- Speaker #0
Bonjour et bienvenue. Je suis Sandrine Planck et vous écoutez les nouvelles filles de la campagne. Deux fois par mois, je vais à la rencontre de femmes qui, comme moi, ont changé de vie pour tenter l'aventure en ruralité. Ce qu'elles ont en commun ? Elles ont redoublé d'audace. Pourquoi ? Eh bien en allant vivre à la campagne, et comme si ça n'était pas déjà un sacré défi, elles ont changé de métier, développé une nouvelle activité, un projet, une passion, voire adopté un nouveau mode de vie. Grâce à nos échanges, je vous révèle tout de leur arrivée en ruralité, de leur projet de départ, leur intention, de leur nouvelle vie qui les a transformés, de leur joie et par moments, de leur crainte. Je vous offre des témoignages motivants, rafraîchissants, qui vous feront, je l'espère, sourire, plaisir, et peut-être vous donneront envie de sauter le pas ou simplement d'y réfléchir. Maintenant, je vous emmène dans ma campagne. Alors, quand une femme arrive devant toi, souvent démunie et invisibilisée, qu'est-ce qui te pousse à te battre pour elle, malgré les obstacles ? Vaste question. Vaste question.
- Speaker #1
Et quand elle arrive vers moi, je vois tout de suite son niveau de stress et sa peur. C'est un instinct. Ça se voit immédiatement sur le teint, sur les yeux, sur les mains. C'est du langage non corporel et ça se voit tout de suite. Donc, j'ai pour habitude de les faire asseoir et de boire un verre d'eau avec elles. Et après, je commence à discuter, je me présente la plupart du temps. Comme ça, elles ont le temps de se détendre. et ensuite je commence à dialoguer avec elles en leur disant « Je vois que vous n'êtes pas au mieux de votre forme. Est-ce que vous pourriez m'exposer un petit peu ce qui ne va pas ? » Et jamais je dis comment ça va parce que c'est une évidence que ça ne va pas. Je pense que ce qui serait bien, puisque tu as parlé de présentation là juste dans la réponse,
- Speaker #0
dans ce que tu viens de me donner, c'est que tu puisses te présenter Catherine.
- Speaker #1
Allons-y. Allons-y. Alors, je m'appelle Catherine Maupetit. Je suis originaire de Bourgogne. Je suis issue d'un milieu ouvrier. Mon père était ouvrier, ma mère était femme au foyer, comme on disait à l'époque, avec trois enfants dont je suis la cadette. Et mon père était syndicaliste CGT et au Parti communiste. Et donc, j'ai été élevée dans une philosophie de la solidarité.
- Speaker #0
C'est important pour toi d'expliquer ça dans ta présentation ?
- Speaker #1
Oui.
- Speaker #0
Quand je dis ça, est-ce que ça explique les choses d'après ? C'est ça ? Justement, c'est ça.
- Speaker #1
Je me doutais pour ça, parce que c'est un marqueur. Je pense que c'est un marqueur. C'est un marqueur chez moi, dans ma personnalité, à double entrée. C'est-à-dire que du côté de ma famille, je dirais de mes parents, enfin de mon père particulièrement, il y a eu cet engagement chez lui. Et puis aussi, un manque, c'est que lui aurait bien souhaité faire des études, mais étant issu lui-même d'une mère qui était illettrée et avec très peu de moyens, ma grand-mère paternelle était de la DAS, comme on disait à l'époque, ou de l'assistance. Eh bien, elle avait très peu de moyens. Mon père n'a pas pu aller à l'école alors qu'il avait des possibilités, selon ma grand-mère, si on le dit, de ma grand-mère elle-même. Elle n'avait pas les moyens. Et en plus, pour ces gens-là, pour cette génération-là des années 30, eh bien, ils étaient en apprentissage à 14 ans. Et ce qui comptait pour sa famille, pour tout le monde, c'était qu'ils rapportent, pas un salaire, mais disons un peu d'argent qui mettrait, selon ce que disait ma grand-mère paternelle, du beurre dans les épinards. Donc, mon père a vécu toute sa vie avec cette frustration de ne pas avoir pu suivre des études supérieures. Et donc, c'est quelqu'un qui a été autodidacte, qui a appris beaucoup de choses dans sa vie, qui lisait un livre par jour parce qu'il n'arrivait jamais à dormir. Donc, après sa journée d'ouvrier, la nuit, il lisait. C'était un fan de littérature et de cinéma. Pour lui, les études, la scolarité, c'était fondamental de réussir ses études. Ce n'était pas en option. C'était obligatoire. Et donc, son regard sur nos résultats scolaires, que ce soit pour ma sœur, pour mon frère ou pour moi, c'était extrêmement strict. Il fallait absolument réussir. Parce que pour lui, on n'avait pas de choix dans la vie si on ne réussissait pas ses études. Et en plus, selon sa propre perception, il pensait qu'on perdait en crédibilité si on n'avait pas de diplôme.
- Speaker #0
De bagage.
- Speaker #1
Oui, c'est ça, des bagages. Et puis en plus, chez lui, c'était très corrélé au revenu. Pour lui, il y avait un déterminisme du monde ouvrier. Et si on ne s'élevait pas, si on ne pouvait pas s'élever, on était condamné à subir. Sa philosophie personnelle, c'était la liberté. Donc, je pense qu'il en a beaucoup souffert et qu'à travers nous, il a souhaité, je dirais, réaliser une partie de ses rêves, parce que c'est fondamental. Du côté de mes grands-parents maternels, parce que ma mère était un peu… c'était la femme traditionnelle des années 30, c'est-à-dire qu'elle suivait son mari. J'étais très souvent chez mes grands-parents maternels, qui, eux, étaient gaullistes et catholiques, et impliqués aussi dans des actions humanitaires. Je pense que ça, ça a porté ma vie parce que je n'ai jamais eu d'a priori sur qui que ce soit. Ce qui m'intéresse, c'est ce qu'on propose pour aller mieux pour tout le monde. Alors le métier, moi je suis à la retraite depuis 2019. J'ai été, pendant 20 ans, j'ai dirigé une association d'aide aux victimes. Je suis juriste et victimologue. C'est-à-dire que quand je suis rentrée dans cette association, je suis rentrée en tant que juriste. C'était fin des années 90. Et très rapidement, je me suis rendu compte qu'il manquait une carte dans le jeu. C'était l'aspect psychologique de l'approche des victimes. Et il y avait vraiment des victimes qui étaient extrêmement traumatisées parce qu'elles avaient subi. Et ce que je souhaitais, c'est avoir des connaissances, je dirais, universitaires sur le traumatisme psychologique, le trauma. À ce moment-là, j'ai eu une psychologue qui est venue faire un stage dans mon service. et qui m'a dit qu'elle suivait des études pour obtenir un diplôme universitaire, donc de victimologie. C'était essentiellement 50% droit, 50% psychologie, mais tourné sur les victimes, donc la victimologie. Et bien voilà, je me suis inscrite et j'ai fait ça pendant un an. Et ça m'a beaucoup apporté, ne serait-ce que pour diagnostiquer l'état des victimes et pouvoir au mieux les orienter le plus vite possible.
- Speaker #0
Ça a toujours été ton métier ? Tu as fait ça ? Pendant toute ta carrière ?
- Speaker #1
Ah non, non, non, du tout. Moi, en fait, quand j'ai démarré des études de droit, je suis arrivée là comme un papillon un jour de printemps, je dirais, parce qu'après avoir eu mon bac, je ne savais absolument pas quoi faire. J'avais beaucoup d'idées et toutes mes idées, ça ne convenait pas à grand monde, et je comprends, parce que c'était un peu loufoque, sans doute,
- Speaker #0
un peu farfelu.
- Speaker #1
Un peu fouleux, à cet âge-là. Et je suis la cadette de la famille, donc j'ai une sœur aînée, et elle, elle était en études de droit. Donc je me suis dit, je vais suivre des études de droit. On m'a toujours dit que le droit, ça menait à tout.
- Speaker #0
D'accord.
- Speaker #1
Et en plus, notre père nous avait briefé en disant, les filles, poursuivez des études de droit, parce que ce qui manque le plus aux gens de peu, c'est de faire valoir leurs droits.
- Speaker #0
Ah, il y avait déjà une petite graine qui avait été semée là.
- Speaker #1
Voilà, il nous disait toujours. que les ouvriers, les pauvres sont écrasés et sa mère elle-même, qui était femme de ménage et entre guillemets, exploitée par les employeurs, elle ne sait pas se défendre parce qu'elle ne connaît pas la législation. Donc, mon père avait dit, apprenez le droit pour les sans-droit. Enfin, moi, ça m'était rentré par une oreille et sorti par l'autre, mais ça a dû faire son effet. Ma sœur est partie en droit, je l'ai suivie en me disant, au moins, si ça ne me plaît pas, j'aurai ma sœur, on pourra faire des trucs ensemble. Et puis, en fait, vous savez, moi, je n'étais pas très mature, probablement. Et puis, en fait, la première année, pour moi, ça a été un calvaire parce qu'il faut tout apprendre par cœur. Ça date de 1970, donc ça fait longtemps. Ce qui s'est passé, c'est que les deux premières années, ça ne me plaisait pas, mais j'avais mes examens haut la main. C'est bête de passer un obstacle et de ramener le cheval à l'écurie. Donc, j'ai continué jusqu'à, évidemment, terminer mes études. Et ensuite, j'ai cherché du travail, mais je voulais... Être justement utile aux autres. Donc, je me suis tournée vers les associations. D'accord. Et j'ai commencé dans une association d'information pour le logement. J'y suis restée plusieurs années, ça m'a beaucoup plu.
- Speaker #0
Et tu étais où là à l'époque ?
- Speaker #1
En Saône-et-Loire. Voilà, je me suis mariée, j'ai eu mes enfants, mes deux enfants. Et mon mari qui était architecte a eu des commandes sur Auxerre, donc je l'ai suivi.
- Speaker #0
D'accord, c'est comme ça que tu es atterrie à Auxerre. Voilà,
- Speaker #1
et j'ai atterri à Auxerre alors que je suis née à Auxerre. Mais je m'étais dit jamais je reviendrai à Auxerre.
- Speaker #0
Tu vois, je t'avais dit que tu allais mettre tes doigts sur tout le monde.
- Speaker #1
Jamais je reviendrai à Auxerre. Jamais je reviendrai à Auxerre. Comme quoi, il ne faut jamais dire des choses pareilles. Et donc, je suis revenue à Auxerre. J'ai aidé mon mari, j'étais salariée de son agence d'architecture. Mais j'avais toujours dit, quand les enfants entreront au collège, je reprendrai ma carrière de juriste. de juriste. Et au début, à mi-temps, pour que ça ne fasse pas trop un choc pour les enfants qui s'habituent au fait que je ne sois pas là, parce que j'étais quand même Massimer Poul. J'ai appris qu'au tribunal d'Auxerre, ils cherchaient une juriste pour un poste d'assistante pour les mineurs, pour aider le procureur dans ses décisions. Des mineurs, la plupart du temps, évidemment, c'était les services du parquet, donc c'était des enfants qui avaient commis une infraction la plupart du temps. Et on me dit ça, je dis je vais postuler. J'avais fait deux droits pénals, mais ça a remonté à mes... à mes études et ce n'était pas ma matière principale. Donc, je n'y comptais pas trop. Et puis finalement, c'est moi qui ai été sélectionnée. Et pourquoi j'ai choisi d'aller là ? Tout simplement parce que j'ai pendant des années fait assurer du soutien gratuit aux enfants en difficulté, les enfants qui n'arrivaient pas à lire, etc. que j'accueillais chez moi et je les aidais à faire leurs devoirs, à leur donner confiance en eux, etc. Et je me suis dit là, des mineurs, ça ne m'est pas assez. Je ne suis pas en terrain inconnu, donc je vais peut-être pouvoir aider à faire ça. Et puis, le travail que j'ai effectué là a bien convenu au procureur de l'époque. Et un jour, il m'a dit, écoutez, il y a une association des deux victimes au sein du tribunal. Il y a une personne qui part à la retraite. Est-ce que vous seriez intéressé par le poste ? J'ai dit, écoutez, OK, oui, bien sûr.
- Speaker #0
C'est comme ça que tu as atterri dans cette association ?
- Speaker #1
C'est comme ça que j'ai atterri dans cette association. été en 1999. Et j'ai démarré là.
- Speaker #0
Donc là, tu viens de nous expliquer effectivement comment tu as atterri dans cette association. Moi, j'aimerais bien revenir sur une petite chose par rapport à la ruralité avant tout ça. Tu es née à Auxerre. À l'époque, quand tu es née là-bas, c'était quoi en termes de densité ? Ça correspond à quoi Auxerre ? C'est une ville moyenne. Combien d'habitants à l'époque ?
- Speaker #1
Ça devait tourner autour de 40 000 habitants.
- Speaker #0
D'accord, donc c'est déjà une belle ville.
- Speaker #1
Oui, exactement.
- Speaker #0
La ruralité, tu l'as connue à un moment donné. Aujourd'hui, on peut dire où tu vis aujourd'hui ? C'est quand même pas très commun.
- Speaker #1
Je vis sur l'île de Noirmoutier depuis 2019.
- Speaker #0
Au moment où tu es passée à la retraite. Mais tu avais Auxerre-Noirmoutier ?
- Speaker #1
Exactement.
- Speaker #0
D'accord, ok. Est-ce que tu as déjà vécu dans un tout petit village ?
- Speaker #1
Alors, vécu dans un tout petit village, oui, mais mon contact avec la ruralité, il date de bien avant. C'est-à-dire que mes grands-parents maternels, eux, habitaient un petit village dans Lyon. Vraiment un petit village. Et ma grand-mère maternelle, donc, était secrétaire de mairie dans ce petit village. Donc, j'ai eu accès à la ruralité comme ça, mais surtout à l'essence de la ruralité. C'est-à-dire que ma grand-mère, c'était une secrétaire de mairie à l'ancienne.
- Speaker #0
Ça veut dire quoi, une secrétaire de mairie à l'ancienne ? C'est-à-dire,
- Speaker #1
déjà, elle n'avait pas tout le matériel dont disposent les secrétaires de mairie.
- Speaker #0
Pas d'ordinateur ?
- Speaker #1
Certainement pas.
- Speaker #0
Pas d'Internet ? Pas d'Internet. Ça, c'est sûr.
- Speaker #1
Et elle avait sa petite machine à écrire JAPI, portable ou portative, je ne sais pas comment on dit. Oui, oui, oui, je vois ce que c'est. C'était une valisette, une petite valisette. Voilà. Et puis, avec son papier et ses feuilles carbone, ce que je trouvais, quand j'étais enfant et adolescente, ce que je trouvais charmant, c'était qu'en fait, elle rendait service à tout le monde. C'est-à-dire, elle allait évidemment en mairie pour effectuer tout son travail. Mais en plus, elle allait chez les personnes qui étaient âgées, par exemple, qui avaient besoin d'une fiche d'état civil, quelque chose comme ça, elle allait à domicile. Et quand elle s'apercevait qu'il y avait une personne ou une autre qui était malade, qui avait perdu un enfant, qui était soucieuse, qui n'avait pas le moral et tout, ma grand-mère allait leur rendre visite. Je l'ai accompagnée plusieurs fois et je trouvais ça super. Et elle avait en plus une très bonne relation avec le maire. Je trouvais que dans le village, ça faisait un duo.
- Speaker #0
Comment il s'appelait ce village ? Comment ils s'appellent ?
- Speaker #1
à côté de Jouigny, qui s'appelle Chanvre. Et j'ai vraiment passé des belles années parce que j'ai passé toutes mes vacances, à part quand j'allais à Noirmoutier, parce que ce qu'il faut savoir, c'est que j'allais à Noirmoutier à l'époque au mois de juillet et j'étais en août chez mes grands-parents.
- Speaker #0
C'est comme ça que j'ai connu le livre de Noirmoutier. Ok, très bien.
- Speaker #1
Mais la ruralité, le contact avec la campagne, ça date de là. J'ai toujours adoré la nature.
- Speaker #0
Et t'as jamais eu envie d'y vivre, finalement ?
- Speaker #1
Alors j'y ai vécu.
- Speaker #0
Ah ben quand alors ?
- Speaker #1
J'ai eu des périodes où, pendant mes études de droit, j'ai vécu en Saône-et-Loire et carrément dans un hameau. Avec justement, là aussi, c'était à Véro, c'était pas loin de Charolles. Et il y avait un maire qui était conseiller général en même temps, qui était vraiment le portrait type du bon maire. C'est qu'il avait toujours beaucoup d'idées, il connaissait tout le monde. Et puis, il y avait ce que j'aime bien, moi, c'est... La relation de confiance entre les gens et en plus de la chaleur humaine. Il passait toujours voir si les gens allaient bien. Il se souciait des personnes, il se souciait des enfants, des plus âgés. L'activité économique aussi du village.
- Speaker #0
Comme ta grand-mère le faisait aussi.
- Speaker #1
Oui, lui à un niveau peut-être un peu supérieur, parce qu'il avait plus de pouvoir que ma grand-mère. De prendre soin, mais dans la joie et la bonne humeur. Pas dans le côté sombre.
- Speaker #0
Ce serait quoi le côté sombre ?
- Speaker #1
C'est de dire ma pauvre.
- Speaker #0
Ah d'accord. Peut-être plutôt dans l'optimisme ?
- Speaker #1
Oui, exactement. De dire qu'une lumière est toujours au bout du chemin, que ce n'est pas spécialement marrant, mais que ça va. La dynamique, si tu veux.
- Speaker #0
T'as l'impression qu'on a moins ça aujourd'hui ?
- Speaker #1
Aujourd'hui, enfin je dirais maintenant, moi ce que j'observe, et surtout depuis le Covid, c'est que... Les gens sont quand même, je ne dirais pas pessimistes, ce serait peut-être un peu exagéré. Plus tristes ? Mais désenchantés.
- Speaker #0
Ah, désenchantés, oui.
- Speaker #1
Voilà, assez désenchantés, avec une crainte de l'avenir, que ce soit pour les jeunes ou pour les plus âgés.
- Speaker #0
Noirmoutier, pour toi, c'est une ruralité ?
- Speaker #1
Oui, c'est une ruralité de bord de mer.
- Speaker #0
Combien de personnes vivent à Noirmoutier ?
- Speaker #1
9000.
- Speaker #0
9000 ? Toute l'année ?
- Speaker #1
Oui, 9000 toute l'année.
- Speaker #0
D'accord, toute l'année, tu as quand même 9000 personnes.
- Speaker #1
9000 personnes, oui. Sur une superficie ? Il y a quatre communes quand même.
- Speaker #0
D'accord. Et toi, dans ta commune ?
- Speaker #1
Il y a 1800.
- Speaker #0
Ok. Donc, tu es en ruralité.
- Speaker #1
C'est une île, c'est un fonctionnement quand même très spécifique.
- Speaker #0
Oui, j'allais justement te dire, il y a la ruralité qui a ses spécificités, tu as coché la case île en plus. Alors, si tu devais résumer ça en deux, trois phrases ou en quelques mots, c'est quoi qui est encore plus différent ?
- Speaker #1
Je pense que ce qui est différent, c'est de façon un petit peu, je dirais, centrée un peu sur moi. Je dirais, je ne suis pas de Lille. Je ne suis pas originaire. Je ne fais pas partie des noms de Lille. On construit Lille. Donc, le travail que je fais en ce moment, parce que je continue, j'ai ouvert une permanence victime. Eh bien, mon travail en est facilité parce que personne ne me connaît. Donc, les femmes qui sont venues me voir, ça les rassure.
- Speaker #0
Je comprends.
- Speaker #1
Parce que... Moi, je n'ai pas d'antériorité. Il n'y a pas d'histoire ?
- Speaker #0
Non,
- Speaker #1
je ne connais pas les uns et les autres. Donc, elles m'ont dit, c'est quand même super tout. Elles m'ont dit, c'est super parce que vous, vous ne connaissez personne en fait. Mais je sentais de façon sous-jacente que la peur aussi en ruralité, c'est que la confidentialité se perde. entre cousins, etc. C'est beaucoup plus complexe à régler.
- Speaker #0
Il y a l'histoire du... C'est peut-être pas tout à fait la même chose. Je pensais au regard des autres, où effectivement, avec d'autres personnes qui sont bassées au micro, on parlait du regard des autres. Et c'était plus compliqué, effectivement, en ruralité, pour les femmes de venir prendre la parole, se livrer, etc. Parce qu'effectivement, il y avait les cousins, les frères, etc. Est-ce que c'est quelque chose qui, encore très tard. très très présent ou ça se perd quand même avec les jeunes générations ?
- Speaker #1
Moi, je ne pense pas que ce soit là que ça se situe. Ce n'est pas un obstacle en tant que tel parce qu'à la limite, on peut habiter un quartier très longtemps dans une ville et puis on n'en sort pas trop. Tout le monde te connaît, ça fait 30 ans que tu es là, ta famille y était. Et c'est le même processus en fait de ne pas trop en dire parce qu'on ne veut pas que ça fasse des ragots, enfin toutes ces choses. Ce n'est pas tant ça, moi, quand je pense aux victimes, aux femmes qui viennent me voir. Moi, ce qui m'intéresse, c'est qu'elles viennent parler avec moi avant un passage à l'acte, avant qu'elles soient frappées, pour être claire. Et pourquoi souvent c'est si dur, si difficile dans les villages ? Là, sur l'île, on a réglé le problème, je pense. C'est qu'il n'y a pas de lieu pour ça. Parce que quand on dit « les femmes ne parlent pas » , ça m'a toujours dérangée. Les femmes, elles parlent, bien sûr. Mais encore faut-il avoir quelqu'un pour t'écouter. Il faut un lieu pour ça. Et souvent, dans les villages, quel est le lieu proposé pour les femmes ? Quel est le lieu où elles peuvent venir tranquilles, discuter, prendre un café, comme on le fait, etc. Parler de tout et de rien, ce qui permet de dire, « Oui, moi, en ce moment, le mien, il n'est pas marrant, etc. » Et de déboucher, justement, sur des confidences qui vont pouvoir ensuite être étayées. et puis déboucher sur une prise en charge, mais qui ne donnera pas forcément lieu à une plainte qui peut déboucher sur une médiation familiale. Oui,
- Speaker #0
désamorcer déjà peut-être.
- Speaker #1
Oui, il y a des techniques pour ça, à travers la médiation familiale, quand il y a des enfants. Médiation familiale, la CAF, on peut y aller sans parcours judiciaire.
- Speaker #0
Oui, bien sûr.
- Speaker #1
Et ça, on peut voir un psychologue avant, on peut voir beaucoup de choses. Mais le fait qu'il n'y ait pas de lieu pour recevoir cette parole, les situations dégénèrent. Il y a ça. Et puis, moi, ce que j'observe dans les villages, c'est la même chose dans les villes, mais on le voit davantage dans les villages, c'est les addictions. dont on parle très peu, très peu, les addictions à l'alcool et à la drogue. Souvent, les passages à l'acte, pour la violence, il faut être clair, c'est soit l'alcool, soit la drogue, soit les deux. Et ça, ce n'est pas trop mis en avant. C'est vraiment un axe important. Pour protéger ces femmes, il faut vraiment intégrer l'addiction. L'addiction du cogneur, je dirais, de l'agresseur, mais aussi leur propre addiction à elles.
- Speaker #0
C'est quoi leur propre addiction à elles ?
- Speaker #1
Parce que j'en ai reçu plus d'une qui, à force d'être malheureuse et de ne pas partir et de pouvoir tenir le coup, quand elles rentraient de leur travail le soir, elles buvaient un porto, deux portos, trois portos. Elles se mettent elles aussi à boire ? Oui, elles se mettent elles aussi soit à consommer de l'alcool, soit à être addictes aux médicaments. Ce qui donne les mêmes résultats en matière de dépendance. C'est ça aussi, ce nœud-là qu'il faudrait arriver à... travailler pour être efficace. Il y a un autre aspect, moi, qui vraiment me tient à cœur et dont on parle rarement et qu'on travaille rarement à la hauteur du problème, c'est le problème matériel. Parce que sans argent, on ne fait rien. C'est bien beau de dire à une femme ceci, mais l'argent, c'est... Pour moi, c'est capital. L'argent, c'est le nerf de la guerre. On ne peut pas être libre sans argent.
- Speaker #0
Donc la ruralité, pour toi, qu'est-ce qu'elle t'évoque aujourd'hui ?
- Speaker #1
La liberté et la beauté. et l'imagination. La ruralité, pour moi, c'est un territoire fantastique de créativité. Parce qu'il n'y a pas de barrière en ruralité, je dirais qu'on peut tout faire. C'est pour ça que je me suis tellement appliquée à Noirmoutier, où il n'y a jamais rien eu. C'est qu'on peut partir, on peut aller jusqu'au bout de ses rêves, sans infrastructures lourdes qui vont te freiner dans le fonctionnement. La limite, tu peux vraiment, dans tous les domaines, je pense, parce que moi, je connais bien le mien, les autres, je ne les connais pas. Mais tu peux vraiment être créatif dans tous les domaines, proposer tes idées, agir avec d'autres et puis en faire des petits laboratoires qui peuvent se dupliquer, proposer à d'autres. Et c'est comme ça qu'on avance. Parce qu'une fois que tu as mené à bien un projet, tu en fais un autre.
- Speaker #0
Comme on dirait un pilote.
- Speaker #1
Oui, voilà.
- Speaker #0
Par contre, tu vois, je suis assez d'accord avec toi, mais malgré tout, moi je parle pour mon territoire, donc la Dordogne et le Périgord Vert. D'un point de vue développement économique, c'est compliqué quand même. Le bassin de l'emploi est compliqué, la partie économique, elle est quand même assez complexe. La mobilité fait que, tu vois, les villes avec l'accès à l'emploi ou même aux incubateurs ou à tout ce qui peut effectivement permettre de faire émerger des projets est assez loin. Ça, des fois, c'est quand même dur, non ? Tu ne penses pas ?
- Speaker #1
Si, bien sûr. Enfin là, moi, je suis en train de te parler, je suis à la retraite. Donc, c'est beaucoup plus simple. Mais néanmoins, pour moi, quand je pense ruralité, moi, je pense paysage. Je ne pense pas forcément en point, mais c'est vrai que la politique qui a été menée depuis des années et des années, des dizaines d'années, la politique en matière de développement de l'urbanisme, etc., de l'économie et les grands pôles urbains, évidemment, c'est dans les grands pôles urbains que tu trouves les meilleures facs la plupart du temps pour les études de tes enfants. Et puis, selon le secteur dans lequel ils sont, ils sont obligés d'aller travailler dans des métropoles parce qu'autrement, ils ne pourront pas.
- Speaker #0
En fait, moi, ce qui m'intéresse aussi, enfin, ce qui va nous intéresser tous et toutes, c'est qu'est-ce qui t'a donné envie de te concentrer sur la protection juridique et financière des victimes ? Qu'est-ce qui t'a donné ce déclic ? Donc, tu nous as expliqué, tu me coupes si je me trompe, mais globalement, bagage, droit, juriste, deux expériences professionnelles, tu arrives dans cette grosse association d'aide aux victimes. Qu'est-ce qui t'emporte dans ce...
- Speaker #1
dans ce parcours ? Cette association d'aide aux victimes, c'est une association d'aide aux victimes généraliste. Ce sont en charge des victimes d'atteinte aux biens et d'atteinte aux personnes. Alors, atteinte aux biens, c'est tout ce qui concerne les vols, les dégradations, etc. Et puis, atteinte aux personnes, donc toutes les violences, accidents de la route, violences conjugales, violences intrafamiliales. Et c'est dans ce cadre-là que j'ai découvert, enfin, je n'ai pas découvert, je ne vais pas exagérer non plus, mais j'ai vu surtout ... l'importance de ces violences intrafamiliales. Donc, à partir de là, moi j'ai souhaité au sein de l'Adavirs que l'on embauche une psychologue. pour justement aider ces femmes-là à traiter leur stress au sein de l'association. Ce qu'il faut tout de même savoir, et là je reviens sur le problème financier, c'est qu'une consultation à l'époque chez un psychologue, il fallait quand même trouver 60 euros la consultation. On ne peut pas avoir juste une consultation, puisque les CMP sont surchargés, il y avait déjà une grosse surcharge.
- Speaker #0
C'est quoi les CMP ?
- Speaker #1
Les centres médico-psychologiques. D'accord. Tout ça, ça a un coût et c'est en fait, c'est pour ça que je te disais tout à l'heure, ce sont les victimes qui m'ont appris mon métier et tous les obstacles qu'elles doivent enjamber. Ces femmes-là, il faut voir qu'elles sont très souvent démolies et qu'elles conservent une force de survie qui est assez extraordinaire pour beaucoup d'entre elles.
- Speaker #0
En fait, ce que je comprends, c'est qu'effectivement, déjà c'est compliqué pour elles de pouvoir partir de leur foyer, mais après, le chemin, il est hyper long et hyper fastidieux, c'est ça ?
- Speaker #1
C'est compliqué de partir, c'est ce que je te disais, c'est compliqué de partir pour des raisons psychologiques, bien sûr, mais et puis aussi la peur, parce qu'il y a aussi des conjoints, des concubins qui disent, si tu pars, je te tue et je tue les gosses avec, donc c'est quand même un affreint important.
- Speaker #0
Il y en a même qui le font.
- Speaker #1
Il y en a même qui le font, surtout si en plus ils présentent soit une pathologie mentale, soit des addictions, etc. Le passage à l'acte, il n'est jamais à mettre de côté non plus. Mais deuxième problème, c'est l'argent. Il faut beaucoup d'argent pour partir. C'est vrai qu'il y a eu des avancées, il y a eu des logements d'urgence de créer, mais il n'y en a pas assez. Il y a des zones entières, je pense, en France où le logement, la plupart du temps, il y a eu des crédits d'alloués pour les logements d'urgence, si tu veux. Mais c'est un logement d'urgence qui sert à toutes les urgences. Donc, au moment où tu en as besoin pour une femme, il est occupé. par quelqu'un qui a eu sa maison, par exemple, qui a brûlé, et on a relogé la famille.
- Speaker #0
Ce ne sont pas des logements spécifiques pour les femmes ?
- Speaker #1
Ils ne sont pas fléchés. Et donc, sur l'île de Noirmoutier, moi, ce que j'aime bien, c'est que dans les communes, ils ont fléché des logements, justement, prioritairement, pour les femmes victimes de violences conjugales. Et c'est ce qu'il faut faire. Donc,
- Speaker #0
ces logements ne sont attribués qu'à ces femmes-là ?
- Speaker #1
Qu'à ces femmes-là. Et je trouve ça fantastique, parce que ça donne le temps d'effectuer des démarches pour trouver un logement. Et puis, comme on ne fait rien les uns sans les autres, comme je le disais tout à l'heure, on travaille avec les CCAS, les centres communaux d'action sociale, les assistantes sociales, si tu veux, pour faire ça plus simple, pour voir au niveau budgétaire ce qu'on peut solliciter comme aide, de la CAF, de la mairie, etc., du conseil départemental, pour aider ces femmes-là tous azimuts. Mais ça reste quand même un sacré parcours du combattant, parce que là, quand bien même on trouve... suffisamment d'argent pour trouver un logement, etc. Parce que je te dis, c'est très difficile, mais après, tu as la mobilité à régler. Si elles n'ont pas d'emploi, il va falloir les mettre dans un parcours d'emploi, ce qui est aussi compliqué. Ça se fait, mais c'est long. Tout ça exige du temps. C'est pour ça qu'il faut prendre le temps avec ces femmes-là et surtout pas les brusquets. Moi, je disais sauf urgence, la vitesse est l'ennemi du bien. C'est qu'elles, il faut qu'elles suivent aussi. C'est leur vie. Il faut qu'elles s'approprient leur vie. Il ne faut pas que l'aidant, la personne comme moi par exemple, qui va les aider, il faut se méfier de l'emprise que tu peux avoir comme professionnel sur la personne que tu aides. Il faut rester dans de strictes limites. Ne pas être trop intrusive, par exemple.
- Speaker #0
Quand tu dis ça, c'est parce qu'on a déjà eu une situation comme ça ?
- Speaker #1
Moi, je l'ai déjà observé chez d'autres professionnels que je trouvais beaucoup trop rigides. C'est-à-dire que quand on se réunissait entre professionnels, plusieurs fois, il m'est arrivé d'entendre, ah oui, quand même, bon, c'est sûr, tu l'as aidé, mais tu n'as pas remarqué, bon, on lui dit de faire des trucs, elle ne les fait pas.
- Speaker #0
C'est un peu jugeant, là. Exactement. C'est jugeant.
- Speaker #1
Ou, je l'ai croisé l'autre fois dans la rue, elle avait encore changé de manteau, alors qu'elle est venue me dire la semaine d'avant qu'elle n'avait pas de moyens. Enfin, tu vois, des choses comme ça. Oui,
- Speaker #0
je comprends.
- Speaker #1
Parce que quand tu aides quelqu'un, je trouve que l'humain est construit d'une telle façon que moralement ils s'estiment redevables. Donc la meilleure des choses que tu puisses faire, c'est de le laisser libre, de le mettre à l'aise comme on dit. Moi je leur disais toujours, vous faites un pas par jour, pour vous. Ce n'est pas la peine d'en faire dix, vous en faites un.
- Speaker #0
Vous vous dites, tiens, demain, je vais téléphoner au conseil départemental ou je vais faire telle démarche à l'école pour mes enfants.
- Speaker #1
Une tâche par jour.
- Speaker #0
Oui, mais c'était la leur.
- Speaker #1
La technique des petits pas.
- Speaker #0
Oui, quand il n'y a pas de situation de danger imminent.
- Speaker #1
Parce qu'aller trop vite, ça ne les met pas dans une situation de crispation, de peur et peut-être de revenir en arrière.
- Speaker #0
Ça les stresse, tu as raison. Et en plus, ça leur ôte encore davantage la confiance en elles. Parce qu'il faut voir que quand elles sortent de ces relations toxiques avec leurs conjoints, elles sont très ébranlées au niveau de la confiance en elles. Et si le professionnel qui est en face, il leur laisse à penser qu'elles ne sont pas à la hauteur de ses exigences, elle ne va rien dire, mais ça lui ôte encore davantage de confiance en elle. Mais il faut être très prudent avec l'accompagnement des gens. Il faut vraiment les respecter. Il faut avoir une grande empathie et il faut les respecter. Et une victime ne ressemble pas à l'autre. C'est-à-dire qu'il y a tout un travail de découverte à faire.
- Speaker #1
Tu sais combien de femmes t'as aidées ?
- Speaker #0
J'en ai aidées entre, je dirais, en moyenne 500 par an pendant 19 ans. C'est des relations d'humanité. Sans doute, je leur ai apporté, je les ai aidées. Mais elles, elles m'ont construite en tant que professionnelle.
- Speaker #1
C'est ce que tu as dit tout à l'heure. Tu as appris ton métier avec elles, grâce à elles.
- Speaker #0
Parce que tu sais, il y a tellement de cas différents. Par exemple, je pense à un cas, une mère d'enfant handicapé. Il se trouve qu'il n'y a pas d'handicapé dans ma famille, je n'ai jamais fréquenté d'handicapé. Donc la première fois où j'ai été confrontée à ça, autant te dire que c'était pour moi une terre inconnue. Ça permet d'établir des relations avec le conseil départemental du coin qui a la compétence en matière de handicap, d'enrichir ses connaissances et ensuite de pouvoir les partager avec d'autres mères qui auront les mêmes problèmes. C'est pour ça que je te dis, elles te font avancer.
- Speaker #1
Et en même temps, j'ai envie de te poser la question de comment tu as fait au fil des années pour toi, je ne sais pas si c'est le bon terme, entre guillemets, te protéger ou rester. Je ne sais pas, quand tu rentrais chez toi le soir, est-ce que c'était difficile encore d'emmener ça à la maison ?
- Speaker #0
Alors, ça paraît très curieux, même en m'observant moi-même, si tu veux, ça paraît très curieux. C'est que j'ai rarement emmené chez moi les problèmes du travail. Je ne peux pas t'expliquer pourquoi. À moins de penser au clivage, tu vois, où je me clivais. Quand j'étais au travail, j'étais au travail. Quand j'étais chez moi, j'étais chez moi. Je pense que j'ai un caractère très pratico-pratique, très basique. C'est-à-dire, même derrière un événement extrêmement tragique, je vais rentrer chez moi et je vais dire, c'est pas le tout, on va faire une pâte à crêpes. C'est un fonctionnement, je pense, qui peut s'analyser. C'est une rupture, ça peut être un clivage, ça peut être un système de défense, mais c'est très équilibrant.
- Speaker #1
Tu as toujours réussi à faire comme ça ?
- Speaker #0
Oui.
- Speaker #1
Même au début de ta carrière ?
- Speaker #0
Au début, ma peur, c'était de ne pas donner suffisamment d'informations ou des informations un peu erronées. J'avais la peur de l'erreur. Donc, je rentrais chez moi et je travaillais comme une malade. J'avais acheté des livres et tout pour me replonger là-dedans. Et quand j'ai fait mon année de victimologie, ça m'a vraiment aidée parce qu'il y avait beaucoup de professionnels. Quand on élargit aussi avec d'autres professionnels, on gagne en savoir et puis en confiance en soi aussi parce qu'on a réglé énormément de problèmes. Et puis, le fait que j'ai, moi, dès 2006-2007, je me suis rendu compte, parce que justement, j'avais vécu pas mal en ruralité, comme on dit maintenant. Je m'étais aperçu qu'en fait, les ruraux sont toujours loin de tous les services. Donc, quand je suis passée à la tête de cette association en 2003, j'ai dit à mon conseil d'administration qui m'a suivi, j'ai dit c'est bien beau. J'ai augmenté le nombre de permanences mensuelles, si tu veux, décentralisées. Les permanences mensuelles, c'est une fois par mois. Il suffit que ce jour-là, la personne ne puisse pas venir et puis il n'y a rien derrière.
- Speaker #1
Bien sûr.
- Speaker #0
Donc, j'ai tout de suite pensé, et ça c'est grâce à ma grand-mère je pense aussi, et à M. Thibault qui était le maire à l'époque, je me suis dit ce qui serait pas mal, c'est d'avoir des correspondants victimes dans les communes, dans toutes les communes en fait. Et puis que le maire nous prévienne qu'il y a un problème dans sa commune et que nous on lui envoie, j'avais élaboré une fiche victime. À l'époque, tu sais, c'était les faxes. J'envoyais un faxe au maire, il allait voir la victime et je disais surtout, vous ne faites pas de forcing, vous dites à la victime qu'il y a une association d'aide aux victimes, que le service est gratuit, vous lui faites remplir s'il est d'accord, hop, vous me le refaxez et nous, on prend contact, on s'en occupe. Et si c'est une personne qui ne peut pas se déplacer, je vais envoyer quelqu'un. J'ai fait ça en 2006-2007 avec l'accord du procureur.
- Speaker #1
C'est le début de référent R. Tu vas me faire une très bonne transition parce que justement, j'avais demandé, alors après, quel lien avec la MRF, R, etc. Je vais t'expliquer la genèse. Allez, c'est parti pour ça.
- Speaker #0
Voilà, j'ai fait ça avec le soutien du conseil d'administration qui est tout à fait partant. Et puis, le regard bienveillant du procureur, du préfet qui s'est impliqué aussi pour faire le mailing, envoyer au maire, etc. Et puis, ça a bien marché. Et dans les associations, c'est souvent comme ça. Il y a eu changement de président, recherche de budget supplémentaire. Si bien que ça s'est étiolé petit à petit et qu'il n'y avait plus beaucoup de maires au bout d'un certain temps qui nous contactaient.
- Speaker #1
D'accord. Qui suivaient aussi le protocole.
- Speaker #0
Il y avait juste à envoyer l'affiche victime. Oui,
- Speaker #1
mais qui mettait en place ce que tu avais initié.
- Speaker #0
Oui, et puis entre-temps, après, il y a eu d'autres élections de maires.
- Speaker #1
D'accord.
- Speaker #0
Nous, changement de président. Tu vois, il faut refaire le travail à chaque fois. Et puis, on arrive en 2017. Et là, je vais voir Dominique Vérien, qui était la maire de Saint-Sauveur-en-Puisé. Parce que j'avais idée d'ouvrir une permanence dans son village. Et je lui explique ça, le projet que j'avais fait au début. J'ai dit, c'est dommage parce que j'aimerais bien relancer un truc comme ça avec les maires de Lyon. Ce serait quand même pas mal d'avoir des correspondants victimes. toutes les infractions, je ne pensais pas seulement à la violence conjugale, pour tous les problèmes en fait, toutes les infractions. Et elle me dit, mais écoute, pourquoi pas, ce serait pas mal, ce que tu pourrais faire. Je vais en parler à Dominique Chapuis, qui est la présidente des maires ruraux de Lyon. Elle devrait être partante. Et c'est comme ça qu'en 2018, l'association que je dirigeais a passé une convention avec l'association des maires ruraux. ruraux de Lyon.
- Speaker #1
C'est vraiment le démarrage de l'aventure, si je puis dire. Oui, c'est ça.
- Speaker #0
Présidée par Dominique Chapuis. Et puis, avec aussi Catherine Maudet, qui était, elle, la présidente d'une autre association qui s'appelait l'AZEAMAS.
- Speaker #1
Avec les secrétaires ?
- Speaker #0
Les secrétaires de mairie du nord de Lyon. Et moi, les secrétaires de mairie, j'ai toujours considéré que c'était une sorte de vigie. Parce que la première personne que tu vois... Oui, c'est la secrétaire. Je me disais, une secrétaire de mairie, ça connaît tout dans le village. Donc, ce serait pas mal que les secrétaires de mairie soient associés aussi.
- Speaker #1
Et formés, du coup.
- Speaker #0
Voilà.
- Speaker #1
Sensibilisés, formés.
- Speaker #0
On a signé la convention et ça a tout de suite super bien marché. Les maires ont été mobilisés, il y a eu de la formation, il y a eu des échanges, des rencontres, et patati et patata. Et puis, il y avait un besoin.
- Speaker #1
Si j'ai ça sur moi aujourd'hui, c'est grâce à toi.
- Speaker #0
Non, je ne suis pas la seule.
- Speaker #1
C'est grâce à un groupe. Je sais que tu as mis dans le groupe. Oui, en tout cas, le référent R. est parti de ton idée.
- Speaker #0
Et ensuite, quand je suis partie à la retraite, quand je suis partie à la retraite en 2019, donc Dominique Chapuis m'a dit, ah oui, tu pars à Noirmoutier et tout, mais ça ne te dirait pas d'être au conseil scientifique de la MRF. Ça,
- Speaker #1
c'est ton rôle aujourd'hui. Voilà.
- Speaker #0
En tant que juriste, j'ai dit, si, ça m'occupera, si je peux vous rendre service, il n'y a pas de difficulté. On est toujours restés en contact. Et quand il y a eu, je crois que c'est les 50 ans, l'association des maires ruraux de France, où ils ont mis en avant la femme, la commune, la république, eh bien, il y a eu cette idée d'avoir des référents violences conjugales, deux référents dans chaque commune pour justement… Alors pourquoi ? Parce que là, il faut comprendre le truc. C'est que dans une commune, il y a un numéro d'astreinte dont tu as des gens 7 jours sur 7. Donc, la personne qui est en difficulté, elle trouvera toujours…
- Speaker #1
Il y aura toujours quelqu'un ?
- Speaker #0
Il y aura toujours quelqu'un pour répondre.
- Speaker #1
Et cette personne peut mettre en lien avec ?
- Speaker #0
Avec tous les services.
- Speaker #1
Le ou la référente ?
- Speaker #0
Et moi, ce qui m'intéressait, c'est qu'il y ait vraiment la présence de quelqu'un pour recueillir la parole ou s'inquiéter de la victime. Et ensuite, pour prendre ça en charge, comme un tuteur si tu veux, et ensuite dispatcher…
- Speaker #1
À qui de droit ?
- Speaker #0
À qui ben... Oui, vraiment fédérer toutes les compétences, mais en gardant la main, pour ne pas saucissonner la victime. Parce que moi, ce que j'ai combattu pendant tout mon exercice professionnel, c'est cet exercice qui pourrait être vraiment faire l'objet d'un scénario comique, c'est recevoir une victime et puis lui dire, bon, je vous note, alors vous appelez l'avocat, ensuite vous appelez l'assistante sociale, vous faites vos démarches auprès de votre protection juridique. et tout, et tout. Mais la victime, quand elle a passé 10 mètres,
- Speaker #1
elle ne sait même plus quoi faire.
- Speaker #0
Là,
- Speaker #1
tu veux dire que c'est un parcours d'accompagnement global, c'est ça ? Oui,
- Speaker #0
on fait les démarches avec la victime. Et moi, je ne prends pas non plus la main, je dis qu'il ne faut pas prendre la main non plus sur la victime. Parce qu'il y a des personnes qui préfèrent faire leur démarche elles-mêmes. Donc, je dis toujours, voilà, il y a telle personne, est-ce que vous souhaitez qu'on l'appelle ensemble ? Pour que ce soit la victime qui pilote, c'est sa vie, c'est quand même normal. Et si elle me dit « Oh non, ce n'est pas la peine, je crois que je vais l'appeler » , etc. Je propose toujours un autre rendez-vous où on fait le point sur ce dont on a parlé, puisqu'à la fin de l'entretien, moi je fais une synthèse rapide pour dire « Voilà ce qui a été décidé » , ce qui permet au rendez-vous d'après d'aborder les inhibitions ou les écueils ou les silences de l'administration, etc. C'est comme ça qu'on avance. Mais ce n'est pas compliqué. Moi, si tu veux, ce dont j'avais peur au départ, c'est qu'il n'y ait pas trop de candidats parce que les gens vont se dire « Oh là, c'est super compliqué, moi je ne suis pas juriste, etc. » Il ne faut pas des juristes, il faut des humains. Il faut des gens qui, par contre, il faut des gens qui aient le sens de l'empathie. Si tu n'aimes déjà pas ton voisin, ne te lance pas là-dedans.
- Speaker #1
Oui, tout à fait. Tu vois, tout ce que tu sais, tout ce que tu as appris auprès de ces femmes, est-ce que tout ça, c'est facile à délivrer ? Pour former les référents et les référentes aujourd'hui sur les territoires, toi, toute ton histoire, tout ton bagage, toute ta réflexion, tout ce que tu as vu, pouvoir transmettre ça à des référents et des référentes, ça ne doit pas être toujours simple,
- Speaker #0
non ? Moi, je les détends bien.
- Speaker #1
D'accord. Ok. Avec quoi ?
- Speaker #0
Je leur dis que ce n'est pas compliqué parce que c'est ça. Il y a deux choses. Elles ont peur de ne pas avoir suffisamment de... De connaissance.
- Speaker #1
De compétence et de connaissance.
- Speaker #0
De connaissance et de compétence. Et quelquefois, elles ont peur d'être agressées. Elles ont peur d'être agressées. Donc,
- Speaker #1
les référents, les référentes ont peur d'être agressées ?
- Speaker #0
Sur l'île, celles qui sont référentes. Elles disent oui, mais enfin, s'il vient à la mairie. Et puis, il y a un drame. Quelques femmes m'ont déjà dit, mais quand même, moi, j'ai un peu peur. Tu te rends compte s'il déboule à la mairie, etc.
- Speaker #1
Après, il y a des référents. Il y a des hommes aussi en référent.
- Speaker #0
Je trouve que ce qui est pas mal, c'est qu'il y a un binôme. Il y a un homme et une femme. Et souvent, on a du mal à trouver des hommes. On trouve plus facilement des femmes. Parce que c'est quand même sur la base du volontariat. Et c'est souvent des femmes. Et c'est pour ça que pour rassurer tout le monde, souvent, je parle du fameux bouton Montchérif. parce que j'ai été la première directrice en France à équiper les femmes avec ça et à rencontrer Dominique Brugy en 2018, qui était venue au tribunal d'Auxerre rencontrer la présidente du tribunal. Ils m'ont demandé de venir, j'ai discuté avec elles, j'ai trouvé son astuce géniale. Et donc, j'ai commencé à équiper les femmes en 2018.
- Speaker #1
Je reviens sur ton rôle avec la MRF. Tout à l'heure, tu as parlé de conseil scientifique. Est-ce que tu peux, en une phrase, expliquer ce que c'est pour les gens qui nous écoutent ?
- Speaker #0
Un conseil scientifique, normalement, c'est un conseil qui réunit des personnes qui ont une expertise dans des domaines bien précis. Moi, il se trouve que c'est le droit. D'autres, ça peut être la santé, la médecine, par exemple. D'autres, ça peut être des géographes, des urbanistes, des chercheurs en agriculture, des professionnels de l'aménagement, de l'industrie, etc. C'est plutôt intéressant d'avoir un conseil scientifique et je pense qu'à la MRF, ils auront certainement le souhait de le développer parce que, par exemple, si tu montes un conseil... au sein du conseil scientifique, si tu veux, un pôle pour l'accompagnement des victimes, par exemple, en ruralité, tu peux mettre 3-4 personnes compétentes qui ont vraiment un savoir, etc.
- Speaker #1
Une expertise. C'est vraiment des pôles de compétence.
- Speaker #0
Mais en même temps, avec un esprit de recherche, de réflexion, pour pouvoir être aussi une force de proposition. Parce que moi, ce que je trouve intéressant à la campagne... Tu peux avoir des idées et puis les faire monter au national pour que ça devienne des lois. C'est ce que j'avais dit à Dominique pour l'aide juridictionnelle que je voulais, moi, dès le départ, pour toutes les femmes. Et que ce soit les hommes qui remboursent ensuite le trésor.
- Speaker #1
Bonne transition. Il fallait que tu en parles de ça.
- Speaker #0
Oui, ça c'est l'aide juridictionnelle pour toutes les victimes de violences conjugales, sans condition de ressources. Pour moi, c'est quelque chose... Que je revendique depuis toujours, tout comme j'avais revendiqué au début des années 2000, le fait que les enfants soient reconnus comme des victimes, parce qu'à l'époque, ils étaient simplement appréhendés comme témoins. Donc, tu ne pouvais absolument pas, lors d'un procès, faire une constitution de partie civile, puisqu'ils étaient témoins, ils n'étaient pas victimes. Ils ne faisaient pas partie de la procédure. Par contre, ils étaient entendus pour dire « oui, papa a bien tapé maman » , etc.
- Speaker #1
Mais pas considérés ?
- Speaker #0
Non, mais ils étaient traumatisés, les pauvres gamins. Et je traitais tellement de cas. de femmes comme ça, avec des enfants traumatisés, elles ont souffré elles-mêmes, je me disais, il y a quelque chose qui tourne pas rond quand même. Et puis la loi a évolué, et maintenant ils sont bien considérés comme des victimes. Mais pour l'aide juridictionnelle, ça fait des années que je l'hurle sur tous les toits, qui veut m'entendre ? C'est que l'aide juridique, ça se fait en Espagne, l'aide juridictionnelle, si tu veux, à partir du moment où la femme a déposé plainte, elle devrait bénéficier automatiquement d'une aide juridictionnelle totale. Aujourd'hui, ce n'est pas le cas ? Non, parce qu'il y en a, mais ça dépend des conditions de ressources. Donc, il y a des conditions de ressources. Alors, je vais être très schématique. C'est-à-dire que si tu as des revenus qui sont équivalents au SMIC, vraiment des petits revenus, vraiment très petits, vraiment le SMIC, tu peux avoir droit à l'aide juridictionnelle totale.
- Speaker #1
D'accord.
- Speaker #0
Donc, la réglementation veut... que l'avocat ne doit rien te demander. La difficulté, c'est qu'il ne faut pas gagner grand-chose pour ne plus y avoir droit. C'est le problème des classes moyennes. C'est-à-dire qu'une femme qui va gagner 1 800 euros net ou 2 000 euros net, qui a des enfants et tout, il va falloir qu'elle trouve de quoi payer l'avocat. Parce que l'aide juridictionnelle ne couvre pas, à ce moment-là, les frais. Soit tu l'as à 100%, soit tu l'as à 55%, soit à 25%. D'accord,
- Speaker #1
c'est des barèmes, des tranches ?
- Speaker #0
Oui, mais quand tu l'as par exemple à 55% ou à 25%, le complément, il va falloir que tu le payes à l'avocat. Bien sûr. Que va faire l'avocat ? Il va te faire signer une convention d'honoraires. Est-ce que tu es en capacité ou avec la force nécessaire pour négocier les honoraires d'avocat ?
- Speaker #1
Je ne pense pas, non.
- Speaker #0
Jamais, je n'en ai jamais vu une pendant tout mon exercice. Et là, je peux te dire que ça coûte cher. Et quand tu es à 25%, il y a 75% de frais qui vont être calculés. par l'avocat, il y a ses frais pour lui, il y a les frais d'honorabilité de son cabinet s'il marche bien, ça coûte énormément cher.
- Speaker #1
Ça coûte quoi, par exemple, pour se faire défendre ? Je n'ai pas du tout conscience de la notion.
- Speaker #0
Vraiment, pour des violences à l'heure actuelle, je pense que ça peut vite atteindre 5 000 euros.
- Speaker #1
Oh, c'est énorme !
- Speaker #0
Voilà, ça peut vite atteindre 5 000 euros. Une consultation chez un avocat, tu prends rien qu'une consultation. pour décortiquer ton dossier. Je ne te parle pas de la consultation où c'est juste votre nom, votre prénom, l'infraction, mais pour décortiquer ton dossier. Une fois 240 euros les 20 minutes, elle va les trouver où, la dame ?
- Speaker #1
Oui, ce n'est pas normal.
- Speaker #0
Surtout qu'elle n'a rien cherché.
- Speaker #1
Oui, en plus, c'est ce que tu disais tout à l'heure, c'est-à-dire que ça lui incombe. Mais pourquoi ?
- Speaker #0
C'est de la survictimisation. Parfois, on lui met ça sur le dos.
- Speaker #1
Comme si elle n'en avait pas assez.
- Speaker #0
On dit c'est bizarre, les femmes ne parlent pas de chez elles, mais ça c'est un frein majeur. C'est un frein majeur, il va lui falloir un avocat dans le cadre d'une procédure, ça va lui coûter énormément. Alors qu'est-ce que j'ai vu moi dans mon exercice ? Des femmes, une femme âgée dont je me souviendrai toujours qui me disait, vous savez moi pour payer les honoraires de l'avocat, elle payait chaque mois, je mange qu'un jour sur deux. Quand même, ça te sert le cœur. Et les autres qui s'endettaient avec des crédits à la consommation, qui s'endettaient auprès d'amis, qui s'endettaient auprès de leur famille. Et ensuite, ça créait des problèmes dans la famille. Détention, etc. Détention, enfin, t'imagines. Alors que là, ce serait simple. Il suffirait d'attribuer l'aide juridictionnelle à toutes ces femmes. Et quand l'auteur est jugé, si tu veux, c'est une avance par le trésor. Et quand l'auteur est jugé, on lui fait rembourser cette aide juridictionnelle au trésor.
- Speaker #1
Pourquoi ça ne passe pas, là ?
- Speaker #0
Moi, j'ai quelques hypothèses. d'une part l'aide juridictionnelle l'unité de valeur pour les avocats Elle est relativement basse. Ils estiment qu'ils ne gagnent pas suffisamment d'argent. Donc, ils doivent se dire, si c'est généralisé avant, il faut qu'on obtienne quand même une augmentation de ces unités de valeur parce que, nous, ça ne nous permet pas de vivre.
- Speaker #1
D'accord.
- Speaker #0
Et je pense que c'est une grosse négociation du ministère de la Justice avec les bâtonniers. Et d'un autre côté, il y a le deux, je pense, c'est qu'au niveau du trésor, comme il faut faire l'avance. et qu'on n'a jamais assez d'argent, on ne va pas le mettre là. Alors qu'en Espagne, ils l'ont fait.
- Speaker #1
C'est mis en place en Espagne ?
- Speaker #0
Oui, depuis longtemps. Ça fonctionne ? Une femme espagnole, elle n'a déjà pas d'argent à sortir pour payer l'avocat. C'est déjà pas mal. Mais nous, il n'y a pas moyen de faire bouger ça. Alors, en compensation, quand tu vois le Grenelle des violents, je ne me rappelle plus, c'était 2018, quelque chose comme ça, il y a eu quelques petites avancées, mais c'est tout le temps du saupoudrage. Alors, on va te faire un panier premier départ, on va te donner 500 euros.
- Speaker #1
Un panier premier départ ? Oui,
- Speaker #0
quelque chose comme ça. Oui, ça s'appelle comme ça, panier ou je ne sais pas comment, premier départ.
- Speaker #1
Ça veut dire quoi ?
- Speaker #0
On te met un tas de trucs dont tu peux avoir besoin dedans et puis on t'alloue. Et puis, avec une aide de la CAF, une aide financière de la CAF, enfin bon, c'est juste au départ, quand tu vois toutes ces femmes, tout ce qu'elles ont sur le dos, et puis je te dis, la malheureuse qui gagne bien sa vie. et qui part, ou tu vois quelqu'un qui gagne 2000 ou 2500 euros mais qui a des enfants elle, elle n'a pas grand chose, sinon rien Et les protections juridiques qui existent, si tu veux, les assurances de protection juridique, la plupart du temps, j'ai regardé les contrats, elles ne couvrent pas la violence conjugale. Pour une simple raison, c'est que quand ce sont des couples, le contrat est établi aux deux noms déjà. Et puis autrement, pour beaucoup d'entre elles, elles n'intègrent pas la violence conjugale. Tu vois, l'avenir est devant nous, il y a des combats.
- Speaker #1
Moi, j'ai envie de savoir quand même une fierté. J'ai envie que tu me dises. J'ai envie que tu nous dises, est-ce qu'il y a un moment où des personnes, sans citer des gens bien entendu, mais pendant ta carrière qui n'est pas terminée, puisque tu continues, est-ce que tu as envie de partager quelque chose là-dessus ? Une réussite, un projet, une réussite, une action qui a réellement permis à des femmes de reprendre confiance.
- Speaker #0
Il y a eu une action que j'ai beaucoup aimée, c'est l'affaire du bouton mon shérif. parce que je me suis rendu compte que les femmes auxquelles je les avais donné ces fameux boutons, revenaient me dire à quel point ça les avait rassurées. Et ces boutons-là, le projet, il n'était pas franchement bien accepté au départ parce qu'il y avait des téléphones qui sortaient, des téléphones grave danger qui étaient promus par le ministère pour les femmes. Et il y avait une très mauvaise analyse de fait sur les boutons Mon Chérif. Parce qu'ils n'avaient pas bien compris l'articulation. Ces téléphones étaient donnés par les parquets quand il y avait eu un dépôt de plainte, alors que les boutons, moi je pouvais équiper des femmes avant même qu'elles n'aient déposé plainte. Ce qui m'intéressait, c'est la phase de prévention, tu vois, avant qu'il y ait un passage à l'acte. Bien avant, parce que comme ça, elles se sentaient tranquilles et rassurées chez elles. Donc ça, j'en suis assez fière d'avoir été la première directrice à avoir osé le faire. Parce qu'on ne peut pas dire que j'avais les félicitations du jury pour ce genre d'action. Et en plus, je n'en parlais pas. Je faisais comme ça et je ne l'avais pas dit. Je me disais, je démarre et après, je vais voir. Et on a rapidement vu que les femmes étaient tellement... Oui, elles étaient mieux. Elles étaient en fait rassurées.
- Speaker #1
Est-ce que tu peux rappeler ce que c'est qu'un bouton mon shérif pour celles et ceux qui prendraient en fait cet épisode en cours de route, qui n'auraient pas écouté les autres ? Ils ne savent pas ce que c'est qu'un bouton mon shérif.
- Speaker #0
Le bouton Mon Chérif, c'est un bouton d'alerte connecté à un smartphone ou à un iPhone. On rentre dans ce bouton, on télécharge l'application, bien évidemment, et puis on rentre cinq contacts. Ça peut être sa famille, ça peut être ses amis, ses collègues de bureau, son employeur, etc. L'intérêt, c'est que ce bouton est caché, il est dissimulé. La plupart du temps, les femmes le mettent. sur leur bretelle de soutien-gorge. Mais Dominique Brugy... C'est tout petit. Oui, ça se clipse. Dominique Brugy commercialise aussi des genres de lanières de sac. Ça fait bijoux de sac avec un bouton intégré.
- Speaker #1
D'accord.
- Speaker #0
Dans des colliers aussi. Ça, je ne connaissais pas. On trouve ça à tous les modèles sur Internet. Et si tu appuies deux fois dessus, comme ça, l'air de rien, tu fais comme si tu te grattais, eh bien, ça envoie un signal. d'alarme en disant que la situation est dangereuse. Donc, ça permet à tes contacts, non pas de te rappeler, c'est surtout pas ce qu'il faut faire, de se connecter entre eux, puisqu'il y a un message qui part, qui est envoyé à tout le monde, et puis d'appeler la gendarmerie, le premier qui est dispo pour le faire. C'est pour ça qu'il y a cinq contacts au cas où il y en a qui répondent pas, tout simplement. Mais c'est quand même fabuleux parce que ça permet quand même d'être sauvé, parce que que fait l'agresseur quand il est là ? Qu'est-ce qu'il va faire ? Il va prendre le téléphone portable. de sa femme. Et maintenant, il y a eu une telle évolution que même s'il envoie par terre le téléphone portable et puis que il y a des dommages sur le téléphone, le bouton continue à marcher. Il reste connecté. Donc, ça permet d'être secouru beaucoup plus rapidement. Et c'est très intéressant pour les victimes, mais c'est très intéressant pour les secrétaires de mairie qui assurent des permanences qui sont toutes seules dans des petits villages et qui peuvent être face à des gens qui sont dangereux et même des maires de communes qui sont menacés. Avec ça, au moins, ils sont tout seuls dans leur bureau. Ça leur permet de prévenir. Il y a plusieurs fonctions. J'allais dire,
- Speaker #1
finalement, ça sert à plusieurs situations.
- Speaker #0
Bien sûr. Mais je te parle de ça parce qu'on est en ruralité. Donc, je me dis, les secrétaires de mairie, les maires, pareil. Et il y a plusieurs fonctions. C'est-à-dire que si tu rappuies une fois, ça fait enregistreur. Donc, si l'autre est en train de te menacer de mort, tout est enregistré. ses paroles. Et maintenant, tout ce qui est enregistré sur un bouton, mon shérif, a une valeur devant les tribunaux correctionnels. Donc, quand il y a une procédure, l'enregistrement sert de preuve. Et il y a une fonction sirène. Tu vois, du style, tu fais tes courses, tu as ton agresseur qui est dans les rayons, tu appuies. Alors, il faudrait que je me remette dans la notice, mais c'est peut-être quatre fois. Et tant que ça déclenche, ça fait fonction sirène. Donc, ça alerte les agents de sécurité. Et moi, je trouve que c'est prodigieux. Je suis assez fière d'avoir été la première directrice qui a fait ça avec Dominique Brugy en France.
- Speaker #1
Est-ce qu'on peut les trouver les boutons Mon Chérif ?
- Speaker #0
Sur Internet, on peut les commander sans problème.
- Speaker #1
Facilement.
- Speaker #0
Mon Chérif.
- Speaker #1
Très bien.
- Speaker #0
Donc, ça a un coût. Enfin bon, ça dure longtemps. Il n'y a pas une date de perdure. Ça vaut combien un bouton Mon Chérif ? Maintenant, ça doit être à peu près 70-80 euros. Oui,
- Speaker #1
mais je me demande si par l'intermédiaire de l'AMRF, il y a une réduction. Oui, tout à fait. C'est un domini qu'on a déjà parlé.
- Speaker #0
Dans les communes, il faut que les gens se rapprochent des communes. Moi, je sais qu'à Noirmoutier, il y en a quelques-uns qu'on a déjà distribués, justement, à deux femmes. Et donc, on peut le faire. Et là, la communauté de communes de Noirmoutier va en recommander. Parce qu'ils sont très… La communauté de communes, si tu veux, ils ont vraiment accroché sur la lutte contre les violences conjugales, que ce soit au niveau social, puisqu'il y a quatre communes. Tous les CCAS ont vraiment mordu à cela, les élus, depuis et ils m'ont nommé en juillet 2024 référente pour les quatre communes de l'île. Et je sens qu'il y a vraiment un... c'est très agréable d'ailleurs, une prise de conscience et un mouvement qui se crée, mais ensemble avec plusieurs intervenants. Comme c'est pluridisciplinaire, il faut une prise en charge globale.
- Speaker #1
Pour terminer notre échange, Catherine, je voulais te demander quel conseil ou quel message tu aimerais adresser aux femmes qui se sentent isolées ou en difficulté en ruralité. Je dirais vivez vos rêves, pensez à ce que vous étiez quand vous aviez 10 ans,
- Speaker #0
pensez à vos 10 ans, c'est l'âge des rêves et souvent c'était des bonnes indications. Et essayez de voir ce qui vous reste de vos rêves de 10 ans et collez à vos rêves de 10 ans parce que ça c'est la vérité, vous n'êtes influencés par personne. Et faites-vous confiance, c'est un pas après l'autre.
- Speaker #1
On termine comme ça ? Voilà. Est-ce que tu veux dire autre chose ? Est-ce que tu penses ? Merci Sandrine ! De rien, avec plaisir ! Mais est-ce que tu penses à quelque chose auquel on n'aurait pas pensé en écrivant cette conversation ? Quelque chose qui est important pour toi, que tu as envie aussi de délivrer ? Ou tu penses que tu as…
- Speaker #0
Non, il faut juste dire aux gens qu'il ne faut jamais désespérer que la lumière est toujours au bout du tunnel. Toujours. Le plus grand… cadeau qu'on puisse faire à un agresseur, c'est de se soumettre. Donc, continuer à croire en la vie et je vais encore citer ma grand-mère, mais elle disait tu ne vas quand même pas mettre ta tête sur le billot. C'est-à-dire que quelqu'un qui te fait du mal, qui t'agresse, tu ne vas quand même pas lui faciliter la manœuvre. Donc, il ne faut toujours jamais désespérer et se dire que la lumière est toujours au bout du tunnel et qu'il y a toujours des choses à faire, il y a toujours des gens. qui sont là pour aider. Il y a toujours des gens qui sont là pour écouter. Et que, oui, la bienveillance, ça existe, la gentillesse, ça existe.
- Speaker #1
Par rapport à ce que tu viens de dire là, j'ai envie de te demander, est-ce qu'un jour, pendant toutes ces années, est-ce qu'il y a des anciennes victimes qui sont revenues te voir pour te parler de leur nouvelle vie et qu'elles avaient une jolie vie ?
- Speaker #0
Bien sûr. J'en ai plusieurs et qui m'appellent encore aujourd'hui.
- Speaker #1
C'est vrai ?
- Speaker #0
Avec lesquelles je suis toujours en relation. Bien sûr, sur des affaires dramatiques. sur des affaires de catastrophes collectives avec des deuils multiples, sur des affaires de viols avec actes de barbarie, sur des affaires comme ça et on est toujours en relation. Elles m'appellent toujours et je suis heureuse parce qu'elles vont bien. Donc je peux délivrer le message. Et il y a une jeune femme victime que j'ai aidée pendant très très longtemps. qui a perdu sept personnes de sa famille dans un accident d'avion, donc qui s'est retrouvée quand même assez seule et toute jeune. Et elle a très bien rebondi. Maintenant, elle est mère de famille, elle a plusieurs enfants, elle s'est fait une profession et tout va bien pour elle. Quand je vois que la vie l'emporte, c'est la lumière qui l'emporte sur les ténèbres. Et il faut y croire, il faut y croire. Parce que certains disent, si tu n'aimes pas la vie, pourquoi veux-tu qu'elle t'aime ? Mais c'est vrai, il faut s'accrocher.
- Speaker #1
C'est aussi peut-être ça qui, à chaque fois, t'a fait tenir ou continuer ou avancer, pas forcément ?
- Speaker #0
Non, je pense que tout simplement, je suis construite de telle façon que je pense que si je ne fais rien d'utile... Ma vie ne sert à rien pour moi. Je suis faite comme ça. C'est-à-dire que si je ne suis pas utile à l'autre, on va tous mourir. Et moi, là, j'en ai quand même plus pour très longtemps. Donc, oui, mais non, mais enfin, je suis dans le dernier... Comment on dit, je ne suis pas matheuse ? Le dernier quart. Donc, non, mais c'est vrai, il faut se bouger. Il faut continuer à être utile aux autres. C'est ça qui grandit, c'est ça qui fait l'humain. Ce n'est pas de se lamenter sur soi-même, parce que de toute façon, l'âge venant, il n'y a plus rien qui va. Sur le plan physique, je veux dire, tout se détraque. Donc, tant qu'on a un cerveau, il faut s'en servir et continuer à offrir de la bonté, de la gentillesse et un regard bienveillant à toute l'humanité. Autrement, la vie, pour moi, ça ne sert à rien. Il n'y a qu'un truc dont on n'a pas parlé, mais on n'a pas le temps, c'est les animaux. Parce qu'on en parle aussi rarement, c'est la maltraitance animale. C'est-à-dire que souvent, l'agresseur ou le mari violent, il s'en prend Ausha ou au chien de la famille. Parce que madame, elle aime bien son chat, donc il va lui faire du mal ou il va faire du mal au chien, etc. Et c'est très peu rentré dans les procédures. Et j'aimerais bien qu'à travers la MRF, en ruralité, on protège aussi les animaux dans le cadre de cette violence intrafamiliale.
- Speaker #1
On lance un appel alors ?
- Speaker #0
Je lance un appel. Protéger les animaux.
- Speaker #1
Merci Catherine.
- Speaker #0
Merci à toi Sandrine.
- Speaker #1
Merci beaucoup. Non mais vraiment, merci. En plus, tu as dit plein de choses hyper touchantes à la fin. Je me retiens. Eh bien, je te dis au revoir. Comme on ne s'était pas dit bonjour au début, on va quand même se dire au revoir à la fin.
- Speaker #0
Oui Sandrine, au revoir Sandrine.
- Speaker #1
Au revoir Catherine, merci. Merci pour votre écoute. Merci d'être resté jusqu'au bout de notre échange. Et si vous voulez continuer à m'encourager et surtout à faire connaître le podcast, vous pouvez mettre 5 étoiles et un commentaire sympathique sur Apple Podcasts et Spotify. Surtout, vous n'oubliez pas de vous abonner à la chaîne de podcast pour être notifié des nouveaux épisodes. Et si vous voulez faire partie de la communauté des nouvelles filles de la campagne, abonnez-vous. à la newsletter. Alors, soit vous m'écrivez sur les nouvelles filles de la campagne, tout attaché en minuscules, ou vous me contactez sur les réseaux sociaux des nouvelles filles de la campagne, Instagram et Facebook. Je vous dévoile les coulisses des nouvelles filles de la campagne, des tips, des astuces, des sujets, la sortie des nouveaux épisodes et plein d'autres surprises. Alors, un grand merci et je vous dis à bientôt. Ciao ! Musique