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Le cimetière de l'océan

SS PARIS, splendeur et malédiction

SS PARIS, splendeur et malédiction

26min |23/07/2024
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SS PARIS, splendeur et malédiction

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26min |23/07/2024
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Description

En 1921, "PARIS", le nouveau transatlantique de la French Line arrive enfin sur la prestigieuse ligne de New York.

Ce sublime paquebot qui se voulait le nouveau fer de lance français est aujourd'hui largement oublié, disparu dans la fumée de son incendie.

Redécouvrez avec moi le grand luxe de PARIS et sa terrible malédiction.


Illustration:


Sons: 


Musiques:

  • Ragtime piano St Louis tickle - Barney Seymore (Pixabay)

  • Suite Bergamasque - Debussy (pixabay)

  • Ragtime piano reflection rag - Scott Joplin (Pixabay)

  • Mourning Dove - Zachariah Hickman

  • Sad piano one - Oleksii Kalyna (Pixabay)



Hébergé par Ausha. Visitez ausha.co/politique-de-confidentialite pour plus d'informations.

Transcription

  • Speaker #0

    Paris, capitale française, ville-lumière à la richesse historique interminable qui, cette année, accueille avec fierté les Géodétés. L'occasion est donc parfaite pour vous parler d'un autre paquebot français, malheureusement injustement oublié lui aussi. Vous connaissez maintenant mon amour pour ces paquebots délaissés. Aujourd'hui, on va sortir des oubliettes celui qui portait donc le nom de Paris. A ne pas confondre avec le City of Paris de la compagnie anglaise Inman Line. Non, notre Paris est bien un transatlantique français mis en service par la French Line. A l'été 1913, la Transat signe une nouvelle convention postale qui l'oblige à construire trois nouveaux liners avant 1932, pouvant donc acheminer le courrier. Le premier des transatlantiques sera donc Paris, dont la commande est faite dans la foulée au chantier de Penouette à Saint-Nazaire. Paris aura une architecture extérieure semblable à celle de France mise en service un an plus tôt, mais dont les proportions sont beaucoup plus imposantes. Ainsi, Paris fera 234 mètres de long et 26 de large pour 10 ponts et 34 569 tonneaux, soit 10 mètres de plus que le France. Sa superstructure est dominée par trois grandes cheminées rouges à manchons noirs. Seulement voilà. Un an après le début du chantier, la Première Guerre mondiale éclate et le chantier est interrompu, laissant la coque en construction dans sa cale de lancement. Deux années s'écoulent sans que rien ne change. Puis, il est décidé d'évacuer sa coque car on a besoin de toutes les cales nécessaires pour fabriquer des navires de guerre et entreposer du matériel pour l'armée américaine. La coque est donc mise à l'eau le 12 septembre 1916. Après l'avoir laissée sur la Loire, on la remorque à l'abri dans la baie de Quiberon. Deux années s'écoulent à nouveau jusqu'à la signature de l'armistice le 11 novembre 1918. Toutefois, les travaux ne reprennent pas immédiatement. Il faut attendre le 6 mars 1919 pour voir le chantier reprendre et il y a encore beaucoup à faire. C'est donc encore deux autres années qui s'écoulent et enfin, en 1921, Paris est prêt à commencer sa carrière. Il est alors à ce moment de l'histoire le plus grand navire français en service sur la ligne de New York et surtout le plus luxueux. Embarquons pour un petit tour à son bord. Madame, Messieurs, Bienvenue à bord. Nous entrons dans Paris depuis le Poncet, entre les deux dernières cheminées. Après avoir franchi le hall d'embarquement qui sert également de galerie d'art, où sont exposés des objets de bronze ou de verre d'artistes français, nous arrivons à la Grande Descente et tout de suite, le ton est donné. Nous sommes accueillis dans un hall majestueux, qui a tous les plus grands hôtels parisiens dans le pur style Art Nouveau. Face à nous, le sublime escalier principal à double évolution, réalisé par l'architecte Richard Bouvens van der Boijen. Ébénisterie, ferroinerie d'art et marbrerie s'allient ensemble pour charmer ses visiteurs. Avec ses rampes et balustrades richement ornées, une élégante coupole en fer forgé domine l'escalier et apporte une belle lumière tamisée. Cet escalier relie le rez-de-chaussée aux galeries supérieures qui continuent à l'étage avec des balcons en fer forgé représentant des algues entremêlées placées entre des gracieux piliers qui soutiennent les arcades finement décorées. Des fauteuils et des tables rondes sont disposés dans ce hall. Vous pouvez vous y arrêter pour y converser entre amis ou admirer la richesse de ce lieu. N'oublions pas que les traversées transatlantiques étaient un moment idéal pour y faire des connaissances et lier des amitiés. C'est ici également que vous trouverez le bureau de renseignement du navire, pour échanger votre monnaie, déposer des objets de valeur au coffre. C'est ici que tous les jours, sur une carte, vous pourrez constater l'avancée de Paris sur l'Atlantique et discuter de l'heure d'arrivée à New York. Empruntons ce bel escalier, montons d'un étage et parcourons cette belle galerie en nous dirigeant vers l'avant de Paris. Elle nous conduit tout droit au grand salon de conversation. Cette pièce est très jolie et c'est du jamais vu sur un paquebot transatlantique. Panneaux de bois d'amarante mauve aux murs s'opposent aux pilastres carrés habillés de marbre rose. Ici et là, des décorations représentant des oiseaux, des rameaux d'olivier. Un cadran créé par Lalique indique l'heure. Ici encore, c'est une très belle pièce. Les heures sont indiquées par des papillons au cristal. La pièce est éclairée par une coupole en fer forgé et des fenêtres de chaque côté mêlant verre et fer forgé. Le soir, des plafonniers et des appliques de verre incrustées dans les panneaux de bois éclairent le bois d'Amarante et font chatoyer la soie des rideaux. Dans le prolongement du salon de conversation sur Tribord, c'est le salon de lecture dont la décoration fut exécutée par la maison Nelson. Boiserie en platane, Ferron Riddar au plafond et au-dessus de la bibliothèque, une peinture décorative évoquant le printemps. C'est doux et paisible. Côté bas-bord, à l'opposé, à gauche pour ceux qui ne sont pas familiers du lexique maritime, c'est la salle de jeux des enfants, décorée en reprenant l'univers de Guignol où il donne d'ailleurs des représentations. Repartons vers l'arrière de Paris, après la dernière cheminée. C'est ici que se trouve le salon mixte, décoré dans un style qualifié de pompéien. 12 médaillons de terre cuite blanche décorent la pièce et représentent les 12 signes du Zodiac. Centre de la pièce, une cheminée de marbre vert autour de laquelle sont disposées des tables de jeu, des consoles, des fauteuils. On y trouve également un piano et des tables chinoises. Un grand miroir occupe le mur central de la pièce sous la coupole. On peut s'y admirer au milieu de la richesse de cette pièce et de son mobilier. Terminons de traverser cette pièce, une nouvelle galerie nous conduit à une autre majestueuse pièce de Paris. Le fumoir, s'élevant sur deux niveaux surmontés d'une coupole de verre et fer forgé. Au mur, des panneaux en bois de citronnier et des marqueteries aux éclats de nacre s'opposent et se reflètent. Un escalier à double évolution à la rampe de fer forgé permet de descendre d'un niveau. Dans son centre, on peut y admirer une toile de Auguste Leroux représentant les jardins du palais du Luxembourg. Oui, la pièce est vaste et majestueuse, mais un peu enfumée. Alors, remontons et sortons par l'arrière. Nous voici au Café Terrasse qui s'ouvre sur une grande terrasse qui laisse notre vue se perdre dans l'océan. Voilà le grand air, voilà le voyage, et notre point de départ est loin derrière. Allez, pressons le pas voulez-vous, je veux vous conduire à une autre sublime pièce de Paris. Vous le savez maintenant, les salles à manger sont toujours spectaculaires. Il faut en avoir pour son argent et la Transat sait nous mettre en appétit et nous rappeler que nous sommes dans le pays de la gastronomie et qu'il n'y a pas meilleur restaurant sur l'Atlantique qu'à bord des paquebots français. Nous voici donc revenus au grand escalier principal et nous le descendons jusqu'au pont D. Nous sommes accueillis dans un vestibule décoré de glace et de gravure représentant le vieux Paris. La salle à manger est ici encore surmontée d'un dôme lumineux, composé de vitraux en camailleux d'or, laissant descendre une lumière très chaleureuse sur la vaste pièce. Les panneaux de bois sont en citronnier avec des marques étrilles aux motifs représentant la vigne, le houblon et les fruits du verger. Des pilastres habillés de stucs et enchâssés de cornières en fer forgé soutiennent les galeries supérieures aux gardes-corps là aussi en fer forgé. On descend dans la partie inférieure de la salle à manger par un nouvel escalier à double rampe de fer forgé encore, dans laquelle vous pouvez vous admirer devant le grand miroir qui accompagne votre descente. Voyez comme votre silhouette épouse parfaitement la richesse de cette pièce. Oui, monsieur, oui, madame, vous êtes à votre place. En face de nous se dresse une peinture gigantesque de maître Albert Bénard, symbolisant la gloire de Paris, avec dans le ciel l'emblème de la ville, des figures telles que Lafayette arrivant aux Amériques, un poilu, etc. Ce sera d'ailleurs une des dernières œuvres aussi imposantes de l'artiste. Paris peut embarquer 563 passagers en première classe. Pour les loger, il y a trois types de cabines différentes réparties entre les ponts C et D. Les cabines standards de première classe, composées de 1, 2 ou même 3 lits véritables, avec une grande armoire pour y ranger ses affaires et ne pas les laisser dans la malle de voyage. Elles sont richement décorées par des artistes contemporains et réputés. Elles ont accès à l'eau courante, chaude et froide, mais les salles de bain et toilettes sont communes et accessibles en face de la porte des cabines dans la coursive. On y distingue bien sûr salle de bain pour les hommes et pour les femmes. Mais si c'est un appartement de luxe que vous avez, alors vous aurez une salle de bain et toilettes privée. C'est aussi le premier paquebot équipé de téléphones dans les cabines de l'Ousse. Ainsi, vous pouvez faire venir un steward dans la minute pour n'importe quelle demande. Paris dispose également d'un appartement dit de grand luxe, à l'image de ce que la Transat avait déjà réalisé sur France. Ils ont ici fait appel aux décorateurs de la maison Tardif. Ils se composent d'une chambre, une antichambre, quatre chambres à coucher, un salon, une salle à manger. On y trouve des panneaux d'érable incrustés de nacre, des lambris faits d'acajou, du chêne sculpté, encadré de fer, relevé à la feuille d'or. Je vous passe le mobilier tout aussi raffiné et confortable. Les cabines de première classe n'ont pas de hublot, mais des sabords carrés. Plus grands, ils laissent donc pénétrer plus de lumière. A ces passagers de première classe s'ajoutent 460 pouvant embarquer en seconde. Vous connaissez le refrain, le luxe y est moins opulent, mais le confort y est plus qu'acceptable. Ainsi, à l'arrière du poncé, vous trouverez côté bas-bord, à gauche, leur salon et sur tribord à droite, le fumoir. Les murs du salon sont en bois de frêne rosé, vernis, orné de baguettes damarantes, auxquelles sont fixées des appliques en bronze ciselées. Les fauteuils sont en bois de merisier et on y trouve aussi des grands fauteuils bergères disposés autour de petites tables. Le fumoir, lui, est en panneau de bouleau et platane vernis, idem pour son mobilier. Le bois blanc apportant un peu de luminosité et d'homogénéité à la pièce. Le sol est un damier noir et blanc. Leur salle à manger est située sur le pont E et les murs sont en panneau de chaîne. C'est à ce niveau que se trouvent également les cuisines, la boulangerie et la pâtisserie qui préparent les mets pour les premières et secondes classes. Les cabines des secondes classes sont toutes à l'arrière de Paris, réparties entre les ponts D, E et F. Leurs salles de bain et toilettes sont communes et accessibles au centre des coursives. Les lits sont des couchettes superposées et les cabines possèdent tout de même un lavabo de toilettes avec un petit miroir. Comme tout liner de cette grande époque, Paris possède une troisième classe, pourvue pour 1092 passagers, dont les cabines et les espaces sont situés à l'avant sur le pont F. Les cabines sont prévues pour 4 ou 6 personnes, avec bien sûr toilettes et salles de bain dans les coursives. Inutile donc de s'étendre sur la décoration. Elle est semblable à tout autre transatlantique, basique, simple, spartiate. Néanmoins, Paris possède une particularité. On y distingue une autre classe, celle des migrants. Il peut effectivement embarquer 1118 migrants répartis dans les entreponts à la Proue de Paris. Ils embarquent d'ailleurs à bord entre les deux panneaux de calavant. Leur gigantesque dortoir, prévu pour environ 200 couchettes, s'étend de la proue du pont F au pont G et H. C'est un paquebot impressionnant. Une véritable ville flottante embarquant toute catégorie sociale à l'image de notre capitale. Je ne peux pas m'étendre à tout décrire dans les moindres détails, mais sachez tout de même que Paris dispose aussi d'une chapelle, dans laquelle on peut assister à la messe, ou même qu'il a lui aussi des magasins, des coiffeurs pour femmes et hommes, en première et en seconde classe, et j'en passe. Évidemment, entre les plans de base de 1913 et la reprise du chantier en 19, des modifications ont eu lieu. Entre autres, ce sera le premier paquebot de la Transat équipé dès le début de sa carrière de chaudières fonctionnant au fioul. Il fallut alors modifier les soutes prévues à la base pour recevoir du charbon, afin d'y faire tenir les réservoirs de carburant. Cette modification permet non seulement à Paris de naviguer à une vitesse constante, mais également d'embarquer moins de soutiers. La situation économique d'après-guerre est telle que cette fois, la French Line ne cherche plus du tout à ravir le ruban bleu. La course bien trop chère en carburant, en développement et pièces mécaniques. D'autant que terminer Paris avec les prix d'après-guerre leur coûtera extrêmement cher. Paris ne sera pas le plus rapide, loin de là. Il atteindra la vitesse de 23 nœuds, là où le France en 1912 atteignait les 25. Par contre, il peut se vanter à son lancement d'être le plus grand navire français construit en France, et pour l'heure, le plus luxueux, avec la participation des artistes renommés que nous avons passés en revue pendant notre visite. Du 11 au 13 juin 1921, après avoir terminé tous ses essais, la compagnie générale transatlantique a organisé trois jours de fête autour du Paris, afin d'y organiser des visites de ces espaces et permettre à leurs invités de s'extasier du luxe et du soin de sa décoration. La presse est évidemment des festivités et ne tarie pas d'éloges au sujet de Paris. Symbole de la renaissance de la France à sa sortie de la Grande Guerre, la France revient en grande pompe et montre qu'elle sait toujours y faire en matière d'industrie, de bon goût et de luxe. C'est donc le 15 juin que Paris quitte les quais du Havre en direction de New York, avec à son bord, entre autres, le maréchal Foch. Sa carrière est lancée. C'est un paquebot fiable qui, malgré sa faible vitesse, bénéficie d'une bonne réputation et attire la clientèle américaine qui raffole de la cuisine et du savoir-vivre à la française. Et oui ! N'oublions pas que les transatlantiques français embarquent à bord toute la gastronomie de notre pays et qu'à table, on retrouve nos meilleurs plats et nos meilleurs vins. C'est aussi en cela que les Américains apprécient les paquebots français. Ils savent qu'à bord, ils pourront boire le sang de la terre et tout autre spiritueux interdit à bord des navires américains en ces temps de prohibition. France avait pour surnom le Versailles de l'Atlantique. Paris se verra attribuer le sobriquet d'aristocrate de l'Atlantique. La légende disait même que Paris était constamment suivi par les mouettes qui attendaient que les restes de nourriture soient jetés par-dessus bord tellement la cuisine y était exceptionnelle. L'aristocrate peut se vanter d'embarquer à son bord des stars américaines telles que Gloria Swanson ou le violoniste Fritz Kressler, et même quelques vedettes françaises comme Maurice Chevalier. Il bénéficie lui aussi des belles années folles d'après-guerre qui fut la plus faste pour les compagnies transatlantiques. Néanmoins, le durcissement des lois et des quotas d'émigration font que le Paris est rarement plein. La vie d'un navire transatlantique n'est pas de tout repos et est parfois semée d'embûches. L'océan, si vaste soit-il, reste imprévisible et certaines routes sont fortement encombrées par le trafic, comme nous l'avons déjà vu, surtout lorsqu'on s'approche des ports. Paris va alors rencontrer une succession d'accidents qui commence dès l'année 1927. Le premier de cette série se déroule le 16 octobre 27. Paris vient d'Appareiller du port de New York. Appareiller signifie quitter le port, lever l'encre dans le lexique maritime. Sur son chemin, le cargo norvégien Bessegen est au mouillage, moteur arrêté, encre jetée, ses cales pleines de sucre en provenance de La Havane. Il attend de pouvoir entrer dans le port pour décharger sa marchandise. Les officiers de Paris ne semblent pas avoir intégré cette information et mettent du temps à réaliser qu'ils vont droit à la collision. C'est donc tardivement qu'ils ordonnent de stopper les machines et mettre marche arrière toute pour ralentir le paquebot de 36 695 tonnes de déplacement. L'inévitable se produit donc. Paris éprouve violemment le Besseguen qui coule en moins de 10 minutes causant la mort de 6 membres d'équipage. Les survivants sont montés à bord de Paris et des ferries présentes dans le port de New York arrivaient rapidement sur place. Le mauvais sort le poursuit et c'est le 7 avril 1929 qu'il s'échoue sur un banc de sable en quittant New York suite à une erreur de navigation. Il faudra 36 heures afin qu'il puisse être sorti de là, heureusement sans dégâts. 11 jours plus tard, Paris s'échoue à nouveau sur les rochers d'Ediston Rocks au large de Plymouth. Cette fois, il ne faudra qu'environ 2 heures pour le remettre à flot. Aucune voie d'eau n'est détectée, mais ses passagers sont quand même déposés à Plymouth et le Paris part en réparation. La série noire ne s'arrête pas là, oh que non ! Le 20 août 1929, alors que Paris est à quai au Havre, un incendie se déclenche à bord et ravage une grande partie des espaces communs. Le salon mixte et le fumoir des premières sont complètement détruits. Tout le reste est entièrement noirci par la suie qui s'est infiltrée absolument partout. Et pour couronner le tout, les litres d'eau déversés dans Paris l'ont partiellement fait crûler. Paris reste toutefois sauvable et ce sera l'occasion de prévoir une grande refonte du paquebot. Île-de-France est entrée en service depuis deux ans et il est maintenant le fer de lance de la Transat. La crise économique de 1929 a drastiquement fait blesser les réservations sur Paris. La refonte permettra de réduire les espaces des migrants et de revoir ceux destinés à la troisième classe. Également de moderniser les équipements en première tout en y ajoutant quelques cabines. Ainsi, le nouveau salon mixte des premières se verra équipé, et c'est une première sur un liner, d'une piste de danse. Qui plus est, le sol est en vert et sera rétro-éclairé. Imaginez-vous, nous sommes à l'aube des années 30 quand même. Les pièces refaites le seront dans le style art déco, totalement dans l'air du temps et dans le prolongement de ce qu'on vient de faire sur Île-de-France. Certaines cabines se voient également agrandies et restylisées. Certaines profitent alors de l'ajout d'une véranda privée. Les travaux s'étendront sur plus de 5 mois. A sa remise en service, c'est un Paris flambant neuf qui repart effectuer ses rotations. Toutefois, le début des années 30 est aussi le début de la popularité des croisières. Paris sera donc envoyé en Méditerranée, les Bermudes ou vers les pays nordiques. Les croisières sont un bon moyen de rentabiliser les liners en cette période de trouble et de diminution des réservations sur la ligne de l'Atlantique Nord. Les croisières s'effectuent à un rythme tranquille. On ne file pas à pleine vapeur, on ne cherche pas à pousser les machines, non. Il faut profiter des paysages qu'on longe, se laisser glisser lentement sur les flots calmes. Ainsi, la consommation de combustible est diminuée et les frais d'exploitation des navires aussi, tandis que la demande augmente. Paris sillonne les flots du début des années 30 et il est probable que cet incendie ait prolongé sa carrière là où s'arrêtera celle de France. Normandie entre en service et tous les autres liners sur l'Atlantique ressemblent à présent à des pièces de musée en dehors de Île-de-France, Bremen ou Europa. Il faut prendre un moment tout de même pour considérer la carrière de Paris avec un peu de recul. Bien que symbolisant le retour, la renaissance de la France d'après-guerre, Paris, pourtant plus grand et avec un luxe plus moderne, restera toujours dans l'ombre de France. Lorsque la décoration trop chargée de France commencera à faire diminuer ses réservations, ce sera le moment de gloire d'Île-de-France. Puis arrivera le chef-d'œuvre monumental Normandie. Toutefois, il y a une volonté de conserver Paris. On parle alors de le réserver exclusivement à un usage de croisière. Mais l'infortune le poursuivra à nouveau. Notre histoire arrive en date du 18 avril 1939. La seconde guerre mondiale pointe le bout de son nez. Dans le port du Havre, Paris est en train d'être chargé. Demain, il apparaîra en direction de New York en emportant d'un sécal des caisses d'œuvres d'art destinées à l'exposition internationale devant se dérouler à New York. S'y trouvent donc des œuvres prêtées par le musée du Louvre, la bibliothèque nationale et d'autres provenant de collections privées, ainsi qu'une importante collection de bijoux. Il y a également 10 caisses contenant des avions américains qui n'ont pas encore été déchargés de son précédent voyage. La journée se termine. Le personnel de bord quitte le paquebot qu'ils sont en train de préparer. La nuit tombe sur le Havre, ses caisses vides. A bord de Paris, un ingéant de la sécurité fait sa ronde. Arrivé sur le pont E, il est alerté par de la fumée sortant de sous les portes de la boulangerie. Il donne l'alerte, mais il est impossible d'ouvrir la porte. Elle est finalement enfoncée et on constate que l'incendie ravage déjà toute la boulangerie, la pâtisserie et la cuisine. L'alerte est donnée et toutes les pompes de la ville sont acheminées vers les quais où est amarré Paris. Commence alors à nouveau une longue nuit durant laquelle des litres et des litres d'eau sont déversés sur Paris, descendant le long de ces petits ponts, remplissant le fond de sa coque. Pendant ce temps, on s'attèle à faire venir le personnel de la Transat et les grutiers, les charges à la hâte, les caisses d'avion et les caisses d'œuvres d'art. Au cours de ces opérations, le chef de sécurité de Paris chute depuis le pont jusqu'au fond de la cale. Le pauvre homme meurt sur le coup. Luttant contre l'incendie qui dévore Paris, un pompier est grièvement blessé. Il est évacué vers l'hôpital dans un état critique, mais survivra à ses blessures. Dans le ciel du Havre, s'envolent les cendres de Paris. Dans la cale numéro 7, juste à côté, se trouve Normandie dont on termine l'entretien. On demande alors que la sécurité soit renforcée, de peur que l'incendie ne se propage. Il faut croire qu'au moment où Paris se meurt, la fumée de son sortilège vient hanter Normandie puisqu'il connaîtra exactement le même sort trois ans plus tard. Le 19 avril, à l'aube, l'incendie semble être maîtrisé et on en vient à bout tandis que les caisses de marchandises continuent d'être déchargées. La nuit a été très, très longue et éprouvante. Toute la ville fut tenue éveillée par les allées et venues des pompiers et tout se scrutait le ciel dans lequel s'élevait la fumée qui enveloppait le port d'un brouillard nauséabond. Puis, tout est allé très vite. Peu avant 9h, Paris gîte soudainement, donnant une inclinaison de 30 degrés. On prévient tout le monde d'évacuer et de se reculer. Paris risque de se coucher à tout instant. Les grutiers quittent leur poste, les pompiers s'éloignent, les bateaux-pompes s'écartent de la coque et à 9h15, le géant Paris s'allonge sur son flambant bord, enveloppé de son linceul de fumée blanche s'échappant de ses sabins. C'en est terminé pour lui. Adieu Paris. Que s'est-il donc passé pour qu'un nouvel incendie se déclare à bord ? Depuis quelques jours déjà, on craignait un attentat allemand. Ils auraient effectivement pu saboter un navire français. Mais la sécurité avait été renforcée et un objet incendiaire aurait été remarqué par les boulangers. Au cours de l'enquête, ils reconnaissent avoir laissé un four allumé après leur départ. Un fourneau à charbon qu'ils avaient utilisé pour confectionner des gâteaux pour le départ du paquebot. Néanmoins, il est peu probable que ce soit là la cause de l'incendie. On attribue finalement à un court-circuit. Dans les heures qui suivirent l'incendie, on s'inquiétait de savoir si toutes les caisses d'œuvres d'art avaient pu être sauvées, de même que les bijoux, les caisses d'avions et d'importantes quantités d'or qui devaient être acheminées à New York. Assez vite, on confirma que les avions étaient indemnes, que l'or n'avait pas encore été déposé au coffre et que les bijoux avaient eux aussi été évacués à temps ainsi qu'une partie des caisses de tableaux. Celles du Louvre et de la Bibliothèque Nationale sont sauves, à l'exception de deux bustes prêtées par le Louvre. On déplore la perte de quelques œuvres venant de collections privées et on pense qu'une caisse contenant des médailles est immergée elle aussi dans l'une des cales. Les œuvres sauvées sont transférées et chargées à bord de Champlain qui partira pour New York le 20 avril. Un autre problème vient vite se poser avec l'épave encombrante de Paris. Il empêche à présent la sortie de Normandie. Afin qu'il puisse être sorti de la cale numéro 7, Les mâts de Paris vont devoir être sciés, ainsi que ses cheminées. Normandie pourra donc appareiller du Havre le 26 avril, comme prévu. La masse inerte de Paris demeure dans le port sous le regard triste des badauds qui contemplent le symbole calciné des belles années folles, à présent bien terminées. La guerre éclate à la fin de l'été 39, sans que rien n'ait bougé pour Paris. Et ce géant couché fera désormais partie du sinistre paysage de l'occupation. A la fin de la guerre, le Havre est un champ de ruines, son port aussi. Le Paris colle plutôt bien dans ce décor apocalyptique et si vous pensiez que ça ne pouvait pas être pire, détrompez-vous. La France vient de récupérer le repas, fleuron de la marine allemande que les Américains ont donné en compensation de la perte de Normandie. Maigre consolation, dirons-nous. Le repas, qui deviendra liberté, est amarré au port du Havre. Le 8 décembre 1946, une violente tempête ravage les côtes françaises. Les amarres de repas rompent. À la dérive, il vient percuter la coque de Paris ouvrant une brèche et le faisant couler par faible fond juste à côté. accentuant le tableau de désolation et accablant un peu plus la Transat qui doit à présent procéder au renflouement coûteux du transatlantique. La mélédiction de Paris a frappé pour la dernière fois. Europe 1 sera remis à flot en 1947 et cette même année, on commencera le démantèlement de l'épave de Paris. Enfin. Ainsi disparu de notre vue Paris et petit à petit de notre mémoire. Qu'en reste-t-il aujourd'hui ? Probablement pas grand-chose, en dehors des photographies, des cartes postales, des menus de repas servis à son bord et des articles de presse vantant le luxe et la richesse du transatlantique qui se voulaient à l'image de la ville dont il porte le nom. Somptueux, monumental, riche en histoire et dans l'air du temps. Mon récit est à présent terminé. Si celui-ci vous a plu, que vous avez des remarques ou des commentaires, ou toute autre information à me faire passer, vous pouvez bien sûr m'écrire à lesimtiardelocéan.com. Je répondrai à votre mail avec plaisir. Vous pouvez également rejoindre mes pages Facebook et Instagram, j'y poste des photos pour illustrer mes récits. Je vous dis donc à bientôt, j'espère, pour un autre récit de naufrage, ou bien un récit sur un transatlantique.

Description

En 1921, "PARIS", le nouveau transatlantique de la French Line arrive enfin sur la prestigieuse ligne de New York.

Ce sublime paquebot qui se voulait le nouveau fer de lance français est aujourd'hui largement oublié, disparu dans la fumée de son incendie.

Redécouvrez avec moi le grand luxe de PARIS et sa terrible malédiction.


Illustration:


Sons: 


Musiques:

  • Ragtime piano St Louis tickle - Barney Seymore (Pixabay)

  • Suite Bergamasque - Debussy (pixabay)

  • Ragtime piano reflection rag - Scott Joplin (Pixabay)

  • Mourning Dove - Zachariah Hickman

  • Sad piano one - Oleksii Kalyna (Pixabay)



Hébergé par Ausha. Visitez ausha.co/politique-de-confidentialite pour plus d'informations.

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  • Speaker #0

    Paris, capitale française, ville-lumière à la richesse historique interminable qui, cette année, accueille avec fierté les Géodétés. L'occasion est donc parfaite pour vous parler d'un autre paquebot français, malheureusement injustement oublié lui aussi. Vous connaissez maintenant mon amour pour ces paquebots délaissés. Aujourd'hui, on va sortir des oubliettes celui qui portait donc le nom de Paris. A ne pas confondre avec le City of Paris de la compagnie anglaise Inman Line. Non, notre Paris est bien un transatlantique français mis en service par la French Line. A l'été 1913, la Transat signe une nouvelle convention postale qui l'oblige à construire trois nouveaux liners avant 1932, pouvant donc acheminer le courrier. Le premier des transatlantiques sera donc Paris, dont la commande est faite dans la foulée au chantier de Penouette à Saint-Nazaire. Paris aura une architecture extérieure semblable à celle de France mise en service un an plus tôt, mais dont les proportions sont beaucoup plus imposantes. Ainsi, Paris fera 234 mètres de long et 26 de large pour 10 ponts et 34 569 tonneaux, soit 10 mètres de plus que le France. Sa superstructure est dominée par trois grandes cheminées rouges à manchons noirs. Seulement voilà. Un an après le début du chantier, la Première Guerre mondiale éclate et le chantier est interrompu, laissant la coque en construction dans sa cale de lancement. Deux années s'écoulent sans que rien ne change. Puis, il est décidé d'évacuer sa coque car on a besoin de toutes les cales nécessaires pour fabriquer des navires de guerre et entreposer du matériel pour l'armée américaine. La coque est donc mise à l'eau le 12 septembre 1916. Après l'avoir laissée sur la Loire, on la remorque à l'abri dans la baie de Quiberon. Deux années s'écoulent à nouveau jusqu'à la signature de l'armistice le 11 novembre 1918. Toutefois, les travaux ne reprennent pas immédiatement. Il faut attendre le 6 mars 1919 pour voir le chantier reprendre et il y a encore beaucoup à faire. C'est donc encore deux autres années qui s'écoulent et enfin, en 1921, Paris est prêt à commencer sa carrière. Il est alors à ce moment de l'histoire le plus grand navire français en service sur la ligne de New York et surtout le plus luxueux. Embarquons pour un petit tour à son bord. Madame, Messieurs, Bienvenue à bord. Nous entrons dans Paris depuis le Poncet, entre les deux dernières cheminées. Après avoir franchi le hall d'embarquement qui sert également de galerie d'art, où sont exposés des objets de bronze ou de verre d'artistes français, nous arrivons à la Grande Descente et tout de suite, le ton est donné. Nous sommes accueillis dans un hall majestueux, qui a tous les plus grands hôtels parisiens dans le pur style Art Nouveau. Face à nous, le sublime escalier principal à double évolution, réalisé par l'architecte Richard Bouvens van der Boijen. Ébénisterie, ferroinerie d'art et marbrerie s'allient ensemble pour charmer ses visiteurs. Avec ses rampes et balustrades richement ornées, une élégante coupole en fer forgé domine l'escalier et apporte une belle lumière tamisée. Cet escalier relie le rez-de-chaussée aux galeries supérieures qui continuent à l'étage avec des balcons en fer forgé représentant des algues entremêlées placées entre des gracieux piliers qui soutiennent les arcades finement décorées. Des fauteuils et des tables rondes sont disposés dans ce hall. Vous pouvez vous y arrêter pour y converser entre amis ou admirer la richesse de ce lieu. N'oublions pas que les traversées transatlantiques étaient un moment idéal pour y faire des connaissances et lier des amitiés. C'est ici également que vous trouverez le bureau de renseignement du navire, pour échanger votre monnaie, déposer des objets de valeur au coffre. C'est ici que tous les jours, sur une carte, vous pourrez constater l'avancée de Paris sur l'Atlantique et discuter de l'heure d'arrivée à New York. Empruntons ce bel escalier, montons d'un étage et parcourons cette belle galerie en nous dirigeant vers l'avant de Paris. Elle nous conduit tout droit au grand salon de conversation. Cette pièce est très jolie et c'est du jamais vu sur un paquebot transatlantique. Panneaux de bois d'amarante mauve aux murs s'opposent aux pilastres carrés habillés de marbre rose. Ici et là, des décorations représentant des oiseaux, des rameaux d'olivier. Un cadran créé par Lalique indique l'heure. Ici encore, c'est une très belle pièce. Les heures sont indiquées par des papillons au cristal. La pièce est éclairée par une coupole en fer forgé et des fenêtres de chaque côté mêlant verre et fer forgé. Le soir, des plafonniers et des appliques de verre incrustées dans les panneaux de bois éclairent le bois d'Amarante et font chatoyer la soie des rideaux. Dans le prolongement du salon de conversation sur Tribord, c'est le salon de lecture dont la décoration fut exécutée par la maison Nelson. Boiserie en platane, Ferron Riddar au plafond et au-dessus de la bibliothèque, une peinture décorative évoquant le printemps. C'est doux et paisible. Côté bas-bord, à l'opposé, à gauche pour ceux qui ne sont pas familiers du lexique maritime, c'est la salle de jeux des enfants, décorée en reprenant l'univers de Guignol où il donne d'ailleurs des représentations. Repartons vers l'arrière de Paris, après la dernière cheminée. C'est ici que se trouve le salon mixte, décoré dans un style qualifié de pompéien. 12 médaillons de terre cuite blanche décorent la pièce et représentent les 12 signes du Zodiac. Centre de la pièce, une cheminée de marbre vert autour de laquelle sont disposées des tables de jeu, des consoles, des fauteuils. On y trouve également un piano et des tables chinoises. Un grand miroir occupe le mur central de la pièce sous la coupole. On peut s'y admirer au milieu de la richesse de cette pièce et de son mobilier. Terminons de traverser cette pièce, une nouvelle galerie nous conduit à une autre majestueuse pièce de Paris. Le fumoir, s'élevant sur deux niveaux surmontés d'une coupole de verre et fer forgé. Au mur, des panneaux en bois de citronnier et des marqueteries aux éclats de nacre s'opposent et se reflètent. Un escalier à double évolution à la rampe de fer forgé permet de descendre d'un niveau. Dans son centre, on peut y admirer une toile de Auguste Leroux représentant les jardins du palais du Luxembourg. Oui, la pièce est vaste et majestueuse, mais un peu enfumée. Alors, remontons et sortons par l'arrière. Nous voici au Café Terrasse qui s'ouvre sur une grande terrasse qui laisse notre vue se perdre dans l'océan. Voilà le grand air, voilà le voyage, et notre point de départ est loin derrière. Allez, pressons le pas voulez-vous, je veux vous conduire à une autre sublime pièce de Paris. Vous le savez maintenant, les salles à manger sont toujours spectaculaires. Il faut en avoir pour son argent et la Transat sait nous mettre en appétit et nous rappeler que nous sommes dans le pays de la gastronomie et qu'il n'y a pas meilleur restaurant sur l'Atlantique qu'à bord des paquebots français. Nous voici donc revenus au grand escalier principal et nous le descendons jusqu'au pont D. Nous sommes accueillis dans un vestibule décoré de glace et de gravure représentant le vieux Paris. La salle à manger est ici encore surmontée d'un dôme lumineux, composé de vitraux en camailleux d'or, laissant descendre une lumière très chaleureuse sur la vaste pièce. Les panneaux de bois sont en citronnier avec des marques étrilles aux motifs représentant la vigne, le houblon et les fruits du verger. Des pilastres habillés de stucs et enchâssés de cornières en fer forgé soutiennent les galeries supérieures aux gardes-corps là aussi en fer forgé. On descend dans la partie inférieure de la salle à manger par un nouvel escalier à double rampe de fer forgé encore, dans laquelle vous pouvez vous admirer devant le grand miroir qui accompagne votre descente. Voyez comme votre silhouette épouse parfaitement la richesse de cette pièce. Oui, monsieur, oui, madame, vous êtes à votre place. En face de nous se dresse une peinture gigantesque de maître Albert Bénard, symbolisant la gloire de Paris, avec dans le ciel l'emblème de la ville, des figures telles que Lafayette arrivant aux Amériques, un poilu, etc. Ce sera d'ailleurs une des dernières œuvres aussi imposantes de l'artiste. Paris peut embarquer 563 passagers en première classe. Pour les loger, il y a trois types de cabines différentes réparties entre les ponts C et D. Les cabines standards de première classe, composées de 1, 2 ou même 3 lits véritables, avec une grande armoire pour y ranger ses affaires et ne pas les laisser dans la malle de voyage. Elles sont richement décorées par des artistes contemporains et réputés. Elles ont accès à l'eau courante, chaude et froide, mais les salles de bain et toilettes sont communes et accessibles en face de la porte des cabines dans la coursive. On y distingue bien sûr salle de bain pour les hommes et pour les femmes. Mais si c'est un appartement de luxe que vous avez, alors vous aurez une salle de bain et toilettes privée. C'est aussi le premier paquebot équipé de téléphones dans les cabines de l'Ousse. Ainsi, vous pouvez faire venir un steward dans la minute pour n'importe quelle demande. Paris dispose également d'un appartement dit de grand luxe, à l'image de ce que la Transat avait déjà réalisé sur France. Ils ont ici fait appel aux décorateurs de la maison Tardif. Ils se composent d'une chambre, une antichambre, quatre chambres à coucher, un salon, une salle à manger. On y trouve des panneaux d'érable incrustés de nacre, des lambris faits d'acajou, du chêne sculpté, encadré de fer, relevé à la feuille d'or. Je vous passe le mobilier tout aussi raffiné et confortable. Les cabines de première classe n'ont pas de hublot, mais des sabords carrés. Plus grands, ils laissent donc pénétrer plus de lumière. A ces passagers de première classe s'ajoutent 460 pouvant embarquer en seconde. Vous connaissez le refrain, le luxe y est moins opulent, mais le confort y est plus qu'acceptable. Ainsi, à l'arrière du poncé, vous trouverez côté bas-bord, à gauche, leur salon et sur tribord à droite, le fumoir. Les murs du salon sont en bois de frêne rosé, vernis, orné de baguettes damarantes, auxquelles sont fixées des appliques en bronze ciselées. Les fauteuils sont en bois de merisier et on y trouve aussi des grands fauteuils bergères disposés autour de petites tables. Le fumoir, lui, est en panneau de bouleau et platane vernis, idem pour son mobilier. Le bois blanc apportant un peu de luminosité et d'homogénéité à la pièce. Le sol est un damier noir et blanc. Leur salle à manger est située sur le pont E et les murs sont en panneau de chaîne. C'est à ce niveau que se trouvent également les cuisines, la boulangerie et la pâtisserie qui préparent les mets pour les premières et secondes classes. Les cabines des secondes classes sont toutes à l'arrière de Paris, réparties entre les ponts D, E et F. Leurs salles de bain et toilettes sont communes et accessibles au centre des coursives. Les lits sont des couchettes superposées et les cabines possèdent tout de même un lavabo de toilettes avec un petit miroir. Comme tout liner de cette grande époque, Paris possède une troisième classe, pourvue pour 1092 passagers, dont les cabines et les espaces sont situés à l'avant sur le pont F. Les cabines sont prévues pour 4 ou 6 personnes, avec bien sûr toilettes et salles de bain dans les coursives. Inutile donc de s'étendre sur la décoration. Elle est semblable à tout autre transatlantique, basique, simple, spartiate. Néanmoins, Paris possède une particularité. On y distingue une autre classe, celle des migrants. Il peut effectivement embarquer 1118 migrants répartis dans les entreponts à la Proue de Paris. Ils embarquent d'ailleurs à bord entre les deux panneaux de calavant. Leur gigantesque dortoir, prévu pour environ 200 couchettes, s'étend de la proue du pont F au pont G et H. C'est un paquebot impressionnant. Une véritable ville flottante embarquant toute catégorie sociale à l'image de notre capitale. Je ne peux pas m'étendre à tout décrire dans les moindres détails, mais sachez tout de même que Paris dispose aussi d'une chapelle, dans laquelle on peut assister à la messe, ou même qu'il a lui aussi des magasins, des coiffeurs pour femmes et hommes, en première et en seconde classe, et j'en passe. Évidemment, entre les plans de base de 1913 et la reprise du chantier en 19, des modifications ont eu lieu. Entre autres, ce sera le premier paquebot de la Transat équipé dès le début de sa carrière de chaudières fonctionnant au fioul. Il fallut alors modifier les soutes prévues à la base pour recevoir du charbon, afin d'y faire tenir les réservoirs de carburant. Cette modification permet non seulement à Paris de naviguer à une vitesse constante, mais également d'embarquer moins de soutiers. La situation économique d'après-guerre est telle que cette fois, la French Line ne cherche plus du tout à ravir le ruban bleu. La course bien trop chère en carburant, en développement et pièces mécaniques. D'autant que terminer Paris avec les prix d'après-guerre leur coûtera extrêmement cher. Paris ne sera pas le plus rapide, loin de là. Il atteindra la vitesse de 23 nœuds, là où le France en 1912 atteignait les 25. Par contre, il peut se vanter à son lancement d'être le plus grand navire français construit en France, et pour l'heure, le plus luxueux, avec la participation des artistes renommés que nous avons passés en revue pendant notre visite. Du 11 au 13 juin 1921, après avoir terminé tous ses essais, la compagnie générale transatlantique a organisé trois jours de fête autour du Paris, afin d'y organiser des visites de ces espaces et permettre à leurs invités de s'extasier du luxe et du soin de sa décoration. La presse est évidemment des festivités et ne tarie pas d'éloges au sujet de Paris. Symbole de la renaissance de la France à sa sortie de la Grande Guerre, la France revient en grande pompe et montre qu'elle sait toujours y faire en matière d'industrie, de bon goût et de luxe. C'est donc le 15 juin que Paris quitte les quais du Havre en direction de New York, avec à son bord, entre autres, le maréchal Foch. Sa carrière est lancée. C'est un paquebot fiable qui, malgré sa faible vitesse, bénéficie d'une bonne réputation et attire la clientèle américaine qui raffole de la cuisine et du savoir-vivre à la française. Et oui ! N'oublions pas que les transatlantiques français embarquent à bord toute la gastronomie de notre pays et qu'à table, on retrouve nos meilleurs plats et nos meilleurs vins. C'est aussi en cela que les Américains apprécient les paquebots français. Ils savent qu'à bord, ils pourront boire le sang de la terre et tout autre spiritueux interdit à bord des navires américains en ces temps de prohibition. France avait pour surnom le Versailles de l'Atlantique. Paris se verra attribuer le sobriquet d'aristocrate de l'Atlantique. La légende disait même que Paris était constamment suivi par les mouettes qui attendaient que les restes de nourriture soient jetés par-dessus bord tellement la cuisine y était exceptionnelle. L'aristocrate peut se vanter d'embarquer à son bord des stars américaines telles que Gloria Swanson ou le violoniste Fritz Kressler, et même quelques vedettes françaises comme Maurice Chevalier. Il bénéficie lui aussi des belles années folles d'après-guerre qui fut la plus faste pour les compagnies transatlantiques. Néanmoins, le durcissement des lois et des quotas d'émigration font que le Paris est rarement plein. La vie d'un navire transatlantique n'est pas de tout repos et est parfois semée d'embûches. L'océan, si vaste soit-il, reste imprévisible et certaines routes sont fortement encombrées par le trafic, comme nous l'avons déjà vu, surtout lorsqu'on s'approche des ports. Paris va alors rencontrer une succession d'accidents qui commence dès l'année 1927. Le premier de cette série se déroule le 16 octobre 27. Paris vient d'Appareiller du port de New York. Appareiller signifie quitter le port, lever l'encre dans le lexique maritime. Sur son chemin, le cargo norvégien Bessegen est au mouillage, moteur arrêté, encre jetée, ses cales pleines de sucre en provenance de La Havane. Il attend de pouvoir entrer dans le port pour décharger sa marchandise. Les officiers de Paris ne semblent pas avoir intégré cette information et mettent du temps à réaliser qu'ils vont droit à la collision. C'est donc tardivement qu'ils ordonnent de stopper les machines et mettre marche arrière toute pour ralentir le paquebot de 36 695 tonnes de déplacement. L'inévitable se produit donc. Paris éprouve violemment le Besseguen qui coule en moins de 10 minutes causant la mort de 6 membres d'équipage. Les survivants sont montés à bord de Paris et des ferries présentes dans le port de New York arrivaient rapidement sur place. Le mauvais sort le poursuit et c'est le 7 avril 1929 qu'il s'échoue sur un banc de sable en quittant New York suite à une erreur de navigation. Il faudra 36 heures afin qu'il puisse être sorti de là, heureusement sans dégâts. 11 jours plus tard, Paris s'échoue à nouveau sur les rochers d'Ediston Rocks au large de Plymouth. Cette fois, il ne faudra qu'environ 2 heures pour le remettre à flot. Aucune voie d'eau n'est détectée, mais ses passagers sont quand même déposés à Plymouth et le Paris part en réparation. La série noire ne s'arrête pas là, oh que non ! Le 20 août 1929, alors que Paris est à quai au Havre, un incendie se déclenche à bord et ravage une grande partie des espaces communs. Le salon mixte et le fumoir des premières sont complètement détruits. Tout le reste est entièrement noirci par la suie qui s'est infiltrée absolument partout. Et pour couronner le tout, les litres d'eau déversés dans Paris l'ont partiellement fait crûler. Paris reste toutefois sauvable et ce sera l'occasion de prévoir une grande refonte du paquebot. Île-de-France est entrée en service depuis deux ans et il est maintenant le fer de lance de la Transat. La crise économique de 1929 a drastiquement fait blesser les réservations sur Paris. La refonte permettra de réduire les espaces des migrants et de revoir ceux destinés à la troisième classe. Également de moderniser les équipements en première tout en y ajoutant quelques cabines. Ainsi, le nouveau salon mixte des premières se verra équipé, et c'est une première sur un liner, d'une piste de danse. Qui plus est, le sol est en vert et sera rétro-éclairé. Imaginez-vous, nous sommes à l'aube des années 30 quand même. Les pièces refaites le seront dans le style art déco, totalement dans l'air du temps et dans le prolongement de ce qu'on vient de faire sur Île-de-France. Certaines cabines se voient également agrandies et restylisées. Certaines profitent alors de l'ajout d'une véranda privée. Les travaux s'étendront sur plus de 5 mois. A sa remise en service, c'est un Paris flambant neuf qui repart effectuer ses rotations. Toutefois, le début des années 30 est aussi le début de la popularité des croisières. Paris sera donc envoyé en Méditerranée, les Bermudes ou vers les pays nordiques. Les croisières sont un bon moyen de rentabiliser les liners en cette période de trouble et de diminution des réservations sur la ligne de l'Atlantique Nord. Les croisières s'effectuent à un rythme tranquille. On ne file pas à pleine vapeur, on ne cherche pas à pousser les machines, non. Il faut profiter des paysages qu'on longe, se laisser glisser lentement sur les flots calmes. Ainsi, la consommation de combustible est diminuée et les frais d'exploitation des navires aussi, tandis que la demande augmente. Paris sillonne les flots du début des années 30 et il est probable que cet incendie ait prolongé sa carrière là où s'arrêtera celle de France. Normandie entre en service et tous les autres liners sur l'Atlantique ressemblent à présent à des pièces de musée en dehors de Île-de-France, Bremen ou Europa. Il faut prendre un moment tout de même pour considérer la carrière de Paris avec un peu de recul. Bien que symbolisant le retour, la renaissance de la France d'après-guerre, Paris, pourtant plus grand et avec un luxe plus moderne, restera toujours dans l'ombre de France. Lorsque la décoration trop chargée de France commencera à faire diminuer ses réservations, ce sera le moment de gloire d'Île-de-France. Puis arrivera le chef-d'œuvre monumental Normandie. Toutefois, il y a une volonté de conserver Paris. On parle alors de le réserver exclusivement à un usage de croisière. Mais l'infortune le poursuivra à nouveau. Notre histoire arrive en date du 18 avril 1939. La seconde guerre mondiale pointe le bout de son nez. Dans le port du Havre, Paris est en train d'être chargé. Demain, il apparaîra en direction de New York en emportant d'un sécal des caisses d'œuvres d'art destinées à l'exposition internationale devant se dérouler à New York. S'y trouvent donc des œuvres prêtées par le musée du Louvre, la bibliothèque nationale et d'autres provenant de collections privées, ainsi qu'une importante collection de bijoux. Il y a également 10 caisses contenant des avions américains qui n'ont pas encore été déchargés de son précédent voyage. La journée se termine. Le personnel de bord quitte le paquebot qu'ils sont en train de préparer. La nuit tombe sur le Havre, ses caisses vides. A bord de Paris, un ingéant de la sécurité fait sa ronde. Arrivé sur le pont E, il est alerté par de la fumée sortant de sous les portes de la boulangerie. Il donne l'alerte, mais il est impossible d'ouvrir la porte. Elle est finalement enfoncée et on constate que l'incendie ravage déjà toute la boulangerie, la pâtisserie et la cuisine. L'alerte est donnée et toutes les pompes de la ville sont acheminées vers les quais où est amarré Paris. Commence alors à nouveau une longue nuit durant laquelle des litres et des litres d'eau sont déversés sur Paris, descendant le long de ces petits ponts, remplissant le fond de sa coque. Pendant ce temps, on s'attèle à faire venir le personnel de la Transat et les grutiers, les charges à la hâte, les caisses d'avion et les caisses d'œuvres d'art. Au cours de ces opérations, le chef de sécurité de Paris chute depuis le pont jusqu'au fond de la cale. Le pauvre homme meurt sur le coup. Luttant contre l'incendie qui dévore Paris, un pompier est grièvement blessé. Il est évacué vers l'hôpital dans un état critique, mais survivra à ses blessures. Dans le ciel du Havre, s'envolent les cendres de Paris. Dans la cale numéro 7, juste à côté, se trouve Normandie dont on termine l'entretien. On demande alors que la sécurité soit renforcée, de peur que l'incendie ne se propage. Il faut croire qu'au moment où Paris se meurt, la fumée de son sortilège vient hanter Normandie puisqu'il connaîtra exactement le même sort trois ans plus tard. Le 19 avril, à l'aube, l'incendie semble être maîtrisé et on en vient à bout tandis que les caisses de marchandises continuent d'être déchargées. La nuit a été très, très longue et éprouvante. Toute la ville fut tenue éveillée par les allées et venues des pompiers et tout se scrutait le ciel dans lequel s'élevait la fumée qui enveloppait le port d'un brouillard nauséabond. Puis, tout est allé très vite. Peu avant 9h, Paris gîte soudainement, donnant une inclinaison de 30 degrés. On prévient tout le monde d'évacuer et de se reculer. Paris risque de se coucher à tout instant. Les grutiers quittent leur poste, les pompiers s'éloignent, les bateaux-pompes s'écartent de la coque et à 9h15, le géant Paris s'allonge sur son flambant bord, enveloppé de son linceul de fumée blanche s'échappant de ses sabins. C'en est terminé pour lui. Adieu Paris. Que s'est-il donc passé pour qu'un nouvel incendie se déclare à bord ? Depuis quelques jours déjà, on craignait un attentat allemand. Ils auraient effectivement pu saboter un navire français. Mais la sécurité avait été renforcée et un objet incendiaire aurait été remarqué par les boulangers. Au cours de l'enquête, ils reconnaissent avoir laissé un four allumé après leur départ. Un fourneau à charbon qu'ils avaient utilisé pour confectionner des gâteaux pour le départ du paquebot. Néanmoins, il est peu probable que ce soit là la cause de l'incendie. On attribue finalement à un court-circuit. Dans les heures qui suivirent l'incendie, on s'inquiétait de savoir si toutes les caisses d'œuvres d'art avaient pu être sauvées, de même que les bijoux, les caisses d'avions et d'importantes quantités d'or qui devaient être acheminées à New York. Assez vite, on confirma que les avions étaient indemnes, que l'or n'avait pas encore été déposé au coffre et que les bijoux avaient eux aussi été évacués à temps ainsi qu'une partie des caisses de tableaux. Celles du Louvre et de la Bibliothèque Nationale sont sauves, à l'exception de deux bustes prêtées par le Louvre. On déplore la perte de quelques œuvres venant de collections privées et on pense qu'une caisse contenant des médailles est immergée elle aussi dans l'une des cales. Les œuvres sauvées sont transférées et chargées à bord de Champlain qui partira pour New York le 20 avril. Un autre problème vient vite se poser avec l'épave encombrante de Paris. Il empêche à présent la sortie de Normandie. Afin qu'il puisse être sorti de la cale numéro 7, Les mâts de Paris vont devoir être sciés, ainsi que ses cheminées. Normandie pourra donc appareiller du Havre le 26 avril, comme prévu. La masse inerte de Paris demeure dans le port sous le regard triste des badauds qui contemplent le symbole calciné des belles années folles, à présent bien terminées. La guerre éclate à la fin de l'été 39, sans que rien n'ait bougé pour Paris. Et ce géant couché fera désormais partie du sinistre paysage de l'occupation. A la fin de la guerre, le Havre est un champ de ruines, son port aussi. Le Paris colle plutôt bien dans ce décor apocalyptique et si vous pensiez que ça ne pouvait pas être pire, détrompez-vous. La France vient de récupérer le repas, fleuron de la marine allemande que les Américains ont donné en compensation de la perte de Normandie. Maigre consolation, dirons-nous. Le repas, qui deviendra liberté, est amarré au port du Havre. Le 8 décembre 1946, une violente tempête ravage les côtes françaises. Les amarres de repas rompent. À la dérive, il vient percuter la coque de Paris ouvrant une brèche et le faisant couler par faible fond juste à côté. accentuant le tableau de désolation et accablant un peu plus la Transat qui doit à présent procéder au renflouement coûteux du transatlantique. La mélédiction de Paris a frappé pour la dernière fois. Europe 1 sera remis à flot en 1947 et cette même année, on commencera le démantèlement de l'épave de Paris. Enfin. Ainsi disparu de notre vue Paris et petit à petit de notre mémoire. Qu'en reste-t-il aujourd'hui ? Probablement pas grand-chose, en dehors des photographies, des cartes postales, des menus de repas servis à son bord et des articles de presse vantant le luxe et la richesse du transatlantique qui se voulaient à l'image de la ville dont il porte le nom. Somptueux, monumental, riche en histoire et dans l'air du temps. Mon récit est à présent terminé. Si celui-ci vous a plu, que vous avez des remarques ou des commentaires, ou toute autre information à me faire passer, vous pouvez bien sûr m'écrire à lesimtiardelocéan.com. Je répondrai à votre mail avec plaisir. Vous pouvez également rejoindre mes pages Facebook et Instagram, j'y poste des photos pour illustrer mes récits. Je vous dis donc à bientôt, j'espère, pour un autre récit de naufrage, ou bien un récit sur un transatlantique.

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Description

En 1921, "PARIS", le nouveau transatlantique de la French Line arrive enfin sur la prestigieuse ligne de New York.

Ce sublime paquebot qui se voulait le nouveau fer de lance français est aujourd'hui largement oublié, disparu dans la fumée de son incendie.

Redécouvrez avec moi le grand luxe de PARIS et sa terrible malédiction.


Illustration:


Sons: 


Musiques:

  • Ragtime piano St Louis tickle - Barney Seymore (Pixabay)

  • Suite Bergamasque - Debussy (pixabay)

  • Ragtime piano reflection rag - Scott Joplin (Pixabay)

  • Mourning Dove - Zachariah Hickman

  • Sad piano one - Oleksii Kalyna (Pixabay)



Hébergé par Ausha. Visitez ausha.co/politique-de-confidentialite pour plus d'informations.

Transcription

  • Speaker #0

    Paris, capitale française, ville-lumière à la richesse historique interminable qui, cette année, accueille avec fierté les Géodétés. L'occasion est donc parfaite pour vous parler d'un autre paquebot français, malheureusement injustement oublié lui aussi. Vous connaissez maintenant mon amour pour ces paquebots délaissés. Aujourd'hui, on va sortir des oubliettes celui qui portait donc le nom de Paris. A ne pas confondre avec le City of Paris de la compagnie anglaise Inman Line. Non, notre Paris est bien un transatlantique français mis en service par la French Line. A l'été 1913, la Transat signe une nouvelle convention postale qui l'oblige à construire trois nouveaux liners avant 1932, pouvant donc acheminer le courrier. Le premier des transatlantiques sera donc Paris, dont la commande est faite dans la foulée au chantier de Penouette à Saint-Nazaire. Paris aura une architecture extérieure semblable à celle de France mise en service un an plus tôt, mais dont les proportions sont beaucoup plus imposantes. Ainsi, Paris fera 234 mètres de long et 26 de large pour 10 ponts et 34 569 tonneaux, soit 10 mètres de plus que le France. Sa superstructure est dominée par trois grandes cheminées rouges à manchons noirs. Seulement voilà. Un an après le début du chantier, la Première Guerre mondiale éclate et le chantier est interrompu, laissant la coque en construction dans sa cale de lancement. Deux années s'écoulent sans que rien ne change. Puis, il est décidé d'évacuer sa coque car on a besoin de toutes les cales nécessaires pour fabriquer des navires de guerre et entreposer du matériel pour l'armée américaine. La coque est donc mise à l'eau le 12 septembre 1916. Après l'avoir laissée sur la Loire, on la remorque à l'abri dans la baie de Quiberon. Deux années s'écoulent à nouveau jusqu'à la signature de l'armistice le 11 novembre 1918. Toutefois, les travaux ne reprennent pas immédiatement. Il faut attendre le 6 mars 1919 pour voir le chantier reprendre et il y a encore beaucoup à faire. C'est donc encore deux autres années qui s'écoulent et enfin, en 1921, Paris est prêt à commencer sa carrière. Il est alors à ce moment de l'histoire le plus grand navire français en service sur la ligne de New York et surtout le plus luxueux. Embarquons pour un petit tour à son bord. Madame, Messieurs, Bienvenue à bord. Nous entrons dans Paris depuis le Poncet, entre les deux dernières cheminées. Après avoir franchi le hall d'embarquement qui sert également de galerie d'art, où sont exposés des objets de bronze ou de verre d'artistes français, nous arrivons à la Grande Descente et tout de suite, le ton est donné. Nous sommes accueillis dans un hall majestueux, qui a tous les plus grands hôtels parisiens dans le pur style Art Nouveau. Face à nous, le sublime escalier principal à double évolution, réalisé par l'architecte Richard Bouvens van der Boijen. Ébénisterie, ferroinerie d'art et marbrerie s'allient ensemble pour charmer ses visiteurs. Avec ses rampes et balustrades richement ornées, une élégante coupole en fer forgé domine l'escalier et apporte une belle lumière tamisée. Cet escalier relie le rez-de-chaussée aux galeries supérieures qui continuent à l'étage avec des balcons en fer forgé représentant des algues entremêlées placées entre des gracieux piliers qui soutiennent les arcades finement décorées. Des fauteuils et des tables rondes sont disposés dans ce hall. Vous pouvez vous y arrêter pour y converser entre amis ou admirer la richesse de ce lieu. N'oublions pas que les traversées transatlantiques étaient un moment idéal pour y faire des connaissances et lier des amitiés. C'est ici également que vous trouverez le bureau de renseignement du navire, pour échanger votre monnaie, déposer des objets de valeur au coffre. C'est ici que tous les jours, sur une carte, vous pourrez constater l'avancée de Paris sur l'Atlantique et discuter de l'heure d'arrivée à New York. Empruntons ce bel escalier, montons d'un étage et parcourons cette belle galerie en nous dirigeant vers l'avant de Paris. Elle nous conduit tout droit au grand salon de conversation. Cette pièce est très jolie et c'est du jamais vu sur un paquebot transatlantique. Panneaux de bois d'amarante mauve aux murs s'opposent aux pilastres carrés habillés de marbre rose. Ici et là, des décorations représentant des oiseaux, des rameaux d'olivier. Un cadran créé par Lalique indique l'heure. Ici encore, c'est une très belle pièce. Les heures sont indiquées par des papillons au cristal. La pièce est éclairée par une coupole en fer forgé et des fenêtres de chaque côté mêlant verre et fer forgé. Le soir, des plafonniers et des appliques de verre incrustées dans les panneaux de bois éclairent le bois d'Amarante et font chatoyer la soie des rideaux. Dans le prolongement du salon de conversation sur Tribord, c'est le salon de lecture dont la décoration fut exécutée par la maison Nelson. Boiserie en platane, Ferron Riddar au plafond et au-dessus de la bibliothèque, une peinture décorative évoquant le printemps. C'est doux et paisible. Côté bas-bord, à l'opposé, à gauche pour ceux qui ne sont pas familiers du lexique maritime, c'est la salle de jeux des enfants, décorée en reprenant l'univers de Guignol où il donne d'ailleurs des représentations. Repartons vers l'arrière de Paris, après la dernière cheminée. C'est ici que se trouve le salon mixte, décoré dans un style qualifié de pompéien. 12 médaillons de terre cuite blanche décorent la pièce et représentent les 12 signes du Zodiac. Centre de la pièce, une cheminée de marbre vert autour de laquelle sont disposées des tables de jeu, des consoles, des fauteuils. On y trouve également un piano et des tables chinoises. Un grand miroir occupe le mur central de la pièce sous la coupole. On peut s'y admirer au milieu de la richesse de cette pièce et de son mobilier. Terminons de traverser cette pièce, une nouvelle galerie nous conduit à une autre majestueuse pièce de Paris. Le fumoir, s'élevant sur deux niveaux surmontés d'une coupole de verre et fer forgé. Au mur, des panneaux en bois de citronnier et des marqueteries aux éclats de nacre s'opposent et se reflètent. Un escalier à double évolution à la rampe de fer forgé permet de descendre d'un niveau. Dans son centre, on peut y admirer une toile de Auguste Leroux représentant les jardins du palais du Luxembourg. Oui, la pièce est vaste et majestueuse, mais un peu enfumée. Alors, remontons et sortons par l'arrière. Nous voici au Café Terrasse qui s'ouvre sur une grande terrasse qui laisse notre vue se perdre dans l'océan. Voilà le grand air, voilà le voyage, et notre point de départ est loin derrière. Allez, pressons le pas voulez-vous, je veux vous conduire à une autre sublime pièce de Paris. Vous le savez maintenant, les salles à manger sont toujours spectaculaires. Il faut en avoir pour son argent et la Transat sait nous mettre en appétit et nous rappeler que nous sommes dans le pays de la gastronomie et qu'il n'y a pas meilleur restaurant sur l'Atlantique qu'à bord des paquebots français. Nous voici donc revenus au grand escalier principal et nous le descendons jusqu'au pont D. Nous sommes accueillis dans un vestibule décoré de glace et de gravure représentant le vieux Paris. La salle à manger est ici encore surmontée d'un dôme lumineux, composé de vitraux en camailleux d'or, laissant descendre une lumière très chaleureuse sur la vaste pièce. Les panneaux de bois sont en citronnier avec des marques étrilles aux motifs représentant la vigne, le houblon et les fruits du verger. Des pilastres habillés de stucs et enchâssés de cornières en fer forgé soutiennent les galeries supérieures aux gardes-corps là aussi en fer forgé. On descend dans la partie inférieure de la salle à manger par un nouvel escalier à double rampe de fer forgé encore, dans laquelle vous pouvez vous admirer devant le grand miroir qui accompagne votre descente. Voyez comme votre silhouette épouse parfaitement la richesse de cette pièce. Oui, monsieur, oui, madame, vous êtes à votre place. En face de nous se dresse une peinture gigantesque de maître Albert Bénard, symbolisant la gloire de Paris, avec dans le ciel l'emblème de la ville, des figures telles que Lafayette arrivant aux Amériques, un poilu, etc. Ce sera d'ailleurs une des dernières œuvres aussi imposantes de l'artiste. Paris peut embarquer 563 passagers en première classe. Pour les loger, il y a trois types de cabines différentes réparties entre les ponts C et D. Les cabines standards de première classe, composées de 1, 2 ou même 3 lits véritables, avec une grande armoire pour y ranger ses affaires et ne pas les laisser dans la malle de voyage. Elles sont richement décorées par des artistes contemporains et réputés. Elles ont accès à l'eau courante, chaude et froide, mais les salles de bain et toilettes sont communes et accessibles en face de la porte des cabines dans la coursive. On y distingue bien sûr salle de bain pour les hommes et pour les femmes. Mais si c'est un appartement de luxe que vous avez, alors vous aurez une salle de bain et toilettes privée. C'est aussi le premier paquebot équipé de téléphones dans les cabines de l'Ousse. Ainsi, vous pouvez faire venir un steward dans la minute pour n'importe quelle demande. Paris dispose également d'un appartement dit de grand luxe, à l'image de ce que la Transat avait déjà réalisé sur France. Ils ont ici fait appel aux décorateurs de la maison Tardif. Ils se composent d'une chambre, une antichambre, quatre chambres à coucher, un salon, une salle à manger. On y trouve des panneaux d'érable incrustés de nacre, des lambris faits d'acajou, du chêne sculpté, encadré de fer, relevé à la feuille d'or. Je vous passe le mobilier tout aussi raffiné et confortable. Les cabines de première classe n'ont pas de hublot, mais des sabords carrés. Plus grands, ils laissent donc pénétrer plus de lumière. A ces passagers de première classe s'ajoutent 460 pouvant embarquer en seconde. Vous connaissez le refrain, le luxe y est moins opulent, mais le confort y est plus qu'acceptable. Ainsi, à l'arrière du poncé, vous trouverez côté bas-bord, à gauche, leur salon et sur tribord à droite, le fumoir. Les murs du salon sont en bois de frêne rosé, vernis, orné de baguettes damarantes, auxquelles sont fixées des appliques en bronze ciselées. Les fauteuils sont en bois de merisier et on y trouve aussi des grands fauteuils bergères disposés autour de petites tables. Le fumoir, lui, est en panneau de bouleau et platane vernis, idem pour son mobilier. Le bois blanc apportant un peu de luminosité et d'homogénéité à la pièce. Le sol est un damier noir et blanc. Leur salle à manger est située sur le pont E et les murs sont en panneau de chaîne. C'est à ce niveau que se trouvent également les cuisines, la boulangerie et la pâtisserie qui préparent les mets pour les premières et secondes classes. Les cabines des secondes classes sont toutes à l'arrière de Paris, réparties entre les ponts D, E et F. Leurs salles de bain et toilettes sont communes et accessibles au centre des coursives. Les lits sont des couchettes superposées et les cabines possèdent tout de même un lavabo de toilettes avec un petit miroir. Comme tout liner de cette grande époque, Paris possède une troisième classe, pourvue pour 1092 passagers, dont les cabines et les espaces sont situés à l'avant sur le pont F. Les cabines sont prévues pour 4 ou 6 personnes, avec bien sûr toilettes et salles de bain dans les coursives. Inutile donc de s'étendre sur la décoration. Elle est semblable à tout autre transatlantique, basique, simple, spartiate. Néanmoins, Paris possède une particularité. On y distingue une autre classe, celle des migrants. Il peut effectivement embarquer 1118 migrants répartis dans les entreponts à la Proue de Paris. Ils embarquent d'ailleurs à bord entre les deux panneaux de calavant. Leur gigantesque dortoir, prévu pour environ 200 couchettes, s'étend de la proue du pont F au pont G et H. C'est un paquebot impressionnant. Une véritable ville flottante embarquant toute catégorie sociale à l'image de notre capitale. Je ne peux pas m'étendre à tout décrire dans les moindres détails, mais sachez tout de même que Paris dispose aussi d'une chapelle, dans laquelle on peut assister à la messe, ou même qu'il a lui aussi des magasins, des coiffeurs pour femmes et hommes, en première et en seconde classe, et j'en passe. Évidemment, entre les plans de base de 1913 et la reprise du chantier en 19, des modifications ont eu lieu. Entre autres, ce sera le premier paquebot de la Transat équipé dès le début de sa carrière de chaudières fonctionnant au fioul. Il fallut alors modifier les soutes prévues à la base pour recevoir du charbon, afin d'y faire tenir les réservoirs de carburant. Cette modification permet non seulement à Paris de naviguer à une vitesse constante, mais également d'embarquer moins de soutiers. La situation économique d'après-guerre est telle que cette fois, la French Line ne cherche plus du tout à ravir le ruban bleu. La course bien trop chère en carburant, en développement et pièces mécaniques. D'autant que terminer Paris avec les prix d'après-guerre leur coûtera extrêmement cher. Paris ne sera pas le plus rapide, loin de là. Il atteindra la vitesse de 23 nœuds, là où le France en 1912 atteignait les 25. Par contre, il peut se vanter à son lancement d'être le plus grand navire français construit en France, et pour l'heure, le plus luxueux, avec la participation des artistes renommés que nous avons passés en revue pendant notre visite. Du 11 au 13 juin 1921, après avoir terminé tous ses essais, la compagnie générale transatlantique a organisé trois jours de fête autour du Paris, afin d'y organiser des visites de ces espaces et permettre à leurs invités de s'extasier du luxe et du soin de sa décoration. La presse est évidemment des festivités et ne tarie pas d'éloges au sujet de Paris. Symbole de la renaissance de la France à sa sortie de la Grande Guerre, la France revient en grande pompe et montre qu'elle sait toujours y faire en matière d'industrie, de bon goût et de luxe. C'est donc le 15 juin que Paris quitte les quais du Havre en direction de New York, avec à son bord, entre autres, le maréchal Foch. Sa carrière est lancée. C'est un paquebot fiable qui, malgré sa faible vitesse, bénéficie d'une bonne réputation et attire la clientèle américaine qui raffole de la cuisine et du savoir-vivre à la française. Et oui ! N'oublions pas que les transatlantiques français embarquent à bord toute la gastronomie de notre pays et qu'à table, on retrouve nos meilleurs plats et nos meilleurs vins. C'est aussi en cela que les Américains apprécient les paquebots français. Ils savent qu'à bord, ils pourront boire le sang de la terre et tout autre spiritueux interdit à bord des navires américains en ces temps de prohibition. France avait pour surnom le Versailles de l'Atlantique. Paris se verra attribuer le sobriquet d'aristocrate de l'Atlantique. La légende disait même que Paris était constamment suivi par les mouettes qui attendaient que les restes de nourriture soient jetés par-dessus bord tellement la cuisine y était exceptionnelle. L'aristocrate peut se vanter d'embarquer à son bord des stars américaines telles que Gloria Swanson ou le violoniste Fritz Kressler, et même quelques vedettes françaises comme Maurice Chevalier. Il bénéficie lui aussi des belles années folles d'après-guerre qui fut la plus faste pour les compagnies transatlantiques. Néanmoins, le durcissement des lois et des quotas d'émigration font que le Paris est rarement plein. La vie d'un navire transatlantique n'est pas de tout repos et est parfois semée d'embûches. L'océan, si vaste soit-il, reste imprévisible et certaines routes sont fortement encombrées par le trafic, comme nous l'avons déjà vu, surtout lorsqu'on s'approche des ports. Paris va alors rencontrer une succession d'accidents qui commence dès l'année 1927. Le premier de cette série se déroule le 16 octobre 27. Paris vient d'Appareiller du port de New York. Appareiller signifie quitter le port, lever l'encre dans le lexique maritime. Sur son chemin, le cargo norvégien Bessegen est au mouillage, moteur arrêté, encre jetée, ses cales pleines de sucre en provenance de La Havane. Il attend de pouvoir entrer dans le port pour décharger sa marchandise. Les officiers de Paris ne semblent pas avoir intégré cette information et mettent du temps à réaliser qu'ils vont droit à la collision. C'est donc tardivement qu'ils ordonnent de stopper les machines et mettre marche arrière toute pour ralentir le paquebot de 36 695 tonnes de déplacement. L'inévitable se produit donc. Paris éprouve violemment le Besseguen qui coule en moins de 10 minutes causant la mort de 6 membres d'équipage. Les survivants sont montés à bord de Paris et des ferries présentes dans le port de New York arrivaient rapidement sur place. Le mauvais sort le poursuit et c'est le 7 avril 1929 qu'il s'échoue sur un banc de sable en quittant New York suite à une erreur de navigation. Il faudra 36 heures afin qu'il puisse être sorti de là, heureusement sans dégâts. 11 jours plus tard, Paris s'échoue à nouveau sur les rochers d'Ediston Rocks au large de Plymouth. Cette fois, il ne faudra qu'environ 2 heures pour le remettre à flot. Aucune voie d'eau n'est détectée, mais ses passagers sont quand même déposés à Plymouth et le Paris part en réparation. La série noire ne s'arrête pas là, oh que non ! Le 20 août 1929, alors que Paris est à quai au Havre, un incendie se déclenche à bord et ravage une grande partie des espaces communs. Le salon mixte et le fumoir des premières sont complètement détruits. Tout le reste est entièrement noirci par la suie qui s'est infiltrée absolument partout. Et pour couronner le tout, les litres d'eau déversés dans Paris l'ont partiellement fait crûler. Paris reste toutefois sauvable et ce sera l'occasion de prévoir une grande refonte du paquebot. Île-de-France est entrée en service depuis deux ans et il est maintenant le fer de lance de la Transat. La crise économique de 1929 a drastiquement fait blesser les réservations sur Paris. La refonte permettra de réduire les espaces des migrants et de revoir ceux destinés à la troisième classe. Également de moderniser les équipements en première tout en y ajoutant quelques cabines. Ainsi, le nouveau salon mixte des premières se verra équipé, et c'est une première sur un liner, d'une piste de danse. Qui plus est, le sol est en vert et sera rétro-éclairé. Imaginez-vous, nous sommes à l'aube des années 30 quand même. Les pièces refaites le seront dans le style art déco, totalement dans l'air du temps et dans le prolongement de ce qu'on vient de faire sur Île-de-France. Certaines cabines se voient également agrandies et restylisées. Certaines profitent alors de l'ajout d'une véranda privée. Les travaux s'étendront sur plus de 5 mois. A sa remise en service, c'est un Paris flambant neuf qui repart effectuer ses rotations. Toutefois, le début des années 30 est aussi le début de la popularité des croisières. Paris sera donc envoyé en Méditerranée, les Bermudes ou vers les pays nordiques. Les croisières sont un bon moyen de rentabiliser les liners en cette période de trouble et de diminution des réservations sur la ligne de l'Atlantique Nord. Les croisières s'effectuent à un rythme tranquille. On ne file pas à pleine vapeur, on ne cherche pas à pousser les machines, non. Il faut profiter des paysages qu'on longe, se laisser glisser lentement sur les flots calmes. Ainsi, la consommation de combustible est diminuée et les frais d'exploitation des navires aussi, tandis que la demande augmente. Paris sillonne les flots du début des années 30 et il est probable que cet incendie ait prolongé sa carrière là où s'arrêtera celle de France. Normandie entre en service et tous les autres liners sur l'Atlantique ressemblent à présent à des pièces de musée en dehors de Île-de-France, Bremen ou Europa. Il faut prendre un moment tout de même pour considérer la carrière de Paris avec un peu de recul. Bien que symbolisant le retour, la renaissance de la France d'après-guerre, Paris, pourtant plus grand et avec un luxe plus moderne, restera toujours dans l'ombre de France. Lorsque la décoration trop chargée de France commencera à faire diminuer ses réservations, ce sera le moment de gloire d'Île-de-France. Puis arrivera le chef-d'œuvre monumental Normandie. Toutefois, il y a une volonté de conserver Paris. On parle alors de le réserver exclusivement à un usage de croisière. Mais l'infortune le poursuivra à nouveau. Notre histoire arrive en date du 18 avril 1939. La seconde guerre mondiale pointe le bout de son nez. Dans le port du Havre, Paris est en train d'être chargé. Demain, il apparaîra en direction de New York en emportant d'un sécal des caisses d'œuvres d'art destinées à l'exposition internationale devant se dérouler à New York. S'y trouvent donc des œuvres prêtées par le musée du Louvre, la bibliothèque nationale et d'autres provenant de collections privées, ainsi qu'une importante collection de bijoux. Il y a également 10 caisses contenant des avions américains qui n'ont pas encore été déchargés de son précédent voyage. La journée se termine. Le personnel de bord quitte le paquebot qu'ils sont en train de préparer. La nuit tombe sur le Havre, ses caisses vides. A bord de Paris, un ingéant de la sécurité fait sa ronde. Arrivé sur le pont E, il est alerté par de la fumée sortant de sous les portes de la boulangerie. Il donne l'alerte, mais il est impossible d'ouvrir la porte. Elle est finalement enfoncée et on constate que l'incendie ravage déjà toute la boulangerie, la pâtisserie et la cuisine. L'alerte est donnée et toutes les pompes de la ville sont acheminées vers les quais où est amarré Paris. Commence alors à nouveau une longue nuit durant laquelle des litres et des litres d'eau sont déversés sur Paris, descendant le long de ces petits ponts, remplissant le fond de sa coque. Pendant ce temps, on s'attèle à faire venir le personnel de la Transat et les grutiers, les charges à la hâte, les caisses d'avion et les caisses d'œuvres d'art. Au cours de ces opérations, le chef de sécurité de Paris chute depuis le pont jusqu'au fond de la cale. Le pauvre homme meurt sur le coup. Luttant contre l'incendie qui dévore Paris, un pompier est grièvement blessé. Il est évacué vers l'hôpital dans un état critique, mais survivra à ses blessures. Dans le ciel du Havre, s'envolent les cendres de Paris. Dans la cale numéro 7, juste à côté, se trouve Normandie dont on termine l'entretien. On demande alors que la sécurité soit renforcée, de peur que l'incendie ne se propage. Il faut croire qu'au moment où Paris se meurt, la fumée de son sortilège vient hanter Normandie puisqu'il connaîtra exactement le même sort trois ans plus tard. Le 19 avril, à l'aube, l'incendie semble être maîtrisé et on en vient à bout tandis que les caisses de marchandises continuent d'être déchargées. La nuit a été très, très longue et éprouvante. Toute la ville fut tenue éveillée par les allées et venues des pompiers et tout se scrutait le ciel dans lequel s'élevait la fumée qui enveloppait le port d'un brouillard nauséabond. Puis, tout est allé très vite. Peu avant 9h, Paris gîte soudainement, donnant une inclinaison de 30 degrés. On prévient tout le monde d'évacuer et de se reculer. Paris risque de se coucher à tout instant. Les grutiers quittent leur poste, les pompiers s'éloignent, les bateaux-pompes s'écartent de la coque et à 9h15, le géant Paris s'allonge sur son flambant bord, enveloppé de son linceul de fumée blanche s'échappant de ses sabins. C'en est terminé pour lui. Adieu Paris. Que s'est-il donc passé pour qu'un nouvel incendie se déclare à bord ? Depuis quelques jours déjà, on craignait un attentat allemand. Ils auraient effectivement pu saboter un navire français. Mais la sécurité avait été renforcée et un objet incendiaire aurait été remarqué par les boulangers. Au cours de l'enquête, ils reconnaissent avoir laissé un four allumé après leur départ. Un fourneau à charbon qu'ils avaient utilisé pour confectionner des gâteaux pour le départ du paquebot. Néanmoins, il est peu probable que ce soit là la cause de l'incendie. On attribue finalement à un court-circuit. Dans les heures qui suivirent l'incendie, on s'inquiétait de savoir si toutes les caisses d'œuvres d'art avaient pu être sauvées, de même que les bijoux, les caisses d'avions et d'importantes quantités d'or qui devaient être acheminées à New York. Assez vite, on confirma que les avions étaient indemnes, que l'or n'avait pas encore été déposé au coffre et que les bijoux avaient eux aussi été évacués à temps ainsi qu'une partie des caisses de tableaux. Celles du Louvre et de la Bibliothèque Nationale sont sauves, à l'exception de deux bustes prêtées par le Louvre. On déplore la perte de quelques œuvres venant de collections privées et on pense qu'une caisse contenant des médailles est immergée elle aussi dans l'une des cales. Les œuvres sauvées sont transférées et chargées à bord de Champlain qui partira pour New York le 20 avril. Un autre problème vient vite se poser avec l'épave encombrante de Paris. Il empêche à présent la sortie de Normandie. Afin qu'il puisse être sorti de la cale numéro 7, Les mâts de Paris vont devoir être sciés, ainsi que ses cheminées. Normandie pourra donc appareiller du Havre le 26 avril, comme prévu. La masse inerte de Paris demeure dans le port sous le regard triste des badauds qui contemplent le symbole calciné des belles années folles, à présent bien terminées. La guerre éclate à la fin de l'été 39, sans que rien n'ait bougé pour Paris. Et ce géant couché fera désormais partie du sinistre paysage de l'occupation. A la fin de la guerre, le Havre est un champ de ruines, son port aussi. Le Paris colle plutôt bien dans ce décor apocalyptique et si vous pensiez que ça ne pouvait pas être pire, détrompez-vous. La France vient de récupérer le repas, fleuron de la marine allemande que les Américains ont donné en compensation de la perte de Normandie. Maigre consolation, dirons-nous. Le repas, qui deviendra liberté, est amarré au port du Havre. Le 8 décembre 1946, une violente tempête ravage les côtes françaises. Les amarres de repas rompent. À la dérive, il vient percuter la coque de Paris ouvrant une brèche et le faisant couler par faible fond juste à côté. accentuant le tableau de désolation et accablant un peu plus la Transat qui doit à présent procéder au renflouement coûteux du transatlantique. La mélédiction de Paris a frappé pour la dernière fois. Europe 1 sera remis à flot en 1947 et cette même année, on commencera le démantèlement de l'épave de Paris. Enfin. Ainsi disparu de notre vue Paris et petit à petit de notre mémoire. Qu'en reste-t-il aujourd'hui ? Probablement pas grand-chose, en dehors des photographies, des cartes postales, des menus de repas servis à son bord et des articles de presse vantant le luxe et la richesse du transatlantique qui se voulaient à l'image de la ville dont il porte le nom. Somptueux, monumental, riche en histoire et dans l'air du temps. Mon récit est à présent terminé. Si celui-ci vous a plu, que vous avez des remarques ou des commentaires, ou toute autre information à me faire passer, vous pouvez bien sûr m'écrire à lesimtiardelocéan.com. Je répondrai à votre mail avec plaisir. Vous pouvez également rejoindre mes pages Facebook et Instagram, j'y poste des photos pour illustrer mes récits. Je vous dis donc à bientôt, j'espère, pour un autre récit de naufrage, ou bien un récit sur un transatlantique.

Description

En 1921, "PARIS", le nouveau transatlantique de la French Line arrive enfin sur la prestigieuse ligne de New York.

Ce sublime paquebot qui se voulait le nouveau fer de lance français est aujourd'hui largement oublié, disparu dans la fumée de son incendie.

Redécouvrez avec moi le grand luxe de PARIS et sa terrible malédiction.


Illustration:


Sons: 


Musiques:

  • Ragtime piano St Louis tickle - Barney Seymore (Pixabay)

  • Suite Bergamasque - Debussy (pixabay)

  • Ragtime piano reflection rag - Scott Joplin (Pixabay)

  • Mourning Dove - Zachariah Hickman

  • Sad piano one - Oleksii Kalyna (Pixabay)



Hébergé par Ausha. Visitez ausha.co/politique-de-confidentialite pour plus d'informations.

Transcription

  • Speaker #0

    Paris, capitale française, ville-lumière à la richesse historique interminable qui, cette année, accueille avec fierté les Géodétés. L'occasion est donc parfaite pour vous parler d'un autre paquebot français, malheureusement injustement oublié lui aussi. Vous connaissez maintenant mon amour pour ces paquebots délaissés. Aujourd'hui, on va sortir des oubliettes celui qui portait donc le nom de Paris. A ne pas confondre avec le City of Paris de la compagnie anglaise Inman Line. Non, notre Paris est bien un transatlantique français mis en service par la French Line. A l'été 1913, la Transat signe une nouvelle convention postale qui l'oblige à construire trois nouveaux liners avant 1932, pouvant donc acheminer le courrier. Le premier des transatlantiques sera donc Paris, dont la commande est faite dans la foulée au chantier de Penouette à Saint-Nazaire. Paris aura une architecture extérieure semblable à celle de France mise en service un an plus tôt, mais dont les proportions sont beaucoup plus imposantes. Ainsi, Paris fera 234 mètres de long et 26 de large pour 10 ponts et 34 569 tonneaux, soit 10 mètres de plus que le France. Sa superstructure est dominée par trois grandes cheminées rouges à manchons noirs. Seulement voilà. Un an après le début du chantier, la Première Guerre mondiale éclate et le chantier est interrompu, laissant la coque en construction dans sa cale de lancement. Deux années s'écoulent sans que rien ne change. Puis, il est décidé d'évacuer sa coque car on a besoin de toutes les cales nécessaires pour fabriquer des navires de guerre et entreposer du matériel pour l'armée américaine. La coque est donc mise à l'eau le 12 septembre 1916. Après l'avoir laissée sur la Loire, on la remorque à l'abri dans la baie de Quiberon. Deux années s'écoulent à nouveau jusqu'à la signature de l'armistice le 11 novembre 1918. Toutefois, les travaux ne reprennent pas immédiatement. Il faut attendre le 6 mars 1919 pour voir le chantier reprendre et il y a encore beaucoup à faire. C'est donc encore deux autres années qui s'écoulent et enfin, en 1921, Paris est prêt à commencer sa carrière. Il est alors à ce moment de l'histoire le plus grand navire français en service sur la ligne de New York et surtout le plus luxueux. Embarquons pour un petit tour à son bord. Madame, Messieurs, Bienvenue à bord. Nous entrons dans Paris depuis le Poncet, entre les deux dernières cheminées. Après avoir franchi le hall d'embarquement qui sert également de galerie d'art, où sont exposés des objets de bronze ou de verre d'artistes français, nous arrivons à la Grande Descente et tout de suite, le ton est donné. Nous sommes accueillis dans un hall majestueux, qui a tous les plus grands hôtels parisiens dans le pur style Art Nouveau. Face à nous, le sublime escalier principal à double évolution, réalisé par l'architecte Richard Bouvens van der Boijen. Ébénisterie, ferroinerie d'art et marbrerie s'allient ensemble pour charmer ses visiteurs. Avec ses rampes et balustrades richement ornées, une élégante coupole en fer forgé domine l'escalier et apporte une belle lumière tamisée. Cet escalier relie le rez-de-chaussée aux galeries supérieures qui continuent à l'étage avec des balcons en fer forgé représentant des algues entremêlées placées entre des gracieux piliers qui soutiennent les arcades finement décorées. Des fauteuils et des tables rondes sont disposés dans ce hall. Vous pouvez vous y arrêter pour y converser entre amis ou admirer la richesse de ce lieu. N'oublions pas que les traversées transatlantiques étaient un moment idéal pour y faire des connaissances et lier des amitiés. C'est ici également que vous trouverez le bureau de renseignement du navire, pour échanger votre monnaie, déposer des objets de valeur au coffre. C'est ici que tous les jours, sur une carte, vous pourrez constater l'avancée de Paris sur l'Atlantique et discuter de l'heure d'arrivée à New York. Empruntons ce bel escalier, montons d'un étage et parcourons cette belle galerie en nous dirigeant vers l'avant de Paris. Elle nous conduit tout droit au grand salon de conversation. Cette pièce est très jolie et c'est du jamais vu sur un paquebot transatlantique. Panneaux de bois d'amarante mauve aux murs s'opposent aux pilastres carrés habillés de marbre rose. Ici et là, des décorations représentant des oiseaux, des rameaux d'olivier. Un cadran créé par Lalique indique l'heure. Ici encore, c'est une très belle pièce. Les heures sont indiquées par des papillons au cristal. La pièce est éclairée par une coupole en fer forgé et des fenêtres de chaque côté mêlant verre et fer forgé. Le soir, des plafonniers et des appliques de verre incrustées dans les panneaux de bois éclairent le bois d'Amarante et font chatoyer la soie des rideaux. Dans le prolongement du salon de conversation sur Tribord, c'est le salon de lecture dont la décoration fut exécutée par la maison Nelson. Boiserie en platane, Ferron Riddar au plafond et au-dessus de la bibliothèque, une peinture décorative évoquant le printemps. C'est doux et paisible. Côté bas-bord, à l'opposé, à gauche pour ceux qui ne sont pas familiers du lexique maritime, c'est la salle de jeux des enfants, décorée en reprenant l'univers de Guignol où il donne d'ailleurs des représentations. Repartons vers l'arrière de Paris, après la dernière cheminée. C'est ici que se trouve le salon mixte, décoré dans un style qualifié de pompéien. 12 médaillons de terre cuite blanche décorent la pièce et représentent les 12 signes du Zodiac. Centre de la pièce, une cheminée de marbre vert autour de laquelle sont disposées des tables de jeu, des consoles, des fauteuils. On y trouve également un piano et des tables chinoises. Un grand miroir occupe le mur central de la pièce sous la coupole. On peut s'y admirer au milieu de la richesse de cette pièce et de son mobilier. Terminons de traverser cette pièce, une nouvelle galerie nous conduit à une autre majestueuse pièce de Paris. Le fumoir, s'élevant sur deux niveaux surmontés d'une coupole de verre et fer forgé. Au mur, des panneaux en bois de citronnier et des marqueteries aux éclats de nacre s'opposent et se reflètent. Un escalier à double évolution à la rampe de fer forgé permet de descendre d'un niveau. Dans son centre, on peut y admirer une toile de Auguste Leroux représentant les jardins du palais du Luxembourg. Oui, la pièce est vaste et majestueuse, mais un peu enfumée. Alors, remontons et sortons par l'arrière. Nous voici au Café Terrasse qui s'ouvre sur une grande terrasse qui laisse notre vue se perdre dans l'océan. Voilà le grand air, voilà le voyage, et notre point de départ est loin derrière. Allez, pressons le pas voulez-vous, je veux vous conduire à une autre sublime pièce de Paris. Vous le savez maintenant, les salles à manger sont toujours spectaculaires. Il faut en avoir pour son argent et la Transat sait nous mettre en appétit et nous rappeler que nous sommes dans le pays de la gastronomie et qu'il n'y a pas meilleur restaurant sur l'Atlantique qu'à bord des paquebots français. Nous voici donc revenus au grand escalier principal et nous le descendons jusqu'au pont D. Nous sommes accueillis dans un vestibule décoré de glace et de gravure représentant le vieux Paris. La salle à manger est ici encore surmontée d'un dôme lumineux, composé de vitraux en camailleux d'or, laissant descendre une lumière très chaleureuse sur la vaste pièce. Les panneaux de bois sont en citronnier avec des marques étrilles aux motifs représentant la vigne, le houblon et les fruits du verger. Des pilastres habillés de stucs et enchâssés de cornières en fer forgé soutiennent les galeries supérieures aux gardes-corps là aussi en fer forgé. On descend dans la partie inférieure de la salle à manger par un nouvel escalier à double rampe de fer forgé encore, dans laquelle vous pouvez vous admirer devant le grand miroir qui accompagne votre descente. Voyez comme votre silhouette épouse parfaitement la richesse de cette pièce. Oui, monsieur, oui, madame, vous êtes à votre place. En face de nous se dresse une peinture gigantesque de maître Albert Bénard, symbolisant la gloire de Paris, avec dans le ciel l'emblème de la ville, des figures telles que Lafayette arrivant aux Amériques, un poilu, etc. Ce sera d'ailleurs une des dernières œuvres aussi imposantes de l'artiste. Paris peut embarquer 563 passagers en première classe. Pour les loger, il y a trois types de cabines différentes réparties entre les ponts C et D. Les cabines standards de première classe, composées de 1, 2 ou même 3 lits véritables, avec une grande armoire pour y ranger ses affaires et ne pas les laisser dans la malle de voyage. Elles sont richement décorées par des artistes contemporains et réputés. Elles ont accès à l'eau courante, chaude et froide, mais les salles de bain et toilettes sont communes et accessibles en face de la porte des cabines dans la coursive. On y distingue bien sûr salle de bain pour les hommes et pour les femmes. Mais si c'est un appartement de luxe que vous avez, alors vous aurez une salle de bain et toilettes privée. C'est aussi le premier paquebot équipé de téléphones dans les cabines de l'Ousse. Ainsi, vous pouvez faire venir un steward dans la minute pour n'importe quelle demande. Paris dispose également d'un appartement dit de grand luxe, à l'image de ce que la Transat avait déjà réalisé sur France. Ils ont ici fait appel aux décorateurs de la maison Tardif. Ils se composent d'une chambre, une antichambre, quatre chambres à coucher, un salon, une salle à manger. On y trouve des panneaux d'érable incrustés de nacre, des lambris faits d'acajou, du chêne sculpté, encadré de fer, relevé à la feuille d'or. Je vous passe le mobilier tout aussi raffiné et confortable. Les cabines de première classe n'ont pas de hublot, mais des sabords carrés. Plus grands, ils laissent donc pénétrer plus de lumière. A ces passagers de première classe s'ajoutent 460 pouvant embarquer en seconde. Vous connaissez le refrain, le luxe y est moins opulent, mais le confort y est plus qu'acceptable. Ainsi, à l'arrière du poncé, vous trouverez côté bas-bord, à gauche, leur salon et sur tribord à droite, le fumoir. Les murs du salon sont en bois de frêne rosé, vernis, orné de baguettes damarantes, auxquelles sont fixées des appliques en bronze ciselées. Les fauteuils sont en bois de merisier et on y trouve aussi des grands fauteuils bergères disposés autour de petites tables. Le fumoir, lui, est en panneau de bouleau et platane vernis, idem pour son mobilier. Le bois blanc apportant un peu de luminosité et d'homogénéité à la pièce. Le sol est un damier noir et blanc. Leur salle à manger est située sur le pont E et les murs sont en panneau de chaîne. C'est à ce niveau que se trouvent également les cuisines, la boulangerie et la pâtisserie qui préparent les mets pour les premières et secondes classes. Les cabines des secondes classes sont toutes à l'arrière de Paris, réparties entre les ponts D, E et F. Leurs salles de bain et toilettes sont communes et accessibles au centre des coursives. Les lits sont des couchettes superposées et les cabines possèdent tout de même un lavabo de toilettes avec un petit miroir. Comme tout liner de cette grande époque, Paris possède une troisième classe, pourvue pour 1092 passagers, dont les cabines et les espaces sont situés à l'avant sur le pont F. Les cabines sont prévues pour 4 ou 6 personnes, avec bien sûr toilettes et salles de bain dans les coursives. Inutile donc de s'étendre sur la décoration. Elle est semblable à tout autre transatlantique, basique, simple, spartiate. Néanmoins, Paris possède une particularité. On y distingue une autre classe, celle des migrants. Il peut effectivement embarquer 1118 migrants répartis dans les entreponts à la Proue de Paris. Ils embarquent d'ailleurs à bord entre les deux panneaux de calavant. Leur gigantesque dortoir, prévu pour environ 200 couchettes, s'étend de la proue du pont F au pont G et H. C'est un paquebot impressionnant. Une véritable ville flottante embarquant toute catégorie sociale à l'image de notre capitale. Je ne peux pas m'étendre à tout décrire dans les moindres détails, mais sachez tout de même que Paris dispose aussi d'une chapelle, dans laquelle on peut assister à la messe, ou même qu'il a lui aussi des magasins, des coiffeurs pour femmes et hommes, en première et en seconde classe, et j'en passe. Évidemment, entre les plans de base de 1913 et la reprise du chantier en 19, des modifications ont eu lieu. Entre autres, ce sera le premier paquebot de la Transat équipé dès le début de sa carrière de chaudières fonctionnant au fioul. Il fallut alors modifier les soutes prévues à la base pour recevoir du charbon, afin d'y faire tenir les réservoirs de carburant. Cette modification permet non seulement à Paris de naviguer à une vitesse constante, mais également d'embarquer moins de soutiers. La situation économique d'après-guerre est telle que cette fois, la French Line ne cherche plus du tout à ravir le ruban bleu. La course bien trop chère en carburant, en développement et pièces mécaniques. D'autant que terminer Paris avec les prix d'après-guerre leur coûtera extrêmement cher. Paris ne sera pas le plus rapide, loin de là. Il atteindra la vitesse de 23 nœuds, là où le France en 1912 atteignait les 25. Par contre, il peut se vanter à son lancement d'être le plus grand navire français construit en France, et pour l'heure, le plus luxueux, avec la participation des artistes renommés que nous avons passés en revue pendant notre visite. Du 11 au 13 juin 1921, après avoir terminé tous ses essais, la compagnie générale transatlantique a organisé trois jours de fête autour du Paris, afin d'y organiser des visites de ces espaces et permettre à leurs invités de s'extasier du luxe et du soin de sa décoration. La presse est évidemment des festivités et ne tarie pas d'éloges au sujet de Paris. Symbole de la renaissance de la France à sa sortie de la Grande Guerre, la France revient en grande pompe et montre qu'elle sait toujours y faire en matière d'industrie, de bon goût et de luxe. C'est donc le 15 juin que Paris quitte les quais du Havre en direction de New York, avec à son bord, entre autres, le maréchal Foch. Sa carrière est lancée. C'est un paquebot fiable qui, malgré sa faible vitesse, bénéficie d'une bonne réputation et attire la clientèle américaine qui raffole de la cuisine et du savoir-vivre à la française. Et oui ! N'oublions pas que les transatlantiques français embarquent à bord toute la gastronomie de notre pays et qu'à table, on retrouve nos meilleurs plats et nos meilleurs vins. C'est aussi en cela que les Américains apprécient les paquebots français. Ils savent qu'à bord, ils pourront boire le sang de la terre et tout autre spiritueux interdit à bord des navires américains en ces temps de prohibition. France avait pour surnom le Versailles de l'Atlantique. Paris se verra attribuer le sobriquet d'aristocrate de l'Atlantique. La légende disait même que Paris était constamment suivi par les mouettes qui attendaient que les restes de nourriture soient jetés par-dessus bord tellement la cuisine y était exceptionnelle. L'aristocrate peut se vanter d'embarquer à son bord des stars américaines telles que Gloria Swanson ou le violoniste Fritz Kressler, et même quelques vedettes françaises comme Maurice Chevalier. Il bénéficie lui aussi des belles années folles d'après-guerre qui fut la plus faste pour les compagnies transatlantiques. Néanmoins, le durcissement des lois et des quotas d'émigration font que le Paris est rarement plein. La vie d'un navire transatlantique n'est pas de tout repos et est parfois semée d'embûches. L'océan, si vaste soit-il, reste imprévisible et certaines routes sont fortement encombrées par le trafic, comme nous l'avons déjà vu, surtout lorsqu'on s'approche des ports. Paris va alors rencontrer une succession d'accidents qui commence dès l'année 1927. Le premier de cette série se déroule le 16 octobre 27. Paris vient d'Appareiller du port de New York. Appareiller signifie quitter le port, lever l'encre dans le lexique maritime. Sur son chemin, le cargo norvégien Bessegen est au mouillage, moteur arrêté, encre jetée, ses cales pleines de sucre en provenance de La Havane. Il attend de pouvoir entrer dans le port pour décharger sa marchandise. Les officiers de Paris ne semblent pas avoir intégré cette information et mettent du temps à réaliser qu'ils vont droit à la collision. C'est donc tardivement qu'ils ordonnent de stopper les machines et mettre marche arrière toute pour ralentir le paquebot de 36 695 tonnes de déplacement. L'inévitable se produit donc. Paris éprouve violemment le Besseguen qui coule en moins de 10 minutes causant la mort de 6 membres d'équipage. Les survivants sont montés à bord de Paris et des ferries présentes dans le port de New York arrivaient rapidement sur place. Le mauvais sort le poursuit et c'est le 7 avril 1929 qu'il s'échoue sur un banc de sable en quittant New York suite à une erreur de navigation. Il faudra 36 heures afin qu'il puisse être sorti de là, heureusement sans dégâts. 11 jours plus tard, Paris s'échoue à nouveau sur les rochers d'Ediston Rocks au large de Plymouth. Cette fois, il ne faudra qu'environ 2 heures pour le remettre à flot. Aucune voie d'eau n'est détectée, mais ses passagers sont quand même déposés à Plymouth et le Paris part en réparation. La série noire ne s'arrête pas là, oh que non ! Le 20 août 1929, alors que Paris est à quai au Havre, un incendie se déclenche à bord et ravage une grande partie des espaces communs. Le salon mixte et le fumoir des premières sont complètement détruits. Tout le reste est entièrement noirci par la suie qui s'est infiltrée absolument partout. Et pour couronner le tout, les litres d'eau déversés dans Paris l'ont partiellement fait crûler. Paris reste toutefois sauvable et ce sera l'occasion de prévoir une grande refonte du paquebot. Île-de-France est entrée en service depuis deux ans et il est maintenant le fer de lance de la Transat. La crise économique de 1929 a drastiquement fait blesser les réservations sur Paris. La refonte permettra de réduire les espaces des migrants et de revoir ceux destinés à la troisième classe. Également de moderniser les équipements en première tout en y ajoutant quelques cabines. Ainsi, le nouveau salon mixte des premières se verra équipé, et c'est une première sur un liner, d'une piste de danse. Qui plus est, le sol est en vert et sera rétro-éclairé. Imaginez-vous, nous sommes à l'aube des années 30 quand même. Les pièces refaites le seront dans le style art déco, totalement dans l'air du temps et dans le prolongement de ce qu'on vient de faire sur Île-de-France. Certaines cabines se voient également agrandies et restylisées. Certaines profitent alors de l'ajout d'une véranda privée. Les travaux s'étendront sur plus de 5 mois. A sa remise en service, c'est un Paris flambant neuf qui repart effectuer ses rotations. Toutefois, le début des années 30 est aussi le début de la popularité des croisières. Paris sera donc envoyé en Méditerranée, les Bermudes ou vers les pays nordiques. Les croisières sont un bon moyen de rentabiliser les liners en cette période de trouble et de diminution des réservations sur la ligne de l'Atlantique Nord. Les croisières s'effectuent à un rythme tranquille. On ne file pas à pleine vapeur, on ne cherche pas à pousser les machines, non. Il faut profiter des paysages qu'on longe, se laisser glisser lentement sur les flots calmes. Ainsi, la consommation de combustible est diminuée et les frais d'exploitation des navires aussi, tandis que la demande augmente. Paris sillonne les flots du début des années 30 et il est probable que cet incendie ait prolongé sa carrière là où s'arrêtera celle de France. Normandie entre en service et tous les autres liners sur l'Atlantique ressemblent à présent à des pièces de musée en dehors de Île-de-France, Bremen ou Europa. Il faut prendre un moment tout de même pour considérer la carrière de Paris avec un peu de recul. Bien que symbolisant le retour, la renaissance de la France d'après-guerre, Paris, pourtant plus grand et avec un luxe plus moderne, restera toujours dans l'ombre de France. Lorsque la décoration trop chargée de France commencera à faire diminuer ses réservations, ce sera le moment de gloire d'Île-de-France. Puis arrivera le chef-d'œuvre monumental Normandie. Toutefois, il y a une volonté de conserver Paris. On parle alors de le réserver exclusivement à un usage de croisière. Mais l'infortune le poursuivra à nouveau. Notre histoire arrive en date du 18 avril 1939. La seconde guerre mondiale pointe le bout de son nez. Dans le port du Havre, Paris est en train d'être chargé. Demain, il apparaîra en direction de New York en emportant d'un sécal des caisses d'œuvres d'art destinées à l'exposition internationale devant se dérouler à New York. S'y trouvent donc des œuvres prêtées par le musée du Louvre, la bibliothèque nationale et d'autres provenant de collections privées, ainsi qu'une importante collection de bijoux. Il y a également 10 caisses contenant des avions américains qui n'ont pas encore été déchargés de son précédent voyage. La journée se termine. Le personnel de bord quitte le paquebot qu'ils sont en train de préparer. La nuit tombe sur le Havre, ses caisses vides. A bord de Paris, un ingéant de la sécurité fait sa ronde. Arrivé sur le pont E, il est alerté par de la fumée sortant de sous les portes de la boulangerie. Il donne l'alerte, mais il est impossible d'ouvrir la porte. Elle est finalement enfoncée et on constate que l'incendie ravage déjà toute la boulangerie, la pâtisserie et la cuisine. L'alerte est donnée et toutes les pompes de la ville sont acheminées vers les quais où est amarré Paris. Commence alors à nouveau une longue nuit durant laquelle des litres et des litres d'eau sont déversés sur Paris, descendant le long de ces petits ponts, remplissant le fond de sa coque. Pendant ce temps, on s'attèle à faire venir le personnel de la Transat et les grutiers, les charges à la hâte, les caisses d'avion et les caisses d'œuvres d'art. Au cours de ces opérations, le chef de sécurité de Paris chute depuis le pont jusqu'au fond de la cale. Le pauvre homme meurt sur le coup. Luttant contre l'incendie qui dévore Paris, un pompier est grièvement blessé. Il est évacué vers l'hôpital dans un état critique, mais survivra à ses blessures. Dans le ciel du Havre, s'envolent les cendres de Paris. Dans la cale numéro 7, juste à côté, se trouve Normandie dont on termine l'entretien. On demande alors que la sécurité soit renforcée, de peur que l'incendie ne se propage. Il faut croire qu'au moment où Paris se meurt, la fumée de son sortilège vient hanter Normandie puisqu'il connaîtra exactement le même sort trois ans plus tard. Le 19 avril, à l'aube, l'incendie semble être maîtrisé et on en vient à bout tandis que les caisses de marchandises continuent d'être déchargées. La nuit a été très, très longue et éprouvante. Toute la ville fut tenue éveillée par les allées et venues des pompiers et tout se scrutait le ciel dans lequel s'élevait la fumée qui enveloppait le port d'un brouillard nauséabond. Puis, tout est allé très vite. Peu avant 9h, Paris gîte soudainement, donnant une inclinaison de 30 degrés. On prévient tout le monde d'évacuer et de se reculer. Paris risque de se coucher à tout instant. Les grutiers quittent leur poste, les pompiers s'éloignent, les bateaux-pompes s'écartent de la coque et à 9h15, le géant Paris s'allonge sur son flambant bord, enveloppé de son linceul de fumée blanche s'échappant de ses sabins. C'en est terminé pour lui. Adieu Paris. Que s'est-il donc passé pour qu'un nouvel incendie se déclare à bord ? Depuis quelques jours déjà, on craignait un attentat allemand. Ils auraient effectivement pu saboter un navire français. Mais la sécurité avait été renforcée et un objet incendiaire aurait été remarqué par les boulangers. Au cours de l'enquête, ils reconnaissent avoir laissé un four allumé après leur départ. Un fourneau à charbon qu'ils avaient utilisé pour confectionner des gâteaux pour le départ du paquebot. Néanmoins, il est peu probable que ce soit là la cause de l'incendie. On attribue finalement à un court-circuit. Dans les heures qui suivirent l'incendie, on s'inquiétait de savoir si toutes les caisses d'œuvres d'art avaient pu être sauvées, de même que les bijoux, les caisses d'avions et d'importantes quantités d'or qui devaient être acheminées à New York. Assez vite, on confirma que les avions étaient indemnes, que l'or n'avait pas encore été déposé au coffre et que les bijoux avaient eux aussi été évacués à temps ainsi qu'une partie des caisses de tableaux. Celles du Louvre et de la Bibliothèque Nationale sont sauves, à l'exception de deux bustes prêtées par le Louvre. On déplore la perte de quelques œuvres venant de collections privées et on pense qu'une caisse contenant des médailles est immergée elle aussi dans l'une des cales. Les œuvres sauvées sont transférées et chargées à bord de Champlain qui partira pour New York le 20 avril. Un autre problème vient vite se poser avec l'épave encombrante de Paris. Il empêche à présent la sortie de Normandie. Afin qu'il puisse être sorti de la cale numéro 7, Les mâts de Paris vont devoir être sciés, ainsi que ses cheminées. Normandie pourra donc appareiller du Havre le 26 avril, comme prévu. La masse inerte de Paris demeure dans le port sous le regard triste des badauds qui contemplent le symbole calciné des belles années folles, à présent bien terminées. La guerre éclate à la fin de l'été 39, sans que rien n'ait bougé pour Paris. Et ce géant couché fera désormais partie du sinistre paysage de l'occupation. A la fin de la guerre, le Havre est un champ de ruines, son port aussi. Le Paris colle plutôt bien dans ce décor apocalyptique et si vous pensiez que ça ne pouvait pas être pire, détrompez-vous. La France vient de récupérer le repas, fleuron de la marine allemande que les Américains ont donné en compensation de la perte de Normandie. Maigre consolation, dirons-nous. Le repas, qui deviendra liberté, est amarré au port du Havre. Le 8 décembre 1946, une violente tempête ravage les côtes françaises. Les amarres de repas rompent. À la dérive, il vient percuter la coque de Paris ouvrant une brèche et le faisant couler par faible fond juste à côté. accentuant le tableau de désolation et accablant un peu plus la Transat qui doit à présent procéder au renflouement coûteux du transatlantique. La mélédiction de Paris a frappé pour la dernière fois. Europe 1 sera remis à flot en 1947 et cette même année, on commencera le démantèlement de l'épave de Paris. Enfin. Ainsi disparu de notre vue Paris et petit à petit de notre mémoire. Qu'en reste-t-il aujourd'hui ? Probablement pas grand-chose, en dehors des photographies, des cartes postales, des menus de repas servis à son bord et des articles de presse vantant le luxe et la richesse du transatlantique qui se voulaient à l'image de la ville dont il porte le nom. Somptueux, monumental, riche en histoire et dans l'air du temps. Mon récit est à présent terminé. Si celui-ci vous a plu, que vous avez des remarques ou des commentaires, ou toute autre information à me faire passer, vous pouvez bien sûr m'écrire à lesimtiardelocéan.com. Je répondrai à votre mail avec plaisir. Vous pouvez également rejoindre mes pages Facebook et Instagram, j'y poste des photos pour illustrer mes récits. Je vous dis donc à bientôt, j'espère, pour un autre récit de naufrage, ou bien un récit sur un transatlantique.

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