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Les coulisses de la com de crise

Risque géopolitique & com de crise

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29min |19/11/2024
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Risque géopolitique & com de crise

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Description

Dans un contexte géopolitique perturbé, les entreprises sont de plus en plus attendues, voire prises à partie sur ces sujets qui dépassent leur cœur d’activité.

 

Appels au boycott, name and shame, manifestations, … les attentes de l’opinion publique en la matière peuvent prendre des formes variées et entacher la réputation des entreprises.

 

Alphonse Daudré-Vignier, vice-président exécutive chez Weber Shandwick EMEA, nous livre sa grille de lecture du sujet et ses conseils pour naviguer dans ce contexte.

 

Bonne écoute !

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Pour poursuivre les discussions, me faire part de vos retours ou de vos commentaires, RDV sur LinkedIn 📩

 

Et si ce podcast vous plait, n’oubliez pas de vous abonner et de le partager autour de vous !

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👩‍💻 Je suis Clara Labbé, consultante indépendante en communication de crise.

🎙️ Dans ce podcast, j'accueille toutes les deux semaines des communicants qui partagent leur expérience en matière de communication de crise.

 

Au programme : des retours d'expérience, des conseils et bonnes pratiques, et des sujets prospectifs sur la com de crise !


Hébergé par Ausha. Visitez ausha.co/politique-de-confidentialite pour plus d'informations.

Transcription

  • Speaker #0

    Bonjour à tous, je suis Claire Alabet et je suis très contente de vous retrouver dans ce nouvel épisode des coulisses de la Com'de Cribs. Aujourd'hui, on va s'intéresser à la communication des entreprises dans un contexte de turbulence géopolitique. Alors, il y a beaucoup à dire sur ce sujet et je suis ravie d'avoir Alphonse Daudré-Vigny à mes côtés pour pouvoir en discuter. Bonne écoute ! Bonjour Alphonse, ravie de t'accueillir dans le podcast. Donc Alphonse, toi tu es vice-président exécutif chez Weber Sandwick IMEA. Tu as rejoint l'agence en 2014 et avant ça tu avais évolué dans d'autres agences et chez l'annonceur, notamment chez Ardian en France, Anophio au Mexique et BNP Paribas en Suisse. Et aujourd'hui, dans ton portefeuille chez Weber, tu as les sujets du corporate au sens large. Ça inclut à la fois la com'de crise typiquement, mais aussi justement le conseil des clients de l'agence autour des sujets de géopolitique et de réputation, sujets qui nous intéressent aujourd'hui. On le voit ces dernières années avec le contexte géopolitique extrêmement sensible dans lequel on évolue. Les entreprises sont de plus en plus attendues, voire même prises à partie. Le silence des dirigeants n'est plus accepté par les publics. On se rend compte qu'on ne peut plus s'abriter derrière la neutralité d'acteurs économiques. Et ça donne lieu à des situations complexes pour les entreprises qui peuvent avoir des impacts sérieux sur la réputation. On a plein d'exemples avec la guerre en Ukraine qui a poussé les entreprises à rapidement se positionner sur le retrait ou non de leurs activités en Russie. Plus récemment, le conflit en Israël, des sujets qui dépassent largement le cœur d'activité des entreprises visées et qui ne sont pas si simples à trancher, parce qu'il ne faut pas non plus être naïf, ça reste des acteurs économiques. Donc il y a des implications à ces décisions et typiquement une entreprise qui décide de stopper ses activités dans un pays, elle va mettre ses salariés au chômage et renoncer à un chiffre d'affaires. Donc ça ne se décide pas aussi facilement que ça. Alors on voit qu'aujourd'hui, cette question de la récemmentité des entreprises sur les sujets géopolitiques est exacerbée, ce n'est pas nouveau en soi. On avait déjà avant des entreprises qui étaient interpellées, mais peut-être de manière plus individuelle. Je pense à la farge en Syrie. Donc, ce n'est pas des sujets qui sont nouveaux. Mais aujourd'hui, on voit que c'est exacerbé, que les entreprises sont de plus en plus même interrogées directement par les médias sur leur position. Selon toi, à quoi c'est lié ? Qu'est-ce qui fait qu'aujourd'hui, c'est un vrai sujet et auquel les entreprises doivent forcément s'attendre et doivent anticiper ?

  • Speaker #1

    Alors, il y a les tendances de fond où vraiment on est dans un nouveau monde. Donc, on sort du... On sort du multilatéralisme, on est dans des logiques de déglobalisation à l'échelle macro. Au niveau national, on a une polarisation à l'extrême. Au niveau politique, tout ça est renforcé par l'activisme sur les réseaux sociaux. Et en fait, les entreprises se retrouvent au milieu de ça. Elles se retrouvent prises par ces intérêts contradictoires et les médias l'ont bien compris et leur posent des questions sur cette chaîne de valeur. Typiquement, vous êtes dans l'automobile électrique aujourd'hui, la concurrence chinoise, les chaînes de valeur, etc. Les médias ont bien compris ce dont il était question et vont... voir les entreprises pour leur poser ces questions-là. Alors aujourd'hui, c'est exacerbé sur des sujets qu'on connaît comme la Russie et l'Ukraine, mais il y a également les logiques d'AIP en Chine, les sujets des droits de l'homme en Arabie Saoudite. Et donc, tout ça crée un contexte difficile pour les entreprises, sachant qu'on a d'autres facteurs exacerbants, comme par exemple cette année, la moitié de la population qui va voter. Donc là, le sujet politique revient vraiment au devant de la scène.

  • Speaker #0

    Et typiquement, comment est-ce qu'on peut anticiper ce risque géopolitique si on veut s'y préparer ? Parce que ce n'est pas le cœur d'activité d'une entreprise à la base, on le rappelle. Donc comment est-ce qu'elles peuvent se préparer à ça ?

  • Speaker #1

    Alors là, on reprend nos réflexes de communicants et de monitoring en fait. C'est-à-dire qu'il faut avoir des capteurs sur les différents sujets. Donc une fois qu'on a pris conscience de l'importance du sujet, il faut être capable d'avoir des capteurs qui vont regarder l'évolution de la situation dans différents pays, sur différents sujets. Donc évidemment... Il faut avoir fait en amont une cartographie des risques, c'est-à-dire qu'une entreprise qui est internationale, qui a des chaînes de valeur mondiales, fera le suivi de la situation politique dans les différents pays et de la manière dont ils vont évoluer. On peut penser au secteur de l'énergie par exemple, qui fait ça très bien depuis très longtemps, enfin du moins qui a bien compris les enjeux. Donc il faut avoir les capteurs et puis aujourd'hui les choses ont un petit peu changé, c'est-à-dire qu'avec la data on est capable de comprendre l'état des conversations. dans différents pays, à différents endroits, et de suivre comment est-ce que les choses évoluent. Typiquement, si on reprend l'exemple de la Russie que tu évoquais, évidemment on a des capteurs sur ce qui se passe géopolitiquement dans le pays, mais on est aussi capable aujourd'hui, grâce à la data, de capturer très rapidement l'état des conversations sur le sujet, et de comprendre dans quelle mesure une entreprise donnée est impliquée, ce qu'on dit d'elle, et tous les récits qui vont se créer autour d'elle dans ce contexte.

  • Speaker #0

    Et justement, si on reste sur l'exemple de la Russie, parce qu'il a été largement commenté, donc il y a pas mal de matière, on a vu qu'il y a des entreprises qui, assez rapidement, ont décidé d'arrêter, de stopper leur activité dans le pays, ou au moins de manière temporaire, lors de la première annonce. Il y en a qui ont attendu que l'opinion publique s'exprime sur le sujet. Il y a eu certains appels au boycott. On a ensuite eu même un name and shame de la part de dirigeants ukrainiens. À quel moment prendre ces décisions ? Est-ce qu'on attend ? d'être accusé ? Est-ce qu'on fait un pari sur l'avenir et on prend une décision plus tôt que ça ? C'est compliqué d'aller saisir le bon moment. Qu'est-ce que toi, tu conseilles dans ces cas-là ?

  • Speaker #1

    Oui, c'est comme dans les situations de crise de manière générale, et ça reprend certains des points que les intervenants qui étaient à ma place précédemment dans le podcast avaient mis en avant, c'est-à-dire qu'il faut prendre en compte une multitude de paramètres pour savoir si on est, toujours la grande question, réactif, proactif, etc. Et donc là, il y a plusieurs paramètres qui vont entrer en jeu. Déjà, la raison d'être de l'entreprise. Je pense que maintenant, c'est établi que suivre les valeurs de l'entreprise pour prendre des décisions, ça va être fondamental. Et on a vu des entreprises qui changeaient de direction à mi-chemin, vraiment se faire accrocher. Donc, il faut se demander quelles sont mes valeurs et comment est-ce que je les suis dans les décisions que je veux prendre. Ça, c'est fondamental. La deuxième, c'est effectivement de reconnaître que la situation ne va pas être la même en fonction des industries. Si on prend le cas de la Russie, on ne peut pas comparer une entreprise pharmaceutique qui va livrer des produits de première nécessité avec le secteur du luxe. Donc, déjà, comprendre. Quels vont être les impacts en fonction de l'industrie ? Il y a aussi la structure de l'entreprise. On peut imaginer par exemple le cas d'entreprise dont les employés sont actionnaires. Si demain on ferme une activité, c'est pas seulement un chiffre d'affaires qui va diminuer, mais il va également y avoir des impacts pour les employés eux-mêmes. Et puis la présence internationale, c'est-à-dire aujourd'hui je ferme un territoire, quel poids est-ce qu'il a dans mon chiffre d'affaires, etc. Donc la première chose, c'est vraiment de prendre en compte l'ensemble de ces paramètres, la fidélité à ses valeurs, l'empreinte territoriale, la structure du capital, etc. Et en fonction de ça, finalement, la décision va s'imposer. Et puis, comme communicant, on va toujours garder en tête de voir quels sont les récits qui vont être bâtis autour de l'entreprise dans ce contexte-là, donc de suivre ce qui se dit. de voir comment l'entreprise est vue dans ce contexte. Et ça va être aussi un paramètre qu'on va prendre en compte. Mais bon, comme d'habitude, c'est toujours pas la même réponse à cette question. Il y a une multitude de paramètres. Et en fait, il faut juste s'assurer de bien les prendre en compte pour avoir une décision informée.

  • Speaker #0

    Et justement, à partir du moment où tu as pris ta décision et donc l'entreprise va communiquer, comment faire et qu'est-ce qu'il faut prendre en considération pour pouvoir apporter une réponse unique au niveau mondial si on est une entreprise implantée un peu partout dans le monde ? Parce qu'on sait que la sensibilité va être différente selon les pays. Même prise de position ne sera pas perçue de la même façon qu'on soit aux Etats-Unis, en France, en Chine, en Arabie Saoudite. Donc comment est-ce qu'on peut composer avec ça ?

  • Speaker #1

    Oui, c'est le fameux, c'est un sujet qui revient régulièrement par exemple au moment de ce qui est Pride Month, où on va voir des photos de profils sur les comptes de réseaux sociaux d'entreprises qui ne seront pas les mêmes, en fonction des pays, avec certains qui n'hésiteront pas à afficher le drapeau LGBT, d'autres qui le feront peut-être un peu moins. parce qu'il y aura plus de sensibilité dans un territoire donné. Je pense que ce qui est important, c'est la cohérence. À partir du moment où on la perd, c'est là où on se met à risque. Donc la réponse, généralement, dans ce sens-là, sur cette question-là, c'est vraiment de garder une cohérence d'ensemble, parce que dès qu'on a une petite brèche dans cette cohérence, c'est là, généralement, que le risque s'engouffre.

  • Speaker #0

    Et on sait que prendre la parole sur ces sujets, c'est pas sans risque. Typiquement une entreprise qui va spontanément s'exprimer pour condamner une guerre, un conflit, dénoncer l'horreur, prendre le parti des victimes. C'est une réaction qui peut sembler spontanément naturelle et nécessaire. Mais in fine, ça revient à prendre position dans des conflits qui sont parfois plus compliqués que ça. Si on prend l'attaque du Hamas en Israël, dénoncer l'horreur dans un premier temps, ça a pu être vu comme un soutien à Israël et critiqué. Et après, on a vu certains appels au boycott typiquement. Et donc, ce qui est compliqué ici, c'est que les attentes des publics divergent. Et... Si on prend le dernier Trust Barometer de Edelman, on voit qu'un tiers des consommateurs qui sont interrogés indiquent être prêts à boycotter une marque qui prendrait position pour l'un ou l'autre des deux camps du conflit israélo-palestinien. Et en face, on a aussi des publics qui attendent que l'entreprise prenne position assez fermement, parfois qu'elle arrête ses activités dans le pays. Donc comment est-ce qu'on peut répondre à cette attente d'une partie des consommateurs, qui est pour une prise de position, et l'autre qui refuse que l'entreprise aille sur ce terrain-là ? Comment est-ce qu'on navigue avec ça ?

  • Speaker #1

    Alors là, je pense que la data a vraiment son importance, parce que la réponse à cette question, c'est de pouvoir comprendre ce qui se passe. On a un boycott, bon très bien, mais est-ce que ça fait beaucoup de bruit médiatique ? Est-ce qu'il y a un impact sur les ventes ? Souvent, on entend parler de boycott, mais il n'y a peut-être aucun impact ou un impact faible sur les ventes, sur les chiffres d'affaires. Donc sur ces questions-là, la réponse se trouve la plupart du temps dans l'analyse, qui est devenue beaucoup plus simple à effectuer maintenant, parce qu'on a beaucoup plus de points de data et de manières de les analyser. Donc la bonne réponse, je pense, c'est vraiment de... bien comprendre ce qu'on a entre les mains, ce à quoi on fait face et de prendre sa décision en fonction. Un appel au boycott va peut-être faire énormément de bruit de la part de certains acteurs sur les réseaux sociaux. Vous mettez un peu d'analyse là-dessus et vous vous rendez compte que c'est un groupe de parties prenantes qui se parlent entre eux, qui vit dans une bulle, leur message n'atteint pas votre cœur de cible de consommateur. Finalement, vous allez simplement être réactif si jamais on va vous poser la question sur le sujet, mais aller commenter proactivement ce sujet-là va plutôt... présenter davantage de risques que laisser certains acteurs parler tout seuls dans leurs bulles. Je pense que la bonne réponse à cette question c'est vraiment de comprendre est-ce que j'ai vraiment un problème, de quelle taille, avec qui ? Et assez souvent en fait on se rend compte que sur ces sujets de boycott ou autre, du moins à l'heure actuelle, en fait on est sur des bulles qui parlent entre elles et dont le message généralement ne va pas s'étendre à notre cœur de cible et aura moins d'impact que ce qu'on peut penser quand on va voir un post sur les réseaux sociaux. On a souvent des appels de dirigeants qui, effectivement, voient passer des choses, voient passer des messages, et se disent là, oh là, qu'est-ce qui se passe ? Et en fait, quand on revient et qu'on donne un aperçu de la situation, on se rend compte que le problème n'en était pas un, en fait.

  • Speaker #0

    Ce que tu me dis, ça me fait réagir sur deux points. Donc, je comprends l'importance de s'appuyer sur la data, et ça semble en effet assez logique pour pouvoir aller prendre une décision réfléchie. Si on attend de collecter cette data, il nous faut un certain temps pour voir comment ça prend, comment ça se transforme en action. Si en effet, on voit une baisse d'achat en magasin concrète après un appel au boycott, comment est-ce qu'on fait alors qu'on a tendance à conseiller d'être proactif dans notre communication, de ne pas attendre d'être accusé, de prendre les devants ? Comment est-ce que tu conjugues justement ce temps de récolte de la data pour pouvoir prendre une décision réfléchie et cette nécessité d'avoir une communication assez rapide ? Alors,

  • Speaker #1

    comme souvent dans la communication de crise, en fait, il faut y penser avant. C'est-à-dire que normalement, l'entreprise aura précédemment réfléchi aux risques qui pourraient exister pour elle. Elle aura déjà les capteurs en place et en fait, elle va voir les signaux faibles assez rapidement. Et l'idée, c'est d'essayer d'éviter de réagir a posteriori une fois que l'appel au boycott est là, mais de le voir venir. C'est-à-dire d'avoir les capteurs pour voir que le récit autour de l'entreprise va changer, que des nouveaux messages... vont apparaître, etc. et de prendre les décisions au fur et à mesure. Et aujourd'hui, c'est vrai qu'on a des outils qui permettent d'aller extrêmement rapidement et de voir quasiment en temps réel le récit attaché à l'entreprise sur certains sujets. Donc typiquement, la réponse à cette question, c'est de dire que normalement, l'entreprise a déjà une infrastructure en place qui lui permet d'analyser les récits qui lui sont associés, de voir venir ses signaux faibles et d'anticiper les scénarios, c'est-à-dire ensuite se projeter, de se dire, ok, dans ces fameux scénarios planning dont on a tous l'habitude en communication de crise, qui est de se dire, voilà... J'ai ce signal, comment va-t-il évoluer ? Soit, mettons, c'est un appel au boycott, bon, il va s'arrêter là. Soit, il va s'étendre, et s'il s'étend jusqu'à tel critère, voilà ce que je peux faire. Si ça va encore plus loin, voilà ce que je peux faire. Et en fait, d'anticiper et de mettre à jour les scénarios en fonction de l'évolution de la situation.

  • Speaker #0

    Et par rapport à l'analyse des datas, de la réaction des publics, que ce soit d'un appel au boycott ou autre, pour prendre sa décision, j'ai une autre question aussi, c'est que si tu te bases là-dessus, Pour décider d'arrêter des activités, de changer ou que sais-je, on est en contradiction avec un de tes premiers conseils qui est de dire qu'il faut suivre la raison d'être de l'entreprise et que c'est ça qui doit guider nos actions. Est-ce que finalement on suit nos valeurs, notre raison d'être ou est-ce qu'on attend de voir comment c'est perçu par le public ?

  • Speaker #1

    En fait, l'un forme l'autre. C'est-à-dire que la raison d'être de l'entreprise, c'est ce qui va à la fin nous guider dans notre décision et dans notre message. Ce qui va guider la réponse, un, la réponse commerciale et la manière dont on va articuler la communication. Suivre l'évolution de la discussion, du récit autour d'une entreprise, c'est pas l'alpha et l'oméga de tout, c'est-à-dire qu'on va pas aller dans une direction ou une autre en fonction de ce qu'on entend, c'est plutôt ça va nous informer et ensuite on va regarder ça à l'aune de la valeur de l'entreprise et de tous les paramètres que j'avais mentionnés avant pour ensuite prendre une décision. Je pense que la question des valeurs c'est plus de se dire qu'être totalement opportuniste, donc justement pour reprendre ce que tu disais, vraiment prendre des décisions au fil de l'eau en fonction de ce qui se discute publiquement, les différents récits autour de l'entreprise, Ça a son niveau de risque parce que ça va nous emmener à prendre une décision un jour et puis une décision inverse l'autre. Donc c'est là où j'insiste vraiment sur la question de la raison d'être et des valeurs qui vont être la boussole de l'entreprise à long terme. Et donc c'est pour ça qu'il faut vraiment toujours les avoir en tête parce que c'est ce qu'on veut communiquer, c'est-à-dire la raison d'être de l'entreprise, sa direction, et montrer qu'on analyse ces situations qui se présentent à nous en fonction de la raison d'être de l'entreprise. Et après, la data, toutes les analyses dont on dispose vont nous permettre de prendre des décisions plus informées. mais elles ne sont que des points d'analyse qui nous aident dans ces décisions.

  • Speaker #0

    Et à partir du moment justement où on décide de se prendre la parole, va se poser la question de comment le faire au mieux ? Parce que quelle que soit la réponse apportée, on s'expose au risque d'offenser des salariés, des clients, ou sinon de paraître indifférent, on peut aussi être accusé de warwashing. Donc comment est-ce que toi, tu mesures ces risques-là à partir du moment où l'entreprise décide de prendre la parole ? Comment est-ce que tu lui conseilles de faire ? Peut-être faire de la pédagogie sur la décision, faire preuve de transparence, l'humilité face à un sujet qui nous dépasse. Qu'est-ce que toi tu conseilles ensuite sur la manière de prendre la parole sur ce sujet ?

  • Speaker #1

    Alors effectivement, il y a plusieurs points. Sur l'idée d'offenser, je pense qu'il faut se faire l'idée qu'on offensera toujours quelqu'un. Donc ça déjà, il faut le prendre pour acquis. Il y aura toujours une partie prenante qui ne sera pas d'accord avec la décision qu'on aura prise ou la manière de la communiquer. Sur les employés, c'est capital, je dirais. Ça commence de plus en plus par les employés d'articuler ce message en interne. la situation la plus compliquée à gérer serait quand justement on aura un message différent entre l'interne et l'externe. Donc, articuler un message déjà qu'on partage aux employés, je pense, est capital. Et ensuite, pour reprendre ta question de comment est-ce qu'on essaye de gérer ces parties prenantes différentes, de comprendre le poids de chacune. Et c'est là où on reprend nos réflexes d'analyse des parties prenantes et de stakeholder mapping, c'est de se dire sur ce sujet-là, qui est la partie prenante la plus importante ? C'est-à-dire que, si on reprend l'exemple de la Russie, qui sont mes stakeholders les plus importants sur ce sujet-là ? Finalement, quand les sanctions tombent, par exemple, ce n'est même plus un sujet. C'est-à-dire que le régulateur interdit l'activité sur un territoire donné, la question ne se pose plus. Donc, je pense que c'est sur chaque sujet bien comprendre qui sont les parties prenantes, quels sont leurs poids, et d'adapter la communication en fonction de ça auprès de chacune.

  • Speaker #0

    Ça marche. Et est-ce que tu as en tête des exemples d'entreprises qui auraient pris la parole dans ces contextes-là, que tu aurais conseillé ou non, et qui sont des bons exemples, on peut dire, en matière de prise de parole, de communication, ou au contraire, des choses qui ont pu être améliorées ? Est-ce que tu as des exemples concrets à nous partager ?

  • Speaker #1

    Alors, en termes de bons exemples et exemples un petit peu moins bons, je pense qu'une tendance qui est assez intéressante, c'est de se rendre compte qu'avec le Covid, les entreprises ont pris un petit peu plus l'habitude de communiquer. Puis ensuite, le sujet Russie est arrivé, où d'eux-mêmes, elles ont été beaucoup sollicitées, et c'était un sujet assez manichéen. Et donc, finalement, en termes de communication, pas si compliqué à gérer. C'est-à-dire que, bon, d'un moment, soit vous avez des produits essentiels, vous restez, vous arrivez à être justifiés. Soit vous n'en avez pas, vous sortez et de toute façon, vous n'avez pas vraiment le choix. Donc la communication s'articule autour de ça. Là où ça a été assez intéressant, c'est qu'on a vu beaucoup d'entreprises essayer d'appliquer le schéma qu'elles avaient développé autour du conflit Russie-Ukraine sur la guerre en Israël. Et là, ça s'est révélé beaucoup plus compliqué, notamment quand vous avez des audiences qui ont des attentes différentes, par exemple, entre les États-Unis et l'Europe. Et les entreprises se sont un petit peu pris les pieds dedans parce qu'elles avaient, je vais dire, pris l'habitude ou elles étaient un petit peu plus à l'aise de communiquer sur ces sujets politiques dans le contexte russe. Ça a été beaucoup plus compliqué sur le sujet Israël-Palestine. En fait, c'est là où ça dépend vraiment de l'entreprise. C'est-à-dire qu'on a pu voir des chefs d'entreprise aux États-Unis pour qui ce n'était même pas une question de ne pas communiquer. Donc, immédiatement, au début de la guerre, on fait leur post LinkedIn. Je pense qu'ils n'y ont même pas réfléchi. Ça semblait naturel pour eux. Et d'autres pour qui ça correspond peut-être beaucoup moins. Enfin, l'entreprise a une valeur ou une présence géographique, etc. qui les rend peut-être moins proches. de ces sujets-là et qui ne se sont pas exprimés. Donc en fait, on retombe sur qui est l'entreprise, quelles sont ses valeurs, quelle est son empreinte géographique, où sont situés ses employés, et de décider en fonction de ça.

  • Speaker #0

    Et tu cites justement des dirigeants qui ont assez spontanément fait un post sur LinkedIn pour exprimer leur position personnelle. Je pense que c'est intéressant de venir sur ce terrain parce qu'on voit parfois que ça va être un dirigeant qui va prendre la parole sur un sujet qu'il a à cœur de défendre. Et finalement, ça va venir embarquer toute l'entreprise, parce que le dirigeant représente l'entreprise, donc prise de parole du dirigeant implique toute l'entreprise. Est-ce que ça, tu penses qu'à chaque fois c'est anticipé, on se rend compte de la mesure que ça va prendre ? Ou est-ce que tu as des exemples où finalement l'entreprise a dû rétro-pédaler, ou en tout cas balancer un petit peu le discours suite à une prise de parole d'un dirigeant qui n'était pas préparé ?

  • Speaker #1

    Alors je n'en ai pas vu personnellement chez des entreprises qu'on conseille. En revanche, je sais qu'aux Etats-Unis, effectivement... Il y a eu toute une salve de prises de parole de dirigeants américains au début du conflit Israël-Palestine. En revanche, ce qui était intéressant, c'est que le ton du message, et je pense que c'était des dirigeants qui vraiment sentaient qu'ils avaient besoin de communiquer de manière personnelle. De ce que j'ai vu, alors ces dirigeants-là ont communiqué, leur entreprise a moins communiqué sur le sujet par ailleurs, mais le ton de leur communication sur LinkedIn notamment, montrait bien qu'ils s'exprimaient à titre personnel. Et je pense qu'on sentait que... Merci. limite fine, mais on sentait effectivement qu'ils s'engageaient à titre personnel et qu'ils s'engageaient moins à l'entreprise. Du fait du ton qu'ils avaient employé, des mots qu'ils avaient employé, c'était pas une prise de parole corporate, et donc je pense que toute personne qui lisait ce message sentait que le dirigeant n'embarquait pas l'entreprise avec elle. Alors d'habitude c'est pas le cas, parce qu'effectivement chaque prise de parole du dirigeant est scrutée, etc. Mais là, je pense que ça venait tellement du cœur, où ça leur paraissait tellement évident de devoir s'exprimer sur le sujet, notamment par leur histoire personnelle ou autre, qu'on a vu en fait cette dissociation. Mais en revanche... La tendance, c'est qu'effectivement, après cette première salle de communication sur le sujet, de la part de dirigeants notamment plutôt américains, on n'a plus vraiment vu leurs entreprises s'exprimer sur le sujet. Donc de manière générale, il y a eu beaucoup moins de prise de parole sur ce sujet-là. Et après, il y a encore une différence entre les États-Unis et l'Europe, où la vision du conflit n'est pas du tout la même, et du coup, ça implique une communication complètement différente.

  • Speaker #0

    Et au-delà des entreprises qui sont directement concernées, parce qu'elles vont annoncer des décisions comme le retrait de leur activité du pays, À quel moment il va être opportun, voire nécessaire pour une entreprise, de prendre la parole dans ces contextes ? Est-ce qu'à moins d'être directement impliqué, le reste du temps, il vaut mieux éviter en se disant qu'il n'y a que des coups à prendre ? Parce que, par exemple, hors entreprise impliquée, au début de la guerre Russie-Ukraine, on a vu pas mal d'entreprises qui communiquaient sur leurs engagements, le soutien qu'ils apportaient au peuple ukrainien, des dons matériels ou financiers qui étaient effectués alors qu'ils n'étaient pas directement concernés. Sur ce conflit où en effet... C'est perçu comme assez manichéen, ce n'est pas une grosse prise de risque, mais est-ce que c'est leur rôle de communiquer là-dessus ? Quel est le risque et dans quelle situation on peut le faire ? Justement, la différence est assez fine. Je peux le faire sur Russie et Ukraine, par contre sur Israël et Palestine, ça va être plus compliqué. Est-ce que dans ces cas-là, il ne vaut mieux pas garder le silence ?

  • Speaker #1

    Ah effectivement, c'est une vraie question, la limite est fine. La vraie réponse, c'est l'authenticité. C'est-à-dire qu'il faut que la réponse soit authentique. Je pense que les audiences d'une entreprise, ou même les audiences en sens large, le verraient tout de suite si c'était simplement une opportunité que prend l'entreprise dans un contexte donné. Si c'est authentique, si typiquement on prend le soutien aux besoins humanitaires, etc., si c'est authentique, si ça correspond avec la raison d'être, si ça correspond avec la communication d'entreprise par le passé, etc., ça fonctionne. En revanche... Si l'entreprise se sent obligée de le faire ou si ça ne correspond pas forcément à ce qu'elle a fait d'habitude ou si la communication n'est pas vraiment cohérente, ça ne marchera pas. Donc la vraie réponse, et c'est pour ça qu'on retombe sur ce qu'on disait tout à l'heure sur la raison d'être, c'est qu'il faut que ça fasse du sens, il faut que ça soit authentique pour l'entreprise et les consommateurs le verront et ils verront si ça sonne faux ou si ça sonne effectivement authentique.

  • Speaker #0

    Il y a une autre question aussi qui a plus trait à la structure des entreprises. En fait, je pense à l'exemple de Carrefour, où il y a eu un appel au boycott. Dans le cadre du conflit Israël-Palestine, parce que des filiales de Carrefour continuent leurs activités sur place, parce qu'il y a eu des rumeurs sur le fait qu'ils auraient apporté un soutien à l'armée, comment faire quand on a une position dans un pays mais on a des sous-traitants ou on a des filiales, on a peut-être moins de maîtrise sur les actions de nos magasins dans ce pays-là ? Comment est-ce qu'on s'assure de vérifier et un alignement justement des décisions et de la communication pour éviter ces situations ?

  • Speaker #1

    Alors ça nous amène à cette question sur un sujet effectivement dont on n'a pas parlé encore mais qui est capital, c'est la disinformation, misinformation, en bon français les fake news. Alors la première réponse à cette question c'est de dire 1. savoir ce qui se dit. Donc typiquement sur le sujet Carrefour, il faut être en mesure encore une fois d'avoir les capteurs pour voir passer ces histoires, voir passer ces récits et très rapidement les comprendre et pouvoir apporter une réponse. Donc 1. la maîtrise de l'analyse des discours, 2. la rédaction du message qui est de dire voilà ce dont on parle, voilà ce que j'entends sur l'entreprise. Et voilà ma réponse sur le sujet. Et le plus souvent, en fait, sur ce genre de sujet-là, c'est des fake news. Et donc, il suffit d'apporter des réponses. Après, effectivement, sur le sujet de Carrefour, c'est compliqué parce que l'entreprise n'a plus vraiment la main sur ce qui se fait localement. Donc, à part suivre ce genre, effectivement, de fake news et y apporter une réponse, il n'y a pas grand-chose à faire. À la fin, ces deux entités juridiques, l'ensemble des entreprises qui sont restées sur place, ont été nationalisées. Bon, après, on perd un peu la main sur le sujet. Je pense que le plus important, c'est vraiment toujours d'être capable de voir ces récits, de les voir et de les voir tôt. pour y apporter une réponse le plus rapidement possible. Et d'ailleurs, maintenant, on le voit, les entreprises n'hésitent plus à très rapidement rectifier le tir, même au-delà des entreprises. Si on pense au gouvernement, le gouvernement a une cellule où il voit passer les fake news, notamment d'ordre, effectivement, géopolitique, et va très rapidement rétablir la vérité, ne va pas hésiter à communiquer sur les réseaux sociaux pour dire, voilà, ça c'est une fake news qui est en train de passer, qui veut faire du tort, par exemple, au gouvernement français, etc. Voilà ce qu'il en est, et rectifier le tir tout de suite. Donc... Sur ce genre de sujet, il faut être capable de capter ces sujets très tôt et puis d'apporter une réponse rapidement pour faire la différence entre le faux et du vrai.

  • Speaker #0

    Et est-ce que tu as des exemples concrets que tu as eu à gérer ? Et même peut-être pour pouvoir te montrer la diversité des risques, est-ce que tu peux nous donner des exemples de sujets avec lesquels les clients viennent vous voir pour avoir votre aide ?

  • Speaker #1

    Oui, absolument. Alors, on a beaucoup parlé de Russie et Israël, mais il y en a plein d'autres. Le lancement de cette nouvelle ligue de golf, LEAVE, sponsorisée par l'Arabie Saoudite, de nombreuses marques se sont posées la question de ce qu'elles faisaient des contrats de partenariat qu'elles avaient avec les golfeurs qui rejoignaient cette ligue, sponsorisée par l'Arabie Saoudite, les universités américaines qui ont des manifestations sur leur campus. Tu le mentionnais un peu plus tôt, la manière dont certains dirigeants vont parler de Taïwan ou une entreprise qui va être sponsor pour une Coupe du Monde au Qatar. Voilà, tous ces sujets-là. deviennent des sujets de communication sur lesquels les entreprises doivent avoir une stratégie.

  • Speaker #0

    Et vous, quel est le niveau de conseil, d'accompagnement que vous pouvez leur reposer typiquement si on prend un exemple d'une entreprise qui se demande s'il est pertinent, s'il est opportun d'aller sponsoriser un tournoi sportif au Qatar ? Qu'est-ce que vous allez analyser ? Qu'est-ce que vous allez ensuite regarder pour l'aider à prendre sa décision ? Qu'est-ce que vous pointez comme risque ? Comment est-ce que vous pouvez l'accompagner ?

  • Speaker #1

    Alors je ne vais pas répondre sur le Qatar de manière précise, mais je vais répondre sur comment on aborderait un sujet comme celui-ci. Déjà, on en parlait plus tôt, il faut reconnaître que ce sera toujours trop ou pas assez, ce que l'entreprise va faire ou ce que l'entreprise va dire. Et donc l'enjeu, on en parlait un petit peu plus tôt, c'est de quantifier la réaction. Et ça, on peut le faire maintenant extrêmement bien avec les outils d'IA, c'est de se dire, voilà, si je prends cette décision, qu'est-ce qui va se passer ? Et aujourd'hui, on a des outils, notamment avec l'IA générative, où on peut imaginer, moduler. Avant, on aurait fait des focus groupes. Aujourd'hui, les focus groupes, on peut les faire avec de la data. C'est-à-dire qu'on peut dire à une IA, voilà le contexte, mettez-vous dans la peau de tel acteur qui sera impliqué dans ma décision. Si je prends cette décision, qu'est-ce qui pourrait se passer ? Qu'est-ce que ce type d'acteur a ? employés, une NGO, pourrait dire. Alors évidemment, on l'alimente avec les datas pour qu'ils répondent le plus pertinemment possible, mais on est capable de modéliser ça, en fait. Donc nous, notre conseil aujourd'hui, il va s'appuyer sur plusieurs aspects. Un, le conseil géopolitique pur et dur, où on a des experts qui sont des anciens de la Maison Blanche, etc., qui vont pouvoir avoir une expertise géopolitique pure ou qui travaillent dans des think tanks, etc., et qui vont nous donner cette expertise. Mais ensuite, en termes de communication, Aujourd'hui, on utilise ces outils pour imaginer ce qui pourrait se passer. Donc le scénario planning qu'on faisait auparavant, aujourd'hui on le pousse avec des focus groupes qu'on modélise grâce à la data, ce qu'on appelle les synthetic personas, les personnes synthétiques, on peut appeler ça. Et en fait, on leur envoie des signaux pour voir comment est-ce qu'eux réagiraient. Et donc ça nous permet de faire des focus groupes digitaux comme ça, et de voir comment ça pourrait aller. Alors encore une fois, c'est pas l'alpha et l'oméga, on en parlait avant, on va pas décider que sur cette base, mais ça peut nous permettre de comprendre quel serait le récit attaché à l'entreprise si elle prend telle ou telle décision. Et puis après, on accombat l'entreprise sur la décision finale. C'est-à-dire, est-ce que telle décision correspondra à vos valeurs ? Est-ce qu'elle créerait d'autres facteurs de risque ? Et de cette manière, on peut prendre des décisions informées.

  • Speaker #0

    Et j'ai une autre question sur toute cette phase de prise de décision et de savoir si l'entreprise a intérêt à y aller ou pas. Est-ce que tu prends en compte le fait que ça peut même créer une jurisprudence ? Si, par exemple, tu es une entreprise qui opère dans plusieurs pays, l'entreprise décide de stopper ses activités en Russie au début de la guerre Russie-Ukraine. Est-ce qu'il faut mesurer ce risque de se dire, ok, si je prends cette décision maintenant, je serai plus attendu sur de prochains conflits armés, et il faudra que je puisse justifier justement le deux poids deux mesures que je pourrais être amené à prendre. Si j'arrête mes activités en Russie mais que je les garde en Israël, comment est-ce que je le justifie ? Est-ce que cette question de ça va créer une jurisprudence, il faut la prendre en compte, il faut l'anticiper dès le moment où on prend la première décision ?

  • Speaker #1

    Alors on retombe sur le sujet de la cohérence et de l'authenticité. C'est-à-dire qu'effectivement, si vous êtes opportuniste, ça va se retourner à un moment. C'est là où travailler sur les valeurs de l'entreprise et vraiment les prendre en compte quand vous reprenez vos décisions va être important. Parce qu'effectivement, si vous avez ce deux poids deux mesures et que vous êtes opportuniste sur un sujet et puis vous décidez autre chose quatre mois après, vous allez forcément vous faire accrocher. Alors vous pourrez le justifier, il y aura peut-être des raisons, etc. Vous pourrez articuler un récit autour de ces décisions. Mais au bout d'un moment, la perte de cohérence va avoir un impact pour la réputation de l'entreprise.

  • Speaker #0

    Et donc en ce qui nous concerne, nous en tant que communicants, quel est le rôle, quelle est la place qu'on peut prendre dans ces situations ? Est-ce qu'on doit intervenir dès la prise de décision ? Est-ce qu'il faut que le dirigeant accepte de confier un rôle particulier aux communicants ? Parce qu'on est aussi parfois les oreilles, parce qu'on arrive à voir et à surveiller ce que disent ou ce qu'attendent les parties présentes de l'entreprise. Quel rôle on peut jouer dans ces situations ?

  • Speaker #1

    Alors aux Etats-Unis, ils ont ce concept, je trouve, qui illustre bien cette idée, qui est celui du corporate diplomate, donc le diplomate d'entreprise. qu'il y ait une nouvelle manière de voir notre rôle. C'est vrai que le communicant, pendant longtemps, a été et est toujours celui qui va faire le lien entre le monde de l'entreprise et son environnement et qui va apporter à l'entreprise des perspectives sur ce qui se passe à l'extérieur et inversement, qui va essayer d'influencer l'environnement extérieur de l'entreprise pour faire avancer les messages que veut communiquer l'entreprise. Aujourd'hui, comme les parties prenantes justement intègrent Ces acteurs géopolitiques, ce concept je trouve de corporate diplomate, diplomate d'entreprise, illustre bien ce nouveau rôle, qui est de dire, l'idée n'est plus simplement de comprendre ce que disent les consommateurs ou ce que les médias vont pouvoir dire sur un sujet, mais de voir comment les équilibres internationaux peuvent avoir un impact sur l'entreprise et sur sa réputation. Et donc c'est un nouveau rôle je pense pour les consultants d'être capables de conseiller les entreprises sur ce sujet-là. Un, leur expliquer ce qui se passe et deux, leur expliquer comment ça peut les impacter, notamment en termes de réputation, et trois, de les accompagner sur comment répondre à ces enjeux.

  • Speaker #0

    Merci beaucoup.

  • Speaker #1

    Merci à toi.

  • Speaker #0

    J'espère que cet épisode des colis de la Com'de crise vous a plu. N'hésitez pas à le partager aux personnes qui pourraient être intéressées par ce sujet. Je vous retrouve d'ici deux semaines pour un nouvel épisode. D'ici là, n'hésitez pas à me contacter sur LinkedIn si vous voulez me faire part de vos retours et de vos commentaires. À très vite !

Description

Dans un contexte géopolitique perturbé, les entreprises sont de plus en plus attendues, voire prises à partie sur ces sujets qui dépassent leur cœur d’activité.

 

Appels au boycott, name and shame, manifestations, … les attentes de l’opinion publique en la matière peuvent prendre des formes variées et entacher la réputation des entreprises.

 

Alphonse Daudré-Vignier, vice-président exécutive chez Weber Shandwick EMEA, nous livre sa grille de lecture du sujet et ses conseils pour naviguer dans ce contexte.

 

Bonne écoute !

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Pour poursuivre les discussions, me faire part de vos retours ou de vos commentaires, RDV sur LinkedIn 📩

 

Et si ce podcast vous plait, n’oubliez pas de vous abonner et de le partager autour de vous !

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👩‍💻 Je suis Clara Labbé, consultante indépendante en communication de crise.

🎙️ Dans ce podcast, j'accueille toutes les deux semaines des communicants qui partagent leur expérience en matière de communication de crise.

 

Au programme : des retours d'expérience, des conseils et bonnes pratiques, et des sujets prospectifs sur la com de crise !


Hébergé par Ausha. Visitez ausha.co/politique-de-confidentialite pour plus d'informations.

Transcription

  • Speaker #0

    Bonjour à tous, je suis Claire Alabet et je suis très contente de vous retrouver dans ce nouvel épisode des coulisses de la Com'de Cribs. Aujourd'hui, on va s'intéresser à la communication des entreprises dans un contexte de turbulence géopolitique. Alors, il y a beaucoup à dire sur ce sujet et je suis ravie d'avoir Alphonse Daudré-Vigny à mes côtés pour pouvoir en discuter. Bonne écoute ! Bonjour Alphonse, ravie de t'accueillir dans le podcast. Donc Alphonse, toi tu es vice-président exécutif chez Weber Sandwick IMEA. Tu as rejoint l'agence en 2014 et avant ça tu avais évolué dans d'autres agences et chez l'annonceur, notamment chez Ardian en France, Anophio au Mexique et BNP Paribas en Suisse. Et aujourd'hui, dans ton portefeuille chez Weber, tu as les sujets du corporate au sens large. Ça inclut à la fois la com'de crise typiquement, mais aussi justement le conseil des clients de l'agence autour des sujets de géopolitique et de réputation, sujets qui nous intéressent aujourd'hui. On le voit ces dernières années avec le contexte géopolitique extrêmement sensible dans lequel on évolue. Les entreprises sont de plus en plus attendues, voire même prises à partie. Le silence des dirigeants n'est plus accepté par les publics. On se rend compte qu'on ne peut plus s'abriter derrière la neutralité d'acteurs économiques. Et ça donne lieu à des situations complexes pour les entreprises qui peuvent avoir des impacts sérieux sur la réputation. On a plein d'exemples avec la guerre en Ukraine qui a poussé les entreprises à rapidement se positionner sur le retrait ou non de leurs activités en Russie. Plus récemment, le conflit en Israël, des sujets qui dépassent largement le cœur d'activité des entreprises visées et qui ne sont pas si simples à trancher, parce qu'il ne faut pas non plus être naïf, ça reste des acteurs économiques. Donc il y a des implications à ces décisions et typiquement une entreprise qui décide de stopper ses activités dans un pays, elle va mettre ses salariés au chômage et renoncer à un chiffre d'affaires. Donc ça ne se décide pas aussi facilement que ça. Alors on voit qu'aujourd'hui, cette question de la récemmentité des entreprises sur les sujets géopolitiques est exacerbée, ce n'est pas nouveau en soi. On avait déjà avant des entreprises qui étaient interpellées, mais peut-être de manière plus individuelle. Je pense à la farge en Syrie. Donc, ce n'est pas des sujets qui sont nouveaux. Mais aujourd'hui, on voit que c'est exacerbé, que les entreprises sont de plus en plus même interrogées directement par les médias sur leur position. Selon toi, à quoi c'est lié ? Qu'est-ce qui fait qu'aujourd'hui, c'est un vrai sujet et auquel les entreprises doivent forcément s'attendre et doivent anticiper ?

  • Speaker #1

    Alors, il y a les tendances de fond où vraiment on est dans un nouveau monde. Donc, on sort du... On sort du multilatéralisme, on est dans des logiques de déglobalisation à l'échelle macro. Au niveau national, on a une polarisation à l'extrême. Au niveau politique, tout ça est renforcé par l'activisme sur les réseaux sociaux. Et en fait, les entreprises se retrouvent au milieu de ça. Elles se retrouvent prises par ces intérêts contradictoires et les médias l'ont bien compris et leur posent des questions sur cette chaîne de valeur. Typiquement, vous êtes dans l'automobile électrique aujourd'hui, la concurrence chinoise, les chaînes de valeur, etc. Les médias ont bien compris ce dont il était question et vont... voir les entreprises pour leur poser ces questions-là. Alors aujourd'hui, c'est exacerbé sur des sujets qu'on connaît comme la Russie et l'Ukraine, mais il y a également les logiques d'AIP en Chine, les sujets des droits de l'homme en Arabie Saoudite. Et donc, tout ça crée un contexte difficile pour les entreprises, sachant qu'on a d'autres facteurs exacerbants, comme par exemple cette année, la moitié de la population qui va voter. Donc là, le sujet politique revient vraiment au devant de la scène.

  • Speaker #0

    Et typiquement, comment est-ce qu'on peut anticiper ce risque géopolitique si on veut s'y préparer ? Parce que ce n'est pas le cœur d'activité d'une entreprise à la base, on le rappelle. Donc comment est-ce qu'elles peuvent se préparer à ça ?

  • Speaker #1

    Alors là, on reprend nos réflexes de communicants et de monitoring en fait. C'est-à-dire qu'il faut avoir des capteurs sur les différents sujets. Donc une fois qu'on a pris conscience de l'importance du sujet, il faut être capable d'avoir des capteurs qui vont regarder l'évolution de la situation dans différents pays, sur différents sujets. Donc évidemment... Il faut avoir fait en amont une cartographie des risques, c'est-à-dire qu'une entreprise qui est internationale, qui a des chaînes de valeur mondiales, fera le suivi de la situation politique dans les différents pays et de la manière dont ils vont évoluer. On peut penser au secteur de l'énergie par exemple, qui fait ça très bien depuis très longtemps, enfin du moins qui a bien compris les enjeux. Donc il faut avoir les capteurs et puis aujourd'hui les choses ont un petit peu changé, c'est-à-dire qu'avec la data on est capable de comprendre l'état des conversations. dans différents pays, à différents endroits, et de suivre comment est-ce que les choses évoluent. Typiquement, si on reprend l'exemple de la Russie que tu évoquais, évidemment on a des capteurs sur ce qui se passe géopolitiquement dans le pays, mais on est aussi capable aujourd'hui, grâce à la data, de capturer très rapidement l'état des conversations sur le sujet, et de comprendre dans quelle mesure une entreprise donnée est impliquée, ce qu'on dit d'elle, et tous les récits qui vont se créer autour d'elle dans ce contexte.

  • Speaker #0

    Et justement, si on reste sur l'exemple de la Russie, parce qu'il a été largement commenté, donc il y a pas mal de matière, on a vu qu'il y a des entreprises qui, assez rapidement, ont décidé d'arrêter, de stopper leur activité dans le pays, ou au moins de manière temporaire, lors de la première annonce. Il y en a qui ont attendu que l'opinion publique s'exprime sur le sujet. Il y a eu certains appels au boycott. On a ensuite eu même un name and shame de la part de dirigeants ukrainiens. À quel moment prendre ces décisions ? Est-ce qu'on attend ? d'être accusé ? Est-ce qu'on fait un pari sur l'avenir et on prend une décision plus tôt que ça ? C'est compliqué d'aller saisir le bon moment. Qu'est-ce que toi, tu conseilles dans ces cas-là ?

  • Speaker #1

    Oui, c'est comme dans les situations de crise de manière générale, et ça reprend certains des points que les intervenants qui étaient à ma place précédemment dans le podcast avaient mis en avant, c'est-à-dire qu'il faut prendre en compte une multitude de paramètres pour savoir si on est, toujours la grande question, réactif, proactif, etc. Et donc là, il y a plusieurs paramètres qui vont entrer en jeu. Déjà, la raison d'être de l'entreprise. Je pense que maintenant, c'est établi que suivre les valeurs de l'entreprise pour prendre des décisions, ça va être fondamental. Et on a vu des entreprises qui changeaient de direction à mi-chemin, vraiment se faire accrocher. Donc, il faut se demander quelles sont mes valeurs et comment est-ce que je les suis dans les décisions que je veux prendre. Ça, c'est fondamental. La deuxième, c'est effectivement de reconnaître que la situation ne va pas être la même en fonction des industries. Si on prend le cas de la Russie, on ne peut pas comparer une entreprise pharmaceutique qui va livrer des produits de première nécessité avec le secteur du luxe. Donc, déjà, comprendre. Quels vont être les impacts en fonction de l'industrie ? Il y a aussi la structure de l'entreprise. On peut imaginer par exemple le cas d'entreprise dont les employés sont actionnaires. Si demain on ferme une activité, c'est pas seulement un chiffre d'affaires qui va diminuer, mais il va également y avoir des impacts pour les employés eux-mêmes. Et puis la présence internationale, c'est-à-dire aujourd'hui je ferme un territoire, quel poids est-ce qu'il a dans mon chiffre d'affaires, etc. Donc la première chose, c'est vraiment de prendre en compte l'ensemble de ces paramètres, la fidélité à ses valeurs, l'empreinte territoriale, la structure du capital, etc. Et en fonction de ça, finalement, la décision va s'imposer. Et puis, comme communicant, on va toujours garder en tête de voir quels sont les récits qui vont être bâtis autour de l'entreprise dans ce contexte-là, donc de suivre ce qui se dit. de voir comment l'entreprise est vue dans ce contexte. Et ça va être aussi un paramètre qu'on va prendre en compte. Mais bon, comme d'habitude, c'est toujours pas la même réponse à cette question. Il y a une multitude de paramètres. Et en fait, il faut juste s'assurer de bien les prendre en compte pour avoir une décision informée.

  • Speaker #0

    Et justement, à partir du moment où tu as pris ta décision et donc l'entreprise va communiquer, comment faire et qu'est-ce qu'il faut prendre en considération pour pouvoir apporter une réponse unique au niveau mondial si on est une entreprise implantée un peu partout dans le monde ? Parce qu'on sait que la sensibilité va être différente selon les pays. Même prise de position ne sera pas perçue de la même façon qu'on soit aux Etats-Unis, en France, en Chine, en Arabie Saoudite. Donc comment est-ce qu'on peut composer avec ça ?

  • Speaker #1

    Oui, c'est le fameux, c'est un sujet qui revient régulièrement par exemple au moment de ce qui est Pride Month, où on va voir des photos de profils sur les comptes de réseaux sociaux d'entreprises qui ne seront pas les mêmes, en fonction des pays, avec certains qui n'hésiteront pas à afficher le drapeau LGBT, d'autres qui le feront peut-être un peu moins. parce qu'il y aura plus de sensibilité dans un territoire donné. Je pense que ce qui est important, c'est la cohérence. À partir du moment où on la perd, c'est là où on se met à risque. Donc la réponse, généralement, dans ce sens-là, sur cette question-là, c'est vraiment de garder une cohérence d'ensemble, parce que dès qu'on a une petite brèche dans cette cohérence, c'est là, généralement, que le risque s'engouffre.

  • Speaker #0

    Et on sait que prendre la parole sur ces sujets, c'est pas sans risque. Typiquement une entreprise qui va spontanément s'exprimer pour condamner une guerre, un conflit, dénoncer l'horreur, prendre le parti des victimes. C'est une réaction qui peut sembler spontanément naturelle et nécessaire. Mais in fine, ça revient à prendre position dans des conflits qui sont parfois plus compliqués que ça. Si on prend l'attaque du Hamas en Israël, dénoncer l'horreur dans un premier temps, ça a pu être vu comme un soutien à Israël et critiqué. Et après, on a vu certains appels au boycott typiquement. Et donc, ce qui est compliqué ici, c'est que les attentes des publics divergent. Et... Si on prend le dernier Trust Barometer de Edelman, on voit qu'un tiers des consommateurs qui sont interrogés indiquent être prêts à boycotter une marque qui prendrait position pour l'un ou l'autre des deux camps du conflit israélo-palestinien. Et en face, on a aussi des publics qui attendent que l'entreprise prenne position assez fermement, parfois qu'elle arrête ses activités dans le pays. Donc comment est-ce qu'on peut répondre à cette attente d'une partie des consommateurs, qui est pour une prise de position, et l'autre qui refuse que l'entreprise aille sur ce terrain-là ? Comment est-ce qu'on navigue avec ça ?

  • Speaker #1

    Alors là, je pense que la data a vraiment son importance, parce que la réponse à cette question, c'est de pouvoir comprendre ce qui se passe. On a un boycott, bon très bien, mais est-ce que ça fait beaucoup de bruit médiatique ? Est-ce qu'il y a un impact sur les ventes ? Souvent, on entend parler de boycott, mais il n'y a peut-être aucun impact ou un impact faible sur les ventes, sur les chiffres d'affaires. Donc sur ces questions-là, la réponse se trouve la plupart du temps dans l'analyse, qui est devenue beaucoup plus simple à effectuer maintenant, parce qu'on a beaucoup plus de points de data et de manières de les analyser. Donc la bonne réponse, je pense, c'est vraiment de... bien comprendre ce qu'on a entre les mains, ce à quoi on fait face et de prendre sa décision en fonction. Un appel au boycott va peut-être faire énormément de bruit de la part de certains acteurs sur les réseaux sociaux. Vous mettez un peu d'analyse là-dessus et vous vous rendez compte que c'est un groupe de parties prenantes qui se parlent entre eux, qui vit dans une bulle, leur message n'atteint pas votre cœur de cible de consommateur. Finalement, vous allez simplement être réactif si jamais on va vous poser la question sur le sujet, mais aller commenter proactivement ce sujet-là va plutôt... présenter davantage de risques que laisser certains acteurs parler tout seuls dans leurs bulles. Je pense que la bonne réponse à cette question c'est vraiment de comprendre est-ce que j'ai vraiment un problème, de quelle taille, avec qui ? Et assez souvent en fait on se rend compte que sur ces sujets de boycott ou autre, du moins à l'heure actuelle, en fait on est sur des bulles qui parlent entre elles et dont le message généralement ne va pas s'étendre à notre cœur de cible et aura moins d'impact que ce qu'on peut penser quand on va voir un post sur les réseaux sociaux. On a souvent des appels de dirigeants qui, effectivement, voient passer des choses, voient passer des messages, et se disent là, oh là, qu'est-ce qui se passe ? Et en fait, quand on revient et qu'on donne un aperçu de la situation, on se rend compte que le problème n'en était pas un, en fait.

  • Speaker #0

    Ce que tu me dis, ça me fait réagir sur deux points. Donc, je comprends l'importance de s'appuyer sur la data, et ça semble en effet assez logique pour pouvoir aller prendre une décision réfléchie. Si on attend de collecter cette data, il nous faut un certain temps pour voir comment ça prend, comment ça se transforme en action. Si en effet, on voit une baisse d'achat en magasin concrète après un appel au boycott, comment est-ce qu'on fait alors qu'on a tendance à conseiller d'être proactif dans notre communication, de ne pas attendre d'être accusé, de prendre les devants ? Comment est-ce que tu conjugues justement ce temps de récolte de la data pour pouvoir prendre une décision réfléchie et cette nécessité d'avoir une communication assez rapide ? Alors,

  • Speaker #1

    comme souvent dans la communication de crise, en fait, il faut y penser avant. C'est-à-dire que normalement, l'entreprise aura précédemment réfléchi aux risques qui pourraient exister pour elle. Elle aura déjà les capteurs en place et en fait, elle va voir les signaux faibles assez rapidement. Et l'idée, c'est d'essayer d'éviter de réagir a posteriori une fois que l'appel au boycott est là, mais de le voir venir. C'est-à-dire d'avoir les capteurs pour voir que le récit autour de l'entreprise va changer, que des nouveaux messages... vont apparaître, etc. et de prendre les décisions au fur et à mesure. Et aujourd'hui, c'est vrai qu'on a des outils qui permettent d'aller extrêmement rapidement et de voir quasiment en temps réel le récit attaché à l'entreprise sur certains sujets. Donc typiquement, la réponse à cette question, c'est de dire que normalement, l'entreprise a déjà une infrastructure en place qui lui permet d'analyser les récits qui lui sont associés, de voir venir ses signaux faibles et d'anticiper les scénarios, c'est-à-dire ensuite se projeter, de se dire, ok, dans ces fameux scénarios planning dont on a tous l'habitude en communication de crise, qui est de se dire, voilà... J'ai ce signal, comment va-t-il évoluer ? Soit, mettons, c'est un appel au boycott, bon, il va s'arrêter là. Soit, il va s'étendre, et s'il s'étend jusqu'à tel critère, voilà ce que je peux faire. Si ça va encore plus loin, voilà ce que je peux faire. Et en fait, d'anticiper et de mettre à jour les scénarios en fonction de l'évolution de la situation.

  • Speaker #0

    Et par rapport à l'analyse des datas, de la réaction des publics, que ce soit d'un appel au boycott ou autre, pour prendre sa décision, j'ai une autre question aussi, c'est que si tu te bases là-dessus, Pour décider d'arrêter des activités, de changer ou que sais-je, on est en contradiction avec un de tes premiers conseils qui est de dire qu'il faut suivre la raison d'être de l'entreprise et que c'est ça qui doit guider nos actions. Est-ce que finalement on suit nos valeurs, notre raison d'être ou est-ce qu'on attend de voir comment c'est perçu par le public ?

  • Speaker #1

    En fait, l'un forme l'autre. C'est-à-dire que la raison d'être de l'entreprise, c'est ce qui va à la fin nous guider dans notre décision et dans notre message. Ce qui va guider la réponse, un, la réponse commerciale et la manière dont on va articuler la communication. Suivre l'évolution de la discussion, du récit autour d'une entreprise, c'est pas l'alpha et l'oméga de tout, c'est-à-dire qu'on va pas aller dans une direction ou une autre en fonction de ce qu'on entend, c'est plutôt ça va nous informer et ensuite on va regarder ça à l'aune de la valeur de l'entreprise et de tous les paramètres que j'avais mentionnés avant pour ensuite prendre une décision. Je pense que la question des valeurs c'est plus de se dire qu'être totalement opportuniste, donc justement pour reprendre ce que tu disais, vraiment prendre des décisions au fil de l'eau en fonction de ce qui se discute publiquement, les différents récits autour de l'entreprise, Ça a son niveau de risque parce que ça va nous emmener à prendre une décision un jour et puis une décision inverse l'autre. Donc c'est là où j'insiste vraiment sur la question de la raison d'être et des valeurs qui vont être la boussole de l'entreprise à long terme. Et donc c'est pour ça qu'il faut vraiment toujours les avoir en tête parce que c'est ce qu'on veut communiquer, c'est-à-dire la raison d'être de l'entreprise, sa direction, et montrer qu'on analyse ces situations qui se présentent à nous en fonction de la raison d'être de l'entreprise. Et après, la data, toutes les analyses dont on dispose vont nous permettre de prendre des décisions plus informées. mais elles ne sont que des points d'analyse qui nous aident dans ces décisions.

  • Speaker #0

    Et à partir du moment justement où on décide de se prendre la parole, va se poser la question de comment le faire au mieux ? Parce que quelle que soit la réponse apportée, on s'expose au risque d'offenser des salariés, des clients, ou sinon de paraître indifférent, on peut aussi être accusé de warwashing. Donc comment est-ce que toi, tu mesures ces risques-là à partir du moment où l'entreprise décide de prendre la parole ? Comment est-ce que tu lui conseilles de faire ? Peut-être faire de la pédagogie sur la décision, faire preuve de transparence, l'humilité face à un sujet qui nous dépasse. Qu'est-ce que toi tu conseilles ensuite sur la manière de prendre la parole sur ce sujet ?

  • Speaker #1

    Alors effectivement, il y a plusieurs points. Sur l'idée d'offenser, je pense qu'il faut se faire l'idée qu'on offensera toujours quelqu'un. Donc ça déjà, il faut le prendre pour acquis. Il y aura toujours une partie prenante qui ne sera pas d'accord avec la décision qu'on aura prise ou la manière de la communiquer. Sur les employés, c'est capital, je dirais. Ça commence de plus en plus par les employés d'articuler ce message en interne. la situation la plus compliquée à gérer serait quand justement on aura un message différent entre l'interne et l'externe. Donc, articuler un message déjà qu'on partage aux employés, je pense, est capital. Et ensuite, pour reprendre ta question de comment est-ce qu'on essaye de gérer ces parties prenantes différentes, de comprendre le poids de chacune. Et c'est là où on reprend nos réflexes d'analyse des parties prenantes et de stakeholder mapping, c'est de se dire sur ce sujet-là, qui est la partie prenante la plus importante ? C'est-à-dire que, si on reprend l'exemple de la Russie, qui sont mes stakeholders les plus importants sur ce sujet-là ? Finalement, quand les sanctions tombent, par exemple, ce n'est même plus un sujet. C'est-à-dire que le régulateur interdit l'activité sur un territoire donné, la question ne se pose plus. Donc, je pense que c'est sur chaque sujet bien comprendre qui sont les parties prenantes, quels sont leurs poids, et d'adapter la communication en fonction de ça auprès de chacune.

  • Speaker #0

    Ça marche. Et est-ce que tu as en tête des exemples d'entreprises qui auraient pris la parole dans ces contextes-là, que tu aurais conseillé ou non, et qui sont des bons exemples, on peut dire, en matière de prise de parole, de communication, ou au contraire, des choses qui ont pu être améliorées ? Est-ce que tu as des exemples concrets à nous partager ?

  • Speaker #1

    Alors, en termes de bons exemples et exemples un petit peu moins bons, je pense qu'une tendance qui est assez intéressante, c'est de se rendre compte qu'avec le Covid, les entreprises ont pris un petit peu plus l'habitude de communiquer. Puis ensuite, le sujet Russie est arrivé, où d'eux-mêmes, elles ont été beaucoup sollicitées, et c'était un sujet assez manichéen. Et donc, finalement, en termes de communication, pas si compliqué à gérer. C'est-à-dire que, bon, d'un moment, soit vous avez des produits essentiels, vous restez, vous arrivez à être justifiés. Soit vous n'en avez pas, vous sortez et de toute façon, vous n'avez pas vraiment le choix. Donc la communication s'articule autour de ça. Là où ça a été assez intéressant, c'est qu'on a vu beaucoup d'entreprises essayer d'appliquer le schéma qu'elles avaient développé autour du conflit Russie-Ukraine sur la guerre en Israël. Et là, ça s'est révélé beaucoup plus compliqué, notamment quand vous avez des audiences qui ont des attentes différentes, par exemple, entre les États-Unis et l'Europe. Et les entreprises se sont un petit peu pris les pieds dedans parce qu'elles avaient, je vais dire, pris l'habitude ou elles étaient un petit peu plus à l'aise de communiquer sur ces sujets politiques dans le contexte russe. Ça a été beaucoup plus compliqué sur le sujet Israël-Palestine. En fait, c'est là où ça dépend vraiment de l'entreprise. C'est-à-dire qu'on a pu voir des chefs d'entreprise aux États-Unis pour qui ce n'était même pas une question de ne pas communiquer. Donc, immédiatement, au début de la guerre, on fait leur post LinkedIn. Je pense qu'ils n'y ont même pas réfléchi. Ça semblait naturel pour eux. Et d'autres pour qui ça correspond peut-être beaucoup moins. Enfin, l'entreprise a une valeur ou une présence géographique, etc. qui les rend peut-être moins proches. de ces sujets-là et qui ne se sont pas exprimés. Donc en fait, on retombe sur qui est l'entreprise, quelles sont ses valeurs, quelle est son empreinte géographique, où sont situés ses employés, et de décider en fonction de ça.

  • Speaker #0

    Et tu cites justement des dirigeants qui ont assez spontanément fait un post sur LinkedIn pour exprimer leur position personnelle. Je pense que c'est intéressant de venir sur ce terrain parce qu'on voit parfois que ça va être un dirigeant qui va prendre la parole sur un sujet qu'il a à cœur de défendre. Et finalement, ça va venir embarquer toute l'entreprise, parce que le dirigeant représente l'entreprise, donc prise de parole du dirigeant implique toute l'entreprise. Est-ce que ça, tu penses qu'à chaque fois c'est anticipé, on se rend compte de la mesure que ça va prendre ? Ou est-ce que tu as des exemples où finalement l'entreprise a dû rétro-pédaler, ou en tout cas balancer un petit peu le discours suite à une prise de parole d'un dirigeant qui n'était pas préparé ?

  • Speaker #1

    Alors je n'en ai pas vu personnellement chez des entreprises qu'on conseille. En revanche, je sais qu'aux Etats-Unis, effectivement... Il y a eu toute une salve de prises de parole de dirigeants américains au début du conflit Israël-Palestine. En revanche, ce qui était intéressant, c'est que le ton du message, et je pense que c'était des dirigeants qui vraiment sentaient qu'ils avaient besoin de communiquer de manière personnelle. De ce que j'ai vu, alors ces dirigeants-là ont communiqué, leur entreprise a moins communiqué sur le sujet par ailleurs, mais le ton de leur communication sur LinkedIn notamment, montrait bien qu'ils s'exprimaient à titre personnel. Et je pense qu'on sentait que... Merci. limite fine, mais on sentait effectivement qu'ils s'engageaient à titre personnel et qu'ils s'engageaient moins à l'entreprise. Du fait du ton qu'ils avaient employé, des mots qu'ils avaient employé, c'était pas une prise de parole corporate, et donc je pense que toute personne qui lisait ce message sentait que le dirigeant n'embarquait pas l'entreprise avec elle. Alors d'habitude c'est pas le cas, parce qu'effectivement chaque prise de parole du dirigeant est scrutée, etc. Mais là, je pense que ça venait tellement du cœur, où ça leur paraissait tellement évident de devoir s'exprimer sur le sujet, notamment par leur histoire personnelle ou autre, qu'on a vu en fait cette dissociation. Mais en revanche... La tendance, c'est qu'effectivement, après cette première salle de communication sur le sujet, de la part de dirigeants notamment plutôt américains, on n'a plus vraiment vu leurs entreprises s'exprimer sur le sujet. Donc de manière générale, il y a eu beaucoup moins de prise de parole sur ce sujet-là. Et après, il y a encore une différence entre les États-Unis et l'Europe, où la vision du conflit n'est pas du tout la même, et du coup, ça implique une communication complètement différente.

  • Speaker #0

    Et au-delà des entreprises qui sont directement concernées, parce qu'elles vont annoncer des décisions comme le retrait de leur activité du pays, À quel moment il va être opportun, voire nécessaire pour une entreprise, de prendre la parole dans ces contextes ? Est-ce qu'à moins d'être directement impliqué, le reste du temps, il vaut mieux éviter en se disant qu'il n'y a que des coups à prendre ? Parce que, par exemple, hors entreprise impliquée, au début de la guerre Russie-Ukraine, on a vu pas mal d'entreprises qui communiquaient sur leurs engagements, le soutien qu'ils apportaient au peuple ukrainien, des dons matériels ou financiers qui étaient effectués alors qu'ils n'étaient pas directement concernés. Sur ce conflit où en effet... C'est perçu comme assez manichéen, ce n'est pas une grosse prise de risque, mais est-ce que c'est leur rôle de communiquer là-dessus ? Quel est le risque et dans quelle situation on peut le faire ? Justement, la différence est assez fine. Je peux le faire sur Russie et Ukraine, par contre sur Israël et Palestine, ça va être plus compliqué. Est-ce que dans ces cas-là, il ne vaut mieux pas garder le silence ?

  • Speaker #1

    Ah effectivement, c'est une vraie question, la limite est fine. La vraie réponse, c'est l'authenticité. C'est-à-dire qu'il faut que la réponse soit authentique. Je pense que les audiences d'une entreprise, ou même les audiences en sens large, le verraient tout de suite si c'était simplement une opportunité que prend l'entreprise dans un contexte donné. Si c'est authentique, si typiquement on prend le soutien aux besoins humanitaires, etc., si c'est authentique, si ça correspond avec la raison d'être, si ça correspond avec la communication d'entreprise par le passé, etc., ça fonctionne. En revanche... Si l'entreprise se sent obligée de le faire ou si ça ne correspond pas forcément à ce qu'elle a fait d'habitude ou si la communication n'est pas vraiment cohérente, ça ne marchera pas. Donc la vraie réponse, et c'est pour ça qu'on retombe sur ce qu'on disait tout à l'heure sur la raison d'être, c'est qu'il faut que ça fasse du sens, il faut que ça soit authentique pour l'entreprise et les consommateurs le verront et ils verront si ça sonne faux ou si ça sonne effectivement authentique.

  • Speaker #0

    Il y a une autre question aussi qui a plus trait à la structure des entreprises. En fait, je pense à l'exemple de Carrefour, où il y a eu un appel au boycott. Dans le cadre du conflit Israël-Palestine, parce que des filiales de Carrefour continuent leurs activités sur place, parce qu'il y a eu des rumeurs sur le fait qu'ils auraient apporté un soutien à l'armée, comment faire quand on a une position dans un pays mais on a des sous-traitants ou on a des filiales, on a peut-être moins de maîtrise sur les actions de nos magasins dans ce pays-là ? Comment est-ce qu'on s'assure de vérifier et un alignement justement des décisions et de la communication pour éviter ces situations ?

  • Speaker #1

    Alors ça nous amène à cette question sur un sujet effectivement dont on n'a pas parlé encore mais qui est capital, c'est la disinformation, misinformation, en bon français les fake news. Alors la première réponse à cette question c'est de dire 1. savoir ce qui se dit. Donc typiquement sur le sujet Carrefour, il faut être en mesure encore une fois d'avoir les capteurs pour voir passer ces histoires, voir passer ces récits et très rapidement les comprendre et pouvoir apporter une réponse. Donc 1. la maîtrise de l'analyse des discours, 2. la rédaction du message qui est de dire voilà ce dont on parle, voilà ce que j'entends sur l'entreprise. Et voilà ma réponse sur le sujet. Et le plus souvent, en fait, sur ce genre de sujet-là, c'est des fake news. Et donc, il suffit d'apporter des réponses. Après, effectivement, sur le sujet de Carrefour, c'est compliqué parce que l'entreprise n'a plus vraiment la main sur ce qui se fait localement. Donc, à part suivre ce genre, effectivement, de fake news et y apporter une réponse, il n'y a pas grand-chose à faire. À la fin, ces deux entités juridiques, l'ensemble des entreprises qui sont restées sur place, ont été nationalisées. Bon, après, on perd un peu la main sur le sujet. Je pense que le plus important, c'est vraiment toujours d'être capable de voir ces récits, de les voir et de les voir tôt. pour y apporter une réponse le plus rapidement possible. Et d'ailleurs, maintenant, on le voit, les entreprises n'hésitent plus à très rapidement rectifier le tir, même au-delà des entreprises. Si on pense au gouvernement, le gouvernement a une cellule où il voit passer les fake news, notamment d'ordre, effectivement, géopolitique, et va très rapidement rétablir la vérité, ne va pas hésiter à communiquer sur les réseaux sociaux pour dire, voilà, ça c'est une fake news qui est en train de passer, qui veut faire du tort, par exemple, au gouvernement français, etc. Voilà ce qu'il en est, et rectifier le tir tout de suite. Donc... Sur ce genre de sujet, il faut être capable de capter ces sujets très tôt et puis d'apporter une réponse rapidement pour faire la différence entre le faux et du vrai.

  • Speaker #0

    Et est-ce que tu as des exemples concrets que tu as eu à gérer ? Et même peut-être pour pouvoir te montrer la diversité des risques, est-ce que tu peux nous donner des exemples de sujets avec lesquels les clients viennent vous voir pour avoir votre aide ?

  • Speaker #1

    Oui, absolument. Alors, on a beaucoup parlé de Russie et Israël, mais il y en a plein d'autres. Le lancement de cette nouvelle ligue de golf, LEAVE, sponsorisée par l'Arabie Saoudite, de nombreuses marques se sont posées la question de ce qu'elles faisaient des contrats de partenariat qu'elles avaient avec les golfeurs qui rejoignaient cette ligue, sponsorisée par l'Arabie Saoudite, les universités américaines qui ont des manifestations sur leur campus. Tu le mentionnais un peu plus tôt, la manière dont certains dirigeants vont parler de Taïwan ou une entreprise qui va être sponsor pour une Coupe du Monde au Qatar. Voilà, tous ces sujets-là. deviennent des sujets de communication sur lesquels les entreprises doivent avoir une stratégie.

  • Speaker #0

    Et vous, quel est le niveau de conseil, d'accompagnement que vous pouvez leur reposer typiquement si on prend un exemple d'une entreprise qui se demande s'il est pertinent, s'il est opportun d'aller sponsoriser un tournoi sportif au Qatar ? Qu'est-ce que vous allez analyser ? Qu'est-ce que vous allez ensuite regarder pour l'aider à prendre sa décision ? Qu'est-ce que vous pointez comme risque ? Comment est-ce que vous pouvez l'accompagner ?

  • Speaker #1

    Alors je ne vais pas répondre sur le Qatar de manière précise, mais je vais répondre sur comment on aborderait un sujet comme celui-ci. Déjà, on en parlait plus tôt, il faut reconnaître que ce sera toujours trop ou pas assez, ce que l'entreprise va faire ou ce que l'entreprise va dire. Et donc l'enjeu, on en parlait un petit peu plus tôt, c'est de quantifier la réaction. Et ça, on peut le faire maintenant extrêmement bien avec les outils d'IA, c'est de se dire, voilà, si je prends cette décision, qu'est-ce qui va se passer ? Et aujourd'hui, on a des outils, notamment avec l'IA générative, où on peut imaginer, moduler. Avant, on aurait fait des focus groupes. Aujourd'hui, les focus groupes, on peut les faire avec de la data. C'est-à-dire qu'on peut dire à une IA, voilà le contexte, mettez-vous dans la peau de tel acteur qui sera impliqué dans ma décision. Si je prends cette décision, qu'est-ce qui pourrait se passer ? Qu'est-ce que ce type d'acteur a ? employés, une NGO, pourrait dire. Alors évidemment, on l'alimente avec les datas pour qu'ils répondent le plus pertinemment possible, mais on est capable de modéliser ça, en fait. Donc nous, notre conseil aujourd'hui, il va s'appuyer sur plusieurs aspects. Un, le conseil géopolitique pur et dur, où on a des experts qui sont des anciens de la Maison Blanche, etc., qui vont pouvoir avoir une expertise géopolitique pure ou qui travaillent dans des think tanks, etc., et qui vont nous donner cette expertise. Mais ensuite, en termes de communication, Aujourd'hui, on utilise ces outils pour imaginer ce qui pourrait se passer. Donc le scénario planning qu'on faisait auparavant, aujourd'hui on le pousse avec des focus groupes qu'on modélise grâce à la data, ce qu'on appelle les synthetic personas, les personnes synthétiques, on peut appeler ça. Et en fait, on leur envoie des signaux pour voir comment est-ce qu'eux réagiraient. Et donc ça nous permet de faire des focus groupes digitaux comme ça, et de voir comment ça pourrait aller. Alors encore une fois, c'est pas l'alpha et l'oméga, on en parlait avant, on va pas décider que sur cette base, mais ça peut nous permettre de comprendre quel serait le récit attaché à l'entreprise si elle prend telle ou telle décision. Et puis après, on accombat l'entreprise sur la décision finale. C'est-à-dire, est-ce que telle décision correspondra à vos valeurs ? Est-ce qu'elle créerait d'autres facteurs de risque ? Et de cette manière, on peut prendre des décisions informées.

  • Speaker #0

    Et j'ai une autre question sur toute cette phase de prise de décision et de savoir si l'entreprise a intérêt à y aller ou pas. Est-ce que tu prends en compte le fait que ça peut même créer une jurisprudence ? Si, par exemple, tu es une entreprise qui opère dans plusieurs pays, l'entreprise décide de stopper ses activités en Russie au début de la guerre Russie-Ukraine. Est-ce qu'il faut mesurer ce risque de se dire, ok, si je prends cette décision maintenant, je serai plus attendu sur de prochains conflits armés, et il faudra que je puisse justifier justement le deux poids deux mesures que je pourrais être amené à prendre. Si j'arrête mes activités en Russie mais que je les garde en Israël, comment est-ce que je le justifie ? Est-ce que cette question de ça va créer une jurisprudence, il faut la prendre en compte, il faut l'anticiper dès le moment où on prend la première décision ?

  • Speaker #1

    Alors on retombe sur le sujet de la cohérence et de l'authenticité. C'est-à-dire qu'effectivement, si vous êtes opportuniste, ça va se retourner à un moment. C'est là où travailler sur les valeurs de l'entreprise et vraiment les prendre en compte quand vous reprenez vos décisions va être important. Parce qu'effectivement, si vous avez ce deux poids deux mesures et que vous êtes opportuniste sur un sujet et puis vous décidez autre chose quatre mois après, vous allez forcément vous faire accrocher. Alors vous pourrez le justifier, il y aura peut-être des raisons, etc. Vous pourrez articuler un récit autour de ces décisions. Mais au bout d'un moment, la perte de cohérence va avoir un impact pour la réputation de l'entreprise.

  • Speaker #0

    Et donc en ce qui nous concerne, nous en tant que communicants, quel est le rôle, quelle est la place qu'on peut prendre dans ces situations ? Est-ce qu'on doit intervenir dès la prise de décision ? Est-ce qu'il faut que le dirigeant accepte de confier un rôle particulier aux communicants ? Parce qu'on est aussi parfois les oreilles, parce qu'on arrive à voir et à surveiller ce que disent ou ce qu'attendent les parties présentes de l'entreprise. Quel rôle on peut jouer dans ces situations ?

  • Speaker #1

    Alors aux Etats-Unis, ils ont ce concept, je trouve, qui illustre bien cette idée, qui est celui du corporate diplomate, donc le diplomate d'entreprise. qu'il y ait une nouvelle manière de voir notre rôle. C'est vrai que le communicant, pendant longtemps, a été et est toujours celui qui va faire le lien entre le monde de l'entreprise et son environnement et qui va apporter à l'entreprise des perspectives sur ce qui se passe à l'extérieur et inversement, qui va essayer d'influencer l'environnement extérieur de l'entreprise pour faire avancer les messages que veut communiquer l'entreprise. Aujourd'hui, comme les parties prenantes justement intègrent Ces acteurs géopolitiques, ce concept je trouve de corporate diplomate, diplomate d'entreprise, illustre bien ce nouveau rôle, qui est de dire, l'idée n'est plus simplement de comprendre ce que disent les consommateurs ou ce que les médias vont pouvoir dire sur un sujet, mais de voir comment les équilibres internationaux peuvent avoir un impact sur l'entreprise et sur sa réputation. Et donc c'est un nouveau rôle je pense pour les consultants d'être capables de conseiller les entreprises sur ce sujet-là. Un, leur expliquer ce qui se passe et deux, leur expliquer comment ça peut les impacter, notamment en termes de réputation, et trois, de les accompagner sur comment répondre à ces enjeux.

  • Speaker #0

    Merci beaucoup.

  • Speaker #1

    Merci à toi.

  • Speaker #0

    J'espère que cet épisode des colis de la Com'de crise vous a plu. N'hésitez pas à le partager aux personnes qui pourraient être intéressées par ce sujet. Je vous retrouve d'ici deux semaines pour un nouvel épisode. D'ici là, n'hésitez pas à me contacter sur LinkedIn si vous voulez me faire part de vos retours et de vos commentaires. À très vite !

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Description

Dans un contexte géopolitique perturbé, les entreprises sont de plus en plus attendues, voire prises à partie sur ces sujets qui dépassent leur cœur d’activité.

 

Appels au boycott, name and shame, manifestations, … les attentes de l’opinion publique en la matière peuvent prendre des formes variées et entacher la réputation des entreprises.

 

Alphonse Daudré-Vignier, vice-président exécutive chez Weber Shandwick EMEA, nous livre sa grille de lecture du sujet et ses conseils pour naviguer dans ce contexte.

 

Bonne écoute !

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Pour poursuivre les discussions, me faire part de vos retours ou de vos commentaires, RDV sur LinkedIn 📩

 

Et si ce podcast vous plait, n’oubliez pas de vous abonner et de le partager autour de vous !

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👩‍💻 Je suis Clara Labbé, consultante indépendante en communication de crise.

🎙️ Dans ce podcast, j'accueille toutes les deux semaines des communicants qui partagent leur expérience en matière de communication de crise.

 

Au programme : des retours d'expérience, des conseils et bonnes pratiques, et des sujets prospectifs sur la com de crise !


Hébergé par Ausha. Visitez ausha.co/politique-de-confidentialite pour plus d'informations.

Transcription

  • Speaker #0

    Bonjour à tous, je suis Claire Alabet et je suis très contente de vous retrouver dans ce nouvel épisode des coulisses de la Com'de Cribs. Aujourd'hui, on va s'intéresser à la communication des entreprises dans un contexte de turbulence géopolitique. Alors, il y a beaucoup à dire sur ce sujet et je suis ravie d'avoir Alphonse Daudré-Vigny à mes côtés pour pouvoir en discuter. Bonne écoute ! Bonjour Alphonse, ravie de t'accueillir dans le podcast. Donc Alphonse, toi tu es vice-président exécutif chez Weber Sandwick IMEA. Tu as rejoint l'agence en 2014 et avant ça tu avais évolué dans d'autres agences et chez l'annonceur, notamment chez Ardian en France, Anophio au Mexique et BNP Paribas en Suisse. Et aujourd'hui, dans ton portefeuille chez Weber, tu as les sujets du corporate au sens large. Ça inclut à la fois la com'de crise typiquement, mais aussi justement le conseil des clients de l'agence autour des sujets de géopolitique et de réputation, sujets qui nous intéressent aujourd'hui. On le voit ces dernières années avec le contexte géopolitique extrêmement sensible dans lequel on évolue. Les entreprises sont de plus en plus attendues, voire même prises à partie. Le silence des dirigeants n'est plus accepté par les publics. On se rend compte qu'on ne peut plus s'abriter derrière la neutralité d'acteurs économiques. Et ça donne lieu à des situations complexes pour les entreprises qui peuvent avoir des impacts sérieux sur la réputation. On a plein d'exemples avec la guerre en Ukraine qui a poussé les entreprises à rapidement se positionner sur le retrait ou non de leurs activités en Russie. Plus récemment, le conflit en Israël, des sujets qui dépassent largement le cœur d'activité des entreprises visées et qui ne sont pas si simples à trancher, parce qu'il ne faut pas non plus être naïf, ça reste des acteurs économiques. Donc il y a des implications à ces décisions et typiquement une entreprise qui décide de stopper ses activités dans un pays, elle va mettre ses salariés au chômage et renoncer à un chiffre d'affaires. Donc ça ne se décide pas aussi facilement que ça. Alors on voit qu'aujourd'hui, cette question de la récemmentité des entreprises sur les sujets géopolitiques est exacerbée, ce n'est pas nouveau en soi. On avait déjà avant des entreprises qui étaient interpellées, mais peut-être de manière plus individuelle. Je pense à la farge en Syrie. Donc, ce n'est pas des sujets qui sont nouveaux. Mais aujourd'hui, on voit que c'est exacerbé, que les entreprises sont de plus en plus même interrogées directement par les médias sur leur position. Selon toi, à quoi c'est lié ? Qu'est-ce qui fait qu'aujourd'hui, c'est un vrai sujet et auquel les entreprises doivent forcément s'attendre et doivent anticiper ?

  • Speaker #1

    Alors, il y a les tendances de fond où vraiment on est dans un nouveau monde. Donc, on sort du... On sort du multilatéralisme, on est dans des logiques de déglobalisation à l'échelle macro. Au niveau national, on a une polarisation à l'extrême. Au niveau politique, tout ça est renforcé par l'activisme sur les réseaux sociaux. Et en fait, les entreprises se retrouvent au milieu de ça. Elles se retrouvent prises par ces intérêts contradictoires et les médias l'ont bien compris et leur posent des questions sur cette chaîne de valeur. Typiquement, vous êtes dans l'automobile électrique aujourd'hui, la concurrence chinoise, les chaînes de valeur, etc. Les médias ont bien compris ce dont il était question et vont... voir les entreprises pour leur poser ces questions-là. Alors aujourd'hui, c'est exacerbé sur des sujets qu'on connaît comme la Russie et l'Ukraine, mais il y a également les logiques d'AIP en Chine, les sujets des droits de l'homme en Arabie Saoudite. Et donc, tout ça crée un contexte difficile pour les entreprises, sachant qu'on a d'autres facteurs exacerbants, comme par exemple cette année, la moitié de la population qui va voter. Donc là, le sujet politique revient vraiment au devant de la scène.

  • Speaker #0

    Et typiquement, comment est-ce qu'on peut anticiper ce risque géopolitique si on veut s'y préparer ? Parce que ce n'est pas le cœur d'activité d'une entreprise à la base, on le rappelle. Donc comment est-ce qu'elles peuvent se préparer à ça ?

  • Speaker #1

    Alors là, on reprend nos réflexes de communicants et de monitoring en fait. C'est-à-dire qu'il faut avoir des capteurs sur les différents sujets. Donc une fois qu'on a pris conscience de l'importance du sujet, il faut être capable d'avoir des capteurs qui vont regarder l'évolution de la situation dans différents pays, sur différents sujets. Donc évidemment... Il faut avoir fait en amont une cartographie des risques, c'est-à-dire qu'une entreprise qui est internationale, qui a des chaînes de valeur mondiales, fera le suivi de la situation politique dans les différents pays et de la manière dont ils vont évoluer. On peut penser au secteur de l'énergie par exemple, qui fait ça très bien depuis très longtemps, enfin du moins qui a bien compris les enjeux. Donc il faut avoir les capteurs et puis aujourd'hui les choses ont un petit peu changé, c'est-à-dire qu'avec la data on est capable de comprendre l'état des conversations. dans différents pays, à différents endroits, et de suivre comment est-ce que les choses évoluent. Typiquement, si on reprend l'exemple de la Russie que tu évoquais, évidemment on a des capteurs sur ce qui se passe géopolitiquement dans le pays, mais on est aussi capable aujourd'hui, grâce à la data, de capturer très rapidement l'état des conversations sur le sujet, et de comprendre dans quelle mesure une entreprise donnée est impliquée, ce qu'on dit d'elle, et tous les récits qui vont se créer autour d'elle dans ce contexte.

  • Speaker #0

    Et justement, si on reste sur l'exemple de la Russie, parce qu'il a été largement commenté, donc il y a pas mal de matière, on a vu qu'il y a des entreprises qui, assez rapidement, ont décidé d'arrêter, de stopper leur activité dans le pays, ou au moins de manière temporaire, lors de la première annonce. Il y en a qui ont attendu que l'opinion publique s'exprime sur le sujet. Il y a eu certains appels au boycott. On a ensuite eu même un name and shame de la part de dirigeants ukrainiens. À quel moment prendre ces décisions ? Est-ce qu'on attend ? d'être accusé ? Est-ce qu'on fait un pari sur l'avenir et on prend une décision plus tôt que ça ? C'est compliqué d'aller saisir le bon moment. Qu'est-ce que toi, tu conseilles dans ces cas-là ?

  • Speaker #1

    Oui, c'est comme dans les situations de crise de manière générale, et ça reprend certains des points que les intervenants qui étaient à ma place précédemment dans le podcast avaient mis en avant, c'est-à-dire qu'il faut prendre en compte une multitude de paramètres pour savoir si on est, toujours la grande question, réactif, proactif, etc. Et donc là, il y a plusieurs paramètres qui vont entrer en jeu. Déjà, la raison d'être de l'entreprise. Je pense que maintenant, c'est établi que suivre les valeurs de l'entreprise pour prendre des décisions, ça va être fondamental. Et on a vu des entreprises qui changeaient de direction à mi-chemin, vraiment se faire accrocher. Donc, il faut se demander quelles sont mes valeurs et comment est-ce que je les suis dans les décisions que je veux prendre. Ça, c'est fondamental. La deuxième, c'est effectivement de reconnaître que la situation ne va pas être la même en fonction des industries. Si on prend le cas de la Russie, on ne peut pas comparer une entreprise pharmaceutique qui va livrer des produits de première nécessité avec le secteur du luxe. Donc, déjà, comprendre. Quels vont être les impacts en fonction de l'industrie ? Il y a aussi la structure de l'entreprise. On peut imaginer par exemple le cas d'entreprise dont les employés sont actionnaires. Si demain on ferme une activité, c'est pas seulement un chiffre d'affaires qui va diminuer, mais il va également y avoir des impacts pour les employés eux-mêmes. Et puis la présence internationale, c'est-à-dire aujourd'hui je ferme un territoire, quel poids est-ce qu'il a dans mon chiffre d'affaires, etc. Donc la première chose, c'est vraiment de prendre en compte l'ensemble de ces paramètres, la fidélité à ses valeurs, l'empreinte territoriale, la structure du capital, etc. Et en fonction de ça, finalement, la décision va s'imposer. Et puis, comme communicant, on va toujours garder en tête de voir quels sont les récits qui vont être bâtis autour de l'entreprise dans ce contexte-là, donc de suivre ce qui se dit. de voir comment l'entreprise est vue dans ce contexte. Et ça va être aussi un paramètre qu'on va prendre en compte. Mais bon, comme d'habitude, c'est toujours pas la même réponse à cette question. Il y a une multitude de paramètres. Et en fait, il faut juste s'assurer de bien les prendre en compte pour avoir une décision informée.

  • Speaker #0

    Et justement, à partir du moment où tu as pris ta décision et donc l'entreprise va communiquer, comment faire et qu'est-ce qu'il faut prendre en considération pour pouvoir apporter une réponse unique au niveau mondial si on est une entreprise implantée un peu partout dans le monde ? Parce qu'on sait que la sensibilité va être différente selon les pays. Même prise de position ne sera pas perçue de la même façon qu'on soit aux Etats-Unis, en France, en Chine, en Arabie Saoudite. Donc comment est-ce qu'on peut composer avec ça ?

  • Speaker #1

    Oui, c'est le fameux, c'est un sujet qui revient régulièrement par exemple au moment de ce qui est Pride Month, où on va voir des photos de profils sur les comptes de réseaux sociaux d'entreprises qui ne seront pas les mêmes, en fonction des pays, avec certains qui n'hésiteront pas à afficher le drapeau LGBT, d'autres qui le feront peut-être un peu moins. parce qu'il y aura plus de sensibilité dans un territoire donné. Je pense que ce qui est important, c'est la cohérence. À partir du moment où on la perd, c'est là où on se met à risque. Donc la réponse, généralement, dans ce sens-là, sur cette question-là, c'est vraiment de garder une cohérence d'ensemble, parce que dès qu'on a une petite brèche dans cette cohérence, c'est là, généralement, que le risque s'engouffre.

  • Speaker #0

    Et on sait que prendre la parole sur ces sujets, c'est pas sans risque. Typiquement une entreprise qui va spontanément s'exprimer pour condamner une guerre, un conflit, dénoncer l'horreur, prendre le parti des victimes. C'est une réaction qui peut sembler spontanément naturelle et nécessaire. Mais in fine, ça revient à prendre position dans des conflits qui sont parfois plus compliqués que ça. Si on prend l'attaque du Hamas en Israël, dénoncer l'horreur dans un premier temps, ça a pu être vu comme un soutien à Israël et critiqué. Et après, on a vu certains appels au boycott typiquement. Et donc, ce qui est compliqué ici, c'est que les attentes des publics divergent. Et... Si on prend le dernier Trust Barometer de Edelman, on voit qu'un tiers des consommateurs qui sont interrogés indiquent être prêts à boycotter une marque qui prendrait position pour l'un ou l'autre des deux camps du conflit israélo-palestinien. Et en face, on a aussi des publics qui attendent que l'entreprise prenne position assez fermement, parfois qu'elle arrête ses activités dans le pays. Donc comment est-ce qu'on peut répondre à cette attente d'une partie des consommateurs, qui est pour une prise de position, et l'autre qui refuse que l'entreprise aille sur ce terrain-là ? Comment est-ce qu'on navigue avec ça ?

  • Speaker #1

    Alors là, je pense que la data a vraiment son importance, parce que la réponse à cette question, c'est de pouvoir comprendre ce qui se passe. On a un boycott, bon très bien, mais est-ce que ça fait beaucoup de bruit médiatique ? Est-ce qu'il y a un impact sur les ventes ? Souvent, on entend parler de boycott, mais il n'y a peut-être aucun impact ou un impact faible sur les ventes, sur les chiffres d'affaires. Donc sur ces questions-là, la réponse se trouve la plupart du temps dans l'analyse, qui est devenue beaucoup plus simple à effectuer maintenant, parce qu'on a beaucoup plus de points de data et de manières de les analyser. Donc la bonne réponse, je pense, c'est vraiment de... bien comprendre ce qu'on a entre les mains, ce à quoi on fait face et de prendre sa décision en fonction. Un appel au boycott va peut-être faire énormément de bruit de la part de certains acteurs sur les réseaux sociaux. Vous mettez un peu d'analyse là-dessus et vous vous rendez compte que c'est un groupe de parties prenantes qui se parlent entre eux, qui vit dans une bulle, leur message n'atteint pas votre cœur de cible de consommateur. Finalement, vous allez simplement être réactif si jamais on va vous poser la question sur le sujet, mais aller commenter proactivement ce sujet-là va plutôt... présenter davantage de risques que laisser certains acteurs parler tout seuls dans leurs bulles. Je pense que la bonne réponse à cette question c'est vraiment de comprendre est-ce que j'ai vraiment un problème, de quelle taille, avec qui ? Et assez souvent en fait on se rend compte que sur ces sujets de boycott ou autre, du moins à l'heure actuelle, en fait on est sur des bulles qui parlent entre elles et dont le message généralement ne va pas s'étendre à notre cœur de cible et aura moins d'impact que ce qu'on peut penser quand on va voir un post sur les réseaux sociaux. On a souvent des appels de dirigeants qui, effectivement, voient passer des choses, voient passer des messages, et se disent là, oh là, qu'est-ce qui se passe ? Et en fait, quand on revient et qu'on donne un aperçu de la situation, on se rend compte que le problème n'en était pas un, en fait.

  • Speaker #0

    Ce que tu me dis, ça me fait réagir sur deux points. Donc, je comprends l'importance de s'appuyer sur la data, et ça semble en effet assez logique pour pouvoir aller prendre une décision réfléchie. Si on attend de collecter cette data, il nous faut un certain temps pour voir comment ça prend, comment ça se transforme en action. Si en effet, on voit une baisse d'achat en magasin concrète après un appel au boycott, comment est-ce qu'on fait alors qu'on a tendance à conseiller d'être proactif dans notre communication, de ne pas attendre d'être accusé, de prendre les devants ? Comment est-ce que tu conjugues justement ce temps de récolte de la data pour pouvoir prendre une décision réfléchie et cette nécessité d'avoir une communication assez rapide ? Alors,

  • Speaker #1

    comme souvent dans la communication de crise, en fait, il faut y penser avant. C'est-à-dire que normalement, l'entreprise aura précédemment réfléchi aux risques qui pourraient exister pour elle. Elle aura déjà les capteurs en place et en fait, elle va voir les signaux faibles assez rapidement. Et l'idée, c'est d'essayer d'éviter de réagir a posteriori une fois que l'appel au boycott est là, mais de le voir venir. C'est-à-dire d'avoir les capteurs pour voir que le récit autour de l'entreprise va changer, que des nouveaux messages... vont apparaître, etc. et de prendre les décisions au fur et à mesure. Et aujourd'hui, c'est vrai qu'on a des outils qui permettent d'aller extrêmement rapidement et de voir quasiment en temps réel le récit attaché à l'entreprise sur certains sujets. Donc typiquement, la réponse à cette question, c'est de dire que normalement, l'entreprise a déjà une infrastructure en place qui lui permet d'analyser les récits qui lui sont associés, de voir venir ses signaux faibles et d'anticiper les scénarios, c'est-à-dire ensuite se projeter, de se dire, ok, dans ces fameux scénarios planning dont on a tous l'habitude en communication de crise, qui est de se dire, voilà... J'ai ce signal, comment va-t-il évoluer ? Soit, mettons, c'est un appel au boycott, bon, il va s'arrêter là. Soit, il va s'étendre, et s'il s'étend jusqu'à tel critère, voilà ce que je peux faire. Si ça va encore plus loin, voilà ce que je peux faire. Et en fait, d'anticiper et de mettre à jour les scénarios en fonction de l'évolution de la situation.

  • Speaker #0

    Et par rapport à l'analyse des datas, de la réaction des publics, que ce soit d'un appel au boycott ou autre, pour prendre sa décision, j'ai une autre question aussi, c'est que si tu te bases là-dessus, Pour décider d'arrêter des activités, de changer ou que sais-je, on est en contradiction avec un de tes premiers conseils qui est de dire qu'il faut suivre la raison d'être de l'entreprise et que c'est ça qui doit guider nos actions. Est-ce que finalement on suit nos valeurs, notre raison d'être ou est-ce qu'on attend de voir comment c'est perçu par le public ?

  • Speaker #1

    En fait, l'un forme l'autre. C'est-à-dire que la raison d'être de l'entreprise, c'est ce qui va à la fin nous guider dans notre décision et dans notre message. Ce qui va guider la réponse, un, la réponse commerciale et la manière dont on va articuler la communication. Suivre l'évolution de la discussion, du récit autour d'une entreprise, c'est pas l'alpha et l'oméga de tout, c'est-à-dire qu'on va pas aller dans une direction ou une autre en fonction de ce qu'on entend, c'est plutôt ça va nous informer et ensuite on va regarder ça à l'aune de la valeur de l'entreprise et de tous les paramètres que j'avais mentionnés avant pour ensuite prendre une décision. Je pense que la question des valeurs c'est plus de se dire qu'être totalement opportuniste, donc justement pour reprendre ce que tu disais, vraiment prendre des décisions au fil de l'eau en fonction de ce qui se discute publiquement, les différents récits autour de l'entreprise, Ça a son niveau de risque parce que ça va nous emmener à prendre une décision un jour et puis une décision inverse l'autre. Donc c'est là où j'insiste vraiment sur la question de la raison d'être et des valeurs qui vont être la boussole de l'entreprise à long terme. Et donc c'est pour ça qu'il faut vraiment toujours les avoir en tête parce que c'est ce qu'on veut communiquer, c'est-à-dire la raison d'être de l'entreprise, sa direction, et montrer qu'on analyse ces situations qui se présentent à nous en fonction de la raison d'être de l'entreprise. Et après, la data, toutes les analyses dont on dispose vont nous permettre de prendre des décisions plus informées. mais elles ne sont que des points d'analyse qui nous aident dans ces décisions.

  • Speaker #0

    Et à partir du moment justement où on décide de se prendre la parole, va se poser la question de comment le faire au mieux ? Parce que quelle que soit la réponse apportée, on s'expose au risque d'offenser des salariés, des clients, ou sinon de paraître indifférent, on peut aussi être accusé de warwashing. Donc comment est-ce que toi, tu mesures ces risques-là à partir du moment où l'entreprise décide de prendre la parole ? Comment est-ce que tu lui conseilles de faire ? Peut-être faire de la pédagogie sur la décision, faire preuve de transparence, l'humilité face à un sujet qui nous dépasse. Qu'est-ce que toi tu conseilles ensuite sur la manière de prendre la parole sur ce sujet ?

  • Speaker #1

    Alors effectivement, il y a plusieurs points. Sur l'idée d'offenser, je pense qu'il faut se faire l'idée qu'on offensera toujours quelqu'un. Donc ça déjà, il faut le prendre pour acquis. Il y aura toujours une partie prenante qui ne sera pas d'accord avec la décision qu'on aura prise ou la manière de la communiquer. Sur les employés, c'est capital, je dirais. Ça commence de plus en plus par les employés d'articuler ce message en interne. la situation la plus compliquée à gérer serait quand justement on aura un message différent entre l'interne et l'externe. Donc, articuler un message déjà qu'on partage aux employés, je pense, est capital. Et ensuite, pour reprendre ta question de comment est-ce qu'on essaye de gérer ces parties prenantes différentes, de comprendre le poids de chacune. Et c'est là où on reprend nos réflexes d'analyse des parties prenantes et de stakeholder mapping, c'est de se dire sur ce sujet-là, qui est la partie prenante la plus importante ? C'est-à-dire que, si on reprend l'exemple de la Russie, qui sont mes stakeholders les plus importants sur ce sujet-là ? Finalement, quand les sanctions tombent, par exemple, ce n'est même plus un sujet. C'est-à-dire que le régulateur interdit l'activité sur un territoire donné, la question ne se pose plus. Donc, je pense que c'est sur chaque sujet bien comprendre qui sont les parties prenantes, quels sont leurs poids, et d'adapter la communication en fonction de ça auprès de chacune.

  • Speaker #0

    Ça marche. Et est-ce que tu as en tête des exemples d'entreprises qui auraient pris la parole dans ces contextes-là, que tu aurais conseillé ou non, et qui sont des bons exemples, on peut dire, en matière de prise de parole, de communication, ou au contraire, des choses qui ont pu être améliorées ? Est-ce que tu as des exemples concrets à nous partager ?

  • Speaker #1

    Alors, en termes de bons exemples et exemples un petit peu moins bons, je pense qu'une tendance qui est assez intéressante, c'est de se rendre compte qu'avec le Covid, les entreprises ont pris un petit peu plus l'habitude de communiquer. Puis ensuite, le sujet Russie est arrivé, où d'eux-mêmes, elles ont été beaucoup sollicitées, et c'était un sujet assez manichéen. Et donc, finalement, en termes de communication, pas si compliqué à gérer. C'est-à-dire que, bon, d'un moment, soit vous avez des produits essentiels, vous restez, vous arrivez à être justifiés. Soit vous n'en avez pas, vous sortez et de toute façon, vous n'avez pas vraiment le choix. Donc la communication s'articule autour de ça. Là où ça a été assez intéressant, c'est qu'on a vu beaucoup d'entreprises essayer d'appliquer le schéma qu'elles avaient développé autour du conflit Russie-Ukraine sur la guerre en Israël. Et là, ça s'est révélé beaucoup plus compliqué, notamment quand vous avez des audiences qui ont des attentes différentes, par exemple, entre les États-Unis et l'Europe. Et les entreprises se sont un petit peu pris les pieds dedans parce qu'elles avaient, je vais dire, pris l'habitude ou elles étaient un petit peu plus à l'aise de communiquer sur ces sujets politiques dans le contexte russe. Ça a été beaucoup plus compliqué sur le sujet Israël-Palestine. En fait, c'est là où ça dépend vraiment de l'entreprise. C'est-à-dire qu'on a pu voir des chefs d'entreprise aux États-Unis pour qui ce n'était même pas une question de ne pas communiquer. Donc, immédiatement, au début de la guerre, on fait leur post LinkedIn. Je pense qu'ils n'y ont même pas réfléchi. Ça semblait naturel pour eux. Et d'autres pour qui ça correspond peut-être beaucoup moins. Enfin, l'entreprise a une valeur ou une présence géographique, etc. qui les rend peut-être moins proches. de ces sujets-là et qui ne se sont pas exprimés. Donc en fait, on retombe sur qui est l'entreprise, quelles sont ses valeurs, quelle est son empreinte géographique, où sont situés ses employés, et de décider en fonction de ça.

  • Speaker #0

    Et tu cites justement des dirigeants qui ont assez spontanément fait un post sur LinkedIn pour exprimer leur position personnelle. Je pense que c'est intéressant de venir sur ce terrain parce qu'on voit parfois que ça va être un dirigeant qui va prendre la parole sur un sujet qu'il a à cœur de défendre. Et finalement, ça va venir embarquer toute l'entreprise, parce que le dirigeant représente l'entreprise, donc prise de parole du dirigeant implique toute l'entreprise. Est-ce que ça, tu penses qu'à chaque fois c'est anticipé, on se rend compte de la mesure que ça va prendre ? Ou est-ce que tu as des exemples où finalement l'entreprise a dû rétro-pédaler, ou en tout cas balancer un petit peu le discours suite à une prise de parole d'un dirigeant qui n'était pas préparé ?

  • Speaker #1

    Alors je n'en ai pas vu personnellement chez des entreprises qu'on conseille. En revanche, je sais qu'aux Etats-Unis, effectivement... Il y a eu toute une salve de prises de parole de dirigeants américains au début du conflit Israël-Palestine. En revanche, ce qui était intéressant, c'est que le ton du message, et je pense que c'était des dirigeants qui vraiment sentaient qu'ils avaient besoin de communiquer de manière personnelle. De ce que j'ai vu, alors ces dirigeants-là ont communiqué, leur entreprise a moins communiqué sur le sujet par ailleurs, mais le ton de leur communication sur LinkedIn notamment, montrait bien qu'ils s'exprimaient à titre personnel. Et je pense qu'on sentait que... Merci. limite fine, mais on sentait effectivement qu'ils s'engageaient à titre personnel et qu'ils s'engageaient moins à l'entreprise. Du fait du ton qu'ils avaient employé, des mots qu'ils avaient employé, c'était pas une prise de parole corporate, et donc je pense que toute personne qui lisait ce message sentait que le dirigeant n'embarquait pas l'entreprise avec elle. Alors d'habitude c'est pas le cas, parce qu'effectivement chaque prise de parole du dirigeant est scrutée, etc. Mais là, je pense que ça venait tellement du cœur, où ça leur paraissait tellement évident de devoir s'exprimer sur le sujet, notamment par leur histoire personnelle ou autre, qu'on a vu en fait cette dissociation. Mais en revanche... La tendance, c'est qu'effectivement, après cette première salle de communication sur le sujet, de la part de dirigeants notamment plutôt américains, on n'a plus vraiment vu leurs entreprises s'exprimer sur le sujet. Donc de manière générale, il y a eu beaucoup moins de prise de parole sur ce sujet-là. Et après, il y a encore une différence entre les États-Unis et l'Europe, où la vision du conflit n'est pas du tout la même, et du coup, ça implique une communication complètement différente.

  • Speaker #0

    Et au-delà des entreprises qui sont directement concernées, parce qu'elles vont annoncer des décisions comme le retrait de leur activité du pays, À quel moment il va être opportun, voire nécessaire pour une entreprise, de prendre la parole dans ces contextes ? Est-ce qu'à moins d'être directement impliqué, le reste du temps, il vaut mieux éviter en se disant qu'il n'y a que des coups à prendre ? Parce que, par exemple, hors entreprise impliquée, au début de la guerre Russie-Ukraine, on a vu pas mal d'entreprises qui communiquaient sur leurs engagements, le soutien qu'ils apportaient au peuple ukrainien, des dons matériels ou financiers qui étaient effectués alors qu'ils n'étaient pas directement concernés. Sur ce conflit où en effet... C'est perçu comme assez manichéen, ce n'est pas une grosse prise de risque, mais est-ce que c'est leur rôle de communiquer là-dessus ? Quel est le risque et dans quelle situation on peut le faire ? Justement, la différence est assez fine. Je peux le faire sur Russie et Ukraine, par contre sur Israël et Palestine, ça va être plus compliqué. Est-ce que dans ces cas-là, il ne vaut mieux pas garder le silence ?

  • Speaker #1

    Ah effectivement, c'est une vraie question, la limite est fine. La vraie réponse, c'est l'authenticité. C'est-à-dire qu'il faut que la réponse soit authentique. Je pense que les audiences d'une entreprise, ou même les audiences en sens large, le verraient tout de suite si c'était simplement une opportunité que prend l'entreprise dans un contexte donné. Si c'est authentique, si typiquement on prend le soutien aux besoins humanitaires, etc., si c'est authentique, si ça correspond avec la raison d'être, si ça correspond avec la communication d'entreprise par le passé, etc., ça fonctionne. En revanche... Si l'entreprise se sent obligée de le faire ou si ça ne correspond pas forcément à ce qu'elle a fait d'habitude ou si la communication n'est pas vraiment cohérente, ça ne marchera pas. Donc la vraie réponse, et c'est pour ça qu'on retombe sur ce qu'on disait tout à l'heure sur la raison d'être, c'est qu'il faut que ça fasse du sens, il faut que ça soit authentique pour l'entreprise et les consommateurs le verront et ils verront si ça sonne faux ou si ça sonne effectivement authentique.

  • Speaker #0

    Il y a une autre question aussi qui a plus trait à la structure des entreprises. En fait, je pense à l'exemple de Carrefour, où il y a eu un appel au boycott. Dans le cadre du conflit Israël-Palestine, parce que des filiales de Carrefour continuent leurs activités sur place, parce qu'il y a eu des rumeurs sur le fait qu'ils auraient apporté un soutien à l'armée, comment faire quand on a une position dans un pays mais on a des sous-traitants ou on a des filiales, on a peut-être moins de maîtrise sur les actions de nos magasins dans ce pays-là ? Comment est-ce qu'on s'assure de vérifier et un alignement justement des décisions et de la communication pour éviter ces situations ?

  • Speaker #1

    Alors ça nous amène à cette question sur un sujet effectivement dont on n'a pas parlé encore mais qui est capital, c'est la disinformation, misinformation, en bon français les fake news. Alors la première réponse à cette question c'est de dire 1. savoir ce qui se dit. Donc typiquement sur le sujet Carrefour, il faut être en mesure encore une fois d'avoir les capteurs pour voir passer ces histoires, voir passer ces récits et très rapidement les comprendre et pouvoir apporter une réponse. Donc 1. la maîtrise de l'analyse des discours, 2. la rédaction du message qui est de dire voilà ce dont on parle, voilà ce que j'entends sur l'entreprise. Et voilà ma réponse sur le sujet. Et le plus souvent, en fait, sur ce genre de sujet-là, c'est des fake news. Et donc, il suffit d'apporter des réponses. Après, effectivement, sur le sujet de Carrefour, c'est compliqué parce que l'entreprise n'a plus vraiment la main sur ce qui se fait localement. Donc, à part suivre ce genre, effectivement, de fake news et y apporter une réponse, il n'y a pas grand-chose à faire. À la fin, ces deux entités juridiques, l'ensemble des entreprises qui sont restées sur place, ont été nationalisées. Bon, après, on perd un peu la main sur le sujet. Je pense que le plus important, c'est vraiment toujours d'être capable de voir ces récits, de les voir et de les voir tôt. pour y apporter une réponse le plus rapidement possible. Et d'ailleurs, maintenant, on le voit, les entreprises n'hésitent plus à très rapidement rectifier le tir, même au-delà des entreprises. Si on pense au gouvernement, le gouvernement a une cellule où il voit passer les fake news, notamment d'ordre, effectivement, géopolitique, et va très rapidement rétablir la vérité, ne va pas hésiter à communiquer sur les réseaux sociaux pour dire, voilà, ça c'est une fake news qui est en train de passer, qui veut faire du tort, par exemple, au gouvernement français, etc. Voilà ce qu'il en est, et rectifier le tir tout de suite. Donc... Sur ce genre de sujet, il faut être capable de capter ces sujets très tôt et puis d'apporter une réponse rapidement pour faire la différence entre le faux et du vrai.

  • Speaker #0

    Et est-ce que tu as des exemples concrets que tu as eu à gérer ? Et même peut-être pour pouvoir te montrer la diversité des risques, est-ce que tu peux nous donner des exemples de sujets avec lesquels les clients viennent vous voir pour avoir votre aide ?

  • Speaker #1

    Oui, absolument. Alors, on a beaucoup parlé de Russie et Israël, mais il y en a plein d'autres. Le lancement de cette nouvelle ligue de golf, LEAVE, sponsorisée par l'Arabie Saoudite, de nombreuses marques se sont posées la question de ce qu'elles faisaient des contrats de partenariat qu'elles avaient avec les golfeurs qui rejoignaient cette ligue, sponsorisée par l'Arabie Saoudite, les universités américaines qui ont des manifestations sur leur campus. Tu le mentionnais un peu plus tôt, la manière dont certains dirigeants vont parler de Taïwan ou une entreprise qui va être sponsor pour une Coupe du Monde au Qatar. Voilà, tous ces sujets-là. deviennent des sujets de communication sur lesquels les entreprises doivent avoir une stratégie.

  • Speaker #0

    Et vous, quel est le niveau de conseil, d'accompagnement que vous pouvez leur reposer typiquement si on prend un exemple d'une entreprise qui se demande s'il est pertinent, s'il est opportun d'aller sponsoriser un tournoi sportif au Qatar ? Qu'est-ce que vous allez analyser ? Qu'est-ce que vous allez ensuite regarder pour l'aider à prendre sa décision ? Qu'est-ce que vous pointez comme risque ? Comment est-ce que vous pouvez l'accompagner ?

  • Speaker #1

    Alors je ne vais pas répondre sur le Qatar de manière précise, mais je vais répondre sur comment on aborderait un sujet comme celui-ci. Déjà, on en parlait plus tôt, il faut reconnaître que ce sera toujours trop ou pas assez, ce que l'entreprise va faire ou ce que l'entreprise va dire. Et donc l'enjeu, on en parlait un petit peu plus tôt, c'est de quantifier la réaction. Et ça, on peut le faire maintenant extrêmement bien avec les outils d'IA, c'est de se dire, voilà, si je prends cette décision, qu'est-ce qui va se passer ? Et aujourd'hui, on a des outils, notamment avec l'IA générative, où on peut imaginer, moduler. Avant, on aurait fait des focus groupes. Aujourd'hui, les focus groupes, on peut les faire avec de la data. C'est-à-dire qu'on peut dire à une IA, voilà le contexte, mettez-vous dans la peau de tel acteur qui sera impliqué dans ma décision. Si je prends cette décision, qu'est-ce qui pourrait se passer ? Qu'est-ce que ce type d'acteur a ? employés, une NGO, pourrait dire. Alors évidemment, on l'alimente avec les datas pour qu'ils répondent le plus pertinemment possible, mais on est capable de modéliser ça, en fait. Donc nous, notre conseil aujourd'hui, il va s'appuyer sur plusieurs aspects. Un, le conseil géopolitique pur et dur, où on a des experts qui sont des anciens de la Maison Blanche, etc., qui vont pouvoir avoir une expertise géopolitique pure ou qui travaillent dans des think tanks, etc., et qui vont nous donner cette expertise. Mais ensuite, en termes de communication, Aujourd'hui, on utilise ces outils pour imaginer ce qui pourrait se passer. Donc le scénario planning qu'on faisait auparavant, aujourd'hui on le pousse avec des focus groupes qu'on modélise grâce à la data, ce qu'on appelle les synthetic personas, les personnes synthétiques, on peut appeler ça. Et en fait, on leur envoie des signaux pour voir comment est-ce qu'eux réagiraient. Et donc ça nous permet de faire des focus groupes digitaux comme ça, et de voir comment ça pourrait aller. Alors encore une fois, c'est pas l'alpha et l'oméga, on en parlait avant, on va pas décider que sur cette base, mais ça peut nous permettre de comprendre quel serait le récit attaché à l'entreprise si elle prend telle ou telle décision. Et puis après, on accombat l'entreprise sur la décision finale. C'est-à-dire, est-ce que telle décision correspondra à vos valeurs ? Est-ce qu'elle créerait d'autres facteurs de risque ? Et de cette manière, on peut prendre des décisions informées.

  • Speaker #0

    Et j'ai une autre question sur toute cette phase de prise de décision et de savoir si l'entreprise a intérêt à y aller ou pas. Est-ce que tu prends en compte le fait que ça peut même créer une jurisprudence ? Si, par exemple, tu es une entreprise qui opère dans plusieurs pays, l'entreprise décide de stopper ses activités en Russie au début de la guerre Russie-Ukraine. Est-ce qu'il faut mesurer ce risque de se dire, ok, si je prends cette décision maintenant, je serai plus attendu sur de prochains conflits armés, et il faudra que je puisse justifier justement le deux poids deux mesures que je pourrais être amené à prendre. Si j'arrête mes activités en Russie mais que je les garde en Israël, comment est-ce que je le justifie ? Est-ce que cette question de ça va créer une jurisprudence, il faut la prendre en compte, il faut l'anticiper dès le moment où on prend la première décision ?

  • Speaker #1

    Alors on retombe sur le sujet de la cohérence et de l'authenticité. C'est-à-dire qu'effectivement, si vous êtes opportuniste, ça va se retourner à un moment. C'est là où travailler sur les valeurs de l'entreprise et vraiment les prendre en compte quand vous reprenez vos décisions va être important. Parce qu'effectivement, si vous avez ce deux poids deux mesures et que vous êtes opportuniste sur un sujet et puis vous décidez autre chose quatre mois après, vous allez forcément vous faire accrocher. Alors vous pourrez le justifier, il y aura peut-être des raisons, etc. Vous pourrez articuler un récit autour de ces décisions. Mais au bout d'un moment, la perte de cohérence va avoir un impact pour la réputation de l'entreprise.

  • Speaker #0

    Et donc en ce qui nous concerne, nous en tant que communicants, quel est le rôle, quelle est la place qu'on peut prendre dans ces situations ? Est-ce qu'on doit intervenir dès la prise de décision ? Est-ce qu'il faut que le dirigeant accepte de confier un rôle particulier aux communicants ? Parce qu'on est aussi parfois les oreilles, parce qu'on arrive à voir et à surveiller ce que disent ou ce qu'attendent les parties présentes de l'entreprise. Quel rôle on peut jouer dans ces situations ?

  • Speaker #1

    Alors aux Etats-Unis, ils ont ce concept, je trouve, qui illustre bien cette idée, qui est celui du corporate diplomate, donc le diplomate d'entreprise. qu'il y ait une nouvelle manière de voir notre rôle. C'est vrai que le communicant, pendant longtemps, a été et est toujours celui qui va faire le lien entre le monde de l'entreprise et son environnement et qui va apporter à l'entreprise des perspectives sur ce qui se passe à l'extérieur et inversement, qui va essayer d'influencer l'environnement extérieur de l'entreprise pour faire avancer les messages que veut communiquer l'entreprise. Aujourd'hui, comme les parties prenantes justement intègrent Ces acteurs géopolitiques, ce concept je trouve de corporate diplomate, diplomate d'entreprise, illustre bien ce nouveau rôle, qui est de dire, l'idée n'est plus simplement de comprendre ce que disent les consommateurs ou ce que les médias vont pouvoir dire sur un sujet, mais de voir comment les équilibres internationaux peuvent avoir un impact sur l'entreprise et sur sa réputation. Et donc c'est un nouveau rôle je pense pour les consultants d'être capables de conseiller les entreprises sur ce sujet-là. Un, leur expliquer ce qui se passe et deux, leur expliquer comment ça peut les impacter, notamment en termes de réputation, et trois, de les accompagner sur comment répondre à ces enjeux.

  • Speaker #0

    Merci beaucoup.

  • Speaker #1

    Merci à toi.

  • Speaker #0

    J'espère que cet épisode des colis de la Com'de crise vous a plu. N'hésitez pas à le partager aux personnes qui pourraient être intéressées par ce sujet. Je vous retrouve d'ici deux semaines pour un nouvel épisode. D'ici là, n'hésitez pas à me contacter sur LinkedIn si vous voulez me faire part de vos retours et de vos commentaires. À très vite !

Description

Dans un contexte géopolitique perturbé, les entreprises sont de plus en plus attendues, voire prises à partie sur ces sujets qui dépassent leur cœur d’activité.

 

Appels au boycott, name and shame, manifestations, … les attentes de l’opinion publique en la matière peuvent prendre des formes variées et entacher la réputation des entreprises.

 

Alphonse Daudré-Vignier, vice-président exécutive chez Weber Shandwick EMEA, nous livre sa grille de lecture du sujet et ses conseils pour naviguer dans ce contexte.

 

Bonne écoute !

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Pour poursuivre les discussions, me faire part de vos retours ou de vos commentaires, RDV sur LinkedIn 📩

 

Et si ce podcast vous plait, n’oubliez pas de vous abonner et de le partager autour de vous !

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👩‍💻 Je suis Clara Labbé, consultante indépendante en communication de crise.

🎙️ Dans ce podcast, j'accueille toutes les deux semaines des communicants qui partagent leur expérience en matière de communication de crise.

 

Au programme : des retours d'expérience, des conseils et bonnes pratiques, et des sujets prospectifs sur la com de crise !


Hébergé par Ausha. Visitez ausha.co/politique-de-confidentialite pour plus d'informations.

Transcription

  • Speaker #0

    Bonjour à tous, je suis Claire Alabet et je suis très contente de vous retrouver dans ce nouvel épisode des coulisses de la Com'de Cribs. Aujourd'hui, on va s'intéresser à la communication des entreprises dans un contexte de turbulence géopolitique. Alors, il y a beaucoup à dire sur ce sujet et je suis ravie d'avoir Alphonse Daudré-Vigny à mes côtés pour pouvoir en discuter. Bonne écoute ! Bonjour Alphonse, ravie de t'accueillir dans le podcast. Donc Alphonse, toi tu es vice-président exécutif chez Weber Sandwick IMEA. Tu as rejoint l'agence en 2014 et avant ça tu avais évolué dans d'autres agences et chez l'annonceur, notamment chez Ardian en France, Anophio au Mexique et BNP Paribas en Suisse. Et aujourd'hui, dans ton portefeuille chez Weber, tu as les sujets du corporate au sens large. Ça inclut à la fois la com'de crise typiquement, mais aussi justement le conseil des clients de l'agence autour des sujets de géopolitique et de réputation, sujets qui nous intéressent aujourd'hui. On le voit ces dernières années avec le contexte géopolitique extrêmement sensible dans lequel on évolue. Les entreprises sont de plus en plus attendues, voire même prises à partie. Le silence des dirigeants n'est plus accepté par les publics. On se rend compte qu'on ne peut plus s'abriter derrière la neutralité d'acteurs économiques. Et ça donne lieu à des situations complexes pour les entreprises qui peuvent avoir des impacts sérieux sur la réputation. On a plein d'exemples avec la guerre en Ukraine qui a poussé les entreprises à rapidement se positionner sur le retrait ou non de leurs activités en Russie. Plus récemment, le conflit en Israël, des sujets qui dépassent largement le cœur d'activité des entreprises visées et qui ne sont pas si simples à trancher, parce qu'il ne faut pas non plus être naïf, ça reste des acteurs économiques. Donc il y a des implications à ces décisions et typiquement une entreprise qui décide de stopper ses activités dans un pays, elle va mettre ses salariés au chômage et renoncer à un chiffre d'affaires. Donc ça ne se décide pas aussi facilement que ça. Alors on voit qu'aujourd'hui, cette question de la récemmentité des entreprises sur les sujets géopolitiques est exacerbée, ce n'est pas nouveau en soi. On avait déjà avant des entreprises qui étaient interpellées, mais peut-être de manière plus individuelle. Je pense à la farge en Syrie. Donc, ce n'est pas des sujets qui sont nouveaux. Mais aujourd'hui, on voit que c'est exacerbé, que les entreprises sont de plus en plus même interrogées directement par les médias sur leur position. Selon toi, à quoi c'est lié ? Qu'est-ce qui fait qu'aujourd'hui, c'est un vrai sujet et auquel les entreprises doivent forcément s'attendre et doivent anticiper ?

  • Speaker #1

    Alors, il y a les tendances de fond où vraiment on est dans un nouveau monde. Donc, on sort du... On sort du multilatéralisme, on est dans des logiques de déglobalisation à l'échelle macro. Au niveau national, on a une polarisation à l'extrême. Au niveau politique, tout ça est renforcé par l'activisme sur les réseaux sociaux. Et en fait, les entreprises se retrouvent au milieu de ça. Elles se retrouvent prises par ces intérêts contradictoires et les médias l'ont bien compris et leur posent des questions sur cette chaîne de valeur. Typiquement, vous êtes dans l'automobile électrique aujourd'hui, la concurrence chinoise, les chaînes de valeur, etc. Les médias ont bien compris ce dont il était question et vont... voir les entreprises pour leur poser ces questions-là. Alors aujourd'hui, c'est exacerbé sur des sujets qu'on connaît comme la Russie et l'Ukraine, mais il y a également les logiques d'AIP en Chine, les sujets des droits de l'homme en Arabie Saoudite. Et donc, tout ça crée un contexte difficile pour les entreprises, sachant qu'on a d'autres facteurs exacerbants, comme par exemple cette année, la moitié de la population qui va voter. Donc là, le sujet politique revient vraiment au devant de la scène.

  • Speaker #0

    Et typiquement, comment est-ce qu'on peut anticiper ce risque géopolitique si on veut s'y préparer ? Parce que ce n'est pas le cœur d'activité d'une entreprise à la base, on le rappelle. Donc comment est-ce qu'elles peuvent se préparer à ça ?

  • Speaker #1

    Alors là, on reprend nos réflexes de communicants et de monitoring en fait. C'est-à-dire qu'il faut avoir des capteurs sur les différents sujets. Donc une fois qu'on a pris conscience de l'importance du sujet, il faut être capable d'avoir des capteurs qui vont regarder l'évolution de la situation dans différents pays, sur différents sujets. Donc évidemment... Il faut avoir fait en amont une cartographie des risques, c'est-à-dire qu'une entreprise qui est internationale, qui a des chaînes de valeur mondiales, fera le suivi de la situation politique dans les différents pays et de la manière dont ils vont évoluer. On peut penser au secteur de l'énergie par exemple, qui fait ça très bien depuis très longtemps, enfin du moins qui a bien compris les enjeux. Donc il faut avoir les capteurs et puis aujourd'hui les choses ont un petit peu changé, c'est-à-dire qu'avec la data on est capable de comprendre l'état des conversations. dans différents pays, à différents endroits, et de suivre comment est-ce que les choses évoluent. Typiquement, si on reprend l'exemple de la Russie que tu évoquais, évidemment on a des capteurs sur ce qui se passe géopolitiquement dans le pays, mais on est aussi capable aujourd'hui, grâce à la data, de capturer très rapidement l'état des conversations sur le sujet, et de comprendre dans quelle mesure une entreprise donnée est impliquée, ce qu'on dit d'elle, et tous les récits qui vont se créer autour d'elle dans ce contexte.

  • Speaker #0

    Et justement, si on reste sur l'exemple de la Russie, parce qu'il a été largement commenté, donc il y a pas mal de matière, on a vu qu'il y a des entreprises qui, assez rapidement, ont décidé d'arrêter, de stopper leur activité dans le pays, ou au moins de manière temporaire, lors de la première annonce. Il y en a qui ont attendu que l'opinion publique s'exprime sur le sujet. Il y a eu certains appels au boycott. On a ensuite eu même un name and shame de la part de dirigeants ukrainiens. À quel moment prendre ces décisions ? Est-ce qu'on attend ? d'être accusé ? Est-ce qu'on fait un pari sur l'avenir et on prend une décision plus tôt que ça ? C'est compliqué d'aller saisir le bon moment. Qu'est-ce que toi, tu conseilles dans ces cas-là ?

  • Speaker #1

    Oui, c'est comme dans les situations de crise de manière générale, et ça reprend certains des points que les intervenants qui étaient à ma place précédemment dans le podcast avaient mis en avant, c'est-à-dire qu'il faut prendre en compte une multitude de paramètres pour savoir si on est, toujours la grande question, réactif, proactif, etc. Et donc là, il y a plusieurs paramètres qui vont entrer en jeu. Déjà, la raison d'être de l'entreprise. Je pense que maintenant, c'est établi que suivre les valeurs de l'entreprise pour prendre des décisions, ça va être fondamental. Et on a vu des entreprises qui changeaient de direction à mi-chemin, vraiment se faire accrocher. Donc, il faut se demander quelles sont mes valeurs et comment est-ce que je les suis dans les décisions que je veux prendre. Ça, c'est fondamental. La deuxième, c'est effectivement de reconnaître que la situation ne va pas être la même en fonction des industries. Si on prend le cas de la Russie, on ne peut pas comparer une entreprise pharmaceutique qui va livrer des produits de première nécessité avec le secteur du luxe. Donc, déjà, comprendre. Quels vont être les impacts en fonction de l'industrie ? Il y a aussi la structure de l'entreprise. On peut imaginer par exemple le cas d'entreprise dont les employés sont actionnaires. Si demain on ferme une activité, c'est pas seulement un chiffre d'affaires qui va diminuer, mais il va également y avoir des impacts pour les employés eux-mêmes. Et puis la présence internationale, c'est-à-dire aujourd'hui je ferme un territoire, quel poids est-ce qu'il a dans mon chiffre d'affaires, etc. Donc la première chose, c'est vraiment de prendre en compte l'ensemble de ces paramètres, la fidélité à ses valeurs, l'empreinte territoriale, la structure du capital, etc. Et en fonction de ça, finalement, la décision va s'imposer. Et puis, comme communicant, on va toujours garder en tête de voir quels sont les récits qui vont être bâtis autour de l'entreprise dans ce contexte-là, donc de suivre ce qui se dit. de voir comment l'entreprise est vue dans ce contexte. Et ça va être aussi un paramètre qu'on va prendre en compte. Mais bon, comme d'habitude, c'est toujours pas la même réponse à cette question. Il y a une multitude de paramètres. Et en fait, il faut juste s'assurer de bien les prendre en compte pour avoir une décision informée.

  • Speaker #0

    Et justement, à partir du moment où tu as pris ta décision et donc l'entreprise va communiquer, comment faire et qu'est-ce qu'il faut prendre en considération pour pouvoir apporter une réponse unique au niveau mondial si on est une entreprise implantée un peu partout dans le monde ? Parce qu'on sait que la sensibilité va être différente selon les pays. Même prise de position ne sera pas perçue de la même façon qu'on soit aux Etats-Unis, en France, en Chine, en Arabie Saoudite. Donc comment est-ce qu'on peut composer avec ça ?

  • Speaker #1

    Oui, c'est le fameux, c'est un sujet qui revient régulièrement par exemple au moment de ce qui est Pride Month, où on va voir des photos de profils sur les comptes de réseaux sociaux d'entreprises qui ne seront pas les mêmes, en fonction des pays, avec certains qui n'hésiteront pas à afficher le drapeau LGBT, d'autres qui le feront peut-être un peu moins. parce qu'il y aura plus de sensibilité dans un territoire donné. Je pense que ce qui est important, c'est la cohérence. À partir du moment où on la perd, c'est là où on se met à risque. Donc la réponse, généralement, dans ce sens-là, sur cette question-là, c'est vraiment de garder une cohérence d'ensemble, parce que dès qu'on a une petite brèche dans cette cohérence, c'est là, généralement, que le risque s'engouffre.

  • Speaker #0

    Et on sait que prendre la parole sur ces sujets, c'est pas sans risque. Typiquement une entreprise qui va spontanément s'exprimer pour condamner une guerre, un conflit, dénoncer l'horreur, prendre le parti des victimes. C'est une réaction qui peut sembler spontanément naturelle et nécessaire. Mais in fine, ça revient à prendre position dans des conflits qui sont parfois plus compliqués que ça. Si on prend l'attaque du Hamas en Israël, dénoncer l'horreur dans un premier temps, ça a pu être vu comme un soutien à Israël et critiqué. Et après, on a vu certains appels au boycott typiquement. Et donc, ce qui est compliqué ici, c'est que les attentes des publics divergent. Et... Si on prend le dernier Trust Barometer de Edelman, on voit qu'un tiers des consommateurs qui sont interrogés indiquent être prêts à boycotter une marque qui prendrait position pour l'un ou l'autre des deux camps du conflit israélo-palestinien. Et en face, on a aussi des publics qui attendent que l'entreprise prenne position assez fermement, parfois qu'elle arrête ses activités dans le pays. Donc comment est-ce qu'on peut répondre à cette attente d'une partie des consommateurs, qui est pour une prise de position, et l'autre qui refuse que l'entreprise aille sur ce terrain-là ? Comment est-ce qu'on navigue avec ça ?

  • Speaker #1

    Alors là, je pense que la data a vraiment son importance, parce que la réponse à cette question, c'est de pouvoir comprendre ce qui se passe. On a un boycott, bon très bien, mais est-ce que ça fait beaucoup de bruit médiatique ? Est-ce qu'il y a un impact sur les ventes ? Souvent, on entend parler de boycott, mais il n'y a peut-être aucun impact ou un impact faible sur les ventes, sur les chiffres d'affaires. Donc sur ces questions-là, la réponse se trouve la plupart du temps dans l'analyse, qui est devenue beaucoup plus simple à effectuer maintenant, parce qu'on a beaucoup plus de points de data et de manières de les analyser. Donc la bonne réponse, je pense, c'est vraiment de... bien comprendre ce qu'on a entre les mains, ce à quoi on fait face et de prendre sa décision en fonction. Un appel au boycott va peut-être faire énormément de bruit de la part de certains acteurs sur les réseaux sociaux. Vous mettez un peu d'analyse là-dessus et vous vous rendez compte que c'est un groupe de parties prenantes qui se parlent entre eux, qui vit dans une bulle, leur message n'atteint pas votre cœur de cible de consommateur. Finalement, vous allez simplement être réactif si jamais on va vous poser la question sur le sujet, mais aller commenter proactivement ce sujet-là va plutôt... présenter davantage de risques que laisser certains acteurs parler tout seuls dans leurs bulles. Je pense que la bonne réponse à cette question c'est vraiment de comprendre est-ce que j'ai vraiment un problème, de quelle taille, avec qui ? Et assez souvent en fait on se rend compte que sur ces sujets de boycott ou autre, du moins à l'heure actuelle, en fait on est sur des bulles qui parlent entre elles et dont le message généralement ne va pas s'étendre à notre cœur de cible et aura moins d'impact que ce qu'on peut penser quand on va voir un post sur les réseaux sociaux. On a souvent des appels de dirigeants qui, effectivement, voient passer des choses, voient passer des messages, et se disent là, oh là, qu'est-ce qui se passe ? Et en fait, quand on revient et qu'on donne un aperçu de la situation, on se rend compte que le problème n'en était pas un, en fait.

  • Speaker #0

    Ce que tu me dis, ça me fait réagir sur deux points. Donc, je comprends l'importance de s'appuyer sur la data, et ça semble en effet assez logique pour pouvoir aller prendre une décision réfléchie. Si on attend de collecter cette data, il nous faut un certain temps pour voir comment ça prend, comment ça se transforme en action. Si en effet, on voit une baisse d'achat en magasin concrète après un appel au boycott, comment est-ce qu'on fait alors qu'on a tendance à conseiller d'être proactif dans notre communication, de ne pas attendre d'être accusé, de prendre les devants ? Comment est-ce que tu conjugues justement ce temps de récolte de la data pour pouvoir prendre une décision réfléchie et cette nécessité d'avoir une communication assez rapide ? Alors,

  • Speaker #1

    comme souvent dans la communication de crise, en fait, il faut y penser avant. C'est-à-dire que normalement, l'entreprise aura précédemment réfléchi aux risques qui pourraient exister pour elle. Elle aura déjà les capteurs en place et en fait, elle va voir les signaux faibles assez rapidement. Et l'idée, c'est d'essayer d'éviter de réagir a posteriori une fois que l'appel au boycott est là, mais de le voir venir. C'est-à-dire d'avoir les capteurs pour voir que le récit autour de l'entreprise va changer, que des nouveaux messages... vont apparaître, etc. et de prendre les décisions au fur et à mesure. Et aujourd'hui, c'est vrai qu'on a des outils qui permettent d'aller extrêmement rapidement et de voir quasiment en temps réel le récit attaché à l'entreprise sur certains sujets. Donc typiquement, la réponse à cette question, c'est de dire que normalement, l'entreprise a déjà une infrastructure en place qui lui permet d'analyser les récits qui lui sont associés, de voir venir ses signaux faibles et d'anticiper les scénarios, c'est-à-dire ensuite se projeter, de se dire, ok, dans ces fameux scénarios planning dont on a tous l'habitude en communication de crise, qui est de se dire, voilà... J'ai ce signal, comment va-t-il évoluer ? Soit, mettons, c'est un appel au boycott, bon, il va s'arrêter là. Soit, il va s'étendre, et s'il s'étend jusqu'à tel critère, voilà ce que je peux faire. Si ça va encore plus loin, voilà ce que je peux faire. Et en fait, d'anticiper et de mettre à jour les scénarios en fonction de l'évolution de la situation.

  • Speaker #0

    Et par rapport à l'analyse des datas, de la réaction des publics, que ce soit d'un appel au boycott ou autre, pour prendre sa décision, j'ai une autre question aussi, c'est que si tu te bases là-dessus, Pour décider d'arrêter des activités, de changer ou que sais-je, on est en contradiction avec un de tes premiers conseils qui est de dire qu'il faut suivre la raison d'être de l'entreprise et que c'est ça qui doit guider nos actions. Est-ce que finalement on suit nos valeurs, notre raison d'être ou est-ce qu'on attend de voir comment c'est perçu par le public ?

  • Speaker #1

    En fait, l'un forme l'autre. C'est-à-dire que la raison d'être de l'entreprise, c'est ce qui va à la fin nous guider dans notre décision et dans notre message. Ce qui va guider la réponse, un, la réponse commerciale et la manière dont on va articuler la communication. Suivre l'évolution de la discussion, du récit autour d'une entreprise, c'est pas l'alpha et l'oméga de tout, c'est-à-dire qu'on va pas aller dans une direction ou une autre en fonction de ce qu'on entend, c'est plutôt ça va nous informer et ensuite on va regarder ça à l'aune de la valeur de l'entreprise et de tous les paramètres que j'avais mentionnés avant pour ensuite prendre une décision. Je pense que la question des valeurs c'est plus de se dire qu'être totalement opportuniste, donc justement pour reprendre ce que tu disais, vraiment prendre des décisions au fil de l'eau en fonction de ce qui se discute publiquement, les différents récits autour de l'entreprise, Ça a son niveau de risque parce que ça va nous emmener à prendre une décision un jour et puis une décision inverse l'autre. Donc c'est là où j'insiste vraiment sur la question de la raison d'être et des valeurs qui vont être la boussole de l'entreprise à long terme. Et donc c'est pour ça qu'il faut vraiment toujours les avoir en tête parce que c'est ce qu'on veut communiquer, c'est-à-dire la raison d'être de l'entreprise, sa direction, et montrer qu'on analyse ces situations qui se présentent à nous en fonction de la raison d'être de l'entreprise. Et après, la data, toutes les analyses dont on dispose vont nous permettre de prendre des décisions plus informées. mais elles ne sont que des points d'analyse qui nous aident dans ces décisions.

  • Speaker #0

    Et à partir du moment justement où on décide de se prendre la parole, va se poser la question de comment le faire au mieux ? Parce que quelle que soit la réponse apportée, on s'expose au risque d'offenser des salariés, des clients, ou sinon de paraître indifférent, on peut aussi être accusé de warwashing. Donc comment est-ce que toi, tu mesures ces risques-là à partir du moment où l'entreprise décide de prendre la parole ? Comment est-ce que tu lui conseilles de faire ? Peut-être faire de la pédagogie sur la décision, faire preuve de transparence, l'humilité face à un sujet qui nous dépasse. Qu'est-ce que toi tu conseilles ensuite sur la manière de prendre la parole sur ce sujet ?

  • Speaker #1

    Alors effectivement, il y a plusieurs points. Sur l'idée d'offenser, je pense qu'il faut se faire l'idée qu'on offensera toujours quelqu'un. Donc ça déjà, il faut le prendre pour acquis. Il y aura toujours une partie prenante qui ne sera pas d'accord avec la décision qu'on aura prise ou la manière de la communiquer. Sur les employés, c'est capital, je dirais. Ça commence de plus en plus par les employés d'articuler ce message en interne. la situation la plus compliquée à gérer serait quand justement on aura un message différent entre l'interne et l'externe. Donc, articuler un message déjà qu'on partage aux employés, je pense, est capital. Et ensuite, pour reprendre ta question de comment est-ce qu'on essaye de gérer ces parties prenantes différentes, de comprendre le poids de chacune. Et c'est là où on reprend nos réflexes d'analyse des parties prenantes et de stakeholder mapping, c'est de se dire sur ce sujet-là, qui est la partie prenante la plus importante ? C'est-à-dire que, si on reprend l'exemple de la Russie, qui sont mes stakeholders les plus importants sur ce sujet-là ? Finalement, quand les sanctions tombent, par exemple, ce n'est même plus un sujet. C'est-à-dire que le régulateur interdit l'activité sur un territoire donné, la question ne se pose plus. Donc, je pense que c'est sur chaque sujet bien comprendre qui sont les parties prenantes, quels sont leurs poids, et d'adapter la communication en fonction de ça auprès de chacune.

  • Speaker #0

    Ça marche. Et est-ce que tu as en tête des exemples d'entreprises qui auraient pris la parole dans ces contextes-là, que tu aurais conseillé ou non, et qui sont des bons exemples, on peut dire, en matière de prise de parole, de communication, ou au contraire, des choses qui ont pu être améliorées ? Est-ce que tu as des exemples concrets à nous partager ?

  • Speaker #1

    Alors, en termes de bons exemples et exemples un petit peu moins bons, je pense qu'une tendance qui est assez intéressante, c'est de se rendre compte qu'avec le Covid, les entreprises ont pris un petit peu plus l'habitude de communiquer. Puis ensuite, le sujet Russie est arrivé, où d'eux-mêmes, elles ont été beaucoup sollicitées, et c'était un sujet assez manichéen. Et donc, finalement, en termes de communication, pas si compliqué à gérer. C'est-à-dire que, bon, d'un moment, soit vous avez des produits essentiels, vous restez, vous arrivez à être justifiés. Soit vous n'en avez pas, vous sortez et de toute façon, vous n'avez pas vraiment le choix. Donc la communication s'articule autour de ça. Là où ça a été assez intéressant, c'est qu'on a vu beaucoup d'entreprises essayer d'appliquer le schéma qu'elles avaient développé autour du conflit Russie-Ukraine sur la guerre en Israël. Et là, ça s'est révélé beaucoup plus compliqué, notamment quand vous avez des audiences qui ont des attentes différentes, par exemple, entre les États-Unis et l'Europe. Et les entreprises se sont un petit peu pris les pieds dedans parce qu'elles avaient, je vais dire, pris l'habitude ou elles étaient un petit peu plus à l'aise de communiquer sur ces sujets politiques dans le contexte russe. Ça a été beaucoup plus compliqué sur le sujet Israël-Palestine. En fait, c'est là où ça dépend vraiment de l'entreprise. C'est-à-dire qu'on a pu voir des chefs d'entreprise aux États-Unis pour qui ce n'était même pas une question de ne pas communiquer. Donc, immédiatement, au début de la guerre, on fait leur post LinkedIn. Je pense qu'ils n'y ont même pas réfléchi. Ça semblait naturel pour eux. Et d'autres pour qui ça correspond peut-être beaucoup moins. Enfin, l'entreprise a une valeur ou une présence géographique, etc. qui les rend peut-être moins proches. de ces sujets-là et qui ne se sont pas exprimés. Donc en fait, on retombe sur qui est l'entreprise, quelles sont ses valeurs, quelle est son empreinte géographique, où sont situés ses employés, et de décider en fonction de ça.

  • Speaker #0

    Et tu cites justement des dirigeants qui ont assez spontanément fait un post sur LinkedIn pour exprimer leur position personnelle. Je pense que c'est intéressant de venir sur ce terrain parce qu'on voit parfois que ça va être un dirigeant qui va prendre la parole sur un sujet qu'il a à cœur de défendre. Et finalement, ça va venir embarquer toute l'entreprise, parce que le dirigeant représente l'entreprise, donc prise de parole du dirigeant implique toute l'entreprise. Est-ce que ça, tu penses qu'à chaque fois c'est anticipé, on se rend compte de la mesure que ça va prendre ? Ou est-ce que tu as des exemples où finalement l'entreprise a dû rétro-pédaler, ou en tout cas balancer un petit peu le discours suite à une prise de parole d'un dirigeant qui n'était pas préparé ?

  • Speaker #1

    Alors je n'en ai pas vu personnellement chez des entreprises qu'on conseille. En revanche, je sais qu'aux Etats-Unis, effectivement... Il y a eu toute une salve de prises de parole de dirigeants américains au début du conflit Israël-Palestine. En revanche, ce qui était intéressant, c'est que le ton du message, et je pense que c'était des dirigeants qui vraiment sentaient qu'ils avaient besoin de communiquer de manière personnelle. De ce que j'ai vu, alors ces dirigeants-là ont communiqué, leur entreprise a moins communiqué sur le sujet par ailleurs, mais le ton de leur communication sur LinkedIn notamment, montrait bien qu'ils s'exprimaient à titre personnel. Et je pense qu'on sentait que... Merci. limite fine, mais on sentait effectivement qu'ils s'engageaient à titre personnel et qu'ils s'engageaient moins à l'entreprise. Du fait du ton qu'ils avaient employé, des mots qu'ils avaient employé, c'était pas une prise de parole corporate, et donc je pense que toute personne qui lisait ce message sentait que le dirigeant n'embarquait pas l'entreprise avec elle. Alors d'habitude c'est pas le cas, parce qu'effectivement chaque prise de parole du dirigeant est scrutée, etc. Mais là, je pense que ça venait tellement du cœur, où ça leur paraissait tellement évident de devoir s'exprimer sur le sujet, notamment par leur histoire personnelle ou autre, qu'on a vu en fait cette dissociation. Mais en revanche... La tendance, c'est qu'effectivement, après cette première salle de communication sur le sujet, de la part de dirigeants notamment plutôt américains, on n'a plus vraiment vu leurs entreprises s'exprimer sur le sujet. Donc de manière générale, il y a eu beaucoup moins de prise de parole sur ce sujet-là. Et après, il y a encore une différence entre les États-Unis et l'Europe, où la vision du conflit n'est pas du tout la même, et du coup, ça implique une communication complètement différente.

  • Speaker #0

    Et au-delà des entreprises qui sont directement concernées, parce qu'elles vont annoncer des décisions comme le retrait de leur activité du pays, À quel moment il va être opportun, voire nécessaire pour une entreprise, de prendre la parole dans ces contextes ? Est-ce qu'à moins d'être directement impliqué, le reste du temps, il vaut mieux éviter en se disant qu'il n'y a que des coups à prendre ? Parce que, par exemple, hors entreprise impliquée, au début de la guerre Russie-Ukraine, on a vu pas mal d'entreprises qui communiquaient sur leurs engagements, le soutien qu'ils apportaient au peuple ukrainien, des dons matériels ou financiers qui étaient effectués alors qu'ils n'étaient pas directement concernés. Sur ce conflit où en effet... C'est perçu comme assez manichéen, ce n'est pas une grosse prise de risque, mais est-ce que c'est leur rôle de communiquer là-dessus ? Quel est le risque et dans quelle situation on peut le faire ? Justement, la différence est assez fine. Je peux le faire sur Russie et Ukraine, par contre sur Israël et Palestine, ça va être plus compliqué. Est-ce que dans ces cas-là, il ne vaut mieux pas garder le silence ?

  • Speaker #1

    Ah effectivement, c'est une vraie question, la limite est fine. La vraie réponse, c'est l'authenticité. C'est-à-dire qu'il faut que la réponse soit authentique. Je pense que les audiences d'une entreprise, ou même les audiences en sens large, le verraient tout de suite si c'était simplement une opportunité que prend l'entreprise dans un contexte donné. Si c'est authentique, si typiquement on prend le soutien aux besoins humanitaires, etc., si c'est authentique, si ça correspond avec la raison d'être, si ça correspond avec la communication d'entreprise par le passé, etc., ça fonctionne. En revanche... Si l'entreprise se sent obligée de le faire ou si ça ne correspond pas forcément à ce qu'elle a fait d'habitude ou si la communication n'est pas vraiment cohérente, ça ne marchera pas. Donc la vraie réponse, et c'est pour ça qu'on retombe sur ce qu'on disait tout à l'heure sur la raison d'être, c'est qu'il faut que ça fasse du sens, il faut que ça soit authentique pour l'entreprise et les consommateurs le verront et ils verront si ça sonne faux ou si ça sonne effectivement authentique.

  • Speaker #0

    Il y a une autre question aussi qui a plus trait à la structure des entreprises. En fait, je pense à l'exemple de Carrefour, où il y a eu un appel au boycott. Dans le cadre du conflit Israël-Palestine, parce que des filiales de Carrefour continuent leurs activités sur place, parce qu'il y a eu des rumeurs sur le fait qu'ils auraient apporté un soutien à l'armée, comment faire quand on a une position dans un pays mais on a des sous-traitants ou on a des filiales, on a peut-être moins de maîtrise sur les actions de nos magasins dans ce pays-là ? Comment est-ce qu'on s'assure de vérifier et un alignement justement des décisions et de la communication pour éviter ces situations ?

  • Speaker #1

    Alors ça nous amène à cette question sur un sujet effectivement dont on n'a pas parlé encore mais qui est capital, c'est la disinformation, misinformation, en bon français les fake news. Alors la première réponse à cette question c'est de dire 1. savoir ce qui se dit. Donc typiquement sur le sujet Carrefour, il faut être en mesure encore une fois d'avoir les capteurs pour voir passer ces histoires, voir passer ces récits et très rapidement les comprendre et pouvoir apporter une réponse. Donc 1. la maîtrise de l'analyse des discours, 2. la rédaction du message qui est de dire voilà ce dont on parle, voilà ce que j'entends sur l'entreprise. Et voilà ma réponse sur le sujet. Et le plus souvent, en fait, sur ce genre de sujet-là, c'est des fake news. Et donc, il suffit d'apporter des réponses. Après, effectivement, sur le sujet de Carrefour, c'est compliqué parce que l'entreprise n'a plus vraiment la main sur ce qui se fait localement. Donc, à part suivre ce genre, effectivement, de fake news et y apporter une réponse, il n'y a pas grand-chose à faire. À la fin, ces deux entités juridiques, l'ensemble des entreprises qui sont restées sur place, ont été nationalisées. Bon, après, on perd un peu la main sur le sujet. Je pense que le plus important, c'est vraiment toujours d'être capable de voir ces récits, de les voir et de les voir tôt. pour y apporter une réponse le plus rapidement possible. Et d'ailleurs, maintenant, on le voit, les entreprises n'hésitent plus à très rapidement rectifier le tir, même au-delà des entreprises. Si on pense au gouvernement, le gouvernement a une cellule où il voit passer les fake news, notamment d'ordre, effectivement, géopolitique, et va très rapidement rétablir la vérité, ne va pas hésiter à communiquer sur les réseaux sociaux pour dire, voilà, ça c'est une fake news qui est en train de passer, qui veut faire du tort, par exemple, au gouvernement français, etc. Voilà ce qu'il en est, et rectifier le tir tout de suite. Donc... Sur ce genre de sujet, il faut être capable de capter ces sujets très tôt et puis d'apporter une réponse rapidement pour faire la différence entre le faux et du vrai.

  • Speaker #0

    Et est-ce que tu as des exemples concrets que tu as eu à gérer ? Et même peut-être pour pouvoir te montrer la diversité des risques, est-ce que tu peux nous donner des exemples de sujets avec lesquels les clients viennent vous voir pour avoir votre aide ?

  • Speaker #1

    Oui, absolument. Alors, on a beaucoup parlé de Russie et Israël, mais il y en a plein d'autres. Le lancement de cette nouvelle ligue de golf, LEAVE, sponsorisée par l'Arabie Saoudite, de nombreuses marques se sont posées la question de ce qu'elles faisaient des contrats de partenariat qu'elles avaient avec les golfeurs qui rejoignaient cette ligue, sponsorisée par l'Arabie Saoudite, les universités américaines qui ont des manifestations sur leur campus. Tu le mentionnais un peu plus tôt, la manière dont certains dirigeants vont parler de Taïwan ou une entreprise qui va être sponsor pour une Coupe du Monde au Qatar. Voilà, tous ces sujets-là. deviennent des sujets de communication sur lesquels les entreprises doivent avoir une stratégie.

  • Speaker #0

    Et vous, quel est le niveau de conseil, d'accompagnement que vous pouvez leur reposer typiquement si on prend un exemple d'une entreprise qui se demande s'il est pertinent, s'il est opportun d'aller sponsoriser un tournoi sportif au Qatar ? Qu'est-ce que vous allez analyser ? Qu'est-ce que vous allez ensuite regarder pour l'aider à prendre sa décision ? Qu'est-ce que vous pointez comme risque ? Comment est-ce que vous pouvez l'accompagner ?

  • Speaker #1

    Alors je ne vais pas répondre sur le Qatar de manière précise, mais je vais répondre sur comment on aborderait un sujet comme celui-ci. Déjà, on en parlait plus tôt, il faut reconnaître que ce sera toujours trop ou pas assez, ce que l'entreprise va faire ou ce que l'entreprise va dire. Et donc l'enjeu, on en parlait un petit peu plus tôt, c'est de quantifier la réaction. Et ça, on peut le faire maintenant extrêmement bien avec les outils d'IA, c'est de se dire, voilà, si je prends cette décision, qu'est-ce qui va se passer ? Et aujourd'hui, on a des outils, notamment avec l'IA générative, où on peut imaginer, moduler. Avant, on aurait fait des focus groupes. Aujourd'hui, les focus groupes, on peut les faire avec de la data. C'est-à-dire qu'on peut dire à une IA, voilà le contexte, mettez-vous dans la peau de tel acteur qui sera impliqué dans ma décision. Si je prends cette décision, qu'est-ce qui pourrait se passer ? Qu'est-ce que ce type d'acteur a ? employés, une NGO, pourrait dire. Alors évidemment, on l'alimente avec les datas pour qu'ils répondent le plus pertinemment possible, mais on est capable de modéliser ça, en fait. Donc nous, notre conseil aujourd'hui, il va s'appuyer sur plusieurs aspects. Un, le conseil géopolitique pur et dur, où on a des experts qui sont des anciens de la Maison Blanche, etc., qui vont pouvoir avoir une expertise géopolitique pure ou qui travaillent dans des think tanks, etc., et qui vont nous donner cette expertise. Mais ensuite, en termes de communication, Aujourd'hui, on utilise ces outils pour imaginer ce qui pourrait se passer. Donc le scénario planning qu'on faisait auparavant, aujourd'hui on le pousse avec des focus groupes qu'on modélise grâce à la data, ce qu'on appelle les synthetic personas, les personnes synthétiques, on peut appeler ça. Et en fait, on leur envoie des signaux pour voir comment est-ce qu'eux réagiraient. Et donc ça nous permet de faire des focus groupes digitaux comme ça, et de voir comment ça pourrait aller. Alors encore une fois, c'est pas l'alpha et l'oméga, on en parlait avant, on va pas décider que sur cette base, mais ça peut nous permettre de comprendre quel serait le récit attaché à l'entreprise si elle prend telle ou telle décision. Et puis après, on accombat l'entreprise sur la décision finale. C'est-à-dire, est-ce que telle décision correspondra à vos valeurs ? Est-ce qu'elle créerait d'autres facteurs de risque ? Et de cette manière, on peut prendre des décisions informées.

  • Speaker #0

    Et j'ai une autre question sur toute cette phase de prise de décision et de savoir si l'entreprise a intérêt à y aller ou pas. Est-ce que tu prends en compte le fait que ça peut même créer une jurisprudence ? Si, par exemple, tu es une entreprise qui opère dans plusieurs pays, l'entreprise décide de stopper ses activités en Russie au début de la guerre Russie-Ukraine. Est-ce qu'il faut mesurer ce risque de se dire, ok, si je prends cette décision maintenant, je serai plus attendu sur de prochains conflits armés, et il faudra que je puisse justifier justement le deux poids deux mesures que je pourrais être amené à prendre. Si j'arrête mes activités en Russie mais que je les garde en Israël, comment est-ce que je le justifie ? Est-ce que cette question de ça va créer une jurisprudence, il faut la prendre en compte, il faut l'anticiper dès le moment où on prend la première décision ?

  • Speaker #1

    Alors on retombe sur le sujet de la cohérence et de l'authenticité. C'est-à-dire qu'effectivement, si vous êtes opportuniste, ça va se retourner à un moment. C'est là où travailler sur les valeurs de l'entreprise et vraiment les prendre en compte quand vous reprenez vos décisions va être important. Parce qu'effectivement, si vous avez ce deux poids deux mesures et que vous êtes opportuniste sur un sujet et puis vous décidez autre chose quatre mois après, vous allez forcément vous faire accrocher. Alors vous pourrez le justifier, il y aura peut-être des raisons, etc. Vous pourrez articuler un récit autour de ces décisions. Mais au bout d'un moment, la perte de cohérence va avoir un impact pour la réputation de l'entreprise.

  • Speaker #0

    Et donc en ce qui nous concerne, nous en tant que communicants, quel est le rôle, quelle est la place qu'on peut prendre dans ces situations ? Est-ce qu'on doit intervenir dès la prise de décision ? Est-ce qu'il faut que le dirigeant accepte de confier un rôle particulier aux communicants ? Parce qu'on est aussi parfois les oreilles, parce qu'on arrive à voir et à surveiller ce que disent ou ce qu'attendent les parties présentes de l'entreprise. Quel rôle on peut jouer dans ces situations ?

  • Speaker #1

    Alors aux Etats-Unis, ils ont ce concept, je trouve, qui illustre bien cette idée, qui est celui du corporate diplomate, donc le diplomate d'entreprise. qu'il y ait une nouvelle manière de voir notre rôle. C'est vrai que le communicant, pendant longtemps, a été et est toujours celui qui va faire le lien entre le monde de l'entreprise et son environnement et qui va apporter à l'entreprise des perspectives sur ce qui se passe à l'extérieur et inversement, qui va essayer d'influencer l'environnement extérieur de l'entreprise pour faire avancer les messages que veut communiquer l'entreprise. Aujourd'hui, comme les parties prenantes justement intègrent Ces acteurs géopolitiques, ce concept je trouve de corporate diplomate, diplomate d'entreprise, illustre bien ce nouveau rôle, qui est de dire, l'idée n'est plus simplement de comprendre ce que disent les consommateurs ou ce que les médias vont pouvoir dire sur un sujet, mais de voir comment les équilibres internationaux peuvent avoir un impact sur l'entreprise et sur sa réputation. Et donc c'est un nouveau rôle je pense pour les consultants d'être capables de conseiller les entreprises sur ce sujet-là. Un, leur expliquer ce qui se passe et deux, leur expliquer comment ça peut les impacter, notamment en termes de réputation, et trois, de les accompagner sur comment répondre à ces enjeux.

  • Speaker #0

    Merci beaucoup.

  • Speaker #1

    Merci à toi.

  • Speaker #0

    J'espère que cet épisode des colis de la Com'de crise vous a plu. N'hésitez pas à le partager aux personnes qui pourraient être intéressées par ce sujet. Je vous retrouve d'ici deux semaines pour un nouvel épisode. D'ici là, n'hésitez pas à me contacter sur LinkedIn si vous voulez me faire part de vos retours et de vos commentaires. À très vite !

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