- Speaker #0
Quand je suis arrivée en ruralité, je me suis plongée dans l'APE, l'Organisation des parents d'élèves. Je me suis plantée dans toutes les associations qu'il y avait sur Saint-Quentin et sur les périphéries proches. Donc du coup, ça m'a permis de rencontrer des gens. on avait des professions libérales qui nous permettaient aussi de rencontrer du monde donc du coup ça fait boule de neige quand tu rencontres tes aînés, ça crée un lien intergénérationnel, tu connais l'histoire du village et les liens sont plus faciles, donc ça crée quelque chose et du coup moi j'ai pas eu de manque et je pense que mon mari n'a pas eu de manque non plus mais parce qu'on est au contact du public tout le temps
- Speaker #1
Qu'est-ce que ça veut dire pour toi pas pour toi en tant que Cécile mais être une femme en ruralité ça veut dire quoi ? Est-ce que tu as une définition ? Est-ce que tu as une vision ? Est-ce que tu as envie de dire quelque chose là-dessus ?
- Speaker #0
Alors, elle me fait sourire ta question parce que, est-ce qu'on la posera à un homme ?
- Speaker #1
Tu vois,
- Speaker #0
je ne suis pas certaine. On dit toujours, oui, qu'est-ce que c'est d'être une femme politique ? Qu'est-ce que c'est d'être un homme ? Un homme, on ne lui pose pas ça. Qu'est-ce que c'est qu'être une femme ? Être une femme en réalité.
- Speaker #1
Est-ce que c'est plus compliqué ?
- Speaker #0
Alors, ça peut l'être, oui. Ça peut l'être. Une femme en réalité, c'est être polyvalente. C'est être débrouillarde. parce que t'es obligée de gérer énormément de choses. Tu gères ta vie de femme, tu gères ta vie de maman, tu gères ta vie professionnelle. T'es dans la gestion tout le temps.
- Speaker #1
Mais les femmes en ville, c'est pareil ?
- Speaker #0
Alors, elles n'ont pas la contrainte de la mobilité très souvent. On en revient toujours à ça. Il y a une grande polyvalence en ruralité à avoir. Après, moi, je n'ai pas trouvé d'obstacle en tous les cas. J'en ai peut-être eu, mais ils n'ont pas été suffisamment importants pour qu'ils me marquent.
- Speaker #1
L'accès à l'emploi, par exemple ?
- Speaker #0
Alors ça, il peut être... être plus compliquée. Ne serait-ce que, par exemple, moi, dans mon domaine, je n'ai pas de labo, tu vois. Région centre, il n'y a pas de labo. Mais après, tout dépend de ton milieu professionnel. C'est clair que ce n'est pas forcément facile d'avoir une profession, je mets des guillemets quand je dis intéressante, mais que tu as choisi. C'est une possibilité. C'est-à-dire qu'il peut arriver que tu aies fait des études, mais que quand tu es en ruralité, tes études ne correspondent pas à l'emploi recherché. Et là, c'est compliqué.
- Speaker #1
Quoi ? tu es devenue maire ? Parce qu'avant cet engagement-là, est-ce que tu avais déjà eu des engagements politiques, associatifs ? Est-ce que tu avais déjà été dans...
- Speaker #0
J'avais été maire des Jeunes d'Orléans. C'est quoi ça ? C'est un conseil municipal pour jeunes. La mairie d'Orléans avait lancé ça et effectivement, j'avais été élue maire d'Orléans. Je ne faisais pas partie d'un parti politique. Je suis arrivée avec mes idées un peu de citadine, mais... J'ai un village que j'appelle toujours le bel endormi. Souvent, on dit, tu vois, la belle endormie. Moi, je trouve que c'est le bel endormi parce que c'est un magnifique village, mais qui n'avait pas bougé depuis très, très longtemps. Et quand je suis arrivée, je me suis dit, c'est un peu dommage. Il y a des tas de choses à faire. Il y a des tas de choses à mettre en place. Et finalement, c'est peut-être pas fait comme moi, j'aimerais. Donc, je vais faire des propositions. Les propositions que j'ai faites n'ont pas forcément été entendues. Ça m'a un peu chagriné. je me suis dit, les élections arrivent. qu'à cela ne tienne.
- Speaker #1
Ça veut dire que les propositions que tu faisais, c'est parce que tu étais dans le conseil ?
- Speaker #0
Parce que je suis arrivée sur un conseil municipal qui était déjà en place.
- Speaker #1
D'accord.
- Speaker #0
Et comme on se le disait en off, pas une vraie cinquantinoise, parce qu'un conseil municipal de père en fils, et avec des idées très arrêtées, sauf que quand tu arrives et que tu es une néo-urbaine, tu arrives aussi avec d'autres idées, parce qu'avec une autre dynamique.
- Speaker #1
Un autre regard.
- Speaker #0
Un autre regard. Et des fois, c'est bien aussi d'avoir un autre regard, parce que ça relance quelque chose. Et moi, je trouvais que ce village, il avait besoin aussi peut-être d'avoir une nouvelle dynamique. Donc voilà, je me suis dit, les élections arrivent, pourquoi pas, allons-y. Et puis ça a fonctionné, puisque toute ma liste est passée.
- Speaker #1
Bingo.
- Speaker #0
Bingo, il n'y avait jamais eu de femme maire, une femme qui en plus n'est pas agricultrice et qui n'est pas de Saint-Quentin. Donc là, ça a été le jackpot.
- Speaker #1
On va parler du programme R, élu, ruraux, relais de l'égalité. Est-ce que pour éventuellement ceux et celles qui prendraient cet épisode en cours de route et qui n'auraient pas écouté tous les autres, d'ailleurs c'est bien dommage donc je vous conseille d'écouter tous les autres, est-ce que tu peux dire un peu ce qu'est le programme R de l'Association des maires ruraux de France ?
- Speaker #0
Alors c'est un projet qui a émergé en 2021 suite à un rapport d'information sénatorial qui était alarmant puisqu'en fait ce rapport expliquait qu'il y avait extrêmement de violence, mais normalement, notamment en ruralité, il y avait beaucoup de féminicides, il y avait beaucoup de victimes et de violences intrafamiliales en ruralité. Et du coup, la MRF s'en est saisie. Et suite, effectivement, à ce constat, il y a eu la possibilité avec la MRF de créer des entités relais et notamment des gens qui sont des élus relais.
- Speaker #1
C'est ce que j'appelle le référent.
- Speaker #0
Des référents qui, eux, sont là pour recueillir la parole et pour te guider. Donc, normalement, dans chaque péri, maintenant en France, si c'est bien fait, tous les maires ont des référents ou sont référents R. Et quand tu as une victime de violence intrafamiliale qui rentre en mairie, tu es capable de l'accompagner, d'être bienveillant, d'être à l'écoute. et de lui donner les clés des différents organismes qui se trouvent aux alentours de chez toi.
- Speaker #1
Tout à l'heure, tu as parlé d'enfants. Des fois, ce sont les enfants. Oui. C'est-à-dire que les enfants franchissent le pas de la porte d'une mairie ?
- Speaker #0
Alors oui, j'en ai un. J'en ai un qui est placé en famille d'accueil.
- Speaker #1
Quand tu parles d'enfants, tu me parles d'enfants de quel âge ?
- Speaker #0
Ah, le petit loulou, il a six ans.
- Speaker #1
C'est pas possible.
- Speaker #0
Eh bien si, c'est terrible.
- Speaker #1
À six ans ?
- Speaker #0
Il a un vécu... Alors lui, le petit loulou, il commence sa vie avec des containers, c'est même pas des valises. Très souvent, tu dis, t'as les valises de la génétique, lui, il va se taper les valises de la génétique, mais en plus les containers de ce qu'il a vécu depuis six ans déjà.
- Speaker #1
Mais là, tu veux dire que ce sont des enfants, des enfants qui passent le seuil de la porte de la mairie pour parler de leur maman ou de leur papa qui subit des violences, ou pour eux, ou pour toute la famille ?
- Speaker #0
Alors là, pour le coup, on a un violentomètre dans la mairie. Et j'ai trouvé, il y a quelque temps de cela, un violentomètre pour les enfants que j'ai mis à la cantine. Et le violentomètre, il a des couleurs avec des smileys un peu rigolos. Et on a un petit loulou qui est placé en famille d'accueil et qui posait problème à la cantine. Un jour, je suis appelée par la cantinière et je lui dis, mais écoute, explique-moi, dis-moi ce qui ne va pas. Est-ce que ton petit cœur est triste ? Est-ce que c'est parce que tu es énervé ? Qu'est-ce qui s'est passé ? Et là, il m'emmène au violon de remettre et il me dit, voilà, je suis comme ça, mais parce que j'ai vu mon père. Et je savais qu'il était placé. Donc, je lui ai proposé, je lui ai dit, voilà, ce que je te propose, c'est que moi, j'appelle ta famille d'accueil et ce soir, tu passes le seuil de la mairie et à chaque fois que ça n'ira pas, si ta famille d'accueil est d'accord, parce qu'il faut l'autorisation quand même, tu vas me voir en mairie et on en parle. Et là, effectivement, je suis tombée née nue parce que je ne m'attendais pas à ça. Il était placé depuis... pas très longtemps chez cette dame et on a appris des tas de choses. Et là, on se dit, waouh, comment un petit doudou de 6 ans, il a pu vivre autant de choses. Et quand en plus, la parole, elle est libérée parce qu'il était prêt ce jour-là, voilà, tu te dis, waouh.