- Speaker #0
Bonjour,
- Speaker #1
bienvenue sur la Pause Dige, le podcast au cœur de l'abdo par la JCV.
- Speaker #0
Bonjour à tous, aujourd'hui nous rencontrons le professeur Edouard Girard, chirurgien au CHU de Grenoble, au sein du service de chirurgie digestive et de l'urgence, spécialisé en chirurgie hépatomilière, pancréatique et de l'urgence. Il est également un des responsables pédagogiques du DU de traumatologie viscérale. Aujourd'hui, le podcast portera... sur la prise en charge des traumatismes spléniques. Bonjour Edouard.
- Speaker #1
Bonjour à tous. Bonjour Marie.
- Speaker #0
Tout d'abord, un grand merci d'avoir accepté d'échanger avec nous sur ce sujet. En effet, la prise en charge des traumatismes spléniques n'est pas protocolisée en France et le CHU de Grenoble tient une place importante dans la discussion depuis la réalisation de l'essai SPLASH pour Splenic Arterial Embolization to Avoid Splenectomy qui a été publié en 2022. Est-ce que tu peux nous rappeler un peu les objectifs et le résultat de cette étude ?
- Speaker #1
L'essai SPLASH, on est assez fiers de cet essai, un essai qui a été conduit par l'équipe grenobloise. C'est un essai multicentrique, prospectif randomisé, qui a en effet été publié en 2020 dans JAMA Surgery, et qui randomisait les patients entre embolisation prophylactique et surveillance, avec certains critères sur lesquels on peut revenir. C'est rare un essai randomisé dans la chirurgie d'urgence et la traumatologie, et c'est pour ça que nous en sommes fiers. On randomisait les patients qui étaient stables, sans suite active de produits de contraste, pour une embolisation prophylactique chez des patients à risque de rupture secondaire, et donc à risque de splenectomie, pour tenter de préserver les rates post-traumatiques. L'objectif principal de cette étude, c'était de regarder le taux de rate vascularisé à plus de 50% à un mois. Et cet objectif principal n'a pas été atteint, puisque dans les deux groupes, il y avait 98 et 93% de rate à plus de 50% vascularisé au bout d'un mois. En revanche, pour les groupes grade 3 et les groupes grade 4, On constate une diminution significative de taux de splénectomie secondaire ou d'embolisation secondaire dans le groupe embolisation préventive versus le groupe surveillance. Et une durée d'hospitalisation également plus courte dans le groupe embolisation préventive. Suite à cet essai, on a nous changé nos pratiques et on préconise l'embolisation prophylactique.
- Speaker #0
Parfait. Et du coup, globalement, quel est l'arbre décisionnel pour chaque grade à Grenoble pour la prise en charge des traumatismes de rate ?
- Speaker #1
L'arbre décisionnel a été un peu modifié suite à cet essai. Les standards qui restent invariables, c'est un patient qui arrive instable doit avoir une splénectomie d'hémostase. En revanche, lorsque le patient est stable, il peut aller au scanner. injecté, corps entier, donc le body scanner, et on va rechercher des indications d'embolisation, c'est-à-dire la fuite active de produits de contraste. La fuite active est une indication formelle d'embolisation en cas de stabilité du patient, et c'était déjà avant l'essai splash. En revanche, la variante, c'est lorsqu'un patient est stable hémodynamiquement, qui, sur son scanner, n'a pas de fuite active de produits de contraste, mais qui présente certains critères, c'est-à-dire un grade 4, un grade 5 ou un grade 3 avec un hémopéritoine majeur, nous posons l'indication d'obligation prophylactique, c'est-à-dire une obligation proximale. L'objectif est donc de mettre en place un col dans l'artère splénique pour diminuer la pression parenchymateuse de la rate et diminuer le risque de rupture secondaire. Cette embolisation proximale est différente d'une embolisation pour une fuite active de contraste, qui sera une embolisation distale, sélective, avec des coils.
- Speaker #0
Parfait. Et il existe quand même encore un flou, tu l'as dit, dans les traumatismes de rate grade 3, qui sont stables, sans fuite active, ou à Grenoble on fait une embolisation prophylactique, mais ça reste débattu. Dans les césplages, c'était surtout réalisé s'il y avait un épanchement majeur ou un score ISS supérieur à 15. Est-ce que depuis cette étude, la littérature a avancé sur la question ?
- Speaker #1
Alors, il y a eu plusieurs études dans la littérature. Déjà, l'essai Splash, nous avons choisi... de mettre dans ces groupes de randomisation les grades 3, qui présentaient des critères d'hémopéritone abondant, c'est-à-dire sur 4 ou 5 cadrans. L'hémopéritone est très objectif sur le scanner, lorsqu'on a 4 ou 5 cadrans avec de l'épanchement, c'est un hémopéritone abondant. Et nous avons mis aussi les patients polytraumatisés sévères, donc ISS supérieur à 15. puisqu'on considère que ces patients-là, quand ils ont un trauma de colonne associée ou un trauma crânien associé, même de l'orthopédie, ils doivent avoir des blocs, ils sont difficilement surveillables, et donc on préfère faire l'embolisation. Ces critères sont issus du consensus 2013, donc c'était une enquête d'ELFI qui avait été publiée dans Journal of Trauma Acute Care Surgery. Cette étude regardait les facteurs pronostiques d'échec du traitement dans l'opératoire chez les patients adultes. C'était une revue de la littérature. Dans cette revue, ils préconisaient, sur l'enquête, de mettre une embolisation préventive pour ces patients-là. Nous, on a pris l'option, suite à Splash, vu les résultats, d'emboliser ces patients-là. Il y a un peu dans la littérature des débats, notamment un essai des Américains de Caroline du Nord publié dans Surgery en 2021, donc après l'essai Splash, qui était une étude rétrospective issue de la National Trauma Data Bank américaine sur plus de 10 000 patients. Et il montrait que l'embolisation au cours du temps, entre 2007 et 2015, avait monté. le taux d'embolisation était passé de 4,6% à 10%, tandis que la proportion de splénectomies était restée inchangée, passant de 19,2% à 18%. Et donc les auteurs, ils évoquaient que l'embolisation pouvait être une ressource surexploitée, sans bénéfice significatif pour les patients, qui aurait pu être pris en charge autrement. Et donc c'est tout de là la question, est-ce qu'on n'en fait pas trop d'emboliser ces grades 3 avec les critères que je vous ai définis auparavant ? Alors nous avons répondu à cette étude, puisque nous pensons qu'il y a plusieurs biais et donc les résultats dans la littérature contredisent cette publication. En effet, il y a plusieurs publications qui montrent une diminution significative du taux de spénectomie après l'embolisation. Nous, dans notre étude SPLASH, mais d'autres essais également, on montre que... On a à peu près 10% de splénectomie, alors que dans cette étude américaine, il y avait 19% de splénectomie. Si on regarde un petit peu les chiffres dans cette étude américaine issue de la National Data Trauma Bank, on a seulement 25% des patients qui paraissaient en choc, puisqu'ils avaient une tension artérielle systolique inférieure à 90 mmHg ou une tachycardie supérieure à 120. Ce qui veut dire qu'il y a 80% des splénectomies qui étaient réalisées chez ces patients qui n'étaient peut-être pas indiquées. La deuxième explication de la sous-estimation des effets de l'embolisation, c'est qu'ils confondaient dans leur étude les patients qui avaient une splenomégalie idiopathique avec un trauma de grade 4 et 5, plus de 25% des traumatisés dans leur étude. Et ces patients-là, ça a été montré, ils ont un risque de rupture plus important et donc probablement une splenectomie justifiée de façon plus importante. Puis dernière chose, c'est que l'embolisation, et donc c'est important de le dire, L'embolisation est des fois inefficace et il faut appliquer les critères d'embolisation de façon correcte. Il faut sélectionner les patients de façon adéquate, donc on a vu un peu les critères de sélection de ces patients. Il faut que l'embolisation soit réalisée dans les 6 heures suivant l'indication. Et donc il se peut que dans certains centres, il y ait une embolisation qui tarde si les patients arrivent le week-end ou la nuit. Et puis il faut que les techniques d'embolisation soient standardisées, ce qui est essentiel à la réussite. Et ça avait été vu dans cette étude que certaines embolisations étaient entre guillemets inefficaces. Donc peu d'études dans la littérature, un peu des débats, mais selon nous, les plus forts niveaux de preuves sont en faveur d'emboliser de façon préventive ces patients grade 3 avec un hémopéritone abondant ou un polytraumatisme avec ISS supérieur à 15.
- Speaker #0
Alors justement, tu parlais des critères de sélection des patients. Est-ce que cet arbre décisionnel, au niveau de la prise en charge des traumatismes de rate, il est adapté en fonction des comorbidités du patient ? Par exemple, si le patient est âgé, fragile, ou alors sous anticoagulant ou sous antiagrégant plaquetaire ? Est-ce qu'on va plus rapidement à la spénectomie ?
- Speaker #1
Alors, l'arbre diagnostic, il est applicable à ces patients-là. C'est-à-dire que s'ils sont instables initialement, on va à la spénectomie d'emblée. S'ils ont une fuite active, on va plutôt à l'embolisation d'emblée s'ils sont vraiment stabilisés. Et on fait une embolisation préventive avec les mêmes critères. En revanche, chez ces patients un petit peu plus fragiles, il va y avoir une surveillance sur le traitement dans l'opératoire. Et dans le cadre de cette surveillance, il peut y avoir des ruptures secondaires ou des signes d'alerte type chute de tension, douleur, chez qui on propose un nouveau scanner pour voir s'il y a une complication vasculaire ou une rupture secondaire. Chez les patients plus jeunes, on peut tenter, s'ils sont stables, une embolisation, une deuxième embolisation, même si c'est difficile. chez les patients précaires, il faut... réaliser une splénectomie. Il faut avoir la splénectomie plus facile, entre guillemets, chez ces patients-là, puisqu'ils ne supporteront pas une instabilité hémodynamique et on n'arrivera pas à les rattraper s'ils se mettent en défaillance.
- Speaker #0
Alors justement, concernant les lésions qui peuvent apparaître à distance, notamment les pseudo-anévrismes post-traumatiques, il y a de plus en plus d'articles qui montrent qu'une thrombose de cet anévrisme va pouvoir se faire de façon spontanée, elle est quasi systématique. quand ils font moins de 1 cm, voire 2 cm, qu'est-ce que tu en penses, qu'est-ce que tu préconises comme prise en charge ?
- Speaker #1
Alors, merci pour la question. Déjà, les anévrismes, en effet, surviennent, les complications vasculaires même, plus généralement, surviennent dans les suites du trauma, plus généralement dans les 5 à 7 premiers jours et aussi dans le premier mois. Il ne faut pas confondre un anévrisme avec un blush. Je préfère juste revenir sur ce terme de blush qui est différent également de la fuite active de produits de contraste. La névrise peut être prise pour un blush ou inversement. Le blush n'existe que dans la rate. C'est une communication entre les capillaires sinusoïdes de la rate. Ce sont des lacs vasculaires qui sont réabsorbés par les capillaires. Ce sont des lésions à basse pression. Ce sont des lésions qui vont se résorber spontanément. Concernant les anévrismes, ce sont des lésions sur la paroi de l'artère splénique. Et lorsqu'ils sont en effet inférieurs à 1 cm ou d'un centimètre, nous avons le principe de les surveiller puisqu'ils ont tendance à se résorber. Plus d'un centimètre, donc dans la littérature des fois le cut-off c'est 2 cm, nous on a plutôt le cut-off d'un centimètre. Plus d'un centimètre, souvent ils se majorent au contrôle et nous avons besoin de les emboliser un peu plus tard. C'est pour ça que nous, de façon assez empirique, nous avons pris ce cut-off d'un centimètre. En sachant que ces patients-là vont bien, ils sont hospitalisés pendant plusieurs jours et ils n'ont qu'une envie, c'est de rentrer. Souvent même, à Grenoble, ils sont en vacances au ski et donc ils ont envie d'être rapatriés chez eux. Et donc c'est difficile de leur vendre une surveillance plus de 15 jours. Et donc, c'est vrai que des fois, on a tendance aussi, pour ces anébrises de plus d'un centimètre, à les emboliser immédiatement, dès la découverte.
- Speaker #0
Et justement, durant l'hospitalisation, une des questions qui est assez fréquente pour les traumatismes de la rate, c'est quelle est leur prise en charge ? Quelle est la surveillance qu'on fait ici à Grenoble ?
- Speaker #1
Alors, c'est vrai que la surveillance, elle a pas mal changé ces dernières années. La surveillance, elle est... Au départ, identiques pour tous les grades, que ce soit un grade 1, 2 ou des grades plus élevés, il est nécessaire de faire une surveillance minimale aux soins intensifs pendant 24-48 heures, puis ensuite une surveillance en service de chirurgie. L'heure actuelle, nous avons des difficultés de place aux soins intensifs, et donc c'est vrai qu'on a plutôt tendance pour les grades faibles 1 et 2 à les surveiller directement en service. c'est pas c'est pas c'est plutôt fréquent. Ensuite, il y a le scanner de contrôle qui est essentiel, qui doit être réalisé dans les 5 à 7 premiers jours sur la littérature. Nous, on réalise dans les 5 jours, puisque c'est dans ces 5 jours-là que surviennent les principales complications vasculaires qui nécessitent une embolisation secondaire ou une surveillance plus rapprochée ou plus prolongée. S'il y a une anomalie vasculaire, on la veut, on propose une embolisation. S'il y a d'autres anomalies type hématome sous-capsulaire, on sait que la rupture secondaire peut être plus tardive sur ces hématomes sous-capsulaires et on va surveiller les patients de façon plus prolongée. Si le scanner de contrôle AJ5 est correct, on fait rentrer les patients chez eux, on peut les rapatrier, ils ont le droit à... de rentrer soit en avion, soit en train, ce sont des questions qui nous sont posées. Et ensuite, c'est nécessaire d'avoir un contrôle agitante, un contrôle clinique, donc par un chirurgien qui a l'habitude de ces traumatismes. Et si le grade est de 3 ou supérieur à 3, avec un scanner de contrôle. Bien prévenir les patients que... qu'il faut qu'ils consultent aux urgences en cas de moindre douleur ou de malaise. Sur la phase précoce, il y avait notion d'un halitement prolongé auparavant. On a complètement remis en cause ce concept et les patients peuvent se lever très précocement, c'est-à-dire au bout de 24 heures, avec la mise en place d'une anticoagulation préventive H24, s'il n'y a pas de déglobalisation, et ça c'est assez... assez justifié dans la littérature. Donc tous les traumatisés doivent avoir une anticoagulation préventive à partir de 24 heures, si pas de déglobalisation. La surveillance à l'hôpital par hémogramme n'est pas forcément recommandée. Nous, on l'a fait. On fait un hémogramme tous les 48 heures et on fait un scanner plus précocement si douleur avant J5 ou si malaise ou... Merci. taquicardie, s'il y a moindre signe clinique.
- Speaker #0
Alors, juste une dernière question concernant la réalisation des vaccins. Est-ce qu'elle est indiquée dans le cadre d'une embolisation prophylactique ? Et si oui, à quel moment est-ce qu'il faut la faire ?
- Speaker #1
Alors, c'est une bonne question qui est souvent posée. La littérature ne nous aide pas trop pour apporter la réponse. On voit que dans Splash, le critère jugement principal, c'était une rate vascularisée de plus de 50 %. et on constate qu'il y a eu une embolisation ou pas d'embolisation, on a une rate qui reste vascularisée. Et donc, on pense que même s'il y a une toute petite phase d'asplénie initiale, très rapidement, le patient n'est plus asplénique après embolisation, et donc nous n'avons, à notre sens, pas de posé d'indication de vaccination chez ces patients qui sont embolisés. Il n'y a pas d'asplénie fonctionnelle, ou du moins pas d'asplénie prolongée. En revanche, on peut se poser la question d'une vaccination préventive pour limiter les conséquences immunologiques s'il y a une rupture secondaire, s'il y a une splénectomie secondaire. C'est vrai que le taux de splénectomie secondaire maintenant avec les données qu'on a dans Splash, il est assez faible. C'est 3% pour les grades 3, c'est un peu plus pour les grades 4 ou 5. Et donc, on peut se permettre de vacciner les patients, notamment le pneumocoque, lorsqu'ils arrivent à l'hôpital. En pratique, nous, on ne le fait plus du tout parce que le taux de sphincterie secondaire est très faible. Petit rappel, le pneumocoque, qui était avant le pneumo 23 et le Prevenar 7, maintenant, il y a un vaccin à 20 valences. Et donc, il n'y a qu'une seule dose de vaccin, le pneumo 20, qui est à administrer.
- Speaker #0
Parfait. Merci beaucoup d'avoir été avec nous aujourd'hui. C'était la dernière question.
- Speaker #1
Merci à tous. Merci beaucoup. Si jamais tu as aimé cet épisode, n'hésite pas à mettre 5 étoiles, à t'abonner et à diffuser autour de toi. A bientôt sur la Pause Digi.