Speaker #0Laissez-moi vous présenter d'un côté Charlotte Anne Moberly, dite Annie Moberly. Charlotte a été en 1886 la directrice du 3e Collège Féminin de l'Université d'Oxford, et la deuxième se prénomme Eleanor. Eleanor, française Jourdain. Eleanor a d'abord été enseignante, puis elle a fondé sa propre école. Et elle a aussi été l'auteur de certains ouvrages sur la littérature et le théâtre. Les deux femmes sont donc amies. Les deux femmes se connaissent. Pour cette petite histoire, nous sommes au mois d'août 1901. Cet été 1901 est particulièrement chaud. Il est aussi très orageux. Eleanor vit à ce moment-là à Paris. Elle habite un appartement qu'elle loue. Et Annie vient lui rendre visite. Annie a bien l'intention de profiter de son séjour pour visiter les alentours, notamment Paris et pourquoi pas Versailles. Pas de souci, Eleanor est ravie de lui faire visiter le château de Versailles et ses jardins. Elle adore ce lieu. Alors les deux copines vont donc partir pour Versailles. Et elles sont désormais dans les jardins de Versailles. Et elles cherchent le petit Trianon. Le petit Trianon, c'est un domaine du parc du château de Versailles qui, à l'époque, avait été offert par Louis XVI à sa jeune épouse Marie-Antoinette. Marie-Antoinette avait fait de ce lieu un univers très personnel et intime, loin des fastes de la cour. Elle avait par exemple aménagé un jardin à l'anglaise, jardin qui contrastait avec la monotonie du reste du parc. Bon, malheureusement, le Trianon a été la partie du domaine de Versailles la plus endommagée au cours de la Révolution française. Et il a même été vidé de son mobilier, puis aménagé en auberge. Et les jardins ont été transformés en balles publiques à l'époque. Revenons donc à la balade de nos deux Anglaises cet été 1901. Une balade qui va être particulière, vous allez voir. Eleanor et Annie sont en train de chercher le petit Trianon. Et elles se sont un petit peu perdues dans les jardins, les grands jardins de Versailles. Les minutes passent et plus la déambulation avance, plus les deux femmes commencent à se sentir oppressées. Mais aucune des deux ne fait part de ce sentiment d'oppression à l'autre. Soudain, les deux copines voient sur le bord du chemin deux hommes. Des hommes qui portent tous deux un long manteau. Ils ont aussi des bêches à la main. Eleanor et Annie pensent naturellement qu'il s'agit de jardiniers. Alors elles leur demandent leur chemin pour le petit trianon. Et ces derniers leur indiquent la direction. Eleanor et Annie arrivent ensuite à un cottage. Et à ce moment-là, Eleanor, et seulement Eleanor, aperçoit une fillette. Une fillette de 12 ou 13 ans à peu près. Ainsi qu'une femme qui est à ses côtés. Les deux femmes, la fillette et la dame, sont habillées avec un costume de notre temps. Eleanor ne fait pas de commentaire et elle passe son chemin. Les deux copines continuent leur route et elles arrivent ensuite à un pavillon chinois. Elles pensent sur le moment qu'il s'agit du Temple de l'Amour, un monument situé à l'est du jardin anglais du petit Trianon. Le temple de l'amour a été imaginé en 100 ans par Marie-Antoinette. Depuis ce temple, Marie-Antoinette aimait contempler son château du petit Trianon. Bon, quoi qu'il en soit, soudain, l'atmosphère devient pesante. De plus en plus pesante. Surtout pour Annie d'ailleurs, qui se sent à présent très angoissée. Et pour cause, elle est en train d'observer un homme assis au pied du pavillon et cet homme vient de se retourner vers elle et il a un visage très menaçant. Il a un regard très expressif, un visage un peu presque vérolé. Cet homme n'est pas le seul à être là. Il y a aussi un autre individu. Celui-ci est grand et beau. Ses cheveux sont bouclés et il porte un grand chapeau à large bord ainsi qu'une cape noire. Soudain, ce bel homme se lève et vient en direction d'Annie et Eleanor. Et il s'arrête devant elle pour leur parler, mais les deux Anglaises ne comprennent rien de son monologue, sauf la phrase suivante « Il faut tourner à droite » . Alors les deux copines reprennent leur route et elles prennent donc la direction indiquée à droite. Et l'homme avait bel et bien raison puisque les deux femmes arrivent enfin près d'une petite maison au volet clos. Alors que jusqu'à présent c'était Eleanor qui voyait des choses particulières, et bien cette fois-ci c'est Annie qui va se retrouver née à nez avec une apparition bizarre. En effet sur la pelouse Annie voit une femme en train de dessiner. Cette femme porte une robe, une robe d'un style particulier. Et elle a un fichu vert sur la tête ainsi qu'un chapeau blanc. Soudain, la femme lève la tête et elle regarde Annie. Son regard est très, très particulier. Et ça ne manquera pas d'angoisser un petit peu plus encore Annie. Les deux Anglaises continuent leur marche pour enfin arriver à la hauteur de la maison suivante. Et là, une porte s'ouvre et un jeune homme sort de la demeure. Cet homme, il donne l'impression d'être un serviteur. Les deux femmes veulent alors s'excuser de l'avoir dérangée, pensant qu'elles sont sur une propriété privée. Mais l'homme reste devant elles et sans parler, il leur propose qu'elles le suivent. Et il les mène jusqu'au petit Trianon. Les deux femmes sont complètement ahuries et à peine quelques minutes après, elles ressortent des jardins de Versailles pour regagner Paris, sans aucun mot. Mlle Moberly et Mlle Jourdain vont reparler ensemble de leurs impressions de malaise quelques jours plus tard. Puis Annie va quitter Paris, comme convenu, pour repartir chez elle, en Angleterre. Quelques mois ont passé, nous sommes désormais en novembre 1901. Eleanor se rend à Oxford pour y retrouver son amie Annie, cette fois-ci c'est elle qui fait le déplacement. Et les deux femmes prennent donc à ce moment-là... le temps de rediscuter de ce qu'elle pense avoir vu ensemble, entendu et ressenti cet été-là 1901. Elle discute notamment du fait que c'est étrange qu'elle n'ait pas vu les mêmes scènes cet après-midi d'août. Eleanor a vu une femme et une petite fille. Et Annie, quant à elle, elle a vu une dessinatrice sur une pelouse. D'ailleurs, cette femme lui fait penser étrangement à un portrait de Marie-Antoinette qui a été dessiné par le peintre Wertmuller. qui comptait parmi ses modèles les plus prestigieux, la reine Marie-Antoinette. Eleanor va même dire que le visage et les vêtements de cette dessinatrice de la pelouse semblent identiques à ceux de Marie-Antoinette. Annie et Eleanor se décident donc à mener des recherches. Et elles apprennent qu'il y a finalement des rumeurs qui existent depuis pas mal de temps autour du petit Trianon. Ils se murmurent que le fantôme de Marie-Antoinette enterrait Versailles. Et Léanor et Annie essayent donc de se remémorer tout ce qu'elles ont vécu lors de cet après-midi estival à Versailles. Elles vont par exemple se rappeler de la présence d'un pont qu'elles auraient franchi. Pont qui en fait a disparu. Elles découvrent aussi que le costume qu'elles ont vu porté par les jardiniers semble similaire au costume que portaient à l'époque les gardes suisses de Marie-Antoinette lors de la Révolution. Annie et Eleanor se rendent également compte que la porte de laquelle est sorti le fameux serviteur, le jeune serviteur, est condamnée depuis longtemps. Donc impossible qu'elle ait été ouverte cet après-midi-là. Et puis souvenez-vous de l'homme avec son visage vérolé, angoissant, qu'elles ont aperçu dans le jardin. Et bien après les recherches, Annie et Eleanor vont tomber sur un portrait du comte de Vaudreuil et elles vont lui trouver une sacrée ressemblance. Alors, que s'est-il passé cet après-midi-là de l'été 1901 ? Eh bien, les deux femmes vont développer une théorie. Théorie selon laquelle la promenade étrange qu'elles auraient vécue correspondrait à des fragments de la mémoire de Marie-Antoinette pendant la période de la Révolution. Alors, comme il y avait un orage ce jour-là, les deux femmes vont même penser que c'est l'électricité des orages qui aurait été un déclencheur de l'expérience. Dix ans après la promenade hantée, soit en 1911, Annie et Eleanor vont même décider de publier le récit de leur visite. Elles vont présenter cela comme une recherche, recherche qu'elles vont publier sous les pseudonymes d'Elisabeth Morrison et Frances Lamont. Elles intitulent cet ouvrage « An Adventure » , « Une aventure » , et ce dernier va rencontrer un vif succès pour l'époque, avec plus de 10 000 exemplaires vendus les premières années. A l'époque, c'est énorme. Seulement voilà, il semble qu'il y ait dans ce récit des deux amis des erreurs historiques. Le récit des deux femmes a même été un petit peu moqué par un grand nombre de lecteurs et notamment un grand nombre d'historiens. D'ailleurs, un autre ouvrage est paru en 1959 et il a tenté d'expliquer le récit des deux femmes. Cet ouvrage est intitulé « Les fantômes du Trianon » avec une préface de Jean Cocteau et une introduction de Robert Amadou. Alors moi je peux vous dire qu'il existe de nombreuses hypothèses sur cette histoire. Certaines rejoignent l'hypothèse des deux Anglaises, imaginant que ces dernières auraient bel et bien eu accès à la mémoire de Marie-Antoinette. D'autres disent que les deux femmes auraient plutôt eu accès à la période d'avant Marie-Antoinette. C'est le cas de l'historien Guy Lambert, qui pense plutôt que la description des deux femmes correspondrait à la période de Versailles sous le règne de Louis XV. Selon lui, de nombreux éléments historiques coïncident avec la description qui a été faite par les deux Anglaises Par exemple, les costumes des jardiniers de cette époque étaient identiques à ceux décrits par les deux femmes. Le pont qu'elles ont cru apercevoir existait lui aussi, mais à cette période. Et puis enfin, il y a d'autres hypothèses. Hypothèses qui voient plutôt cette histoire comme une histoire inventée ou imaginée de toute pièce. Alors notre hypothèse à nous, ce n'est qu'une hypothèse. Mais on se dit que ce jour-là, il faisait chaud, très chaud. Il y avait des orages lourds. Les deux femmes peuvent parfaitement avoir eu des hallucinations et avoir alimenté leurs imaginaires respectifs. Quoi qu'il en soit, il y a d'autres histoires de ce type au petit Trianon qui sont arrivées ensuite. Par exemple, après la publication du premier livre des deux femmes en 1911, les membres d'une famille qui habitait dans la région versaillaise, la famille Crook, a fait savoir qu'eux aussi avaient vu en 1908 la dessinatrice de la pelouse, ainsi qu'un autre personnage en costume du 18e siècle. Bon, en 1928, il y a aussi deux autres Anglaises qui ont rapporté une rencontre étrange du même type. Et puis, en 1935, un Français, Robert Philippe, aurait échangé quelques mots avec une femme que ses parents ne voyaient pas et qui aurait disparu mystérieusement dans les jardins. Le 21 mai 1955, il y a un Londonien et sa femme qui auraient rencontré, eux aussi, au petit Trianon, une femme et deux hommes vêtus de costumes du XVIIIe siècle. Bon, on n'en saura pas plus. Et vous, que pensez-vous de cette histoire ? Affabulation ? Hallucination ? fantômes ? Retour vers le passé ? Dites-nous comment vous voyez les choses. Et puis si vous aussi vous êtes allé dans ces jardins de Versailles, dites-nous si vous avez observé des fantômes ou des apparitions. Et si cette petite histoire de Miss Moberly et Miss Jourdain vous a plu, n'hésitez pas à la partager et à la commenter. Et nous on se retrouve très vite avec une nouvelle petite histoire. Salut !