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Les nouveaux horizons de la Parentalité

S2 E3 : Emmanuelle Barsot, Cheffe d'établissements scolaires Apprentis d'Auteuil

S2 E3 : Emmanuelle Barsot, Cheffe d'établissements scolaires Apprentis d'Auteuil

29min |30/06/2025
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S2 E3 : Emmanuelle Barsot, Cheffe d'établissements scolaires Apprentis d'Auteuil

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Description

Dans cet épisode, je reçois Emmanuelle Barsot, cheffe d’établissement à Apprenti d’Auteuil, pour un échange profond et inspirant sur la relation entre l’école et les familles. Emmanuelle partage avec sensibilité son parcours d’enseignante et de dirigeante, son regard sur le décrochage scolaire, et les gestes concrets qui permettent de bâtir une véritable alliance éducative.
À travers des anecdotes touchantes et des convictions fortes, elle nous invite à repenser l’accueil des parents à l’école, à valoriser leurs rôles, et à créer des espaces de confiance, même là où la relation a pu être abîmée. Une conversation lumineuse, pleine d’humanité, qui donne à voir une école qui croit en la force du lien et en la beauté de chaque parcours.


Hébergé par Ausha. Visitez ausha.co/politique-de-confidentialite pour plus d'informations.

Transcription

  • Speaker #0

    On est comme dans l'histoire du petit prince, entre le renard et le petit prince, on va s'apprivoiser, on va apprendre à se connaître, dans un premier temps par le regard, par le bonjour. Des fois on n'a pas toujours le même langage, mais le bonjour et le sourire, il est universel. On s'apprivoise, on apprend à se connaître.

  • Speaker #1

    Bienvenue dans les nouveaux horizons de la parentalité. Je suis Christophe Beau, responsable d'un programme de soutien aux familles à Apprenti d'Auteuil. Dans cet épisode, j'ai le plaisir d'échanger avec Emmanuel Barceau, chef d'établissement scolaire à Apprenti d'Auteuil, autour d'un sujet aussi essentiel que sensible, la relation entre l'école et les familles. Comment créer les conditions pour que les parents se sentent en sécurité avec l'école de leurs enfants ? Quelles attentions, postures et pratiques permettent de bâtir une véritable alliance éducative, même là où la confiance a pu être abîmée ? Avec conviction et humanité, Emmanuel partage son expérience de terrain, ses valeurs et les gestes concrets qui, au quotidien, permettent de rejoindre les familles, de les considérer, de les valoriser, là où elles ont parfois été blessées, déconsidérées, voire jugées. Un échange riche, inspirant, qui donne à voir une école qui accueille, qui écoute et qui croit profondément en la force du lien. Bonjour Emmanuel.

  • Speaker #0

    Bonjour Christophe.

  • Speaker #1

    Je suis content de pouvoir te retrouver ici dans ton établissement au collège Nouvelle Chance au Mans. Et merci d'avoir accepté l'invitation de participer à ce podcast Les Nouveaux Horizons de la Parentalité. Qu'est-ce que tu dis de toi pour te présenter ?

  • Speaker #0

    Alors je m'appelle Emmanuel. Et j'ai toujours rêvé d'être maîtresse d'école, peut-être parce que je n'avais pas de frères et sœurs. Donc une façon d'être avec des enfants, ça a toujours été ma passion. Et depuis 9 ans, bientôt 10 ans, je suis apprentie d'Auteuil. Je suis quelqu'un de très passionné par mon travail et qui a emmené dans mon sillage ma famille. Et j'ai la chance d'avoir un mari et des enfants qui me suivent à chaque fois. Donc voilà, pour me présenter, c'est une histoire qui se vit en famille au service des jeunes et des familles de la Fondation d'apprentis d'Auteuil.

  • Speaker #1

    C'était quoi ton rapport avec l'école quand tu avais 7 ans, quand tu étais petite fille ?

  • Speaker #0

    J'étais une bonne élève, je crois, même je pense, très discrète, qui ne parlait pas beaucoup, qu'il fallait aller chercher. Mes parents ont même été convoqués quand j'étais en CE2 parce que j'étais dans un coin de la classe à ne pas répondre. Et on a interpellé mes parents en disant, il y a un problème chez vous, vous êtes en train de divorcer parce que votre fille... Elle est vraiment pas très réactive, pas présente. Ma maman a dit non, mais pas du tout. Mais si vous voulez qu'elle vous réponde, posez-lui des questions. Et à partir de ce moment-là, ça a bien tourné et ça s'est bien passé après. Donc une bonne élève jusqu'au lycée. Et puis après le lycée, j'ai eu la chance de rater ma première année, et puis ma deuxième, et puis ma troisième. donc Pour moi, avec du recul, ça a été une véritable chance parce que je ne savais pas forcément ce que c'était que de travailler. Je ne savais pas ce qu'était l'échec. Donc, pour devenir maîtresse d'école après, j'ai trouvé que c'était une véritable chance d'avoir eu ces arrêts, des fois soudains, à un point près. Mais voilà, une petite fille discrète qui, au fur et à mesure des rencontres de certains... rencontres marquantes je suis devenu ce qui je suis maintenant donc ça c'est par des belles rencontres des rencontres d'un prêtre d'une religieuse et qui m'ont aidé à me sortir un petit peu de ma coquille en me faisant faire du théâtre de la musique et à qui je dois ce beau parcours parfois sinueux mais beau parcours avec des échecs des difficultés mais beaucoup beaucoup de belles rencontres et de belles réussites

  • Speaker #1

    Tu nous parles de ton identité, de ce qui tu es aujourd'hui, qui tu es devenue. Qu'est-ce que tu as appris de ce parcours scolaire que tu as traversé ?

  • Speaker #0

    Les échecs, des fois, c'est par des accidents de la vie, des difficultés, des fois du manque de travail, du manque d'implication, du manque de sens aussi. Ça m'a vraiment appris à devenir une autre maîtresse. à proposer des choses qui sortent des fois un petit peu de l'ordinaire, de faire le pas de côté dans les apprentissages pour aller vers plus de sens, plus d'envie, plus de plaisir à apprendre.

  • Speaker #1

    Est-ce que tu peux me raconter en quelques mots ton parcours d'enseignante jusqu'à aujourd'hui, chef d'établissement ?

  • Speaker #0

    Alors j'ai fait partie d'une promotion 98-2000 et j'ai eu ma première classe. À la rentrée 2000, c'était une classe tout niveau de maternelle plus le CP. Ça a été hyper formateur. Donc j'ai fait 4 ans maternelle et CP, et puis après je suis partie dans l'école la plus proche du Mont-Saint-Michel, à Pont-Horson, où j'ai fait 2 ans de CM2. Au bout de 2 ans, j'ai décidé de reprendre de la maternelle, parce que c'était quand même mon cœur de métier. Et là j'ai fait 4 ans de maternelle et mes deux enfants sur ces 4 ans-là. Et puis à un moment j'ai eu l'envie de progresser dans mon métier et d'aller vers une direction. Tout a commencé il y a 15 ans avec une première direction où j'ai eu la direction de l'école et la direction du collège parce que les deux directeurs partaient la même année. Et c'est là où j'ai commencé à prendre ma direction, tout en ayant une classe de maternelle une journée par semaine. J'ai eu la chance de pouvoir emmener mes élèves de collège en Espagne, en Allemagne et en Angleterre. De pouvoir manger à la table du directeur d'un des plus grands lycées d'Allemagne, moi la directrice du plus petit collège de la Manche. et au bout de 5 ans j'ai fait le choix d'envoyer mon CV comme une bouteille à la mer et quand Apprenti d'Auteuil m'a appelé il y a eu un signe et en famille on est partis 700 km plus loin on a quitté la baie du Mont-Saint-Michel pour aller dans un des plus beaux vignobles de France, Saint-Estèphe où j'ai rejoint la fondation d'Apprenti d'Auteuil où j'étais encore maîtresse de maternelle et où je dirigeais une école avec un internat Merci. Et j'ai appris autre chose encore en accueillant ces familles, notamment ces familles qui venaient nous confier leurs enfants en internat de la maternelle au CM2 à la semaine. Et ça m'a permis de faire un autre pas de côté, mais avec les parents aussi. Et depuis la rentrée de septembre, je suis arrivée au Mans en famille. Et depuis septembre, je dirige l'école Saint-Martin des Sablons. avec son 55 élèves et 25 nationalités, et le collège extraordinaire de Nouvelle Chance, où on accueille 30 jeunes en très grand décrochage scolaire.

  • Speaker #1

    Quand je t'écoute, je me dis, mais il y a quelque chose qui me semble traverser ce parcours, c'est l'élan à relever les défis.

  • Speaker #0

    J'ai choisi d'être maîtresse d'école parce que je n'aime pas la routine. Donc il n'y a jamais, en 25 ans de carrière, il n'y a jamais une... Une année qui a ressemblé à l'autre. Ma pratique et ma façon de voir ont évolué aussi. Donc c'est aller dans d'autres endroits pour faire évoluer, pour avancer aussi, toujours avancer un pas de plus et un pas de plus au service des jeunes, vraiment au service des élèves et de leur famille.

  • Speaker #1

    Ce qui est impressionnant aussi, non seulement c'est des défis à relever, mais c'est aussi des dispositifs ou des écoles qui ont des singularités par rapport peut-être à Les représentations qu'on peut avoir aujourd'hui encore, en tout cas moi que j'ai, peut-être de l'école.

  • Speaker #0

    Ça c'est clair et quand j'analyse 15 ans de carrière de direction, 5 établissements différents, oui à chaque fois c'est des établissements qui sont un petit peu extraordinaires, qui sont hors normes, soit parce que très petits. Donc si très petits, ça veut dire avoir une dynamique pour toujours accueillir le même nombre de jeunes et voir avancer. atypique, un internat de 3 à 12 ans c'est complètement atypique. Un collège avec 30 élèves, gros décrocheurs scolaires, c'est quasi hors normes. Et c'est ça aussi qui me fait avancer parce que ça nous oblige à toujours réfléchir, à voir ce qui va être le mieux pour les jeunes. On ne va pas ronronner, mais des établissements extraordinaires ça nous invite à... toujours avancer, aller voir ce qui se passe ailleurs, à faire des pas de côté, à être imaginatif. Je suis madame bricolage, comme dirait ma maman. Toi, tu as toujours cent mille idées et il faut toujours que ça bouge et que ça soit un petit peu hors norme.

  • Speaker #1

    Apprenti d'Auteuil vient de sortir un rapport sur le décrochage scolaire où il est identifié que 76 000 jeunes chaque année quitteraient le système scolaire sans diplôme et sans qualification. C'est quoi ton regard sur le décrochage scolaire ?

  • Speaker #0

    Le décrochage scolaire, il peut arriver très vite dans la vie d'un enfant parce qu'il n'a pas forcément toutes les aides qu'il lui faut pour ça. Donc il faut d'abord faire un accrochage scolaire, donner ce goût et cette envie d'apprendre en lui donnant tout ce qu'il lui faut pour arriver en CP. Le décrochage scolaire peut arriver très tôt. Et il faut en voir les signes et les comprendre. Alors des fois c'est parce que le français n'est pas la langue maternelle. Pour d'autres, ça va être des accidents de la vie, avec des parents qui ont parfois et souvent... eux-mêmes vécu des difficultés dans leur scolarité et dans leur famille. Ça peut être des enfants qui sont quand même en difficulté scolaire, avec des handicaps avérés ou non avérés. Tout ça, c'est à bien regarder, à bien agir et à savoir voir les signaux un petit peu faibles. Quand un enfant a mal au ventre, des fois, c'est parce qu'il ne se sent pas très bien. Donc ça veut dire que dès la maternelle, dès le primaire, à nous enseignants d'être attentifs à tout ce qui peut arriver pour pouvoir proposer des choses où on avance avec l'enfant.

  • Speaker #1

    Comment est-ce qu'on fait pour détecter des signaux qui sont dits faibles ?

  • Speaker #0

    Moi, je dirais, dans un premier temps, il faut apprendre à bien connaître ses élèves. Et il faut savoir perdre du temps pour en gagner derrière. Ça veut dire que lundi matin, Je ne suis pas sûre qu'il faille commencer la journée, même en CM2, par « allez, on prend son cahier, on y va, c'est dicté » . C'est peut-être prendre le temps de comment ça s'est passé, observer, voir comment va l'enfant, c'est faire le lien avec les éducateurs. C'est être là le matin pour voir les familles quand elles arrivent, ou le soir, à un moment dans la journée, apercevoir les familles. parce que aussi La façon d'être des parents va nous indiquer aussi comment vont les enfants. Une famille qui arrive en souriant, l'enfant va arriver en souriant. Une famille qui arrive un petit peu plus sur la défensive, on peut s'imaginer qu'il y a quelque chose qui ne va pas trop. Donc on ne va peut-être pas le savoir par l'enfant, mais c'est être à l'écoute. Donc c'est regarder tous ces petits signaux-là de comment vont les enfants. Est-ce qu'ils jouent pareil ? Est-ce qu'à un moment, ils s'épanchent sur quelque chose ? Écouter, mais sans juger. Parce que ce n'est pas toujours évident, on va remettre la faute sur les parents. Mais qu'est-ce qu'on sait d'eux ? À nous de ne pas juger, d'être là pour cheminer avec eux et les aider, les rencontrer. Et plus on va travailler main dans la main, plus on va avancer pour le jeune.

  • Speaker #1

    Ne pas juger, ne pas interpréter éventuellement ces signaux faibles trop vite. Comment est-ce qu'on fait pour travailler main dans la main avec des parents qui ont une culture différente, qui ont une histoire avec l'école qui n'est pas celle de l'école de la République française ? Comment est-ce qu'on fait pour aller rejoindre ces parents-là ?

  • Speaker #0

    C'est du temps à passer. Je m'amuse à dire que je fais le trottoir. C'est-à-dire que le matin, quand je suis à l'école, je suis avec Nathalie, qui est chef cadre éducatif et scolaire à l'école depuis 10 ans. qui connaît bien toutes les familles, et on accueille toutes les familles au portail le matin. Ça ne va pas être des grands discours, ça va être un bonjour avec le sourire. Et c'est déjà une façon de s'apprivoiser. Je dirais qu'on est comme dans l'histoire du petit prince, entre le renard et le petit prince, on va s'apprivoiser. On va apprendre à se connaître, dans un premier temps, par le regard, par le bonjour. par un petit mot sur l'enfant, les belles chaussures, le beau gilet tricoté par mamie qui est tchatchène. Des fois, on n'a pas toujours le même langage, mais le bonjour et le sourire, il est universel. Donc c'est du temps, on s'apprivoise, on apprend à se connaître. Et puis, c'est aussi ouvrir l'école. On a fait la soirée de la réussite, où on a invité les parents. On a fait le marché de Noël, où on ouvre l'école aux parents. Et quelque chose de rare, c'est qu'avant les vacances de Pâques, nous avons fait le goûter de fin de Ramadan. où ce sont les familles de confession musulmane qui sont venues apporter le goûter. Et à l'inverse, un mois après, on accueillait Mgr Villemin, l'évêque du Mans, et les familles sont venues manger le goûter avec l'évêque. Donc c'est des temps comme ça où on ouvre l'école aux parents. Donc à partir de la rentrée, on va faire un café des familles avec des sujets qui les intéressent, donc la place des écrans dans la famille, le jeu de société. Comment s'entraider, comment se sentir en sécurité dans le quartier en étant solidaires. Donc ça c'est super important. Quand on voit l'école dans le quartier en journée, ce n'est pas ce qu'ils vivent eux en soirée. Et il faut en être conscient aussi que ce n'est pas un endroit très sécuritaire le quartier. Et à nous de faire que l'école soit vraiment un endroit de sécurité, où on se sent bien. Et ça c'est parce qu'on va travailler avec les familles qu'on va y arriver.

  • Speaker #1

    En même temps, j'imagine qu'il y a des parents qui n'arrivent pas jusqu'à l'école ou que vous voyez peut-être très peu. Comment vous arrivez à penser l'absence de ces parents ?

  • Speaker #0

    Quand les enfants sont plus grands, les parents sont des fois un peu moins impliqués. Mais alors quand on est scolarisé à nouvelle chance, les parents sont encore plus traumatisés mais cabossés des établissements scolaires. Donc peuvent arriver à... un petit peu avec appréhension, puisqu'on accueille des enfants poly-exclus. C'est arrivé que des jeunes soient exclus de trois établissements différents avant qu'ils arrivent à Nouvelle Chance. Ou alors c'est des enfants qui ont été grands absentéistes. Les enfants ont été jugés en conseil de discipline ou en conseil de classe. Et souvent, les parents se sont sentis eux-mêmes jugés. Qu'est-ce que je fais ? pas bien, qu'est-ce que je n'arrive pas à faire. Donc là, en ce moment, je suis en précommission d'admission. Donc je rencontre les jeunes et les familles et on essaye de faire du lien avant d'arriver à Nouvelle Chance pour que les parents ne se sentent pas jugés et qu'on puisse construire un projet commun établissement, parents, élèves, pour pouvoir avancer. mais c'est redonner confiance dans le jeune et redonner confiance en la famille aussi. Et des fois, on a aussi à aider les parents à reprendre leur place de parents, parce que des jeunes, des fois, ont pris un peu trop de place dans la famille, même plus petits.

  • Speaker #1

    Qu'est-ce que disent les parents de l'école ?

  • Speaker #0

    Devant moi, ils ne vont peut-être pas forcément le dire, mais je pense qu'ils disent qu'ils s'y sentent bien, qu'ils s'y sentent même très bien. Il y a une maman qui a testé une autre école pendant un mois pour son petit et qui est revenue et dit je suis contente, j'en ai encore pour 7 ans. Donc ça veut dire qu'ils s'y sentent bien et je pense qu'ils parlent de nous dans le quartier parce qu'on a des inscriptions.

  • Speaker #1

    Comment est-ce qu'on regarde autrement ces familles que peut-être simplement comme des familles en difficulté ou des familles qui seraient résistantes ?

  • Speaker #0

    Et puis il y a des familles aussi avec des enfants qui nous posent questions, qui pensent qu'il y a un véritable handicap. qui n'est pas posée, qui est des fois long à poser, et le temps du parent n'est pas le temps de l'institution, le temps de l'acceptation n'est pas le temps du diagnostic, où la famille aussi doit faire un deuil, le deuil de l'enfant idéal premier de la classe. Et ce qui fait que la famille va pouvoir écouter nos conseils, pas forcément les mettre en action très très vite. Il faut accepter qu'on n'a pas tous le même temps d'action.

  • Speaker #1

    On évoque beaucoup cette notion d'alliance éducative. Qu'est-ce que tu peux en dire, toi, de cette alliance éducative entre l'école, les parents, d'autres institutions ?

  • Speaker #0

    L'alliance éducative, elle est nécessaire. On pense souvent à l'alliance éducative école-famille, et puis il y a tout ce qui est autour. Les partenaires, les intervenants extérieurs, quand on a la chance d'en avoir, tout ce qui peut donner du sens. Je milite, je milite la plus belle alliance. pour avancer sur l'alliance éducative, ce serait une maison des familles à côté de chaque école. Un temps où on va se poser et on va discuter de tout et de rien, mais surtout de tout, de tout petit rien qu'ils peuvent faire beaucoup. Il y a 25 ans, je n'aurais pas dit la même chose. Il y a 25 ans, les parents me faisaient un petit peu peur. Le jugement... Alors j'ai appris qu'il ne faut pas aller dans le jugement, ni d'un côté ni de l'autre. Il faut bien aller dans le dialogue. dans cette alliance ultra nécessaire, où je compare souvent avec le chemin des Emmaüs. qui n'est pas très droit. J'imagine cet élève, mais d'un côté, il y a le parent et de l'autre côté, il y a les enseignants ou l'institution qui est là. Et on va cheminer, on va avancer avec toujours l'espoir au bout.

  • Speaker #1

    Sur ce chemin, de quoi on a besoin pour avancer en sécurité, en fait, avec ses parents ou avec cet enfant ?

  • Speaker #0

    Il y a besoin de confiance de part et d'autre. La confiance, le dialogue, la confiance. Et puis, savoir... Se mettre de côté si on n'y arrive pas et savoir faire appel à un ami, comme on disait l'émission. Savoir dire je ne sais pas tout, ce que je sais c'est que je ne sais pas, mais qu'il y a quelqu'un qui va savoir peut-être mieux que moi. Donc savoir orienter vers l'orthophoniste, savoir orienter vers le psychologue, savoir orienter vers le médecin, un peu vers tout quoi. Savoir donner des conseils sans forcément être sûr que ce soit le bon. Et savoir aussi donner sa place aux parents en leur disant c'est bien vous le premier et le dernier éducateur de votre enfant. Et puis c'est se faire aider par les éducateurs qui sont en lien avec eux. Savoir aussi se mettre de côté quand on n'est pas sûr.

  • Speaker #1

    Accompagner un parent en lui disant c'est vous le premier éducateur de votre enfant. Quand ce parent a entendu depuis quasi la naissance de son enfant, vous êtes insuffisant, vous êtes défaillant, vous ne parvenez pas à... Comment on fait pour que cette conviction puisse être entendue par ce parent-là ?

  • Speaker #0

    Savoir lui dire ce qu'il fait de bien. Donc c'est aussi comme ça, quand on rencontre une famille, je n'arrête pas de dire, et ça c'est ma première directrice qui me l'a dit, quand tu rencontres quelqu'un, dis-lui ce qui va bien. Et après, on verra ce qui va moins bien. Donc, c'est valoriser tout ce que la famille sait faire. C'est lui dire, vous voyez, votre enfant, il est toujours propre. Il sent bon. C'est des choses qui nous paraissent essentielles, naturelles, mais qui ne sont pas naturelles pour tout le monde. Donc, c'est vraiment valoriser ce que le parent fait de bien. C'est lui dire, lui renvoyer du beau. C'est lui renvoyer ce qui fait plaisir. Alors, ce n'est pas parce qu'on veut faire plaisir. C'est bien parce que c'est essentiel. Et puis, le parent va écouter au fur et à mesure. Déculpabiliser les familles aussi. Donc, à nous de faire le petit trait d'humour qui déculpabilise. Déculpabilisons les parents.

  • Speaker #1

    J'entends quelque chose comme ne pas invalider les parents, en fait.

  • Speaker #0

    C'est ça. Ils sont là et ils ont toute leur place. Et c'est bien avec eux à la... toute petite enfance qu'on va travailler. Et après, les parents, oui, au fur et à mesure du temps, les parents vont progressivement lâcher la main des enfants. Moi-même, avec mes grandes 17 et 18 ans, on lâche un petit peu, et heureusement. Mais à un moment, j'étais la maman qui tenait la main. J'étais la maman qui a été confrontée à des difficultés avec ses enfants. Et il ne faut pas les culpabiliser, nos parents. Il faut les déculpabiliser et les valoriser.

  • Speaker #1

    Comment est-ce que tu fais pour accompagner tes équipes d'enseignants, enseignantes, pour partager ce regard que tu portes aussi sur les parents, sur les enfants ? Comment est-ce que tu fais pour partager ça avec les enseignants ?

  • Speaker #0

    Je pense que j'impulse un peu ma façon de penser, ne serait-ce que dans la façon d'accueillir les familles autour d'une table. Je me suis vue cette année me dire, je ne vais pas me mettre en face de la famille, mais je vais bien me mettre à côté de la famille. Et on essaye de se mettre autour d'une table et pas de part et d'autre d'une table. Déjà ça, c'est dans la façon d'être. que je peux influer un peu, mais c'est dans notre façon de faire, dans la façon d'être. Je ne peux pas imposer, je peux juste donner des conseils. C'est aussi dire des choses, penser à et impulser des idées.

  • Speaker #1

    Si tu devais faire une relecture de l'échange qu'on vient d'avoir, qu'est-ce que tu en dirais ?

  • Speaker #0

    Je suis heureuse de faire le métier que je fais. Il m'apporte tellement de belles choses. Ce n'est pas toujours évident, pas toujours facile. mais j'y ai bien trouvé ce que je voulais, quelque chose qui change tous les jours, qui est bien au service des plus petits et au service de leur famille. Merci pour ce temps d'échange, parce que dans les moments où c'est un peu plus douloureux, un peu plus difficile, Je me dis que je suis vraiment à ma place et c'est ce que m'avait dit mon mari le jour où j'ai voulu changer. Il m'a dit tu ne changeras pas, tu resteras ce que tu fais, chef d'établissement et enseignante, parce que je ne te vois pas faire autre chose. Et j'avais une lecture qui m'avait beaucoup marquée il y a 3-4 ans. C'est Né sous une bonne étoile d'Aurélie Vallogne, l'histoire d'un élève qui s'en était sorti grâce... à un professeur de collège. Et ce livre m'a beaucoup émue, beaucoup marquée. J'ai beaucoup cheminé en me disant j'espère avoir été la bonne étoile d'au moins un élève. Et j'espère que mes équipes seront la bonne étoile de plein d'élèves.

  • Speaker #1

    Je ne peux pas m'empêcher de penser que tu... n'ai pas pu être la bonne étoile d'un élève, voire même de plusieurs élèves. Et quand je t'écoute dire que tu es à ta place, la conversation qu'on vient d'avoir me laisse suggérer que tu es à ta place parce que tu as fait cette place-là à ta couleur.

  • Speaker #0

    Je suis à ma place parce qu'on m'a permis d'être moi-même. Et ça depuis dix ans, depuis que je suis à la Fondation d'apprentis d'Auteuil. On me permet d'être moi-même. Donc si on me permet d'être moi-même, je permets à mes élèves d'être eux-mêmes et aux familles d'être elles-mêmes.

  • Speaker #1

    Au début de cet échange, je t'ai proposé de tirer au hasard cinq cartes du jeu Connexion que j'ai créé. Je vais te poser les questions les unes après les autres et je te propose d'y répondre. Allez, on va commencer par une question assez large. Quel regard tu portes sur le monde ?

  • Speaker #0

    Il est complexe ce monde. Il est très très très complexe. Il est anxiogène pour nos jeunes. Il est anxiogène pour les familles du quartier aussi. Parce qu'on a une maman qui nous a avoué il y a 15 jours qu'elle a vécu les deux guerres de Tchétchénie. Mais il est beau notre monde, et c'est parce qu'on va y semer des belles graines et qu'on va aider nos élèves à grandir que le monde sera encore plus beau. À nous d'y faire attention à ce monde, à nous de rappeler l'histoire pour écrire un futur.

  • Speaker #1

    À quel projet voudrais-tu donner vie ?

  • Speaker #0

    Une maison des familles à côté de l'école. Et toujours être là pour les élèves décrocheurs. On s'arrête avec la troisième ici, pourquoi pas les 15-17.

  • Speaker #1

    Qu'est-ce qui te passionne au point d'oublier le temps ?

  • Speaker #0

    Mon métier, mais il ne faut pas que. Je me suis remise dans les puzzles il n'y a pas longtemps pour pouvoir décompresser. Donc, un mille pièces m'arrête pendant une heure ou deux. Et ça fait du bien.

  • Speaker #1

    J'ai le sentiment que la vie pour toi, c'est aussi de mettre les pièces de puzzle pour essayer de faire un portrait.

  • Speaker #0

    Oui, et puis, ce qui me pâte à chaque fois, c'est le regard que j'ai sur le puzzle. Et de pouvoir mettre, même s'il y a mille pièces, des fois, il y en a qui sont vraiment au bon endroit au bon moment. pile quand on le veut. Donc c'est aussi ça la vie, c'est de se dire que on a tous une place dans le puzzle, on est tous une pièce, mais qu'à la fin on fait une belle image quand même.

  • Speaker #1

    Dans quelles situations as-tu fait preuve de courage ?

  • Speaker #0

    Dans plein de situations. Quand je ne me suis pas sentie très très bien, qu'il fallait partir pour se reconstruire. Partir à 700 kilomètres, c'était s'expatrier et se reconstruire. Donc ça, il fallait du courage. Et je dirais que c'est à chaque changement poste où il faut du courage.

  • Speaker #1

    Et qu'est-ce que tu mobilises pour avoir ce courage-là ?

  • Speaker #0

    Ma famille. Ma famille, c'est mon courage.

  • Speaker #1

    Et j'ai une dernière question. Si tu dessinais ton portrait, que mettrais-tu en lumière ?

  • Speaker #0

    Mon sourire quand ça va. J'ai un cœur immense où je dis facilement à mes élèves qu'ils sont beaux et que je les aime.

  • Speaker #1

    Écoute, Emmanuelle, vraiment merci d'avoir partagé avec le cœur que tu décris, en fait. ta passion, tes engagements, ce regard positif que tu as sur ces enfants, sur ces familles que tu accompagnes, avec qui tu chemines sur ce chemin d'Emmaüs. Merci beaucoup d'avoir eu cet élan, de partager ce moment-là. Et je suis persuadé que ça va résonner, tes mots vont résonner.

  • Speaker #0

    Merci Christophe.

Description

Dans cet épisode, je reçois Emmanuelle Barsot, cheffe d’établissement à Apprenti d’Auteuil, pour un échange profond et inspirant sur la relation entre l’école et les familles. Emmanuelle partage avec sensibilité son parcours d’enseignante et de dirigeante, son regard sur le décrochage scolaire, et les gestes concrets qui permettent de bâtir une véritable alliance éducative.
À travers des anecdotes touchantes et des convictions fortes, elle nous invite à repenser l’accueil des parents à l’école, à valoriser leurs rôles, et à créer des espaces de confiance, même là où la relation a pu être abîmée. Une conversation lumineuse, pleine d’humanité, qui donne à voir une école qui croit en la force du lien et en la beauté de chaque parcours.


Hébergé par Ausha. Visitez ausha.co/politique-de-confidentialite pour plus d'informations.

Transcription

  • Speaker #0

    On est comme dans l'histoire du petit prince, entre le renard et le petit prince, on va s'apprivoiser, on va apprendre à se connaître, dans un premier temps par le regard, par le bonjour. Des fois on n'a pas toujours le même langage, mais le bonjour et le sourire, il est universel. On s'apprivoise, on apprend à se connaître.

  • Speaker #1

    Bienvenue dans les nouveaux horizons de la parentalité. Je suis Christophe Beau, responsable d'un programme de soutien aux familles à Apprenti d'Auteuil. Dans cet épisode, j'ai le plaisir d'échanger avec Emmanuel Barceau, chef d'établissement scolaire à Apprenti d'Auteuil, autour d'un sujet aussi essentiel que sensible, la relation entre l'école et les familles. Comment créer les conditions pour que les parents se sentent en sécurité avec l'école de leurs enfants ? Quelles attentions, postures et pratiques permettent de bâtir une véritable alliance éducative, même là où la confiance a pu être abîmée ? Avec conviction et humanité, Emmanuel partage son expérience de terrain, ses valeurs et les gestes concrets qui, au quotidien, permettent de rejoindre les familles, de les considérer, de les valoriser, là où elles ont parfois été blessées, déconsidérées, voire jugées. Un échange riche, inspirant, qui donne à voir une école qui accueille, qui écoute et qui croit profondément en la force du lien. Bonjour Emmanuel.

  • Speaker #0

    Bonjour Christophe.

  • Speaker #1

    Je suis content de pouvoir te retrouver ici dans ton établissement au collège Nouvelle Chance au Mans. Et merci d'avoir accepté l'invitation de participer à ce podcast Les Nouveaux Horizons de la Parentalité. Qu'est-ce que tu dis de toi pour te présenter ?

  • Speaker #0

    Alors je m'appelle Emmanuel. Et j'ai toujours rêvé d'être maîtresse d'école, peut-être parce que je n'avais pas de frères et sœurs. Donc une façon d'être avec des enfants, ça a toujours été ma passion. Et depuis 9 ans, bientôt 10 ans, je suis apprentie d'Auteuil. Je suis quelqu'un de très passionné par mon travail et qui a emmené dans mon sillage ma famille. Et j'ai la chance d'avoir un mari et des enfants qui me suivent à chaque fois. Donc voilà, pour me présenter, c'est une histoire qui se vit en famille au service des jeunes et des familles de la Fondation d'apprentis d'Auteuil.

  • Speaker #1

    C'était quoi ton rapport avec l'école quand tu avais 7 ans, quand tu étais petite fille ?

  • Speaker #0

    J'étais une bonne élève, je crois, même je pense, très discrète, qui ne parlait pas beaucoup, qu'il fallait aller chercher. Mes parents ont même été convoqués quand j'étais en CE2 parce que j'étais dans un coin de la classe à ne pas répondre. Et on a interpellé mes parents en disant, il y a un problème chez vous, vous êtes en train de divorcer parce que votre fille... Elle est vraiment pas très réactive, pas présente. Ma maman a dit non, mais pas du tout. Mais si vous voulez qu'elle vous réponde, posez-lui des questions. Et à partir de ce moment-là, ça a bien tourné et ça s'est bien passé après. Donc une bonne élève jusqu'au lycée. Et puis après le lycée, j'ai eu la chance de rater ma première année, et puis ma deuxième, et puis ma troisième. donc Pour moi, avec du recul, ça a été une véritable chance parce que je ne savais pas forcément ce que c'était que de travailler. Je ne savais pas ce qu'était l'échec. Donc, pour devenir maîtresse d'école après, j'ai trouvé que c'était une véritable chance d'avoir eu ces arrêts, des fois soudains, à un point près. Mais voilà, une petite fille discrète qui, au fur et à mesure des rencontres de certains... rencontres marquantes je suis devenu ce qui je suis maintenant donc ça c'est par des belles rencontres des rencontres d'un prêtre d'une religieuse et qui m'ont aidé à me sortir un petit peu de ma coquille en me faisant faire du théâtre de la musique et à qui je dois ce beau parcours parfois sinueux mais beau parcours avec des échecs des difficultés mais beaucoup beaucoup de belles rencontres et de belles réussites

  • Speaker #1

    Tu nous parles de ton identité, de ce qui tu es aujourd'hui, qui tu es devenue. Qu'est-ce que tu as appris de ce parcours scolaire que tu as traversé ?

  • Speaker #0

    Les échecs, des fois, c'est par des accidents de la vie, des difficultés, des fois du manque de travail, du manque d'implication, du manque de sens aussi. Ça m'a vraiment appris à devenir une autre maîtresse. à proposer des choses qui sortent des fois un petit peu de l'ordinaire, de faire le pas de côté dans les apprentissages pour aller vers plus de sens, plus d'envie, plus de plaisir à apprendre.

  • Speaker #1

    Est-ce que tu peux me raconter en quelques mots ton parcours d'enseignante jusqu'à aujourd'hui, chef d'établissement ?

  • Speaker #0

    Alors j'ai fait partie d'une promotion 98-2000 et j'ai eu ma première classe. À la rentrée 2000, c'était une classe tout niveau de maternelle plus le CP. Ça a été hyper formateur. Donc j'ai fait 4 ans maternelle et CP, et puis après je suis partie dans l'école la plus proche du Mont-Saint-Michel, à Pont-Horson, où j'ai fait 2 ans de CM2. Au bout de 2 ans, j'ai décidé de reprendre de la maternelle, parce que c'était quand même mon cœur de métier. Et là j'ai fait 4 ans de maternelle et mes deux enfants sur ces 4 ans-là. Et puis à un moment j'ai eu l'envie de progresser dans mon métier et d'aller vers une direction. Tout a commencé il y a 15 ans avec une première direction où j'ai eu la direction de l'école et la direction du collège parce que les deux directeurs partaient la même année. Et c'est là où j'ai commencé à prendre ma direction, tout en ayant une classe de maternelle une journée par semaine. J'ai eu la chance de pouvoir emmener mes élèves de collège en Espagne, en Allemagne et en Angleterre. De pouvoir manger à la table du directeur d'un des plus grands lycées d'Allemagne, moi la directrice du plus petit collège de la Manche. et au bout de 5 ans j'ai fait le choix d'envoyer mon CV comme une bouteille à la mer et quand Apprenti d'Auteuil m'a appelé il y a eu un signe et en famille on est partis 700 km plus loin on a quitté la baie du Mont-Saint-Michel pour aller dans un des plus beaux vignobles de France, Saint-Estèphe où j'ai rejoint la fondation d'Apprenti d'Auteuil où j'étais encore maîtresse de maternelle et où je dirigeais une école avec un internat Merci. Et j'ai appris autre chose encore en accueillant ces familles, notamment ces familles qui venaient nous confier leurs enfants en internat de la maternelle au CM2 à la semaine. Et ça m'a permis de faire un autre pas de côté, mais avec les parents aussi. Et depuis la rentrée de septembre, je suis arrivée au Mans en famille. Et depuis septembre, je dirige l'école Saint-Martin des Sablons. avec son 55 élèves et 25 nationalités, et le collège extraordinaire de Nouvelle Chance, où on accueille 30 jeunes en très grand décrochage scolaire.

  • Speaker #1

    Quand je t'écoute, je me dis, mais il y a quelque chose qui me semble traverser ce parcours, c'est l'élan à relever les défis.

  • Speaker #0

    J'ai choisi d'être maîtresse d'école parce que je n'aime pas la routine. Donc il n'y a jamais, en 25 ans de carrière, il n'y a jamais une... Une année qui a ressemblé à l'autre. Ma pratique et ma façon de voir ont évolué aussi. Donc c'est aller dans d'autres endroits pour faire évoluer, pour avancer aussi, toujours avancer un pas de plus et un pas de plus au service des jeunes, vraiment au service des élèves et de leur famille.

  • Speaker #1

    Ce qui est impressionnant aussi, non seulement c'est des défis à relever, mais c'est aussi des dispositifs ou des écoles qui ont des singularités par rapport peut-être à Les représentations qu'on peut avoir aujourd'hui encore, en tout cas moi que j'ai, peut-être de l'école.

  • Speaker #0

    Ça c'est clair et quand j'analyse 15 ans de carrière de direction, 5 établissements différents, oui à chaque fois c'est des établissements qui sont un petit peu extraordinaires, qui sont hors normes, soit parce que très petits. Donc si très petits, ça veut dire avoir une dynamique pour toujours accueillir le même nombre de jeunes et voir avancer. atypique, un internat de 3 à 12 ans c'est complètement atypique. Un collège avec 30 élèves, gros décrocheurs scolaires, c'est quasi hors normes. Et c'est ça aussi qui me fait avancer parce que ça nous oblige à toujours réfléchir, à voir ce qui va être le mieux pour les jeunes. On ne va pas ronronner, mais des établissements extraordinaires ça nous invite à... toujours avancer, aller voir ce qui se passe ailleurs, à faire des pas de côté, à être imaginatif. Je suis madame bricolage, comme dirait ma maman. Toi, tu as toujours cent mille idées et il faut toujours que ça bouge et que ça soit un petit peu hors norme.

  • Speaker #1

    Apprenti d'Auteuil vient de sortir un rapport sur le décrochage scolaire où il est identifié que 76 000 jeunes chaque année quitteraient le système scolaire sans diplôme et sans qualification. C'est quoi ton regard sur le décrochage scolaire ?

  • Speaker #0

    Le décrochage scolaire, il peut arriver très vite dans la vie d'un enfant parce qu'il n'a pas forcément toutes les aides qu'il lui faut pour ça. Donc il faut d'abord faire un accrochage scolaire, donner ce goût et cette envie d'apprendre en lui donnant tout ce qu'il lui faut pour arriver en CP. Le décrochage scolaire peut arriver très tôt. Et il faut en voir les signes et les comprendre. Alors des fois c'est parce que le français n'est pas la langue maternelle. Pour d'autres, ça va être des accidents de la vie, avec des parents qui ont parfois et souvent... eux-mêmes vécu des difficultés dans leur scolarité et dans leur famille. Ça peut être des enfants qui sont quand même en difficulté scolaire, avec des handicaps avérés ou non avérés. Tout ça, c'est à bien regarder, à bien agir et à savoir voir les signaux un petit peu faibles. Quand un enfant a mal au ventre, des fois, c'est parce qu'il ne se sent pas très bien. Donc ça veut dire que dès la maternelle, dès le primaire, à nous enseignants d'être attentifs à tout ce qui peut arriver pour pouvoir proposer des choses où on avance avec l'enfant.

  • Speaker #1

    Comment est-ce qu'on fait pour détecter des signaux qui sont dits faibles ?

  • Speaker #0

    Moi, je dirais, dans un premier temps, il faut apprendre à bien connaître ses élèves. Et il faut savoir perdre du temps pour en gagner derrière. Ça veut dire que lundi matin, Je ne suis pas sûre qu'il faille commencer la journée, même en CM2, par « allez, on prend son cahier, on y va, c'est dicté » . C'est peut-être prendre le temps de comment ça s'est passé, observer, voir comment va l'enfant, c'est faire le lien avec les éducateurs. C'est être là le matin pour voir les familles quand elles arrivent, ou le soir, à un moment dans la journée, apercevoir les familles. parce que aussi La façon d'être des parents va nous indiquer aussi comment vont les enfants. Une famille qui arrive en souriant, l'enfant va arriver en souriant. Une famille qui arrive un petit peu plus sur la défensive, on peut s'imaginer qu'il y a quelque chose qui ne va pas trop. Donc on ne va peut-être pas le savoir par l'enfant, mais c'est être à l'écoute. Donc c'est regarder tous ces petits signaux-là de comment vont les enfants. Est-ce qu'ils jouent pareil ? Est-ce qu'à un moment, ils s'épanchent sur quelque chose ? Écouter, mais sans juger. Parce que ce n'est pas toujours évident, on va remettre la faute sur les parents. Mais qu'est-ce qu'on sait d'eux ? À nous de ne pas juger, d'être là pour cheminer avec eux et les aider, les rencontrer. Et plus on va travailler main dans la main, plus on va avancer pour le jeune.

  • Speaker #1

    Ne pas juger, ne pas interpréter éventuellement ces signaux faibles trop vite. Comment est-ce qu'on fait pour travailler main dans la main avec des parents qui ont une culture différente, qui ont une histoire avec l'école qui n'est pas celle de l'école de la République française ? Comment est-ce qu'on fait pour aller rejoindre ces parents-là ?

  • Speaker #0

    C'est du temps à passer. Je m'amuse à dire que je fais le trottoir. C'est-à-dire que le matin, quand je suis à l'école, je suis avec Nathalie, qui est chef cadre éducatif et scolaire à l'école depuis 10 ans. qui connaît bien toutes les familles, et on accueille toutes les familles au portail le matin. Ça ne va pas être des grands discours, ça va être un bonjour avec le sourire. Et c'est déjà une façon de s'apprivoiser. Je dirais qu'on est comme dans l'histoire du petit prince, entre le renard et le petit prince, on va s'apprivoiser. On va apprendre à se connaître, dans un premier temps, par le regard, par le bonjour. par un petit mot sur l'enfant, les belles chaussures, le beau gilet tricoté par mamie qui est tchatchène. Des fois, on n'a pas toujours le même langage, mais le bonjour et le sourire, il est universel. Donc c'est du temps, on s'apprivoise, on apprend à se connaître. Et puis, c'est aussi ouvrir l'école. On a fait la soirée de la réussite, où on a invité les parents. On a fait le marché de Noël, où on ouvre l'école aux parents. Et quelque chose de rare, c'est qu'avant les vacances de Pâques, nous avons fait le goûter de fin de Ramadan. où ce sont les familles de confession musulmane qui sont venues apporter le goûter. Et à l'inverse, un mois après, on accueillait Mgr Villemin, l'évêque du Mans, et les familles sont venues manger le goûter avec l'évêque. Donc c'est des temps comme ça où on ouvre l'école aux parents. Donc à partir de la rentrée, on va faire un café des familles avec des sujets qui les intéressent, donc la place des écrans dans la famille, le jeu de société. Comment s'entraider, comment se sentir en sécurité dans le quartier en étant solidaires. Donc ça c'est super important. Quand on voit l'école dans le quartier en journée, ce n'est pas ce qu'ils vivent eux en soirée. Et il faut en être conscient aussi que ce n'est pas un endroit très sécuritaire le quartier. Et à nous de faire que l'école soit vraiment un endroit de sécurité, où on se sent bien. Et ça c'est parce qu'on va travailler avec les familles qu'on va y arriver.

  • Speaker #1

    En même temps, j'imagine qu'il y a des parents qui n'arrivent pas jusqu'à l'école ou que vous voyez peut-être très peu. Comment vous arrivez à penser l'absence de ces parents ?

  • Speaker #0

    Quand les enfants sont plus grands, les parents sont des fois un peu moins impliqués. Mais alors quand on est scolarisé à nouvelle chance, les parents sont encore plus traumatisés mais cabossés des établissements scolaires. Donc peuvent arriver à... un petit peu avec appréhension, puisqu'on accueille des enfants poly-exclus. C'est arrivé que des jeunes soient exclus de trois établissements différents avant qu'ils arrivent à Nouvelle Chance. Ou alors c'est des enfants qui ont été grands absentéistes. Les enfants ont été jugés en conseil de discipline ou en conseil de classe. Et souvent, les parents se sont sentis eux-mêmes jugés. Qu'est-ce que je fais ? pas bien, qu'est-ce que je n'arrive pas à faire. Donc là, en ce moment, je suis en précommission d'admission. Donc je rencontre les jeunes et les familles et on essaye de faire du lien avant d'arriver à Nouvelle Chance pour que les parents ne se sentent pas jugés et qu'on puisse construire un projet commun établissement, parents, élèves, pour pouvoir avancer. mais c'est redonner confiance dans le jeune et redonner confiance en la famille aussi. Et des fois, on a aussi à aider les parents à reprendre leur place de parents, parce que des jeunes, des fois, ont pris un peu trop de place dans la famille, même plus petits.

  • Speaker #1

    Qu'est-ce que disent les parents de l'école ?

  • Speaker #0

    Devant moi, ils ne vont peut-être pas forcément le dire, mais je pense qu'ils disent qu'ils s'y sentent bien, qu'ils s'y sentent même très bien. Il y a une maman qui a testé une autre école pendant un mois pour son petit et qui est revenue et dit je suis contente, j'en ai encore pour 7 ans. Donc ça veut dire qu'ils s'y sentent bien et je pense qu'ils parlent de nous dans le quartier parce qu'on a des inscriptions.

  • Speaker #1

    Comment est-ce qu'on regarde autrement ces familles que peut-être simplement comme des familles en difficulté ou des familles qui seraient résistantes ?

  • Speaker #0

    Et puis il y a des familles aussi avec des enfants qui nous posent questions, qui pensent qu'il y a un véritable handicap. qui n'est pas posée, qui est des fois long à poser, et le temps du parent n'est pas le temps de l'institution, le temps de l'acceptation n'est pas le temps du diagnostic, où la famille aussi doit faire un deuil, le deuil de l'enfant idéal premier de la classe. Et ce qui fait que la famille va pouvoir écouter nos conseils, pas forcément les mettre en action très très vite. Il faut accepter qu'on n'a pas tous le même temps d'action.

  • Speaker #1

    On évoque beaucoup cette notion d'alliance éducative. Qu'est-ce que tu peux en dire, toi, de cette alliance éducative entre l'école, les parents, d'autres institutions ?

  • Speaker #0

    L'alliance éducative, elle est nécessaire. On pense souvent à l'alliance éducative école-famille, et puis il y a tout ce qui est autour. Les partenaires, les intervenants extérieurs, quand on a la chance d'en avoir, tout ce qui peut donner du sens. Je milite, je milite la plus belle alliance. pour avancer sur l'alliance éducative, ce serait une maison des familles à côté de chaque école. Un temps où on va se poser et on va discuter de tout et de rien, mais surtout de tout, de tout petit rien qu'ils peuvent faire beaucoup. Il y a 25 ans, je n'aurais pas dit la même chose. Il y a 25 ans, les parents me faisaient un petit peu peur. Le jugement... Alors j'ai appris qu'il ne faut pas aller dans le jugement, ni d'un côté ni de l'autre. Il faut bien aller dans le dialogue. dans cette alliance ultra nécessaire, où je compare souvent avec le chemin des Emmaüs. qui n'est pas très droit. J'imagine cet élève, mais d'un côté, il y a le parent et de l'autre côté, il y a les enseignants ou l'institution qui est là. Et on va cheminer, on va avancer avec toujours l'espoir au bout.

  • Speaker #1

    Sur ce chemin, de quoi on a besoin pour avancer en sécurité, en fait, avec ses parents ou avec cet enfant ?

  • Speaker #0

    Il y a besoin de confiance de part et d'autre. La confiance, le dialogue, la confiance. Et puis, savoir... Se mettre de côté si on n'y arrive pas et savoir faire appel à un ami, comme on disait l'émission. Savoir dire je ne sais pas tout, ce que je sais c'est que je ne sais pas, mais qu'il y a quelqu'un qui va savoir peut-être mieux que moi. Donc savoir orienter vers l'orthophoniste, savoir orienter vers le psychologue, savoir orienter vers le médecin, un peu vers tout quoi. Savoir donner des conseils sans forcément être sûr que ce soit le bon. Et savoir aussi donner sa place aux parents en leur disant c'est bien vous le premier et le dernier éducateur de votre enfant. Et puis c'est se faire aider par les éducateurs qui sont en lien avec eux. Savoir aussi se mettre de côté quand on n'est pas sûr.

  • Speaker #1

    Accompagner un parent en lui disant c'est vous le premier éducateur de votre enfant. Quand ce parent a entendu depuis quasi la naissance de son enfant, vous êtes insuffisant, vous êtes défaillant, vous ne parvenez pas à... Comment on fait pour que cette conviction puisse être entendue par ce parent-là ?

  • Speaker #0

    Savoir lui dire ce qu'il fait de bien. Donc c'est aussi comme ça, quand on rencontre une famille, je n'arrête pas de dire, et ça c'est ma première directrice qui me l'a dit, quand tu rencontres quelqu'un, dis-lui ce qui va bien. Et après, on verra ce qui va moins bien. Donc, c'est valoriser tout ce que la famille sait faire. C'est lui dire, vous voyez, votre enfant, il est toujours propre. Il sent bon. C'est des choses qui nous paraissent essentielles, naturelles, mais qui ne sont pas naturelles pour tout le monde. Donc, c'est vraiment valoriser ce que le parent fait de bien. C'est lui dire, lui renvoyer du beau. C'est lui renvoyer ce qui fait plaisir. Alors, ce n'est pas parce qu'on veut faire plaisir. C'est bien parce que c'est essentiel. Et puis, le parent va écouter au fur et à mesure. Déculpabiliser les familles aussi. Donc, à nous de faire le petit trait d'humour qui déculpabilise. Déculpabilisons les parents.

  • Speaker #1

    J'entends quelque chose comme ne pas invalider les parents, en fait.

  • Speaker #0

    C'est ça. Ils sont là et ils ont toute leur place. Et c'est bien avec eux à la... toute petite enfance qu'on va travailler. Et après, les parents, oui, au fur et à mesure du temps, les parents vont progressivement lâcher la main des enfants. Moi-même, avec mes grandes 17 et 18 ans, on lâche un petit peu, et heureusement. Mais à un moment, j'étais la maman qui tenait la main. J'étais la maman qui a été confrontée à des difficultés avec ses enfants. Et il ne faut pas les culpabiliser, nos parents. Il faut les déculpabiliser et les valoriser.

  • Speaker #1

    Comment est-ce que tu fais pour accompagner tes équipes d'enseignants, enseignantes, pour partager ce regard que tu portes aussi sur les parents, sur les enfants ? Comment est-ce que tu fais pour partager ça avec les enseignants ?

  • Speaker #0

    Je pense que j'impulse un peu ma façon de penser, ne serait-ce que dans la façon d'accueillir les familles autour d'une table. Je me suis vue cette année me dire, je ne vais pas me mettre en face de la famille, mais je vais bien me mettre à côté de la famille. Et on essaye de se mettre autour d'une table et pas de part et d'autre d'une table. Déjà ça, c'est dans la façon d'être. que je peux influer un peu, mais c'est dans notre façon de faire, dans la façon d'être. Je ne peux pas imposer, je peux juste donner des conseils. C'est aussi dire des choses, penser à et impulser des idées.

  • Speaker #1

    Si tu devais faire une relecture de l'échange qu'on vient d'avoir, qu'est-ce que tu en dirais ?

  • Speaker #0

    Je suis heureuse de faire le métier que je fais. Il m'apporte tellement de belles choses. Ce n'est pas toujours évident, pas toujours facile. mais j'y ai bien trouvé ce que je voulais, quelque chose qui change tous les jours, qui est bien au service des plus petits et au service de leur famille. Merci pour ce temps d'échange, parce que dans les moments où c'est un peu plus douloureux, un peu plus difficile, Je me dis que je suis vraiment à ma place et c'est ce que m'avait dit mon mari le jour où j'ai voulu changer. Il m'a dit tu ne changeras pas, tu resteras ce que tu fais, chef d'établissement et enseignante, parce que je ne te vois pas faire autre chose. Et j'avais une lecture qui m'avait beaucoup marquée il y a 3-4 ans. C'est Né sous une bonne étoile d'Aurélie Vallogne, l'histoire d'un élève qui s'en était sorti grâce... à un professeur de collège. Et ce livre m'a beaucoup émue, beaucoup marquée. J'ai beaucoup cheminé en me disant j'espère avoir été la bonne étoile d'au moins un élève. Et j'espère que mes équipes seront la bonne étoile de plein d'élèves.

  • Speaker #1

    Je ne peux pas m'empêcher de penser que tu... n'ai pas pu être la bonne étoile d'un élève, voire même de plusieurs élèves. Et quand je t'écoute dire que tu es à ta place, la conversation qu'on vient d'avoir me laisse suggérer que tu es à ta place parce que tu as fait cette place-là à ta couleur.

  • Speaker #0

    Je suis à ma place parce qu'on m'a permis d'être moi-même. Et ça depuis dix ans, depuis que je suis à la Fondation d'apprentis d'Auteuil. On me permet d'être moi-même. Donc si on me permet d'être moi-même, je permets à mes élèves d'être eux-mêmes et aux familles d'être elles-mêmes.

  • Speaker #1

    Au début de cet échange, je t'ai proposé de tirer au hasard cinq cartes du jeu Connexion que j'ai créé. Je vais te poser les questions les unes après les autres et je te propose d'y répondre. Allez, on va commencer par une question assez large. Quel regard tu portes sur le monde ?

  • Speaker #0

    Il est complexe ce monde. Il est très très très complexe. Il est anxiogène pour nos jeunes. Il est anxiogène pour les familles du quartier aussi. Parce qu'on a une maman qui nous a avoué il y a 15 jours qu'elle a vécu les deux guerres de Tchétchénie. Mais il est beau notre monde, et c'est parce qu'on va y semer des belles graines et qu'on va aider nos élèves à grandir que le monde sera encore plus beau. À nous d'y faire attention à ce monde, à nous de rappeler l'histoire pour écrire un futur.

  • Speaker #1

    À quel projet voudrais-tu donner vie ?

  • Speaker #0

    Une maison des familles à côté de l'école. Et toujours être là pour les élèves décrocheurs. On s'arrête avec la troisième ici, pourquoi pas les 15-17.

  • Speaker #1

    Qu'est-ce qui te passionne au point d'oublier le temps ?

  • Speaker #0

    Mon métier, mais il ne faut pas que. Je me suis remise dans les puzzles il n'y a pas longtemps pour pouvoir décompresser. Donc, un mille pièces m'arrête pendant une heure ou deux. Et ça fait du bien.

  • Speaker #1

    J'ai le sentiment que la vie pour toi, c'est aussi de mettre les pièces de puzzle pour essayer de faire un portrait.

  • Speaker #0

    Oui, et puis, ce qui me pâte à chaque fois, c'est le regard que j'ai sur le puzzle. Et de pouvoir mettre, même s'il y a mille pièces, des fois, il y en a qui sont vraiment au bon endroit au bon moment. pile quand on le veut. Donc c'est aussi ça la vie, c'est de se dire que on a tous une place dans le puzzle, on est tous une pièce, mais qu'à la fin on fait une belle image quand même.

  • Speaker #1

    Dans quelles situations as-tu fait preuve de courage ?

  • Speaker #0

    Dans plein de situations. Quand je ne me suis pas sentie très très bien, qu'il fallait partir pour se reconstruire. Partir à 700 kilomètres, c'était s'expatrier et se reconstruire. Donc ça, il fallait du courage. Et je dirais que c'est à chaque changement poste où il faut du courage.

  • Speaker #1

    Et qu'est-ce que tu mobilises pour avoir ce courage-là ?

  • Speaker #0

    Ma famille. Ma famille, c'est mon courage.

  • Speaker #1

    Et j'ai une dernière question. Si tu dessinais ton portrait, que mettrais-tu en lumière ?

  • Speaker #0

    Mon sourire quand ça va. J'ai un cœur immense où je dis facilement à mes élèves qu'ils sont beaux et que je les aime.

  • Speaker #1

    Écoute, Emmanuelle, vraiment merci d'avoir partagé avec le cœur que tu décris, en fait. ta passion, tes engagements, ce regard positif que tu as sur ces enfants, sur ces familles que tu accompagnes, avec qui tu chemines sur ce chemin d'Emmaüs. Merci beaucoup d'avoir eu cet élan, de partager ce moment-là. Et je suis persuadé que ça va résonner, tes mots vont résonner.

  • Speaker #0

    Merci Christophe.

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Description

Dans cet épisode, je reçois Emmanuelle Barsot, cheffe d’établissement à Apprenti d’Auteuil, pour un échange profond et inspirant sur la relation entre l’école et les familles. Emmanuelle partage avec sensibilité son parcours d’enseignante et de dirigeante, son regard sur le décrochage scolaire, et les gestes concrets qui permettent de bâtir une véritable alliance éducative.
À travers des anecdotes touchantes et des convictions fortes, elle nous invite à repenser l’accueil des parents à l’école, à valoriser leurs rôles, et à créer des espaces de confiance, même là où la relation a pu être abîmée. Une conversation lumineuse, pleine d’humanité, qui donne à voir une école qui croit en la force du lien et en la beauté de chaque parcours.


Hébergé par Ausha. Visitez ausha.co/politique-de-confidentialite pour plus d'informations.

Transcription

  • Speaker #0

    On est comme dans l'histoire du petit prince, entre le renard et le petit prince, on va s'apprivoiser, on va apprendre à se connaître, dans un premier temps par le regard, par le bonjour. Des fois on n'a pas toujours le même langage, mais le bonjour et le sourire, il est universel. On s'apprivoise, on apprend à se connaître.

  • Speaker #1

    Bienvenue dans les nouveaux horizons de la parentalité. Je suis Christophe Beau, responsable d'un programme de soutien aux familles à Apprenti d'Auteuil. Dans cet épisode, j'ai le plaisir d'échanger avec Emmanuel Barceau, chef d'établissement scolaire à Apprenti d'Auteuil, autour d'un sujet aussi essentiel que sensible, la relation entre l'école et les familles. Comment créer les conditions pour que les parents se sentent en sécurité avec l'école de leurs enfants ? Quelles attentions, postures et pratiques permettent de bâtir une véritable alliance éducative, même là où la confiance a pu être abîmée ? Avec conviction et humanité, Emmanuel partage son expérience de terrain, ses valeurs et les gestes concrets qui, au quotidien, permettent de rejoindre les familles, de les considérer, de les valoriser, là où elles ont parfois été blessées, déconsidérées, voire jugées. Un échange riche, inspirant, qui donne à voir une école qui accueille, qui écoute et qui croit profondément en la force du lien. Bonjour Emmanuel.

  • Speaker #0

    Bonjour Christophe.

  • Speaker #1

    Je suis content de pouvoir te retrouver ici dans ton établissement au collège Nouvelle Chance au Mans. Et merci d'avoir accepté l'invitation de participer à ce podcast Les Nouveaux Horizons de la Parentalité. Qu'est-ce que tu dis de toi pour te présenter ?

  • Speaker #0

    Alors je m'appelle Emmanuel. Et j'ai toujours rêvé d'être maîtresse d'école, peut-être parce que je n'avais pas de frères et sœurs. Donc une façon d'être avec des enfants, ça a toujours été ma passion. Et depuis 9 ans, bientôt 10 ans, je suis apprentie d'Auteuil. Je suis quelqu'un de très passionné par mon travail et qui a emmené dans mon sillage ma famille. Et j'ai la chance d'avoir un mari et des enfants qui me suivent à chaque fois. Donc voilà, pour me présenter, c'est une histoire qui se vit en famille au service des jeunes et des familles de la Fondation d'apprentis d'Auteuil.

  • Speaker #1

    C'était quoi ton rapport avec l'école quand tu avais 7 ans, quand tu étais petite fille ?

  • Speaker #0

    J'étais une bonne élève, je crois, même je pense, très discrète, qui ne parlait pas beaucoup, qu'il fallait aller chercher. Mes parents ont même été convoqués quand j'étais en CE2 parce que j'étais dans un coin de la classe à ne pas répondre. Et on a interpellé mes parents en disant, il y a un problème chez vous, vous êtes en train de divorcer parce que votre fille... Elle est vraiment pas très réactive, pas présente. Ma maman a dit non, mais pas du tout. Mais si vous voulez qu'elle vous réponde, posez-lui des questions. Et à partir de ce moment-là, ça a bien tourné et ça s'est bien passé après. Donc une bonne élève jusqu'au lycée. Et puis après le lycée, j'ai eu la chance de rater ma première année, et puis ma deuxième, et puis ma troisième. donc Pour moi, avec du recul, ça a été une véritable chance parce que je ne savais pas forcément ce que c'était que de travailler. Je ne savais pas ce qu'était l'échec. Donc, pour devenir maîtresse d'école après, j'ai trouvé que c'était une véritable chance d'avoir eu ces arrêts, des fois soudains, à un point près. Mais voilà, une petite fille discrète qui, au fur et à mesure des rencontres de certains... rencontres marquantes je suis devenu ce qui je suis maintenant donc ça c'est par des belles rencontres des rencontres d'un prêtre d'une religieuse et qui m'ont aidé à me sortir un petit peu de ma coquille en me faisant faire du théâtre de la musique et à qui je dois ce beau parcours parfois sinueux mais beau parcours avec des échecs des difficultés mais beaucoup beaucoup de belles rencontres et de belles réussites

  • Speaker #1

    Tu nous parles de ton identité, de ce qui tu es aujourd'hui, qui tu es devenue. Qu'est-ce que tu as appris de ce parcours scolaire que tu as traversé ?

  • Speaker #0

    Les échecs, des fois, c'est par des accidents de la vie, des difficultés, des fois du manque de travail, du manque d'implication, du manque de sens aussi. Ça m'a vraiment appris à devenir une autre maîtresse. à proposer des choses qui sortent des fois un petit peu de l'ordinaire, de faire le pas de côté dans les apprentissages pour aller vers plus de sens, plus d'envie, plus de plaisir à apprendre.

  • Speaker #1

    Est-ce que tu peux me raconter en quelques mots ton parcours d'enseignante jusqu'à aujourd'hui, chef d'établissement ?

  • Speaker #0

    Alors j'ai fait partie d'une promotion 98-2000 et j'ai eu ma première classe. À la rentrée 2000, c'était une classe tout niveau de maternelle plus le CP. Ça a été hyper formateur. Donc j'ai fait 4 ans maternelle et CP, et puis après je suis partie dans l'école la plus proche du Mont-Saint-Michel, à Pont-Horson, où j'ai fait 2 ans de CM2. Au bout de 2 ans, j'ai décidé de reprendre de la maternelle, parce que c'était quand même mon cœur de métier. Et là j'ai fait 4 ans de maternelle et mes deux enfants sur ces 4 ans-là. Et puis à un moment j'ai eu l'envie de progresser dans mon métier et d'aller vers une direction. Tout a commencé il y a 15 ans avec une première direction où j'ai eu la direction de l'école et la direction du collège parce que les deux directeurs partaient la même année. Et c'est là où j'ai commencé à prendre ma direction, tout en ayant une classe de maternelle une journée par semaine. J'ai eu la chance de pouvoir emmener mes élèves de collège en Espagne, en Allemagne et en Angleterre. De pouvoir manger à la table du directeur d'un des plus grands lycées d'Allemagne, moi la directrice du plus petit collège de la Manche. et au bout de 5 ans j'ai fait le choix d'envoyer mon CV comme une bouteille à la mer et quand Apprenti d'Auteuil m'a appelé il y a eu un signe et en famille on est partis 700 km plus loin on a quitté la baie du Mont-Saint-Michel pour aller dans un des plus beaux vignobles de France, Saint-Estèphe où j'ai rejoint la fondation d'Apprenti d'Auteuil où j'étais encore maîtresse de maternelle et où je dirigeais une école avec un internat Merci. Et j'ai appris autre chose encore en accueillant ces familles, notamment ces familles qui venaient nous confier leurs enfants en internat de la maternelle au CM2 à la semaine. Et ça m'a permis de faire un autre pas de côté, mais avec les parents aussi. Et depuis la rentrée de septembre, je suis arrivée au Mans en famille. Et depuis septembre, je dirige l'école Saint-Martin des Sablons. avec son 55 élèves et 25 nationalités, et le collège extraordinaire de Nouvelle Chance, où on accueille 30 jeunes en très grand décrochage scolaire.

  • Speaker #1

    Quand je t'écoute, je me dis, mais il y a quelque chose qui me semble traverser ce parcours, c'est l'élan à relever les défis.

  • Speaker #0

    J'ai choisi d'être maîtresse d'école parce que je n'aime pas la routine. Donc il n'y a jamais, en 25 ans de carrière, il n'y a jamais une... Une année qui a ressemblé à l'autre. Ma pratique et ma façon de voir ont évolué aussi. Donc c'est aller dans d'autres endroits pour faire évoluer, pour avancer aussi, toujours avancer un pas de plus et un pas de plus au service des jeunes, vraiment au service des élèves et de leur famille.

  • Speaker #1

    Ce qui est impressionnant aussi, non seulement c'est des défis à relever, mais c'est aussi des dispositifs ou des écoles qui ont des singularités par rapport peut-être à Les représentations qu'on peut avoir aujourd'hui encore, en tout cas moi que j'ai, peut-être de l'école.

  • Speaker #0

    Ça c'est clair et quand j'analyse 15 ans de carrière de direction, 5 établissements différents, oui à chaque fois c'est des établissements qui sont un petit peu extraordinaires, qui sont hors normes, soit parce que très petits. Donc si très petits, ça veut dire avoir une dynamique pour toujours accueillir le même nombre de jeunes et voir avancer. atypique, un internat de 3 à 12 ans c'est complètement atypique. Un collège avec 30 élèves, gros décrocheurs scolaires, c'est quasi hors normes. Et c'est ça aussi qui me fait avancer parce que ça nous oblige à toujours réfléchir, à voir ce qui va être le mieux pour les jeunes. On ne va pas ronronner, mais des établissements extraordinaires ça nous invite à... toujours avancer, aller voir ce qui se passe ailleurs, à faire des pas de côté, à être imaginatif. Je suis madame bricolage, comme dirait ma maman. Toi, tu as toujours cent mille idées et il faut toujours que ça bouge et que ça soit un petit peu hors norme.

  • Speaker #1

    Apprenti d'Auteuil vient de sortir un rapport sur le décrochage scolaire où il est identifié que 76 000 jeunes chaque année quitteraient le système scolaire sans diplôme et sans qualification. C'est quoi ton regard sur le décrochage scolaire ?

  • Speaker #0

    Le décrochage scolaire, il peut arriver très vite dans la vie d'un enfant parce qu'il n'a pas forcément toutes les aides qu'il lui faut pour ça. Donc il faut d'abord faire un accrochage scolaire, donner ce goût et cette envie d'apprendre en lui donnant tout ce qu'il lui faut pour arriver en CP. Le décrochage scolaire peut arriver très tôt. Et il faut en voir les signes et les comprendre. Alors des fois c'est parce que le français n'est pas la langue maternelle. Pour d'autres, ça va être des accidents de la vie, avec des parents qui ont parfois et souvent... eux-mêmes vécu des difficultés dans leur scolarité et dans leur famille. Ça peut être des enfants qui sont quand même en difficulté scolaire, avec des handicaps avérés ou non avérés. Tout ça, c'est à bien regarder, à bien agir et à savoir voir les signaux un petit peu faibles. Quand un enfant a mal au ventre, des fois, c'est parce qu'il ne se sent pas très bien. Donc ça veut dire que dès la maternelle, dès le primaire, à nous enseignants d'être attentifs à tout ce qui peut arriver pour pouvoir proposer des choses où on avance avec l'enfant.

  • Speaker #1

    Comment est-ce qu'on fait pour détecter des signaux qui sont dits faibles ?

  • Speaker #0

    Moi, je dirais, dans un premier temps, il faut apprendre à bien connaître ses élèves. Et il faut savoir perdre du temps pour en gagner derrière. Ça veut dire que lundi matin, Je ne suis pas sûre qu'il faille commencer la journée, même en CM2, par « allez, on prend son cahier, on y va, c'est dicté » . C'est peut-être prendre le temps de comment ça s'est passé, observer, voir comment va l'enfant, c'est faire le lien avec les éducateurs. C'est être là le matin pour voir les familles quand elles arrivent, ou le soir, à un moment dans la journée, apercevoir les familles. parce que aussi La façon d'être des parents va nous indiquer aussi comment vont les enfants. Une famille qui arrive en souriant, l'enfant va arriver en souriant. Une famille qui arrive un petit peu plus sur la défensive, on peut s'imaginer qu'il y a quelque chose qui ne va pas trop. Donc on ne va peut-être pas le savoir par l'enfant, mais c'est être à l'écoute. Donc c'est regarder tous ces petits signaux-là de comment vont les enfants. Est-ce qu'ils jouent pareil ? Est-ce qu'à un moment, ils s'épanchent sur quelque chose ? Écouter, mais sans juger. Parce que ce n'est pas toujours évident, on va remettre la faute sur les parents. Mais qu'est-ce qu'on sait d'eux ? À nous de ne pas juger, d'être là pour cheminer avec eux et les aider, les rencontrer. Et plus on va travailler main dans la main, plus on va avancer pour le jeune.

  • Speaker #1

    Ne pas juger, ne pas interpréter éventuellement ces signaux faibles trop vite. Comment est-ce qu'on fait pour travailler main dans la main avec des parents qui ont une culture différente, qui ont une histoire avec l'école qui n'est pas celle de l'école de la République française ? Comment est-ce qu'on fait pour aller rejoindre ces parents-là ?

  • Speaker #0

    C'est du temps à passer. Je m'amuse à dire que je fais le trottoir. C'est-à-dire que le matin, quand je suis à l'école, je suis avec Nathalie, qui est chef cadre éducatif et scolaire à l'école depuis 10 ans. qui connaît bien toutes les familles, et on accueille toutes les familles au portail le matin. Ça ne va pas être des grands discours, ça va être un bonjour avec le sourire. Et c'est déjà une façon de s'apprivoiser. Je dirais qu'on est comme dans l'histoire du petit prince, entre le renard et le petit prince, on va s'apprivoiser. On va apprendre à se connaître, dans un premier temps, par le regard, par le bonjour. par un petit mot sur l'enfant, les belles chaussures, le beau gilet tricoté par mamie qui est tchatchène. Des fois, on n'a pas toujours le même langage, mais le bonjour et le sourire, il est universel. Donc c'est du temps, on s'apprivoise, on apprend à se connaître. Et puis, c'est aussi ouvrir l'école. On a fait la soirée de la réussite, où on a invité les parents. On a fait le marché de Noël, où on ouvre l'école aux parents. Et quelque chose de rare, c'est qu'avant les vacances de Pâques, nous avons fait le goûter de fin de Ramadan. où ce sont les familles de confession musulmane qui sont venues apporter le goûter. Et à l'inverse, un mois après, on accueillait Mgr Villemin, l'évêque du Mans, et les familles sont venues manger le goûter avec l'évêque. Donc c'est des temps comme ça où on ouvre l'école aux parents. Donc à partir de la rentrée, on va faire un café des familles avec des sujets qui les intéressent, donc la place des écrans dans la famille, le jeu de société. Comment s'entraider, comment se sentir en sécurité dans le quartier en étant solidaires. Donc ça c'est super important. Quand on voit l'école dans le quartier en journée, ce n'est pas ce qu'ils vivent eux en soirée. Et il faut en être conscient aussi que ce n'est pas un endroit très sécuritaire le quartier. Et à nous de faire que l'école soit vraiment un endroit de sécurité, où on se sent bien. Et ça c'est parce qu'on va travailler avec les familles qu'on va y arriver.

  • Speaker #1

    En même temps, j'imagine qu'il y a des parents qui n'arrivent pas jusqu'à l'école ou que vous voyez peut-être très peu. Comment vous arrivez à penser l'absence de ces parents ?

  • Speaker #0

    Quand les enfants sont plus grands, les parents sont des fois un peu moins impliqués. Mais alors quand on est scolarisé à nouvelle chance, les parents sont encore plus traumatisés mais cabossés des établissements scolaires. Donc peuvent arriver à... un petit peu avec appréhension, puisqu'on accueille des enfants poly-exclus. C'est arrivé que des jeunes soient exclus de trois établissements différents avant qu'ils arrivent à Nouvelle Chance. Ou alors c'est des enfants qui ont été grands absentéistes. Les enfants ont été jugés en conseil de discipline ou en conseil de classe. Et souvent, les parents se sont sentis eux-mêmes jugés. Qu'est-ce que je fais ? pas bien, qu'est-ce que je n'arrive pas à faire. Donc là, en ce moment, je suis en précommission d'admission. Donc je rencontre les jeunes et les familles et on essaye de faire du lien avant d'arriver à Nouvelle Chance pour que les parents ne se sentent pas jugés et qu'on puisse construire un projet commun établissement, parents, élèves, pour pouvoir avancer. mais c'est redonner confiance dans le jeune et redonner confiance en la famille aussi. Et des fois, on a aussi à aider les parents à reprendre leur place de parents, parce que des jeunes, des fois, ont pris un peu trop de place dans la famille, même plus petits.

  • Speaker #1

    Qu'est-ce que disent les parents de l'école ?

  • Speaker #0

    Devant moi, ils ne vont peut-être pas forcément le dire, mais je pense qu'ils disent qu'ils s'y sentent bien, qu'ils s'y sentent même très bien. Il y a une maman qui a testé une autre école pendant un mois pour son petit et qui est revenue et dit je suis contente, j'en ai encore pour 7 ans. Donc ça veut dire qu'ils s'y sentent bien et je pense qu'ils parlent de nous dans le quartier parce qu'on a des inscriptions.

  • Speaker #1

    Comment est-ce qu'on regarde autrement ces familles que peut-être simplement comme des familles en difficulté ou des familles qui seraient résistantes ?

  • Speaker #0

    Et puis il y a des familles aussi avec des enfants qui nous posent questions, qui pensent qu'il y a un véritable handicap. qui n'est pas posée, qui est des fois long à poser, et le temps du parent n'est pas le temps de l'institution, le temps de l'acceptation n'est pas le temps du diagnostic, où la famille aussi doit faire un deuil, le deuil de l'enfant idéal premier de la classe. Et ce qui fait que la famille va pouvoir écouter nos conseils, pas forcément les mettre en action très très vite. Il faut accepter qu'on n'a pas tous le même temps d'action.

  • Speaker #1

    On évoque beaucoup cette notion d'alliance éducative. Qu'est-ce que tu peux en dire, toi, de cette alliance éducative entre l'école, les parents, d'autres institutions ?

  • Speaker #0

    L'alliance éducative, elle est nécessaire. On pense souvent à l'alliance éducative école-famille, et puis il y a tout ce qui est autour. Les partenaires, les intervenants extérieurs, quand on a la chance d'en avoir, tout ce qui peut donner du sens. Je milite, je milite la plus belle alliance. pour avancer sur l'alliance éducative, ce serait une maison des familles à côté de chaque école. Un temps où on va se poser et on va discuter de tout et de rien, mais surtout de tout, de tout petit rien qu'ils peuvent faire beaucoup. Il y a 25 ans, je n'aurais pas dit la même chose. Il y a 25 ans, les parents me faisaient un petit peu peur. Le jugement... Alors j'ai appris qu'il ne faut pas aller dans le jugement, ni d'un côté ni de l'autre. Il faut bien aller dans le dialogue. dans cette alliance ultra nécessaire, où je compare souvent avec le chemin des Emmaüs. qui n'est pas très droit. J'imagine cet élève, mais d'un côté, il y a le parent et de l'autre côté, il y a les enseignants ou l'institution qui est là. Et on va cheminer, on va avancer avec toujours l'espoir au bout.

  • Speaker #1

    Sur ce chemin, de quoi on a besoin pour avancer en sécurité, en fait, avec ses parents ou avec cet enfant ?

  • Speaker #0

    Il y a besoin de confiance de part et d'autre. La confiance, le dialogue, la confiance. Et puis, savoir... Se mettre de côté si on n'y arrive pas et savoir faire appel à un ami, comme on disait l'émission. Savoir dire je ne sais pas tout, ce que je sais c'est que je ne sais pas, mais qu'il y a quelqu'un qui va savoir peut-être mieux que moi. Donc savoir orienter vers l'orthophoniste, savoir orienter vers le psychologue, savoir orienter vers le médecin, un peu vers tout quoi. Savoir donner des conseils sans forcément être sûr que ce soit le bon. Et savoir aussi donner sa place aux parents en leur disant c'est bien vous le premier et le dernier éducateur de votre enfant. Et puis c'est se faire aider par les éducateurs qui sont en lien avec eux. Savoir aussi se mettre de côté quand on n'est pas sûr.

  • Speaker #1

    Accompagner un parent en lui disant c'est vous le premier éducateur de votre enfant. Quand ce parent a entendu depuis quasi la naissance de son enfant, vous êtes insuffisant, vous êtes défaillant, vous ne parvenez pas à... Comment on fait pour que cette conviction puisse être entendue par ce parent-là ?

  • Speaker #0

    Savoir lui dire ce qu'il fait de bien. Donc c'est aussi comme ça, quand on rencontre une famille, je n'arrête pas de dire, et ça c'est ma première directrice qui me l'a dit, quand tu rencontres quelqu'un, dis-lui ce qui va bien. Et après, on verra ce qui va moins bien. Donc, c'est valoriser tout ce que la famille sait faire. C'est lui dire, vous voyez, votre enfant, il est toujours propre. Il sent bon. C'est des choses qui nous paraissent essentielles, naturelles, mais qui ne sont pas naturelles pour tout le monde. Donc, c'est vraiment valoriser ce que le parent fait de bien. C'est lui dire, lui renvoyer du beau. C'est lui renvoyer ce qui fait plaisir. Alors, ce n'est pas parce qu'on veut faire plaisir. C'est bien parce que c'est essentiel. Et puis, le parent va écouter au fur et à mesure. Déculpabiliser les familles aussi. Donc, à nous de faire le petit trait d'humour qui déculpabilise. Déculpabilisons les parents.

  • Speaker #1

    J'entends quelque chose comme ne pas invalider les parents, en fait.

  • Speaker #0

    C'est ça. Ils sont là et ils ont toute leur place. Et c'est bien avec eux à la... toute petite enfance qu'on va travailler. Et après, les parents, oui, au fur et à mesure du temps, les parents vont progressivement lâcher la main des enfants. Moi-même, avec mes grandes 17 et 18 ans, on lâche un petit peu, et heureusement. Mais à un moment, j'étais la maman qui tenait la main. J'étais la maman qui a été confrontée à des difficultés avec ses enfants. Et il ne faut pas les culpabiliser, nos parents. Il faut les déculpabiliser et les valoriser.

  • Speaker #1

    Comment est-ce que tu fais pour accompagner tes équipes d'enseignants, enseignantes, pour partager ce regard que tu portes aussi sur les parents, sur les enfants ? Comment est-ce que tu fais pour partager ça avec les enseignants ?

  • Speaker #0

    Je pense que j'impulse un peu ma façon de penser, ne serait-ce que dans la façon d'accueillir les familles autour d'une table. Je me suis vue cette année me dire, je ne vais pas me mettre en face de la famille, mais je vais bien me mettre à côté de la famille. Et on essaye de se mettre autour d'une table et pas de part et d'autre d'une table. Déjà ça, c'est dans la façon d'être. que je peux influer un peu, mais c'est dans notre façon de faire, dans la façon d'être. Je ne peux pas imposer, je peux juste donner des conseils. C'est aussi dire des choses, penser à et impulser des idées.

  • Speaker #1

    Si tu devais faire une relecture de l'échange qu'on vient d'avoir, qu'est-ce que tu en dirais ?

  • Speaker #0

    Je suis heureuse de faire le métier que je fais. Il m'apporte tellement de belles choses. Ce n'est pas toujours évident, pas toujours facile. mais j'y ai bien trouvé ce que je voulais, quelque chose qui change tous les jours, qui est bien au service des plus petits et au service de leur famille. Merci pour ce temps d'échange, parce que dans les moments où c'est un peu plus douloureux, un peu plus difficile, Je me dis que je suis vraiment à ma place et c'est ce que m'avait dit mon mari le jour où j'ai voulu changer. Il m'a dit tu ne changeras pas, tu resteras ce que tu fais, chef d'établissement et enseignante, parce que je ne te vois pas faire autre chose. Et j'avais une lecture qui m'avait beaucoup marquée il y a 3-4 ans. C'est Né sous une bonne étoile d'Aurélie Vallogne, l'histoire d'un élève qui s'en était sorti grâce... à un professeur de collège. Et ce livre m'a beaucoup émue, beaucoup marquée. J'ai beaucoup cheminé en me disant j'espère avoir été la bonne étoile d'au moins un élève. Et j'espère que mes équipes seront la bonne étoile de plein d'élèves.

  • Speaker #1

    Je ne peux pas m'empêcher de penser que tu... n'ai pas pu être la bonne étoile d'un élève, voire même de plusieurs élèves. Et quand je t'écoute dire que tu es à ta place, la conversation qu'on vient d'avoir me laisse suggérer que tu es à ta place parce que tu as fait cette place-là à ta couleur.

  • Speaker #0

    Je suis à ma place parce qu'on m'a permis d'être moi-même. Et ça depuis dix ans, depuis que je suis à la Fondation d'apprentis d'Auteuil. On me permet d'être moi-même. Donc si on me permet d'être moi-même, je permets à mes élèves d'être eux-mêmes et aux familles d'être elles-mêmes.

  • Speaker #1

    Au début de cet échange, je t'ai proposé de tirer au hasard cinq cartes du jeu Connexion que j'ai créé. Je vais te poser les questions les unes après les autres et je te propose d'y répondre. Allez, on va commencer par une question assez large. Quel regard tu portes sur le monde ?

  • Speaker #0

    Il est complexe ce monde. Il est très très très complexe. Il est anxiogène pour nos jeunes. Il est anxiogène pour les familles du quartier aussi. Parce qu'on a une maman qui nous a avoué il y a 15 jours qu'elle a vécu les deux guerres de Tchétchénie. Mais il est beau notre monde, et c'est parce qu'on va y semer des belles graines et qu'on va aider nos élèves à grandir que le monde sera encore plus beau. À nous d'y faire attention à ce monde, à nous de rappeler l'histoire pour écrire un futur.

  • Speaker #1

    À quel projet voudrais-tu donner vie ?

  • Speaker #0

    Une maison des familles à côté de l'école. Et toujours être là pour les élèves décrocheurs. On s'arrête avec la troisième ici, pourquoi pas les 15-17.

  • Speaker #1

    Qu'est-ce qui te passionne au point d'oublier le temps ?

  • Speaker #0

    Mon métier, mais il ne faut pas que. Je me suis remise dans les puzzles il n'y a pas longtemps pour pouvoir décompresser. Donc, un mille pièces m'arrête pendant une heure ou deux. Et ça fait du bien.

  • Speaker #1

    J'ai le sentiment que la vie pour toi, c'est aussi de mettre les pièces de puzzle pour essayer de faire un portrait.

  • Speaker #0

    Oui, et puis, ce qui me pâte à chaque fois, c'est le regard que j'ai sur le puzzle. Et de pouvoir mettre, même s'il y a mille pièces, des fois, il y en a qui sont vraiment au bon endroit au bon moment. pile quand on le veut. Donc c'est aussi ça la vie, c'est de se dire que on a tous une place dans le puzzle, on est tous une pièce, mais qu'à la fin on fait une belle image quand même.

  • Speaker #1

    Dans quelles situations as-tu fait preuve de courage ?

  • Speaker #0

    Dans plein de situations. Quand je ne me suis pas sentie très très bien, qu'il fallait partir pour se reconstruire. Partir à 700 kilomètres, c'était s'expatrier et se reconstruire. Donc ça, il fallait du courage. Et je dirais que c'est à chaque changement poste où il faut du courage.

  • Speaker #1

    Et qu'est-ce que tu mobilises pour avoir ce courage-là ?

  • Speaker #0

    Ma famille. Ma famille, c'est mon courage.

  • Speaker #1

    Et j'ai une dernière question. Si tu dessinais ton portrait, que mettrais-tu en lumière ?

  • Speaker #0

    Mon sourire quand ça va. J'ai un cœur immense où je dis facilement à mes élèves qu'ils sont beaux et que je les aime.

  • Speaker #1

    Écoute, Emmanuelle, vraiment merci d'avoir partagé avec le cœur que tu décris, en fait. ta passion, tes engagements, ce regard positif que tu as sur ces enfants, sur ces familles que tu accompagnes, avec qui tu chemines sur ce chemin d'Emmaüs. Merci beaucoup d'avoir eu cet élan, de partager ce moment-là. Et je suis persuadé que ça va résonner, tes mots vont résonner.

  • Speaker #0

    Merci Christophe.

Description

Dans cet épisode, je reçois Emmanuelle Barsot, cheffe d’établissement à Apprenti d’Auteuil, pour un échange profond et inspirant sur la relation entre l’école et les familles. Emmanuelle partage avec sensibilité son parcours d’enseignante et de dirigeante, son regard sur le décrochage scolaire, et les gestes concrets qui permettent de bâtir une véritable alliance éducative.
À travers des anecdotes touchantes et des convictions fortes, elle nous invite à repenser l’accueil des parents à l’école, à valoriser leurs rôles, et à créer des espaces de confiance, même là où la relation a pu être abîmée. Une conversation lumineuse, pleine d’humanité, qui donne à voir une école qui croit en la force du lien et en la beauté de chaque parcours.


Hébergé par Ausha. Visitez ausha.co/politique-de-confidentialite pour plus d'informations.

Transcription

  • Speaker #0

    On est comme dans l'histoire du petit prince, entre le renard et le petit prince, on va s'apprivoiser, on va apprendre à se connaître, dans un premier temps par le regard, par le bonjour. Des fois on n'a pas toujours le même langage, mais le bonjour et le sourire, il est universel. On s'apprivoise, on apprend à se connaître.

  • Speaker #1

    Bienvenue dans les nouveaux horizons de la parentalité. Je suis Christophe Beau, responsable d'un programme de soutien aux familles à Apprenti d'Auteuil. Dans cet épisode, j'ai le plaisir d'échanger avec Emmanuel Barceau, chef d'établissement scolaire à Apprenti d'Auteuil, autour d'un sujet aussi essentiel que sensible, la relation entre l'école et les familles. Comment créer les conditions pour que les parents se sentent en sécurité avec l'école de leurs enfants ? Quelles attentions, postures et pratiques permettent de bâtir une véritable alliance éducative, même là où la confiance a pu être abîmée ? Avec conviction et humanité, Emmanuel partage son expérience de terrain, ses valeurs et les gestes concrets qui, au quotidien, permettent de rejoindre les familles, de les considérer, de les valoriser, là où elles ont parfois été blessées, déconsidérées, voire jugées. Un échange riche, inspirant, qui donne à voir une école qui accueille, qui écoute et qui croit profondément en la force du lien. Bonjour Emmanuel.

  • Speaker #0

    Bonjour Christophe.

  • Speaker #1

    Je suis content de pouvoir te retrouver ici dans ton établissement au collège Nouvelle Chance au Mans. Et merci d'avoir accepté l'invitation de participer à ce podcast Les Nouveaux Horizons de la Parentalité. Qu'est-ce que tu dis de toi pour te présenter ?

  • Speaker #0

    Alors je m'appelle Emmanuel. Et j'ai toujours rêvé d'être maîtresse d'école, peut-être parce que je n'avais pas de frères et sœurs. Donc une façon d'être avec des enfants, ça a toujours été ma passion. Et depuis 9 ans, bientôt 10 ans, je suis apprentie d'Auteuil. Je suis quelqu'un de très passionné par mon travail et qui a emmené dans mon sillage ma famille. Et j'ai la chance d'avoir un mari et des enfants qui me suivent à chaque fois. Donc voilà, pour me présenter, c'est une histoire qui se vit en famille au service des jeunes et des familles de la Fondation d'apprentis d'Auteuil.

  • Speaker #1

    C'était quoi ton rapport avec l'école quand tu avais 7 ans, quand tu étais petite fille ?

  • Speaker #0

    J'étais une bonne élève, je crois, même je pense, très discrète, qui ne parlait pas beaucoup, qu'il fallait aller chercher. Mes parents ont même été convoqués quand j'étais en CE2 parce que j'étais dans un coin de la classe à ne pas répondre. Et on a interpellé mes parents en disant, il y a un problème chez vous, vous êtes en train de divorcer parce que votre fille... Elle est vraiment pas très réactive, pas présente. Ma maman a dit non, mais pas du tout. Mais si vous voulez qu'elle vous réponde, posez-lui des questions. Et à partir de ce moment-là, ça a bien tourné et ça s'est bien passé après. Donc une bonne élève jusqu'au lycée. Et puis après le lycée, j'ai eu la chance de rater ma première année, et puis ma deuxième, et puis ma troisième. donc Pour moi, avec du recul, ça a été une véritable chance parce que je ne savais pas forcément ce que c'était que de travailler. Je ne savais pas ce qu'était l'échec. Donc, pour devenir maîtresse d'école après, j'ai trouvé que c'était une véritable chance d'avoir eu ces arrêts, des fois soudains, à un point près. Mais voilà, une petite fille discrète qui, au fur et à mesure des rencontres de certains... rencontres marquantes je suis devenu ce qui je suis maintenant donc ça c'est par des belles rencontres des rencontres d'un prêtre d'une religieuse et qui m'ont aidé à me sortir un petit peu de ma coquille en me faisant faire du théâtre de la musique et à qui je dois ce beau parcours parfois sinueux mais beau parcours avec des échecs des difficultés mais beaucoup beaucoup de belles rencontres et de belles réussites

  • Speaker #1

    Tu nous parles de ton identité, de ce qui tu es aujourd'hui, qui tu es devenue. Qu'est-ce que tu as appris de ce parcours scolaire que tu as traversé ?

  • Speaker #0

    Les échecs, des fois, c'est par des accidents de la vie, des difficultés, des fois du manque de travail, du manque d'implication, du manque de sens aussi. Ça m'a vraiment appris à devenir une autre maîtresse. à proposer des choses qui sortent des fois un petit peu de l'ordinaire, de faire le pas de côté dans les apprentissages pour aller vers plus de sens, plus d'envie, plus de plaisir à apprendre.

  • Speaker #1

    Est-ce que tu peux me raconter en quelques mots ton parcours d'enseignante jusqu'à aujourd'hui, chef d'établissement ?

  • Speaker #0

    Alors j'ai fait partie d'une promotion 98-2000 et j'ai eu ma première classe. À la rentrée 2000, c'était une classe tout niveau de maternelle plus le CP. Ça a été hyper formateur. Donc j'ai fait 4 ans maternelle et CP, et puis après je suis partie dans l'école la plus proche du Mont-Saint-Michel, à Pont-Horson, où j'ai fait 2 ans de CM2. Au bout de 2 ans, j'ai décidé de reprendre de la maternelle, parce que c'était quand même mon cœur de métier. Et là j'ai fait 4 ans de maternelle et mes deux enfants sur ces 4 ans-là. Et puis à un moment j'ai eu l'envie de progresser dans mon métier et d'aller vers une direction. Tout a commencé il y a 15 ans avec une première direction où j'ai eu la direction de l'école et la direction du collège parce que les deux directeurs partaient la même année. Et c'est là où j'ai commencé à prendre ma direction, tout en ayant une classe de maternelle une journée par semaine. J'ai eu la chance de pouvoir emmener mes élèves de collège en Espagne, en Allemagne et en Angleterre. De pouvoir manger à la table du directeur d'un des plus grands lycées d'Allemagne, moi la directrice du plus petit collège de la Manche. et au bout de 5 ans j'ai fait le choix d'envoyer mon CV comme une bouteille à la mer et quand Apprenti d'Auteuil m'a appelé il y a eu un signe et en famille on est partis 700 km plus loin on a quitté la baie du Mont-Saint-Michel pour aller dans un des plus beaux vignobles de France, Saint-Estèphe où j'ai rejoint la fondation d'Apprenti d'Auteuil où j'étais encore maîtresse de maternelle et où je dirigeais une école avec un internat Merci. Et j'ai appris autre chose encore en accueillant ces familles, notamment ces familles qui venaient nous confier leurs enfants en internat de la maternelle au CM2 à la semaine. Et ça m'a permis de faire un autre pas de côté, mais avec les parents aussi. Et depuis la rentrée de septembre, je suis arrivée au Mans en famille. Et depuis septembre, je dirige l'école Saint-Martin des Sablons. avec son 55 élèves et 25 nationalités, et le collège extraordinaire de Nouvelle Chance, où on accueille 30 jeunes en très grand décrochage scolaire.

  • Speaker #1

    Quand je t'écoute, je me dis, mais il y a quelque chose qui me semble traverser ce parcours, c'est l'élan à relever les défis.

  • Speaker #0

    J'ai choisi d'être maîtresse d'école parce que je n'aime pas la routine. Donc il n'y a jamais, en 25 ans de carrière, il n'y a jamais une... Une année qui a ressemblé à l'autre. Ma pratique et ma façon de voir ont évolué aussi. Donc c'est aller dans d'autres endroits pour faire évoluer, pour avancer aussi, toujours avancer un pas de plus et un pas de plus au service des jeunes, vraiment au service des élèves et de leur famille.

  • Speaker #1

    Ce qui est impressionnant aussi, non seulement c'est des défis à relever, mais c'est aussi des dispositifs ou des écoles qui ont des singularités par rapport peut-être à Les représentations qu'on peut avoir aujourd'hui encore, en tout cas moi que j'ai, peut-être de l'école.

  • Speaker #0

    Ça c'est clair et quand j'analyse 15 ans de carrière de direction, 5 établissements différents, oui à chaque fois c'est des établissements qui sont un petit peu extraordinaires, qui sont hors normes, soit parce que très petits. Donc si très petits, ça veut dire avoir une dynamique pour toujours accueillir le même nombre de jeunes et voir avancer. atypique, un internat de 3 à 12 ans c'est complètement atypique. Un collège avec 30 élèves, gros décrocheurs scolaires, c'est quasi hors normes. Et c'est ça aussi qui me fait avancer parce que ça nous oblige à toujours réfléchir, à voir ce qui va être le mieux pour les jeunes. On ne va pas ronronner, mais des établissements extraordinaires ça nous invite à... toujours avancer, aller voir ce qui se passe ailleurs, à faire des pas de côté, à être imaginatif. Je suis madame bricolage, comme dirait ma maman. Toi, tu as toujours cent mille idées et il faut toujours que ça bouge et que ça soit un petit peu hors norme.

  • Speaker #1

    Apprenti d'Auteuil vient de sortir un rapport sur le décrochage scolaire où il est identifié que 76 000 jeunes chaque année quitteraient le système scolaire sans diplôme et sans qualification. C'est quoi ton regard sur le décrochage scolaire ?

  • Speaker #0

    Le décrochage scolaire, il peut arriver très vite dans la vie d'un enfant parce qu'il n'a pas forcément toutes les aides qu'il lui faut pour ça. Donc il faut d'abord faire un accrochage scolaire, donner ce goût et cette envie d'apprendre en lui donnant tout ce qu'il lui faut pour arriver en CP. Le décrochage scolaire peut arriver très tôt. Et il faut en voir les signes et les comprendre. Alors des fois c'est parce que le français n'est pas la langue maternelle. Pour d'autres, ça va être des accidents de la vie, avec des parents qui ont parfois et souvent... eux-mêmes vécu des difficultés dans leur scolarité et dans leur famille. Ça peut être des enfants qui sont quand même en difficulté scolaire, avec des handicaps avérés ou non avérés. Tout ça, c'est à bien regarder, à bien agir et à savoir voir les signaux un petit peu faibles. Quand un enfant a mal au ventre, des fois, c'est parce qu'il ne se sent pas très bien. Donc ça veut dire que dès la maternelle, dès le primaire, à nous enseignants d'être attentifs à tout ce qui peut arriver pour pouvoir proposer des choses où on avance avec l'enfant.

  • Speaker #1

    Comment est-ce qu'on fait pour détecter des signaux qui sont dits faibles ?

  • Speaker #0

    Moi, je dirais, dans un premier temps, il faut apprendre à bien connaître ses élèves. Et il faut savoir perdre du temps pour en gagner derrière. Ça veut dire que lundi matin, Je ne suis pas sûre qu'il faille commencer la journée, même en CM2, par « allez, on prend son cahier, on y va, c'est dicté » . C'est peut-être prendre le temps de comment ça s'est passé, observer, voir comment va l'enfant, c'est faire le lien avec les éducateurs. C'est être là le matin pour voir les familles quand elles arrivent, ou le soir, à un moment dans la journée, apercevoir les familles. parce que aussi La façon d'être des parents va nous indiquer aussi comment vont les enfants. Une famille qui arrive en souriant, l'enfant va arriver en souriant. Une famille qui arrive un petit peu plus sur la défensive, on peut s'imaginer qu'il y a quelque chose qui ne va pas trop. Donc on ne va peut-être pas le savoir par l'enfant, mais c'est être à l'écoute. Donc c'est regarder tous ces petits signaux-là de comment vont les enfants. Est-ce qu'ils jouent pareil ? Est-ce qu'à un moment, ils s'épanchent sur quelque chose ? Écouter, mais sans juger. Parce que ce n'est pas toujours évident, on va remettre la faute sur les parents. Mais qu'est-ce qu'on sait d'eux ? À nous de ne pas juger, d'être là pour cheminer avec eux et les aider, les rencontrer. Et plus on va travailler main dans la main, plus on va avancer pour le jeune.

  • Speaker #1

    Ne pas juger, ne pas interpréter éventuellement ces signaux faibles trop vite. Comment est-ce qu'on fait pour travailler main dans la main avec des parents qui ont une culture différente, qui ont une histoire avec l'école qui n'est pas celle de l'école de la République française ? Comment est-ce qu'on fait pour aller rejoindre ces parents-là ?

  • Speaker #0

    C'est du temps à passer. Je m'amuse à dire que je fais le trottoir. C'est-à-dire que le matin, quand je suis à l'école, je suis avec Nathalie, qui est chef cadre éducatif et scolaire à l'école depuis 10 ans. qui connaît bien toutes les familles, et on accueille toutes les familles au portail le matin. Ça ne va pas être des grands discours, ça va être un bonjour avec le sourire. Et c'est déjà une façon de s'apprivoiser. Je dirais qu'on est comme dans l'histoire du petit prince, entre le renard et le petit prince, on va s'apprivoiser. On va apprendre à se connaître, dans un premier temps, par le regard, par le bonjour. par un petit mot sur l'enfant, les belles chaussures, le beau gilet tricoté par mamie qui est tchatchène. Des fois, on n'a pas toujours le même langage, mais le bonjour et le sourire, il est universel. Donc c'est du temps, on s'apprivoise, on apprend à se connaître. Et puis, c'est aussi ouvrir l'école. On a fait la soirée de la réussite, où on a invité les parents. On a fait le marché de Noël, où on ouvre l'école aux parents. Et quelque chose de rare, c'est qu'avant les vacances de Pâques, nous avons fait le goûter de fin de Ramadan. où ce sont les familles de confession musulmane qui sont venues apporter le goûter. Et à l'inverse, un mois après, on accueillait Mgr Villemin, l'évêque du Mans, et les familles sont venues manger le goûter avec l'évêque. Donc c'est des temps comme ça où on ouvre l'école aux parents. Donc à partir de la rentrée, on va faire un café des familles avec des sujets qui les intéressent, donc la place des écrans dans la famille, le jeu de société. Comment s'entraider, comment se sentir en sécurité dans le quartier en étant solidaires. Donc ça c'est super important. Quand on voit l'école dans le quartier en journée, ce n'est pas ce qu'ils vivent eux en soirée. Et il faut en être conscient aussi que ce n'est pas un endroit très sécuritaire le quartier. Et à nous de faire que l'école soit vraiment un endroit de sécurité, où on se sent bien. Et ça c'est parce qu'on va travailler avec les familles qu'on va y arriver.

  • Speaker #1

    En même temps, j'imagine qu'il y a des parents qui n'arrivent pas jusqu'à l'école ou que vous voyez peut-être très peu. Comment vous arrivez à penser l'absence de ces parents ?

  • Speaker #0

    Quand les enfants sont plus grands, les parents sont des fois un peu moins impliqués. Mais alors quand on est scolarisé à nouvelle chance, les parents sont encore plus traumatisés mais cabossés des établissements scolaires. Donc peuvent arriver à... un petit peu avec appréhension, puisqu'on accueille des enfants poly-exclus. C'est arrivé que des jeunes soient exclus de trois établissements différents avant qu'ils arrivent à Nouvelle Chance. Ou alors c'est des enfants qui ont été grands absentéistes. Les enfants ont été jugés en conseil de discipline ou en conseil de classe. Et souvent, les parents se sont sentis eux-mêmes jugés. Qu'est-ce que je fais ? pas bien, qu'est-ce que je n'arrive pas à faire. Donc là, en ce moment, je suis en précommission d'admission. Donc je rencontre les jeunes et les familles et on essaye de faire du lien avant d'arriver à Nouvelle Chance pour que les parents ne se sentent pas jugés et qu'on puisse construire un projet commun établissement, parents, élèves, pour pouvoir avancer. mais c'est redonner confiance dans le jeune et redonner confiance en la famille aussi. Et des fois, on a aussi à aider les parents à reprendre leur place de parents, parce que des jeunes, des fois, ont pris un peu trop de place dans la famille, même plus petits.

  • Speaker #1

    Qu'est-ce que disent les parents de l'école ?

  • Speaker #0

    Devant moi, ils ne vont peut-être pas forcément le dire, mais je pense qu'ils disent qu'ils s'y sentent bien, qu'ils s'y sentent même très bien. Il y a une maman qui a testé une autre école pendant un mois pour son petit et qui est revenue et dit je suis contente, j'en ai encore pour 7 ans. Donc ça veut dire qu'ils s'y sentent bien et je pense qu'ils parlent de nous dans le quartier parce qu'on a des inscriptions.

  • Speaker #1

    Comment est-ce qu'on regarde autrement ces familles que peut-être simplement comme des familles en difficulté ou des familles qui seraient résistantes ?

  • Speaker #0

    Et puis il y a des familles aussi avec des enfants qui nous posent questions, qui pensent qu'il y a un véritable handicap. qui n'est pas posée, qui est des fois long à poser, et le temps du parent n'est pas le temps de l'institution, le temps de l'acceptation n'est pas le temps du diagnostic, où la famille aussi doit faire un deuil, le deuil de l'enfant idéal premier de la classe. Et ce qui fait que la famille va pouvoir écouter nos conseils, pas forcément les mettre en action très très vite. Il faut accepter qu'on n'a pas tous le même temps d'action.

  • Speaker #1

    On évoque beaucoup cette notion d'alliance éducative. Qu'est-ce que tu peux en dire, toi, de cette alliance éducative entre l'école, les parents, d'autres institutions ?

  • Speaker #0

    L'alliance éducative, elle est nécessaire. On pense souvent à l'alliance éducative école-famille, et puis il y a tout ce qui est autour. Les partenaires, les intervenants extérieurs, quand on a la chance d'en avoir, tout ce qui peut donner du sens. Je milite, je milite la plus belle alliance. pour avancer sur l'alliance éducative, ce serait une maison des familles à côté de chaque école. Un temps où on va se poser et on va discuter de tout et de rien, mais surtout de tout, de tout petit rien qu'ils peuvent faire beaucoup. Il y a 25 ans, je n'aurais pas dit la même chose. Il y a 25 ans, les parents me faisaient un petit peu peur. Le jugement... Alors j'ai appris qu'il ne faut pas aller dans le jugement, ni d'un côté ni de l'autre. Il faut bien aller dans le dialogue. dans cette alliance ultra nécessaire, où je compare souvent avec le chemin des Emmaüs. qui n'est pas très droit. J'imagine cet élève, mais d'un côté, il y a le parent et de l'autre côté, il y a les enseignants ou l'institution qui est là. Et on va cheminer, on va avancer avec toujours l'espoir au bout.

  • Speaker #1

    Sur ce chemin, de quoi on a besoin pour avancer en sécurité, en fait, avec ses parents ou avec cet enfant ?

  • Speaker #0

    Il y a besoin de confiance de part et d'autre. La confiance, le dialogue, la confiance. Et puis, savoir... Se mettre de côté si on n'y arrive pas et savoir faire appel à un ami, comme on disait l'émission. Savoir dire je ne sais pas tout, ce que je sais c'est que je ne sais pas, mais qu'il y a quelqu'un qui va savoir peut-être mieux que moi. Donc savoir orienter vers l'orthophoniste, savoir orienter vers le psychologue, savoir orienter vers le médecin, un peu vers tout quoi. Savoir donner des conseils sans forcément être sûr que ce soit le bon. Et savoir aussi donner sa place aux parents en leur disant c'est bien vous le premier et le dernier éducateur de votre enfant. Et puis c'est se faire aider par les éducateurs qui sont en lien avec eux. Savoir aussi se mettre de côté quand on n'est pas sûr.

  • Speaker #1

    Accompagner un parent en lui disant c'est vous le premier éducateur de votre enfant. Quand ce parent a entendu depuis quasi la naissance de son enfant, vous êtes insuffisant, vous êtes défaillant, vous ne parvenez pas à... Comment on fait pour que cette conviction puisse être entendue par ce parent-là ?

  • Speaker #0

    Savoir lui dire ce qu'il fait de bien. Donc c'est aussi comme ça, quand on rencontre une famille, je n'arrête pas de dire, et ça c'est ma première directrice qui me l'a dit, quand tu rencontres quelqu'un, dis-lui ce qui va bien. Et après, on verra ce qui va moins bien. Donc, c'est valoriser tout ce que la famille sait faire. C'est lui dire, vous voyez, votre enfant, il est toujours propre. Il sent bon. C'est des choses qui nous paraissent essentielles, naturelles, mais qui ne sont pas naturelles pour tout le monde. Donc, c'est vraiment valoriser ce que le parent fait de bien. C'est lui dire, lui renvoyer du beau. C'est lui renvoyer ce qui fait plaisir. Alors, ce n'est pas parce qu'on veut faire plaisir. C'est bien parce que c'est essentiel. Et puis, le parent va écouter au fur et à mesure. Déculpabiliser les familles aussi. Donc, à nous de faire le petit trait d'humour qui déculpabilise. Déculpabilisons les parents.

  • Speaker #1

    J'entends quelque chose comme ne pas invalider les parents, en fait.

  • Speaker #0

    C'est ça. Ils sont là et ils ont toute leur place. Et c'est bien avec eux à la... toute petite enfance qu'on va travailler. Et après, les parents, oui, au fur et à mesure du temps, les parents vont progressivement lâcher la main des enfants. Moi-même, avec mes grandes 17 et 18 ans, on lâche un petit peu, et heureusement. Mais à un moment, j'étais la maman qui tenait la main. J'étais la maman qui a été confrontée à des difficultés avec ses enfants. Et il ne faut pas les culpabiliser, nos parents. Il faut les déculpabiliser et les valoriser.

  • Speaker #1

    Comment est-ce que tu fais pour accompagner tes équipes d'enseignants, enseignantes, pour partager ce regard que tu portes aussi sur les parents, sur les enfants ? Comment est-ce que tu fais pour partager ça avec les enseignants ?

  • Speaker #0

    Je pense que j'impulse un peu ma façon de penser, ne serait-ce que dans la façon d'accueillir les familles autour d'une table. Je me suis vue cette année me dire, je ne vais pas me mettre en face de la famille, mais je vais bien me mettre à côté de la famille. Et on essaye de se mettre autour d'une table et pas de part et d'autre d'une table. Déjà ça, c'est dans la façon d'être. que je peux influer un peu, mais c'est dans notre façon de faire, dans la façon d'être. Je ne peux pas imposer, je peux juste donner des conseils. C'est aussi dire des choses, penser à et impulser des idées.

  • Speaker #1

    Si tu devais faire une relecture de l'échange qu'on vient d'avoir, qu'est-ce que tu en dirais ?

  • Speaker #0

    Je suis heureuse de faire le métier que je fais. Il m'apporte tellement de belles choses. Ce n'est pas toujours évident, pas toujours facile. mais j'y ai bien trouvé ce que je voulais, quelque chose qui change tous les jours, qui est bien au service des plus petits et au service de leur famille. Merci pour ce temps d'échange, parce que dans les moments où c'est un peu plus douloureux, un peu plus difficile, Je me dis que je suis vraiment à ma place et c'est ce que m'avait dit mon mari le jour où j'ai voulu changer. Il m'a dit tu ne changeras pas, tu resteras ce que tu fais, chef d'établissement et enseignante, parce que je ne te vois pas faire autre chose. Et j'avais une lecture qui m'avait beaucoup marquée il y a 3-4 ans. C'est Né sous une bonne étoile d'Aurélie Vallogne, l'histoire d'un élève qui s'en était sorti grâce... à un professeur de collège. Et ce livre m'a beaucoup émue, beaucoup marquée. J'ai beaucoup cheminé en me disant j'espère avoir été la bonne étoile d'au moins un élève. Et j'espère que mes équipes seront la bonne étoile de plein d'élèves.

  • Speaker #1

    Je ne peux pas m'empêcher de penser que tu... n'ai pas pu être la bonne étoile d'un élève, voire même de plusieurs élèves. Et quand je t'écoute dire que tu es à ta place, la conversation qu'on vient d'avoir me laisse suggérer que tu es à ta place parce que tu as fait cette place-là à ta couleur.

  • Speaker #0

    Je suis à ma place parce qu'on m'a permis d'être moi-même. Et ça depuis dix ans, depuis que je suis à la Fondation d'apprentis d'Auteuil. On me permet d'être moi-même. Donc si on me permet d'être moi-même, je permets à mes élèves d'être eux-mêmes et aux familles d'être elles-mêmes.

  • Speaker #1

    Au début de cet échange, je t'ai proposé de tirer au hasard cinq cartes du jeu Connexion que j'ai créé. Je vais te poser les questions les unes après les autres et je te propose d'y répondre. Allez, on va commencer par une question assez large. Quel regard tu portes sur le monde ?

  • Speaker #0

    Il est complexe ce monde. Il est très très très complexe. Il est anxiogène pour nos jeunes. Il est anxiogène pour les familles du quartier aussi. Parce qu'on a une maman qui nous a avoué il y a 15 jours qu'elle a vécu les deux guerres de Tchétchénie. Mais il est beau notre monde, et c'est parce qu'on va y semer des belles graines et qu'on va aider nos élèves à grandir que le monde sera encore plus beau. À nous d'y faire attention à ce monde, à nous de rappeler l'histoire pour écrire un futur.

  • Speaker #1

    À quel projet voudrais-tu donner vie ?

  • Speaker #0

    Une maison des familles à côté de l'école. Et toujours être là pour les élèves décrocheurs. On s'arrête avec la troisième ici, pourquoi pas les 15-17.

  • Speaker #1

    Qu'est-ce qui te passionne au point d'oublier le temps ?

  • Speaker #0

    Mon métier, mais il ne faut pas que. Je me suis remise dans les puzzles il n'y a pas longtemps pour pouvoir décompresser. Donc, un mille pièces m'arrête pendant une heure ou deux. Et ça fait du bien.

  • Speaker #1

    J'ai le sentiment que la vie pour toi, c'est aussi de mettre les pièces de puzzle pour essayer de faire un portrait.

  • Speaker #0

    Oui, et puis, ce qui me pâte à chaque fois, c'est le regard que j'ai sur le puzzle. Et de pouvoir mettre, même s'il y a mille pièces, des fois, il y en a qui sont vraiment au bon endroit au bon moment. pile quand on le veut. Donc c'est aussi ça la vie, c'est de se dire que on a tous une place dans le puzzle, on est tous une pièce, mais qu'à la fin on fait une belle image quand même.

  • Speaker #1

    Dans quelles situations as-tu fait preuve de courage ?

  • Speaker #0

    Dans plein de situations. Quand je ne me suis pas sentie très très bien, qu'il fallait partir pour se reconstruire. Partir à 700 kilomètres, c'était s'expatrier et se reconstruire. Donc ça, il fallait du courage. Et je dirais que c'est à chaque changement poste où il faut du courage.

  • Speaker #1

    Et qu'est-ce que tu mobilises pour avoir ce courage-là ?

  • Speaker #0

    Ma famille. Ma famille, c'est mon courage.

  • Speaker #1

    Et j'ai une dernière question. Si tu dessinais ton portrait, que mettrais-tu en lumière ?

  • Speaker #0

    Mon sourire quand ça va. J'ai un cœur immense où je dis facilement à mes élèves qu'ils sont beaux et que je les aime.

  • Speaker #1

    Écoute, Emmanuelle, vraiment merci d'avoir partagé avec le cœur que tu décris, en fait. ta passion, tes engagements, ce regard positif que tu as sur ces enfants, sur ces familles que tu accompagnes, avec qui tu chemines sur ce chemin d'Emmaüs. Merci beaucoup d'avoir eu cet élan, de partager ce moment-là. Et je suis persuadé que ça va résonner, tes mots vont résonner.

  • Speaker #0

    Merci Christophe.

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