undefined cover
undefined cover
Épisode 0 spécial carte blanche "Laisse-moi kéfié la vibe avec... : Mathieu Brillard et Louise Browaeys cover
Épisode 0 spécial carte blanche "Laisse-moi kéfié la vibe avec... : Mathieu Brillard et Louise Browaeys cover
Le Sens & l'Action

Épisode 0 spécial carte blanche "Laisse-moi kéfié la vibe avec... : Mathieu Brillard et Louise Browaeys

Épisode 0 spécial carte blanche "Laisse-moi kéfié la vibe avec... : Mathieu Brillard et Louise Browaeys

38min |19/08/2025
Play
undefined cover
undefined cover
Épisode 0 spécial carte blanche "Laisse-moi kéfié la vibe avec... : Mathieu Brillard et Louise Browaeys cover
Épisode 0 spécial carte blanche "Laisse-moi kéfié la vibe avec... : Mathieu Brillard et Louise Browaeys cover
Le Sens & l'Action

Épisode 0 spécial carte blanche "Laisse-moi kéfié la vibe avec... : Mathieu Brillard et Louise Browaeys

Épisode 0 spécial carte blanche "Laisse-moi kéfié la vibe avec... : Mathieu Brillard et Louise Browaeys

38min |19/08/2025
Play

Transcription

  • Speaker #0

    Vas-y, fais un test.

  • Speaker #1

    Homme libre toujours, tu chériras la mer.

  • Speaker #0

    Homme libre toujours,

  • Speaker #1

    tu chériras la mer.

  • Speaker #0

    T'es bien en mode avion ? Non,

  • Speaker #1

    parce que j'ai des notes sur mon téléphone.

  • Speaker #0

    C'est parti ?

  • Speaker #1

    C'est parti.

  • Speaker #0

    Bonjour et bienvenue dans l'épisode 0 de Laisse-moi kéfir la vibe avec. Je suis Mathieu Briard. Cet épisode est sponsorisé par le C3D. Un grand merci à l'Académie du Climat de nous accueillir pour enregistrer ce pilote, cette carte blanche pour le C3D. Aujourd'hui, j'ai l'immense honneur de recevoir Louise Brouez. Et ensemble, autour d'un verre de kéfir, nous allons parler de permaculture, de bande poisson et de littérature. Louise, bonjour.

  • Speaker #1

    Bonjour.

  • Speaker #0

    Louise, tu es dans l'ordre chronologique, ingénieur agro, spécialisé en nutrition, RSE, permacultrice, permaculture, pardon, et écologie. T'es pas spécialisée en permacultrice ?

  • Speaker #1

    Non mais ni en permaculture parce qu'il n'y avait pas ça à l'agro, c'est après que j'ai appris ça.

  • Speaker #0

    C'est pour ça que j'ai dit dans l'ordre chronologique.

  • Speaker #1

    Ah d'accord.

  • Speaker #0

    Tu es également autrice et tu animes des ateliers d'écriture. En entreprise, on dirait que tu as plusieurs casquettes et même plusieurs cordes à ton arc. et tous ces accessoires t'ont permis de publier des livres de cuisine, des romans et des récits comme La Reverdie aux éditions La Mer Salée, Le Dernier Nez et Comment détourner un banc de poissons publié aux éditions de L'Arbre qui marche. On avance doucement vers ta passion pour les différents règnes du vivant. Rencontrer six dirigeants qui sont passés à travers les filets de la CEC, telle fut ton entreprise. D'entreprise, il y a justement question, toi qui l'as fui. Il y a des années, depuis, tu mènes ta marque dans les méandres du monde littéraire au milieu des requins et autres éditeurs carnassiers. Là,

  • Speaker #1

    tu véhicules une mauvaise image des requins.

  • Speaker #0

    Parce que t'as quoi à dire sur les requins ?

  • Speaker #1

    On a l'image que c'est des grands prédateurs, alors qu'il y a des espèces animales qui sont beaucoup plus dangereuses pour nous.

  • Speaker #0

    Comme quoi ?

  • Speaker #1

    Alors si on parle des femmes, on peut parler des hommes. Si on parle du genre humain, c'est le moustique.

  • Speaker #0

    On peut dire qu'en lisant ce livre, j'ai bien mordu. Je trouve qu'en s'étant déco anxiété, il donne la pêche. La pêche, t'as compris ? Oui. Parce que tu nous fais plonger dans le courant de ceux qui agissent au quotidien dans leur boîte. Une belle brochette de dirigeant, la brochette n'étant pas la femelle du brochet, poisson qui a été introduit dans la scène et page 180. Bref, c'est un vrai kiff de te lire et aussi frêle et se kiff. On aime te suivre hameçonner les six poissons pilotes à la lumière et à l'ombre de ses voix. Ça, c'est une belle image et évidemment, elle est de toi et vous la trouverez, page 151. Ce livre m'a donné envie de draguer le fond de mes certitudes et d'apprendre avec toi la simplicité, la sincérité et la robustesse. Je crois qu'on a assez joué avec les mots sur les poissons, alors j'arrête. Tu parles beaucoup des mots en entreprise qui ont été vidés de leur sens comme un vulgaire colin d'Atlantique Nord. Et toi qui aimes la réciprocité, tu nous diras comment la littérature pourrait s'inspirer de l'entreprise et inversement. Et même si Céline Dion a chanté On ne change pas, Laurent Voulzy, lui, A chanter qu'on pouvait changer les choses avec des bouquets de roses, changer les hommes avec des géraniums. Alors, Louise Brouez, avec quoi on va changer les entreprises ? Tu t'y attendais pas celle-là ! Oui ! Alors ?

  • Speaker #1

    Avec le cœur.

  • Speaker #0

    Il faut trouver un truc en « is » .

  • Speaker #1

    Avec l'amour.

  • Speaker #0

    Et un truc en « is » .

  • Speaker #1

    Une rime en « is » , d'accord. J'ai banquise, mais c'est pas avec la banquise qu'on va changer les entreprises.

  • Speaker #0

    Et on commence, Louise Brouez, avec le tri des grains. Le tri des grains, c'est parce que quand on fait le kéfir et qu'on lance la première fermentation, on choisit les grains qu'on va utiliser pour la première fermentation. Donc on trie ceux qui sont en bonne santé, pas en bonne santé. Donc on va choisir ensemble ce qu'on va mettre dans l'épisode. Est-ce que pendant l'épisode, on peut faire des jeux de mots ou des mots-valises ?

  • Speaker #1

    Oui. Je croyais que ce n'était pas à la mode les jeux de mots, mais j'adore ça.

  • Speaker #0

    Est-ce que pendant l'épisode, on peut parler de tes enfants ? Oui. Petit disclaimer, il faut dire que dans la vie...

  • Speaker #1

    Nous sommes mariés.

  • Speaker #0

    Nous sommes mariés. Un de tes deux enfants s'avère être aussi le mien. Oui. Est-ce qu'on peut utiliser plusieurs voix pendant l'épisode ? Si on veut. Tu penses que tu vas en utiliser combien ?

  • Speaker #1

    7 ou 8.

  • Speaker #0

    Très bien.

  • Speaker #1

    C'est comme les rivières, elles empruntent plusieurs voix, elles ne sont pas que le trait bleu sur la carte.

  • Speaker #0

    Est-ce qu'on peut prendre le parti du tiers pendant l'épisode ?

  • Speaker #1

    Du tiers absent ?

  • Speaker #0

    Oui.

  • Speaker #1

    Si on veut, il faut quand même dire d'où ça vient.

  • Speaker #0

    Oui, vas-y, dis.

  • Speaker #1

    Ça vient de la communication non-violente, qui est comme la permaculture, quelque chose qui a changé ma vie. Quand on travaille en CNV, communication non-violente, quand on apprend ce que c'est, on travaille beaucoup sur l'écoute. Et l'écoute active en particulier. On se rend compte qu'on n'écoute jamais et que personne n'écoute jamais. Et on fait faire des exercices assez incroyables où on se force littéralement à écouter pendant dix minutes quelqu'un sans l'interrompre. C'est très très long, dix minutes. C'est incroyable comme exercice, parce qu'en fait, qu'est-ce qui se passe si vous faites l'exercice chez vous, où vous avez envie de poser des questions, moi c'est ce que je fais tout le temps, de quelle couleur était son slip, à quelle heure était le train à la gare, combien il y a eu de morts. On a envie de ramener à des choses qu'on a vécues nous-mêmes, ça on le fait tout le temps. Ou de, ce que tu disais, prendre le parti du tir absent. Et être juste dans une posture d'écoute, c'est révolutionnaire.

  • Speaker #0

    Je peux parler maintenant ? Oui. Dans Comment détourner un banc de poissons, tu as été à la rencontre de six dirigeants qui sont passés par la CEC. Oui,

  • Speaker #1

    alors c'est un livre qui est né avec une intention particulière, c'est un éditeur, François Delarbre qui marche, qui me dit qu'il y aurait un livre intéressant à faire sur la CEC et je cherche quelqu'un qui soit à la fois dans une certaine connaissance du monde de l'entreprise et qui puisse aussi écrire de façon littéraire. Moi c'est un peu, comme tu disais, de corde à mon arc et donc ça m'a plu. Et la CEC, c'est la Convention des entreprises. pour le climat, ça ressemble à la convention citoyenne pour le climat, mais là ça s'adresse à des entreprises et ce qui est vraiment intéressant, ce que j'ai senti en interviewant longtemps les six dirigeantes dont il y a des questions dans le livre, dirigeants et dirigeantes, c'est vraiment cette dimension, déjà effectivement d'aller dans une partie plus émotionnelle sur c'est quoi les crises écologiques et en particulier la crise climatique, et tous parlent d'une claque. Et il y a aussi vraiment l'effet collectif, c'est-à-dire de se rendre compte qu'on est ensemble dans le même bateau ou bande-poisson.

  • Speaker #0

    Tu commences à parler des émotions, on en parlera plus tard. C'est vrai que le truc de la claque, de dire ils sont passés par la CEC, ils ont été éveillés à tous les sujets sur le climat, ils se prennent une claque, c'est déjà un début d'émotion. C'est assez rare pour eux, mais du coup, ils vont l'emmener en entreprise. C'est sans doute un super moyen pour eux de faire changer les choses.

  • Speaker #1

    C'est étonnant de voir que pour certains pendant des dizaines d'années ils ont été profondément dans le déni et tout d'un coup là ils voient les choses, c'est un peu comme quand on fait une fraise du climat, qu'on n'y connait rien, vraiment on se prend les choses en pleine poire et il peut y avoir tout de suite des émotions positive, c'est-à-dire plutôt orienté partage en interne, comment agir, mais il y en a certains qui passent quand même par une dimension accablement, tristesse, même déni, et qui mettent un peu plus de temps à se remettre en route pour aller partager ces connaissances et susciter des émotions en interne et après se mettre en chemin et en mouvement ensemble.

  • Speaker #0

    Toi, au début du livre, quand tu vas interviewer les six dirigeants, t'es plutôt sceptique ?

  • Speaker #1

    J'ai beaucoup travaillé dans ce domaine-là, j'ai arrêté. Aujourd'hui, mon métier essentiellement, c'est d'écrire des livres et aussi d'animer des ateliers d'écriture. Mais jadis, j'ai travaillé beaucoup en entreprise pour remettre du vivant et de l'écologie dans les entreprises. Et c'est vrai qu'il y a une part de moi qui a eu la sensation parfois de faire partie de la mascarade. Et c'est parfois difficile au tout début de sentir, et parfois on s'engage dans quelque chose et on se rend compte que c'est quand même beaucoup du bullshit ou du greenwashing, et c'est très énervant.

  • Speaker #0

    mais ça t'a quand même changé en bien d'aller voir ces 6 dirigeants

  • Speaker #1

    Oui, rencontrer six personnes intéressantes, bouleversantes, qui travaillent dans des domaines auxquels je ne connais a priori rien, c'est intéressant. Ça éveille la curiosité, ça ouvre. Et puis justement, être dans cette posture d'écoute, c'est intéressant. Essayer de retracer fidèlement ce qu'elles sont et ce que j'ai ressenti en les écoutant. Oui, c'est un chemin. J'ai été émue très profondément en face des six, alors que je ne pensais pas.

  • Speaker #0

    On parlait de CNV tout à l'heure. Est-ce que tu aurais pu y aller et juste ne pas poser de questions, tu penses ?

  • Speaker #1

    Alors il y en avait qui écoutaient plus ou moins mes questions d'ailleurs, il y en avait qui s'intéressaient en retour un petit peu à la fin, moi aussi ce que je faisais, mon métier, puis il n'y en a pas du tout, c'est amusant aussi de voir ça. Et François m'avait donné une grille de questions que je n'ai pas du tout utilisées, qui sont des questions un peu bateau sur le business, etc. Enfin moi ça ne me parle pas du tout, donc j'y suis plus allée avec une trentaine de questions que j'avais en tête et puis des choses qui venaient au fil de l'eau.

  • Speaker #0

    Tu as fait beaucoup de jeux de mots sur les rivières, l'eau et tout ça avec eux ou pas ?

  • Speaker #1

    Non, non, j'en faisais peu parce que c'est après que j'ai réalisé que j'allais écrire un livre sur les rivières. Bon alors, je ne m'en rends pas compte.

  • Speaker #0

    Mais si, tu as dit au fil de l'eau et bateau.

  • Speaker #1

    Ça, c'est des expressions toutes faites. C'est justement ce qu'on essaye de ne pas faire quand on écrit. C'est se battre un peu contre ces clichés, toutes ces expressions qu'on dit à l'oral et qu'on n'entend plus tellement on les a utilisées.

  • Speaker #0

    Cet épisode est sponsorisé par le C3D. Il est écrit sur le site internet du C3D. Ici, plus de 400 directeurs développement durable pensent et créent l'entreprise de demain. Alors qu'on sait tous qu'ici, c'est l'académie du climat. Le C3D ou Collège des directeurs du développement durable, c'est une grande association de 400 responsables RSE engagés dans la transition écologique de leur entreprise. Et ce n'est pas une sinecure, nous écrit Fabrice Bonifet par mail pour préparer cet épisode. Outre la conformité à la régulation, l'enjeu c'est la transformation des modèles d'affaires pour rompre avec l'approche linéaire qui est écocide et génératrice de déchets pour aller vers des modèles permacirculaires à visée régénérative. Autrement dit, vers une économie de la fonctionnalité et de la coopération, dans le but de maintenir la viabilité économique tout en restaurant les conditions d'habitabilité de la planète. On fabrique moins mais mieux et on loue des produits pour intensifier leurs usages. Le C3D. aident ses membres à passer de l'un vers l'autre, et c'est un changement colossal, car il faut tout changer. La gouvernance, le système de rémunération, la conception, le marketing, le modèle économique, etc. Toi, Luce, tu as écrit un livre que j'avais beaucoup aimé à l'époque, qui s'appelle Permaculture au quotidien, et page 14, tu écris que la permaculture permet de penser des projets qui sont, j'arrive souvent mal à enchaîner les trois comme ça mais qui sont économiquement viables, environnementalement soutenables et socialement justes. Donc c'est trois axes qu'on n'a pas forcément en entreprise, qu'on n'a pas forcément au même niveau surtout. Est-ce que pour toi, ça nous aide à revoir la gouvernance ?

  • Speaker #1

    Ça me dit surtout que j'utilisais trop d'adverbes à l'époque. Et c'est une sorte de résumé de ce que tu viens de dire, de l'intention finalement du C3D. Et ça parle aussi des intentions de ces entreprises qui essayent de faire différemment, c'est-à-dire qu'elles n'ont pas simplement le... tableau de bord financier, mais elle travaille sur, t'as parlé de robustesse, on en reparlera peut-être aussi, mais elle travaille sur le volet évidemment social, le volet environnemental, tous les liens qui se tissent et voilà, elles ne sont pas dans la performance financière, mais dans cette robustesse que je vois comme un mille pattes quoi, et qu'elles tissent des liens à plein d'endroits différents, mais c'est pas facile, surtout dans un monde où c'est pas encore très favorisé par la réglementation. Tous ces appels. Appellent ça très fort. C'est-à-dire un État ou des pouvoirs publics qui légifèrent à plein d'endroits pour inciter à aller beaucoup plus dans cette direction.

  • Speaker #0

    Est-ce qu'il ne faudrait pas une sorte de trois personnes à la tête d'une entreprise, un qui gère chacun des axes et ils sont tous obligés de se mettre d'accord tous les trois ?

  • Speaker #1

    L'idée, c'est même d'être dans quelque chose d'encore plus horizontal et que le pouvoir et les responsabilités soient encore plus réparties que trois personnes, une ou même trois. Et même qu'on puisse plus mélanger ces pôles, que ce ne soit même pas forcément séparé. C'est d'ailleurs la beauté de la permaculture par rapport à ce que tu as appelé développement durable, RSE, où on a trois cercles, économie, social, environnement, qui sont séparés et qui vont se... Se retrouver par miracle, il y a un petit point où finalement les trois se rejoignent. La permaculture, elle inclut les cercles les uns dans les autres. C'est-à-dire que si on n'a pas de planète, on n'a probablement pas de sphère sociale. On n'a pas d'hommes et de femmes sur Terre. Et si on n'a pas cette sphère sociale, on n'a pas la sphère économique. Donc la sphère économique, elle est bien incluse dans la sphère sociale qui est incluse dans la sphère environnementale. Donc ça change un peu la façon de voir.

  • Speaker #0

    Nous passons maintenant aux figues ou citrons, qui est une sorte de pied de nez. Parce que, quand on fait le kéfir, un des meilleurs environnements pour le kéfir, il s'avère que c'est mettre des figues et du citron. Et là, on est des malheureusement pauvres humains, il faut choisir, et donc je te fais jouer à une sorte de tu préfères. Toi qui t'y connais en RSE ou en entreprise, tu préfères être nostalgique de la méthode agile, ou confondre les acronymes CQFD et CSR... CSR... CRSD... SRD, merde, attends, c'est lequel ? CSRD ! Jean-Michel mis en abîme

  • Speaker #1

    CSRD ce qui est sûr c'est que je suis pas nostalgique des acronymes est-ce que t'es nostalgique de la méthode agile ? non je voulais te lancer un peu sur un mauvalise d'accord non pas du tout nostalgique en fait tout ce qui concerne le monde de l'entreprise j'ai aucune nostalgie je suis contente de plus y être t'es pas nostalgique ?

  • Speaker #0

    tu préfères danser sur du Jean-Jacques Goldman ou rester ? immobile sur du Britney Spears ?

  • Speaker #1

    Danser sur Jean-Jacques Goldman. Je suis TDAH, moi.

  • Speaker #0

    Tu préfères jardiner sans jardin ou entreprendre sans entreprise ?

  • Speaker #1

    Lire sans lire. Sortir du cadre.

  • Speaker #0

    Tu préfères faire une bonne réponse sur une mauvaise question ou échouer au questionnaire de Proust ?

  • Speaker #1

    Je ne sais pas si ça veut dire échouer au questionnaire de Proust.

  • Speaker #0

    Dans ma tête, c'est un peu une blague parce que j'ai appris un truc pour préparer cet épisode. Tu sais ce que c'est le questionnaire de Proust ? C'est quoi ?

  • Speaker #1

    C'est un questionnaire d'une vingtaine de questions qui est très connu et qu'on pose comme ça des personnalités pour en savoir plus sur eux.

  • Speaker #0

    Pourquoi on dit que c'est le questionnaire de Proust ?

  • Speaker #1

    Je crois que c'est Proust qui l'a inventé.

  • Speaker #0

    En fait, je ne crois pas. C'est qu'à la base, c'est un questionnaire un peu connu et un jour, on a retrouvé les réponses de Proust. Et moi, je trouve ça hyper intéressant parce qu'on a déjà eu ces débats sur les questions et les réponses. Mais le fait que... C'est un truc connu, en fait, c'est ces réponses, les réponses de Marcel Proust, qui ont donné le nom quand même au questionnaire de Proust. C'est pas un truc de...

  • Speaker #1

    Je préfère les questions que les réponses. Mais je sais pas si c'était ça la question à la base. Et moi-même, dans mon livre Rivière qui sortira en janvier, j'essaye de réfléchir à une liste de questions.

  • Speaker #0

    Ah ouais, t'as un livre qui sort en janvier ?

  • Speaker #1

    Voilà, si j'étais en face de quelqu'un que je connais ou que je connais pas, d'ailleurs, quelles seraient les 30 questions que j'aurais envie de lui poser ?

  • Speaker #0

    Ça commencerait par laquelle, Talra ? Une question parmi 30.

  • Speaker #1

    C'est pas fini, c'est en train d'être écrit, donc je retravaille, je retravaille.

  • Speaker #0

    T'as une question qui bouge jamais ou pas ?

  • Speaker #1

    Il y a deux, trois questions qui n'ont pas bougé. As-tu déjà rencontré un fantôme ? Est-ce que tu préfères manger des fruits ou des légumes ? Est-ce que tu préfères les questions ou les réponses ?

  • Speaker #0

    Toi qui t'y connais en nutrition, tu préfères t'appeler Madeleine et avoir jamais lu Proust, ou t'appeler Marcel et ne pouvoir lire aucun autre livre que La Recherche du Temps Perdu ?

  • Speaker #1

    Je préfère m'appeler Marcel que Madeleine, de toute façon, comme mon arrière-grand-père.

  • Speaker #0

    Marcel Hamet qui a créé En avant Guingamp je trouve qu'on ne parlait pas assez de foot dans cette émission je t'avais un peu lancé tout à l'heure quand je t'ai dit ici c'est ça commence comme ça ? ici c'est Guingamp ? ici c'est Paris c'est pour ça que j'ai dit ici c'est l'académie du climat t'as retrouvé pour les entreprises ou pas ? non,

  • Speaker #1

    je n'arrive pas à faire deux choses en même temps je suis concentrée sur tes questions il n'y a pas un végétal qui s'appelle Hélicryse ? Si, et l'icrise c'est une plante qui est bonne pour la peau, qui a des vertus cicatrisantes.

  • Speaker #0

    C'est bon alors du coup c'est ça ?

  • Speaker #1

    Si tu veux.

  • Speaker #0

    D'accord, si je t'en trouve une autre tu me fais un signe ? Ça ressemblera à quoi ?

  • Speaker #1

    Je lève la main.

  • Speaker #0

    Très bien. On passe maintenant à la symbiose, puisque nos micro-organismes, nos grains de kéfir, quand ils sont justement dans le bon environnement figue-citron, ce sont des micro-organismes qui sont en symbiose, donc déjà un avec tout ce que toi t'as perçu de l'entreprise, de ce que tu connais de l'entreprise. et de ce que tu vis toi-même par ailleurs dans l'écologie et la littérature, à ton avis, comment on pourrait favoriser la symbiose en entreprise ?

  • Speaker #1

    Il faudrait la favoriser partout, la symbiose. On crève de ne pas l'avoir. On en manque beaucoup en littérature, on en manque beaucoup dans les entreprises.

  • Speaker #0

    Tu dis il en faut partout, mais du coup, à ton avis, qu'est-ce qu'il faudrait faire pour qu'il y en ait plus partout ?

  • Speaker #1

    Ben, s'écouter. CQFD.

  • Speaker #0

    CQFD ? C'est SRD ? Et est-ce que toi, tu as déjà été en symbiose ? Est-ce que tu t'es déjà sentie en symbiose ?

  • Speaker #1

    Oui, ça m'arrive souvent. Je me sens tous les jours à un moment en symbiose, une sorte de sentiment un peu spinoziste avec le monde. Avec une personne, oui, je suis très liée à Julia Cardinon. C'est à la fois une amie et quelqu'un qui partage énormément des problématiques liées à nos métiers de romancière, et aussi très féministe. C'est ce qui fait un cocktail, un kéfir vraiment réussi. et donc c'est vraiment une personne avec qui j'ai J'ai grande joie à échanger, partager, donner. On s'aide beaucoup. Je ne sais pas si je l'aide et je lui donne autant qu'elle me donne, mais je peux dire là qu'elle me donne beaucoup.

  • Speaker #0

    Peut-être que vous êtes en symbiose quand même, parce que vous ne vous donnez pas la même chose.

  • Speaker #1

    Non, on ne se donne pas la même chose.

  • Speaker #0

    C'est ça qui est beau de la symbiose. Chacun donne quelque chose de différent. Oui. Donc forcément, quand tu es en symbiose, tu ne dois peut-être pas avoir le sentiment de donner autant.

  • Speaker #1

    Il y a des gens à qui tu penses que tu donnes plus que tu ne reçois. et puis des gens qui t'as la sensation qui te donnent plus et Julia j'ai la sensation qu'elle me donne plus que ce que je suis capable de rendre tu parlais de cette optique de réciprocité qui m'a longtemps obsédée mais maintenant je me dis il faut accepter que tout n'est pas réciproque dans la vie c'est dur mais c'est comme ça à

  • Speaker #0

    la base vous êtes connue, quelqu'un a commencé par donner en gros parce qu'une symbiose c'est il y en a un qui commence par donner sans savoir et peut-être que c'est aussi ça en entreprise on a peur de donner

  • Speaker #1

    De toute façon, globalement, on a peur de donner. Je pense qu'il y a des gens qui sont beaucoup plus à l'aise, qui sont beaucoup plus dans le don.

  • Speaker #0

    Peut-être que le problème, c'est qu'on n'arrive pas à favoriser ceux qui donnent suffisamment.

  • Speaker #1

    C'est-à-dire que ceux qui donnent beaucoup, ils s'épuisent, surtout en entreprise, j'imagine. C'est le fameux effondrement qu'on peut connaître à certains moments, quand on donne, on donne et qu'on n'a plus de force au bon moment, parce qu'on n'a pas assez reçu.

  • Speaker #0

    on passe maintenant à la production puisque comme tu le sais en permaculture tu le dis mieux que moi, c'est un peu toi qui m'as inspiré cette rubrique et donc quelle production au sens de la permaculture toi tu offres au monde ?

  • Speaker #1

    des romans là tu veux que j'offre quelque chose ? ce que je peux offrir c'est des consignes d'écriture une sorte d'inspiration pour que si certains qui écoutent cet épisode ont envie d'écrire et puissent le faire, que ce soit en entreprise ou ailleurs sur le vivant justement il y a plusieurs consignes que j'aime bien donner écrire un texte alors ça peut être 10 lignes ou 10 pages selon votre inspiration Tu en as parlé très rapidement en intro, les grands règnes du vivant sont présents. Souvent dans les textes, dans ce qu'on lit, il y a beaucoup les humains, la bite, mon couteau, et il y a assez peu les autres grands règnes du vivant. Moi je suis un peu en radar quand je lis à voir s'il y a en particulier les règnes végétales, les règnes animales, éventuellement les champignons, soyons fous. Donc écrire un texte où il y a tous ces règnes-là qui se rejoignent. Même qu'il y ait les points de vue de ces différents règnes-là, c'est encore plus difficile.

  • Speaker #0

    C'est quoi les cinq grands règnes ?

  • Speaker #1

    Il y a le règne animal, le règne végétal, les champignons, les bactéries et les prostites. Je ne me lancerai pas dans une explication sur ce que c'est les prostites.

  • Speaker #0

    C'est quoi les prostites ?

  • Speaker #1

    Deuxième consigne possible, c'est prendre un être vivant, ça peut être aussi un animal végétal, un humain, et le décrire non pas par ses aspects physiques ou psychologiques, mais le décrire justement par les liens qu'il tisse. Les liens qu'il tisse avec les autres, avec lui-même, avec son passé, avec son avenir, avec ses enfants, ou les liens qu'il ne tisse pas d'ailleurs, mais voilà, se centrer sur cet aspect-là. Il y a une consigne que je donne aussi parfois, qui est à partir d'un texte, qui est la quatrième de couverture du livre qui s'appelle « Une année à la campagne » de Chou Hubel, je ne sais pas comment on le dit. C'est Le Clésio qui l'a écrit, et à partir de ce texte-là que je vais vous lire, qui est très court, je propose d'écrire un autre texte. Donc j'ai souvent rêvé d'un livre complet où il y aurait les oiseaux, les insectes volant dans la lumière du matin, les gouttes accrochées dans les toiles des araignées, le ciel changeant selon les saisons, l'odeur de la pluie, le bruit du vent, les cris des animaux. Un livre où on sentirait la chaleur du soleil, le toucher léger des plantes. Un livre où il y aurait les secrets invisibles et invisibles du monde et même des choses extraordinaires et rassurantes comme la recette de la tarte au kaki. Un livre qui me donnerait le même bonheur que lorsque je lisais autrefois Virgile assis près de la mer à l'ombre des oliviers. Un livre où la poésie serait comme une respiration, où le langage ferait sa musique familière. Je propose de reprendre le début, j'ai souvent rêvé d'un livre complet ou trois petits points. Et à vous de continuer.

  • Speaker #0

    Donc ça c'est une consigne qu'ils peuvent faire dans un document d'entreprise ?

  • Speaker #1

    Oui, où vous voulez.

  • Speaker #0

    Dans le livre, je parle beaucoup de ton pessimisme, mais en quoi rencontrer les six poissons pilotes t'a transformé toi ?

  • Speaker #1

    De toute façon, toute rencontre est transformation. Et eux-mêmes ne cessent de se transformer, c'est ça qui est beau, la curiosité, l'ouverture. Et ça m'a transformée forcément parce que chaque livre que j'écris me transforme. Et de les écouter, d'écouter d'autres vies que la mienne. J'ai beaucoup parlé de mon père aussi dans le texte, donc ça m'a aussi aidée à mieux comprendre mon père qui avait une entreprise qui était pépiniériste. J'ai pu tisser des liens, c'est pour ça que ça m'a aussi beaucoup émue à certains moments, entre ce que eux vivaient et ce que mon père a vécu. Et mon père, le lisant, a été aussi très ému par cette parole-là. Il m'a dit « j'aimerais trop partir en week-end avec eux et discuter, échanger » . Donc ça m'a touchée. Et ça m'a peut-être précisé aussi un peu les idées sur... Enfin, c'est une question qui revient souvent, mais qu'est-ce que... Mon éditeur m'a un peu poussée à aller dans cette direction, dans la conclusion, mais qu'est-ce qu'ils ont en commun, ces gens ? qui y croient encore, qui agissent. On est quand même assaillis d'assez mauvaises nouvelles. Là, j'ai été face à des personnes quand même très ancrées, très alignées. Ça fait du bien, même si chacun a ses travers, même si évidemment j'étais plus touchée par certains que par d'autres. Et je me suis demandé d'où ça venait, ça. Tous y sont très authentiques, ça c'est sûr. Et d'ailleurs, c'est un des ingrédients pour faire un bon livre, donc c'était une bonne nouvelle. Je me souviens d'une éditrice il y a 10-15 ans qui m'avait dit pour faire un bon livre, il faut de l'authenticité et de l'intensité. Et donc ça c'est sûr qu'ils sont authentiques, qu'ils sont intenses. Il y a cette histoire de robustesse, ça m'a beaucoup fait réfléchir là-dessus. C'est-à-dire quand on dit être plutôt riche de ses liens que de ses biens. La robustesse c'est ce que je disais tout à l'heure, l'inverse de la performance économique, c'est être pas très très bon à un endroit mais bon partout. C'est maintenir un système stable. malgré les fluctuations et en pénurie de ressources. Donc c'est quand même intéressant. Et tous, ils sont un peu dans cette direction-là. Au lieu d'avoir un fournisseur, en avoir cinq, au cas où, enfin, multiplier les liens comme ça. Ils sont lucides aussi, je trouve, grâce à la clac qu'ils ont pris. Donc c'est assez intéressant de discuter avec des gens qui sont lucides, qui ont compris les neuf limites planétaires. Et alors après, savoir comment ils y croient, ils continuent à y croire, c'est un mystère. Comment ils peuvent être dans cette action ? Moi, j'aime bien cette phrase de Fernando Pessoa qui dit « Agir, c'est connaître le repos. » Ils sont vraiment dans l'action et dans une forme de repos. Ils agissent, ils font ce qu'ils peuvent.

  • Speaker #0

    Ils doivent être dans un grand écart un peu permanent entre justement ce qu'ils ont reçu de la CEC et le cap qu'ils aimeraient peut-être emmener et des trucs très terre-à-terre. Oui,

  • Speaker #1

    mais ils y arrivent. Ce n'est pas facile, mais ils y arrivent. Ils arrivent à emmener, à inspirer. Pas toujours et pas de la même façon, mais ils y arrivent. En fait, ils ont la sensation... que leur action compte dans la toile du vivant. Et ça, c'est vraiment incroyable. Et ça m'a rappelé toute proportion gardée. J'avais entendu, il y a très longtemps, des témoignages pendant la Seconde Guerre mondiale qui disaient ce qu'on se demande tous pendant la guerre, est-ce que je serai un collabo ou un résistant ? Et ils disaient, finalement, les gens qui étaient dans la résistance ou qui ont aidé à cacher des Juifs ou des personnes en difficulté, ce n'est pas forcément des gens qui sont meilleurs que les autres. Ils avaient la sensation que leur action comptait. Mais comment on a ça ? Comment on touche ça ? C'est vraiment une grande question. Et après, il y a quand même toute la partie collectif. Ce livre, il ouvre aussi cette question-là. Ce n'est pas seulement des gens pris individuellement, c'est évidemment ce collectif de la CEC. Et pour qu'on se transforme, il faut agir à toutes les échelles. Ça ne sert à rien de parler que de l'échelle individuelle. Il faut parler des échelles collectives. L'entreprise, ce n'est pas le sujet le plus sexy, mais c'est un des endroits où... Le collectif se joue, se tisse. Et puis évidemment, les pouvoirs publics, le politique, on en a parlé tout à l'heure. Il faut à la fois des anticipations des pouvoirs publics, il faut des clients convaincus, il faut un actionnariat aligné. Ça, je n'en ai pas reparlé, mais j'ai essayé de parler aux actionnaires et personne ne m'a répondu. On a parfois, pour certaines entreprises qui ont un actionnariat familial, c'est plus facile de détourner le banc de poisson. Mais quand on est Renault Trucks et que c'est Volvo l'actionnaire et que moi, je n'ai même pas pu lui parler, c'est compliqué de se dire à long terme comment on fait. Il commence à parler un peu de décroissance, mais comment on avance dans cette direction-là ? Comment on aligne les actionnaires ? Et puis, comme tu disais, c'est aussi beaucoup comment on redonne du sens. Je n'aime pas trop cette expression, mais on est des machines à fabriquer et à chercher du sens, comme dit Nancy Houston. mais c'est comment on redonne du sens en interne avec les équipes, on redistribue le pouvoir. Et ça, c'est vraiment peut-être l'endroit le plus difficile, délicat pour eux. C'est-à-dire, ils reviennent, comme tu dis, conscients des crises qu'on a déjà commencé à traverser, et comment on réinsuffle ça en interne, comment chacun se saisit de ses sujets. Et ça, c'est vraiment le gros du sujet. Et il y a autre chose aussi que j'ai sentie chez eux, peut-être... encore plus chez certaines, qui est connaître ses propres limites. Et vraiment se dire, je ne suis pas le chef des pirates sur le bateau, mais ça continue à tourner sans moi, toute cette histoire de la subsidiarité. Donc ils m'ont beaucoup fait réfléchir à tous ces sujets-là, en fait. Et redonner espoir d'une certaine façon, aussi.

  • Speaker #0

    Est-ce que ça t'a donné envie de retourner en entreprise ?

  • Speaker #1

    Non. Enfin, ça dépend laquelle.

  • Speaker #0

    Pourquoi pas. Il y a d'abord un non, quand même. Est-ce que ça t'a donné envie de créer une entreprise ? Non.

  • Speaker #1

    Je suis déjà présidente de Louise Browais et associée.

  • Speaker #0

    C'est compliqué. On est combien dans la... Je me stime un petit peu dedans quand même. Je suis un peu dans l'entreprise, moi, quand même. On a vu juste avant que c'est aussi des moments où c'est parce que t'es en symbiose qu'on est capable d'avoir de l'audace. Quand est-ce que toi, t'as pas manqué d'air récemment ?

  • Speaker #1

    J'ai pas manqué d'air quand j'étais en Bretagne et que je me baignais dans la mer. Claire était pas polluée, c'était agréable. Parce que l'air qu'on respire, c'est quelque chose.

  • Speaker #0

    À la quête des mille climats, on respire hyper bien, mais c'est vrai que dans le reste de Paris, c'est pas beaucoup. En février dernier, tu avais un projet de roman ? Alors,

  • Speaker #1

    moi, dans ma vie, les choses importantes se passent en février, c'est le printemps astrologique. En janvier, j'étais encore en train de piétiner sur un roman que j'ai créé depuis un an et demi, qui était un peu une bouse, ou pour paraphraser Julia Carninon, c'était comme un cheval au galop dans une impasse. J'adore cette expression. Donc ça a été vraiment très dur, parce que j'ai galéré pendant un an et demi. Je pense que moi-même, j'allais pas bien. mais comment aller bien dans ce monde Ça parlait de cet état pas génial, un peu immobile. Ce texte que je n'arrivais pas à continuer, à avancer, c'est comme une maillot qui ne prend pas. C'était une fiction. Et en février, j'ai repris, j'ai recommencé complètement. J'ai commencé une nouvelle fermentation. Un nouveau texte qui est, j'appelle la suite de la reverdie, mais c'est-à-dire qui est dans une veine plus récit autobiographique. Mais tout ça fait partie, j'espère, de la grande maison de la littérature, le grand hôtel de la littérature. Où il y a de la place pour tout le monde, je ne sais pas. Et je pensais au Grand Budapest Hotel de Wes Anderson, mais ça n'a aucun rapport. Et donc j'ai commencé à écrire quelque chose de nouveau. Et c'est vrai que c'est venu très comme ça. Comme si avoir échoué pendant un an et demi faisait qu'un endroit. On ouvre une autre vanne, une autre digue. Et les choses se sont mises en place, comme un jardin. Comme si ça avait fermenté dans un coin de mon inconscient pendant un an et demi. Et pendant que je m'escrimais avancer ce texte qui n'est pas réussi du tout. Et je m'étais dit, je n'aurais pas la force de recommencer une troisième fois, parce que je venais de regarder un film, en plus, qui s'appelle Vingt Dieux, où ils essayent trois fois de faire un comté, et je m'étais vraiment dit, j'avais l'image vraiment de me dire, mais moi, si je dois recommencer une troisième fois, me mettre devant le cuve en cuivre, et de voir, je ne vais pas y arriver, en fait. Je ne sais plus où je dois aller chercher ces ressources et ces capacités. Et je me dis, malheureusement, on en passe par là. C'est très, très dur. Il y a un texte très beau, d'ailleurs, de Christiane Saint-Gé. Ça commence par j'ai gagné la certitude que les catastrophes sont là pour nous éviter le pire. Le pire c'est bel et bien d'avoir traversé la vie sans naufrage, d'être resté à la surface des choses, d'avoir dansé au bas des ombres, d'avoir pataugé dans ce marécage des on-dit, des apparences, de n'avoir jamais été précipité dans une autre dimension. Les crises dans la société où nous vivons, elles sont vraiment ce qu'on a encore trouvé de mieux, à défaut de mettre, quand on n'en a pas à portée de main, pour entrer dans l'autre dimension. Dans notre société, toute l'ambition, toute la concentration est de nous détourner. de détourner notre ascension de tout ce qui est important. Un système de fil barbelé, d'interdit pour ne pas avoir accès à notre profondeur. C'est une immense conspiration, la plus gigantesque conspiration d'une civilisation contre l'âme et contre l'esprit. Dans une société où tout est barré, où les chemins ne sont pas indiqués pour entrer dans la profondeur, il n'y a que la crise pour pouvoir briser ces murs autour de nous.

  • Speaker #0

    On dirait du Jean-Jacques Goldman un peu, briser des murs.

  • Speaker #1

    Je pensais que t'allais danser.

  • Speaker #0

    Justement c'est Julia qui t'a donné ce meilleur feedback, comme on dit en entreprise. T'as réussi à faire, là où on dit parfois pour les startups, qu'ils arrivent à pivoter. C'est complètement ce que t'as fait en février. T'avais une certaine objective sur le roman.

  • Speaker #1

    C'est parce que j'ai confiance en Julia. Donc je suis capable d'entendre vraiment quelque chose de finalement assez dur. T'as écrit une bouse et il va falloir arrêter. Il va falloir recommencer à zéro. Il y a un moment où on comprend qu'il faut recommencer autrement.

  • Speaker #0

    Bravo de ne pas avoir manqué d'air.

  • Speaker #1

    C'est le printemps aussi.

  • Speaker #0

    Et tu as une passion dans la vie ?

  • Speaker #1

    J'ai une passion pour la littérature, évidemment. Mais ça, je pense que ça se sent. C'est une passion dévorante pour l'écriture et la littérature, qui me rend presque autiste. C'est-à-dire que les choses qui n'est pas ça m'intéressent de moins en moins. J'ai une passion pour ce que tu disais sur l'entreprise à un moment où toute cette logorée, ces agronymes, ces agronymes sont assez horribles, me font mal à l'oreille. Et donc effectivement, j'avais l'idée jadis de faire un hôpital pour les mots malades. tous ces mots trop utilisés, bienveillance, sens, agilité, que sais-je, et dont les gens sont écoeurés aussi en entreprise. Il y a cette histoire de quels mots on utilise, quels langages. Donc c'est peut-être comme ça que la littérature peut apporter quelque chose à l'entreprise. Et l'entreprise, la littérature, dans ces entreprises, en tout cas celles que j'ai rencontrées là, il y a quand même une forme d'entraide qui est très belle, un esprit d'équipe. Et ça, ça manque beaucoup en littérature. C'est-à-dire qu'en littérature, c'est quand même chacun sa gueule. Chacun sa première de couverture, il y a très peu d'entraide. Tout le monde tire la quatrième de couverture à lui. C'est souvent une souffrance.

  • Speaker #0

    Moi j'avais entendu un jour qu'on faisait pas de bons romans avec des bons sentiments, mais les nouveaux récits voudraient un peu ça, non ?

  • Speaker #1

    Les nouveaux récits, c'est l'idée de transformer les imaginaires pour que ça retransforme nos vies en retour. Pour moi, la littérature et la vie sont très imbriquées, elles se répondent beaucoup. Est-ce qu'il faut changer la vie pour changer la littérature, ou changer la littérature pour changer la vie ? En tout cas, dans cette histoire de nouveau récit, il y a l'idée de se dire, dans la majorité des textes qu'on lit, des films qu'on voit, des séries, de tout l'imaginaire qui nous abreuve au quotidien dans la société, on est dans un imaginaire où les idées de domination sont assez présentes. de hiérarchie, d'emprise. Je parlais récemment avec une amie de Belle du Seigneur, il y a Solal parcourt le monde pendant qu'Ariane l'attend dans sa baignoire. Moi, je n'ai plus trop envie de lire des textes comme ça. Ou justement, des textes où il n'y a que le règne humain et où on ne sait rien du grand vivant qui nous entoure. Pour moi, les nouveaux récits, je pense que chacun peut avoir sa définition, mais c'est des endroits où on va raconter, on va inventer peut-être des nouvelles formes aussi. C'est intéressant quelle forme on donne à nos livres. On sait quelles plantes, attirent les papillons, mais on ne sait pas quels livres attirent les papillons. Donc quelle forme on doit donner à nos livres pour qu'ils attirent les papillons ? Et être dans un imaginaire plus ouvert, moins hiérarchisé, et dans une ouverture par rapport à tous les règnes du vivant, puisqu'on a quand même énormément perdu ce lien. C'est un endroit où on peut retrouver ça. Alors récemment, j'ai lu deux textes de Becky Chambers, je ne sais pas si je le dis bien, un psaume pour les recyclés sauvages, et après une prière pour les cimtimides, c'est deux tomes de la même histoire. Et il y a quelqu'un sur la quatrième qui, parlant du livre, dit ceci. « La vision optimiste d'un monde fertile et beau qui s'est reconstruit après avoir frôlé la catastrophe, l'explorer aux côtés de deux personnages principaux est une expérience fascinante et délicieuse. » Donc là, on est vraiment dans cette idée de sorte de SF positive, en fait. Ça, je trouve ça vraiment intéressant. Alors, ce n'est pas que du tout des bons sentiments, on est vraiment dans la nuance, mais on n'est pas dans un imaginaire aussi écologique de... catastrophe de fin du monde, d'apocalypse, on est plutôt dans qu'est-ce qui pourrait se passer aussi de positif, de beau, de simple et sincère. Si on lit beaucoup de récits qui nous parlent de cet avenir ou même de ce présent de cette façon-là, peut-être que la vie va finir par ressembler à ça.

  • Speaker #0

    On n'a pas encore dit que l'écologie c'est la science des liens, on l'a un peu esquissé mais pas vraiment dit.

  • Speaker #1

    Oui.

  • Speaker #0

    Ça c'est une phrase de qui déjà ?

  • Speaker #1

    C'est pas une phrase, c'est vraiment la définition de l'écologie scientifique telle qu'on la conçoit. Lien des êtres vivants à leur écosystème, lien des vivants entre eux. Et la littérature, pour moi, c'est proche de ça aussi, c'est l'art des liens, c'est-à-dire on peut faire un livre où on parle de choses apparemment très éloignées et réussir à les relier entre elles. Pour moi, ça, c'est tout l'art d'un texte qui se lise après aussi facilement qu'un roman et offrir des points de vue divers, variés, qu'on n'a pas du tout l'habitude. De voir, d'entendre, donner la voix à ce qu'on n'entend pas.

  • Speaker #0

    Donc peut-être que ce qui manque à l'entreprise, c'est peut-être plus de poésie ?

  • Speaker #1

    Ça c'est le monde globalement qui manque de poésie. Tout à l'heure, je ne sais plus dans quel texte, c'était Leclesio qui disait « la poésie est une respiration » . La poésie pas dans le sens d'avoir un pléiade de Rimbaud chez soi, c'est la poésie dans le sens, petite poésie concrète de toutes ces choses quotidiennes. C'est attention peut-être, attention à tout ça. Et d'ailleurs, dans le livre que je lis, il y a un robot qui vient en disant « De quoi avez-vous besoin ? » C'est une question qui est très belle. « De quoi avez-vous besoin pour vivre, pour vivre décemment ? » Il n'y a pas la réponse à la question, parce qu'à la littérature, elle s'en fout un peu des réponses. Mais les deux tomes du livre sont traversés par cette question-là. « De quoi avez-vous besoin ? » De quoi on a besoin ici, maintenant, en entreprise, demain ?

  • Speaker #0

    Quand on parle des besoins, on parle souvent des émotions derrière. C'est un endroit où l'entreprise, qui a longtemps été sans émotions, Toi, qui as fait des ateliers en entreprise, ça faisait partie aussi des ateliers de reparler de ses émotions. Peut-être qu'il faut aussi que les gens travaillent sur leurs émotions beaucoup plus et les fassent rentrer en entreprise.

  • Speaker #1

    Oui, alors là, encore une fois, ce n'est pas qu'un problème en entreprise. Et puis parfois, c'est justement la mascarade. On fait un petit atelier où on parle de nos émotions, puis après, on n'en parle pas pendant trois mois. Moi, c'était vraiment ce qui était invivable pour moi en entreprise. C'était de ne pas pouvoir être moi avec toutes mes facettes, de devoir vraiment couper, de dire qu'il n'y a que cette partie-là de moi qui va... être autorisé à être là et à travailler en entreprise et effectivement, aucune place pour les émotions, mais ça c'est valable globalement. Alors que si on se dit, il y a un sas pour parler de comment on va, les émotions, ça aide, parce qu'après on comprend aussi pourquoi un tel va pas bien en ce moment, c'est aidant.

  • Speaker #0

    Merci Louise, c'est bientôt la fin de l'épisode. Est-ce qu'on a tout dit ?

  • Speaker #1

    Je sais pas.

  • Speaker #0

    D'accord. Est-ce que j'ai posé suffisamment de questions ?

  • Speaker #1

    J'ai l'impression.

  • Speaker #0

    C'est quoi donc les actualités à la CE ? Donc il y a eu le banc de poissons qui est sorti là. En septembre.

  • Speaker #1

    En septembre, on sort un livre poético-pratique chez Tana Éditions, qui s'appelle Jardiner sans jardin, avec les dessins de Victoria Dorsch. Et mes photos, d'ailleurs, j'ai une trentaine de photos. C'est comment survivre en ville quand on n'a pas de jardin et jardiner un peu nos imaginaires. Et en janvier ou février, il sort chez Phoebus, mon quatrième roman, qui est une forme de suite de La Reuverdie. Aujourd'hui, je l'appelle le livre Rivière, parce que le titre est...

  • Speaker #0

    Pas encore définitif.

  • Speaker #1

    Voilà.

  • Speaker #0

    Merci Louise. Et merci à vous d'avoir écouté cet épisode. Merci à l'Académie du Climat de nous héberger. Merci au C3D d'avoir sponsorisé cet épisode et de nous avoir permis de faire cette carte blanche. Si vous voulez soutenir ce podcast pour me permettre de faire plus d'épisodes, de laisse-moi kéfir la vibe. avec pas forcément sponsoriser et peut-être organiser des soirées comédie club. Rendez-vous sur la page Tipeee. Mettez des étoiles autant que vous pouvez sur les épisodes et dans votre vie pour vous mettre en symbiose. A très bientôt.

  • Speaker #1

    Et des poignettes.

Transcription

  • Speaker #0

    Vas-y, fais un test.

  • Speaker #1

    Homme libre toujours, tu chériras la mer.

  • Speaker #0

    Homme libre toujours,

  • Speaker #1

    tu chériras la mer.

  • Speaker #0

    T'es bien en mode avion ? Non,

  • Speaker #1

    parce que j'ai des notes sur mon téléphone.

  • Speaker #0

    C'est parti ?

  • Speaker #1

    C'est parti.

  • Speaker #0

    Bonjour et bienvenue dans l'épisode 0 de Laisse-moi kéfir la vibe avec. Je suis Mathieu Briard. Cet épisode est sponsorisé par le C3D. Un grand merci à l'Académie du Climat de nous accueillir pour enregistrer ce pilote, cette carte blanche pour le C3D. Aujourd'hui, j'ai l'immense honneur de recevoir Louise Brouez. Et ensemble, autour d'un verre de kéfir, nous allons parler de permaculture, de bande poisson et de littérature. Louise, bonjour.

  • Speaker #1

    Bonjour.

  • Speaker #0

    Louise, tu es dans l'ordre chronologique, ingénieur agro, spécialisé en nutrition, RSE, permacultrice, permaculture, pardon, et écologie. T'es pas spécialisée en permacultrice ?

  • Speaker #1

    Non mais ni en permaculture parce qu'il n'y avait pas ça à l'agro, c'est après que j'ai appris ça.

  • Speaker #0

    C'est pour ça que j'ai dit dans l'ordre chronologique.

  • Speaker #1

    Ah d'accord.

  • Speaker #0

    Tu es également autrice et tu animes des ateliers d'écriture. En entreprise, on dirait que tu as plusieurs casquettes et même plusieurs cordes à ton arc. et tous ces accessoires t'ont permis de publier des livres de cuisine, des romans et des récits comme La Reverdie aux éditions La Mer Salée, Le Dernier Nez et Comment détourner un banc de poissons publié aux éditions de L'Arbre qui marche. On avance doucement vers ta passion pour les différents règnes du vivant. Rencontrer six dirigeants qui sont passés à travers les filets de la CEC, telle fut ton entreprise. D'entreprise, il y a justement question, toi qui l'as fui. Il y a des années, depuis, tu mènes ta marque dans les méandres du monde littéraire au milieu des requins et autres éditeurs carnassiers. Là,

  • Speaker #1

    tu véhicules une mauvaise image des requins.

  • Speaker #0

    Parce que t'as quoi à dire sur les requins ?

  • Speaker #1

    On a l'image que c'est des grands prédateurs, alors qu'il y a des espèces animales qui sont beaucoup plus dangereuses pour nous.

  • Speaker #0

    Comme quoi ?

  • Speaker #1

    Alors si on parle des femmes, on peut parler des hommes. Si on parle du genre humain, c'est le moustique.

  • Speaker #0

    On peut dire qu'en lisant ce livre, j'ai bien mordu. Je trouve qu'en s'étant déco anxiété, il donne la pêche. La pêche, t'as compris ? Oui. Parce que tu nous fais plonger dans le courant de ceux qui agissent au quotidien dans leur boîte. Une belle brochette de dirigeant, la brochette n'étant pas la femelle du brochet, poisson qui a été introduit dans la scène et page 180. Bref, c'est un vrai kiff de te lire et aussi frêle et se kiff. On aime te suivre hameçonner les six poissons pilotes à la lumière et à l'ombre de ses voix. Ça, c'est une belle image et évidemment, elle est de toi et vous la trouverez, page 151. Ce livre m'a donné envie de draguer le fond de mes certitudes et d'apprendre avec toi la simplicité, la sincérité et la robustesse. Je crois qu'on a assez joué avec les mots sur les poissons, alors j'arrête. Tu parles beaucoup des mots en entreprise qui ont été vidés de leur sens comme un vulgaire colin d'Atlantique Nord. Et toi qui aimes la réciprocité, tu nous diras comment la littérature pourrait s'inspirer de l'entreprise et inversement. Et même si Céline Dion a chanté On ne change pas, Laurent Voulzy, lui, A chanter qu'on pouvait changer les choses avec des bouquets de roses, changer les hommes avec des géraniums. Alors, Louise Brouez, avec quoi on va changer les entreprises ? Tu t'y attendais pas celle-là ! Oui ! Alors ?

  • Speaker #1

    Avec le cœur.

  • Speaker #0

    Il faut trouver un truc en « is » .

  • Speaker #1

    Avec l'amour.

  • Speaker #0

    Et un truc en « is » .

  • Speaker #1

    Une rime en « is » , d'accord. J'ai banquise, mais c'est pas avec la banquise qu'on va changer les entreprises.

  • Speaker #0

    Et on commence, Louise Brouez, avec le tri des grains. Le tri des grains, c'est parce que quand on fait le kéfir et qu'on lance la première fermentation, on choisit les grains qu'on va utiliser pour la première fermentation. Donc on trie ceux qui sont en bonne santé, pas en bonne santé. Donc on va choisir ensemble ce qu'on va mettre dans l'épisode. Est-ce que pendant l'épisode, on peut faire des jeux de mots ou des mots-valises ?

  • Speaker #1

    Oui. Je croyais que ce n'était pas à la mode les jeux de mots, mais j'adore ça.

  • Speaker #0

    Est-ce que pendant l'épisode, on peut parler de tes enfants ? Oui. Petit disclaimer, il faut dire que dans la vie...

  • Speaker #1

    Nous sommes mariés.

  • Speaker #0

    Nous sommes mariés. Un de tes deux enfants s'avère être aussi le mien. Oui. Est-ce qu'on peut utiliser plusieurs voix pendant l'épisode ? Si on veut. Tu penses que tu vas en utiliser combien ?

  • Speaker #1

    7 ou 8.

  • Speaker #0

    Très bien.

  • Speaker #1

    C'est comme les rivières, elles empruntent plusieurs voix, elles ne sont pas que le trait bleu sur la carte.

  • Speaker #0

    Est-ce qu'on peut prendre le parti du tiers pendant l'épisode ?

  • Speaker #1

    Du tiers absent ?

  • Speaker #0

    Oui.

  • Speaker #1

    Si on veut, il faut quand même dire d'où ça vient.

  • Speaker #0

    Oui, vas-y, dis.

  • Speaker #1

    Ça vient de la communication non-violente, qui est comme la permaculture, quelque chose qui a changé ma vie. Quand on travaille en CNV, communication non-violente, quand on apprend ce que c'est, on travaille beaucoup sur l'écoute. Et l'écoute active en particulier. On se rend compte qu'on n'écoute jamais et que personne n'écoute jamais. Et on fait faire des exercices assez incroyables où on se force littéralement à écouter pendant dix minutes quelqu'un sans l'interrompre. C'est très très long, dix minutes. C'est incroyable comme exercice, parce qu'en fait, qu'est-ce qui se passe si vous faites l'exercice chez vous, où vous avez envie de poser des questions, moi c'est ce que je fais tout le temps, de quelle couleur était son slip, à quelle heure était le train à la gare, combien il y a eu de morts. On a envie de ramener à des choses qu'on a vécues nous-mêmes, ça on le fait tout le temps. Ou de, ce que tu disais, prendre le parti du tir absent. Et être juste dans une posture d'écoute, c'est révolutionnaire.

  • Speaker #0

    Je peux parler maintenant ? Oui. Dans Comment détourner un banc de poissons, tu as été à la rencontre de six dirigeants qui sont passés par la CEC. Oui,

  • Speaker #1

    alors c'est un livre qui est né avec une intention particulière, c'est un éditeur, François Delarbre qui marche, qui me dit qu'il y aurait un livre intéressant à faire sur la CEC et je cherche quelqu'un qui soit à la fois dans une certaine connaissance du monde de l'entreprise et qui puisse aussi écrire de façon littéraire. Moi c'est un peu, comme tu disais, de corde à mon arc et donc ça m'a plu. Et la CEC, c'est la Convention des entreprises. pour le climat, ça ressemble à la convention citoyenne pour le climat, mais là ça s'adresse à des entreprises et ce qui est vraiment intéressant, ce que j'ai senti en interviewant longtemps les six dirigeantes dont il y a des questions dans le livre, dirigeants et dirigeantes, c'est vraiment cette dimension, déjà effectivement d'aller dans une partie plus émotionnelle sur c'est quoi les crises écologiques et en particulier la crise climatique, et tous parlent d'une claque. Et il y a aussi vraiment l'effet collectif, c'est-à-dire de se rendre compte qu'on est ensemble dans le même bateau ou bande-poisson.

  • Speaker #0

    Tu commences à parler des émotions, on en parlera plus tard. C'est vrai que le truc de la claque, de dire ils sont passés par la CEC, ils ont été éveillés à tous les sujets sur le climat, ils se prennent une claque, c'est déjà un début d'émotion. C'est assez rare pour eux, mais du coup, ils vont l'emmener en entreprise. C'est sans doute un super moyen pour eux de faire changer les choses.

  • Speaker #1

    C'est étonnant de voir que pour certains pendant des dizaines d'années ils ont été profondément dans le déni et tout d'un coup là ils voient les choses, c'est un peu comme quand on fait une fraise du climat, qu'on n'y connait rien, vraiment on se prend les choses en pleine poire et il peut y avoir tout de suite des émotions positive, c'est-à-dire plutôt orienté partage en interne, comment agir, mais il y en a certains qui passent quand même par une dimension accablement, tristesse, même déni, et qui mettent un peu plus de temps à se remettre en route pour aller partager ces connaissances et susciter des émotions en interne et après se mettre en chemin et en mouvement ensemble.

  • Speaker #0

    Toi, au début du livre, quand tu vas interviewer les six dirigeants, t'es plutôt sceptique ?

  • Speaker #1

    J'ai beaucoup travaillé dans ce domaine-là, j'ai arrêté. Aujourd'hui, mon métier essentiellement, c'est d'écrire des livres et aussi d'animer des ateliers d'écriture. Mais jadis, j'ai travaillé beaucoup en entreprise pour remettre du vivant et de l'écologie dans les entreprises. Et c'est vrai qu'il y a une part de moi qui a eu la sensation parfois de faire partie de la mascarade. Et c'est parfois difficile au tout début de sentir, et parfois on s'engage dans quelque chose et on se rend compte que c'est quand même beaucoup du bullshit ou du greenwashing, et c'est très énervant.

  • Speaker #0

    mais ça t'a quand même changé en bien d'aller voir ces 6 dirigeants

  • Speaker #1

    Oui, rencontrer six personnes intéressantes, bouleversantes, qui travaillent dans des domaines auxquels je ne connais a priori rien, c'est intéressant. Ça éveille la curiosité, ça ouvre. Et puis justement, être dans cette posture d'écoute, c'est intéressant. Essayer de retracer fidèlement ce qu'elles sont et ce que j'ai ressenti en les écoutant. Oui, c'est un chemin. J'ai été émue très profondément en face des six, alors que je ne pensais pas.

  • Speaker #0

    On parlait de CNV tout à l'heure. Est-ce que tu aurais pu y aller et juste ne pas poser de questions, tu penses ?

  • Speaker #1

    Alors il y en avait qui écoutaient plus ou moins mes questions d'ailleurs, il y en avait qui s'intéressaient en retour un petit peu à la fin, moi aussi ce que je faisais, mon métier, puis il n'y en a pas du tout, c'est amusant aussi de voir ça. Et François m'avait donné une grille de questions que je n'ai pas du tout utilisées, qui sont des questions un peu bateau sur le business, etc. Enfin moi ça ne me parle pas du tout, donc j'y suis plus allée avec une trentaine de questions que j'avais en tête et puis des choses qui venaient au fil de l'eau.

  • Speaker #0

    Tu as fait beaucoup de jeux de mots sur les rivières, l'eau et tout ça avec eux ou pas ?

  • Speaker #1

    Non, non, j'en faisais peu parce que c'est après que j'ai réalisé que j'allais écrire un livre sur les rivières. Bon alors, je ne m'en rends pas compte.

  • Speaker #0

    Mais si, tu as dit au fil de l'eau et bateau.

  • Speaker #1

    Ça, c'est des expressions toutes faites. C'est justement ce qu'on essaye de ne pas faire quand on écrit. C'est se battre un peu contre ces clichés, toutes ces expressions qu'on dit à l'oral et qu'on n'entend plus tellement on les a utilisées.

  • Speaker #0

    Cet épisode est sponsorisé par le C3D. Il est écrit sur le site internet du C3D. Ici, plus de 400 directeurs développement durable pensent et créent l'entreprise de demain. Alors qu'on sait tous qu'ici, c'est l'académie du climat. Le C3D ou Collège des directeurs du développement durable, c'est une grande association de 400 responsables RSE engagés dans la transition écologique de leur entreprise. Et ce n'est pas une sinecure, nous écrit Fabrice Bonifet par mail pour préparer cet épisode. Outre la conformité à la régulation, l'enjeu c'est la transformation des modèles d'affaires pour rompre avec l'approche linéaire qui est écocide et génératrice de déchets pour aller vers des modèles permacirculaires à visée régénérative. Autrement dit, vers une économie de la fonctionnalité et de la coopération, dans le but de maintenir la viabilité économique tout en restaurant les conditions d'habitabilité de la planète. On fabrique moins mais mieux et on loue des produits pour intensifier leurs usages. Le C3D. aident ses membres à passer de l'un vers l'autre, et c'est un changement colossal, car il faut tout changer. La gouvernance, le système de rémunération, la conception, le marketing, le modèle économique, etc. Toi, Luce, tu as écrit un livre que j'avais beaucoup aimé à l'époque, qui s'appelle Permaculture au quotidien, et page 14, tu écris que la permaculture permet de penser des projets qui sont, j'arrive souvent mal à enchaîner les trois comme ça mais qui sont économiquement viables, environnementalement soutenables et socialement justes. Donc c'est trois axes qu'on n'a pas forcément en entreprise, qu'on n'a pas forcément au même niveau surtout. Est-ce que pour toi, ça nous aide à revoir la gouvernance ?

  • Speaker #1

    Ça me dit surtout que j'utilisais trop d'adverbes à l'époque. Et c'est une sorte de résumé de ce que tu viens de dire, de l'intention finalement du C3D. Et ça parle aussi des intentions de ces entreprises qui essayent de faire différemment, c'est-à-dire qu'elles n'ont pas simplement le... tableau de bord financier, mais elle travaille sur, t'as parlé de robustesse, on en reparlera peut-être aussi, mais elle travaille sur le volet évidemment social, le volet environnemental, tous les liens qui se tissent et voilà, elles ne sont pas dans la performance financière, mais dans cette robustesse que je vois comme un mille pattes quoi, et qu'elles tissent des liens à plein d'endroits différents, mais c'est pas facile, surtout dans un monde où c'est pas encore très favorisé par la réglementation. Tous ces appels. Appellent ça très fort. C'est-à-dire un État ou des pouvoirs publics qui légifèrent à plein d'endroits pour inciter à aller beaucoup plus dans cette direction.

  • Speaker #0

    Est-ce qu'il ne faudrait pas une sorte de trois personnes à la tête d'une entreprise, un qui gère chacun des axes et ils sont tous obligés de se mettre d'accord tous les trois ?

  • Speaker #1

    L'idée, c'est même d'être dans quelque chose d'encore plus horizontal et que le pouvoir et les responsabilités soient encore plus réparties que trois personnes, une ou même trois. Et même qu'on puisse plus mélanger ces pôles, que ce ne soit même pas forcément séparé. C'est d'ailleurs la beauté de la permaculture par rapport à ce que tu as appelé développement durable, RSE, où on a trois cercles, économie, social, environnement, qui sont séparés et qui vont se... Se retrouver par miracle, il y a un petit point où finalement les trois se rejoignent. La permaculture, elle inclut les cercles les uns dans les autres. C'est-à-dire que si on n'a pas de planète, on n'a probablement pas de sphère sociale. On n'a pas d'hommes et de femmes sur Terre. Et si on n'a pas cette sphère sociale, on n'a pas la sphère économique. Donc la sphère économique, elle est bien incluse dans la sphère sociale qui est incluse dans la sphère environnementale. Donc ça change un peu la façon de voir.

  • Speaker #0

    Nous passons maintenant aux figues ou citrons, qui est une sorte de pied de nez. Parce que, quand on fait le kéfir, un des meilleurs environnements pour le kéfir, il s'avère que c'est mettre des figues et du citron. Et là, on est des malheureusement pauvres humains, il faut choisir, et donc je te fais jouer à une sorte de tu préfères. Toi qui t'y connais en RSE ou en entreprise, tu préfères être nostalgique de la méthode agile, ou confondre les acronymes CQFD et CSR... CSR... CRSD... SRD, merde, attends, c'est lequel ? CSRD ! Jean-Michel mis en abîme

  • Speaker #1

    CSRD ce qui est sûr c'est que je suis pas nostalgique des acronymes est-ce que t'es nostalgique de la méthode agile ? non je voulais te lancer un peu sur un mauvalise d'accord non pas du tout nostalgique en fait tout ce qui concerne le monde de l'entreprise j'ai aucune nostalgie je suis contente de plus y être t'es pas nostalgique ?

  • Speaker #0

    tu préfères danser sur du Jean-Jacques Goldman ou rester ? immobile sur du Britney Spears ?

  • Speaker #1

    Danser sur Jean-Jacques Goldman. Je suis TDAH, moi.

  • Speaker #0

    Tu préfères jardiner sans jardin ou entreprendre sans entreprise ?

  • Speaker #1

    Lire sans lire. Sortir du cadre.

  • Speaker #0

    Tu préfères faire une bonne réponse sur une mauvaise question ou échouer au questionnaire de Proust ?

  • Speaker #1

    Je ne sais pas si ça veut dire échouer au questionnaire de Proust.

  • Speaker #0

    Dans ma tête, c'est un peu une blague parce que j'ai appris un truc pour préparer cet épisode. Tu sais ce que c'est le questionnaire de Proust ? C'est quoi ?

  • Speaker #1

    C'est un questionnaire d'une vingtaine de questions qui est très connu et qu'on pose comme ça des personnalités pour en savoir plus sur eux.

  • Speaker #0

    Pourquoi on dit que c'est le questionnaire de Proust ?

  • Speaker #1

    Je crois que c'est Proust qui l'a inventé.

  • Speaker #0

    En fait, je ne crois pas. C'est qu'à la base, c'est un questionnaire un peu connu et un jour, on a retrouvé les réponses de Proust. Et moi, je trouve ça hyper intéressant parce qu'on a déjà eu ces débats sur les questions et les réponses. Mais le fait que... C'est un truc connu, en fait, c'est ces réponses, les réponses de Marcel Proust, qui ont donné le nom quand même au questionnaire de Proust. C'est pas un truc de...

  • Speaker #1

    Je préfère les questions que les réponses. Mais je sais pas si c'était ça la question à la base. Et moi-même, dans mon livre Rivière qui sortira en janvier, j'essaye de réfléchir à une liste de questions.

  • Speaker #0

    Ah ouais, t'as un livre qui sort en janvier ?

  • Speaker #1

    Voilà, si j'étais en face de quelqu'un que je connais ou que je connais pas, d'ailleurs, quelles seraient les 30 questions que j'aurais envie de lui poser ?

  • Speaker #0

    Ça commencerait par laquelle, Talra ? Une question parmi 30.

  • Speaker #1

    C'est pas fini, c'est en train d'être écrit, donc je retravaille, je retravaille.

  • Speaker #0

    T'as une question qui bouge jamais ou pas ?

  • Speaker #1

    Il y a deux, trois questions qui n'ont pas bougé. As-tu déjà rencontré un fantôme ? Est-ce que tu préfères manger des fruits ou des légumes ? Est-ce que tu préfères les questions ou les réponses ?

  • Speaker #0

    Toi qui t'y connais en nutrition, tu préfères t'appeler Madeleine et avoir jamais lu Proust, ou t'appeler Marcel et ne pouvoir lire aucun autre livre que La Recherche du Temps Perdu ?

  • Speaker #1

    Je préfère m'appeler Marcel que Madeleine, de toute façon, comme mon arrière-grand-père.

  • Speaker #0

    Marcel Hamet qui a créé En avant Guingamp je trouve qu'on ne parlait pas assez de foot dans cette émission je t'avais un peu lancé tout à l'heure quand je t'ai dit ici c'est ça commence comme ça ? ici c'est Guingamp ? ici c'est Paris c'est pour ça que j'ai dit ici c'est l'académie du climat t'as retrouvé pour les entreprises ou pas ? non,

  • Speaker #1

    je n'arrive pas à faire deux choses en même temps je suis concentrée sur tes questions il n'y a pas un végétal qui s'appelle Hélicryse ? Si, et l'icrise c'est une plante qui est bonne pour la peau, qui a des vertus cicatrisantes.

  • Speaker #0

    C'est bon alors du coup c'est ça ?

  • Speaker #1

    Si tu veux.

  • Speaker #0

    D'accord, si je t'en trouve une autre tu me fais un signe ? Ça ressemblera à quoi ?

  • Speaker #1

    Je lève la main.

  • Speaker #0

    Très bien. On passe maintenant à la symbiose, puisque nos micro-organismes, nos grains de kéfir, quand ils sont justement dans le bon environnement figue-citron, ce sont des micro-organismes qui sont en symbiose, donc déjà un avec tout ce que toi t'as perçu de l'entreprise, de ce que tu connais de l'entreprise. et de ce que tu vis toi-même par ailleurs dans l'écologie et la littérature, à ton avis, comment on pourrait favoriser la symbiose en entreprise ?

  • Speaker #1

    Il faudrait la favoriser partout, la symbiose. On crève de ne pas l'avoir. On en manque beaucoup en littérature, on en manque beaucoup dans les entreprises.

  • Speaker #0

    Tu dis il en faut partout, mais du coup, à ton avis, qu'est-ce qu'il faudrait faire pour qu'il y en ait plus partout ?

  • Speaker #1

    Ben, s'écouter. CQFD.

  • Speaker #0

    CQFD ? C'est SRD ? Et est-ce que toi, tu as déjà été en symbiose ? Est-ce que tu t'es déjà sentie en symbiose ?

  • Speaker #1

    Oui, ça m'arrive souvent. Je me sens tous les jours à un moment en symbiose, une sorte de sentiment un peu spinoziste avec le monde. Avec une personne, oui, je suis très liée à Julia Cardinon. C'est à la fois une amie et quelqu'un qui partage énormément des problématiques liées à nos métiers de romancière, et aussi très féministe. C'est ce qui fait un cocktail, un kéfir vraiment réussi. et donc c'est vraiment une personne avec qui j'ai J'ai grande joie à échanger, partager, donner. On s'aide beaucoup. Je ne sais pas si je l'aide et je lui donne autant qu'elle me donne, mais je peux dire là qu'elle me donne beaucoup.

  • Speaker #0

    Peut-être que vous êtes en symbiose quand même, parce que vous ne vous donnez pas la même chose.

  • Speaker #1

    Non, on ne se donne pas la même chose.

  • Speaker #0

    C'est ça qui est beau de la symbiose. Chacun donne quelque chose de différent. Oui. Donc forcément, quand tu es en symbiose, tu ne dois peut-être pas avoir le sentiment de donner autant.

  • Speaker #1

    Il y a des gens à qui tu penses que tu donnes plus que tu ne reçois. et puis des gens qui t'as la sensation qui te donnent plus et Julia j'ai la sensation qu'elle me donne plus que ce que je suis capable de rendre tu parlais de cette optique de réciprocité qui m'a longtemps obsédée mais maintenant je me dis il faut accepter que tout n'est pas réciproque dans la vie c'est dur mais c'est comme ça à

  • Speaker #0

    la base vous êtes connue, quelqu'un a commencé par donner en gros parce qu'une symbiose c'est il y en a un qui commence par donner sans savoir et peut-être que c'est aussi ça en entreprise on a peur de donner

  • Speaker #1

    De toute façon, globalement, on a peur de donner. Je pense qu'il y a des gens qui sont beaucoup plus à l'aise, qui sont beaucoup plus dans le don.

  • Speaker #0

    Peut-être que le problème, c'est qu'on n'arrive pas à favoriser ceux qui donnent suffisamment.

  • Speaker #1

    C'est-à-dire que ceux qui donnent beaucoup, ils s'épuisent, surtout en entreprise, j'imagine. C'est le fameux effondrement qu'on peut connaître à certains moments, quand on donne, on donne et qu'on n'a plus de force au bon moment, parce qu'on n'a pas assez reçu.

  • Speaker #0

    on passe maintenant à la production puisque comme tu le sais en permaculture tu le dis mieux que moi, c'est un peu toi qui m'as inspiré cette rubrique et donc quelle production au sens de la permaculture toi tu offres au monde ?

  • Speaker #1

    des romans là tu veux que j'offre quelque chose ? ce que je peux offrir c'est des consignes d'écriture une sorte d'inspiration pour que si certains qui écoutent cet épisode ont envie d'écrire et puissent le faire, que ce soit en entreprise ou ailleurs sur le vivant justement il y a plusieurs consignes que j'aime bien donner écrire un texte alors ça peut être 10 lignes ou 10 pages selon votre inspiration Tu en as parlé très rapidement en intro, les grands règnes du vivant sont présents. Souvent dans les textes, dans ce qu'on lit, il y a beaucoup les humains, la bite, mon couteau, et il y a assez peu les autres grands règnes du vivant. Moi je suis un peu en radar quand je lis à voir s'il y a en particulier les règnes végétales, les règnes animales, éventuellement les champignons, soyons fous. Donc écrire un texte où il y a tous ces règnes-là qui se rejoignent. Même qu'il y ait les points de vue de ces différents règnes-là, c'est encore plus difficile.

  • Speaker #0

    C'est quoi les cinq grands règnes ?

  • Speaker #1

    Il y a le règne animal, le règne végétal, les champignons, les bactéries et les prostites. Je ne me lancerai pas dans une explication sur ce que c'est les prostites.

  • Speaker #0

    C'est quoi les prostites ?

  • Speaker #1

    Deuxième consigne possible, c'est prendre un être vivant, ça peut être aussi un animal végétal, un humain, et le décrire non pas par ses aspects physiques ou psychologiques, mais le décrire justement par les liens qu'il tisse. Les liens qu'il tisse avec les autres, avec lui-même, avec son passé, avec son avenir, avec ses enfants, ou les liens qu'il ne tisse pas d'ailleurs, mais voilà, se centrer sur cet aspect-là. Il y a une consigne que je donne aussi parfois, qui est à partir d'un texte, qui est la quatrième de couverture du livre qui s'appelle « Une année à la campagne » de Chou Hubel, je ne sais pas comment on le dit. C'est Le Clésio qui l'a écrit, et à partir de ce texte-là que je vais vous lire, qui est très court, je propose d'écrire un autre texte. Donc j'ai souvent rêvé d'un livre complet où il y aurait les oiseaux, les insectes volant dans la lumière du matin, les gouttes accrochées dans les toiles des araignées, le ciel changeant selon les saisons, l'odeur de la pluie, le bruit du vent, les cris des animaux. Un livre où on sentirait la chaleur du soleil, le toucher léger des plantes. Un livre où il y aurait les secrets invisibles et invisibles du monde et même des choses extraordinaires et rassurantes comme la recette de la tarte au kaki. Un livre qui me donnerait le même bonheur que lorsque je lisais autrefois Virgile assis près de la mer à l'ombre des oliviers. Un livre où la poésie serait comme une respiration, où le langage ferait sa musique familière. Je propose de reprendre le début, j'ai souvent rêvé d'un livre complet ou trois petits points. Et à vous de continuer.

  • Speaker #0

    Donc ça c'est une consigne qu'ils peuvent faire dans un document d'entreprise ?

  • Speaker #1

    Oui, où vous voulez.

  • Speaker #0

    Dans le livre, je parle beaucoup de ton pessimisme, mais en quoi rencontrer les six poissons pilotes t'a transformé toi ?

  • Speaker #1

    De toute façon, toute rencontre est transformation. Et eux-mêmes ne cessent de se transformer, c'est ça qui est beau, la curiosité, l'ouverture. Et ça m'a transformée forcément parce que chaque livre que j'écris me transforme. Et de les écouter, d'écouter d'autres vies que la mienne. J'ai beaucoup parlé de mon père aussi dans le texte, donc ça m'a aussi aidée à mieux comprendre mon père qui avait une entreprise qui était pépiniériste. J'ai pu tisser des liens, c'est pour ça que ça m'a aussi beaucoup émue à certains moments, entre ce que eux vivaient et ce que mon père a vécu. Et mon père, le lisant, a été aussi très ému par cette parole-là. Il m'a dit « j'aimerais trop partir en week-end avec eux et discuter, échanger » . Donc ça m'a touchée. Et ça m'a peut-être précisé aussi un peu les idées sur... Enfin, c'est une question qui revient souvent, mais qu'est-ce que... Mon éditeur m'a un peu poussée à aller dans cette direction, dans la conclusion, mais qu'est-ce qu'ils ont en commun, ces gens ? qui y croient encore, qui agissent. On est quand même assaillis d'assez mauvaises nouvelles. Là, j'ai été face à des personnes quand même très ancrées, très alignées. Ça fait du bien, même si chacun a ses travers, même si évidemment j'étais plus touchée par certains que par d'autres. Et je me suis demandé d'où ça venait, ça. Tous y sont très authentiques, ça c'est sûr. Et d'ailleurs, c'est un des ingrédients pour faire un bon livre, donc c'était une bonne nouvelle. Je me souviens d'une éditrice il y a 10-15 ans qui m'avait dit pour faire un bon livre, il faut de l'authenticité et de l'intensité. Et donc ça c'est sûr qu'ils sont authentiques, qu'ils sont intenses. Il y a cette histoire de robustesse, ça m'a beaucoup fait réfléchir là-dessus. C'est-à-dire quand on dit être plutôt riche de ses liens que de ses biens. La robustesse c'est ce que je disais tout à l'heure, l'inverse de la performance économique, c'est être pas très très bon à un endroit mais bon partout. C'est maintenir un système stable. malgré les fluctuations et en pénurie de ressources. Donc c'est quand même intéressant. Et tous, ils sont un peu dans cette direction-là. Au lieu d'avoir un fournisseur, en avoir cinq, au cas où, enfin, multiplier les liens comme ça. Ils sont lucides aussi, je trouve, grâce à la clac qu'ils ont pris. Donc c'est assez intéressant de discuter avec des gens qui sont lucides, qui ont compris les neuf limites planétaires. Et alors après, savoir comment ils y croient, ils continuent à y croire, c'est un mystère. Comment ils peuvent être dans cette action ? Moi, j'aime bien cette phrase de Fernando Pessoa qui dit « Agir, c'est connaître le repos. » Ils sont vraiment dans l'action et dans une forme de repos. Ils agissent, ils font ce qu'ils peuvent.

  • Speaker #0

    Ils doivent être dans un grand écart un peu permanent entre justement ce qu'ils ont reçu de la CEC et le cap qu'ils aimeraient peut-être emmener et des trucs très terre-à-terre. Oui,

  • Speaker #1

    mais ils y arrivent. Ce n'est pas facile, mais ils y arrivent. Ils arrivent à emmener, à inspirer. Pas toujours et pas de la même façon, mais ils y arrivent. En fait, ils ont la sensation... que leur action compte dans la toile du vivant. Et ça, c'est vraiment incroyable. Et ça m'a rappelé toute proportion gardée. J'avais entendu, il y a très longtemps, des témoignages pendant la Seconde Guerre mondiale qui disaient ce qu'on se demande tous pendant la guerre, est-ce que je serai un collabo ou un résistant ? Et ils disaient, finalement, les gens qui étaient dans la résistance ou qui ont aidé à cacher des Juifs ou des personnes en difficulté, ce n'est pas forcément des gens qui sont meilleurs que les autres. Ils avaient la sensation que leur action comptait. Mais comment on a ça ? Comment on touche ça ? C'est vraiment une grande question. Et après, il y a quand même toute la partie collectif. Ce livre, il ouvre aussi cette question-là. Ce n'est pas seulement des gens pris individuellement, c'est évidemment ce collectif de la CEC. Et pour qu'on se transforme, il faut agir à toutes les échelles. Ça ne sert à rien de parler que de l'échelle individuelle. Il faut parler des échelles collectives. L'entreprise, ce n'est pas le sujet le plus sexy, mais c'est un des endroits où... Le collectif se joue, se tisse. Et puis évidemment, les pouvoirs publics, le politique, on en a parlé tout à l'heure. Il faut à la fois des anticipations des pouvoirs publics, il faut des clients convaincus, il faut un actionnariat aligné. Ça, je n'en ai pas reparlé, mais j'ai essayé de parler aux actionnaires et personne ne m'a répondu. On a parfois, pour certaines entreprises qui ont un actionnariat familial, c'est plus facile de détourner le banc de poisson. Mais quand on est Renault Trucks et que c'est Volvo l'actionnaire et que moi, je n'ai même pas pu lui parler, c'est compliqué de se dire à long terme comment on fait. Il commence à parler un peu de décroissance, mais comment on avance dans cette direction-là ? Comment on aligne les actionnaires ? Et puis, comme tu disais, c'est aussi beaucoup comment on redonne du sens. Je n'aime pas trop cette expression, mais on est des machines à fabriquer et à chercher du sens, comme dit Nancy Houston. mais c'est comment on redonne du sens en interne avec les équipes, on redistribue le pouvoir. Et ça, c'est vraiment peut-être l'endroit le plus difficile, délicat pour eux. C'est-à-dire, ils reviennent, comme tu dis, conscients des crises qu'on a déjà commencé à traverser, et comment on réinsuffle ça en interne, comment chacun se saisit de ses sujets. Et ça, c'est vraiment le gros du sujet. Et il y a autre chose aussi que j'ai sentie chez eux, peut-être... encore plus chez certaines, qui est connaître ses propres limites. Et vraiment se dire, je ne suis pas le chef des pirates sur le bateau, mais ça continue à tourner sans moi, toute cette histoire de la subsidiarité. Donc ils m'ont beaucoup fait réfléchir à tous ces sujets-là, en fait. Et redonner espoir d'une certaine façon, aussi.

  • Speaker #0

    Est-ce que ça t'a donné envie de retourner en entreprise ?

  • Speaker #1

    Non. Enfin, ça dépend laquelle.

  • Speaker #0

    Pourquoi pas. Il y a d'abord un non, quand même. Est-ce que ça t'a donné envie de créer une entreprise ? Non.

  • Speaker #1

    Je suis déjà présidente de Louise Browais et associée.

  • Speaker #0

    C'est compliqué. On est combien dans la... Je me stime un petit peu dedans quand même. Je suis un peu dans l'entreprise, moi, quand même. On a vu juste avant que c'est aussi des moments où c'est parce que t'es en symbiose qu'on est capable d'avoir de l'audace. Quand est-ce que toi, t'as pas manqué d'air récemment ?

  • Speaker #1

    J'ai pas manqué d'air quand j'étais en Bretagne et que je me baignais dans la mer. Claire était pas polluée, c'était agréable. Parce que l'air qu'on respire, c'est quelque chose.

  • Speaker #0

    À la quête des mille climats, on respire hyper bien, mais c'est vrai que dans le reste de Paris, c'est pas beaucoup. En février dernier, tu avais un projet de roman ? Alors,

  • Speaker #1

    moi, dans ma vie, les choses importantes se passent en février, c'est le printemps astrologique. En janvier, j'étais encore en train de piétiner sur un roman que j'ai créé depuis un an et demi, qui était un peu une bouse, ou pour paraphraser Julia Carninon, c'était comme un cheval au galop dans une impasse. J'adore cette expression. Donc ça a été vraiment très dur, parce que j'ai galéré pendant un an et demi. Je pense que moi-même, j'allais pas bien. mais comment aller bien dans ce monde Ça parlait de cet état pas génial, un peu immobile. Ce texte que je n'arrivais pas à continuer, à avancer, c'est comme une maillot qui ne prend pas. C'était une fiction. Et en février, j'ai repris, j'ai recommencé complètement. J'ai commencé une nouvelle fermentation. Un nouveau texte qui est, j'appelle la suite de la reverdie, mais c'est-à-dire qui est dans une veine plus récit autobiographique. Mais tout ça fait partie, j'espère, de la grande maison de la littérature, le grand hôtel de la littérature. Où il y a de la place pour tout le monde, je ne sais pas. Et je pensais au Grand Budapest Hotel de Wes Anderson, mais ça n'a aucun rapport. Et donc j'ai commencé à écrire quelque chose de nouveau. Et c'est vrai que c'est venu très comme ça. Comme si avoir échoué pendant un an et demi faisait qu'un endroit. On ouvre une autre vanne, une autre digue. Et les choses se sont mises en place, comme un jardin. Comme si ça avait fermenté dans un coin de mon inconscient pendant un an et demi. Et pendant que je m'escrimais avancer ce texte qui n'est pas réussi du tout. Et je m'étais dit, je n'aurais pas la force de recommencer une troisième fois, parce que je venais de regarder un film, en plus, qui s'appelle Vingt Dieux, où ils essayent trois fois de faire un comté, et je m'étais vraiment dit, j'avais l'image vraiment de me dire, mais moi, si je dois recommencer une troisième fois, me mettre devant le cuve en cuivre, et de voir, je ne vais pas y arriver, en fait. Je ne sais plus où je dois aller chercher ces ressources et ces capacités. Et je me dis, malheureusement, on en passe par là. C'est très, très dur. Il y a un texte très beau, d'ailleurs, de Christiane Saint-Gé. Ça commence par j'ai gagné la certitude que les catastrophes sont là pour nous éviter le pire. Le pire c'est bel et bien d'avoir traversé la vie sans naufrage, d'être resté à la surface des choses, d'avoir dansé au bas des ombres, d'avoir pataugé dans ce marécage des on-dit, des apparences, de n'avoir jamais été précipité dans une autre dimension. Les crises dans la société où nous vivons, elles sont vraiment ce qu'on a encore trouvé de mieux, à défaut de mettre, quand on n'en a pas à portée de main, pour entrer dans l'autre dimension. Dans notre société, toute l'ambition, toute la concentration est de nous détourner. de détourner notre ascension de tout ce qui est important. Un système de fil barbelé, d'interdit pour ne pas avoir accès à notre profondeur. C'est une immense conspiration, la plus gigantesque conspiration d'une civilisation contre l'âme et contre l'esprit. Dans une société où tout est barré, où les chemins ne sont pas indiqués pour entrer dans la profondeur, il n'y a que la crise pour pouvoir briser ces murs autour de nous.

  • Speaker #0

    On dirait du Jean-Jacques Goldman un peu, briser des murs.

  • Speaker #1

    Je pensais que t'allais danser.

  • Speaker #0

    Justement c'est Julia qui t'a donné ce meilleur feedback, comme on dit en entreprise. T'as réussi à faire, là où on dit parfois pour les startups, qu'ils arrivent à pivoter. C'est complètement ce que t'as fait en février. T'avais une certaine objective sur le roman.

  • Speaker #1

    C'est parce que j'ai confiance en Julia. Donc je suis capable d'entendre vraiment quelque chose de finalement assez dur. T'as écrit une bouse et il va falloir arrêter. Il va falloir recommencer à zéro. Il y a un moment où on comprend qu'il faut recommencer autrement.

  • Speaker #0

    Bravo de ne pas avoir manqué d'air.

  • Speaker #1

    C'est le printemps aussi.

  • Speaker #0

    Et tu as une passion dans la vie ?

  • Speaker #1

    J'ai une passion pour la littérature, évidemment. Mais ça, je pense que ça se sent. C'est une passion dévorante pour l'écriture et la littérature, qui me rend presque autiste. C'est-à-dire que les choses qui n'est pas ça m'intéressent de moins en moins. J'ai une passion pour ce que tu disais sur l'entreprise à un moment où toute cette logorée, ces agronymes, ces agronymes sont assez horribles, me font mal à l'oreille. Et donc effectivement, j'avais l'idée jadis de faire un hôpital pour les mots malades. tous ces mots trop utilisés, bienveillance, sens, agilité, que sais-je, et dont les gens sont écoeurés aussi en entreprise. Il y a cette histoire de quels mots on utilise, quels langages. Donc c'est peut-être comme ça que la littérature peut apporter quelque chose à l'entreprise. Et l'entreprise, la littérature, dans ces entreprises, en tout cas celles que j'ai rencontrées là, il y a quand même une forme d'entraide qui est très belle, un esprit d'équipe. Et ça, ça manque beaucoup en littérature. C'est-à-dire qu'en littérature, c'est quand même chacun sa gueule. Chacun sa première de couverture, il y a très peu d'entraide. Tout le monde tire la quatrième de couverture à lui. C'est souvent une souffrance.

  • Speaker #0

    Moi j'avais entendu un jour qu'on faisait pas de bons romans avec des bons sentiments, mais les nouveaux récits voudraient un peu ça, non ?

  • Speaker #1

    Les nouveaux récits, c'est l'idée de transformer les imaginaires pour que ça retransforme nos vies en retour. Pour moi, la littérature et la vie sont très imbriquées, elles se répondent beaucoup. Est-ce qu'il faut changer la vie pour changer la littérature, ou changer la littérature pour changer la vie ? En tout cas, dans cette histoire de nouveau récit, il y a l'idée de se dire, dans la majorité des textes qu'on lit, des films qu'on voit, des séries, de tout l'imaginaire qui nous abreuve au quotidien dans la société, on est dans un imaginaire où les idées de domination sont assez présentes. de hiérarchie, d'emprise. Je parlais récemment avec une amie de Belle du Seigneur, il y a Solal parcourt le monde pendant qu'Ariane l'attend dans sa baignoire. Moi, je n'ai plus trop envie de lire des textes comme ça. Ou justement, des textes où il n'y a que le règne humain et où on ne sait rien du grand vivant qui nous entoure. Pour moi, les nouveaux récits, je pense que chacun peut avoir sa définition, mais c'est des endroits où on va raconter, on va inventer peut-être des nouvelles formes aussi. C'est intéressant quelle forme on donne à nos livres. On sait quelles plantes, attirent les papillons, mais on ne sait pas quels livres attirent les papillons. Donc quelle forme on doit donner à nos livres pour qu'ils attirent les papillons ? Et être dans un imaginaire plus ouvert, moins hiérarchisé, et dans une ouverture par rapport à tous les règnes du vivant, puisqu'on a quand même énormément perdu ce lien. C'est un endroit où on peut retrouver ça. Alors récemment, j'ai lu deux textes de Becky Chambers, je ne sais pas si je le dis bien, un psaume pour les recyclés sauvages, et après une prière pour les cimtimides, c'est deux tomes de la même histoire. Et il y a quelqu'un sur la quatrième qui, parlant du livre, dit ceci. « La vision optimiste d'un monde fertile et beau qui s'est reconstruit après avoir frôlé la catastrophe, l'explorer aux côtés de deux personnages principaux est une expérience fascinante et délicieuse. » Donc là, on est vraiment dans cette idée de sorte de SF positive, en fait. Ça, je trouve ça vraiment intéressant. Alors, ce n'est pas que du tout des bons sentiments, on est vraiment dans la nuance, mais on n'est pas dans un imaginaire aussi écologique de... catastrophe de fin du monde, d'apocalypse, on est plutôt dans qu'est-ce qui pourrait se passer aussi de positif, de beau, de simple et sincère. Si on lit beaucoup de récits qui nous parlent de cet avenir ou même de ce présent de cette façon-là, peut-être que la vie va finir par ressembler à ça.

  • Speaker #0

    On n'a pas encore dit que l'écologie c'est la science des liens, on l'a un peu esquissé mais pas vraiment dit.

  • Speaker #1

    Oui.

  • Speaker #0

    Ça c'est une phrase de qui déjà ?

  • Speaker #1

    C'est pas une phrase, c'est vraiment la définition de l'écologie scientifique telle qu'on la conçoit. Lien des êtres vivants à leur écosystème, lien des vivants entre eux. Et la littérature, pour moi, c'est proche de ça aussi, c'est l'art des liens, c'est-à-dire on peut faire un livre où on parle de choses apparemment très éloignées et réussir à les relier entre elles. Pour moi, ça, c'est tout l'art d'un texte qui se lise après aussi facilement qu'un roman et offrir des points de vue divers, variés, qu'on n'a pas du tout l'habitude. De voir, d'entendre, donner la voix à ce qu'on n'entend pas.

  • Speaker #0

    Donc peut-être que ce qui manque à l'entreprise, c'est peut-être plus de poésie ?

  • Speaker #1

    Ça c'est le monde globalement qui manque de poésie. Tout à l'heure, je ne sais plus dans quel texte, c'était Leclesio qui disait « la poésie est une respiration » . La poésie pas dans le sens d'avoir un pléiade de Rimbaud chez soi, c'est la poésie dans le sens, petite poésie concrète de toutes ces choses quotidiennes. C'est attention peut-être, attention à tout ça. Et d'ailleurs, dans le livre que je lis, il y a un robot qui vient en disant « De quoi avez-vous besoin ? » C'est une question qui est très belle. « De quoi avez-vous besoin pour vivre, pour vivre décemment ? » Il n'y a pas la réponse à la question, parce qu'à la littérature, elle s'en fout un peu des réponses. Mais les deux tomes du livre sont traversés par cette question-là. « De quoi avez-vous besoin ? » De quoi on a besoin ici, maintenant, en entreprise, demain ?

  • Speaker #0

    Quand on parle des besoins, on parle souvent des émotions derrière. C'est un endroit où l'entreprise, qui a longtemps été sans émotions, Toi, qui as fait des ateliers en entreprise, ça faisait partie aussi des ateliers de reparler de ses émotions. Peut-être qu'il faut aussi que les gens travaillent sur leurs émotions beaucoup plus et les fassent rentrer en entreprise.

  • Speaker #1

    Oui, alors là, encore une fois, ce n'est pas qu'un problème en entreprise. Et puis parfois, c'est justement la mascarade. On fait un petit atelier où on parle de nos émotions, puis après, on n'en parle pas pendant trois mois. Moi, c'était vraiment ce qui était invivable pour moi en entreprise. C'était de ne pas pouvoir être moi avec toutes mes facettes, de devoir vraiment couper, de dire qu'il n'y a que cette partie-là de moi qui va... être autorisé à être là et à travailler en entreprise et effectivement, aucune place pour les émotions, mais ça c'est valable globalement. Alors que si on se dit, il y a un sas pour parler de comment on va, les émotions, ça aide, parce qu'après on comprend aussi pourquoi un tel va pas bien en ce moment, c'est aidant.

  • Speaker #0

    Merci Louise, c'est bientôt la fin de l'épisode. Est-ce qu'on a tout dit ?

  • Speaker #1

    Je sais pas.

  • Speaker #0

    D'accord. Est-ce que j'ai posé suffisamment de questions ?

  • Speaker #1

    J'ai l'impression.

  • Speaker #0

    C'est quoi donc les actualités à la CE ? Donc il y a eu le banc de poissons qui est sorti là. En septembre.

  • Speaker #1

    En septembre, on sort un livre poético-pratique chez Tana Éditions, qui s'appelle Jardiner sans jardin, avec les dessins de Victoria Dorsch. Et mes photos, d'ailleurs, j'ai une trentaine de photos. C'est comment survivre en ville quand on n'a pas de jardin et jardiner un peu nos imaginaires. Et en janvier ou février, il sort chez Phoebus, mon quatrième roman, qui est une forme de suite de La Reuverdie. Aujourd'hui, je l'appelle le livre Rivière, parce que le titre est...

  • Speaker #0

    Pas encore définitif.

  • Speaker #1

    Voilà.

  • Speaker #0

    Merci Louise. Et merci à vous d'avoir écouté cet épisode. Merci à l'Académie du Climat de nous héberger. Merci au C3D d'avoir sponsorisé cet épisode et de nous avoir permis de faire cette carte blanche. Si vous voulez soutenir ce podcast pour me permettre de faire plus d'épisodes, de laisse-moi kéfir la vibe. avec pas forcément sponsoriser et peut-être organiser des soirées comédie club. Rendez-vous sur la page Tipeee. Mettez des étoiles autant que vous pouvez sur les épisodes et dans votre vie pour vous mettre en symbiose. A très bientôt.

  • Speaker #1

    Et des poignettes.

Share

Embed

You may also like

Transcription

  • Speaker #0

    Vas-y, fais un test.

  • Speaker #1

    Homme libre toujours, tu chériras la mer.

  • Speaker #0

    Homme libre toujours,

  • Speaker #1

    tu chériras la mer.

  • Speaker #0

    T'es bien en mode avion ? Non,

  • Speaker #1

    parce que j'ai des notes sur mon téléphone.

  • Speaker #0

    C'est parti ?

  • Speaker #1

    C'est parti.

  • Speaker #0

    Bonjour et bienvenue dans l'épisode 0 de Laisse-moi kéfir la vibe avec. Je suis Mathieu Briard. Cet épisode est sponsorisé par le C3D. Un grand merci à l'Académie du Climat de nous accueillir pour enregistrer ce pilote, cette carte blanche pour le C3D. Aujourd'hui, j'ai l'immense honneur de recevoir Louise Brouez. Et ensemble, autour d'un verre de kéfir, nous allons parler de permaculture, de bande poisson et de littérature. Louise, bonjour.

  • Speaker #1

    Bonjour.

  • Speaker #0

    Louise, tu es dans l'ordre chronologique, ingénieur agro, spécialisé en nutrition, RSE, permacultrice, permaculture, pardon, et écologie. T'es pas spécialisée en permacultrice ?

  • Speaker #1

    Non mais ni en permaculture parce qu'il n'y avait pas ça à l'agro, c'est après que j'ai appris ça.

  • Speaker #0

    C'est pour ça que j'ai dit dans l'ordre chronologique.

  • Speaker #1

    Ah d'accord.

  • Speaker #0

    Tu es également autrice et tu animes des ateliers d'écriture. En entreprise, on dirait que tu as plusieurs casquettes et même plusieurs cordes à ton arc. et tous ces accessoires t'ont permis de publier des livres de cuisine, des romans et des récits comme La Reverdie aux éditions La Mer Salée, Le Dernier Nez et Comment détourner un banc de poissons publié aux éditions de L'Arbre qui marche. On avance doucement vers ta passion pour les différents règnes du vivant. Rencontrer six dirigeants qui sont passés à travers les filets de la CEC, telle fut ton entreprise. D'entreprise, il y a justement question, toi qui l'as fui. Il y a des années, depuis, tu mènes ta marque dans les méandres du monde littéraire au milieu des requins et autres éditeurs carnassiers. Là,

  • Speaker #1

    tu véhicules une mauvaise image des requins.

  • Speaker #0

    Parce que t'as quoi à dire sur les requins ?

  • Speaker #1

    On a l'image que c'est des grands prédateurs, alors qu'il y a des espèces animales qui sont beaucoup plus dangereuses pour nous.

  • Speaker #0

    Comme quoi ?

  • Speaker #1

    Alors si on parle des femmes, on peut parler des hommes. Si on parle du genre humain, c'est le moustique.

  • Speaker #0

    On peut dire qu'en lisant ce livre, j'ai bien mordu. Je trouve qu'en s'étant déco anxiété, il donne la pêche. La pêche, t'as compris ? Oui. Parce que tu nous fais plonger dans le courant de ceux qui agissent au quotidien dans leur boîte. Une belle brochette de dirigeant, la brochette n'étant pas la femelle du brochet, poisson qui a été introduit dans la scène et page 180. Bref, c'est un vrai kiff de te lire et aussi frêle et se kiff. On aime te suivre hameçonner les six poissons pilotes à la lumière et à l'ombre de ses voix. Ça, c'est une belle image et évidemment, elle est de toi et vous la trouverez, page 151. Ce livre m'a donné envie de draguer le fond de mes certitudes et d'apprendre avec toi la simplicité, la sincérité et la robustesse. Je crois qu'on a assez joué avec les mots sur les poissons, alors j'arrête. Tu parles beaucoup des mots en entreprise qui ont été vidés de leur sens comme un vulgaire colin d'Atlantique Nord. Et toi qui aimes la réciprocité, tu nous diras comment la littérature pourrait s'inspirer de l'entreprise et inversement. Et même si Céline Dion a chanté On ne change pas, Laurent Voulzy, lui, A chanter qu'on pouvait changer les choses avec des bouquets de roses, changer les hommes avec des géraniums. Alors, Louise Brouez, avec quoi on va changer les entreprises ? Tu t'y attendais pas celle-là ! Oui ! Alors ?

  • Speaker #1

    Avec le cœur.

  • Speaker #0

    Il faut trouver un truc en « is » .

  • Speaker #1

    Avec l'amour.

  • Speaker #0

    Et un truc en « is » .

  • Speaker #1

    Une rime en « is » , d'accord. J'ai banquise, mais c'est pas avec la banquise qu'on va changer les entreprises.

  • Speaker #0

    Et on commence, Louise Brouez, avec le tri des grains. Le tri des grains, c'est parce que quand on fait le kéfir et qu'on lance la première fermentation, on choisit les grains qu'on va utiliser pour la première fermentation. Donc on trie ceux qui sont en bonne santé, pas en bonne santé. Donc on va choisir ensemble ce qu'on va mettre dans l'épisode. Est-ce que pendant l'épisode, on peut faire des jeux de mots ou des mots-valises ?

  • Speaker #1

    Oui. Je croyais que ce n'était pas à la mode les jeux de mots, mais j'adore ça.

  • Speaker #0

    Est-ce que pendant l'épisode, on peut parler de tes enfants ? Oui. Petit disclaimer, il faut dire que dans la vie...

  • Speaker #1

    Nous sommes mariés.

  • Speaker #0

    Nous sommes mariés. Un de tes deux enfants s'avère être aussi le mien. Oui. Est-ce qu'on peut utiliser plusieurs voix pendant l'épisode ? Si on veut. Tu penses que tu vas en utiliser combien ?

  • Speaker #1

    7 ou 8.

  • Speaker #0

    Très bien.

  • Speaker #1

    C'est comme les rivières, elles empruntent plusieurs voix, elles ne sont pas que le trait bleu sur la carte.

  • Speaker #0

    Est-ce qu'on peut prendre le parti du tiers pendant l'épisode ?

  • Speaker #1

    Du tiers absent ?

  • Speaker #0

    Oui.

  • Speaker #1

    Si on veut, il faut quand même dire d'où ça vient.

  • Speaker #0

    Oui, vas-y, dis.

  • Speaker #1

    Ça vient de la communication non-violente, qui est comme la permaculture, quelque chose qui a changé ma vie. Quand on travaille en CNV, communication non-violente, quand on apprend ce que c'est, on travaille beaucoup sur l'écoute. Et l'écoute active en particulier. On se rend compte qu'on n'écoute jamais et que personne n'écoute jamais. Et on fait faire des exercices assez incroyables où on se force littéralement à écouter pendant dix minutes quelqu'un sans l'interrompre. C'est très très long, dix minutes. C'est incroyable comme exercice, parce qu'en fait, qu'est-ce qui se passe si vous faites l'exercice chez vous, où vous avez envie de poser des questions, moi c'est ce que je fais tout le temps, de quelle couleur était son slip, à quelle heure était le train à la gare, combien il y a eu de morts. On a envie de ramener à des choses qu'on a vécues nous-mêmes, ça on le fait tout le temps. Ou de, ce que tu disais, prendre le parti du tir absent. Et être juste dans une posture d'écoute, c'est révolutionnaire.

  • Speaker #0

    Je peux parler maintenant ? Oui. Dans Comment détourner un banc de poissons, tu as été à la rencontre de six dirigeants qui sont passés par la CEC. Oui,

  • Speaker #1

    alors c'est un livre qui est né avec une intention particulière, c'est un éditeur, François Delarbre qui marche, qui me dit qu'il y aurait un livre intéressant à faire sur la CEC et je cherche quelqu'un qui soit à la fois dans une certaine connaissance du monde de l'entreprise et qui puisse aussi écrire de façon littéraire. Moi c'est un peu, comme tu disais, de corde à mon arc et donc ça m'a plu. Et la CEC, c'est la Convention des entreprises. pour le climat, ça ressemble à la convention citoyenne pour le climat, mais là ça s'adresse à des entreprises et ce qui est vraiment intéressant, ce que j'ai senti en interviewant longtemps les six dirigeantes dont il y a des questions dans le livre, dirigeants et dirigeantes, c'est vraiment cette dimension, déjà effectivement d'aller dans une partie plus émotionnelle sur c'est quoi les crises écologiques et en particulier la crise climatique, et tous parlent d'une claque. Et il y a aussi vraiment l'effet collectif, c'est-à-dire de se rendre compte qu'on est ensemble dans le même bateau ou bande-poisson.

  • Speaker #0

    Tu commences à parler des émotions, on en parlera plus tard. C'est vrai que le truc de la claque, de dire ils sont passés par la CEC, ils ont été éveillés à tous les sujets sur le climat, ils se prennent une claque, c'est déjà un début d'émotion. C'est assez rare pour eux, mais du coup, ils vont l'emmener en entreprise. C'est sans doute un super moyen pour eux de faire changer les choses.

  • Speaker #1

    C'est étonnant de voir que pour certains pendant des dizaines d'années ils ont été profondément dans le déni et tout d'un coup là ils voient les choses, c'est un peu comme quand on fait une fraise du climat, qu'on n'y connait rien, vraiment on se prend les choses en pleine poire et il peut y avoir tout de suite des émotions positive, c'est-à-dire plutôt orienté partage en interne, comment agir, mais il y en a certains qui passent quand même par une dimension accablement, tristesse, même déni, et qui mettent un peu plus de temps à se remettre en route pour aller partager ces connaissances et susciter des émotions en interne et après se mettre en chemin et en mouvement ensemble.

  • Speaker #0

    Toi, au début du livre, quand tu vas interviewer les six dirigeants, t'es plutôt sceptique ?

  • Speaker #1

    J'ai beaucoup travaillé dans ce domaine-là, j'ai arrêté. Aujourd'hui, mon métier essentiellement, c'est d'écrire des livres et aussi d'animer des ateliers d'écriture. Mais jadis, j'ai travaillé beaucoup en entreprise pour remettre du vivant et de l'écologie dans les entreprises. Et c'est vrai qu'il y a une part de moi qui a eu la sensation parfois de faire partie de la mascarade. Et c'est parfois difficile au tout début de sentir, et parfois on s'engage dans quelque chose et on se rend compte que c'est quand même beaucoup du bullshit ou du greenwashing, et c'est très énervant.

  • Speaker #0

    mais ça t'a quand même changé en bien d'aller voir ces 6 dirigeants

  • Speaker #1

    Oui, rencontrer six personnes intéressantes, bouleversantes, qui travaillent dans des domaines auxquels je ne connais a priori rien, c'est intéressant. Ça éveille la curiosité, ça ouvre. Et puis justement, être dans cette posture d'écoute, c'est intéressant. Essayer de retracer fidèlement ce qu'elles sont et ce que j'ai ressenti en les écoutant. Oui, c'est un chemin. J'ai été émue très profondément en face des six, alors que je ne pensais pas.

  • Speaker #0

    On parlait de CNV tout à l'heure. Est-ce que tu aurais pu y aller et juste ne pas poser de questions, tu penses ?

  • Speaker #1

    Alors il y en avait qui écoutaient plus ou moins mes questions d'ailleurs, il y en avait qui s'intéressaient en retour un petit peu à la fin, moi aussi ce que je faisais, mon métier, puis il n'y en a pas du tout, c'est amusant aussi de voir ça. Et François m'avait donné une grille de questions que je n'ai pas du tout utilisées, qui sont des questions un peu bateau sur le business, etc. Enfin moi ça ne me parle pas du tout, donc j'y suis plus allée avec une trentaine de questions que j'avais en tête et puis des choses qui venaient au fil de l'eau.

  • Speaker #0

    Tu as fait beaucoup de jeux de mots sur les rivières, l'eau et tout ça avec eux ou pas ?

  • Speaker #1

    Non, non, j'en faisais peu parce que c'est après que j'ai réalisé que j'allais écrire un livre sur les rivières. Bon alors, je ne m'en rends pas compte.

  • Speaker #0

    Mais si, tu as dit au fil de l'eau et bateau.

  • Speaker #1

    Ça, c'est des expressions toutes faites. C'est justement ce qu'on essaye de ne pas faire quand on écrit. C'est se battre un peu contre ces clichés, toutes ces expressions qu'on dit à l'oral et qu'on n'entend plus tellement on les a utilisées.

  • Speaker #0

    Cet épisode est sponsorisé par le C3D. Il est écrit sur le site internet du C3D. Ici, plus de 400 directeurs développement durable pensent et créent l'entreprise de demain. Alors qu'on sait tous qu'ici, c'est l'académie du climat. Le C3D ou Collège des directeurs du développement durable, c'est une grande association de 400 responsables RSE engagés dans la transition écologique de leur entreprise. Et ce n'est pas une sinecure, nous écrit Fabrice Bonifet par mail pour préparer cet épisode. Outre la conformité à la régulation, l'enjeu c'est la transformation des modèles d'affaires pour rompre avec l'approche linéaire qui est écocide et génératrice de déchets pour aller vers des modèles permacirculaires à visée régénérative. Autrement dit, vers une économie de la fonctionnalité et de la coopération, dans le but de maintenir la viabilité économique tout en restaurant les conditions d'habitabilité de la planète. On fabrique moins mais mieux et on loue des produits pour intensifier leurs usages. Le C3D. aident ses membres à passer de l'un vers l'autre, et c'est un changement colossal, car il faut tout changer. La gouvernance, le système de rémunération, la conception, le marketing, le modèle économique, etc. Toi, Luce, tu as écrit un livre que j'avais beaucoup aimé à l'époque, qui s'appelle Permaculture au quotidien, et page 14, tu écris que la permaculture permet de penser des projets qui sont, j'arrive souvent mal à enchaîner les trois comme ça mais qui sont économiquement viables, environnementalement soutenables et socialement justes. Donc c'est trois axes qu'on n'a pas forcément en entreprise, qu'on n'a pas forcément au même niveau surtout. Est-ce que pour toi, ça nous aide à revoir la gouvernance ?

  • Speaker #1

    Ça me dit surtout que j'utilisais trop d'adverbes à l'époque. Et c'est une sorte de résumé de ce que tu viens de dire, de l'intention finalement du C3D. Et ça parle aussi des intentions de ces entreprises qui essayent de faire différemment, c'est-à-dire qu'elles n'ont pas simplement le... tableau de bord financier, mais elle travaille sur, t'as parlé de robustesse, on en reparlera peut-être aussi, mais elle travaille sur le volet évidemment social, le volet environnemental, tous les liens qui se tissent et voilà, elles ne sont pas dans la performance financière, mais dans cette robustesse que je vois comme un mille pattes quoi, et qu'elles tissent des liens à plein d'endroits différents, mais c'est pas facile, surtout dans un monde où c'est pas encore très favorisé par la réglementation. Tous ces appels. Appellent ça très fort. C'est-à-dire un État ou des pouvoirs publics qui légifèrent à plein d'endroits pour inciter à aller beaucoup plus dans cette direction.

  • Speaker #0

    Est-ce qu'il ne faudrait pas une sorte de trois personnes à la tête d'une entreprise, un qui gère chacun des axes et ils sont tous obligés de se mettre d'accord tous les trois ?

  • Speaker #1

    L'idée, c'est même d'être dans quelque chose d'encore plus horizontal et que le pouvoir et les responsabilités soient encore plus réparties que trois personnes, une ou même trois. Et même qu'on puisse plus mélanger ces pôles, que ce ne soit même pas forcément séparé. C'est d'ailleurs la beauté de la permaculture par rapport à ce que tu as appelé développement durable, RSE, où on a trois cercles, économie, social, environnement, qui sont séparés et qui vont se... Se retrouver par miracle, il y a un petit point où finalement les trois se rejoignent. La permaculture, elle inclut les cercles les uns dans les autres. C'est-à-dire que si on n'a pas de planète, on n'a probablement pas de sphère sociale. On n'a pas d'hommes et de femmes sur Terre. Et si on n'a pas cette sphère sociale, on n'a pas la sphère économique. Donc la sphère économique, elle est bien incluse dans la sphère sociale qui est incluse dans la sphère environnementale. Donc ça change un peu la façon de voir.

  • Speaker #0

    Nous passons maintenant aux figues ou citrons, qui est une sorte de pied de nez. Parce que, quand on fait le kéfir, un des meilleurs environnements pour le kéfir, il s'avère que c'est mettre des figues et du citron. Et là, on est des malheureusement pauvres humains, il faut choisir, et donc je te fais jouer à une sorte de tu préfères. Toi qui t'y connais en RSE ou en entreprise, tu préfères être nostalgique de la méthode agile, ou confondre les acronymes CQFD et CSR... CSR... CRSD... SRD, merde, attends, c'est lequel ? CSRD ! Jean-Michel mis en abîme

  • Speaker #1

    CSRD ce qui est sûr c'est que je suis pas nostalgique des acronymes est-ce que t'es nostalgique de la méthode agile ? non je voulais te lancer un peu sur un mauvalise d'accord non pas du tout nostalgique en fait tout ce qui concerne le monde de l'entreprise j'ai aucune nostalgie je suis contente de plus y être t'es pas nostalgique ?

  • Speaker #0

    tu préfères danser sur du Jean-Jacques Goldman ou rester ? immobile sur du Britney Spears ?

  • Speaker #1

    Danser sur Jean-Jacques Goldman. Je suis TDAH, moi.

  • Speaker #0

    Tu préfères jardiner sans jardin ou entreprendre sans entreprise ?

  • Speaker #1

    Lire sans lire. Sortir du cadre.

  • Speaker #0

    Tu préfères faire une bonne réponse sur une mauvaise question ou échouer au questionnaire de Proust ?

  • Speaker #1

    Je ne sais pas si ça veut dire échouer au questionnaire de Proust.

  • Speaker #0

    Dans ma tête, c'est un peu une blague parce que j'ai appris un truc pour préparer cet épisode. Tu sais ce que c'est le questionnaire de Proust ? C'est quoi ?

  • Speaker #1

    C'est un questionnaire d'une vingtaine de questions qui est très connu et qu'on pose comme ça des personnalités pour en savoir plus sur eux.

  • Speaker #0

    Pourquoi on dit que c'est le questionnaire de Proust ?

  • Speaker #1

    Je crois que c'est Proust qui l'a inventé.

  • Speaker #0

    En fait, je ne crois pas. C'est qu'à la base, c'est un questionnaire un peu connu et un jour, on a retrouvé les réponses de Proust. Et moi, je trouve ça hyper intéressant parce qu'on a déjà eu ces débats sur les questions et les réponses. Mais le fait que... C'est un truc connu, en fait, c'est ces réponses, les réponses de Marcel Proust, qui ont donné le nom quand même au questionnaire de Proust. C'est pas un truc de...

  • Speaker #1

    Je préfère les questions que les réponses. Mais je sais pas si c'était ça la question à la base. Et moi-même, dans mon livre Rivière qui sortira en janvier, j'essaye de réfléchir à une liste de questions.

  • Speaker #0

    Ah ouais, t'as un livre qui sort en janvier ?

  • Speaker #1

    Voilà, si j'étais en face de quelqu'un que je connais ou que je connais pas, d'ailleurs, quelles seraient les 30 questions que j'aurais envie de lui poser ?

  • Speaker #0

    Ça commencerait par laquelle, Talra ? Une question parmi 30.

  • Speaker #1

    C'est pas fini, c'est en train d'être écrit, donc je retravaille, je retravaille.

  • Speaker #0

    T'as une question qui bouge jamais ou pas ?

  • Speaker #1

    Il y a deux, trois questions qui n'ont pas bougé. As-tu déjà rencontré un fantôme ? Est-ce que tu préfères manger des fruits ou des légumes ? Est-ce que tu préfères les questions ou les réponses ?

  • Speaker #0

    Toi qui t'y connais en nutrition, tu préfères t'appeler Madeleine et avoir jamais lu Proust, ou t'appeler Marcel et ne pouvoir lire aucun autre livre que La Recherche du Temps Perdu ?

  • Speaker #1

    Je préfère m'appeler Marcel que Madeleine, de toute façon, comme mon arrière-grand-père.

  • Speaker #0

    Marcel Hamet qui a créé En avant Guingamp je trouve qu'on ne parlait pas assez de foot dans cette émission je t'avais un peu lancé tout à l'heure quand je t'ai dit ici c'est ça commence comme ça ? ici c'est Guingamp ? ici c'est Paris c'est pour ça que j'ai dit ici c'est l'académie du climat t'as retrouvé pour les entreprises ou pas ? non,

  • Speaker #1

    je n'arrive pas à faire deux choses en même temps je suis concentrée sur tes questions il n'y a pas un végétal qui s'appelle Hélicryse ? Si, et l'icrise c'est une plante qui est bonne pour la peau, qui a des vertus cicatrisantes.

  • Speaker #0

    C'est bon alors du coup c'est ça ?

  • Speaker #1

    Si tu veux.

  • Speaker #0

    D'accord, si je t'en trouve une autre tu me fais un signe ? Ça ressemblera à quoi ?

  • Speaker #1

    Je lève la main.

  • Speaker #0

    Très bien. On passe maintenant à la symbiose, puisque nos micro-organismes, nos grains de kéfir, quand ils sont justement dans le bon environnement figue-citron, ce sont des micro-organismes qui sont en symbiose, donc déjà un avec tout ce que toi t'as perçu de l'entreprise, de ce que tu connais de l'entreprise. et de ce que tu vis toi-même par ailleurs dans l'écologie et la littérature, à ton avis, comment on pourrait favoriser la symbiose en entreprise ?

  • Speaker #1

    Il faudrait la favoriser partout, la symbiose. On crève de ne pas l'avoir. On en manque beaucoup en littérature, on en manque beaucoup dans les entreprises.

  • Speaker #0

    Tu dis il en faut partout, mais du coup, à ton avis, qu'est-ce qu'il faudrait faire pour qu'il y en ait plus partout ?

  • Speaker #1

    Ben, s'écouter. CQFD.

  • Speaker #0

    CQFD ? C'est SRD ? Et est-ce que toi, tu as déjà été en symbiose ? Est-ce que tu t'es déjà sentie en symbiose ?

  • Speaker #1

    Oui, ça m'arrive souvent. Je me sens tous les jours à un moment en symbiose, une sorte de sentiment un peu spinoziste avec le monde. Avec une personne, oui, je suis très liée à Julia Cardinon. C'est à la fois une amie et quelqu'un qui partage énormément des problématiques liées à nos métiers de romancière, et aussi très féministe. C'est ce qui fait un cocktail, un kéfir vraiment réussi. et donc c'est vraiment une personne avec qui j'ai J'ai grande joie à échanger, partager, donner. On s'aide beaucoup. Je ne sais pas si je l'aide et je lui donne autant qu'elle me donne, mais je peux dire là qu'elle me donne beaucoup.

  • Speaker #0

    Peut-être que vous êtes en symbiose quand même, parce que vous ne vous donnez pas la même chose.

  • Speaker #1

    Non, on ne se donne pas la même chose.

  • Speaker #0

    C'est ça qui est beau de la symbiose. Chacun donne quelque chose de différent. Oui. Donc forcément, quand tu es en symbiose, tu ne dois peut-être pas avoir le sentiment de donner autant.

  • Speaker #1

    Il y a des gens à qui tu penses que tu donnes plus que tu ne reçois. et puis des gens qui t'as la sensation qui te donnent plus et Julia j'ai la sensation qu'elle me donne plus que ce que je suis capable de rendre tu parlais de cette optique de réciprocité qui m'a longtemps obsédée mais maintenant je me dis il faut accepter que tout n'est pas réciproque dans la vie c'est dur mais c'est comme ça à

  • Speaker #0

    la base vous êtes connue, quelqu'un a commencé par donner en gros parce qu'une symbiose c'est il y en a un qui commence par donner sans savoir et peut-être que c'est aussi ça en entreprise on a peur de donner

  • Speaker #1

    De toute façon, globalement, on a peur de donner. Je pense qu'il y a des gens qui sont beaucoup plus à l'aise, qui sont beaucoup plus dans le don.

  • Speaker #0

    Peut-être que le problème, c'est qu'on n'arrive pas à favoriser ceux qui donnent suffisamment.

  • Speaker #1

    C'est-à-dire que ceux qui donnent beaucoup, ils s'épuisent, surtout en entreprise, j'imagine. C'est le fameux effondrement qu'on peut connaître à certains moments, quand on donne, on donne et qu'on n'a plus de force au bon moment, parce qu'on n'a pas assez reçu.

  • Speaker #0

    on passe maintenant à la production puisque comme tu le sais en permaculture tu le dis mieux que moi, c'est un peu toi qui m'as inspiré cette rubrique et donc quelle production au sens de la permaculture toi tu offres au monde ?

  • Speaker #1

    des romans là tu veux que j'offre quelque chose ? ce que je peux offrir c'est des consignes d'écriture une sorte d'inspiration pour que si certains qui écoutent cet épisode ont envie d'écrire et puissent le faire, que ce soit en entreprise ou ailleurs sur le vivant justement il y a plusieurs consignes que j'aime bien donner écrire un texte alors ça peut être 10 lignes ou 10 pages selon votre inspiration Tu en as parlé très rapidement en intro, les grands règnes du vivant sont présents. Souvent dans les textes, dans ce qu'on lit, il y a beaucoup les humains, la bite, mon couteau, et il y a assez peu les autres grands règnes du vivant. Moi je suis un peu en radar quand je lis à voir s'il y a en particulier les règnes végétales, les règnes animales, éventuellement les champignons, soyons fous. Donc écrire un texte où il y a tous ces règnes-là qui se rejoignent. Même qu'il y ait les points de vue de ces différents règnes-là, c'est encore plus difficile.

  • Speaker #0

    C'est quoi les cinq grands règnes ?

  • Speaker #1

    Il y a le règne animal, le règne végétal, les champignons, les bactéries et les prostites. Je ne me lancerai pas dans une explication sur ce que c'est les prostites.

  • Speaker #0

    C'est quoi les prostites ?

  • Speaker #1

    Deuxième consigne possible, c'est prendre un être vivant, ça peut être aussi un animal végétal, un humain, et le décrire non pas par ses aspects physiques ou psychologiques, mais le décrire justement par les liens qu'il tisse. Les liens qu'il tisse avec les autres, avec lui-même, avec son passé, avec son avenir, avec ses enfants, ou les liens qu'il ne tisse pas d'ailleurs, mais voilà, se centrer sur cet aspect-là. Il y a une consigne que je donne aussi parfois, qui est à partir d'un texte, qui est la quatrième de couverture du livre qui s'appelle « Une année à la campagne » de Chou Hubel, je ne sais pas comment on le dit. C'est Le Clésio qui l'a écrit, et à partir de ce texte-là que je vais vous lire, qui est très court, je propose d'écrire un autre texte. Donc j'ai souvent rêvé d'un livre complet où il y aurait les oiseaux, les insectes volant dans la lumière du matin, les gouttes accrochées dans les toiles des araignées, le ciel changeant selon les saisons, l'odeur de la pluie, le bruit du vent, les cris des animaux. Un livre où on sentirait la chaleur du soleil, le toucher léger des plantes. Un livre où il y aurait les secrets invisibles et invisibles du monde et même des choses extraordinaires et rassurantes comme la recette de la tarte au kaki. Un livre qui me donnerait le même bonheur que lorsque je lisais autrefois Virgile assis près de la mer à l'ombre des oliviers. Un livre où la poésie serait comme une respiration, où le langage ferait sa musique familière. Je propose de reprendre le début, j'ai souvent rêvé d'un livre complet ou trois petits points. Et à vous de continuer.

  • Speaker #0

    Donc ça c'est une consigne qu'ils peuvent faire dans un document d'entreprise ?

  • Speaker #1

    Oui, où vous voulez.

  • Speaker #0

    Dans le livre, je parle beaucoup de ton pessimisme, mais en quoi rencontrer les six poissons pilotes t'a transformé toi ?

  • Speaker #1

    De toute façon, toute rencontre est transformation. Et eux-mêmes ne cessent de se transformer, c'est ça qui est beau, la curiosité, l'ouverture. Et ça m'a transformée forcément parce que chaque livre que j'écris me transforme. Et de les écouter, d'écouter d'autres vies que la mienne. J'ai beaucoup parlé de mon père aussi dans le texte, donc ça m'a aussi aidée à mieux comprendre mon père qui avait une entreprise qui était pépiniériste. J'ai pu tisser des liens, c'est pour ça que ça m'a aussi beaucoup émue à certains moments, entre ce que eux vivaient et ce que mon père a vécu. Et mon père, le lisant, a été aussi très ému par cette parole-là. Il m'a dit « j'aimerais trop partir en week-end avec eux et discuter, échanger » . Donc ça m'a touchée. Et ça m'a peut-être précisé aussi un peu les idées sur... Enfin, c'est une question qui revient souvent, mais qu'est-ce que... Mon éditeur m'a un peu poussée à aller dans cette direction, dans la conclusion, mais qu'est-ce qu'ils ont en commun, ces gens ? qui y croient encore, qui agissent. On est quand même assaillis d'assez mauvaises nouvelles. Là, j'ai été face à des personnes quand même très ancrées, très alignées. Ça fait du bien, même si chacun a ses travers, même si évidemment j'étais plus touchée par certains que par d'autres. Et je me suis demandé d'où ça venait, ça. Tous y sont très authentiques, ça c'est sûr. Et d'ailleurs, c'est un des ingrédients pour faire un bon livre, donc c'était une bonne nouvelle. Je me souviens d'une éditrice il y a 10-15 ans qui m'avait dit pour faire un bon livre, il faut de l'authenticité et de l'intensité. Et donc ça c'est sûr qu'ils sont authentiques, qu'ils sont intenses. Il y a cette histoire de robustesse, ça m'a beaucoup fait réfléchir là-dessus. C'est-à-dire quand on dit être plutôt riche de ses liens que de ses biens. La robustesse c'est ce que je disais tout à l'heure, l'inverse de la performance économique, c'est être pas très très bon à un endroit mais bon partout. C'est maintenir un système stable. malgré les fluctuations et en pénurie de ressources. Donc c'est quand même intéressant. Et tous, ils sont un peu dans cette direction-là. Au lieu d'avoir un fournisseur, en avoir cinq, au cas où, enfin, multiplier les liens comme ça. Ils sont lucides aussi, je trouve, grâce à la clac qu'ils ont pris. Donc c'est assez intéressant de discuter avec des gens qui sont lucides, qui ont compris les neuf limites planétaires. Et alors après, savoir comment ils y croient, ils continuent à y croire, c'est un mystère. Comment ils peuvent être dans cette action ? Moi, j'aime bien cette phrase de Fernando Pessoa qui dit « Agir, c'est connaître le repos. » Ils sont vraiment dans l'action et dans une forme de repos. Ils agissent, ils font ce qu'ils peuvent.

  • Speaker #0

    Ils doivent être dans un grand écart un peu permanent entre justement ce qu'ils ont reçu de la CEC et le cap qu'ils aimeraient peut-être emmener et des trucs très terre-à-terre. Oui,

  • Speaker #1

    mais ils y arrivent. Ce n'est pas facile, mais ils y arrivent. Ils arrivent à emmener, à inspirer. Pas toujours et pas de la même façon, mais ils y arrivent. En fait, ils ont la sensation... que leur action compte dans la toile du vivant. Et ça, c'est vraiment incroyable. Et ça m'a rappelé toute proportion gardée. J'avais entendu, il y a très longtemps, des témoignages pendant la Seconde Guerre mondiale qui disaient ce qu'on se demande tous pendant la guerre, est-ce que je serai un collabo ou un résistant ? Et ils disaient, finalement, les gens qui étaient dans la résistance ou qui ont aidé à cacher des Juifs ou des personnes en difficulté, ce n'est pas forcément des gens qui sont meilleurs que les autres. Ils avaient la sensation que leur action comptait. Mais comment on a ça ? Comment on touche ça ? C'est vraiment une grande question. Et après, il y a quand même toute la partie collectif. Ce livre, il ouvre aussi cette question-là. Ce n'est pas seulement des gens pris individuellement, c'est évidemment ce collectif de la CEC. Et pour qu'on se transforme, il faut agir à toutes les échelles. Ça ne sert à rien de parler que de l'échelle individuelle. Il faut parler des échelles collectives. L'entreprise, ce n'est pas le sujet le plus sexy, mais c'est un des endroits où... Le collectif se joue, se tisse. Et puis évidemment, les pouvoirs publics, le politique, on en a parlé tout à l'heure. Il faut à la fois des anticipations des pouvoirs publics, il faut des clients convaincus, il faut un actionnariat aligné. Ça, je n'en ai pas reparlé, mais j'ai essayé de parler aux actionnaires et personne ne m'a répondu. On a parfois, pour certaines entreprises qui ont un actionnariat familial, c'est plus facile de détourner le banc de poisson. Mais quand on est Renault Trucks et que c'est Volvo l'actionnaire et que moi, je n'ai même pas pu lui parler, c'est compliqué de se dire à long terme comment on fait. Il commence à parler un peu de décroissance, mais comment on avance dans cette direction-là ? Comment on aligne les actionnaires ? Et puis, comme tu disais, c'est aussi beaucoup comment on redonne du sens. Je n'aime pas trop cette expression, mais on est des machines à fabriquer et à chercher du sens, comme dit Nancy Houston. mais c'est comment on redonne du sens en interne avec les équipes, on redistribue le pouvoir. Et ça, c'est vraiment peut-être l'endroit le plus difficile, délicat pour eux. C'est-à-dire, ils reviennent, comme tu dis, conscients des crises qu'on a déjà commencé à traverser, et comment on réinsuffle ça en interne, comment chacun se saisit de ses sujets. Et ça, c'est vraiment le gros du sujet. Et il y a autre chose aussi que j'ai sentie chez eux, peut-être... encore plus chez certaines, qui est connaître ses propres limites. Et vraiment se dire, je ne suis pas le chef des pirates sur le bateau, mais ça continue à tourner sans moi, toute cette histoire de la subsidiarité. Donc ils m'ont beaucoup fait réfléchir à tous ces sujets-là, en fait. Et redonner espoir d'une certaine façon, aussi.

  • Speaker #0

    Est-ce que ça t'a donné envie de retourner en entreprise ?

  • Speaker #1

    Non. Enfin, ça dépend laquelle.

  • Speaker #0

    Pourquoi pas. Il y a d'abord un non, quand même. Est-ce que ça t'a donné envie de créer une entreprise ? Non.

  • Speaker #1

    Je suis déjà présidente de Louise Browais et associée.

  • Speaker #0

    C'est compliqué. On est combien dans la... Je me stime un petit peu dedans quand même. Je suis un peu dans l'entreprise, moi, quand même. On a vu juste avant que c'est aussi des moments où c'est parce que t'es en symbiose qu'on est capable d'avoir de l'audace. Quand est-ce que toi, t'as pas manqué d'air récemment ?

  • Speaker #1

    J'ai pas manqué d'air quand j'étais en Bretagne et que je me baignais dans la mer. Claire était pas polluée, c'était agréable. Parce que l'air qu'on respire, c'est quelque chose.

  • Speaker #0

    À la quête des mille climats, on respire hyper bien, mais c'est vrai que dans le reste de Paris, c'est pas beaucoup. En février dernier, tu avais un projet de roman ? Alors,

  • Speaker #1

    moi, dans ma vie, les choses importantes se passent en février, c'est le printemps astrologique. En janvier, j'étais encore en train de piétiner sur un roman que j'ai créé depuis un an et demi, qui était un peu une bouse, ou pour paraphraser Julia Carninon, c'était comme un cheval au galop dans une impasse. J'adore cette expression. Donc ça a été vraiment très dur, parce que j'ai galéré pendant un an et demi. Je pense que moi-même, j'allais pas bien. mais comment aller bien dans ce monde Ça parlait de cet état pas génial, un peu immobile. Ce texte que je n'arrivais pas à continuer, à avancer, c'est comme une maillot qui ne prend pas. C'était une fiction. Et en février, j'ai repris, j'ai recommencé complètement. J'ai commencé une nouvelle fermentation. Un nouveau texte qui est, j'appelle la suite de la reverdie, mais c'est-à-dire qui est dans une veine plus récit autobiographique. Mais tout ça fait partie, j'espère, de la grande maison de la littérature, le grand hôtel de la littérature. Où il y a de la place pour tout le monde, je ne sais pas. Et je pensais au Grand Budapest Hotel de Wes Anderson, mais ça n'a aucun rapport. Et donc j'ai commencé à écrire quelque chose de nouveau. Et c'est vrai que c'est venu très comme ça. Comme si avoir échoué pendant un an et demi faisait qu'un endroit. On ouvre une autre vanne, une autre digue. Et les choses se sont mises en place, comme un jardin. Comme si ça avait fermenté dans un coin de mon inconscient pendant un an et demi. Et pendant que je m'escrimais avancer ce texte qui n'est pas réussi du tout. Et je m'étais dit, je n'aurais pas la force de recommencer une troisième fois, parce que je venais de regarder un film, en plus, qui s'appelle Vingt Dieux, où ils essayent trois fois de faire un comté, et je m'étais vraiment dit, j'avais l'image vraiment de me dire, mais moi, si je dois recommencer une troisième fois, me mettre devant le cuve en cuivre, et de voir, je ne vais pas y arriver, en fait. Je ne sais plus où je dois aller chercher ces ressources et ces capacités. Et je me dis, malheureusement, on en passe par là. C'est très, très dur. Il y a un texte très beau, d'ailleurs, de Christiane Saint-Gé. Ça commence par j'ai gagné la certitude que les catastrophes sont là pour nous éviter le pire. Le pire c'est bel et bien d'avoir traversé la vie sans naufrage, d'être resté à la surface des choses, d'avoir dansé au bas des ombres, d'avoir pataugé dans ce marécage des on-dit, des apparences, de n'avoir jamais été précipité dans une autre dimension. Les crises dans la société où nous vivons, elles sont vraiment ce qu'on a encore trouvé de mieux, à défaut de mettre, quand on n'en a pas à portée de main, pour entrer dans l'autre dimension. Dans notre société, toute l'ambition, toute la concentration est de nous détourner. de détourner notre ascension de tout ce qui est important. Un système de fil barbelé, d'interdit pour ne pas avoir accès à notre profondeur. C'est une immense conspiration, la plus gigantesque conspiration d'une civilisation contre l'âme et contre l'esprit. Dans une société où tout est barré, où les chemins ne sont pas indiqués pour entrer dans la profondeur, il n'y a que la crise pour pouvoir briser ces murs autour de nous.

  • Speaker #0

    On dirait du Jean-Jacques Goldman un peu, briser des murs.

  • Speaker #1

    Je pensais que t'allais danser.

  • Speaker #0

    Justement c'est Julia qui t'a donné ce meilleur feedback, comme on dit en entreprise. T'as réussi à faire, là où on dit parfois pour les startups, qu'ils arrivent à pivoter. C'est complètement ce que t'as fait en février. T'avais une certaine objective sur le roman.

  • Speaker #1

    C'est parce que j'ai confiance en Julia. Donc je suis capable d'entendre vraiment quelque chose de finalement assez dur. T'as écrit une bouse et il va falloir arrêter. Il va falloir recommencer à zéro. Il y a un moment où on comprend qu'il faut recommencer autrement.

  • Speaker #0

    Bravo de ne pas avoir manqué d'air.

  • Speaker #1

    C'est le printemps aussi.

  • Speaker #0

    Et tu as une passion dans la vie ?

  • Speaker #1

    J'ai une passion pour la littérature, évidemment. Mais ça, je pense que ça se sent. C'est une passion dévorante pour l'écriture et la littérature, qui me rend presque autiste. C'est-à-dire que les choses qui n'est pas ça m'intéressent de moins en moins. J'ai une passion pour ce que tu disais sur l'entreprise à un moment où toute cette logorée, ces agronymes, ces agronymes sont assez horribles, me font mal à l'oreille. Et donc effectivement, j'avais l'idée jadis de faire un hôpital pour les mots malades. tous ces mots trop utilisés, bienveillance, sens, agilité, que sais-je, et dont les gens sont écoeurés aussi en entreprise. Il y a cette histoire de quels mots on utilise, quels langages. Donc c'est peut-être comme ça que la littérature peut apporter quelque chose à l'entreprise. Et l'entreprise, la littérature, dans ces entreprises, en tout cas celles que j'ai rencontrées là, il y a quand même une forme d'entraide qui est très belle, un esprit d'équipe. Et ça, ça manque beaucoup en littérature. C'est-à-dire qu'en littérature, c'est quand même chacun sa gueule. Chacun sa première de couverture, il y a très peu d'entraide. Tout le monde tire la quatrième de couverture à lui. C'est souvent une souffrance.

  • Speaker #0

    Moi j'avais entendu un jour qu'on faisait pas de bons romans avec des bons sentiments, mais les nouveaux récits voudraient un peu ça, non ?

  • Speaker #1

    Les nouveaux récits, c'est l'idée de transformer les imaginaires pour que ça retransforme nos vies en retour. Pour moi, la littérature et la vie sont très imbriquées, elles se répondent beaucoup. Est-ce qu'il faut changer la vie pour changer la littérature, ou changer la littérature pour changer la vie ? En tout cas, dans cette histoire de nouveau récit, il y a l'idée de se dire, dans la majorité des textes qu'on lit, des films qu'on voit, des séries, de tout l'imaginaire qui nous abreuve au quotidien dans la société, on est dans un imaginaire où les idées de domination sont assez présentes. de hiérarchie, d'emprise. Je parlais récemment avec une amie de Belle du Seigneur, il y a Solal parcourt le monde pendant qu'Ariane l'attend dans sa baignoire. Moi, je n'ai plus trop envie de lire des textes comme ça. Ou justement, des textes où il n'y a que le règne humain et où on ne sait rien du grand vivant qui nous entoure. Pour moi, les nouveaux récits, je pense que chacun peut avoir sa définition, mais c'est des endroits où on va raconter, on va inventer peut-être des nouvelles formes aussi. C'est intéressant quelle forme on donne à nos livres. On sait quelles plantes, attirent les papillons, mais on ne sait pas quels livres attirent les papillons. Donc quelle forme on doit donner à nos livres pour qu'ils attirent les papillons ? Et être dans un imaginaire plus ouvert, moins hiérarchisé, et dans une ouverture par rapport à tous les règnes du vivant, puisqu'on a quand même énormément perdu ce lien. C'est un endroit où on peut retrouver ça. Alors récemment, j'ai lu deux textes de Becky Chambers, je ne sais pas si je le dis bien, un psaume pour les recyclés sauvages, et après une prière pour les cimtimides, c'est deux tomes de la même histoire. Et il y a quelqu'un sur la quatrième qui, parlant du livre, dit ceci. « La vision optimiste d'un monde fertile et beau qui s'est reconstruit après avoir frôlé la catastrophe, l'explorer aux côtés de deux personnages principaux est une expérience fascinante et délicieuse. » Donc là, on est vraiment dans cette idée de sorte de SF positive, en fait. Ça, je trouve ça vraiment intéressant. Alors, ce n'est pas que du tout des bons sentiments, on est vraiment dans la nuance, mais on n'est pas dans un imaginaire aussi écologique de... catastrophe de fin du monde, d'apocalypse, on est plutôt dans qu'est-ce qui pourrait se passer aussi de positif, de beau, de simple et sincère. Si on lit beaucoup de récits qui nous parlent de cet avenir ou même de ce présent de cette façon-là, peut-être que la vie va finir par ressembler à ça.

  • Speaker #0

    On n'a pas encore dit que l'écologie c'est la science des liens, on l'a un peu esquissé mais pas vraiment dit.

  • Speaker #1

    Oui.

  • Speaker #0

    Ça c'est une phrase de qui déjà ?

  • Speaker #1

    C'est pas une phrase, c'est vraiment la définition de l'écologie scientifique telle qu'on la conçoit. Lien des êtres vivants à leur écosystème, lien des vivants entre eux. Et la littérature, pour moi, c'est proche de ça aussi, c'est l'art des liens, c'est-à-dire on peut faire un livre où on parle de choses apparemment très éloignées et réussir à les relier entre elles. Pour moi, ça, c'est tout l'art d'un texte qui se lise après aussi facilement qu'un roman et offrir des points de vue divers, variés, qu'on n'a pas du tout l'habitude. De voir, d'entendre, donner la voix à ce qu'on n'entend pas.

  • Speaker #0

    Donc peut-être que ce qui manque à l'entreprise, c'est peut-être plus de poésie ?

  • Speaker #1

    Ça c'est le monde globalement qui manque de poésie. Tout à l'heure, je ne sais plus dans quel texte, c'était Leclesio qui disait « la poésie est une respiration » . La poésie pas dans le sens d'avoir un pléiade de Rimbaud chez soi, c'est la poésie dans le sens, petite poésie concrète de toutes ces choses quotidiennes. C'est attention peut-être, attention à tout ça. Et d'ailleurs, dans le livre que je lis, il y a un robot qui vient en disant « De quoi avez-vous besoin ? » C'est une question qui est très belle. « De quoi avez-vous besoin pour vivre, pour vivre décemment ? » Il n'y a pas la réponse à la question, parce qu'à la littérature, elle s'en fout un peu des réponses. Mais les deux tomes du livre sont traversés par cette question-là. « De quoi avez-vous besoin ? » De quoi on a besoin ici, maintenant, en entreprise, demain ?

  • Speaker #0

    Quand on parle des besoins, on parle souvent des émotions derrière. C'est un endroit où l'entreprise, qui a longtemps été sans émotions, Toi, qui as fait des ateliers en entreprise, ça faisait partie aussi des ateliers de reparler de ses émotions. Peut-être qu'il faut aussi que les gens travaillent sur leurs émotions beaucoup plus et les fassent rentrer en entreprise.

  • Speaker #1

    Oui, alors là, encore une fois, ce n'est pas qu'un problème en entreprise. Et puis parfois, c'est justement la mascarade. On fait un petit atelier où on parle de nos émotions, puis après, on n'en parle pas pendant trois mois. Moi, c'était vraiment ce qui était invivable pour moi en entreprise. C'était de ne pas pouvoir être moi avec toutes mes facettes, de devoir vraiment couper, de dire qu'il n'y a que cette partie-là de moi qui va... être autorisé à être là et à travailler en entreprise et effectivement, aucune place pour les émotions, mais ça c'est valable globalement. Alors que si on se dit, il y a un sas pour parler de comment on va, les émotions, ça aide, parce qu'après on comprend aussi pourquoi un tel va pas bien en ce moment, c'est aidant.

  • Speaker #0

    Merci Louise, c'est bientôt la fin de l'épisode. Est-ce qu'on a tout dit ?

  • Speaker #1

    Je sais pas.

  • Speaker #0

    D'accord. Est-ce que j'ai posé suffisamment de questions ?

  • Speaker #1

    J'ai l'impression.

  • Speaker #0

    C'est quoi donc les actualités à la CE ? Donc il y a eu le banc de poissons qui est sorti là. En septembre.

  • Speaker #1

    En septembre, on sort un livre poético-pratique chez Tana Éditions, qui s'appelle Jardiner sans jardin, avec les dessins de Victoria Dorsch. Et mes photos, d'ailleurs, j'ai une trentaine de photos. C'est comment survivre en ville quand on n'a pas de jardin et jardiner un peu nos imaginaires. Et en janvier ou février, il sort chez Phoebus, mon quatrième roman, qui est une forme de suite de La Reuverdie. Aujourd'hui, je l'appelle le livre Rivière, parce que le titre est...

  • Speaker #0

    Pas encore définitif.

  • Speaker #1

    Voilà.

  • Speaker #0

    Merci Louise. Et merci à vous d'avoir écouté cet épisode. Merci à l'Académie du Climat de nous héberger. Merci au C3D d'avoir sponsorisé cet épisode et de nous avoir permis de faire cette carte blanche. Si vous voulez soutenir ce podcast pour me permettre de faire plus d'épisodes, de laisse-moi kéfir la vibe. avec pas forcément sponsoriser et peut-être organiser des soirées comédie club. Rendez-vous sur la page Tipeee. Mettez des étoiles autant que vous pouvez sur les épisodes et dans votre vie pour vous mettre en symbiose. A très bientôt.

  • Speaker #1

    Et des poignettes.

Transcription

  • Speaker #0

    Vas-y, fais un test.

  • Speaker #1

    Homme libre toujours, tu chériras la mer.

  • Speaker #0

    Homme libre toujours,

  • Speaker #1

    tu chériras la mer.

  • Speaker #0

    T'es bien en mode avion ? Non,

  • Speaker #1

    parce que j'ai des notes sur mon téléphone.

  • Speaker #0

    C'est parti ?

  • Speaker #1

    C'est parti.

  • Speaker #0

    Bonjour et bienvenue dans l'épisode 0 de Laisse-moi kéfir la vibe avec. Je suis Mathieu Briard. Cet épisode est sponsorisé par le C3D. Un grand merci à l'Académie du Climat de nous accueillir pour enregistrer ce pilote, cette carte blanche pour le C3D. Aujourd'hui, j'ai l'immense honneur de recevoir Louise Brouez. Et ensemble, autour d'un verre de kéfir, nous allons parler de permaculture, de bande poisson et de littérature. Louise, bonjour.

  • Speaker #1

    Bonjour.

  • Speaker #0

    Louise, tu es dans l'ordre chronologique, ingénieur agro, spécialisé en nutrition, RSE, permacultrice, permaculture, pardon, et écologie. T'es pas spécialisée en permacultrice ?

  • Speaker #1

    Non mais ni en permaculture parce qu'il n'y avait pas ça à l'agro, c'est après que j'ai appris ça.

  • Speaker #0

    C'est pour ça que j'ai dit dans l'ordre chronologique.

  • Speaker #1

    Ah d'accord.

  • Speaker #0

    Tu es également autrice et tu animes des ateliers d'écriture. En entreprise, on dirait que tu as plusieurs casquettes et même plusieurs cordes à ton arc. et tous ces accessoires t'ont permis de publier des livres de cuisine, des romans et des récits comme La Reverdie aux éditions La Mer Salée, Le Dernier Nez et Comment détourner un banc de poissons publié aux éditions de L'Arbre qui marche. On avance doucement vers ta passion pour les différents règnes du vivant. Rencontrer six dirigeants qui sont passés à travers les filets de la CEC, telle fut ton entreprise. D'entreprise, il y a justement question, toi qui l'as fui. Il y a des années, depuis, tu mènes ta marque dans les méandres du monde littéraire au milieu des requins et autres éditeurs carnassiers. Là,

  • Speaker #1

    tu véhicules une mauvaise image des requins.

  • Speaker #0

    Parce que t'as quoi à dire sur les requins ?

  • Speaker #1

    On a l'image que c'est des grands prédateurs, alors qu'il y a des espèces animales qui sont beaucoup plus dangereuses pour nous.

  • Speaker #0

    Comme quoi ?

  • Speaker #1

    Alors si on parle des femmes, on peut parler des hommes. Si on parle du genre humain, c'est le moustique.

  • Speaker #0

    On peut dire qu'en lisant ce livre, j'ai bien mordu. Je trouve qu'en s'étant déco anxiété, il donne la pêche. La pêche, t'as compris ? Oui. Parce que tu nous fais plonger dans le courant de ceux qui agissent au quotidien dans leur boîte. Une belle brochette de dirigeant, la brochette n'étant pas la femelle du brochet, poisson qui a été introduit dans la scène et page 180. Bref, c'est un vrai kiff de te lire et aussi frêle et se kiff. On aime te suivre hameçonner les six poissons pilotes à la lumière et à l'ombre de ses voix. Ça, c'est une belle image et évidemment, elle est de toi et vous la trouverez, page 151. Ce livre m'a donné envie de draguer le fond de mes certitudes et d'apprendre avec toi la simplicité, la sincérité et la robustesse. Je crois qu'on a assez joué avec les mots sur les poissons, alors j'arrête. Tu parles beaucoup des mots en entreprise qui ont été vidés de leur sens comme un vulgaire colin d'Atlantique Nord. Et toi qui aimes la réciprocité, tu nous diras comment la littérature pourrait s'inspirer de l'entreprise et inversement. Et même si Céline Dion a chanté On ne change pas, Laurent Voulzy, lui, A chanter qu'on pouvait changer les choses avec des bouquets de roses, changer les hommes avec des géraniums. Alors, Louise Brouez, avec quoi on va changer les entreprises ? Tu t'y attendais pas celle-là ! Oui ! Alors ?

  • Speaker #1

    Avec le cœur.

  • Speaker #0

    Il faut trouver un truc en « is » .

  • Speaker #1

    Avec l'amour.

  • Speaker #0

    Et un truc en « is » .

  • Speaker #1

    Une rime en « is » , d'accord. J'ai banquise, mais c'est pas avec la banquise qu'on va changer les entreprises.

  • Speaker #0

    Et on commence, Louise Brouez, avec le tri des grains. Le tri des grains, c'est parce que quand on fait le kéfir et qu'on lance la première fermentation, on choisit les grains qu'on va utiliser pour la première fermentation. Donc on trie ceux qui sont en bonne santé, pas en bonne santé. Donc on va choisir ensemble ce qu'on va mettre dans l'épisode. Est-ce que pendant l'épisode, on peut faire des jeux de mots ou des mots-valises ?

  • Speaker #1

    Oui. Je croyais que ce n'était pas à la mode les jeux de mots, mais j'adore ça.

  • Speaker #0

    Est-ce que pendant l'épisode, on peut parler de tes enfants ? Oui. Petit disclaimer, il faut dire que dans la vie...

  • Speaker #1

    Nous sommes mariés.

  • Speaker #0

    Nous sommes mariés. Un de tes deux enfants s'avère être aussi le mien. Oui. Est-ce qu'on peut utiliser plusieurs voix pendant l'épisode ? Si on veut. Tu penses que tu vas en utiliser combien ?

  • Speaker #1

    7 ou 8.

  • Speaker #0

    Très bien.

  • Speaker #1

    C'est comme les rivières, elles empruntent plusieurs voix, elles ne sont pas que le trait bleu sur la carte.

  • Speaker #0

    Est-ce qu'on peut prendre le parti du tiers pendant l'épisode ?

  • Speaker #1

    Du tiers absent ?

  • Speaker #0

    Oui.

  • Speaker #1

    Si on veut, il faut quand même dire d'où ça vient.

  • Speaker #0

    Oui, vas-y, dis.

  • Speaker #1

    Ça vient de la communication non-violente, qui est comme la permaculture, quelque chose qui a changé ma vie. Quand on travaille en CNV, communication non-violente, quand on apprend ce que c'est, on travaille beaucoup sur l'écoute. Et l'écoute active en particulier. On se rend compte qu'on n'écoute jamais et que personne n'écoute jamais. Et on fait faire des exercices assez incroyables où on se force littéralement à écouter pendant dix minutes quelqu'un sans l'interrompre. C'est très très long, dix minutes. C'est incroyable comme exercice, parce qu'en fait, qu'est-ce qui se passe si vous faites l'exercice chez vous, où vous avez envie de poser des questions, moi c'est ce que je fais tout le temps, de quelle couleur était son slip, à quelle heure était le train à la gare, combien il y a eu de morts. On a envie de ramener à des choses qu'on a vécues nous-mêmes, ça on le fait tout le temps. Ou de, ce que tu disais, prendre le parti du tir absent. Et être juste dans une posture d'écoute, c'est révolutionnaire.

  • Speaker #0

    Je peux parler maintenant ? Oui. Dans Comment détourner un banc de poissons, tu as été à la rencontre de six dirigeants qui sont passés par la CEC. Oui,

  • Speaker #1

    alors c'est un livre qui est né avec une intention particulière, c'est un éditeur, François Delarbre qui marche, qui me dit qu'il y aurait un livre intéressant à faire sur la CEC et je cherche quelqu'un qui soit à la fois dans une certaine connaissance du monde de l'entreprise et qui puisse aussi écrire de façon littéraire. Moi c'est un peu, comme tu disais, de corde à mon arc et donc ça m'a plu. Et la CEC, c'est la Convention des entreprises. pour le climat, ça ressemble à la convention citoyenne pour le climat, mais là ça s'adresse à des entreprises et ce qui est vraiment intéressant, ce que j'ai senti en interviewant longtemps les six dirigeantes dont il y a des questions dans le livre, dirigeants et dirigeantes, c'est vraiment cette dimension, déjà effectivement d'aller dans une partie plus émotionnelle sur c'est quoi les crises écologiques et en particulier la crise climatique, et tous parlent d'une claque. Et il y a aussi vraiment l'effet collectif, c'est-à-dire de se rendre compte qu'on est ensemble dans le même bateau ou bande-poisson.

  • Speaker #0

    Tu commences à parler des émotions, on en parlera plus tard. C'est vrai que le truc de la claque, de dire ils sont passés par la CEC, ils ont été éveillés à tous les sujets sur le climat, ils se prennent une claque, c'est déjà un début d'émotion. C'est assez rare pour eux, mais du coup, ils vont l'emmener en entreprise. C'est sans doute un super moyen pour eux de faire changer les choses.

  • Speaker #1

    C'est étonnant de voir que pour certains pendant des dizaines d'années ils ont été profondément dans le déni et tout d'un coup là ils voient les choses, c'est un peu comme quand on fait une fraise du climat, qu'on n'y connait rien, vraiment on se prend les choses en pleine poire et il peut y avoir tout de suite des émotions positive, c'est-à-dire plutôt orienté partage en interne, comment agir, mais il y en a certains qui passent quand même par une dimension accablement, tristesse, même déni, et qui mettent un peu plus de temps à se remettre en route pour aller partager ces connaissances et susciter des émotions en interne et après se mettre en chemin et en mouvement ensemble.

  • Speaker #0

    Toi, au début du livre, quand tu vas interviewer les six dirigeants, t'es plutôt sceptique ?

  • Speaker #1

    J'ai beaucoup travaillé dans ce domaine-là, j'ai arrêté. Aujourd'hui, mon métier essentiellement, c'est d'écrire des livres et aussi d'animer des ateliers d'écriture. Mais jadis, j'ai travaillé beaucoup en entreprise pour remettre du vivant et de l'écologie dans les entreprises. Et c'est vrai qu'il y a une part de moi qui a eu la sensation parfois de faire partie de la mascarade. Et c'est parfois difficile au tout début de sentir, et parfois on s'engage dans quelque chose et on se rend compte que c'est quand même beaucoup du bullshit ou du greenwashing, et c'est très énervant.

  • Speaker #0

    mais ça t'a quand même changé en bien d'aller voir ces 6 dirigeants

  • Speaker #1

    Oui, rencontrer six personnes intéressantes, bouleversantes, qui travaillent dans des domaines auxquels je ne connais a priori rien, c'est intéressant. Ça éveille la curiosité, ça ouvre. Et puis justement, être dans cette posture d'écoute, c'est intéressant. Essayer de retracer fidèlement ce qu'elles sont et ce que j'ai ressenti en les écoutant. Oui, c'est un chemin. J'ai été émue très profondément en face des six, alors que je ne pensais pas.

  • Speaker #0

    On parlait de CNV tout à l'heure. Est-ce que tu aurais pu y aller et juste ne pas poser de questions, tu penses ?

  • Speaker #1

    Alors il y en avait qui écoutaient plus ou moins mes questions d'ailleurs, il y en avait qui s'intéressaient en retour un petit peu à la fin, moi aussi ce que je faisais, mon métier, puis il n'y en a pas du tout, c'est amusant aussi de voir ça. Et François m'avait donné une grille de questions que je n'ai pas du tout utilisées, qui sont des questions un peu bateau sur le business, etc. Enfin moi ça ne me parle pas du tout, donc j'y suis plus allée avec une trentaine de questions que j'avais en tête et puis des choses qui venaient au fil de l'eau.

  • Speaker #0

    Tu as fait beaucoup de jeux de mots sur les rivières, l'eau et tout ça avec eux ou pas ?

  • Speaker #1

    Non, non, j'en faisais peu parce que c'est après que j'ai réalisé que j'allais écrire un livre sur les rivières. Bon alors, je ne m'en rends pas compte.

  • Speaker #0

    Mais si, tu as dit au fil de l'eau et bateau.

  • Speaker #1

    Ça, c'est des expressions toutes faites. C'est justement ce qu'on essaye de ne pas faire quand on écrit. C'est se battre un peu contre ces clichés, toutes ces expressions qu'on dit à l'oral et qu'on n'entend plus tellement on les a utilisées.

  • Speaker #0

    Cet épisode est sponsorisé par le C3D. Il est écrit sur le site internet du C3D. Ici, plus de 400 directeurs développement durable pensent et créent l'entreprise de demain. Alors qu'on sait tous qu'ici, c'est l'académie du climat. Le C3D ou Collège des directeurs du développement durable, c'est une grande association de 400 responsables RSE engagés dans la transition écologique de leur entreprise. Et ce n'est pas une sinecure, nous écrit Fabrice Bonifet par mail pour préparer cet épisode. Outre la conformité à la régulation, l'enjeu c'est la transformation des modèles d'affaires pour rompre avec l'approche linéaire qui est écocide et génératrice de déchets pour aller vers des modèles permacirculaires à visée régénérative. Autrement dit, vers une économie de la fonctionnalité et de la coopération, dans le but de maintenir la viabilité économique tout en restaurant les conditions d'habitabilité de la planète. On fabrique moins mais mieux et on loue des produits pour intensifier leurs usages. Le C3D. aident ses membres à passer de l'un vers l'autre, et c'est un changement colossal, car il faut tout changer. La gouvernance, le système de rémunération, la conception, le marketing, le modèle économique, etc. Toi, Luce, tu as écrit un livre que j'avais beaucoup aimé à l'époque, qui s'appelle Permaculture au quotidien, et page 14, tu écris que la permaculture permet de penser des projets qui sont, j'arrive souvent mal à enchaîner les trois comme ça mais qui sont économiquement viables, environnementalement soutenables et socialement justes. Donc c'est trois axes qu'on n'a pas forcément en entreprise, qu'on n'a pas forcément au même niveau surtout. Est-ce que pour toi, ça nous aide à revoir la gouvernance ?

  • Speaker #1

    Ça me dit surtout que j'utilisais trop d'adverbes à l'époque. Et c'est une sorte de résumé de ce que tu viens de dire, de l'intention finalement du C3D. Et ça parle aussi des intentions de ces entreprises qui essayent de faire différemment, c'est-à-dire qu'elles n'ont pas simplement le... tableau de bord financier, mais elle travaille sur, t'as parlé de robustesse, on en reparlera peut-être aussi, mais elle travaille sur le volet évidemment social, le volet environnemental, tous les liens qui se tissent et voilà, elles ne sont pas dans la performance financière, mais dans cette robustesse que je vois comme un mille pattes quoi, et qu'elles tissent des liens à plein d'endroits différents, mais c'est pas facile, surtout dans un monde où c'est pas encore très favorisé par la réglementation. Tous ces appels. Appellent ça très fort. C'est-à-dire un État ou des pouvoirs publics qui légifèrent à plein d'endroits pour inciter à aller beaucoup plus dans cette direction.

  • Speaker #0

    Est-ce qu'il ne faudrait pas une sorte de trois personnes à la tête d'une entreprise, un qui gère chacun des axes et ils sont tous obligés de se mettre d'accord tous les trois ?

  • Speaker #1

    L'idée, c'est même d'être dans quelque chose d'encore plus horizontal et que le pouvoir et les responsabilités soient encore plus réparties que trois personnes, une ou même trois. Et même qu'on puisse plus mélanger ces pôles, que ce ne soit même pas forcément séparé. C'est d'ailleurs la beauté de la permaculture par rapport à ce que tu as appelé développement durable, RSE, où on a trois cercles, économie, social, environnement, qui sont séparés et qui vont se... Se retrouver par miracle, il y a un petit point où finalement les trois se rejoignent. La permaculture, elle inclut les cercles les uns dans les autres. C'est-à-dire que si on n'a pas de planète, on n'a probablement pas de sphère sociale. On n'a pas d'hommes et de femmes sur Terre. Et si on n'a pas cette sphère sociale, on n'a pas la sphère économique. Donc la sphère économique, elle est bien incluse dans la sphère sociale qui est incluse dans la sphère environnementale. Donc ça change un peu la façon de voir.

  • Speaker #0

    Nous passons maintenant aux figues ou citrons, qui est une sorte de pied de nez. Parce que, quand on fait le kéfir, un des meilleurs environnements pour le kéfir, il s'avère que c'est mettre des figues et du citron. Et là, on est des malheureusement pauvres humains, il faut choisir, et donc je te fais jouer à une sorte de tu préfères. Toi qui t'y connais en RSE ou en entreprise, tu préfères être nostalgique de la méthode agile, ou confondre les acronymes CQFD et CSR... CSR... CRSD... SRD, merde, attends, c'est lequel ? CSRD ! Jean-Michel mis en abîme

  • Speaker #1

    CSRD ce qui est sûr c'est que je suis pas nostalgique des acronymes est-ce que t'es nostalgique de la méthode agile ? non je voulais te lancer un peu sur un mauvalise d'accord non pas du tout nostalgique en fait tout ce qui concerne le monde de l'entreprise j'ai aucune nostalgie je suis contente de plus y être t'es pas nostalgique ?

  • Speaker #0

    tu préfères danser sur du Jean-Jacques Goldman ou rester ? immobile sur du Britney Spears ?

  • Speaker #1

    Danser sur Jean-Jacques Goldman. Je suis TDAH, moi.

  • Speaker #0

    Tu préfères jardiner sans jardin ou entreprendre sans entreprise ?

  • Speaker #1

    Lire sans lire. Sortir du cadre.

  • Speaker #0

    Tu préfères faire une bonne réponse sur une mauvaise question ou échouer au questionnaire de Proust ?

  • Speaker #1

    Je ne sais pas si ça veut dire échouer au questionnaire de Proust.

  • Speaker #0

    Dans ma tête, c'est un peu une blague parce que j'ai appris un truc pour préparer cet épisode. Tu sais ce que c'est le questionnaire de Proust ? C'est quoi ?

  • Speaker #1

    C'est un questionnaire d'une vingtaine de questions qui est très connu et qu'on pose comme ça des personnalités pour en savoir plus sur eux.

  • Speaker #0

    Pourquoi on dit que c'est le questionnaire de Proust ?

  • Speaker #1

    Je crois que c'est Proust qui l'a inventé.

  • Speaker #0

    En fait, je ne crois pas. C'est qu'à la base, c'est un questionnaire un peu connu et un jour, on a retrouvé les réponses de Proust. Et moi, je trouve ça hyper intéressant parce qu'on a déjà eu ces débats sur les questions et les réponses. Mais le fait que... C'est un truc connu, en fait, c'est ces réponses, les réponses de Marcel Proust, qui ont donné le nom quand même au questionnaire de Proust. C'est pas un truc de...

  • Speaker #1

    Je préfère les questions que les réponses. Mais je sais pas si c'était ça la question à la base. Et moi-même, dans mon livre Rivière qui sortira en janvier, j'essaye de réfléchir à une liste de questions.

  • Speaker #0

    Ah ouais, t'as un livre qui sort en janvier ?

  • Speaker #1

    Voilà, si j'étais en face de quelqu'un que je connais ou que je connais pas, d'ailleurs, quelles seraient les 30 questions que j'aurais envie de lui poser ?

  • Speaker #0

    Ça commencerait par laquelle, Talra ? Une question parmi 30.

  • Speaker #1

    C'est pas fini, c'est en train d'être écrit, donc je retravaille, je retravaille.

  • Speaker #0

    T'as une question qui bouge jamais ou pas ?

  • Speaker #1

    Il y a deux, trois questions qui n'ont pas bougé. As-tu déjà rencontré un fantôme ? Est-ce que tu préfères manger des fruits ou des légumes ? Est-ce que tu préfères les questions ou les réponses ?

  • Speaker #0

    Toi qui t'y connais en nutrition, tu préfères t'appeler Madeleine et avoir jamais lu Proust, ou t'appeler Marcel et ne pouvoir lire aucun autre livre que La Recherche du Temps Perdu ?

  • Speaker #1

    Je préfère m'appeler Marcel que Madeleine, de toute façon, comme mon arrière-grand-père.

  • Speaker #0

    Marcel Hamet qui a créé En avant Guingamp je trouve qu'on ne parlait pas assez de foot dans cette émission je t'avais un peu lancé tout à l'heure quand je t'ai dit ici c'est ça commence comme ça ? ici c'est Guingamp ? ici c'est Paris c'est pour ça que j'ai dit ici c'est l'académie du climat t'as retrouvé pour les entreprises ou pas ? non,

  • Speaker #1

    je n'arrive pas à faire deux choses en même temps je suis concentrée sur tes questions il n'y a pas un végétal qui s'appelle Hélicryse ? Si, et l'icrise c'est une plante qui est bonne pour la peau, qui a des vertus cicatrisantes.

  • Speaker #0

    C'est bon alors du coup c'est ça ?

  • Speaker #1

    Si tu veux.

  • Speaker #0

    D'accord, si je t'en trouve une autre tu me fais un signe ? Ça ressemblera à quoi ?

  • Speaker #1

    Je lève la main.

  • Speaker #0

    Très bien. On passe maintenant à la symbiose, puisque nos micro-organismes, nos grains de kéfir, quand ils sont justement dans le bon environnement figue-citron, ce sont des micro-organismes qui sont en symbiose, donc déjà un avec tout ce que toi t'as perçu de l'entreprise, de ce que tu connais de l'entreprise. et de ce que tu vis toi-même par ailleurs dans l'écologie et la littérature, à ton avis, comment on pourrait favoriser la symbiose en entreprise ?

  • Speaker #1

    Il faudrait la favoriser partout, la symbiose. On crève de ne pas l'avoir. On en manque beaucoup en littérature, on en manque beaucoup dans les entreprises.

  • Speaker #0

    Tu dis il en faut partout, mais du coup, à ton avis, qu'est-ce qu'il faudrait faire pour qu'il y en ait plus partout ?

  • Speaker #1

    Ben, s'écouter. CQFD.

  • Speaker #0

    CQFD ? C'est SRD ? Et est-ce que toi, tu as déjà été en symbiose ? Est-ce que tu t'es déjà sentie en symbiose ?

  • Speaker #1

    Oui, ça m'arrive souvent. Je me sens tous les jours à un moment en symbiose, une sorte de sentiment un peu spinoziste avec le monde. Avec une personne, oui, je suis très liée à Julia Cardinon. C'est à la fois une amie et quelqu'un qui partage énormément des problématiques liées à nos métiers de romancière, et aussi très féministe. C'est ce qui fait un cocktail, un kéfir vraiment réussi. et donc c'est vraiment une personne avec qui j'ai J'ai grande joie à échanger, partager, donner. On s'aide beaucoup. Je ne sais pas si je l'aide et je lui donne autant qu'elle me donne, mais je peux dire là qu'elle me donne beaucoup.

  • Speaker #0

    Peut-être que vous êtes en symbiose quand même, parce que vous ne vous donnez pas la même chose.

  • Speaker #1

    Non, on ne se donne pas la même chose.

  • Speaker #0

    C'est ça qui est beau de la symbiose. Chacun donne quelque chose de différent. Oui. Donc forcément, quand tu es en symbiose, tu ne dois peut-être pas avoir le sentiment de donner autant.

  • Speaker #1

    Il y a des gens à qui tu penses que tu donnes plus que tu ne reçois. et puis des gens qui t'as la sensation qui te donnent plus et Julia j'ai la sensation qu'elle me donne plus que ce que je suis capable de rendre tu parlais de cette optique de réciprocité qui m'a longtemps obsédée mais maintenant je me dis il faut accepter que tout n'est pas réciproque dans la vie c'est dur mais c'est comme ça à

  • Speaker #0

    la base vous êtes connue, quelqu'un a commencé par donner en gros parce qu'une symbiose c'est il y en a un qui commence par donner sans savoir et peut-être que c'est aussi ça en entreprise on a peur de donner

  • Speaker #1

    De toute façon, globalement, on a peur de donner. Je pense qu'il y a des gens qui sont beaucoup plus à l'aise, qui sont beaucoup plus dans le don.

  • Speaker #0

    Peut-être que le problème, c'est qu'on n'arrive pas à favoriser ceux qui donnent suffisamment.

  • Speaker #1

    C'est-à-dire que ceux qui donnent beaucoup, ils s'épuisent, surtout en entreprise, j'imagine. C'est le fameux effondrement qu'on peut connaître à certains moments, quand on donne, on donne et qu'on n'a plus de force au bon moment, parce qu'on n'a pas assez reçu.

  • Speaker #0

    on passe maintenant à la production puisque comme tu le sais en permaculture tu le dis mieux que moi, c'est un peu toi qui m'as inspiré cette rubrique et donc quelle production au sens de la permaculture toi tu offres au monde ?

  • Speaker #1

    des romans là tu veux que j'offre quelque chose ? ce que je peux offrir c'est des consignes d'écriture une sorte d'inspiration pour que si certains qui écoutent cet épisode ont envie d'écrire et puissent le faire, que ce soit en entreprise ou ailleurs sur le vivant justement il y a plusieurs consignes que j'aime bien donner écrire un texte alors ça peut être 10 lignes ou 10 pages selon votre inspiration Tu en as parlé très rapidement en intro, les grands règnes du vivant sont présents. Souvent dans les textes, dans ce qu'on lit, il y a beaucoup les humains, la bite, mon couteau, et il y a assez peu les autres grands règnes du vivant. Moi je suis un peu en radar quand je lis à voir s'il y a en particulier les règnes végétales, les règnes animales, éventuellement les champignons, soyons fous. Donc écrire un texte où il y a tous ces règnes-là qui se rejoignent. Même qu'il y ait les points de vue de ces différents règnes-là, c'est encore plus difficile.

  • Speaker #0

    C'est quoi les cinq grands règnes ?

  • Speaker #1

    Il y a le règne animal, le règne végétal, les champignons, les bactéries et les prostites. Je ne me lancerai pas dans une explication sur ce que c'est les prostites.

  • Speaker #0

    C'est quoi les prostites ?

  • Speaker #1

    Deuxième consigne possible, c'est prendre un être vivant, ça peut être aussi un animal végétal, un humain, et le décrire non pas par ses aspects physiques ou psychologiques, mais le décrire justement par les liens qu'il tisse. Les liens qu'il tisse avec les autres, avec lui-même, avec son passé, avec son avenir, avec ses enfants, ou les liens qu'il ne tisse pas d'ailleurs, mais voilà, se centrer sur cet aspect-là. Il y a une consigne que je donne aussi parfois, qui est à partir d'un texte, qui est la quatrième de couverture du livre qui s'appelle « Une année à la campagne » de Chou Hubel, je ne sais pas comment on le dit. C'est Le Clésio qui l'a écrit, et à partir de ce texte-là que je vais vous lire, qui est très court, je propose d'écrire un autre texte. Donc j'ai souvent rêvé d'un livre complet où il y aurait les oiseaux, les insectes volant dans la lumière du matin, les gouttes accrochées dans les toiles des araignées, le ciel changeant selon les saisons, l'odeur de la pluie, le bruit du vent, les cris des animaux. Un livre où on sentirait la chaleur du soleil, le toucher léger des plantes. Un livre où il y aurait les secrets invisibles et invisibles du monde et même des choses extraordinaires et rassurantes comme la recette de la tarte au kaki. Un livre qui me donnerait le même bonheur que lorsque je lisais autrefois Virgile assis près de la mer à l'ombre des oliviers. Un livre où la poésie serait comme une respiration, où le langage ferait sa musique familière. Je propose de reprendre le début, j'ai souvent rêvé d'un livre complet ou trois petits points. Et à vous de continuer.

  • Speaker #0

    Donc ça c'est une consigne qu'ils peuvent faire dans un document d'entreprise ?

  • Speaker #1

    Oui, où vous voulez.

  • Speaker #0

    Dans le livre, je parle beaucoup de ton pessimisme, mais en quoi rencontrer les six poissons pilotes t'a transformé toi ?

  • Speaker #1

    De toute façon, toute rencontre est transformation. Et eux-mêmes ne cessent de se transformer, c'est ça qui est beau, la curiosité, l'ouverture. Et ça m'a transformée forcément parce que chaque livre que j'écris me transforme. Et de les écouter, d'écouter d'autres vies que la mienne. J'ai beaucoup parlé de mon père aussi dans le texte, donc ça m'a aussi aidée à mieux comprendre mon père qui avait une entreprise qui était pépiniériste. J'ai pu tisser des liens, c'est pour ça que ça m'a aussi beaucoup émue à certains moments, entre ce que eux vivaient et ce que mon père a vécu. Et mon père, le lisant, a été aussi très ému par cette parole-là. Il m'a dit « j'aimerais trop partir en week-end avec eux et discuter, échanger » . Donc ça m'a touchée. Et ça m'a peut-être précisé aussi un peu les idées sur... Enfin, c'est une question qui revient souvent, mais qu'est-ce que... Mon éditeur m'a un peu poussée à aller dans cette direction, dans la conclusion, mais qu'est-ce qu'ils ont en commun, ces gens ? qui y croient encore, qui agissent. On est quand même assaillis d'assez mauvaises nouvelles. Là, j'ai été face à des personnes quand même très ancrées, très alignées. Ça fait du bien, même si chacun a ses travers, même si évidemment j'étais plus touchée par certains que par d'autres. Et je me suis demandé d'où ça venait, ça. Tous y sont très authentiques, ça c'est sûr. Et d'ailleurs, c'est un des ingrédients pour faire un bon livre, donc c'était une bonne nouvelle. Je me souviens d'une éditrice il y a 10-15 ans qui m'avait dit pour faire un bon livre, il faut de l'authenticité et de l'intensité. Et donc ça c'est sûr qu'ils sont authentiques, qu'ils sont intenses. Il y a cette histoire de robustesse, ça m'a beaucoup fait réfléchir là-dessus. C'est-à-dire quand on dit être plutôt riche de ses liens que de ses biens. La robustesse c'est ce que je disais tout à l'heure, l'inverse de la performance économique, c'est être pas très très bon à un endroit mais bon partout. C'est maintenir un système stable. malgré les fluctuations et en pénurie de ressources. Donc c'est quand même intéressant. Et tous, ils sont un peu dans cette direction-là. Au lieu d'avoir un fournisseur, en avoir cinq, au cas où, enfin, multiplier les liens comme ça. Ils sont lucides aussi, je trouve, grâce à la clac qu'ils ont pris. Donc c'est assez intéressant de discuter avec des gens qui sont lucides, qui ont compris les neuf limites planétaires. Et alors après, savoir comment ils y croient, ils continuent à y croire, c'est un mystère. Comment ils peuvent être dans cette action ? Moi, j'aime bien cette phrase de Fernando Pessoa qui dit « Agir, c'est connaître le repos. » Ils sont vraiment dans l'action et dans une forme de repos. Ils agissent, ils font ce qu'ils peuvent.

  • Speaker #0

    Ils doivent être dans un grand écart un peu permanent entre justement ce qu'ils ont reçu de la CEC et le cap qu'ils aimeraient peut-être emmener et des trucs très terre-à-terre. Oui,

  • Speaker #1

    mais ils y arrivent. Ce n'est pas facile, mais ils y arrivent. Ils arrivent à emmener, à inspirer. Pas toujours et pas de la même façon, mais ils y arrivent. En fait, ils ont la sensation... que leur action compte dans la toile du vivant. Et ça, c'est vraiment incroyable. Et ça m'a rappelé toute proportion gardée. J'avais entendu, il y a très longtemps, des témoignages pendant la Seconde Guerre mondiale qui disaient ce qu'on se demande tous pendant la guerre, est-ce que je serai un collabo ou un résistant ? Et ils disaient, finalement, les gens qui étaient dans la résistance ou qui ont aidé à cacher des Juifs ou des personnes en difficulté, ce n'est pas forcément des gens qui sont meilleurs que les autres. Ils avaient la sensation que leur action comptait. Mais comment on a ça ? Comment on touche ça ? C'est vraiment une grande question. Et après, il y a quand même toute la partie collectif. Ce livre, il ouvre aussi cette question-là. Ce n'est pas seulement des gens pris individuellement, c'est évidemment ce collectif de la CEC. Et pour qu'on se transforme, il faut agir à toutes les échelles. Ça ne sert à rien de parler que de l'échelle individuelle. Il faut parler des échelles collectives. L'entreprise, ce n'est pas le sujet le plus sexy, mais c'est un des endroits où... Le collectif se joue, se tisse. Et puis évidemment, les pouvoirs publics, le politique, on en a parlé tout à l'heure. Il faut à la fois des anticipations des pouvoirs publics, il faut des clients convaincus, il faut un actionnariat aligné. Ça, je n'en ai pas reparlé, mais j'ai essayé de parler aux actionnaires et personne ne m'a répondu. On a parfois, pour certaines entreprises qui ont un actionnariat familial, c'est plus facile de détourner le banc de poisson. Mais quand on est Renault Trucks et que c'est Volvo l'actionnaire et que moi, je n'ai même pas pu lui parler, c'est compliqué de se dire à long terme comment on fait. Il commence à parler un peu de décroissance, mais comment on avance dans cette direction-là ? Comment on aligne les actionnaires ? Et puis, comme tu disais, c'est aussi beaucoup comment on redonne du sens. Je n'aime pas trop cette expression, mais on est des machines à fabriquer et à chercher du sens, comme dit Nancy Houston. mais c'est comment on redonne du sens en interne avec les équipes, on redistribue le pouvoir. Et ça, c'est vraiment peut-être l'endroit le plus difficile, délicat pour eux. C'est-à-dire, ils reviennent, comme tu dis, conscients des crises qu'on a déjà commencé à traverser, et comment on réinsuffle ça en interne, comment chacun se saisit de ses sujets. Et ça, c'est vraiment le gros du sujet. Et il y a autre chose aussi que j'ai sentie chez eux, peut-être... encore plus chez certaines, qui est connaître ses propres limites. Et vraiment se dire, je ne suis pas le chef des pirates sur le bateau, mais ça continue à tourner sans moi, toute cette histoire de la subsidiarité. Donc ils m'ont beaucoup fait réfléchir à tous ces sujets-là, en fait. Et redonner espoir d'une certaine façon, aussi.

  • Speaker #0

    Est-ce que ça t'a donné envie de retourner en entreprise ?

  • Speaker #1

    Non. Enfin, ça dépend laquelle.

  • Speaker #0

    Pourquoi pas. Il y a d'abord un non, quand même. Est-ce que ça t'a donné envie de créer une entreprise ? Non.

  • Speaker #1

    Je suis déjà présidente de Louise Browais et associée.

  • Speaker #0

    C'est compliqué. On est combien dans la... Je me stime un petit peu dedans quand même. Je suis un peu dans l'entreprise, moi, quand même. On a vu juste avant que c'est aussi des moments où c'est parce que t'es en symbiose qu'on est capable d'avoir de l'audace. Quand est-ce que toi, t'as pas manqué d'air récemment ?

  • Speaker #1

    J'ai pas manqué d'air quand j'étais en Bretagne et que je me baignais dans la mer. Claire était pas polluée, c'était agréable. Parce que l'air qu'on respire, c'est quelque chose.

  • Speaker #0

    À la quête des mille climats, on respire hyper bien, mais c'est vrai que dans le reste de Paris, c'est pas beaucoup. En février dernier, tu avais un projet de roman ? Alors,

  • Speaker #1

    moi, dans ma vie, les choses importantes se passent en février, c'est le printemps astrologique. En janvier, j'étais encore en train de piétiner sur un roman que j'ai créé depuis un an et demi, qui était un peu une bouse, ou pour paraphraser Julia Carninon, c'était comme un cheval au galop dans une impasse. J'adore cette expression. Donc ça a été vraiment très dur, parce que j'ai galéré pendant un an et demi. Je pense que moi-même, j'allais pas bien. mais comment aller bien dans ce monde Ça parlait de cet état pas génial, un peu immobile. Ce texte que je n'arrivais pas à continuer, à avancer, c'est comme une maillot qui ne prend pas. C'était une fiction. Et en février, j'ai repris, j'ai recommencé complètement. J'ai commencé une nouvelle fermentation. Un nouveau texte qui est, j'appelle la suite de la reverdie, mais c'est-à-dire qui est dans une veine plus récit autobiographique. Mais tout ça fait partie, j'espère, de la grande maison de la littérature, le grand hôtel de la littérature. Où il y a de la place pour tout le monde, je ne sais pas. Et je pensais au Grand Budapest Hotel de Wes Anderson, mais ça n'a aucun rapport. Et donc j'ai commencé à écrire quelque chose de nouveau. Et c'est vrai que c'est venu très comme ça. Comme si avoir échoué pendant un an et demi faisait qu'un endroit. On ouvre une autre vanne, une autre digue. Et les choses se sont mises en place, comme un jardin. Comme si ça avait fermenté dans un coin de mon inconscient pendant un an et demi. Et pendant que je m'escrimais avancer ce texte qui n'est pas réussi du tout. Et je m'étais dit, je n'aurais pas la force de recommencer une troisième fois, parce que je venais de regarder un film, en plus, qui s'appelle Vingt Dieux, où ils essayent trois fois de faire un comté, et je m'étais vraiment dit, j'avais l'image vraiment de me dire, mais moi, si je dois recommencer une troisième fois, me mettre devant le cuve en cuivre, et de voir, je ne vais pas y arriver, en fait. Je ne sais plus où je dois aller chercher ces ressources et ces capacités. Et je me dis, malheureusement, on en passe par là. C'est très, très dur. Il y a un texte très beau, d'ailleurs, de Christiane Saint-Gé. Ça commence par j'ai gagné la certitude que les catastrophes sont là pour nous éviter le pire. Le pire c'est bel et bien d'avoir traversé la vie sans naufrage, d'être resté à la surface des choses, d'avoir dansé au bas des ombres, d'avoir pataugé dans ce marécage des on-dit, des apparences, de n'avoir jamais été précipité dans une autre dimension. Les crises dans la société où nous vivons, elles sont vraiment ce qu'on a encore trouvé de mieux, à défaut de mettre, quand on n'en a pas à portée de main, pour entrer dans l'autre dimension. Dans notre société, toute l'ambition, toute la concentration est de nous détourner. de détourner notre ascension de tout ce qui est important. Un système de fil barbelé, d'interdit pour ne pas avoir accès à notre profondeur. C'est une immense conspiration, la plus gigantesque conspiration d'une civilisation contre l'âme et contre l'esprit. Dans une société où tout est barré, où les chemins ne sont pas indiqués pour entrer dans la profondeur, il n'y a que la crise pour pouvoir briser ces murs autour de nous.

  • Speaker #0

    On dirait du Jean-Jacques Goldman un peu, briser des murs.

  • Speaker #1

    Je pensais que t'allais danser.

  • Speaker #0

    Justement c'est Julia qui t'a donné ce meilleur feedback, comme on dit en entreprise. T'as réussi à faire, là où on dit parfois pour les startups, qu'ils arrivent à pivoter. C'est complètement ce que t'as fait en février. T'avais une certaine objective sur le roman.

  • Speaker #1

    C'est parce que j'ai confiance en Julia. Donc je suis capable d'entendre vraiment quelque chose de finalement assez dur. T'as écrit une bouse et il va falloir arrêter. Il va falloir recommencer à zéro. Il y a un moment où on comprend qu'il faut recommencer autrement.

  • Speaker #0

    Bravo de ne pas avoir manqué d'air.

  • Speaker #1

    C'est le printemps aussi.

  • Speaker #0

    Et tu as une passion dans la vie ?

  • Speaker #1

    J'ai une passion pour la littérature, évidemment. Mais ça, je pense que ça se sent. C'est une passion dévorante pour l'écriture et la littérature, qui me rend presque autiste. C'est-à-dire que les choses qui n'est pas ça m'intéressent de moins en moins. J'ai une passion pour ce que tu disais sur l'entreprise à un moment où toute cette logorée, ces agronymes, ces agronymes sont assez horribles, me font mal à l'oreille. Et donc effectivement, j'avais l'idée jadis de faire un hôpital pour les mots malades. tous ces mots trop utilisés, bienveillance, sens, agilité, que sais-je, et dont les gens sont écoeurés aussi en entreprise. Il y a cette histoire de quels mots on utilise, quels langages. Donc c'est peut-être comme ça que la littérature peut apporter quelque chose à l'entreprise. Et l'entreprise, la littérature, dans ces entreprises, en tout cas celles que j'ai rencontrées là, il y a quand même une forme d'entraide qui est très belle, un esprit d'équipe. Et ça, ça manque beaucoup en littérature. C'est-à-dire qu'en littérature, c'est quand même chacun sa gueule. Chacun sa première de couverture, il y a très peu d'entraide. Tout le monde tire la quatrième de couverture à lui. C'est souvent une souffrance.

  • Speaker #0

    Moi j'avais entendu un jour qu'on faisait pas de bons romans avec des bons sentiments, mais les nouveaux récits voudraient un peu ça, non ?

  • Speaker #1

    Les nouveaux récits, c'est l'idée de transformer les imaginaires pour que ça retransforme nos vies en retour. Pour moi, la littérature et la vie sont très imbriquées, elles se répondent beaucoup. Est-ce qu'il faut changer la vie pour changer la littérature, ou changer la littérature pour changer la vie ? En tout cas, dans cette histoire de nouveau récit, il y a l'idée de se dire, dans la majorité des textes qu'on lit, des films qu'on voit, des séries, de tout l'imaginaire qui nous abreuve au quotidien dans la société, on est dans un imaginaire où les idées de domination sont assez présentes. de hiérarchie, d'emprise. Je parlais récemment avec une amie de Belle du Seigneur, il y a Solal parcourt le monde pendant qu'Ariane l'attend dans sa baignoire. Moi, je n'ai plus trop envie de lire des textes comme ça. Ou justement, des textes où il n'y a que le règne humain et où on ne sait rien du grand vivant qui nous entoure. Pour moi, les nouveaux récits, je pense que chacun peut avoir sa définition, mais c'est des endroits où on va raconter, on va inventer peut-être des nouvelles formes aussi. C'est intéressant quelle forme on donne à nos livres. On sait quelles plantes, attirent les papillons, mais on ne sait pas quels livres attirent les papillons. Donc quelle forme on doit donner à nos livres pour qu'ils attirent les papillons ? Et être dans un imaginaire plus ouvert, moins hiérarchisé, et dans une ouverture par rapport à tous les règnes du vivant, puisqu'on a quand même énormément perdu ce lien. C'est un endroit où on peut retrouver ça. Alors récemment, j'ai lu deux textes de Becky Chambers, je ne sais pas si je le dis bien, un psaume pour les recyclés sauvages, et après une prière pour les cimtimides, c'est deux tomes de la même histoire. Et il y a quelqu'un sur la quatrième qui, parlant du livre, dit ceci. « La vision optimiste d'un monde fertile et beau qui s'est reconstruit après avoir frôlé la catastrophe, l'explorer aux côtés de deux personnages principaux est une expérience fascinante et délicieuse. » Donc là, on est vraiment dans cette idée de sorte de SF positive, en fait. Ça, je trouve ça vraiment intéressant. Alors, ce n'est pas que du tout des bons sentiments, on est vraiment dans la nuance, mais on n'est pas dans un imaginaire aussi écologique de... catastrophe de fin du monde, d'apocalypse, on est plutôt dans qu'est-ce qui pourrait se passer aussi de positif, de beau, de simple et sincère. Si on lit beaucoup de récits qui nous parlent de cet avenir ou même de ce présent de cette façon-là, peut-être que la vie va finir par ressembler à ça.

  • Speaker #0

    On n'a pas encore dit que l'écologie c'est la science des liens, on l'a un peu esquissé mais pas vraiment dit.

  • Speaker #1

    Oui.

  • Speaker #0

    Ça c'est une phrase de qui déjà ?

  • Speaker #1

    C'est pas une phrase, c'est vraiment la définition de l'écologie scientifique telle qu'on la conçoit. Lien des êtres vivants à leur écosystème, lien des vivants entre eux. Et la littérature, pour moi, c'est proche de ça aussi, c'est l'art des liens, c'est-à-dire on peut faire un livre où on parle de choses apparemment très éloignées et réussir à les relier entre elles. Pour moi, ça, c'est tout l'art d'un texte qui se lise après aussi facilement qu'un roman et offrir des points de vue divers, variés, qu'on n'a pas du tout l'habitude. De voir, d'entendre, donner la voix à ce qu'on n'entend pas.

  • Speaker #0

    Donc peut-être que ce qui manque à l'entreprise, c'est peut-être plus de poésie ?

  • Speaker #1

    Ça c'est le monde globalement qui manque de poésie. Tout à l'heure, je ne sais plus dans quel texte, c'était Leclesio qui disait « la poésie est une respiration » . La poésie pas dans le sens d'avoir un pléiade de Rimbaud chez soi, c'est la poésie dans le sens, petite poésie concrète de toutes ces choses quotidiennes. C'est attention peut-être, attention à tout ça. Et d'ailleurs, dans le livre que je lis, il y a un robot qui vient en disant « De quoi avez-vous besoin ? » C'est une question qui est très belle. « De quoi avez-vous besoin pour vivre, pour vivre décemment ? » Il n'y a pas la réponse à la question, parce qu'à la littérature, elle s'en fout un peu des réponses. Mais les deux tomes du livre sont traversés par cette question-là. « De quoi avez-vous besoin ? » De quoi on a besoin ici, maintenant, en entreprise, demain ?

  • Speaker #0

    Quand on parle des besoins, on parle souvent des émotions derrière. C'est un endroit où l'entreprise, qui a longtemps été sans émotions, Toi, qui as fait des ateliers en entreprise, ça faisait partie aussi des ateliers de reparler de ses émotions. Peut-être qu'il faut aussi que les gens travaillent sur leurs émotions beaucoup plus et les fassent rentrer en entreprise.

  • Speaker #1

    Oui, alors là, encore une fois, ce n'est pas qu'un problème en entreprise. Et puis parfois, c'est justement la mascarade. On fait un petit atelier où on parle de nos émotions, puis après, on n'en parle pas pendant trois mois. Moi, c'était vraiment ce qui était invivable pour moi en entreprise. C'était de ne pas pouvoir être moi avec toutes mes facettes, de devoir vraiment couper, de dire qu'il n'y a que cette partie-là de moi qui va... être autorisé à être là et à travailler en entreprise et effectivement, aucune place pour les émotions, mais ça c'est valable globalement. Alors que si on se dit, il y a un sas pour parler de comment on va, les émotions, ça aide, parce qu'après on comprend aussi pourquoi un tel va pas bien en ce moment, c'est aidant.

  • Speaker #0

    Merci Louise, c'est bientôt la fin de l'épisode. Est-ce qu'on a tout dit ?

  • Speaker #1

    Je sais pas.

  • Speaker #0

    D'accord. Est-ce que j'ai posé suffisamment de questions ?

  • Speaker #1

    J'ai l'impression.

  • Speaker #0

    C'est quoi donc les actualités à la CE ? Donc il y a eu le banc de poissons qui est sorti là. En septembre.

  • Speaker #1

    En septembre, on sort un livre poético-pratique chez Tana Éditions, qui s'appelle Jardiner sans jardin, avec les dessins de Victoria Dorsch. Et mes photos, d'ailleurs, j'ai une trentaine de photos. C'est comment survivre en ville quand on n'a pas de jardin et jardiner un peu nos imaginaires. Et en janvier ou février, il sort chez Phoebus, mon quatrième roman, qui est une forme de suite de La Reuverdie. Aujourd'hui, je l'appelle le livre Rivière, parce que le titre est...

  • Speaker #0

    Pas encore définitif.

  • Speaker #1

    Voilà.

  • Speaker #0

    Merci Louise. Et merci à vous d'avoir écouté cet épisode. Merci à l'Académie du Climat de nous héberger. Merci au C3D d'avoir sponsorisé cet épisode et de nous avoir permis de faire cette carte blanche. Si vous voulez soutenir ce podcast pour me permettre de faire plus d'épisodes, de laisse-moi kéfir la vibe. avec pas forcément sponsoriser et peut-être organiser des soirées comédie club. Rendez-vous sur la page Tipeee. Mettez des étoiles autant que vous pouvez sur les épisodes et dans votre vie pour vous mettre en symbiose. A très bientôt.

  • Speaker #1

    Et des poignettes.

Share

Embed

You may also like