce que le train il passe, il reste pas longtemps, il repart, le temps que j'installe mon trépied. Donc je prends du temps à faire ces photos et par chance... Je me souviens très bien de ce moment, il y a une photo qui a été choisie aussi dans l'apparution, où on voit un passager, on voit vraiment le visage et le buste de la personne qui prend quasiment la totalité de la photo. Et c'est une personne qui est derrière cette vitre avec de la buée. Donc les contours du visage sont très nets parce qu'à cet endroit-là, il n'y a pas de buée, parce qu'il avait dû frotter la vitre à cet endroit-là. Et par contre, le reste du wagon qu'on devine derrière lui et sur les bords part dans un flou et dans la buée, dans une espèce de brume non définie. qui ajoute de la poésie à l'image. Et surtout, ce qui est intéressant aussi dans cette image, donc il a un masque, il est en train de dessiner, comme on fait tous un petit peu quand on s'ennuie, sur la vitre. Et je trouve que ça exprimait pas mal l'attente, l'ennui qu'on peut avoir dans les transports. Et c'est vrai qu'elle évoquait assez bien le voyageur dans un train le matin, où s'exprimait la météo, s'exprimait le temps, s'exprimait pas mal de choses. Et ça, c'était pas prévu. Alors, ce n'est pas évident de se positionner en tant que photographe le matin avec des gens qui vont travailler et de les prendre en photo. Alors, il y a plusieurs stratégies. Se cacher pour faire des photos, ça ne fonctionne pas. Au contraire, ça rend encore plus coupable. Et les gens se disent, mais pourquoi il se cache ? C'est qu'il n'a pas le droit de le faire. Donc, moi, j'ai une solution exactement inverse. Je mets un gilet orange. Comme si je faisais des travaux publics, je travaille sur trépied et je ne me cache pas du tout. Je sais que j'ai le droit d'être là et faites-moi confiance quelque part. J'ai plutôt une tête où je souris assez souvent dès que je vois des gens et je ne veux surtout pas les ennuyer. Je préfère faire les choses en bonne intelligence. Et donc, soit je demande un accord, alors ça peut être avec un sourire, un regard, soit je prends du temps pour discuter avec eux. J'avoue que dans ce cas-là, c'était un peu plus difficile parce que là, il y a beaucoup de gens, ils n'ont pas forcément le temps. Donc du coup je prenais les photos pour qu'on les reconnaisse quasiment pas et donc là je sais que je peux le faire sans leur avoir demandé parce que je sais qu'on va pas les reconnaître. Et si sur mes images je sais qu'on va les reconnaître un petit peu, je vais choisir d'autres images où on les reconnaît pas. Enfin dans l'editing, dans le choix et dans le processus photographique aussi. Alors à l'époque sur ce reportage il y avait un avantage certain pour ce genre de... Le problème d'autorisation, c'est le masque. Ça a été une vraie libération, le masque avec le Covid. On peut plus facilement prendre des gens en photo. Et d'ailleurs, les gens le disent très bien. Ah, il n'y aurait pas le masque, j'aimerais pas que vous me preniez en photo, mais si j'ai le masque, il n'y a pas de problème, vous pouvez me prendre en photo. Ce qui m'a pas mal aidé pour réaliser ces photos. Ce qui m'a valu quand même des choses très intéressantes, notamment, je me souviens très bien d'un matin, d'être au premier terminus du RER à attendre le premier train. Je m'assois à un carré, on est quatre passagers. Et là, je commence à discuter avec eux. Donc je raconte l'objet de mon reportage. Et en fait, c'était très intéressant, parce que là, c'est des gens qui se voyaient tous les matins, mais qui ne se parlaient pas. Et de par ma présence en expliquant mon reportage, ils se sont tous mis à parler autour. Et ça a créé une atmosphère hyper bienveillante et amicale à un moment où, quand même, il faut dire ce qu'il y a, tout le monde se fait la gueule le matin quand on prend le RER. Ça fait partie des belles expériences, et c'est un des souvenirs qui me revient de ce reportage-là. où vraiment je me suis rendu compte que déjà c'est bien de parler avec son voisin on le fait très rarement parce qu'on est très occupés tous dans son coin et ça s'appelle un transport en commun donc faisons des choses en commun Après ces quatre jours, je me suis dit, bon là, je pense que j'ai des choses, mais moi, je suis toujours inquiet en sortie d'un reportage. Je me dis, ça ne va pas, ce n'est pas bien. Mais là, il faut savoir qu'on a une masse de photographies qu'on va ensuite trier. Je ne me souviens plus très bien du nombre d'images à l'issue de ce reportage, mais je ne serais pas surpris qu'il y ait 1500 photos à la sortie. Et donc là, c'est une autre partie du travail, qui est donc la post-production, qui est pour moi largement aussi importante, si ce n'est plus, que la prise de vue. C'est comme un monteur au cinéma, un réalisateur. On fait les prises de vue de tournage et c'est au montage qu'on va faire le film. Pour un reportage photo, pour moi c'est pareil. C'est à partir du moment où on a fait une masse de photographies. Autant avoir de belles photos, des belles images pour raconter l'histoire, mais ensuite il faut savoir choisir les bonnes. Et pas se répéter et en même temps apporter des informations. Et ça, ça prend beaucoup de temps. Alors on fait un premier tri, un deuxième tri, un troisième tri pour restreindre. Des fois on a beaucoup de mal parce qu'il y a des images qu'on a cherché à faire, donc on a mis beaucoup d'affects dedans, et on veut absolument les mettre dans la sélection qu'on veut donner. Et c'est vrai que des fois ça ne marche pas du tout. Donc il faut arriver aussi à se détacher de l'affect qu'on a mis dans les images pour pouvoir les regarder avec un œil neuf, comme l'œil d'un lecteur. Donc là, à l'issue de ces longues périodes de tri, donc là moi j'ai restreint... Ma sélection a dans un premier temps 70 photos, ce qui est beaucoup, mais dans la mesure où on m'avait dit que c'était une douzaine de pages, il faut quand même avoir laissé du choix à la rédaction pour qu'ils puissent être à l'aise et surtout répondre à des exigences en fonction du texte, en fonction de la place, etc. Et donc à l'issue en général de cette sélection, C'est là où je me dis, est-ce que c'est bien, c'est pas bien, et je commence à être rassuré, parce que je suis un peu angoissé, anxieux, tant que j'ai pas ce résultat-là. La première fois que je vois toutes les images, comme il y en a beaucoup, je me suis dit, bon, c'est nul ce que j'ai fait, il y a beaucoup trop, il y a plein de trucs, ça part dans tous les sens. Et puis une fois que j'ai restreint, je trouvais que les images que j'avais cherché à faire, elles étaient là, et donc c'était très bien. Donc j'ai livré mes photos à la rédaction. Très vite, j'ai eu le directeur artistique qui m'a envoyé un message en disant Bravo Laurent, très beau reportage La journaliste Marie-Béreton aussi qui m'a dit Ah c'est super, c'est exactement ce que je pensais quand j'écris le texte Et donc le reportage a été diffusé dans le numéro du 18 février 2022. Ça a été publié aussi du coup sur les réseaux sociaux, Instagram, etc. Et j'ai eu d'excellents retours de la part de mes collègues, de la part d'autres personnes de rédaction. qui ont beaucoup aimé ce sujet. Ce que je retiens de ce reportage, c'est un peu la rencontre avec des passagers où moi je n'ai pas l'habitude de me lever si tôt et d'être confronté à ce type de population qui je trouve a une vie pas facile. C'est vrai que j'avais déjà réalisé un reportage qui s'appelait Les Invisibles où je me suis déjà confronté à ça. Mais là, moi j'étais sur le lieu de travail. Je n'ai pas vu cette phase entre le réveil, le chez-soi et l'arrivée au travail qui est donc la phase de transport en commun. En montant dans ce RER le matin, en fait ce qui m'a plu tout simplement c'est un voyage. Que ce soit le RER à Mitry ou un train à Tokyo, c'est que je me suis retrouvé dans des situations que moi je n'avais jamais vécues. C'est un peu pour ça aussi qu'on fait ce métier là. Moi je suis très curieux, j'ai envie de découvrir. Ce reportage m'a permis... C'est bête, mais d'aller vraiment au terminus le matin, au premier RER, j'étais très content, comme si j'avais un rendez-vous pour le lancement d'une fusée. C'était vraiment, je suis là, je suis à l'heure, j'arrive, je vois vraiment le RER qui est vide. Ce qu'on ne doit pas voir, en fait, quand on est un passager, on voit des moments, c'est un peu l'envers du décor. Et ça, j'ai trouvé ça assez intéressant.

  • Speaker #1

    Vous venez d'écouter un épisode de l'Envers du récit. N'hésitez pas à le partager et à vous abonner à notre podcast. Les photos de Laurent Villeray prises dans le RERB sont à retrouver sur le site et l'appli Lacroix. Vous trouverez le lien dans le texte de description qui accompagne ce podcast. L'Envers du récit est un podcast original du quotidien Lacroix.

Description

L’envers du récit, saison spéciale "Dans l’œil des photographes de La Croix", épisode 1 sur 4.


Le photographe Laurent Villeret travaille avec "La Croix" depuis près de 20 ans. En février 2022, le magazine "La Croix l’Hebdo" a fait appel à lui pour illustrer un reportage sur la France qui se lève tôt. Dans cet article, la journaliste Marie Boëton avait choisi d’aller à la rencontre des voyageurs qui, chaque jour, prennent le RER B de 5 h 50.


Avec son trépied et son appareil photo, Laurent Villeret a, lui aussi, arpenté cette ligne qui traverse la Seine-Saint-Denis, Paris et les Hauts-de-Seine. Son but : saisir le quotidien de ces passagers du petit matin.


Dans cette saison spéciale du podcast "L’envers du récit", des photographes reviennent sur les coulisses de reportages, réalisés pour le journal "La Croix". À bord du RER B, auprès des migrants à Calais, sur les traces du loup... Ils nous racontent leur travail de terrain et les choix qu’ils ont faits pour traduire ces histoires en images.


► Retrouvez l'article de Marie Boëton et les photographies de Laurent Villeret :

https://www.la-croix.com/France/RER-5-50-France-leve-tot-2022-02-16-1201200591


► Vous avez une question ou une remarque ? Écrivez-nous à cette adresse : podcast.lacroix@groupebayard.com


CRÉDITS :


Rédaction en chef : Fabienne Lemahieu. Réalisation : Clémence Maret, Célestine Albert-Steward et Flavien Edenne. Entretien et textes : Clémence Maret. Captation, montage et mixage : Flavien Edenne. Chargée de production : Célestine Albert-Steward. Création musicale : Emmanuel Viau. Responsable marketing et voix : Laurence Szabason. Illustration : Mathieu Ughetti.


L'envers du récit est un podcast original de LA CROIX – Mai 2024


Hébergé par Ausha. Visitez ausha.co/politique-de-confidentialite pour plus d'informations.

Transcription

  • Speaker #0

    Se cacher pour faire des photos, ça ne fonctionne pas, au contraire, ça rend encore plus coupable. Et les gens se disent mais pourquoi il se cache, c'est qu'il n'a pas le droit de le faire Donc moi j'ai une solution exactement inverse, je mets un gilet orange, comme si je faisais des travaux publics, je travaille sur trépied et je ne me cache pas du tout.

  • Speaker #1

    Le photographe Laurent Villeret travaille avec Lacroix depuis près de 20 ans. En février 2022, le magazine Lacroix L'Hebdo a fait appel à lui pour illustrer un reportage sur la France qui se lève tôt. Dans cet article, la journaliste Marie Boétan avait choisi d'aller à la rencontre des passagers qui chaque jour gagnent le RER B de 5h50. Avec son trépied et son appareil photo, Laurent Villeret a lui aussi arpenté cette ligne qui traverse la Seine-Saint-Denis, Paris et les Hauts-de-Seine. Son but ? Saisir en images le quotidien de ces voyageurs de l'aube. Dans ce podcast, un photographe revient sur les coulisses d'un reportage réalisé pour le journal La Croix. Il nous explique son travail de terrain et les choix qu'il a fait derrière l'objectif. Vous écoutez l'envers du récit.

  • Speaker #0

    Je suis Laurent Villerey, je suis photographe depuis les années 2000 et je collabore avec La Croix depuis à peu près 2005. Le dernier grand reportage que j'ai réalisé pour Lacroix Hebdo, c'était un reportage sur le premier ERB du matin, qui traverse donc Paris de nord au sud. C'est donc l'idée des gens qui se lèvent très tôt le matin pour aller travailler. Et en fait, ce qui s'est passé, c'est que c'est le service photo de La Croix qui m'a contacté pour me dire, Laurent, on sait que tu avais travaillé sur un sujet, sur les gens qui travaillent très tôt, comme ça, le matin. Une série que j'avais appelée Les Invisibles. Ça pourrait nous intéresser pour le dossier qu'on doit faire ensemble. Très bien, donc je lui envoie les photos. C'est une série de portraits de gens qui travaillent dans la maintenance et l'entretien et qui donc effectivement arrivent sur place, sur des bureaux, dans des centres commerciaux, dans des lieux assez prestigieux, des hôtels, très tôt le matin. Et je les ai rendus transparents via un artifice photographique pour montrer qu'en fait ils sont transparents, mais ils sont là quand même et qu'ils font le ménage. Donc ils avaient trouvé ça intéressant parce que ça correspondait bien au papier. Mais visiblement pas suffisamment puisqu'ils sont revenus vers moi en disant Non, alors finalement, par rapport au papier de Marie Boéton qui avait déjà commencé à écrire le reportage, donc la rédactrice, ça ne correspondait pas assez au papier, donc ils ont décidé de m'envoyer en reportage. Donc là, ça a été pas évident au démarrage puisque c'est la rédaction qui s'occupait notamment des autorisations de prise de vue auprès de la SNCF et de la RATP parce que c'est là que ça rentre. Dans des complications administratives, c'est qu'il y a une partie du réseau du RERB au nord gérée par la SNCF et la partie sud par la RATP. Donc il fallait demander les deux autorisations. J'ai attendu que la rédaction ait ses autorisations de prise de vue pour qu'ensuite je puisse faire ce reportage, sachant que j'avais comme consigne un itinéraire que la journaliste avait fait entre Sevran-Livry au nord jusqu'à Antony au sud. C'est une partie du RERB mais pas la totalité du RERB. Il y a d'autres contraintes sur ce type de sujet, et particulièrement dans la presse aujourd'hui et en France, c'est que là on est dans un lieu public, il va falloir photographier des gens qui prennent le transport, mais évidemment pour des raisons d'autorisation de représentation de la personne, tout le monde ne veut pas s'embêter avec ces histoires de droits, et donc le mieux c'est quand même qu'on ne reconnaisse personne sur les photos. C'est malheureusement quelque chose qu'on a de très commun maintenant aujourd'hui, c'est qu'on passe son temps à faire des photos, il faut qu'on ne reconnaisse personne pour des raisons de droits. Mais en l'occurrence, là, moi, je fais ça depuis longtemps et ça se prêtait très bien au texte de Marie Boéton, puisque, en fait, elle parle de gens fantomatiques le matin qui vont travailler, qui sont anonymes, qui sont à moitié endormis. Moi, quand je suis parti faire ces photos, j'avais ce texte en tête qui m'a guidé pendant... On m'avait demandé de faire trois jours, donc on va dire trois nuits, plutôt trois matinées, parce qu'il fallait se lever très tôt pour faire le premier RER qui débarque à peu près à 5h du matin. Donc moi, avant, je prenais ma voiture, j'allais en bout de ligne au RER et je prenais... Ce fameux RER, je faisais la traversée nord-sud, sud-nord, nord-sud, comme ça, de 5h du matin jusqu'à 9-10h. Et j'ai fait ça trois jours de suite. Et finalement, au bout de trois jours de reportage, je suis toujours inquiet. Moi, je fais beaucoup de photos, je ne suis pas sûr d'avoir les bonnes, etc. Je regarde mes trois premiers jours de photos sur mon ordinateur. Je me dis que quand même, je vais retourner une quatrième fois parce qu'il me semble que j'ai loupé des choses. J'étais déjà parti équipé avec notamment un trépied en m'inspirant d'un photographe russe qui avait fait des photos en noir et blanc à Saint-Pétersbourg où il travaillait sur les flux de piétons à la sortie du métro, du tramway, en travaillant sur des temps de pause long en photo pour créer des rivières humaines que je trouvais intéressantes pour exprimer le flux dans les transports urbains. Et donc j'avais déjà en tête de faire quelques photos en jouant un petit peu sur ce temps de pause long du matin Et par artifice, de voir du mouvement comme ça, des passagers, du RER en lui-même, dans un environnement par contre reconnaissable, parce que l'idée c'était quand même de parler de ce RER B. Donc en partant dans cette idée d'utiliser cet artifice photographique pour faire du flou, je m'étais attardé sur le nœud de Châtelet-Léal et de la gare du Nord, puisque c'est des endroits où il y a énormément de passagers. Et notamment il y en a une que j'ai trouvée intéressante, qui est assez... emblématique de ce que je voulais, il y en a plusieurs, mais celle-là, c'est la gare du Nord, où en fait, on est sur le quai du RER B et A, et en fait, il y a l'escalator qui déverse les passagers sur le quai, et donc on voit dans cette image l'écran qui indique les destinations du RER, en haut de l'image. Sur la droite, l'escalator, dans une lumière blanchâtre qu'on peut trouver très bien dans les stations et les gares. On voit un flot d'humains qui se déversent par l'escalator qui est en rivière. Et ensuite sur le quai, il y a quelques personnes qu'on ne voit que de dos avec le téléphone portable puisque dans les transports on est souvent scotché sur son téléphone. On devine qu'il y a un RER dans le fond qui passe rapidement. Et il y a pas mal de passagers sur le quai qui sont complètement flous, ont des espèces d'ombres fantomatiques. Et assez étrangement, de par le procédé photo et le temps de pose long, on se retrouve avec des gens qui passent au premier plan avec des baskets blanches, mais on voit une séquence comme ça de pieds. 4, 5, 6, 7 pieds, 100 personnes au-dessus, puisque le reste est flou, il n'y a que le pied qui est net. Donc ça, c'était une image qui parlait à la fois de la foule, qui parlait du transport, et qui parlait du temps, comme ça, et de ces gens qui sont anonymes et fantomatiques. Dans la main-veine, il y a une autre photo, alors celle-là, pour moi, c'est une de mes préférées, donc je suis absolument ravi que la rédaction ait choisi. Sur quasiment la totalité de l'image, on voit le RER qui passe vite fait flou. C'est que des lignes comme ça, un peu dans la perspective, qui descend de la gauche vers la droite. Ça n'a pas été facile à réaliser, mais c'est exactement ce que je voulais faire. Dans ce RER qui est tout enfilé, il y a les vitres qui défilent devant rapidement. Ça ne fait que des lignes. Mais du coup, j'ai fait en photo les reflets de ce qu'on voit sur le quai dans les vitres du RER. Et là, on se retrouve avec notamment un voyageur. qui attend sur le quai avec un sweatshirt et une capuche blanche. Et vraiment, ça fait penser à, je ne sais pas si c'est Vendetta ou ce genre de personnage effrayant qui visiblement regarde l'objectif, mais on ne voit quasiment pas son visage. On voit juste un trou noir et la capuche autour blanche qui me regarde et qui est en reflet dans les RER. J'ai trouvé ça assez osé d'avoir choisi cette image-là pour la parution. Quand on fait des photos sur trois jours, comme ça, ou même du plus long terme, on est souvent en train de doute. C'est-à-dire qu'on fait des photos, on en fait beaucoup, limitées à l'overdose, et puis des fois, on ne sait plus pourquoi on fait les photos, est-ce que c'est vraiment pertinent, le choix, la direction qu'on a prise, et on se demande si vraiment c'est intéressant. C'est dans ce doute que je reviens le lendemain et le surlendemain et je cherche des images. Et puis à un moment donné, c'était plutôt l'hiver donc il faisait assez froid, et donc il y avait de la buée sur les vitres. Je me suis dit, là il y a peut-être un truc à faire. Mais c'est pas évident parce que le train il passe, il reste pas longtemps, il repart, le temps que j'installe mon trépied. Donc je prends du temps à faire ces photos et par chance... Je me souviens très bien de ce moment, il y a une photo qui a été choisie aussi dans l'apparution, où on voit un passager, on voit vraiment le visage et le buste de la personne qui prend quasiment la totalité de la photo. Et c'est une personne qui est derrière cette vitre avec de la buée. Donc les contours du visage sont très nets parce qu'à cet endroit-là, il n'y a pas de buée, parce qu'il avait dû frotter la vitre à cet endroit-là. Et par contre, le reste du wagon qu'on devine derrière lui et sur les bords part dans un flou et dans la buée, dans une espèce de brume non définie. qui ajoute de la poésie à l'image. Et surtout, ce qui est intéressant aussi dans cette image, donc il a un masque, il est en train de dessiner, comme on fait tous un petit peu quand on s'ennuie, sur la vitre. Et je trouve que ça exprimait pas mal l'attente, l'ennui qu'on peut avoir dans les transports. Et c'est vrai qu'elle évoquait assez bien le voyageur dans un train le matin, où s'exprimait la météo, s'exprimait le temps, s'exprimait pas mal de choses. Et ça, c'était pas prévu. Alors, ce n'est pas évident de se positionner en tant que photographe le matin avec des gens qui vont travailler et de les prendre en photo. Alors, il y a plusieurs stratégies. Se cacher pour faire des photos, ça ne fonctionne pas. Au contraire, ça rend encore plus coupable. Et les gens se disent, mais pourquoi il se cache ? C'est qu'il n'a pas le droit de le faire. Donc, moi, j'ai une solution exactement inverse. Je mets un gilet orange. Comme si je faisais des travaux publics, je travaille sur trépied et je ne me cache pas du tout. Je sais que j'ai le droit d'être là et faites-moi confiance quelque part. J'ai plutôt une tête où je souris assez souvent dès que je vois des gens et je ne veux surtout pas les ennuyer. Je préfère faire les choses en bonne intelligence. Et donc, soit je demande un accord, alors ça peut être avec un sourire, un regard, soit je prends du temps pour discuter avec eux. J'avoue que dans ce cas-là, c'était un peu plus difficile parce que là, il y a beaucoup de gens, ils n'ont pas forcément le temps. Donc du coup je prenais les photos pour qu'on les reconnaisse quasiment pas et donc là je sais que je peux le faire sans leur avoir demandé parce que je sais qu'on va pas les reconnaître. Et si sur mes images je sais qu'on va les reconnaître un petit peu, je vais choisir d'autres images où on les reconnaît pas. Enfin dans l'editing, dans le choix et dans le processus photographique aussi. Alors à l'époque sur ce reportage il y avait un avantage certain pour ce genre de... Le problème d'autorisation, c'est le masque. Ça a été une vraie libération, le masque avec le Covid. On peut plus facilement prendre des gens en photo. Et d'ailleurs, les gens le disent très bien. Ah, il n'y aurait pas le masque, j'aimerais pas que vous me preniez en photo, mais si j'ai le masque, il n'y a pas de problème, vous pouvez me prendre en photo. Ce qui m'a pas mal aidé pour réaliser ces photos. Ce qui m'a valu quand même des choses très intéressantes, notamment, je me souviens très bien d'un matin, d'être au premier terminus du RER à attendre le premier train. Je m'assois à un carré, on est quatre passagers. Et là, je commence à discuter avec eux. Donc je raconte l'objet de mon reportage. Et en fait, c'était très intéressant, parce que là, c'est des gens qui se voyaient tous les matins, mais qui ne se parlaient pas. Et de par ma présence en expliquant mon reportage, ils se sont tous mis à parler autour. Et ça a créé une atmosphère hyper bienveillante et amicale à un moment où, quand même, il faut dire ce qu'il y a, tout le monde se fait la gueule le matin quand on prend le RER. Ça fait partie des belles expériences, et c'est un des souvenirs qui me revient de ce reportage-là. où vraiment je me suis rendu compte que déjà c'est bien de parler avec son voisin on le fait très rarement parce qu'on est très occupés tous dans son coin et ça s'appelle un transport en commun donc faisons des choses en commun Après ces quatre jours, je me suis dit, bon là, je pense que j'ai des choses, mais moi, je suis toujours inquiet en sortie d'un reportage. Je me dis, ça ne va pas, ce n'est pas bien. Mais là, il faut savoir qu'on a une masse de photographies qu'on va ensuite trier. Je ne me souviens plus très bien du nombre d'images à l'issue de ce reportage, mais je ne serais pas surpris qu'il y ait 1500 photos à la sortie. Et donc là, c'est une autre partie du travail, qui est donc la post-production, qui est pour moi largement aussi importante, si ce n'est plus, que la prise de vue. C'est comme un monteur au cinéma, un réalisateur. On fait les prises de vue de tournage et c'est au montage qu'on va faire le film. Pour un reportage photo, pour moi c'est pareil. C'est à partir du moment où on a fait une masse de photographies. Autant avoir de belles photos, des belles images pour raconter l'histoire, mais ensuite il faut savoir choisir les bonnes. Et pas se répéter et en même temps apporter des informations. Et ça, ça prend beaucoup de temps. Alors on fait un premier tri, un deuxième tri, un troisième tri pour restreindre. Des fois on a beaucoup de mal parce qu'il y a des images qu'on a cherché à faire, donc on a mis beaucoup d'affects dedans, et on veut absolument les mettre dans la sélection qu'on veut donner. Et c'est vrai que des fois ça ne marche pas du tout. Donc il faut arriver aussi à se détacher de l'affect qu'on a mis dans les images pour pouvoir les regarder avec un œil neuf, comme l'œil d'un lecteur. Donc là, à l'issue de ces longues périodes de tri, donc là moi j'ai restreint... Ma sélection a dans un premier temps 70 photos, ce qui est beaucoup, mais dans la mesure où on m'avait dit que c'était une douzaine de pages, il faut quand même avoir laissé du choix à la rédaction pour qu'ils puissent être à l'aise et surtout répondre à des exigences en fonction du texte, en fonction de la place, etc. Et donc à l'issue en général de cette sélection, C'est là où je me dis, est-ce que c'est bien, c'est pas bien, et je commence à être rassuré, parce que je suis un peu angoissé, anxieux, tant que j'ai pas ce résultat-là. La première fois que je vois toutes les images, comme il y en a beaucoup, je me suis dit, bon, c'est nul ce que j'ai fait, il y a beaucoup trop, il y a plein de trucs, ça part dans tous les sens. Et puis une fois que j'ai restreint, je trouvais que les images que j'avais cherché à faire, elles étaient là, et donc c'était très bien. Donc j'ai livré mes photos à la rédaction. Très vite, j'ai eu le directeur artistique qui m'a envoyé un message en disant Bravo Laurent, très beau reportage La journaliste Marie-Béreton aussi qui m'a dit Ah c'est super, c'est exactement ce que je pensais quand j'écris le texte Et donc le reportage a été diffusé dans le numéro du 18 février 2022. Ça a été publié aussi du coup sur les réseaux sociaux, Instagram, etc. Et j'ai eu d'excellents retours de la part de mes collègues, de la part d'autres personnes de rédaction. qui ont beaucoup aimé ce sujet. Ce que je retiens de ce reportage, c'est un peu la rencontre avec des passagers où moi je n'ai pas l'habitude de me lever si tôt et d'être confronté à ce type de population qui je trouve a une vie pas facile. C'est vrai que j'avais déjà réalisé un reportage qui s'appelait Les Invisibles où je me suis déjà confronté à ça. Mais là, moi j'étais sur le lieu de travail. Je n'ai pas vu cette phase entre le réveil, le chez-soi et l'arrivée au travail qui est donc la phase de transport en commun. En montant dans ce RER le matin, en fait ce qui m'a plu tout simplement c'est un voyage. Que ce soit le RER à Mitry ou un train à Tokyo, c'est que je me suis retrouvé dans des situations que moi je n'avais jamais vécues. C'est un peu pour ça aussi qu'on fait ce métier là. Moi je suis très curieux, j'ai envie de découvrir. Ce reportage m'a permis... C'est bête, mais d'aller vraiment au terminus le matin, au premier RER, j'étais très content, comme si j'avais un rendez-vous pour le lancement d'une fusée. C'était vraiment, je suis là, je suis à l'heure, j'arrive, je vois vraiment le RER qui est vide. Ce qu'on ne doit pas voir, en fait, quand on est un passager, on voit des moments, c'est un peu l'envers du décor. Et ça, j'ai trouvé ça assez intéressant.

  • Speaker #1

    Vous venez d'écouter un épisode de l'Envers du récit. N'hésitez pas à le partager et à vous abonner à notre podcast. Les photos de Laurent Villeray prises dans le RERB sont à retrouver sur le site et l'appli Lacroix. Vous trouverez le lien dans le texte de description qui accompagne ce podcast. L'Envers du récit est un podcast original du quotidien Lacroix.

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L’envers du récit, saison spéciale "Dans l’œil des photographes de La Croix", épisode 1 sur 4.


Le photographe Laurent Villeret travaille avec "La Croix" depuis près de 20 ans. En février 2022, le magazine "La Croix l’Hebdo" a fait appel à lui pour illustrer un reportage sur la France qui se lève tôt. Dans cet article, la journaliste Marie Boëton avait choisi d’aller à la rencontre des voyageurs qui, chaque jour, prennent le RER B de 5 h 50.


Avec son trépied et son appareil photo, Laurent Villeret a, lui aussi, arpenté cette ligne qui traverse la Seine-Saint-Denis, Paris et les Hauts-de-Seine. Son but : saisir le quotidien de ces passagers du petit matin.


Dans cette saison spéciale du podcast "L’envers du récit", des photographes reviennent sur les coulisses de reportages, réalisés pour le journal "La Croix". À bord du RER B, auprès des migrants à Calais, sur les traces du loup... Ils nous racontent leur travail de terrain et les choix qu’ils ont faits pour traduire ces histoires en images.


► Retrouvez l'article de Marie Boëton et les photographies de Laurent Villeret :

https://www.la-croix.com/France/RER-5-50-France-leve-tot-2022-02-16-1201200591


► Vous avez une question ou une remarque ? Écrivez-nous à cette adresse : podcast.lacroix@groupebayard.com


CRÉDITS :


Rédaction en chef : Fabienne Lemahieu. Réalisation : Clémence Maret, Célestine Albert-Steward et Flavien Edenne. Entretien et textes : Clémence Maret. Captation, montage et mixage : Flavien Edenne. Chargée de production : Célestine Albert-Steward. Création musicale : Emmanuel Viau. Responsable marketing et voix : Laurence Szabason. Illustration : Mathieu Ughetti.


L'envers du récit est un podcast original de LA CROIX – Mai 2024


Hébergé par Ausha. Visitez ausha.co/politique-de-confidentialite pour plus d'informations.

Transcription

  • Speaker #0

    Se cacher pour faire des photos, ça ne fonctionne pas, au contraire, ça rend encore plus coupable. Et les gens se disent mais pourquoi il se cache, c'est qu'il n'a pas le droit de le faire Donc moi j'ai une solution exactement inverse, je mets un gilet orange, comme si je faisais des travaux publics, je travaille sur trépied et je ne me cache pas du tout.

  • Speaker #1

    Le photographe Laurent Villeret travaille avec Lacroix depuis près de 20 ans. En février 2022, le magazine Lacroix L'Hebdo a fait appel à lui pour illustrer un reportage sur la France qui se lève tôt. Dans cet article, la journaliste Marie Boétan avait choisi d'aller à la rencontre des passagers qui chaque jour gagnent le RER B de 5h50. Avec son trépied et son appareil photo, Laurent Villeret a lui aussi arpenté cette ligne qui traverse la Seine-Saint-Denis, Paris et les Hauts-de-Seine. Son but ? Saisir en images le quotidien de ces voyageurs de l'aube. Dans ce podcast, un photographe revient sur les coulisses d'un reportage réalisé pour le journal La Croix. Il nous explique son travail de terrain et les choix qu'il a fait derrière l'objectif. Vous écoutez l'envers du récit.

  • Speaker #0

    Je suis Laurent Villerey, je suis photographe depuis les années 2000 et je collabore avec La Croix depuis à peu près 2005. Le dernier grand reportage que j'ai réalisé pour Lacroix Hebdo, c'était un reportage sur le premier ERB du matin, qui traverse donc Paris de nord au sud. C'est donc l'idée des gens qui se lèvent très tôt le matin pour aller travailler. Et en fait, ce qui s'est passé, c'est que c'est le service photo de La Croix qui m'a contacté pour me dire, Laurent, on sait que tu avais travaillé sur un sujet, sur les gens qui travaillent très tôt, comme ça, le matin. Une série que j'avais appelée Les Invisibles. Ça pourrait nous intéresser pour le dossier qu'on doit faire ensemble. Très bien, donc je lui envoie les photos. C'est une série de portraits de gens qui travaillent dans la maintenance et l'entretien et qui donc effectivement arrivent sur place, sur des bureaux, dans des centres commerciaux, dans des lieux assez prestigieux, des hôtels, très tôt le matin. Et je les ai rendus transparents via un artifice photographique pour montrer qu'en fait ils sont transparents, mais ils sont là quand même et qu'ils font le ménage. Donc ils avaient trouvé ça intéressant parce que ça correspondait bien au papier. Mais visiblement pas suffisamment puisqu'ils sont revenus vers moi en disant Non, alors finalement, par rapport au papier de Marie Boéton qui avait déjà commencé à écrire le reportage, donc la rédactrice, ça ne correspondait pas assez au papier, donc ils ont décidé de m'envoyer en reportage. Donc là, ça a été pas évident au démarrage puisque c'est la rédaction qui s'occupait notamment des autorisations de prise de vue auprès de la SNCF et de la RATP parce que c'est là que ça rentre. Dans des complications administratives, c'est qu'il y a une partie du réseau du RERB au nord gérée par la SNCF et la partie sud par la RATP. Donc il fallait demander les deux autorisations. J'ai attendu que la rédaction ait ses autorisations de prise de vue pour qu'ensuite je puisse faire ce reportage, sachant que j'avais comme consigne un itinéraire que la journaliste avait fait entre Sevran-Livry au nord jusqu'à Antony au sud. C'est une partie du RERB mais pas la totalité du RERB. Il y a d'autres contraintes sur ce type de sujet, et particulièrement dans la presse aujourd'hui et en France, c'est que là on est dans un lieu public, il va falloir photographier des gens qui prennent le transport, mais évidemment pour des raisons d'autorisation de représentation de la personne, tout le monde ne veut pas s'embêter avec ces histoires de droits, et donc le mieux c'est quand même qu'on ne reconnaisse personne sur les photos. C'est malheureusement quelque chose qu'on a de très commun maintenant aujourd'hui, c'est qu'on passe son temps à faire des photos, il faut qu'on ne reconnaisse personne pour des raisons de droits. Mais en l'occurrence, là, moi, je fais ça depuis longtemps et ça se prêtait très bien au texte de Marie Boéton, puisque, en fait, elle parle de gens fantomatiques le matin qui vont travailler, qui sont anonymes, qui sont à moitié endormis. Moi, quand je suis parti faire ces photos, j'avais ce texte en tête qui m'a guidé pendant... On m'avait demandé de faire trois jours, donc on va dire trois nuits, plutôt trois matinées, parce qu'il fallait se lever très tôt pour faire le premier RER qui débarque à peu près à 5h du matin. Donc moi, avant, je prenais ma voiture, j'allais en bout de ligne au RER et je prenais... Ce fameux RER, je faisais la traversée nord-sud, sud-nord, nord-sud, comme ça, de 5h du matin jusqu'à 9-10h. Et j'ai fait ça trois jours de suite. Et finalement, au bout de trois jours de reportage, je suis toujours inquiet. Moi, je fais beaucoup de photos, je ne suis pas sûr d'avoir les bonnes, etc. Je regarde mes trois premiers jours de photos sur mon ordinateur. Je me dis que quand même, je vais retourner une quatrième fois parce qu'il me semble que j'ai loupé des choses. J'étais déjà parti équipé avec notamment un trépied en m'inspirant d'un photographe russe qui avait fait des photos en noir et blanc à Saint-Pétersbourg où il travaillait sur les flux de piétons à la sortie du métro, du tramway, en travaillant sur des temps de pause long en photo pour créer des rivières humaines que je trouvais intéressantes pour exprimer le flux dans les transports urbains. Et donc j'avais déjà en tête de faire quelques photos en jouant un petit peu sur ce temps de pause long du matin Et par artifice, de voir du mouvement comme ça, des passagers, du RER en lui-même, dans un environnement par contre reconnaissable, parce que l'idée c'était quand même de parler de ce RER B. Donc en partant dans cette idée d'utiliser cet artifice photographique pour faire du flou, je m'étais attardé sur le nœud de Châtelet-Léal et de la gare du Nord, puisque c'est des endroits où il y a énormément de passagers. Et notamment il y en a une que j'ai trouvée intéressante, qui est assez... emblématique de ce que je voulais, il y en a plusieurs, mais celle-là, c'est la gare du Nord, où en fait, on est sur le quai du RER B et A, et en fait, il y a l'escalator qui déverse les passagers sur le quai, et donc on voit dans cette image l'écran qui indique les destinations du RER, en haut de l'image. Sur la droite, l'escalator, dans une lumière blanchâtre qu'on peut trouver très bien dans les stations et les gares. On voit un flot d'humains qui se déversent par l'escalator qui est en rivière. Et ensuite sur le quai, il y a quelques personnes qu'on ne voit que de dos avec le téléphone portable puisque dans les transports on est souvent scotché sur son téléphone. On devine qu'il y a un RER dans le fond qui passe rapidement. Et il y a pas mal de passagers sur le quai qui sont complètement flous, ont des espèces d'ombres fantomatiques. Et assez étrangement, de par le procédé photo et le temps de pose long, on se retrouve avec des gens qui passent au premier plan avec des baskets blanches, mais on voit une séquence comme ça de pieds. 4, 5, 6, 7 pieds, 100 personnes au-dessus, puisque le reste est flou, il n'y a que le pied qui est net. Donc ça, c'était une image qui parlait à la fois de la foule, qui parlait du transport, et qui parlait du temps, comme ça, et de ces gens qui sont anonymes et fantomatiques. Dans la main-veine, il y a une autre photo, alors celle-là, pour moi, c'est une de mes préférées, donc je suis absolument ravi que la rédaction ait choisi. Sur quasiment la totalité de l'image, on voit le RER qui passe vite fait flou. C'est que des lignes comme ça, un peu dans la perspective, qui descend de la gauche vers la droite. Ça n'a pas été facile à réaliser, mais c'est exactement ce que je voulais faire. Dans ce RER qui est tout enfilé, il y a les vitres qui défilent devant rapidement. Ça ne fait que des lignes. Mais du coup, j'ai fait en photo les reflets de ce qu'on voit sur le quai dans les vitres du RER. Et là, on se retrouve avec notamment un voyageur. qui attend sur le quai avec un sweatshirt et une capuche blanche. Et vraiment, ça fait penser à, je ne sais pas si c'est Vendetta ou ce genre de personnage effrayant qui visiblement regarde l'objectif, mais on ne voit quasiment pas son visage. On voit juste un trou noir et la capuche autour blanche qui me regarde et qui est en reflet dans les RER. J'ai trouvé ça assez osé d'avoir choisi cette image-là pour la parution. Quand on fait des photos sur trois jours, comme ça, ou même du plus long terme, on est souvent en train de doute. C'est-à-dire qu'on fait des photos, on en fait beaucoup, limitées à l'overdose, et puis des fois, on ne sait plus pourquoi on fait les photos, est-ce que c'est vraiment pertinent, le choix, la direction qu'on a prise, et on se demande si vraiment c'est intéressant. C'est dans ce doute que je reviens le lendemain et le surlendemain et je cherche des images. Et puis à un moment donné, c'était plutôt l'hiver donc il faisait assez froid, et donc il y avait de la buée sur les vitres. Je me suis dit, là il y a peut-être un truc à faire. Mais c'est pas évident parce que le train il passe, il reste pas longtemps, il repart, le temps que j'installe mon trépied. Donc je prends du temps à faire ces photos et par chance... Je me souviens très bien de ce moment, il y a une photo qui a été choisie aussi dans l'apparution, où on voit un passager, on voit vraiment le visage et le buste de la personne qui prend quasiment la totalité de la photo. Et c'est une personne qui est derrière cette vitre avec de la buée. Donc les contours du visage sont très nets parce qu'à cet endroit-là, il n'y a pas de buée, parce qu'il avait dû frotter la vitre à cet endroit-là. Et par contre, le reste du wagon qu'on devine derrière lui et sur les bords part dans un flou et dans la buée, dans une espèce de brume non définie. qui ajoute de la poésie à l'image. Et surtout, ce qui est intéressant aussi dans cette image, donc il a un masque, il est en train de dessiner, comme on fait tous un petit peu quand on s'ennuie, sur la vitre. Et je trouve que ça exprimait pas mal l'attente, l'ennui qu'on peut avoir dans les transports. Et c'est vrai qu'elle évoquait assez bien le voyageur dans un train le matin, où s'exprimait la météo, s'exprimait le temps, s'exprimait pas mal de choses. Et ça, c'était pas prévu. Alors, ce n'est pas évident de se positionner en tant que photographe le matin avec des gens qui vont travailler et de les prendre en photo. Alors, il y a plusieurs stratégies. Se cacher pour faire des photos, ça ne fonctionne pas. Au contraire, ça rend encore plus coupable. Et les gens se disent, mais pourquoi il se cache ? C'est qu'il n'a pas le droit de le faire. Donc, moi, j'ai une solution exactement inverse. Je mets un gilet orange. Comme si je faisais des travaux publics, je travaille sur trépied et je ne me cache pas du tout. Je sais que j'ai le droit d'être là et faites-moi confiance quelque part. J'ai plutôt une tête où je souris assez souvent dès que je vois des gens et je ne veux surtout pas les ennuyer. Je préfère faire les choses en bonne intelligence. Et donc, soit je demande un accord, alors ça peut être avec un sourire, un regard, soit je prends du temps pour discuter avec eux. J'avoue que dans ce cas-là, c'était un peu plus difficile parce que là, il y a beaucoup de gens, ils n'ont pas forcément le temps. Donc du coup je prenais les photos pour qu'on les reconnaisse quasiment pas et donc là je sais que je peux le faire sans leur avoir demandé parce que je sais qu'on va pas les reconnaître. Et si sur mes images je sais qu'on va les reconnaître un petit peu, je vais choisir d'autres images où on les reconnaît pas. Enfin dans l'editing, dans le choix et dans le processus photographique aussi. Alors à l'époque sur ce reportage il y avait un avantage certain pour ce genre de... Le problème d'autorisation, c'est le masque. Ça a été une vraie libération, le masque avec le Covid. On peut plus facilement prendre des gens en photo. Et d'ailleurs, les gens le disent très bien. Ah, il n'y aurait pas le masque, j'aimerais pas que vous me preniez en photo, mais si j'ai le masque, il n'y a pas de problème, vous pouvez me prendre en photo. Ce qui m'a pas mal aidé pour réaliser ces photos. Ce qui m'a valu quand même des choses très intéressantes, notamment, je me souviens très bien d'un matin, d'être au premier terminus du RER à attendre le premier train. Je m'assois à un carré, on est quatre passagers. Et là, je commence à discuter avec eux. Donc je raconte l'objet de mon reportage. Et en fait, c'était très intéressant, parce que là, c'est des gens qui se voyaient tous les matins, mais qui ne se parlaient pas. Et de par ma présence en expliquant mon reportage, ils se sont tous mis à parler autour. Et ça a créé une atmosphère hyper bienveillante et amicale à un moment où, quand même, il faut dire ce qu'il y a, tout le monde se fait la gueule le matin quand on prend le RER. Ça fait partie des belles expériences, et c'est un des souvenirs qui me revient de ce reportage-là. où vraiment je me suis rendu compte que déjà c'est bien de parler avec son voisin on le fait très rarement parce qu'on est très occupés tous dans son coin et ça s'appelle un transport en commun donc faisons des choses en commun Après ces quatre jours, je me suis dit, bon là, je pense que j'ai des choses, mais moi, je suis toujours inquiet en sortie d'un reportage. Je me dis, ça ne va pas, ce n'est pas bien. Mais là, il faut savoir qu'on a une masse de photographies qu'on va ensuite trier. Je ne me souviens plus très bien du nombre d'images à l'issue de ce reportage, mais je ne serais pas surpris qu'il y ait 1500 photos à la sortie. Et donc là, c'est une autre partie du travail, qui est donc la post-production, qui est pour moi largement aussi importante, si ce n'est plus, que la prise de vue. C'est comme un monteur au cinéma, un réalisateur. On fait les prises de vue de tournage et c'est au montage qu'on va faire le film. Pour un reportage photo, pour moi c'est pareil. C'est à partir du moment où on a fait une masse de photographies. Autant avoir de belles photos, des belles images pour raconter l'histoire, mais ensuite il faut savoir choisir les bonnes. Et pas se répéter et en même temps apporter des informations. Et ça, ça prend beaucoup de temps. Alors on fait un premier tri, un deuxième tri, un troisième tri pour restreindre. Des fois on a beaucoup de mal parce qu'il y a des images qu'on a cherché à faire, donc on a mis beaucoup d'affects dedans, et on veut absolument les mettre dans la sélection qu'on veut donner. Et c'est vrai que des fois ça ne marche pas du tout. Donc il faut arriver aussi à se détacher de l'affect qu'on a mis dans les images pour pouvoir les regarder avec un œil neuf, comme l'œil d'un lecteur. Donc là, à l'issue de ces longues périodes de tri, donc là moi j'ai restreint... Ma sélection a dans un premier temps 70 photos, ce qui est beaucoup, mais dans la mesure où on m'avait dit que c'était une douzaine de pages, il faut quand même avoir laissé du choix à la rédaction pour qu'ils puissent être à l'aise et surtout répondre à des exigences en fonction du texte, en fonction de la place, etc. Et donc à l'issue en général de cette sélection, C'est là où je me dis, est-ce que c'est bien, c'est pas bien, et je commence à être rassuré, parce que je suis un peu angoissé, anxieux, tant que j'ai pas ce résultat-là. La première fois que je vois toutes les images, comme il y en a beaucoup, je me suis dit, bon, c'est nul ce que j'ai fait, il y a beaucoup trop, il y a plein de trucs, ça part dans tous les sens. Et puis une fois que j'ai restreint, je trouvais que les images que j'avais cherché à faire, elles étaient là, et donc c'était très bien. Donc j'ai livré mes photos à la rédaction. Très vite, j'ai eu le directeur artistique qui m'a envoyé un message en disant Bravo Laurent, très beau reportage La journaliste Marie-Béreton aussi qui m'a dit Ah c'est super, c'est exactement ce que je pensais quand j'écris le texte Et donc le reportage a été diffusé dans le numéro du 18 février 2022. Ça a été publié aussi du coup sur les réseaux sociaux, Instagram, etc. Et j'ai eu d'excellents retours de la part de mes collègues, de la part d'autres personnes de rédaction. qui ont beaucoup aimé ce sujet. Ce que je retiens de ce reportage, c'est un peu la rencontre avec des passagers où moi je n'ai pas l'habitude de me lever si tôt et d'être confronté à ce type de population qui je trouve a une vie pas facile. C'est vrai que j'avais déjà réalisé un reportage qui s'appelait Les Invisibles où je me suis déjà confronté à ça. Mais là, moi j'étais sur le lieu de travail. Je n'ai pas vu cette phase entre le réveil, le chez-soi et l'arrivée au travail qui est donc la phase de transport en commun. En montant dans ce RER le matin, en fait ce qui m'a plu tout simplement c'est un voyage. Que ce soit le RER à Mitry ou un train à Tokyo, c'est que je me suis retrouvé dans des situations que moi je n'avais jamais vécues. C'est un peu pour ça aussi qu'on fait ce métier là. Moi je suis très curieux, j'ai envie de découvrir. Ce reportage m'a permis... C'est bête, mais d'aller vraiment au terminus le matin, au premier RER, j'étais très content, comme si j'avais un rendez-vous pour le lancement d'une fusée. C'était vraiment, je suis là, je suis à l'heure, j'arrive, je vois vraiment le RER qui est vide. Ce qu'on ne doit pas voir, en fait, quand on est un passager, on voit des moments, c'est un peu l'envers du décor. Et ça, j'ai trouvé ça assez intéressant.

  • Speaker #1

    Vous venez d'écouter un épisode de l'Envers du récit. N'hésitez pas à le partager et à vous abonner à notre podcast. Les photos de Laurent Villeray prises dans le RERB sont à retrouver sur le site et l'appli Lacroix. Vous trouverez le lien dans le texte de description qui accompagne ce podcast. L'Envers du récit est un podcast original du quotidien Lacroix.

Description

L’envers du récit, saison spéciale "Dans l’œil des photographes de La Croix", épisode 1 sur 4.


Le photographe Laurent Villeret travaille avec "La Croix" depuis près de 20 ans. En février 2022, le magazine "La Croix l’Hebdo" a fait appel à lui pour illustrer un reportage sur la France qui se lève tôt. Dans cet article, la journaliste Marie Boëton avait choisi d’aller à la rencontre des voyageurs qui, chaque jour, prennent le RER B de 5 h 50.


Avec son trépied et son appareil photo, Laurent Villeret a, lui aussi, arpenté cette ligne qui traverse la Seine-Saint-Denis, Paris et les Hauts-de-Seine. Son but : saisir le quotidien de ces passagers du petit matin.


Dans cette saison spéciale du podcast "L’envers du récit", des photographes reviennent sur les coulisses de reportages, réalisés pour le journal "La Croix". À bord du RER B, auprès des migrants à Calais, sur les traces du loup... Ils nous racontent leur travail de terrain et les choix qu’ils ont faits pour traduire ces histoires en images.


► Retrouvez l'article de Marie Boëton et les photographies de Laurent Villeret :

https://www.la-croix.com/France/RER-5-50-France-leve-tot-2022-02-16-1201200591


► Vous avez une question ou une remarque ? Écrivez-nous à cette adresse : podcast.lacroix@groupebayard.com


CRÉDITS :


Rédaction en chef : Fabienne Lemahieu. Réalisation : Clémence Maret, Célestine Albert-Steward et Flavien Edenne. Entretien et textes : Clémence Maret. Captation, montage et mixage : Flavien Edenne. Chargée de production : Célestine Albert-Steward. Création musicale : Emmanuel Viau. Responsable marketing et voix : Laurence Szabason. Illustration : Mathieu Ughetti.


L'envers du récit est un podcast original de LA CROIX – Mai 2024


Hébergé par Ausha. Visitez ausha.co/politique-de-confidentialite pour plus d'informations.

Transcription

  • Speaker #0

    Se cacher pour faire des photos, ça ne fonctionne pas, au contraire, ça rend encore plus coupable. Et les gens se disent mais pourquoi il se cache, c'est qu'il n'a pas le droit de le faire Donc moi j'ai une solution exactement inverse, je mets un gilet orange, comme si je faisais des travaux publics, je travaille sur trépied et je ne me cache pas du tout.

  • Speaker #1

    Le photographe Laurent Villeret travaille avec Lacroix depuis près de 20 ans. En février 2022, le magazine Lacroix L'Hebdo a fait appel à lui pour illustrer un reportage sur la France qui se lève tôt. Dans cet article, la journaliste Marie Boétan avait choisi d'aller à la rencontre des passagers qui chaque jour gagnent le RER B de 5h50. Avec son trépied et son appareil photo, Laurent Villeret a lui aussi arpenté cette ligne qui traverse la Seine-Saint-Denis, Paris et les Hauts-de-Seine. Son but ? Saisir en images le quotidien de ces voyageurs de l'aube. Dans ce podcast, un photographe revient sur les coulisses d'un reportage réalisé pour le journal La Croix. Il nous explique son travail de terrain et les choix qu'il a fait derrière l'objectif. Vous écoutez l'envers du récit.

  • Speaker #0

    Je suis Laurent Villerey, je suis photographe depuis les années 2000 et je collabore avec La Croix depuis à peu près 2005. Le dernier grand reportage que j'ai réalisé pour Lacroix Hebdo, c'était un reportage sur le premier ERB du matin, qui traverse donc Paris de nord au sud. C'est donc l'idée des gens qui se lèvent très tôt le matin pour aller travailler. Et en fait, ce qui s'est passé, c'est que c'est le service photo de La Croix qui m'a contacté pour me dire, Laurent, on sait que tu avais travaillé sur un sujet, sur les gens qui travaillent très tôt, comme ça, le matin. Une série que j'avais appelée Les Invisibles. Ça pourrait nous intéresser pour le dossier qu'on doit faire ensemble. Très bien, donc je lui envoie les photos. C'est une série de portraits de gens qui travaillent dans la maintenance et l'entretien et qui donc effectivement arrivent sur place, sur des bureaux, dans des centres commerciaux, dans des lieux assez prestigieux, des hôtels, très tôt le matin. Et je les ai rendus transparents via un artifice photographique pour montrer qu'en fait ils sont transparents, mais ils sont là quand même et qu'ils font le ménage. Donc ils avaient trouvé ça intéressant parce que ça correspondait bien au papier. Mais visiblement pas suffisamment puisqu'ils sont revenus vers moi en disant Non, alors finalement, par rapport au papier de Marie Boéton qui avait déjà commencé à écrire le reportage, donc la rédactrice, ça ne correspondait pas assez au papier, donc ils ont décidé de m'envoyer en reportage. Donc là, ça a été pas évident au démarrage puisque c'est la rédaction qui s'occupait notamment des autorisations de prise de vue auprès de la SNCF et de la RATP parce que c'est là que ça rentre. Dans des complications administratives, c'est qu'il y a une partie du réseau du RERB au nord gérée par la SNCF et la partie sud par la RATP. Donc il fallait demander les deux autorisations. J'ai attendu que la rédaction ait ses autorisations de prise de vue pour qu'ensuite je puisse faire ce reportage, sachant que j'avais comme consigne un itinéraire que la journaliste avait fait entre Sevran-Livry au nord jusqu'à Antony au sud. C'est une partie du RERB mais pas la totalité du RERB. Il y a d'autres contraintes sur ce type de sujet, et particulièrement dans la presse aujourd'hui et en France, c'est que là on est dans un lieu public, il va falloir photographier des gens qui prennent le transport, mais évidemment pour des raisons d'autorisation de représentation de la personne, tout le monde ne veut pas s'embêter avec ces histoires de droits, et donc le mieux c'est quand même qu'on ne reconnaisse personne sur les photos. C'est malheureusement quelque chose qu'on a de très commun maintenant aujourd'hui, c'est qu'on passe son temps à faire des photos, il faut qu'on ne reconnaisse personne pour des raisons de droits. Mais en l'occurrence, là, moi, je fais ça depuis longtemps et ça se prêtait très bien au texte de Marie Boéton, puisque, en fait, elle parle de gens fantomatiques le matin qui vont travailler, qui sont anonymes, qui sont à moitié endormis. Moi, quand je suis parti faire ces photos, j'avais ce texte en tête qui m'a guidé pendant... On m'avait demandé de faire trois jours, donc on va dire trois nuits, plutôt trois matinées, parce qu'il fallait se lever très tôt pour faire le premier RER qui débarque à peu près à 5h du matin. Donc moi, avant, je prenais ma voiture, j'allais en bout de ligne au RER et je prenais... Ce fameux RER, je faisais la traversée nord-sud, sud-nord, nord-sud, comme ça, de 5h du matin jusqu'à 9-10h. Et j'ai fait ça trois jours de suite. Et finalement, au bout de trois jours de reportage, je suis toujours inquiet. Moi, je fais beaucoup de photos, je ne suis pas sûr d'avoir les bonnes, etc. Je regarde mes trois premiers jours de photos sur mon ordinateur. Je me dis que quand même, je vais retourner une quatrième fois parce qu'il me semble que j'ai loupé des choses. J'étais déjà parti équipé avec notamment un trépied en m'inspirant d'un photographe russe qui avait fait des photos en noir et blanc à Saint-Pétersbourg où il travaillait sur les flux de piétons à la sortie du métro, du tramway, en travaillant sur des temps de pause long en photo pour créer des rivières humaines que je trouvais intéressantes pour exprimer le flux dans les transports urbains. Et donc j'avais déjà en tête de faire quelques photos en jouant un petit peu sur ce temps de pause long du matin Et par artifice, de voir du mouvement comme ça, des passagers, du RER en lui-même, dans un environnement par contre reconnaissable, parce que l'idée c'était quand même de parler de ce RER B. Donc en partant dans cette idée d'utiliser cet artifice photographique pour faire du flou, je m'étais attardé sur le nœud de Châtelet-Léal et de la gare du Nord, puisque c'est des endroits où il y a énormément de passagers. Et notamment il y en a une que j'ai trouvée intéressante, qui est assez... emblématique de ce que je voulais, il y en a plusieurs, mais celle-là, c'est la gare du Nord, où en fait, on est sur le quai du RER B et A, et en fait, il y a l'escalator qui déverse les passagers sur le quai, et donc on voit dans cette image l'écran qui indique les destinations du RER, en haut de l'image. Sur la droite, l'escalator, dans une lumière blanchâtre qu'on peut trouver très bien dans les stations et les gares. On voit un flot d'humains qui se déversent par l'escalator qui est en rivière. Et ensuite sur le quai, il y a quelques personnes qu'on ne voit que de dos avec le téléphone portable puisque dans les transports on est souvent scotché sur son téléphone. On devine qu'il y a un RER dans le fond qui passe rapidement. Et il y a pas mal de passagers sur le quai qui sont complètement flous, ont des espèces d'ombres fantomatiques. Et assez étrangement, de par le procédé photo et le temps de pose long, on se retrouve avec des gens qui passent au premier plan avec des baskets blanches, mais on voit une séquence comme ça de pieds. 4, 5, 6, 7 pieds, 100 personnes au-dessus, puisque le reste est flou, il n'y a que le pied qui est net. Donc ça, c'était une image qui parlait à la fois de la foule, qui parlait du transport, et qui parlait du temps, comme ça, et de ces gens qui sont anonymes et fantomatiques. Dans la main-veine, il y a une autre photo, alors celle-là, pour moi, c'est une de mes préférées, donc je suis absolument ravi que la rédaction ait choisi. Sur quasiment la totalité de l'image, on voit le RER qui passe vite fait flou. C'est que des lignes comme ça, un peu dans la perspective, qui descend de la gauche vers la droite. Ça n'a pas été facile à réaliser, mais c'est exactement ce que je voulais faire. Dans ce RER qui est tout enfilé, il y a les vitres qui défilent devant rapidement. Ça ne fait que des lignes. Mais du coup, j'ai fait en photo les reflets de ce qu'on voit sur le quai dans les vitres du RER. Et là, on se retrouve avec notamment un voyageur. qui attend sur le quai avec un sweatshirt et une capuche blanche. Et vraiment, ça fait penser à, je ne sais pas si c'est Vendetta ou ce genre de personnage effrayant qui visiblement regarde l'objectif, mais on ne voit quasiment pas son visage. On voit juste un trou noir et la capuche autour blanche qui me regarde et qui est en reflet dans les RER. J'ai trouvé ça assez osé d'avoir choisi cette image-là pour la parution. Quand on fait des photos sur trois jours, comme ça, ou même du plus long terme, on est souvent en train de doute. C'est-à-dire qu'on fait des photos, on en fait beaucoup, limitées à l'overdose, et puis des fois, on ne sait plus pourquoi on fait les photos, est-ce que c'est vraiment pertinent, le choix, la direction qu'on a prise, et on se demande si vraiment c'est intéressant. C'est dans ce doute que je reviens le lendemain et le surlendemain et je cherche des images. Et puis à un moment donné, c'était plutôt l'hiver donc il faisait assez froid, et donc il y avait de la buée sur les vitres. Je me suis dit, là il y a peut-être un truc à faire. Mais c'est pas évident parce que le train il passe, il reste pas longtemps, il repart, le temps que j'installe mon trépied. Donc je prends du temps à faire ces photos et par chance... Je me souviens très bien de ce moment, il y a une photo qui a été choisie aussi dans l'apparution, où on voit un passager, on voit vraiment le visage et le buste de la personne qui prend quasiment la totalité de la photo. Et c'est une personne qui est derrière cette vitre avec de la buée. Donc les contours du visage sont très nets parce qu'à cet endroit-là, il n'y a pas de buée, parce qu'il avait dû frotter la vitre à cet endroit-là. Et par contre, le reste du wagon qu'on devine derrière lui et sur les bords part dans un flou et dans la buée, dans une espèce de brume non définie. qui ajoute de la poésie à l'image. Et surtout, ce qui est intéressant aussi dans cette image, donc il a un masque, il est en train de dessiner, comme on fait tous un petit peu quand on s'ennuie, sur la vitre. Et je trouve que ça exprimait pas mal l'attente, l'ennui qu'on peut avoir dans les transports. Et c'est vrai qu'elle évoquait assez bien le voyageur dans un train le matin, où s'exprimait la météo, s'exprimait le temps, s'exprimait pas mal de choses. Et ça, c'était pas prévu. Alors, ce n'est pas évident de se positionner en tant que photographe le matin avec des gens qui vont travailler et de les prendre en photo. Alors, il y a plusieurs stratégies. Se cacher pour faire des photos, ça ne fonctionne pas. Au contraire, ça rend encore plus coupable. Et les gens se disent, mais pourquoi il se cache ? C'est qu'il n'a pas le droit de le faire. Donc, moi, j'ai une solution exactement inverse. Je mets un gilet orange. Comme si je faisais des travaux publics, je travaille sur trépied et je ne me cache pas du tout. Je sais que j'ai le droit d'être là et faites-moi confiance quelque part. J'ai plutôt une tête où je souris assez souvent dès que je vois des gens et je ne veux surtout pas les ennuyer. Je préfère faire les choses en bonne intelligence. Et donc, soit je demande un accord, alors ça peut être avec un sourire, un regard, soit je prends du temps pour discuter avec eux. J'avoue que dans ce cas-là, c'était un peu plus difficile parce que là, il y a beaucoup de gens, ils n'ont pas forcément le temps. Donc du coup je prenais les photos pour qu'on les reconnaisse quasiment pas et donc là je sais que je peux le faire sans leur avoir demandé parce que je sais qu'on va pas les reconnaître. Et si sur mes images je sais qu'on va les reconnaître un petit peu, je vais choisir d'autres images où on les reconnaît pas. Enfin dans l'editing, dans le choix et dans le processus photographique aussi. Alors à l'époque sur ce reportage il y avait un avantage certain pour ce genre de... Le problème d'autorisation, c'est le masque. Ça a été une vraie libération, le masque avec le Covid. On peut plus facilement prendre des gens en photo. Et d'ailleurs, les gens le disent très bien. Ah, il n'y aurait pas le masque, j'aimerais pas que vous me preniez en photo, mais si j'ai le masque, il n'y a pas de problème, vous pouvez me prendre en photo. Ce qui m'a pas mal aidé pour réaliser ces photos. Ce qui m'a valu quand même des choses très intéressantes, notamment, je me souviens très bien d'un matin, d'être au premier terminus du RER à attendre le premier train. Je m'assois à un carré, on est quatre passagers. Et là, je commence à discuter avec eux. Donc je raconte l'objet de mon reportage. Et en fait, c'était très intéressant, parce que là, c'est des gens qui se voyaient tous les matins, mais qui ne se parlaient pas. Et de par ma présence en expliquant mon reportage, ils se sont tous mis à parler autour. Et ça a créé une atmosphère hyper bienveillante et amicale à un moment où, quand même, il faut dire ce qu'il y a, tout le monde se fait la gueule le matin quand on prend le RER. Ça fait partie des belles expériences, et c'est un des souvenirs qui me revient de ce reportage-là. où vraiment je me suis rendu compte que déjà c'est bien de parler avec son voisin on le fait très rarement parce qu'on est très occupés tous dans son coin et ça s'appelle un transport en commun donc faisons des choses en commun Après ces quatre jours, je me suis dit, bon là, je pense que j'ai des choses, mais moi, je suis toujours inquiet en sortie d'un reportage. Je me dis, ça ne va pas, ce n'est pas bien. Mais là, il faut savoir qu'on a une masse de photographies qu'on va ensuite trier. Je ne me souviens plus très bien du nombre d'images à l'issue de ce reportage, mais je ne serais pas surpris qu'il y ait 1500 photos à la sortie. Et donc là, c'est une autre partie du travail, qui est donc la post-production, qui est pour moi largement aussi importante, si ce n'est plus, que la prise de vue. C'est comme un monteur au cinéma, un réalisateur. On fait les prises de vue de tournage et c'est au montage qu'on va faire le film. Pour un reportage photo, pour moi c'est pareil. C'est à partir du moment où on a fait une masse de photographies. Autant avoir de belles photos, des belles images pour raconter l'histoire, mais ensuite il faut savoir choisir les bonnes. Et pas se répéter et en même temps apporter des informations. Et ça, ça prend beaucoup de temps. Alors on fait un premier tri, un deuxième tri, un troisième tri pour restreindre. Des fois on a beaucoup de mal parce qu'il y a des images qu'on a cherché à faire, donc on a mis beaucoup d'affects dedans, et on veut absolument les mettre dans la sélection qu'on veut donner. Et c'est vrai que des fois ça ne marche pas du tout. Donc il faut arriver aussi à se détacher de l'affect qu'on a mis dans les images pour pouvoir les regarder avec un œil neuf, comme l'œil d'un lecteur. Donc là, à l'issue de ces longues périodes de tri, donc là moi j'ai restreint... Ma sélection a dans un premier temps 70 photos, ce qui est beaucoup, mais dans la mesure où on m'avait dit que c'était une douzaine de pages, il faut quand même avoir laissé du choix à la rédaction pour qu'ils puissent être à l'aise et surtout répondre à des exigences en fonction du texte, en fonction de la place, etc. Et donc à l'issue en général de cette sélection, C'est là où je me dis, est-ce que c'est bien, c'est pas bien, et je commence à être rassuré, parce que je suis un peu angoissé, anxieux, tant que j'ai pas ce résultat-là. La première fois que je vois toutes les images, comme il y en a beaucoup, je me suis dit, bon, c'est nul ce que j'ai fait, il y a beaucoup trop, il y a plein de trucs, ça part dans tous les sens. Et puis une fois que j'ai restreint, je trouvais que les images que j'avais cherché à faire, elles étaient là, et donc c'était très bien. Donc j'ai livré mes photos à la rédaction. Très vite, j'ai eu le directeur artistique qui m'a envoyé un message en disant Bravo Laurent, très beau reportage La journaliste Marie-Béreton aussi qui m'a dit Ah c'est super, c'est exactement ce que je pensais quand j'écris le texte Et donc le reportage a été diffusé dans le numéro du 18 février 2022. Ça a été publié aussi du coup sur les réseaux sociaux, Instagram, etc. Et j'ai eu d'excellents retours de la part de mes collègues, de la part d'autres personnes de rédaction. qui ont beaucoup aimé ce sujet. Ce que je retiens de ce reportage, c'est un peu la rencontre avec des passagers où moi je n'ai pas l'habitude de me lever si tôt et d'être confronté à ce type de population qui je trouve a une vie pas facile. C'est vrai que j'avais déjà réalisé un reportage qui s'appelait Les Invisibles où je me suis déjà confronté à ça. Mais là, moi j'étais sur le lieu de travail. Je n'ai pas vu cette phase entre le réveil, le chez-soi et l'arrivée au travail qui est donc la phase de transport en commun. En montant dans ce RER le matin, en fait ce qui m'a plu tout simplement c'est un voyage. Que ce soit le RER à Mitry ou un train à Tokyo, c'est que je me suis retrouvé dans des situations que moi je n'avais jamais vécues. C'est un peu pour ça aussi qu'on fait ce métier là. Moi je suis très curieux, j'ai envie de découvrir. Ce reportage m'a permis... C'est bête, mais d'aller vraiment au terminus le matin, au premier RER, j'étais très content, comme si j'avais un rendez-vous pour le lancement d'une fusée. C'était vraiment, je suis là, je suis à l'heure, j'arrive, je vois vraiment le RER qui est vide. Ce qu'on ne doit pas voir, en fait, quand on est un passager, on voit des moments, c'est un peu l'envers du décor. Et ça, j'ai trouvé ça assez intéressant.

  • Speaker #1

    Vous venez d'écouter un épisode de l'Envers du récit. N'hésitez pas à le partager et à vous abonner à notre podcast. Les photos de Laurent Villeray prises dans le RERB sont à retrouver sur le site et l'appli Lacroix. Vous trouverez le lien dans le texte de description qui accompagne ce podcast. L'Envers du récit est un podcast original du quotidien Lacroix.

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