- Olivia Levy
Bonjour à toutes et à tous. Aujourd'hui, je vous emmène au cœur du parc naturel de la Sainte-Baume, à la rencontre de Marie Géraudat, coprésidente de l'association GNSA, groupe national de surveillance des arbres. Ensemble, nous allons découvrir les racines de son engagement militant pour la préservation des arbres et du vivant. et les différents combats actuellement menés par l'association pour préserver les forêts de Provence. Nous verrons que les forêts sont un peu partout déjà impactées et surtout menacées par un nombre croissant de projets de parcs photovoltaïques. Je vous propose de plonger avec nous dans un bain de forêt militant et sensible pour comprendre les risques immenses qui pèsent sur nos forêts et découvrir comment nous pouvons chacun à notre échelle agir pour les protéger. Les Boussoles est un podcast indépendant qui a besoin de votre soutien pour grandir. N'oubliez pas... Si l'épisode vous a plu, de le noter 5 étoiles, de partager le lien autour de vous et de vous abonner sur votre plateforme d'écoute pour ne rater aucun épisode. Je compte sur vous, je vous souhaite une bonne écoute. Bonjour Marie, je suis ravie d'être là avec toi. Nous sommes installés sous les arbres dans la forêt de Mazaugues. C'est une forêt bien particulière car elle est située sur un site classé Natura 2000 dans le parc naturel régional de la Sainte-Baume et sur le site du projet de la carrière de Mazaugues. Nous avons fait le choix de nous retrouver ici dans ce lieu incroyable, cette zone à défendre, car c'est ici qu'a jailli ton engagement militant pour la préservation de cette forêt à laquelle tu tiens tant, et cette nécessité d'agir. C'est important et symbolique d'être connecté là, à l'esprit du lieu, pour réaliser cet enregistrement et comprendre ton parcours avec une lecture sensible de ton engagement. Marie, je t'ai contactée au printemps dernier, le temps file, à travers l'antenne du GNSA Sainte-Baume pour mieux connaître l'esprit du GNSA et les actions menées en Provence. Car il y a plusieurs fronts d'action et zones à défendre en ce moment autour de nous et nous allons évidemment en parler au cours de notre échange. Nous avions enregistré une première interview en octobre dernier, mais toute l'actualité liée à l'A69 puis à la carrière de Mazog ont tellement évolué dans les semaines qui ont suivi notre enregistrement que nous avons décidé de réaliser une nouvelle interview. Je te reçois en tant que co-présidente et coordinatrice du pôle juridique du GNSA. Avant de plonger au cœur des enjeux du GNSA et des actions menées en Provence, pourrais-tu te présenter, nous dire qui tu es, d'où tu viens et comment tu es devenue militante ?
- Marie Véroda
Bonjour Olivia, tout d'abord merci pour ce nouvel échange. C'est toujours agréable d'échanger et en plus de pouvoir être dans des lieux aussi magnifiques. on est assise sur des... Sur des gros rochers mousseux, j'adore ça, on est en forêt, j'adore ça, il y a des oiseaux, c'est le printemps qui naît, vraiment bon, là tout est parfait autour de nous. Alors je me présente, je suis effectivement coprésidente de cette belle association qu'est le GNSA, le groupe national de surveillance des arbres. Je suis également coordinatrice du pôle juridique de cette association et j'anime la commission forêt et espaces naturels puisque le GNSA se bat depuis bientôt 5 ans maintenant non seulement sur les arbres en ville, les arbres de l'ombre qui tombent à droite et à gauche. parfois dans l'indifférence générale et parfois à la surprise, trop souvent à la surprise des citoyens. On se bat aussi sur les arbres d'alignement qui sont protégés, qui bordent nos routes et qui sont protégés par l'article L350-3 du Code de l'environnement et que malheureusement nos élus oublient trop souvent. Et on se bat maintenant aussi sur les forêts et au sein de la... Commission Forêt, il y a énormément de travail à faire et c'est ce que j'essaye d'accomplir avec une équipe qui est vraiment formidable. Et donc aujourd'hui on est dans le Var, j'habite le Var et je suis également référente du groupe local GNSA Sainte-Baume, qui intervient sur plusieurs villages au sein du parc naturel régional de la Sainte-Baume.
- Olivia Levy
Merci Marie. Ton engagement militant, il est né avec le projet de la carrière de Mazaugues, où nous sommes là, à proximité. Est-ce que tu peux nous raconter ce qui s'est passé pour toi à ce moment-là, ce que tu as ressenti et ce qui a basculé ? Peux-tu nous décrire tes émotions, tes sensations quand tu as réalisé ce qui se passait ici, à proximité ?
- Marie Véroda
Oui, alors là, on remonte 5-6 ans en arrière. À l'époque, j'étais déjà militante, mais dans un tout autre secteur. Je travaillais plutôt. dans le secteur de la protection de l'enfance, de la maltraitance et des abus de toutes sortes, auprès d'une autre association. Et en revanche, mes enfants, qui sont adultes, avaient déjà une conscience environnementale plus exacerbée que la mienne. C'est-à-dire que moi, la conscience environnementale, je l'avais, mais simplement je pensais que l'environnement, c'était une affaire de spécialistes, que tout était sous contrôle, que tout... Non. Il y avait des lois, que notre environnement était protégé, qu'on ne pouvait pas faire n'importe quoi. Et un jour, ma fille m'a dit « Maman, il se passe quelque chose à Mazaugues, je ne sais pas trop ce que c'est. Il y a une conférence publique, je ne peux pas y aller. Est-ce que tu peux y aller ? » Et puis tu me débrieferas après. J'ai dit « Ok » . Donc je suis partie avec mon petit carnet, mon petit stylo, de façon à prendre des notes. et là j'ai découvert j'ai mis le doigt dans un Un truc, pour moi, ça a été de fou. C'est-à-dire que pendant une heure ou une heure et demie de conférence, cette conférence était faite par M. Durand, qui est hydrogéologue, et M. Thomas Margaria, également hydrogéologue. J'ai découvert qu'il était possible de concevoir... des projets qui avaient l'aval du gouvernement, l'aval des services de l'État, des projets qui étaient tout à fait insensés. En l'occurrence, le site de la carrière de Mazog, s'il y a un endroit où il ne fallait pas faire une carrière, c'est là. En site Natura 2000, vouloir exploiter le plafond rocheux de la plus grande réserve d'eau naturelle potable souterraine du département du Var, 7 millions de mètres cubes. Donc ils veulent faire sauter... le plafond rocheux de cette réserve naturelle d'eau, alors qu'on sait combien l'eau est un enjeu, une ressource majeure face aux défis qui attendent l'humanité. En plus, cette carrière est située sur un site reconnu à risque fort d'effondrement. Elle est située près d'un autre site qui... qu'il y a une usine de stockage d'explosifs. Donc si ça explose d'un côté, les tirs de mines de la carrière, l'effet cumule. Et surtout sur ce site, cet environnement, c'est du Natura 2000. Ça veut dire qu'il y a une biodiversité qui est déjà reconnue, qui est déjà attestée et qui nécessite d'être préservée. Et aujourd'hui, non. On est capable, pour extraire du granulat, de sacrifier tout cela. tout cet environnement. Et donc, quand j'ai appris ça, quand j'ai fait cette découverte, pour moi, ça a été vraiment un bouleversement. J'ai dit, je ne peux pas, maintenant que je sais, je ne peux pas faire comme si je ne savais pas. Donc, je suis rentrée dans ce combat de la carrière de Mazaugues.
- Olivia Levy
Ok, c'est comme ça que tu es devenue militante. Du coup, c'était en quelle année pour qu'on se situe un petit peu ?
- Marie Véroda
C'était 2019-2020, quelque chose comme ça. Donc, voilà, mon engagement... Pour l'environnement par-delà, j'ai rejoint le collectif anti-carrière de Mazaugues, qui à l'époque réunissait 12 associations. Parmi ces associations, j'ai regardé un peu, et en fait, il n'y en avait aucune qui protégeait les arbres. Et donc, du coup, j'ai cherché moi une association qui protège les arbres. Je suis tombée sur le GNSA, et j'ai créé le GNSA Sainte-Baume. et peut-être... Un an et demi après la création de cette antenne locale, J'ai vu qu'il y avait des besoins au niveau du national, donc j'ai présenté ma candidature au conseil d'administration. Et c'est comme ça que je suis rentrée au conseil d'administration. Et aujourd'hui, je suis coprésidente de cette association.
- Olivia Levy
Ok. Alors, est-ce qu'on peut venir un peu plus zoomer, puisqu'on y est sur la carrière de Mazaugues ? Donc là, on est installé à proximité, à Vol d'Oiseau, je ne sais pas, on est à combien de mètres ?
- Marie Véroda
Alors là, on est peut-être à 100 mètres de la carrière.
- Olivia Levy
À 100 mètres de la carrière. Est-ce que tu peux déjà nous dresser peut-être un portrait sur différents plans géologiques de la forêt, des espèces particulières qui sont ici, avant qu'on vienne peut-être zoomer plus précisément sur la situation de la carrière et notamment la reprise des travaux ?
- Marie Véroda
Oui, alors là, on est dans une forêt vraiment typique méditerranéenne sur un sol... karstique, c'est-à-dire un sol de grosses roches. Entre ces grosses roches, il y a des failles, c'est tout un environnement, tout un écosystème. Et surtout, sous la carrière, en fait, il y a des galeries, les anciennes mines de bauxite de Mazog. Sur un neuf étages, quand même, c'est un réseau énorme. Et ce réseau profite. à des chiroptères, donc des chauves-souris, qui en ont fait vraiment, qui trouvent là des conditions idéales pour accomplir une partie de leur cycle biologique. Et donc le sous-sol de la carrière est un habitat d'espèces protégées, puisque les chauves-souris sont protégées au niveau international. De toute façon ici, on trouve tout le cortège des animaux, il y a des mammifères, il y a du loup, il y a... Il y a de la genette, il y a des oiseaux également, il y a des reptiles. Le lézard-oslé, il y a quelques années, on a trouvé un juvénile lézard-oslé, un bébé lézard-oslé. Il était à peut-être 10 mètres de la carrière. Et le lézard-oslé, c'est une espèce PNA, c'est-à-dire qui bénéficie d'un plan national d'action de protection. Il y a des enjeux environnementaux sur ce site. Avec le collectif anti-carrière de Mazocq, pendant des années, nous avons complété les inventaires naturalistes et nous sommes arrivés à trouver 95 espèces protégées, auxquelles cette carrière porte directement atteinte.
- Olivia Levy
Il y a quatre problématiques sanitaires avec la pollution, le risque sanitaire avec la pollution de l'eau potable, dont tu parlais, 7 millions de litres d'eau. écologique avec la description potentielle d'espèces protégées en plein coeur du parc naturel de la Sainte-Baume, aussi sécuritaire parce qu'on est sur à proximité d'un site du coup Céveso 2 Seuil Haut et puis sur un autre plan évidemment démocratique parce que c'est un projet qui est quand même aussi très descendant imposé face à un collectif et une résistance citoyenne quand même.
- Marie Véroda
Oui c'est pas que face à un collectif C'est même l'enquête publique, je crois qu'à 95% les gens s'étaient prononcés contre ce projet il y a quelques années. On est dans un déni de démocratie totale avec ce projet de carrière.
- Olivia Levy
Quand on a enregistré la première fois, les travaux étaient arrêtés, donc tu étais très optimiste et très rapidement les choses ont bougé. Est-ce que tu peux nous dire aujourd'hui où on en est presque un an après ? Le temps est passé très vite. Parce qu'on voit les engins sur le chantier, donc on devine que...
- Marie Véroda
Oui, la carrière avait été stoppée suite à un jugement, un jugement qui avait donc été gagné, qui avait donné raison aux opposants. Et puis le carrière est allé en cassation, et en cassation, ce jugement a été cassé. On s'est retrouvés avec un jugement de cassation d'ailleurs qui était mi-figue, mi-raisin. C'était un peu bizarre, il y a eu... Pas mal d'interrogations sur ce jugement. La carrière, donc, quelques mois se sont passés. Moi, j'étais vraiment dans une volonté de dire il faut se préparer quand même au retour des engins, on ne sait jamais. Et là, de par mon expérience au GNSA, parce qu'au GNSA, on n'hésite pas, lorsqu'on est légitime à le faire, lorsqu'on a le droit avec nous, On n'hésite pas à bloquer des... des chantiers où on a des grimpeurs aussi qui grimpent dans les arbres pour occuper les arbres. Par exemple, lorsqu'ils défendent des arbres d'alignement, pour défendre une forêt, c'est autre chose. On ne peut pas mettre des grimpeurs dans tous les arbres. Donc là, il faut opter pour une autre stratégie. Mais n'empêche qu'au GNSA, quand on travaille sur ces dossiers, on sait maintenant qu'il faut un engagement total des collectifs, des riverains, parce qu'on n'a plus le choix. On ne nous donne pas ce choix-là. Et donc, il y a quelques mois, j'ai dit au collectif qu'il fallait absolument se préparer au retour des engins. Et ça voulait dire aussi être prêt à aller en désobéissance civile. Or, le collectif ne m'a pas suivi sur cette voie-là. Et malheureusement, quand les engins sont rentrés sur le site, il n'y avait personne pour les arrêter. Alors que... Je suis persuadée aujourd'hui que tout était là pour légitimer une action, ce que j'appelle une action d'éclat. C'est-à-dire taper du poing sur la table et dire vous ne passerez pas parce que les travaux que vous vous apprêtez à faire sont illégaux. Vous allez être en infraction. On avait tout démontré d'un point de vue juridique.
- Olivia Levy
Est-ce que tu peux nous dire un petit peu à l'instant T, quelles sont les démarches en cours et les espoirs ?
- Marie Véroda
Alors aujourd'hui, il y a eu des tirs de mine qui ont été faits. Ça signifie qu'il y a eu déjà des atteintes, notamment aux chiroptères, puisque les tirs de mine se font et portent atteinte directement aux habitats des chiroptères qui sont sous la carrière. Donc je crois savoir qu'il y a une... procédure en cours pour dénoncer ces infractions à la protection de ces espèces. Je ne peux pas en dire plus parce que les procédures ne sont pas portées par le GNSA, elles sont portées par d'autres associations et je ne peux pas parler à leur place. Il y a des choses qui se passent au niveau juridique. Tout n'est pas perdu, mais pour autant, il y a des travaux qui sont en cours et ces travaux sont illégaux.
- Olivia Levy
Pour créer du granulat ?
- Marie Véroda
Voilà, pour bétonner encore plus notre environnement, pour des routes ou des constructions, je ne sais pas. Mais il y a un moment où il va falloir que ça s'arrête de détruire des environnements. On a besoin de cette biodiversité, on fait partie intégrante de la biodiversité en fait, on en dépend aussi. Donc à un moment, il faut vraiment se poser les bonnes questions et arrêter d'avancer dans le mur comme ça, en disant oui, mais il y a l'économie, oui, mais ça fait des emplois, oui, mais on a besoin de routes, on a besoin de bâtiments, on a besoin... Non, mais à un moment, il faut penser, il faut réfléchir autrement. Il faut réfléchir aussi avec le vivant. Quoi le vivant, aujourd'hui, n'est pas une priorité dans les projets d'aménagement, les projets industriels, etc. Ça devrait être une priorité.
- Olivia Levy
Il semble y avoir un décalage parce que le granulat, je crois qu'il y a un plan de transition qui souhaiterait l'objectif d'utiliser du granulat recyclé à 50%.
- Marie Véroda
Oui, alors il y a toujours sur le papier, il y a souvent des belles idées sur le papier ou des présentations qui sont faites, qui passent très bien sur le papier. Et dans les faits, si ce n'est pas suivi de faits, ça ne sert à rien, c'est du blabla. Donc, voilà, non seulement il faut se poser les bonnes questions, mais il faut aussi peut-être écouter les associations environnementales, il faut écouter les scientifiques, parce qu'il n'y a pas que les citoyens qui alertent. Si les citoyens alertent, c'est parce que d'abord les scientifiques ont alerté aussi. Les citoyens, ils alertent peut-être par le cœur, mais les scientifiques, maintenant, ils ont des données. on sait qu'il y a un effondrement de la biodiversité on sait qu'on dépend des arbres on sait que... que l'arbre qui pousse chez le voisin me permette de respirer et qui participe au cycle naturel de l'eau. Donc il faut écouter les scientifiques, il faut écouter les associations qui se battent sur le terrain depuis des années et qui dénoncent des faits qui sont inacceptables.
- Olivia Levy
On a zoomé sur les enjeux et la problématique de la carrière de Mazaugues. Je voudrais qu'on revienne un petit peu à toi et à ta sensibilité. donc tu es très attachée aux forêts, c'est pour ça que tu as fait le choix aussi de défendre les arbres. Tu me disais que c'était viscéral, primordial pour toi. Est-ce que tu peux nous parler de ta relation particulière aux forêts, aux arbres, de ta reliance aux vivants ?
- Marie Véroda
Alors moi, ma reliance aux forêts, elle part de ma... Petite enfance parce qu'en fait j'ai grandi en HLM et en fait je me ressourçais tout simplement dans la forêt qui était proche ou pendant mes vacances j'étais tout le temps en forêt aussi, je prenais mon vélo et je passais des heures en forêt et je ne mettais pas le mot ressourcement dessus à l'époque mais c'était là que j'étais bien en fait. Et quand on se pose comme ça... Dans un environnement forestier, qu'on prend le temps d'observer tout ce qui vit autour de nous, en fait, on ne peut que s'émerveiller. Si on est dans l'ouverture, on ne peut que s'émerveiller. Mais on ressort toujours d'un environnement forestier, on ressort toujours en mieux, avec une meilleure version de nous-mêmes et une nouvelle énergie. Il se dégage des choses. Les scientifiques disent que, par exemple, on explique ça en disant que les conifères... sécrètent des molécules qui sont les terpènes, les feuillus sécrètent d'autres molécules. Ces molécules participent à notre bien-être, à augmenter notre système immunitaire également. Il y a un apaisement aux forêts, il y a une très belle phrase qui dit « Assieds-toi au pied d'un arbre et laisse-lui t'apprendre le calme » . Mais je ne sais pas si vous avez déjà expérimenté le fait de s'asseoir au pied d'un arbre quand vous... Vous arrivez là avec vos pensées, avec peut-être votre lourdeur de la ville ou je ne sais quoi, vous vous asseyez tranquillement au pied d'un arbre, vous fermez les yeux, ou alors vous les ouvrez, vous regardez la beauté autour de vous, mais il y a quelque chose qui vous imprègne. Pour moi, les arbres sont des maîtres, en fait. Ils sont des maîtres, alors ils nous apportent de la vie, de l'air, de l'oxygène, de l'eau, etc. Mais par la beauté, par ce qu'il dégage et par ce qu'il nous imprègne aussi, en fait il nous enseigne. Ce sont aussi des formidables enseignants.
- Olivia Levy
Alors là tu nous as parlé de tout ça en regardant plusieurs arbres autour de nous. Si je t'invite à penser à un arbre auquel tu tiens particulièrement, près duquel tu te sens bien, où tu as peut-être une routine des habitudes, est-ce que tu pourrais nous faire son portrait, ce que tu vois de lui et ce que tu ressens quand tu es proche de lui ?
- Marie Véroda
Oui, alors je vais vous parler d'un arbre qui se trouve à quelques centaines de mètres d'ici. C'est un très très vieux chêne sénescent et je le vois vieillir au fur et à mesure des années. J'adore passer le saluer d'ailleurs. A chaque fois je vois son évolution vers la vieillesse. Là il a perdu une grosse branche maîtresse au cours du printemps dernier. Et pour autant, il est toujours aussi beau, aussi majestueux, il est toujours vivant. Il se dirige tout doucement vers la mort, mais avec une telle noblesse, je dirais. C'est un arbre au pied duquel souvent je fais des vidéos, quand j'ai besoin d'exprimer des choses. Il y a souvent des vidéos qui sont tournées devant lui. Je sais que cet arbre-là, lorsqu'il sera mort, il est déjà un abri pour de nombreuses espèces, mais il va encore participer au cycle du vivant d'une autre façon. C'est important aussi de protéger notre patrimoine naturel, même lorsqu'il meurt, parce que c'est tout un cycle. Les arbres, quand ils meurent, deviennent des abris pour d'autres espèces. C'est le cycle de la vie.
- Olivia Levy
Cette sensibilité, ce ressenti particulier qui sont à l'origine, on l'a vu, de ta volonté d'agir, et qui te pousse encore aujourd'hui à défendre la forêt, les arbres, et à prendre ces engagements importants au sein du GNSA. Est-ce que tu peux nous parler de cette interconnection, de cette relation ? Alors, tu en as déjà pas mal parlé, mais... au vivant, au sens que tu entretiens avec le vivant, au sens peut-être plus macro, plus large ?
- Marie Véroda
Alors, en fait, moi, je crois qu'à partir du moment où on ouvre un œil le matin, on devrait être reconnaissant déjà. On devrait ouvrir cet œil déjà, si possible, sur la nature et être reconnaissant. Parce que c'est tellement beau, la nature. C'est vraiment quelque chose dont on peut s'inspirer. On a énormément à apprendre encore sur cette nature. On a énormément de choses à découvrir. On a énormément de choses à ressentir aussi de cette nature. Les scientifiques, de leur propre aveu, ils ont encore... Plein de choses à découvrir, mais nous aussi, même si on n'est pas scientifique, on a tellement à apprendre en observant le vivant, les végétaux, mais aussi les animaux. Les animaux, par exemple, moi je travaille énormément sur les loups, je fais du suivi de meutes de loups ici sur le secteur Sainte-Baume, et c'est une espèce dont on a beaucoup à apprendre en termes. d'organisation sociale, notamment, en termes de comportement. Je crois que l'homme s'est mis de lui-même en haut de la pyramide, mais je crois qu'on manque d'humilité en fait.
- Olivia Levy
Merci Marie. Alors j'aimerais maintenant qu'on parle un peu plus du GNSA. Donc on a pu découvrir nous la force de frappe du GNSA avec le combat contre l'A69 et la... La médiatisation qu'il y a eu grâce à la grève de la faim de Thomas Braille en 2023, entre août et octobre 2023 exactement, même s'il n'a pas été le seul à en réaliser, il faut le mettre en avant, et à tous ces écureuils héroïques, il faut le dire. Et le 27 février dernier, la grande victoire du tribunal administratif de Toulouse a annulé l'autorisation environnementale du chantier de la 69.
- Marie Véroda
Oui, la 69 c'est l'un des gros dossiers, c'est pas le seul, mais c'est l'un des gros dossiers que le GNSA... n'importe. Donc c'est un projet d'autoroute entre Castres et Toulouse, sur une portion où il n'y a pas besoin du tout d'une autoroute. C'est un vieux projet, un projet d'un autre temps qui ne correspond absolument plus aux besoins actuels. Donc effectivement, il y a eu une grosse opposition contre ce projet. Il y a eu la grève de la faim. Il y a eu plein d'épisodes, dont l'épisode de la crème arbre. où il y a des grimpeurs qui ont investi la forêt de la crème arbre, le bois de la crème arbre sur le tracé pour essayer de protéger ces arbres. Et finalement, ça s'est terminé par un siège. Ils ont été assiégés pendant 39 jours par les forces de l'ordre avec interdiction quand même de ravitaillement, nourriture et eau. Ça c'est... incroyable de vivre ça en France c'était en 2024 donc on est là sur des dossiers où il y a une volonté des services de l'Etat de continuer coûte que coûte même si le projet est insensé, même si l'opinion publique est contre ces projets et même si les associations de défense de l'environnement dénoncent des infractions graves à la législation ... Il y a une volonté affichée de continuer ces projets coûte que coûte et ça c'est terrible.
- Olivia Levy
Alors en Provence aussi on a quelques victoires, enfin je voulais jouer sur Fuveau pour parler des choses positives avant de parler des combats en cours qui sont présents ici. Est-ce que tu peux nous parler justement de cette victoire de Fuveau ? Il y avait ce projet de lotissement qui a été arrêté quand même au démarrage on peut dire ou en tout cas très en amont.
- Marie Véroda
Oui, très en amont. En fait, Fuveau, c'est dans les bouches du Rhône. Et en fait, il y a un golfe à Fuveau et le propriétaire du golfe avait décidé de raser 20 hectares de forêt, d'une forêt privée, pour construire, je n'ai plus le chiffre exact, villa de luxe pour la clientèle du golfe. Donc nous avons fait avec des partenaires, pas tout seul, nous avons même été d'ailleurs sur ce dossier là, nous avions été mobilisés par l'Association Nationale pour la Biodiversité, qui est l'un de nos partenaires les plus proches pour tous les gros dossiers qui touchent des forêts. Et donc il y a eu tout un travail de fait au niveau de la recherche de preuves naturalistes sur cette forêt. Nous avons trouvé un certain nombre d'espèces protégées et tout un travail juridique aussi qui a permis de mettre à jour que ce projet allait avoir lieu en enfreignant totalement le code de l'environnement une fois de plus. Ce qui a été fait, c'est que nous avons été alertés par des riverains qui avaient des engins qui étaient stationnés. Donc on avait été avertis, je crois, le samedi matin. Le lundi matin, on était à l'aube. Avec des militants ANB, GNSA et Extinction Rebellion, on était sur les lieux avant l'arrivée des ouvriers et on était devant les engins pour les empêcher d'accéder aux engins, bloquer ainsi le chantier et empêcher que ne soient commises des infractions au code de l'environnement. Et on a tenu ce blocage pendant dix jours. Ça a été un blocage fantastique parce qu'on s'est découvert en fait, on ne connaissait pas ces jeunes d'extinction rébellion, c'était la première fois qu'on travaillait avec eux. On a découvert des jeunes très déterminés, on a découvert aussi des riverains qui ont été formidables aussi en appui. Il s'est créé vraiment une espèce d'harmonie, de convergence pour lutter contre ça. Parallèlement, il y a eu un gros travail de communication aussi qui a porté ses fruits, à tel point que le propriétaire, ça a sans doute nuit à son image, à l'image du golf, où je ne sais pas, ça ne faisait pas bien dans le paysage. Et donc, il a décidé, au bout de dix jours, les engins sont partis. Et ensuite, la procédure juridique qu'on a mise en place, on a été victorieux sur cette procédure.
- Olivia Levy
Donc ça, ça donne quand même de l'espoir sur l'efficacité en fait que peuvent avoir les actions.
- Marie Véroda
C'est ça, c'est qu'à un moment, il faut engranger des billes, donc avoir des preuves. Parce qu'on ne peut pas dire je défends la forêt parce que j'aime les arbres. Ça ne suffit pas aujourd'hui. Il faut vraiment amener des arguments scientifiques, élaborés. et Ensuite, il faut les faire valoir au bon moment et puis appuyer là où ça fait mal en termes de communication. Et ensuite, si on n'entend toujours pas le message, penser au blocage, organiser le blocage et tenir le blocage.
- Olivia Levy
Alors Marie, est-ce que tu peux nous dire un petit peu, nous dresser la situation des projets, notamment photovoltaïques, en cours dans le Var ?
- Marie Véroda
Alors, les projets sur lesquels on a reçu des alertes et sur lesquels on a travaillé ou on est en train de travailler. On a le projet de OPS qui est situé entre deux nieves, donc aux portes du Verdon, sur un territoire où il y a des espèces protégées de fous, un site d'une richesse incomparable. et avec des espèces aussi PNA qui bénéficient d'un plan national d'action. On a le projet 20 sur Caramie, un projet démentiel, méga projet, de 191 hectares de panneaux solaires plus 291 hectares de compensation. C'est-à-dire la... Oui,
- Olivia Levy
La compensation, est-ce que tu peux nous dire un petit peu ce que c'est ?
Justement, la compensation, tout le monde se dit... Compensation, ça veut dire... Pour un arbre arraché, ils vont en planter cinq. Non, là, ce n'est pas ça. Cette compensation-là, elle consiste à ouvrir des milieux ailleurs, des milieux boisés ailleurs, forestiers, dans lesquels vivent des espèces, pour normalement faire venir de nouvelles espèces, pour soi-disant bénéficier à des espèces qui seraient sur le site forestier visé par eux. l'implantation des panneaux solaires et ces espèces-là pourraient, par exemple, fuir dans cette nouvelle zone. Mais c'est complètement hallucinant.
On leur propose de déménager.
- Marie Véroda
Voilà, mais on ne leur donne même pas la direction. Et puis surtout, on va détruire des habitats d'espèces qui n'ont rien demandé. Parce que sur ces 70 hectares, il y a de la vie. Et cette vie-là, on ne sait même pas, on ne cherche même pas à l'inventorier.
Donc ça, c'est les zones dites compensatoires. Oui,
et je vous dis, à 20 sur Caramie, c'est quand même 291 hectares d'ouverture de milieu.
- Olivia Levy
Ces projets sont portés par des entreprises étrangères ?
- Marie Véroda
Pas forcément étrangères, mais souvent étrangères. En fait, les maires sont un peu contraints par les préfectures à déterminer des zones pour ces projets photovoltaïques qui sont présentées comme une énergie pourvoyeur d'une énergie verte. Mais en fait, à partir du moment où il faut raser des forêts ou des espaces naturels ou des zones humides pour une soi-disant énergie verte, on peut se poser la question de la verdure, du degré de verdure.
- Olivia Levy
Disons que sans se poser la question de la sobriété, c'est-à-dire à consommation d'énergie équivalente, voire même croissante en fait.
- Marie Véroda
C'est ça, c'est qu'on nous ment aussi là-dessus parce qu'on nous dit... Le photovoltaïque va remplacer le charbon, etc., les centrales nucléaires. C'est pas vrai. L'histoire a démontré que les énergies ne s'annulent pas les unes les autres, elles se cumulent. Donc on est dans une volonté d'avancer vers des besoins toujours croissants. Et aujourd'hui, les besoins, qu'est-ce que c'est ? Franchement, les besoins, là, ils ont besoin d'alimenter la 5G, les big data. L'intelligence artificielle, est-ce que ce sont des vrais besoins ça ? Est-ce qu'on ne devrait pas plutôt se poser la question de freiner justement nos besoins et se poser la question de la sobriété ? Et de la préservation de la nature. Voilà, ça c'est les deux axes, les deux premières questions qu'on devrait se poser. Et pas avancer comme ça, la tête dans le mur, en disant, on laisse raser des forêts, on sacrifie nos forêts. Sans transformer nos comportements, nos habitudes, nos consommations. Sans se remettre en question. Encore une fois, on se projette en haut d'une espèce de pyramide et il nous manque l'humilité. Et ce manque d'humilité va nous perdre.
- Olivia Levy
Il y a une accélération. Quand on s'est rencontrés il y a un an, j'avais une liste de quatre projets en cours sur lesquels on avait prévu d'échanger. Aujourd'hui, on en est rien que dans le Var. Il y a des projets qui ont fleuri depuis.
- Marie Véroda
Tout à fait, il y a une accélération. On est sollicité au sein de la commission forêt. On est sollicité à 98% de notre travail. C'est sur le photovoltaïque. Alors la commission Forêt répond aux enquêtes publiques. Elles sont de plus en plus nombreuses. On sait très bien que les enquêtes publiques, de toute façon, même quand les avis sont défavorables, s'il y a une volonté de mener le projet de la part des autorités, ils vont passer outre. Donc il y a un déni de démocratie aussi. Mais pour autant, quand on... recueille un avis défavorable de la part du commissaire enquêteur sur une enquête publique, on considère que c'est une première victoire d'étape. Par exemple, ça a été le cas sur le méga projet de Boralex à Vins-sur-Carami. Le commissaire enquêteur a vraiment donné un avis nettement défavorable.
- Olivia Levy
Ok. Du coup, là, le projet, il en est où sur Vins-sur-Carami ?
- Marie Véroda
Alors, en fait, c'était le... projet de... C'était l'enquête publique pour la révision du PLU, parce que ça se fait toujours en deux temps. D'abord, révision du PLU, ensuite, nouvelle enquête publique pour le projet lui-même. Donc là, on est dans cette phase entre les deux enquêtes publiques. On va voir si le porteur de projet persiste dans son projet.
- Olivia Levy
Marie, est-ce que tu peux nous parler maintenant de la montagne de Lure ? Tu connais bien.
- Marie Véroda
Oui, la montagne de Lure, c'est dans le 04, les Alpes de Haute-Provence. C'est un lieu magnifique, c'est un lieu emblématique, c'est un patrimoine naturel avec des forêts de cèdres, de mélèzes, de pins, de sapins. C'est un patrimoine aussi culturel et historique avec Jean Géonneau et le Comte Adour. C'est toute une histoire en Provence, tout un symbole. Et cette montagne de Lure, elle est convoitée aussi par les industriels du photovoltaïque. À ce jour, on est en train de lutter avec le collectif LZR, Lure en résistance, et l'Association nationale pour la biodiversité. On est en train de lutter contre de multiples projets qui s'attaquent. à ce patrimoine naturel et qui sont prêts à détruire cette beauté. Alors qu'une grosse partie de la montagne de Lure est en réserve naturelle de biosphère de l'UNESCO. Donc nous avons, depuis des mois, des réunions de travail avec l'UNESCO par visio pour essayer de faire bouger l'UNESCO. Parce qu'en fait, en défendant la montagne de Lure, on est en train de faire le boulot de l'UNESCO. C'est l'UNESCO qui devrait défendre la montagne de Lure.
- Speaker #1
Donc la montagne est étiquetée UNESCO, mais les actions...
- Olivia Levy
Voilà, il y a une inaction de l'UNESCO qui est incompréhensible en fait. Ils sont dans une forme, on dirait, de représentation, je ne sais pas, enfin bon, je ne vais pas émettre de jugement. En tout cas, ce qui est certain, c'est qu'aujourd'hui, ce sont des Sylvie Bitterland et Claudine. Toutes ces femmes, les gardiennes de l'URC, qui se sont allongées pendant des semaines et des semaines pour bloquer le chantier, par exemple à Cruis, et qui ont supporté aussi des gardes à vue et des procès des audiences, là elles vont aller en appel parce qu'elles font appel de leur première condamnation. Tous ces militants-là font le travail de ceux... des professionnels qui ne font pas leur taf. Alors l'UNESCO, mais il y a l'OFB aussi, l'OFB PACA, qui a été saisi, qui est venu sur le site, qui a refusé de faire 10 mètres de plus pour aller constater une infraction, alors qu'un habitat de lézards hausselets était en train de se faire détruire. Et donc on est sur ce combat-là, plus de 500 hectares de montagnes de l'Ur sont impactées, plus la vallée du Buèche à côté, je crois 600 hectares, plus le plateau d'Albion. C'est tout un secteur de la Provence qui en fait, la Provence c'est un pays merveilleux, il y a du soleil et en fait le soleil il est en train de faire son malheur.
Là, c'est la même entreprise, c'est une entreprise, je crois, canadienne, multinationale, Boralex, qui mène les travaux.
- Marie Véroda
C'est la même entreprise qu'à Vins-sur-Carami, celle qui veut ouvrir, impacter, en fait, 500 hectares de forêt avec 191 hectares de panneaux à Vins-sur-Carami, plus 291 hectares d'ouverture de milieux. C'est la même entreprise.
- Olivia Levy
C'est la même entreprise qui se déploie en Provence.
- Marie Véroda
Oui.
- Olivia Levy
Et sur la montagne de Lure, les travaux, on en est où ?
- Marie Véroda
Alors actuellement, on a donc par exemple sur Cruis, on a gagné sur le jugement au fond. La centrale est illégale et pour autant les travaux sont achevés et la centrale en plus est entrée en action. C'est-à-dire que Boralex tire des bénéfices d'une centrale illégale. Et là on est en extrême vigilance sur trois sites. Le Revest Saint-Martin. où il y a aussi une procédure, il va y avoir une procédure, il y a Aubignosc et Rodortier, voilà, qui sont en extrême surveillance de la part des militants.
- Olivia Levy
Pour des projets également ?
- Marie Véroda
Pour des projets, alors là, ce n'est pas encore défriché justement, on espère intervenir avant le défrichement, enfin stopper les projets avant le défrichement, parce qu'à Cruis en fait, on avait été mobilisés, le défrichement avait déjà eu lieu. d'accord C'est comme ça qu'on a découvert ce combat. On avait reçu l'alerte de Cruis au GNSA et c'est comme ça qu'on a découvert l'envers du décor du photovoltaïque.
- Olivia Levy
Est-ce qu'il y a d'autres exemples que tu souhaites évoquer ?
- Marie Véroda
Ce qu'il y a, c'est qu'on est pris de plus en plus par cette multiplication, cette déferlante du photovoltaïque dans les espaces naturels. On s'est dit qu'on était en train de se faire submerger d'alerte, qu'on ne pouvait pas gérer. Même si on est plusieurs associations, nous sommes des petites associations en termes de moyens humains et financiers. Ce qui a été fait il y a quelques mois, on a travaillé à alerter des scientifiques sur cette problématique de la multiplication des projets photovoltaïques en milieu naturel. et on a obtenu... la signature de plusieurs scientifiques de renom qui ont accepté de signer une tribune qui a été publiée une première fois dans Libération et une deuxième fois dans Reporter. Et suite à cette tribune, on a fait une pétition à l'Assemblée nationale. Alors pourquoi une pétition à l'Assemblée nationale ? Tout simplement parce que les pétitions sur change.org, etc. C'est bien, on récolte pas mal de signatures, mais ça ne mène pas à grand chose après l'exploitation, elle est faible. Là, il s'agissait quand même de porter quelque chose de gros à l'échelon du territoire national. Et donc, on s'est dit, il faut une pétition à l'Assemblée nationale, parce qu'au bout d'un certain nombre de signatures, on peut réclamer la tenue d'une enquête. parlementaire. Et donc là, c'est ce qu'on vise. Actuellement, on travaille avec le représentant de l'Association nationale pour la biodiversité et le GNSA et un sénateur pour expliquer les enjeux. Que ce soit une enquête sénatoriale ou parlementaire, peu importe, mais il va falloir que... Toutes ces trahisons du Code de l'environnement pour développer ces projets qui permettent aujourd'hui de développer des projets photovoltaïques dans les espaces naturels, en dépit des réglementations et en dépit du Code de l'environnement, il va falloir que ça cesse. Il va falloir en parler et que ce soit débattu dans les instances publiques.
- Olivia Levy
Je mettrai le lien pour signer cette pétition. Merci. Alors du coup, est-ce que tu peux nous dire un petit peu, nous aiguiller, si on a besoin de faire une alerte, on sent qu'il y a quelque chose de bizarre qui se passe autour de chez nous, quelle est la bonne stratégie, la bonne démarche ? Parce que souvent on se sent impuissant en fait, effectivement les choses ont déjà démarré ou on constate trop tard, quelle est finalement la voie la plus stratégique et efficace ?
- Marie Véroda
Oui, alors aujourd'hui, surtout devant les grands projets, il y a une volonté de cacher ces grands projets le plus tard possible aux yeux du public. Donc en fait, le mieux c'est d'inviter les citoyens à être vigilants, à essayer de suivre un peu ce qui se passe au niveau de leur commune, en consultant régulièrement les tableaux d'affichage des communes, en consultant les comptes rendus des conseils municipaux, ou même aller à ces conseils municipaux en parlant dans les villes avec les acteurs locaux, pour se tenir informés. Et ensuite, il faut se rapprocher de personnes d'expérience, d'associations qui ont un peu d'expérience. Nous, par exemple, au GNSA, on a sur le site du GNSA, donc Groupe National de Surveillance des Arbres, on a sur notre site Internet un lien alerte, nous alerter, je crois, c'est marqué. ensuite vous cliquez dessus on a édité un espèce de formulaire pour recueillir déjà les premières les premières, comment dresser un premier tableau de la situation, des connaissances de la personne sur la situation et derrière c'est une personne du pôle juridique qui répond en donnant déjà des premières pistes d'indication pour agir.
Ok, donc c'est très simple Il y a un aiguillage efficace sur le site.
Oui, il faut que chaque citoyen fasse sien à l'article 2 de la Constitution, de la Charte de l'environnement, qui est que chacun a le devoir de participer à la protection de l'environnement. Et donc surveiller ça, et puis ensuite se rapprocher d'une association compétente et se laisser guider ensuite. On reçoit des alertes de la part de personnes qui... qui viennent d'apprendre que la forêt à côté de chez eux ou la forêt de leur enfance est convoitée par un projet industriel. Et ils ne savent pas, ils se sentent impuissants. Pour autant, ils nous contactent parce qu'ils ont appris qu'on avait eu des victoires à droite et à gauche et que peut-être on pouvait les aiguiller. Donc les collectifs naissent d'abord d'une volonté citoyenne locale et ça c'est important. Ensuite, la balle est dans leur camp parce qu'il faut... Aussi que ces collectifs-là, la sagesse d'écouter ceux qui sont expérimentés dans les luttes et qui peuvent développer et proposer des stratégies de lutte telles que nous, par exemple, au GNSA, on n'est pas les seuls, mais GNSA et ANB, maintenant, on a développé une forme de méthode de lutte, en tout cas, une stratégie de lutte commune pour tenter de contrer cette vague. d'industrialisation de nos forêts.
- Olivia Levy
C'est terrible de voir se transformer à proximité des zones connues, de voir pousser des panneaux, des grillages. Ça fait un choc quand on connaît un espace naturel, qu'on le fréquente, et quand on voit les ravages. C'est pour ça qu'on est sur ce combat de l'industrie photovoltaïque dans les milieux naturels. C'est une destruction massive là. C'est un rouleau compresseur national qui est déroulé avec la complicité des services de l'État, qui s'appuie sur des études naturalistes lacunaires, qui s'appuie sur des mensonges à l'intention du public, pour que ça passe mieux et que ce soit accepté, alors que c'est inacceptable.
Il pourrait y avoir des politiques de développement des panneaux sur les zones commerciales, sur les zones...
- Marie Véroda
Oui, alors, nous au GNSA, on ne se bat pas pour développer les panneaux sur les zones commerciales. Ce n'est pas notre propos, mais effectivement, de toute façon, il y a d'autres solutions. Et la solution n'est pas, aujourd'hui en 2025, de sacrifier les forêts. pour une industrie. Ça, c'est un mensonge. C'est un mensonge et c'est un danger.
- Olivia Levy
Il y a le GNSA et puis il y a la force de plusieurs associations et collectifs qui se regroupent aussi pour agir et ça devient efficace quand on fonctionne comme ça. Il y a plusieurs exemples que tu as cités.
- Marie Véroda
Ah oui, par exemple, tout à l'heure, j'ai parlé de l'exemple de FUVO. Sur d'autres dossiers, en montagne de l'U, ANB, GNSA, on a Il y a eu des plaintes, par exemple, sur le dossier de Cruis. La première plainte, je crois qu'on était 12 associations à la signer. Deuxième, on était 15, après 17 associations. On a besoin, en fait, maintenant d'agir à plusieurs niveaux et à plusieurs niveaux de représentativité. Et en fait, chaque association a ses compétences, œuvre dans un domaine. c'est enrichissant et c'est ça aussi qui permet de... qui permet d'être efficace et de viser bien.
- Olivia Levy
Mettre les forces en commun avec des niveaux de compétences, des sensibilités différentes pour faire boule de neige.
- Marie Véroda
C'est ça.
Et ces alliances sont parfois originales. Tu me parlais tout à l'heure d'une interconnection qui t'a beaucoup touchée et que tu souhaitais mettre en avant suite à la grève de la faim, des alliances qui peuvent être aussi internationales et des interconnections à des échelles différentes.
Ah oui, alors là, ça c'est une très belle histoire. En fait, pendant la grève de la faim de la 69, on a eu la surprise d'apprendre qu'il y avait quatre personnes du Burkina Faso qui étaient entrées en grève de la faim pour soutenir Thomas et les écureuils qui étaient eux-mêmes en grève de la faim. Donc voilà, on a communiqué sur cet engagement qui était quand même un geste fort. Et puis après l'épisode de la grève de la faim, ils nous ont recontactés en nous disant qu'on veut monter une association au Burkina Faso à l'image du GNSA parce que vous êtes un sacré exemple, etc. Donc on les a un peu aidés et ils ont pu créer leur association. Et cette semaine, ils ont fait le lancement à Ouagadougou de leur programme. Et en fait, ce programme s'adresse à 20 000 enfants du Burkina Faso âgés de 2 à 6 ans. Donc c'est un programme extraordinaire. Je crois que quand j'ai reçu l'information, la première chose qui m'est venue à l'esprit, c'est cette phrase qui dit « ils ne savaient pas que c'était impossible, alors ils l'ont fait » . Et je trouve que c'est vraiment formidable parce que... On est très très fiers d'avoir soutenu cette association qui s'appelle le groupe d'action et d'éducation à l'environnement et au développement durable. Voilà, GraceAide avec deux D. Et vous les trouverez sur leur page Facebook. Peut-être tu pourras mettre le lien. C'est une association qu'il faut soutenir parce que leur programme, il est vraiment fantastique. Ils œuvrent dans des conditions très très difficiles au Burkina Faso. où vraiment l'environnement est mal mené, mais à une échelle sans précédent. Et donc ce programme, c'est vraiment important parce qu'ils ont compris que c'était par les enfants. Il fallait prendre le mal à la racine, faire du bien aux racines justement, et planter des graines d'espoir.
- Olivia Levy
Donc apprendre à s'émerveiller, apprendre à...
- Marie Véroda
À observer, à comprendre, parce qu'en fait on ne préserve bien que ce qu'on connaît. Et donc, ils sont attachés à ça et ce sont vraiment de très belles personnes qui sont derrière Gracedd.
- Olivia Levy
Alors, pour revenir un peu plus précisément au GNSA, on en a parlé dans les grandes lignes. Je crois qu'on comprend tous à peu près le champ d'action et la stratégie, la raison d'être. Mais est-ce que tu peux nous préciser les compétences et les champs d'action ? Parce qu'au départ, on était sur la protection des arbres d'alignement, puis ça a un peu évolué, même beaucoup. Aujourd'hui, dans les grandes lignes, pour un peu synthétiser, qu'on garde un peu une idée plus claire du GNSA, est-ce que tu peux nous parler de la raison d'être, les compétences, les champs d'action et finalement la méthode ?
- Marie Véroda
Alors le GNSA, c'est une jeune association qui va fêter en juin ou juillet ses cinq années d'existence. C'est une association qui s'est développée très vite au regard... des besoins, du nombre d'alertes reçues. Et ensuite, avec la médiatisation notamment sur la 69, qui s'est développée très vite en termes d'adhérents, il a fallu structurer tout ça. On est structuré sur un certain nombre de pôles. Et donc, effectivement, au départ... C'était une association qui est partie de l'initiative de Thomas Braille, qui est arboriste grimpeur et qui avait grimpé dans un arbre pour protéger un alignement d'arbres dans sa ville de Mazamé dans le Tarn. De là est né le GNSA, donc sur la protection de... Des arbres d'alignement avec ce fameux article L350-3 du Code de l'environnement qui était tombé en désuétude, qui existait mais qui n'était absolument pas utilisé. Donc Thomas l'a brandi. Et puis petit à petit les alertes sont venues. Un arbre par-ci, un arbre par-là, une place ombragée transformée en parking. Un projet d'aménagement urbain qui faisait sauter un parc arboré, etc. Et puis ensuite, l'investissement pour les forêts, les atteintes aux forêts et tout ça. Donc du coup, on est structuré. Effectivement, on reçoit les alertes. Alors derrière les alertes, il faut savoir qu'il y a tout un pôle de juristes qui est là. On répond, et d'ailleurs je les salue si elles écoutent l'émission, parce que ce sont des personnes qui font ça à titre bénévole, qui mettent vraiment leurs compétences professionnelles à disposition du GNSA, et ça c'est très beau parce qu'en fait on a besoin justement de professionnaliser ces luttes. Comme je disais tout à l'heure, on ne peut plus se contenter de dire moi je suis pas d'accord que vous a bâti et cet arbre parce que je l'aime on n'en est plus là maintenant il faut justifier faut justifier nos combats et donc on les justifie au niveau juridique voilà oui donc les scientifiques avec une veille une méthode pour pour aller sur le terrain et recueillir des éléments aussi oui alors par exemple moi je suis très engagé sur sur le terrain des recherches de preuves. Alors ça, ça s'apprend. Ça s'apprend au contact d'experts, etc. Et en fait, ce volet-là, il est important aussi parce qu'il permet d'asseoir tout l'argumentaire. Aujourd'hui, pour défendre nos espaces naturels, on est obligé d'avoir des arguments scientifiques.
- Olivia Levy
C'est comme si ça s'était professionnalisé, on peut dire ça comme ça.
- Marie Véroda
Tout à fait. On est obligé de professionnaliser les luttes. Ça ne veut pas dire que les luttes ne s'adressent... Qu'à des professionnels, c'est pas ça. Moi je suis rentrée dans la lutte environnementale, je ne savais pas ce qu'était une espèce protégée, puisque je pensais que les espèces protégées étaient protégées. Donc maintenant je fais du pistage de loups, je fais de la recherche de jeunettes, je suis capable de déterminer s'il y a un espace naturel plutôt favorable à une espèce de reptile ou d'autres espèces. Et on apprend énormément. Quand on est dans la lutte, c'est très formateur parce que tout simplement, on travaille avec des personnes qui viennent d'horizons différents, qui sont professionnels différents. Et si chacun met ses compétences à la disposition de la lutte et en plus est prêt à s'ouvrir aux compétences des autres, c'est extrêmement formateur.
- Olivia Levy
Pour tendre vers la conclusion, j'aimerais que tu me dises dans quel état d'esprit tu es aujourd'hui face à tout ça.
- Marie Véroda
alors ça, ça fait débat parce que par exemple j'ai des camarades de lutte on va dire, je ne sais pas quel terme est approprié je ne peux pas dire des collègues parce que ce ne sont pas des collègues de travail des camarades qui sont un peu désespérés on va dire de l'état actuel des choses de la situation actuelle des choses moi je suis plus dans Dans l'espoir, je pense que le vivant, en définitive, il gagne toujours. C'est vrai qu'aujourd'hui, le vivant, il est sacrifié, il est piétiné, il est détruit. Ça fait mal au cœur, ça fait... Et c'est pour ça que j'agis d'ailleurs, parce que sinon je déprimerais. Mais je pense que, de toute façon, à un moment, ça ne peut pas continuer comme ça. C'est pas possible. On se met trop, nous, en danger. Déjà, s'il y avait juste cette raison-là, le premier sens de l'action, il est déjà là. On se met, nous-mêmes, en danger en détruisant notre environnement. Donc à un moment, il va falloir que ça s'arrête. On est dans un moment crucial. On est dans un moment où on a besoin de... toutes les énergies pour protéger notre environnement. C'est un moment à la fois anxiogène et à la fois formidable. Parce que j'ai l'impression qu'un tri est fait entre les personnes. Il y a les personnes qui sont prêtes, qui ont cette volonté toujours de consommer plus et de fermer les yeux à la destruction qui est derrière cette consommation à outrance. Et puis il y a les autres. Et les autres, j'ai l'impression qu'on est de plus en plus nombreux, on est de plus en plus déterminés. Et on commence à engranger des victoires. Et ça, ça fait du bien parce que ces victoires-là, on les a arrachées en fait. Et on va continuer à les arracher. Mais simplement, il faut qu'on soit de plus en plus nombreux à travailler en ce sens.
- Olivia Levy
Ok Marie, je te remercie.
- Marie Véroda
Merci Olivia. Merci beaucoup Marie.
- Olivia Levy
J'espère que cet épisode vous a plu. Si vous souhaitez en découvrir davantage, abonnez-vous au Boussole sur votre plateforme d'écoute habituelle. N'oubliez pas de laisser 5 étoiles et un commentaire positif sur Apple Podcast. C'est grâce à vous que le podcast pourra gagner en visibilité. Un grand merci et à bientôt !