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Les Agents, dystopie de Grégoire Courtois cover
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LECTURES NON CLASSÉES

Les Agents, dystopie de Grégoire Courtois

Les Agents, dystopie de Grégoire Courtois

10min |18/11/2024|

12

Play
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Les Agents, dystopie de Grégoire Courtois

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10min |18/11/2024|

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Description

L'histoire se déroule dans des bâtiments identiques de 300 étages disposés sur une grille sans fin. Les agents titulaires qui habitent les tours ne quittent jamais leur box, ils y vivent et y meurent. Le travail est la seule foi ici, la raison d'être et les Agents sont prêts à la violence pour défendre leur territoire.


Et n'oubliez pas, la littérature SF... c'est un piège !


Hébergé par Ausha. Visitez ausha.co/politique-de-confidentialite pour plus d'informations.

Transcription

  • Speaker #0

    Bonjour à tous, bienvenue sur Lecture non classée. Aujourd'hui, c'est Les Agents de Grégoire Courtois. Générique. Grégoire Courtois est né le 20 janvier 78 à Auxerre. C'est un libraire, écrivain, traducteur. et homme de théâtre français. Il écrit également sous le pseudonyme de Tristan Saul. Il est l'auteur de quatre romans, tous parus au Quartanier, éditeur québécois, Les Agents, Révolution, Sûréquipé et Les Lois du ciel. Les Lois du ciel a été publié en anglais chez Coach House Books sous le titre The Laws of the Skies, sélectionné par le New York Times parmi les romans d'horreur de 2019. et que l'écrivain américain Bryan Evanson a inclus dans sa liste des dix romans les plus terrifiants qu'il ait lus. Grégoire Courtois a fondé en 2013 le festival international du livre Caractère à Auxerre, dont il est le responsable de la programmation. Il y travaille à Auxerre, où il tient la librairie indépendante Oblique.

  • Speaker #1

    Rétrospectivement, je me dis que si j'avais consacré ces dix années à faire le malin dans des salons parisiens, à fréquenter les bons cocktails, à me faire voir dans les bonnes soirées avant d'envoyer mon manuscrit par la poste, je ne saurais peut-être pas où je suis aujourd'hui, j'aurais peut-être été sur la photo des Inrocks qui présentent les primo-romanciers en septembre, j'aurais été en lice pour le prix du premier roman, j'aurais été lu vite fait par un critique de Télérama qui m'aurait qualifié de frais.

  • Speaker #0

    Il est un tantinet ironique, non ? This is amazing ! L'histoire se déroule dans des bâtiments identiques de 300 étages disposés sur une grille sans fin. Les agents titulaires qui habitent les tours ne quittent jamais leur box. Ils y vivent et y meurent. Le travail est la seule foi ici, la seule raison d'être. Le travail est notre dignité. C'est la preuve ultime que nous sommes humains. Les agents qui n'ont... aucune idée de ce pourquoi ils sont agents, surveillent des flux sans fin de données qu'ils définissent sur leurs écrans. Leurs revenus servent à stocker des armes pour les escarmouches territoriales. Ils sont organisés en guildes pour la défense de leur territoire ou l'attaque d'autres secteurs. Il n'existe qu'en mode survie, ne pas se faire licencier, sinon c'est la rue. Et la rue c'est… on ne sait pas. Les machines disent que c'est la fin de toute humanité, qu'on devient des chats. Les agents et leurs guildes ne peuvent organiser des attaques que pendant leur pause de 15 minutes et la nuit, lorsqu'ils exécutent des radias soigneusement planifiés. Les corps des victimes sont ensuite éliminés chimiquement par les machines. Malgré leur conviction qu'il n'y a jamais eu un temps où le travail n'était pas la seule raison d'être en vie, les membres d'une petite guilde au 122ème étage d'une tour font tout ce qu'ils peuvent pour remplir la vacuité de leurs existences navrantes. Solveig a arraché ses cheveux et tous les poils de son corps, y compris les cils. Théodore s'est tranché les orteils. Et Clara a mutilé son visage en faisant ainsi un vitrail de tissu cicatriciel. Laszlo semble écrire un livre sur la quête de la vérité et de la beauté. Ick, nouvel arrivant, original et plus âgé que la moyenne, cherche à rétablir un contact amical avec la petite Guilde. Ont-ils un destin ? Si oui, quel est-il ? Là encore, tout est dit par l'auteur lui-même et je lui laisse la parole.

  • Speaker #1

    On était en 2007. La France se passionnait pour une campagne présidentielle que je regardais avec effarement. Le concept de valeur travail était sur toutes les lèvres. Sarkozy débarquait en terrain conquis contre les tiraufflants, les profiteurs, les parasites. Un an plus tôt, devant l'Association des cadres supérieurs et dirigeants de France Télécom, Didier Lombard déclarait Je ferai les départs d'une façon… ou d'une autre, par la fenêtre ou par la porte. Suite à la privatisation de l'opérateur téléphonique en 2004 et sa nomination au poste de PDG en 2005, Lombard s'était donné pour mission de débarrasser l'entreprise de 22 000 postes sans avoir recours au licenciement. Il invente, à cette époque, une méthode managériale basée sur l'intimidation, la déstabilisation et la dévalorisation des salariés dont on souhaite le départ. Il appelle ça le plan Next. 4000 cadres sont formés pour mener à bien cette opération de dégraissage par le harcèlement. Le 2 juillet 2008, Jean-Michel Laurent, 53 ans, père de 3 enfants, employé à France Télécom, est au téléphone avec sa déléguée syndicale. Il lui dit Je te laisse, le train arrive Il se jette sur les rails. Un peu plus tôt, il avait envoyé une lettre dans laquelle il écrivait Voilà enfin la fin d'un long calvaire. J'en pouvais plus d'être dans cet enfer, à passer des heures devant un écran, comme un vrai panté mécanique devant l'acharnement de certains, à nous laisser crever comme des chiens. Cette bande de charognards m'a vraiment poussé à bout. Le 9 novembre 2008, Patrick Roland technicien d'intervention contractuelle pour France Télécom, à Péronne, dans la Somme, en arrêt de travail pour dépression depuis 4 mois, se pend à son domicile lors d'un repas de famille. En septembre 2009, Didier Lombard, patron de France Télécom, réagissant à la vague de suicides qui touche son entreprise, 23 morts en 18 mois, déclare à la presse qu'il faut mettre un point d'arrêt à cette mode du suicide. Mettre fin à ces jours n'est pas une mode. Ce n'est pas un caprice. C'est le seul moyen qu'ont trouvé des salariés pour quitter leur poste. Pour de nombreuses raisons, le chômage n'était pas une alternative. Dans ce contexte des années 2000, où les solutions sont évidentes et les problèmes sont méprisés, où les start-up fleurissent avec leur légion d'entrepreneurs aux dents blanches et aux chemises ouvertes, où les discours sur la valeur du travail sont martelés par les hommes politiques, de droite et de Beauce, par les centrales syndicales, où un sondage révèle que les Français ont plus peur de perdre leur emploi que d'être. atteint par le cancer, il ne subsiste qu'une évidence. Mieux vaut mourir que ne pas travailler. C'est précisément quand je me replonge dans Les Agents, plus de dix ans après son écriture, que se tient le procès France Télécom, de mai à juillet 2019. Le livre sort de presse fin novembre et quelques jours plus tard, trois dirigeants de la société, dont Didier Lombard, sont condamnés par la justice française. Ils écopent de prison ferme pour harcèlement moral institutionnel. Les agents vivent et meurent pour une seule chose, le travail. Souvent aussi, ils mettent fin à leurs jours par défenestration. Les images présentes dans le livre sont celles qui me hantent, aujourd'hui encore, des corps tombant du World Trade Center au martyr de France Télécom. En 2022, une pandémie plus tard, les grandes entreprises ont généralisé le télétravail. L'aliénation du salarié, cloîtré dans son bureau, vissé à son écran, a muté. Elle prend à présent d'autres formes. Elle se loge dans des dispositifs plus discrets. Elle tient tout entière dans un smartphone qui affiche les e-mails professionnels jusque dans l'intimité du foyer, dont les notifications martèlent d'âne des tâches à accomplir ou des informations à consulter. Est-ce que cela rend les agents moins pertinents ? Ce sera à vous de me le dire. Pour ma part, j'imagine le futur, les décennies à venir, l'obligation de rationalisation des coûts. Qu'est-ce qui sera le moins cher quand le prix de l'énergie aura explosé ? Des centaines d'appartements chauffés et refroidis individuellement, ou bien des lieux communs dont les usagers pourront partager les frais fixes, l'Open Space n'a pas dit son dernier mot.

  • Speaker #0

    Il n'a pas fait la peine de prison. Moi j'ai regardé sur Internet, il n'a pas fait. Ces gens-là, ils s'en sortent tout le temps.

  • Speaker #1

    Bertrand My Dear !

  • Speaker #0

    Vous ça va ? Évidemment. This is amazing ! Les dispositifs narratifs comprennent un point de vue pluriel à la première personne, entrecoupé d'échanges par tchat et des flux informatiques d'entreprise. Le style de Grégoire Courtois joue à sa manière du registre horrifique. Les descriptions cliniques des chirurgies de Clara sur elle-même et sur d'autres rivalisent avec tout ce qui se trouve dans le répertoire de David Cronenberg. Comme ce dernier, Courtois étudie le corps humain sous un aspect angoissant et monstrueux, les rapports de l'humain avec la technologie, la dégénérescence du corps social, sous un aspect réaliste et pessimiste. En janvier 2022, The Agents, traduit par Rhonda Mullins, est paru aux éditions Coach House Books et le 1er septembre 2022, Les Agents paraît en poche chez Folio SF, ce qui devait être une série de courts chapitres. écrit pour être dit sur scène il y a près de 15 ans, a finalement suivi une trajectoire inimaginable. En plus de rappeler Cronenberg, les agents nous renvoient à High Rise et Concrete Island, l'île de béton, de James Graham Ballard, Fight Club de Chuck Palahniuk, le drame de survie sud-coréen Squid Game et le film Brazil de Terry Gilliam. La fin du monde n'existe pas, écrit Courtois. Ou plutôt, c'est un concept qui représente différentes choses pour différentes personnes. Si nous entendons par fin du monde le crépuscule de l'homo sapiens, S'agit-il d'une perte plus grande que la décimation des forêts de mangroves ou la perte du bourdon à taches rousses ? Certains pourraient simplement appeler la fin du monde un nouveau départ. Au revoir, à bientôt, et n'oubliez pas, la littérature SF…

  • Speaker #2

    C'est un piège !

Chapters

  • Bonjour

    00:02

  • Générique

    00:07

  • L'auteur

    00:19

  • L'histoire

    01:51

  • Les thèmes

    03:50

  • Lady Prout Prout

    08:09

  • La structure

    08:23

  • Les références

    09:23

  • Au revoir

    10:09

  • Générique

    10:17

Description

L'histoire se déroule dans des bâtiments identiques de 300 étages disposés sur une grille sans fin. Les agents titulaires qui habitent les tours ne quittent jamais leur box, ils y vivent et y meurent. Le travail est la seule foi ici, la raison d'être et les Agents sont prêts à la violence pour défendre leur territoire.


Et n'oubliez pas, la littérature SF... c'est un piège !


Hébergé par Ausha. Visitez ausha.co/politique-de-confidentialite pour plus d'informations.

Transcription

  • Speaker #0

    Bonjour à tous, bienvenue sur Lecture non classée. Aujourd'hui, c'est Les Agents de Grégoire Courtois. Générique. Grégoire Courtois est né le 20 janvier 78 à Auxerre. C'est un libraire, écrivain, traducteur. et homme de théâtre français. Il écrit également sous le pseudonyme de Tristan Saul. Il est l'auteur de quatre romans, tous parus au Quartanier, éditeur québécois, Les Agents, Révolution, Sûréquipé et Les Lois du ciel. Les Lois du ciel a été publié en anglais chez Coach House Books sous le titre The Laws of the Skies, sélectionné par le New York Times parmi les romans d'horreur de 2019. et que l'écrivain américain Bryan Evanson a inclus dans sa liste des dix romans les plus terrifiants qu'il ait lus. Grégoire Courtois a fondé en 2013 le festival international du livre Caractère à Auxerre, dont il est le responsable de la programmation. Il y travaille à Auxerre, où il tient la librairie indépendante Oblique.

  • Speaker #1

    Rétrospectivement, je me dis que si j'avais consacré ces dix années à faire le malin dans des salons parisiens, à fréquenter les bons cocktails, à me faire voir dans les bonnes soirées avant d'envoyer mon manuscrit par la poste, je ne saurais peut-être pas où je suis aujourd'hui, j'aurais peut-être été sur la photo des Inrocks qui présentent les primo-romanciers en septembre, j'aurais été en lice pour le prix du premier roman, j'aurais été lu vite fait par un critique de Télérama qui m'aurait qualifié de frais.

  • Speaker #0

    Il est un tantinet ironique, non ? This is amazing ! L'histoire se déroule dans des bâtiments identiques de 300 étages disposés sur une grille sans fin. Les agents titulaires qui habitent les tours ne quittent jamais leur box. Ils y vivent et y meurent. Le travail est la seule foi ici, la seule raison d'être. Le travail est notre dignité. C'est la preuve ultime que nous sommes humains. Les agents qui n'ont... aucune idée de ce pourquoi ils sont agents, surveillent des flux sans fin de données qu'ils définissent sur leurs écrans. Leurs revenus servent à stocker des armes pour les escarmouches territoriales. Ils sont organisés en guildes pour la défense de leur territoire ou l'attaque d'autres secteurs. Il n'existe qu'en mode survie, ne pas se faire licencier, sinon c'est la rue. Et la rue c'est… on ne sait pas. Les machines disent que c'est la fin de toute humanité, qu'on devient des chats. Les agents et leurs guildes ne peuvent organiser des attaques que pendant leur pause de 15 minutes et la nuit, lorsqu'ils exécutent des radias soigneusement planifiés. Les corps des victimes sont ensuite éliminés chimiquement par les machines. Malgré leur conviction qu'il n'y a jamais eu un temps où le travail n'était pas la seule raison d'être en vie, les membres d'une petite guilde au 122ème étage d'une tour font tout ce qu'ils peuvent pour remplir la vacuité de leurs existences navrantes. Solveig a arraché ses cheveux et tous les poils de son corps, y compris les cils. Théodore s'est tranché les orteils. Et Clara a mutilé son visage en faisant ainsi un vitrail de tissu cicatriciel. Laszlo semble écrire un livre sur la quête de la vérité et de la beauté. Ick, nouvel arrivant, original et plus âgé que la moyenne, cherche à rétablir un contact amical avec la petite Guilde. Ont-ils un destin ? Si oui, quel est-il ? Là encore, tout est dit par l'auteur lui-même et je lui laisse la parole.

  • Speaker #1

    On était en 2007. La France se passionnait pour une campagne présidentielle que je regardais avec effarement. Le concept de valeur travail était sur toutes les lèvres. Sarkozy débarquait en terrain conquis contre les tiraufflants, les profiteurs, les parasites. Un an plus tôt, devant l'Association des cadres supérieurs et dirigeants de France Télécom, Didier Lombard déclarait Je ferai les départs d'une façon… ou d'une autre, par la fenêtre ou par la porte. Suite à la privatisation de l'opérateur téléphonique en 2004 et sa nomination au poste de PDG en 2005, Lombard s'était donné pour mission de débarrasser l'entreprise de 22 000 postes sans avoir recours au licenciement. Il invente, à cette époque, une méthode managériale basée sur l'intimidation, la déstabilisation et la dévalorisation des salariés dont on souhaite le départ. Il appelle ça le plan Next. 4000 cadres sont formés pour mener à bien cette opération de dégraissage par le harcèlement. Le 2 juillet 2008, Jean-Michel Laurent, 53 ans, père de 3 enfants, employé à France Télécom, est au téléphone avec sa déléguée syndicale. Il lui dit Je te laisse, le train arrive Il se jette sur les rails. Un peu plus tôt, il avait envoyé une lettre dans laquelle il écrivait Voilà enfin la fin d'un long calvaire. J'en pouvais plus d'être dans cet enfer, à passer des heures devant un écran, comme un vrai panté mécanique devant l'acharnement de certains, à nous laisser crever comme des chiens. Cette bande de charognards m'a vraiment poussé à bout. Le 9 novembre 2008, Patrick Roland technicien d'intervention contractuelle pour France Télécom, à Péronne, dans la Somme, en arrêt de travail pour dépression depuis 4 mois, se pend à son domicile lors d'un repas de famille. En septembre 2009, Didier Lombard, patron de France Télécom, réagissant à la vague de suicides qui touche son entreprise, 23 morts en 18 mois, déclare à la presse qu'il faut mettre un point d'arrêt à cette mode du suicide. Mettre fin à ces jours n'est pas une mode. Ce n'est pas un caprice. C'est le seul moyen qu'ont trouvé des salariés pour quitter leur poste. Pour de nombreuses raisons, le chômage n'était pas une alternative. Dans ce contexte des années 2000, où les solutions sont évidentes et les problèmes sont méprisés, où les start-up fleurissent avec leur légion d'entrepreneurs aux dents blanches et aux chemises ouvertes, où les discours sur la valeur du travail sont martelés par les hommes politiques, de droite et de Beauce, par les centrales syndicales, où un sondage révèle que les Français ont plus peur de perdre leur emploi que d'être. atteint par le cancer, il ne subsiste qu'une évidence. Mieux vaut mourir que ne pas travailler. C'est précisément quand je me replonge dans Les Agents, plus de dix ans après son écriture, que se tient le procès France Télécom, de mai à juillet 2019. Le livre sort de presse fin novembre et quelques jours plus tard, trois dirigeants de la société, dont Didier Lombard, sont condamnés par la justice française. Ils écopent de prison ferme pour harcèlement moral institutionnel. Les agents vivent et meurent pour une seule chose, le travail. Souvent aussi, ils mettent fin à leurs jours par défenestration. Les images présentes dans le livre sont celles qui me hantent, aujourd'hui encore, des corps tombant du World Trade Center au martyr de France Télécom. En 2022, une pandémie plus tard, les grandes entreprises ont généralisé le télétravail. L'aliénation du salarié, cloîtré dans son bureau, vissé à son écran, a muté. Elle prend à présent d'autres formes. Elle se loge dans des dispositifs plus discrets. Elle tient tout entière dans un smartphone qui affiche les e-mails professionnels jusque dans l'intimité du foyer, dont les notifications martèlent d'âne des tâches à accomplir ou des informations à consulter. Est-ce que cela rend les agents moins pertinents ? Ce sera à vous de me le dire. Pour ma part, j'imagine le futur, les décennies à venir, l'obligation de rationalisation des coûts. Qu'est-ce qui sera le moins cher quand le prix de l'énergie aura explosé ? Des centaines d'appartements chauffés et refroidis individuellement, ou bien des lieux communs dont les usagers pourront partager les frais fixes, l'Open Space n'a pas dit son dernier mot.

  • Speaker #0

    Il n'a pas fait la peine de prison. Moi j'ai regardé sur Internet, il n'a pas fait. Ces gens-là, ils s'en sortent tout le temps.

  • Speaker #1

    Bertrand My Dear !

  • Speaker #0

    Vous ça va ? Évidemment. This is amazing ! Les dispositifs narratifs comprennent un point de vue pluriel à la première personne, entrecoupé d'échanges par tchat et des flux informatiques d'entreprise. Le style de Grégoire Courtois joue à sa manière du registre horrifique. Les descriptions cliniques des chirurgies de Clara sur elle-même et sur d'autres rivalisent avec tout ce qui se trouve dans le répertoire de David Cronenberg. Comme ce dernier, Courtois étudie le corps humain sous un aspect angoissant et monstrueux, les rapports de l'humain avec la technologie, la dégénérescence du corps social, sous un aspect réaliste et pessimiste. En janvier 2022, The Agents, traduit par Rhonda Mullins, est paru aux éditions Coach House Books et le 1er septembre 2022, Les Agents paraît en poche chez Folio SF, ce qui devait être une série de courts chapitres. écrit pour être dit sur scène il y a près de 15 ans, a finalement suivi une trajectoire inimaginable. En plus de rappeler Cronenberg, les agents nous renvoient à High Rise et Concrete Island, l'île de béton, de James Graham Ballard, Fight Club de Chuck Palahniuk, le drame de survie sud-coréen Squid Game et le film Brazil de Terry Gilliam. La fin du monde n'existe pas, écrit Courtois. Ou plutôt, c'est un concept qui représente différentes choses pour différentes personnes. Si nous entendons par fin du monde le crépuscule de l'homo sapiens, S'agit-il d'une perte plus grande que la décimation des forêts de mangroves ou la perte du bourdon à taches rousses ? Certains pourraient simplement appeler la fin du monde un nouveau départ. Au revoir, à bientôt, et n'oubliez pas, la littérature SF…

  • Speaker #2

    C'est un piège !

Chapters

  • Bonjour

    00:02

  • Générique

    00:07

  • L'auteur

    00:19

  • L'histoire

    01:51

  • Les thèmes

    03:50

  • Lady Prout Prout

    08:09

  • La structure

    08:23

  • Les références

    09:23

  • Au revoir

    10:09

  • Générique

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L'histoire se déroule dans des bâtiments identiques de 300 étages disposés sur une grille sans fin. Les agents titulaires qui habitent les tours ne quittent jamais leur box, ils y vivent et y meurent. Le travail est la seule foi ici, la raison d'être et les Agents sont prêts à la violence pour défendre leur territoire.


Et n'oubliez pas, la littérature SF... c'est un piège !


Hébergé par Ausha. Visitez ausha.co/politique-de-confidentialite pour plus d'informations.

Transcription

  • Speaker #0

    Bonjour à tous, bienvenue sur Lecture non classée. Aujourd'hui, c'est Les Agents de Grégoire Courtois. Générique. Grégoire Courtois est né le 20 janvier 78 à Auxerre. C'est un libraire, écrivain, traducteur. et homme de théâtre français. Il écrit également sous le pseudonyme de Tristan Saul. Il est l'auteur de quatre romans, tous parus au Quartanier, éditeur québécois, Les Agents, Révolution, Sûréquipé et Les Lois du ciel. Les Lois du ciel a été publié en anglais chez Coach House Books sous le titre The Laws of the Skies, sélectionné par le New York Times parmi les romans d'horreur de 2019. et que l'écrivain américain Bryan Evanson a inclus dans sa liste des dix romans les plus terrifiants qu'il ait lus. Grégoire Courtois a fondé en 2013 le festival international du livre Caractère à Auxerre, dont il est le responsable de la programmation. Il y travaille à Auxerre, où il tient la librairie indépendante Oblique.

  • Speaker #1

    Rétrospectivement, je me dis que si j'avais consacré ces dix années à faire le malin dans des salons parisiens, à fréquenter les bons cocktails, à me faire voir dans les bonnes soirées avant d'envoyer mon manuscrit par la poste, je ne saurais peut-être pas où je suis aujourd'hui, j'aurais peut-être été sur la photo des Inrocks qui présentent les primo-romanciers en septembre, j'aurais été en lice pour le prix du premier roman, j'aurais été lu vite fait par un critique de Télérama qui m'aurait qualifié de frais.

  • Speaker #0

    Il est un tantinet ironique, non ? This is amazing ! L'histoire se déroule dans des bâtiments identiques de 300 étages disposés sur une grille sans fin. Les agents titulaires qui habitent les tours ne quittent jamais leur box. Ils y vivent et y meurent. Le travail est la seule foi ici, la seule raison d'être. Le travail est notre dignité. C'est la preuve ultime que nous sommes humains. Les agents qui n'ont... aucune idée de ce pourquoi ils sont agents, surveillent des flux sans fin de données qu'ils définissent sur leurs écrans. Leurs revenus servent à stocker des armes pour les escarmouches territoriales. Ils sont organisés en guildes pour la défense de leur territoire ou l'attaque d'autres secteurs. Il n'existe qu'en mode survie, ne pas se faire licencier, sinon c'est la rue. Et la rue c'est… on ne sait pas. Les machines disent que c'est la fin de toute humanité, qu'on devient des chats. Les agents et leurs guildes ne peuvent organiser des attaques que pendant leur pause de 15 minutes et la nuit, lorsqu'ils exécutent des radias soigneusement planifiés. Les corps des victimes sont ensuite éliminés chimiquement par les machines. Malgré leur conviction qu'il n'y a jamais eu un temps où le travail n'était pas la seule raison d'être en vie, les membres d'une petite guilde au 122ème étage d'une tour font tout ce qu'ils peuvent pour remplir la vacuité de leurs existences navrantes. Solveig a arraché ses cheveux et tous les poils de son corps, y compris les cils. Théodore s'est tranché les orteils. Et Clara a mutilé son visage en faisant ainsi un vitrail de tissu cicatriciel. Laszlo semble écrire un livre sur la quête de la vérité et de la beauté. Ick, nouvel arrivant, original et plus âgé que la moyenne, cherche à rétablir un contact amical avec la petite Guilde. Ont-ils un destin ? Si oui, quel est-il ? Là encore, tout est dit par l'auteur lui-même et je lui laisse la parole.

  • Speaker #1

    On était en 2007. La France se passionnait pour une campagne présidentielle que je regardais avec effarement. Le concept de valeur travail était sur toutes les lèvres. Sarkozy débarquait en terrain conquis contre les tiraufflants, les profiteurs, les parasites. Un an plus tôt, devant l'Association des cadres supérieurs et dirigeants de France Télécom, Didier Lombard déclarait Je ferai les départs d'une façon… ou d'une autre, par la fenêtre ou par la porte. Suite à la privatisation de l'opérateur téléphonique en 2004 et sa nomination au poste de PDG en 2005, Lombard s'était donné pour mission de débarrasser l'entreprise de 22 000 postes sans avoir recours au licenciement. Il invente, à cette époque, une méthode managériale basée sur l'intimidation, la déstabilisation et la dévalorisation des salariés dont on souhaite le départ. Il appelle ça le plan Next. 4000 cadres sont formés pour mener à bien cette opération de dégraissage par le harcèlement. Le 2 juillet 2008, Jean-Michel Laurent, 53 ans, père de 3 enfants, employé à France Télécom, est au téléphone avec sa déléguée syndicale. Il lui dit Je te laisse, le train arrive Il se jette sur les rails. Un peu plus tôt, il avait envoyé une lettre dans laquelle il écrivait Voilà enfin la fin d'un long calvaire. J'en pouvais plus d'être dans cet enfer, à passer des heures devant un écran, comme un vrai panté mécanique devant l'acharnement de certains, à nous laisser crever comme des chiens. Cette bande de charognards m'a vraiment poussé à bout. Le 9 novembre 2008, Patrick Roland technicien d'intervention contractuelle pour France Télécom, à Péronne, dans la Somme, en arrêt de travail pour dépression depuis 4 mois, se pend à son domicile lors d'un repas de famille. En septembre 2009, Didier Lombard, patron de France Télécom, réagissant à la vague de suicides qui touche son entreprise, 23 morts en 18 mois, déclare à la presse qu'il faut mettre un point d'arrêt à cette mode du suicide. Mettre fin à ces jours n'est pas une mode. Ce n'est pas un caprice. C'est le seul moyen qu'ont trouvé des salariés pour quitter leur poste. Pour de nombreuses raisons, le chômage n'était pas une alternative. Dans ce contexte des années 2000, où les solutions sont évidentes et les problèmes sont méprisés, où les start-up fleurissent avec leur légion d'entrepreneurs aux dents blanches et aux chemises ouvertes, où les discours sur la valeur du travail sont martelés par les hommes politiques, de droite et de Beauce, par les centrales syndicales, où un sondage révèle que les Français ont plus peur de perdre leur emploi que d'être. atteint par le cancer, il ne subsiste qu'une évidence. Mieux vaut mourir que ne pas travailler. C'est précisément quand je me replonge dans Les Agents, plus de dix ans après son écriture, que se tient le procès France Télécom, de mai à juillet 2019. Le livre sort de presse fin novembre et quelques jours plus tard, trois dirigeants de la société, dont Didier Lombard, sont condamnés par la justice française. Ils écopent de prison ferme pour harcèlement moral institutionnel. Les agents vivent et meurent pour une seule chose, le travail. Souvent aussi, ils mettent fin à leurs jours par défenestration. Les images présentes dans le livre sont celles qui me hantent, aujourd'hui encore, des corps tombant du World Trade Center au martyr de France Télécom. En 2022, une pandémie plus tard, les grandes entreprises ont généralisé le télétravail. L'aliénation du salarié, cloîtré dans son bureau, vissé à son écran, a muté. Elle prend à présent d'autres formes. Elle se loge dans des dispositifs plus discrets. Elle tient tout entière dans un smartphone qui affiche les e-mails professionnels jusque dans l'intimité du foyer, dont les notifications martèlent d'âne des tâches à accomplir ou des informations à consulter. Est-ce que cela rend les agents moins pertinents ? Ce sera à vous de me le dire. Pour ma part, j'imagine le futur, les décennies à venir, l'obligation de rationalisation des coûts. Qu'est-ce qui sera le moins cher quand le prix de l'énergie aura explosé ? Des centaines d'appartements chauffés et refroidis individuellement, ou bien des lieux communs dont les usagers pourront partager les frais fixes, l'Open Space n'a pas dit son dernier mot.

  • Speaker #0

    Il n'a pas fait la peine de prison. Moi j'ai regardé sur Internet, il n'a pas fait. Ces gens-là, ils s'en sortent tout le temps.

  • Speaker #1

    Bertrand My Dear !

  • Speaker #0

    Vous ça va ? Évidemment. This is amazing ! Les dispositifs narratifs comprennent un point de vue pluriel à la première personne, entrecoupé d'échanges par tchat et des flux informatiques d'entreprise. Le style de Grégoire Courtois joue à sa manière du registre horrifique. Les descriptions cliniques des chirurgies de Clara sur elle-même et sur d'autres rivalisent avec tout ce qui se trouve dans le répertoire de David Cronenberg. Comme ce dernier, Courtois étudie le corps humain sous un aspect angoissant et monstrueux, les rapports de l'humain avec la technologie, la dégénérescence du corps social, sous un aspect réaliste et pessimiste. En janvier 2022, The Agents, traduit par Rhonda Mullins, est paru aux éditions Coach House Books et le 1er septembre 2022, Les Agents paraît en poche chez Folio SF, ce qui devait être une série de courts chapitres. écrit pour être dit sur scène il y a près de 15 ans, a finalement suivi une trajectoire inimaginable. En plus de rappeler Cronenberg, les agents nous renvoient à High Rise et Concrete Island, l'île de béton, de James Graham Ballard, Fight Club de Chuck Palahniuk, le drame de survie sud-coréen Squid Game et le film Brazil de Terry Gilliam. La fin du monde n'existe pas, écrit Courtois. Ou plutôt, c'est un concept qui représente différentes choses pour différentes personnes. Si nous entendons par fin du monde le crépuscule de l'homo sapiens, S'agit-il d'une perte plus grande que la décimation des forêts de mangroves ou la perte du bourdon à taches rousses ? Certains pourraient simplement appeler la fin du monde un nouveau départ. Au revoir, à bientôt, et n'oubliez pas, la littérature SF…

  • Speaker #2

    C'est un piège !

Chapters

  • Bonjour

    00:02

  • Générique

    00:07

  • L'auteur

    00:19

  • L'histoire

    01:51

  • Les thèmes

    03:50

  • Lady Prout Prout

    08:09

  • La structure

    08:23

  • Les références

    09:23

  • Au revoir

    10:09

  • Générique

    10:17

Description

L'histoire se déroule dans des bâtiments identiques de 300 étages disposés sur une grille sans fin. Les agents titulaires qui habitent les tours ne quittent jamais leur box, ils y vivent et y meurent. Le travail est la seule foi ici, la raison d'être et les Agents sont prêts à la violence pour défendre leur territoire.


Et n'oubliez pas, la littérature SF... c'est un piège !


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Transcription

  • Speaker #0

    Bonjour à tous, bienvenue sur Lecture non classée. Aujourd'hui, c'est Les Agents de Grégoire Courtois. Générique. Grégoire Courtois est né le 20 janvier 78 à Auxerre. C'est un libraire, écrivain, traducteur. et homme de théâtre français. Il écrit également sous le pseudonyme de Tristan Saul. Il est l'auteur de quatre romans, tous parus au Quartanier, éditeur québécois, Les Agents, Révolution, Sûréquipé et Les Lois du ciel. Les Lois du ciel a été publié en anglais chez Coach House Books sous le titre The Laws of the Skies, sélectionné par le New York Times parmi les romans d'horreur de 2019. et que l'écrivain américain Bryan Evanson a inclus dans sa liste des dix romans les plus terrifiants qu'il ait lus. Grégoire Courtois a fondé en 2013 le festival international du livre Caractère à Auxerre, dont il est le responsable de la programmation. Il y travaille à Auxerre, où il tient la librairie indépendante Oblique.

  • Speaker #1

    Rétrospectivement, je me dis que si j'avais consacré ces dix années à faire le malin dans des salons parisiens, à fréquenter les bons cocktails, à me faire voir dans les bonnes soirées avant d'envoyer mon manuscrit par la poste, je ne saurais peut-être pas où je suis aujourd'hui, j'aurais peut-être été sur la photo des Inrocks qui présentent les primo-romanciers en septembre, j'aurais été en lice pour le prix du premier roman, j'aurais été lu vite fait par un critique de Télérama qui m'aurait qualifié de frais.

  • Speaker #0

    Il est un tantinet ironique, non ? This is amazing ! L'histoire se déroule dans des bâtiments identiques de 300 étages disposés sur une grille sans fin. Les agents titulaires qui habitent les tours ne quittent jamais leur box. Ils y vivent et y meurent. Le travail est la seule foi ici, la seule raison d'être. Le travail est notre dignité. C'est la preuve ultime que nous sommes humains. Les agents qui n'ont... aucune idée de ce pourquoi ils sont agents, surveillent des flux sans fin de données qu'ils définissent sur leurs écrans. Leurs revenus servent à stocker des armes pour les escarmouches territoriales. Ils sont organisés en guildes pour la défense de leur territoire ou l'attaque d'autres secteurs. Il n'existe qu'en mode survie, ne pas se faire licencier, sinon c'est la rue. Et la rue c'est… on ne sait pas. Les machines disent que c'est la fin de toute humanité, qu'on devient des chats. Les agents et leurs guildes ne peuvent organiser des attaques que pendant leur pause de 15 minutes et la nuit, lorsqu'ils exécutent des radias soigneusement planifiés. Les corps des victimes sont ensuite éliminés chimiquement par les machines. Malgré leur conviction qu'il n'y a jamais eu un temps où le travail n'était pas la seule raison d'être en vie, les membres d'une petite guilde au 122ème étage d'une tour font tout ce qu'ils peuvent pour remplir la vacuité de leurs existences navrantes. Solveig a arraché ses cheveux et tous les poils de son corps, y compris les cils. Théodore s'est tranché les orteils. Et Clara a mutilé son visage en faisant ainsi un vitrail de tissu cicatriciel. Laszlo semble écrire un livre sur la quête de la vérité et de la beauté. Ick, nouvel arrivant, original et plus âgé que la moyenne, cherche à rétablir un contact amical avec la petite Guilde. Ont-ils un destin ? Si oui, quel est-il ? Là encore, tout est dit par l'auteur lui-même et je lui laisse la parole.

  • Speaker #1

    On était en 2007. La France se passionnait pour une campagne présidentielle que je regardais avec effarement. Le concept de valeur travail était sur toutes les lèvres. Sarkozy débarquait en terrain conquis contre les tiraufflants, les profiteurs, les parasites. Un an plus tôt, devant l'Association des cadres supérieurs et dirigeants de France Télécom, Didier Lombard déclarait Je ferai les départs d'une façon… ou d'une autre, par la fenêtre ou par la porte. Suite à la privatisation de l'opérateur téléphonique en 2004 et sa nomination au poste de PDG en 2005, Lombard s'était donné pour mission de débarrasser l'entreprise de 22 000 postes sans avoir recours au licenciement. Il invente, à cette époque, une méthode managériale basée sur l'intimidation, la déstabilisation et la dévalorisation des salariés dont on souhaite le départ. Il appelle ça le plan Next. 4000 cadres sont formés pour mener à bien cette opération de dégraissage par le harcèlement. Le 2 juillet 2008, Jean-Michel Laurent, 53 ans, père de 3 enfants, employé à France Télécom, est au téléphone avec sa déléguée syndicale. Il lui dit Je te laisse, le train arrive Il se jette sur les rails. Un peu plus tôt, il avait envoyé une lettre dans laquelle il écrivait Voilà enfin la fin d'un long calvaire. J'en pouvais plus d'être dans cet enfer, à passer des heures devant un écran, comme un vrai panté mécanique devant l'acharnement de certains, à nous laisser crever comme des chiens. Cette bande de charognards m'a vraiment poussé à bout. Le 9 novembre 2008, Patrick Roland technicien d'intervention contractuelle pour France Télécom, à Péronne, dans la Somme, en arrêt de travail pour dépression depuis 4 mois, se pend à son domicile lors d'un repas de famille. En septembre 2009, Didier Lombard, patron de France Télécom, réagissant à la vague de suicides qui touche son entreprise, 23 morts en 18 mois, déclare à la presse qu'il faut mettre un point d'arrêt à cette mode du suicide. Mettre fin à ces jours n'est pas une mode. Ce n'est pas un caprice. C'est le seul moyen qu'ont trouvé des salariés pour quitter leur poste. Pour de nombreuses raisons, le chômage n'était pas une alternative. Dans ce contexte des années 2000, où les solutions sont évidentes et les problèmes sont méprisés, où les start-up fleurissent avec leur légion d'entrepreneurs aux dents blanches et aux chemises ouvertes, où les discours sur la valeur du travail sont martelés par les hommes politiques, de droite et de Beauce, par les centrales syndicales, où un sondage révèle que les Français ont plus peur de perdre leur emploi que d'être. atteint par le cancer, il ne subsiste qu'une évidence. Mieux vaut mourir que ne pas travailler. C'est précisément quand je me replonge dans Les Agents, plus de dix ans après son écriture, que se tient le procès France Télécom, de mai à juillet 2019. Le livre sort de presse fin novembre et quelques jours plus tard, trois dirigeants de la société, dont Didier Lombard, sont condamnés par la justice française. Ils écopent de prison ferme pour harcèlement moral institutionnel. Les agents vivent et meurent pour une seule chose, le travail. Souvent aussi, ils mettent fin à leurs jours par défenestration. Les images présentes dans le livre sont celles qui me hantent, aujourd'hui encore, des corps tombant du World Trade Center au martyr de France Télécom. En 2022, une pandémie plus tard, les grandes entreprises ont généralisé le télétravail. L'aliénation du salarié, cloîtré dans son bureau, vissé à son écran, a muté. Elle prend à présent d'autres formes. Elle se loge dans des dispositifs plus discrets. Elle tient tout entière dans un smartphone qui affiche les e-mails professionnels jusque dans l'intimité du foyer, dont les notifications martèlent d'âne des tâches à accomplir ou des informations à consulter. Est-ce que cela rend les agents moins pertinents ? Ce sera à vous de me le dire. Pour ma part, j'imagine le futur, les décennies à venir, l'obligation de rationalisation des coûts. Qu'est-ce qui sera le moins cher quand le prix de l'énergie aura explosé ? Des centaines d'appartements chauffés et refroidis individuellement, ou bien des lieux communs dont les usagers pourront partager les frais fixes, l'Open Space n'a pas dit son dernier mot.

  • Speaker #0

    Il n'a pas fait la peine de prison. Moi j'ai regardé sur Internet, il n'a pas fait. Ces gens-là, ils s'en sortent tout le temps.

  • Speaker #1

    Bertrand My Dear !

  • Speaker #0

    Vous ça va ? Évidemment. This is amazing ! Les dispositifs narratifs comprennent un point de vue pluriel à la première personne, entrecoupé d'échanges par tchat et des flux informatiques d'entreprise. Le style de Grégoire Courtois joue à sa manière du registre horrifique. Les descriptions cliniques des chirurgies de Clara sur elle-même et sur d'autres rivalisent avec tout ce qui se trouve dans le répertoire de David Cronenberg. Comme ce dernier, Courtois étudie le corps humain sous un aspect angoissant et monstrueux, les rapports de l'humain avec la technologie, la dégénérescence du corps social, sous un aspect réaliste et pessimiste. En janvier 2022, The Agents, traduit par Rhonda Mullins, est paru aux éditions Coach House Books et le 1er septembre 2022, Les Agents paraît en poche chez Folio SF, ce qui devait être une série de courts chapitres. écrit pour être dit sur scène il y a près de 15 ans, a finalement suivi une trajectoire inimaginable. En plus de rappeler Cronenberg, les agents nous renvoient à High Rise et Concrete Island, l'île de béton, de James Graham Ballard, Fight Club de Chuck Palahniuk, le drame de survie sud-coréen Squid Game et le film Brazil de Terry Gilliam. La fin du monde n'existe pas, écrit Courtois. Ou plutôt, c'est un concept qui représente différentes choses pour différentes personnes. Si nous entendons par fin du monde le crépuscule de l'homo sapiens, S'agit-il d'une perte plus grande que la décimation des forêts de mangroves ou la perte du bourdon à taches rousses ? Certains pourraient simplement appeler la fin du monde un nouveau départ. Au revoir, à bientôt, et n'oubliez pas, la littérature SF…

  • Speaker #2

    C'est un piège !

Chapters

  • Bonjour

    00:02

  • Générique

    00:07

  • L'auteur

    00:19

  • L'histoire

    01:51

  • Les thèmes

    03:50

  • Lady Prout Prout

    08:09

  • La structure

    08:23

  • Les références

    09:23

  • Au revoir

    10:09

  • Générique

    10:17

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