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Les voix de la CAA

Episode 1 - Communiquer, un droit fondamental

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29min |01/10/2024
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Description

Qu’est-ce que communiquer ? Qu’est-ce que le langage ? Communique-t-on uniquement par la parole ? Quelles sont les différentes modalités de la communication ? Qu’est-ce que la CAA ? Pourquoi nous devrions tous être concernés par la CAA ?


Dans ce premier épisode, professionnels et parents vont vous montrer qu’il y a 1001 façons de communiquer et que chacun devrait avoir ce droit fondamental pour interagir avec le monde qui l’entoure.


« Dès qu'on a un être humain en face de soi, on se doit de tenter une communication, c’est une question de respect de son humanité. » Marie-Christine Rousseau (alias la Mr Jourdain de la CAA)


Les voix de l’épisode par ordre d’apparition :

  • Marielle Lachenal, maman de Géraldine, membre de ISAAC Francophone et formatrice, médecin

  • Marion Dohen, chercheuse en sciences du langage (Grenoble INP, GIPSA-LAB)

  • Amélie Rochet-Capellan, chercheuse en sciences du langage et sur la CAA (CNRS, GIPSA-LAB, Grenoble Université Alpes) et maman de Jolène, qui a le syndrome d’Angelman

  • Élisabeth Cataix, ergothérapeute spécialisée en CAA, autrice de Communiquer autrement : accompagner les personnes avec trouble de la parole ou du langage

  • Stéphane Jullien, orthophoniste spécialisé en CAA, chargé d’enseignement à l’université Neuchâtel, Suisse

  • Marie-Christine Rousseau, Responsable de la recherche pour la Fédération du Polyhandicap (APHP), chercheur associé au CERESS Faculté de médecine Timone Marseille, spécialiste en médecine physique et réadaptation (polyhandicap et Lésions cérébrales acquises)


Les voix de la CAA : La Communication Alternative et Améliorée pour les personnes avec des troubles complexes de la communication, un podcast du GNCHR, en collaboration avec Handéo, l'AFSA et des chercheuses de Grenoble-INP et du CNRS au GIPSA-LAB. Conception et réalisation Blandine Lacour et Maxime Huyghe. A retrouver sur toutes les plateformes d’écoute.

Retrouvez plus d'informations sur www.gnchr.fr et entreaidants.handicapsrares.fr


Hébergé par Ausha. Visitez ausha.co/politique-de-confidentialite pour plus d'informations.

Transcription

  • Journaliste

    Journaliste Bonjour et bienvenu dans cette série de podcasts où je vous emmène à la découverte de la CAA, la Communication Alternative et Améliorée. Les voix de la CAA - La Communication Alternative et Améliorée pour les personnes avec des troubles complexes de la communication. Un podcast du GNCHR en collaboration avec Handéo, l'AFSA et des chercheuses de Grenoble-INP et du CNRS au Gipsa-Lab. Conception et réalisation Blandine Lacour et Maxime Huyghe. Journaliste Autant vous le dire d’entrée de jeu : La Communication Alternative et Améliorée c’est un ensemble de moyens et d’outils qui vont compenser ou remplacer la parole pour permettre à quelqu’un qui en est privé de s’exprimer et d’entrer en relation avec les autres. Épisode 1 : Communiquer, un droit fondamental Journaliste La CAA c’est d’abord et avant tout de la communication. Mais une communication qui a été pensée pour des personnes qui ont des troubles complexes de la communication, souvent accompagnés de déficiences motrices et cognitives. C’est le cas de Géraldine Lachenal par exemple. Elle ne peut pas oraliser, c’est-à-dire communiquer avec la voix. Mais attention, ça ne veut pas dire qu’elle ne peut pas communiquer. Si je n’ai pas eu la chance de croiser Géraldine à Grenoble, j’ai par contre rencontré sa mère, Marielle Lachenal, qui accompagne sa fille sur le chemin de la CAA. Marielle a toujours eu la conviction que sa fille avait des choses à dire, elle est une des voix de ce podcast. Marielle Lachenal « Géraldine elle a un handicap que maintenant ils appellent complexe dans les nouveaux mots ça veut dire qu’elle a plein de misères mais dans ces misères il y a qu’elle n’arrive pas à parler donc elle a une maladie génétique rare et elle n’arrive pas à parler. Quand elle avait quatre ans elle commençait à avoir des troubles du comportement : quand elle n’était pas comprise elle se tapait la tête avec beaucoup de violence elle se fracassait et par chance (parce que c’est quand même il y a 30 ans) on a trouvé des gens qui nous ont parlé du Makaton qui n’existait pas encore en France. L’idée était de lui donner les mains pour qu’elle puisse parler car elle n’arrive pas à parler avec sa bouche. On est allé en Suisse pour rencontrer une orthophoniste suisse et puis on a commencé à signer avec elle et ça a marché de façon étonnante. En fait elle s’est jetée sur les signes et elle s’est mise à parler et elle a arrêté de se fracasser dès qu’elle a pu parler autrement … ça a tellement changé notre vie que je me suis dit « il faut que je le dise pour les autres parents : on peut donner la parole à nos enfants qui n’arrivent pas à parler et qui souffrent » Journaliste Au fil de ses années de pratique de la CAA avec sa fille Géraldine qui a déjà 34 ans, Marielle Lachenal est devenue formatrice de Makaton. Le Makaton c’est un système de communication qui mélange des pictogrammes et des signes qu’on fait avec les mains. C’est un outil très utilisé en CAA et il permet à Géraldine de s’exprimer. Marielle Lachenal Elle pense beaucoup en images je pense que quand on n’a pas de mots pour penser on s’appuie sur des images. En s’appuyant sur des images elle peut nous dire comment elle va. La CAA ça exige quand même qu’on se branche un peu sur l’autre. On n’aurait pas eu les signes et pictos, elle serait devenue folle et moi avec parce que c’est terrifiant d’avoir un enfant, un adulte qui se fracasse qui c’est terrible donc il faut outiller. On dit il faut leur donner des signes, des pictos, des tablettes, parce qu’ils ont des troubles du comportement et c’est vrai après ils s’apaisent, mais même si ils gardent leur trouble du comportement il faut leur donner parce que c’est un droit humain de communiquer. On ne leur donne pas des outils de communication parce qu’ils sont emmerdants, on leur donne des outils de communication parce qu’ils sont humains et que c’est un droit de l’homme de communiquer. Journaliste Je ne sais pas si le terme « pictogramme/picto » est compréhensible pour tout le monde. On va beaucoup l’entendre dans ce podcast alors autant bien définir les choses : Un pictogramme c’est un dessin figuratif. Par exemple, le picto qui représente une personne handicapée en général c’est un bonhomme sur un fauteuil mais très stylisé. Le picto tête de mort ça veut dire danger. Le picto c’est un des outils de la CAA mais on verra les outils plus tard ! En attendant ne vous inquiétez pas si vous ne saisissez pas tous les mots ni tous les concepts, moi aussi au début j’étais un peu perdue, c’est normal il faut du temps pour tout capter à la CAA. Pour l’heure on pose les bases. Et la base déjà c’est de comprendre ce que c’est de communiquer Communiquer c’est un processus par lequel on émet un message pour le transmettre à une ou plusieurs personnes qui le reçoivent et le décodent si le langage est commun, sinon elles ont du mal. Marion Dohen est enseignante-chercheuse en sciences cognitives, elle travaille sur la CAA pour les personnes avec des troubles importants de la communication. Une personne idéale pour approcher un peu mieux la notion de communication. Parce qu’on confond souvent communication et langage… Alors que le langage est juste un des moyens parmi d’autres de communiquer et qu’il ne se limite pas à la parole en plus ! Marion Dohen La parole c'est assez facile c'est ce qu'on est en train de faire là, c'est émettre des sons, des sons qu'on construit avec notre conduit vocal et ces sons là ils sont compréhensibles par la personne qui est en face de nous ou avec qui on parle parce qu'on utilise un code commun. Et ce code commun c'est ce qu'on appelle le langage. Et ce code il peut être réalisé en utilisant la parole. La communication en fait c'est beaucoup plus large que juste la parole puisque quand on discute avec quelqu'un, on s'en rend pas forcément compte, mais on échange des informations beaucoup plus finalement par autre chose que la parole elle-même. Il y a des études qui montrent que la parole ça représenterait dans la communication parlée que 30% à peu près de l'échange d'information et que tout le reste les 70% ça serait des choses qui sont très importantes dans la communication mais qu'on véhicule autrement que par la parole. Alors comment on véhicule ces informations ? on les véhicule grâce à des outils qui peuvent être à la fois des outils sonores comme l'intonation, la mélodie qu'il y a dans notre voix. L'intonation ça fait partie de quelque chose qu'on appelle la prosodie Journaliste Alors là Marion m’a expliqué ce qu’est la prosodie : ça comprend l'intonation qu’on vient de voir, mais aussi le rythme (en simplifiant, disons, la vitesse relative de ce que je dis par rapport au reste de ce que je vais dire) et puis c'est aussi l'intensité (varier la hauteur du son de ma voix) . La prosodie c’est tout plein de variables en rapport avec la voix et ça a un impact majeur sur notre communication. En communication verbale, orale ou écrite, on utilise donc un langage, un code qu’on a définit, et on l’a défini de façon assez arbitraire. Ecoutez ce qu’en dit Marielle Lachenal, la maman de Géraldine, parce que ça aide à bien comprendre la suite. Marielle Lachenal C’est arbitraire les mots : pourquoi on appelle un ballon un ballon ? vous voyez le ballon il se signe rond (le pictogramme ballon) il va être rond mais on aurait pu appeler un ballon une vache pourquoi pas. Le mot est arbitraire alors que le signe ou le picto ne sont pas arbitraire, ils sont en lien avec le réel. Pour des enfants qui ont du mal à accéder justement à ce qu’on appelle la fonction symbolique du langage c’est à dire pouvoir mettre dans ma tête des choses et la façon dont on les nomme c’est plus simple avec les mains ou le picto si j’ai du mal à comprendre le sens des mots… Journaliste C’est dur mais on va y arriver ! Reprenons avec Marion Dohen, la chercheuse en communication qui nous expliquait qu’au-delà du langage oral, beaucoup d’informations essentielles à la communication ne sont pas exprimées de façon sonore ! Marion Dohen Il y a plein d'autres choses qui n'ont pas rapport directement avec la voix et moi je ne me suis plus particulièrement intéressée à mes recherches au geste manuel. On appelle « les gestes manuels communicatifs » tous ces gestes qu'on fait avec nos mains en même temps qu'on parle et qu'on fait de manière spontanée. La plupart du temps on n'est pas conscients qu'on fait ces gestes mais pourtant ils sont importants. Il y a des études scientifiques qui montrent par exemple que à la fois que quand la personne qui parle ne peut pas produire des gestes parce que ses mains sont occupées ou parce qu'on l'empêche d'utiliser ses mains et bien en fait elle va avoir plus de mal à parler. Et puis il y a des études qui montrent aussi qu'il y a certaines informations qui ne sont pas présentes directement dans la parole et qui sont pourtant perçues par l'interlocuteur et que l'interlocuteur est incapable de dire si les informations qu'il a perçues venaient de la parole ou d'autres choses. Journaliste Vous suivez ? La communication c'est un ensemble de modalités, on n’utilise jamais « que » la parole. La communication est naturellement multi-modale et parfois sans parole du tout. Prenez la Langue des signes ! Alors la langue des signes c’est très codifié mais il y a aussi plein d’autres façons de communiquer par les gestes... Marion Dohen Par exemple on est capable de communiquer d'improviser des choses. Par exemple pour communiquer avec quelqu'un quand il y a tellement de bruit qu’on ne peut pas l'entendre et bien on va se mettre spontanément à faire des gestes avec nos mains on va se mettre spontanément à s'adapter. Toutes ces techniques naturelles d'adaptation on peut essayer aussi de les apprivoiser, de les développer, de les amener plus proches d'un code pour qu'elles puissent servir aux personnes qui n'ont pas forcément accès à la parole pour x ou y raison et notamment aux personnes qui ont un handicap. Journaliste Et notamment un handicap de communication ! La communication non-verbale, c’est capter tout ce qui n’est pas exprimé par le langage oral. Et alors, qu’est-ce qui différencie la multi-modalité de la CAA ? Parce qu’on peut avoir l’impression que c’est un peu la même chose ? Et ça c’est une autre grande spécialiste de la communication qui travaille beaucoup sur la CAA, Amélie Rochet-Capellan qui me l’a expliqué. En plus d’être experte en sciences du langage, Amélie est aussi maman (entre autres) d’une petite Jolène qui est née avec le syndrome d’Angelman. Pour faire court, le syndrome d’Angelman c’est un trouble du développement neurologique. Il se caractérise par beaucoup joie mais aussi une absence de langage et des troubles intellectuels et moteurs sévères. Alors Amélie, quand est-ce qu’on est passé de la multi-modalité à la CAA ? Amélie Rochet-Capellan On n’est pas passé de l'un à l'autre en fait le truc c'est que la CAA c'est de la multi-modalité. La CAA c'est de la multi-modalité c'est juste que la CAA c'est un domaine qui vient de la clinique et qui a été un peu formalisé en clinique par les orthophonistes, les ergothérapeutes … Donc à la base c’était pour désigner une prise en charge spécifique des troubles du langage en clinique. En fait le petit être humain quand il naît il n'est pas formaté pour apprendre la parole contrairement à ce que beaucoup de gens pensent en fait on a des fonctions biologiques qui permettent d'apprendre la parole on va utiliser la parole parce que il y a plein d'hypothèses sur les origines de pourquoi on parle et pourquoi on ne gestualise pas donc il y a plein d'hypothèses différentes, une des hypothèses c'est que la parole elle permet de libérer la main et c'est pratique on peut l'utiliser à distance. Mais en fait un bébé si il naît dans un milieu où les gens signent il va apprendre la langue des signes et son langage à lui naturel ça sera la langue des signes. Donc un des gros soucis qu'on a en communication alternative et augmentée c'est souvent qu'en fait on confond communication-langage-parole et ça pose des problèmes parce que on ne peut pas réduire le langage à la parole Journaliste Donc, ce que nous dit Amélie, c’est qu’il n'y a pas la multi-modalité d'un côté et la CAA de l’autre. La CAA pourrait être englobée dans la communication multimodale. Un des enjeux de ce podcast c’est de sensibiliser à cette multi-modalité de la communication parce qu’elle est présente dès le début pour tout être humain. Amélie Rochet-Capellan Le petit bébé quand il nait, il émet des signaux, l'environnement va répondre à ces signaux. Ces signaux c'est souvent des pleurs ça va être des expressions faciales tout à l'heure Marion a parlé déjà des gestes manuels mais il y a énormément de travaux sur les expressions faciales en communication non verbale. Ça va être des postures qu'on a chez le petit bébé il va se contracter et ça c'est des choses auxquelles on va répondre quand on est un parent qui est capable de reconnaître ça et de prendre soin de son bébé et de lui répondre à ces signaux et petit à petit le bébé il va sélectionner les signaux qui lui procurent des sensations agréables et qui lui montrent qu'il peut agir sur l’environnement. Le problème c'est que quand les bébés ils n'émettent pas les bons signaux ou qu'ils en émettent pas beaucoup comme c'était le cas de ma fille et bien l'environnement s'il est pas conscient c'est pas parce que l'enfant il n'émet pas les signaux normaux et qu'il parle pas qu'il envoie pas des signaux il va pas voir ces signaux il va pas les comprendre et du coup soit ça peut arriver qu'il y a des cas de maltraitance (mais qui peut se mettre en place aussi avec des enfants qui envoient les bons signaux) mais du coup que ce soit la maltraitance qui va envoyer des signaux négatifs ou la négligence qui répond pas aux signaux ça fait que le bébé petit à petit va de plus en plus se renfermer sur lui et qui va tendance à avoir des mouvements de balancement, enfin il va chercher des mouvements qui vont lui procurer des sensations à lui en fait il va s'auto stimuler, se toucher le visage, beaucoup mettre ses mains à la bouche, voir se taper des fois qu'on appelle ça maintenant des comportements problèmes ou des comportements défis mais en fait c'est juste parce qu'en fait comme il reçoit pas de renforcement de l'extérieur il va se procurer ses propres sensations à lui. Journaliste C’est super intéressant tout ce que raconte Amélie. Les comportements défis dont parlait Marielle Lachenal tout à l’heure, c’est quand un enfant, avec ou sans handicap, émet des signaux qui ne sont pas pris en compte, et qu’il va exprimer ce qu’il ressent de façon plus perturbante… Amélie Rochet-Capellan Donc la CAA elle est là pour éviter ça en fait, c'est l'idée c'est on va prendre en charge de manière le plus précocement possible les enfants, les bébés qui émettent pas des signaux et en fait n'importe quelle personne qui émet pas des signaux normaux entre guillemets ou qui n'émet pas assez, elle devrait utiliser de la CAA tout de suite en fait et on a encore des gros soucis aujourd'hui parce que souvent les médecins ils pensent encore, pas que les médecins d'ailleurs certains professionnels et puis certains parents aussi mais bon les parents on peut leur en vouloir un peu moins parce qu'ils ne sont pas censés être formés mais pense que ben voilà si le bébé, on va attendre en fait que le bébé il émette le signal pour lui donner un outil et si le signal il vient pas, ben du coup il ne donne pas à donc il va se mettre à développer tout ce que j'ai dit tout à l'heure des comportements, des comportements parasites…. Et on sait que dans 90% des cas les troubles du comportement ils viennent parce que la personne elle n'a pas le bon outil pour communiquer autrement que par ces troubles-là…. On le voit chez les enfants, vous allez voir ma fille tout à l’heure, qui a deux ans quand elle arrive pas à parler dire ce qu'elle veut, elle se roule par terre, elle crise tout de suite parce qu'elle sait qu'on va pas la comprendre. Et si elle arrive à faire un signe ou à montrer ce qu'elle veut autrement, elle ne va pas criser. Et le problème c'est qu'en fait on a tellement de l'impression que la parole c'est naturel que si on ne parle pas c'est qu'on a un problème dans la tête et que de toute façon il n'y a rien à faire qu'on n'a pas l'idée en fait ou on n'accepte pas bien le fait que communiquer par des gestes ou communiquer par des images c'est tout aussi naturel pour l'être humain que de parler. Journaliste Dès la naissance un enfant communique. Il va donc acquérir le langage oral par exemple, parce que des personnes lui parlent et qu’il baigne dans ce langage, ça stimule son cerveau et c’est de faire l’expérience du langage qui va faire qu’il développe sa compétence langagière. A l’inverse, un bébé a qui on ne communique pas, ne va pas développer le langage. Il faut donc communiquer le plus tôt possible et par tous les moyens possibles avec un enfant qui a un handicap de la communication, pour le stimuler et développer avec lui un langage alternatif. Et ce n’est pas Elisabeth Cataix, ergothérapeute et pionnière de la CAA en France qui va me contredire… Enfin j’espère, sinon j’aurai l’air maligne ! Elisabeth Cataix Si nous, nous créons de la communication alternative autour de la personne, si nous, nous parlons la langue de la personne, à priori en France, la langue française, si nous lui parlons français, mais en même temps qu'on lui parle, qu'on signe un signe par phrase, le signe important, on va à la piscine, et je signe le signe piscine. Et je montre éventuellement, aller piscine en pictogramme, si j'arrive à être trilingue. Je ne peux pas toujours être trilingue, mais si j'y arrive, ou en tous les cas que j'arrive à régulièrement, fréquemment, toute la journée, montrer à la personne qu'il y a de la communication alternative et améliorée dans son environnement, que les mots existent, que les mots existent autrement que par l'oral. Si j'arrive à lui montrer ça, c'est-à-dire lui ouvrir le monde sur le langage, mais qui ne sera pas le langage, qui ne passera pas par la langue orale, je différencie bien le langage de langue. Si on arrive à créer un bain de langage alternatif, il y a plein de personnes dont on n'aurait pas dit qu'elles étaient capables, qui vont s'en saisir, qui vont montrer qu'elles comprennent quand on leur montre des images, et qui vont montrer qu'elles comprennent les mots quand on leur fait des signes. Journaliste C’est très important ce que dit Elisabeth Cataix, si on ne donne pas accès à la communication, on ne peut pas savoir de quoi une personne est capable. Pendant longtemps on a d’ailleurs mis sur le compte de la déficience intellectuelle, ce qui relevait du handicap de communication. Ecoutez ce que me racontait Elisabeth sur ses débuts en tant qu’ergothérapeute Elisabeth Cataix De la part d’un grand ponte, j’ai entendu « il ne parle pas, il ne pense pas ». Et alors là, avec l'équipe qui m’encadrait, l’ergothérapeute qui m’encadrait, on était déjà persuadés que justement derrière cette impossibilité de parler, il y avait une intelligence, il y avait des capacités, il y avait des possibilités de partager quelque chose avec ces gens en gros, de communiquer, mais de manière alternative, parce qu'effectivement ces adolescents de 14, 15, 18 ans, ils ne parlaient pas, ils ne parlaient pas la langue française, ils ne parlaient pas avec leur bouche, leur fonction orale. Journaliste Accéder à la communication c’est un droit fondamental... Ça devrait l’être en tout cas. Les incapacités temporaires ou permanentes de communication, devraient être compensées pour impacter le moins possible les relations humaines. C’est pour ça que la CAA est une des mesures phare de la Conférence Nationale du Handicap, qui en parle comme de la « première brique de l’autodétermination », parce que la CAA va permettre de donner de la voix à celles et ceux qui n’en avaient pas, pour qu’ils puissent exister socialement. Et pour exister socialement, il faut pouvoir communiquer. Écoutons Stéphane Jullien, il est orthophoniste, basé en Suisse et c’est un spécialiste des questions d’accessibilité à la communication notamment pour les personnes polyhandicapées ou avec des déficiences intellectuelles. Stéphane Jullien La France, la Suisse, la Belgique, en fait beaucoup de pays francophones ont signé la Convention relative aux droits des personnes en situation de handicap. Dans cette convention qui engage donc nos différents pays, la question de la participation est systématiquement citée et évidemment la France et les différents pays francophones sont engagés légalement dans le fait de garantir la participation des personnes avec handicap et donc handicap de communication pour ce qui nous concerne aujourd’hui. La question de la protection des personnes de la maltraitance il faut savoir qu'il y a aussi dans la littérature une quantification du fait que quand on est une personne avec handicap déjà mais en fait avec handicap de communication on est susceptible de subir des violences, des abus que évidemment avec le H de communication le fait de pas pouvoir dénoncer ces abus le fait de pas pouvoir dénoncer les personnes qui nous ont fait subir multiplie le fait de subir ces maltraitances, ces abus sexuels donc ça engage les proches, l’Etat, les institutions à protéger ces personnes avec handicap de communication donc c'est essentiel la sensibilisation de la société civile. Journaliste La société civile c’est vous, c’est moi. Il faut que tout le monde s’empare du sujet parce qu’il faut être plusieurs pour communiquer, on ne communique pas tout seul. Et le handicap de communication, il a cette petite subtilité d’être un handicap partagé. Stéphane Jullien Le handicap de communication, c'est un handicap invisible. On ne l’observe pas. On peut l'expérimenter, mais on peut très bien passer à côté de certaines personnes qui ne pourraient pas participer à certaines interactions, parce qu'elles seraient tout simplement laissées de côté. C'est un handicap invisible. La notion de handicap de communication, c'est un handicap partagé. C'est-à-dire que si vous avez un handicap de communication et que je cherche à communiquer avec vous, si vous ne comprenez pas mes mots, si vous avez du mal, vous, à vous exprimer, ça va être plus compliqué pour moi de savoir comment m'ajuster. Journaliste S’ajuster à la situation c’est essentiel. L’environnement joue un rôle clé non seulement dans le développement du langage mais aussi dans la communication tout au long de la vie. Ce que m’a très bien expliqué Stéphane Jullien c’est que le handicap de communication engage tous les partenaires potentiels de communication dans l’environnement social de la personne, donc tout le monde en fait ! Parce que notre environnement social c’est les proches mais c’est aussi l’état, les professionnels, les institutions, etc. Ce n’est pas un hasard si on parle de situations de communication. Parce que la communication existe dans un contexte interactionnel, et dépend fortement de celui-ci. C’est pour ça que Stéphane pose la question de savoir « comment on s’ajuste ? » mais aussi comment on ajuste l’environnement Stéphane Jullien La communication alternative et améliorée, c'est en fait surtout l'ajustement de l'humain. Donc, ça veut dire que si une personne a un handicap de communication, moi, il va falloir que je m'ajuste naturellement. Il va falloir que j'essaye de faire que la personne puisse maximalement me comprendre. Alors, pour ça, je vais utiliser peut-être des outils et des moyens, mais c'est surtout que je vais essayer d'ajuster la complexité des énoncés que je vais produire. Je vais jouer sur mon débit. Je vais peut-être insister sur certains mots. Donc, avant les outils, il y a évidemment l'ajustement de l'humain. Et puis, il y a aussi l'aménagement du contexte. Si j'ai une personne qui a des grosses difficultés, ne serait-ce qu'à comprendre son environnement, il y a plein de choses qu'il va falloir que je limite en termes de bruit, en termes de stimulation, ne serait-ce que des stimulations visuelles. Peut-être qu'il va falloir qu'elle comprenne que je suis en train de rentrer en contact avec elle. Journaliste Une autre des voix de ce podcast que j’ai envie de vous faire écouter, c’est Marie-Christine Rousseau, interniste infectiologue de formation, praticienne hospitalière, elle est Responsable de la recherche pour la Fédération du polyhandicap de l’APHP. Lors de notre entretien, elle m’a dit qu’elle était un « Mr Jourdain de la CAA » et qu’elle en faisait sans le savoir. C’est très vrai je pense. Dans son travail auprès de personnes polyhandicapées, y’a une situation dont elle parle très bien c’est l’entrée en communication. Comment les préalables à la communication sont en fait déjà de la communication. Marie-Christine Rousseau Quand on communique c'est moins le contenu que la façon dont on va le faire qui va compter, c’est à dire votre prosodie, votre ton apaisant, votre geste qui doit être apaisant et qui doit communiquer le contenu de ce que vous voulez émettre.... Il faut aussi veiller à se mettre dans l'axe du regard qui parfois se détourne … on voit la personne et faut veiller à en être vu. Qu’il y ait une accroche de nos regards quand c’est possible. De toute façon une personne on honore son humanité en communiquant avec … donc même quelqu'un plongé dans un coma, qu'on peut imaginer assez profond, il se passe forcément des choses et ce qu'il se passe ou pas on ne l’atteint pas. En accueillant les personnes en EVC dans le service face au désarroi des soignants on avait fait cette petite tentative, qui consistait à enregistrer la fréquence cardiaque de la personne et ensuite je m'approchais, je parlais et touchais la personne doucement et on observait que la fréquence cardiaque diminuait progressivement. C’est à dire que même pour ces personnes dans un coma jugé très profond et un peu sans appel il y avait un ressenti de la personne en face à la tentative de communication. Donc toute personne humaine on respecte son humanité en rentrant en communication. On est l'émetteur, on ne sait pas ce qui va être reçu. Mais Il est forcément reçu quelque chose qui est dans l'infra verbal, quelque chose qui est dans l'émotion qu'on transmet plus que dans contenu verbal. Je crois qu'un être vivant ça se respecte par une tentative de communication. Emettre un message et être prêt à en recevoir selon des modalités qui ne sont pas les nôtres. Journaliste Marie-Christine Rousseau nous invite à être attentif à l'autre. Pour entrer en contact, il faut aussi savoir capter les réactions d'une personne, même infimes. Et la qualité de notre réception fait souvent défaut. On va s’arrêter là pour aujourd’hui. Retenez que la CAA c’est une invitation à communiquer autrement parce qu’il y a 1001 façons de communiquer. Merci à Marielle Lachenal, Marion Dohen, Amélie Rochet-Capellan, Elisabeth Cataix, Stéphane Jullien et Marie-Christine Rousseau pour leurs témoignages si précieux. Et à Géraldine et Jolène qu'on n'entendra pas mais qui sont-elles-aussi très présentes dans ce podcast.

  • Speaker #0

    l'AFSA et deux chercheuses de Grenoble INP et du CNRS au GYPSALAB. Conception et réalisation, Blandine Lacour et Maxime Huige. Autant vous le dire d'entrée de jeu, la communication alternative et améliorée, c'est un ensemble de moyens et d'outils qui vont compenser ou remplacer la parole pour permettre à quelqu'un qui en est privé de s'exprimer et d'entrer en relation avec les autres. Épisode 1. Communiquer, un droit fondamental. La CA, c'est d'abord et avant tout de la communication. Mais une communication qui a été pensée pour des personnes qui ont des troubles complexes de la communication, souvent accompagnées de déficiences motrices et cognitives. C'est le cas. de Géraldine Lachenal, par exemple. Elle ne peut pas oraliser, c'est-à-dire communiquer avec la voix. Mais attention, ça ne veut pas dire qu'elle ne peut pas communiquer. Si je n'ai pas eu la chance de croiser Géraldine à Grenoble, j'ai par contre rencontré sa mère, Marielle Lachenal, qui accompagne sa fille sur le chemin de la CA. Marielle a toujours eu la conviction que sa fille avait des choses à dire. Elle est une des voix de ce podcast.

  • Speaker #2

    Donc Géraldine, elle a un handicap que maintenant ils appellent complexe dans les nouveaux mots. Ça veut dire qu'elle a plein de misères, mais dans ces misères, il y a qu'elle n'arrive pas à parler. Donc elle a une maladie génétique rare, elle n'arrive pas à parler. Et quand elle avait 4 ans, elle commençait à avoir des troubles du comportement. Quand elle n'était pas comprise, elle se tapait la tête avec beaucoup de violence, elle se fracassait et c'est vrai que par chance... parce que c'est quand même il y a 30 ans, on a trouvé des gens qui nous ont parlé du Macathon, qui n'existait pas encore en France, qui était de dire qu'il faut lui donner les mains pour qu'elle puisse parler, elle n'arrive pas à parler avec sa bouche. Donc on est allé en Suisse d'abord pour rencontrer une orthophoniste suisse et puis on a commencé à signer avec elle. Et ça a marché de façon étonnante. En fait, elle s'est jetée sur les signes et elle s'est mise à parler et elle a arrêté de se fracasser dès qu'elle a pu parler autrement. Ça a tellement changé notre vie que je me suis dit, il faut que je le dise. Il faut que je le dise pour les autres parents. On peut donner la parole un peu à nos enfants qui n'arrivent pas à parler et qui souffrent.

  • Speaker #0

    Au fil de ces années de pratique de la CAA, avec sa fille Géraldine qui a déjà 34 ans, Marielle Lachenal est devenue formatrice de Macathon. Le Macathon, c'est un système de communication qui mélange des pictogrammes et des signes qu'on fait avec les mains. C'est un outil très utilisé en CAA et il permet à Géraldine de s'exprimer.

  • Speaker #2

    Elle pense beaucoup en images. Je pense que quand on n'a pas de mots pour penser, on s'appuie sur des images. En s'appuyant sur des images, elle peut nous dire comment elle va. Ce ne sont pas des signes. Quand c'est tellement profond, elle va aller chercher des images pour nous dire. La CA, ça exige quand même qu'on se branche un peu sur l'autre. C'est-à-dire qu'on n'aurait pas eu les signes, les pictos, les images, elle serait devenue folle, mais je me dis moi aussi avec. Parce que c'est terrifiant d'avoir un enfant, un adulte qui se fracasse. C'est terrible. Donc, il faut y aller. Alors, dans la CA, la démarche CA, il y a aussi l'idée, on dit qu'il faut leur donner des signes, des pictos, des tablettes, parce qu'ils ont des troubles du comportement. Et c'est vrai, après, ça pèse. Mais même s'ils gardent leur trouble du comportement, il faut leur donner des signes des pictos parce que c'est un droit humain de communiquer. On ne leur donne pas des outils de communication parce qu'ils sont emmerdants et tout ça. On leur donne des outils de communication parce qu'ils sont humains et que c'est un droit de l'homme de communiquer. Même si les problèmes y restent, ils ont le droit de communiquer.

  • Speaker #0

    Je ne sais pas si le terme pictogramme, picto, est compréhensible pour tout le monde. On va beaucoup l'entendre dans ce podcast, alors autant bien définir les choses. Un pictogramme, c'est un dessin figuratif. Par exemple, le picto qui représente une personne handicapée, en général, c'est un bonhomme sur un fauteuil, mais très stylisé. Le picto tête de mort, ça veut dire danger. Le picto, c'est un des outils de la CA, mais on verra plus tard les outils. En attendant, ne vous inquiétez pas si vous ne saisissez pas tous les mots ni tous les concepts. Moi aussi, au début, j'étais un peu perdue. C'est normal, il faut du temps pour tout capter à la CA. Pour l'heure, on pose les bases. Et la base, déjà, c'est de comprendre ce que c'est de communiquer. Communiquer, c'est un processus par lequel on émet un message pour le transmettre à une ou plusieurs personnes qui le reçoivent et le décode si le langage est commun. Sinon, elles ont du mal. Marion Dohen est enseignante chercheuse en sciences cognitives. Elle travaille sur la CAA pour les personnes avec des troubles importants de la communication. Une personne idéale pour approcher un peu mieux la notion de communication. Parce qu'on confond souvent communication et langage, alors que le langage est juste un des moyens, parmi d'autres, de communiquer, et qu'il ne se limite pas à la parole en plus.

  • Speaker #3

    La parole, c'est assez facile, c'est ce qu'on est en train de faire là, c'est émettre des sons qu'on construit avec notre conduit vocal et ces sons-là... ils sont compréhensibles par la personne qui est en face de nous ou avec qui on parle, parce qu'on utilise un code commun que les deux personnes ou les X personnes connaissent. Et ce code commun, c'est ce qu'on appelle le langage. Et ce code, il peut être réalisé en utilisant la parole. La communication, en fait, c'est beaucoup plus large que juste la parole, puisque quand on... discute avec quelqu'un, on ne s'en rend pas forcément compte, mais on échange des informations beaucoup plus finalement par autre chose que la parole que par la parole elle-même. Il y a des études qui montrent que la parole, ça représenterait dans la communication parlée, donc ce qu'on est en train de faire là, ça ne représenterait que 30% à peu près de l'origine de l'échange d'informations. Et que tout le reste, les 70%, ça serait des choses qui sont très importantes dans la communication, mais qu'on véhicule. autrement que par la parole. Alors comment on véhicule ces informations ? On les véhicule grâce à des outils qui peuvent être à la fois des outils sonores, l'intonation, donc l'intonation c'est un petit peu la mélodie qu'il y a dans notre voix quand on parle, et en fait ça véhicule ça de beaucoup d'informations. Donc ça, l'intonation, ça fait partie de quelque chose qu'on appelle la prosodie.

  • Speaker #0

    Alors là, Marion m'a expliqué ce qu'est la prosodie. Ça comprend l'intonation qu'on vient de voir, mais aussi le rythme, en simplifiant, disons, la vitesse relative de ce que je dis, par rapport au reste de ce que je vais dire. Et puis c'est aussi l'intensité, la hauteur du son de ma voix. La prosodie, c'est tout plein de variables en rapport avec la voix, et ça a un impact majeur sur notre communication. En communication verbale, orale ou écrite, on utilise donc un langage. Un code qu'on a défini. Et on l'a défini de façon assez arbitraire. Écoutez ce qu'en dit Marielle Lachenal, la maman de Géraldine. Parce que ça aide bien à comprendre la suite.

  • Speaker #2

    C'est arbitraire un mot ça. Pourquoi on appelle un ballon un ballon ? Donc l'exemple, vous voyez, le ballon il se signe rond. Le pictogramme ballon il va être rond. Mais on aurait pu appeler un ballon une vache, pourquoi pas ? Et on aurait joué à la vache prisonnière. Et puis je vous aurais lancé la vache à crâne. Mais on n'aurait jamais signé ce jeu avec les cornes d'une vache. Donc le mot est arbitraire, le signe ou le picto ne sont pas arbitraires. Ils sont en lien avec le réel. Et du coup, pour des enfants qui ont du mal à accéder justement à ce qu'on appelle la fonction symbolique du langage, c'est-à-dire pouvoir mettre dans ma tête des choses et la façon dont on les nomme, c'est plus simple avec les mains ou le picto si j'ai du mal à comprendre le sens des mots. de dire que le mot est arbitraire, on peut aider les enfants ou les adultes à comprendre le sens des mots avec nos mains ou avec du visuel. Parce que c'est dur de se comprendre.

  • Speaker #0

    C'est dur, mais on va y arriver. Reprenons avec Marion Dohen, la chercheuse en communication, qui nous expliquait qu'au-delà du langage oral, beaucoup d'informations essentielles à la communication ne sont pas exprimées de façon sonore.

  • Speaker #3

    Il y a plein d'autres choses qui n'ont pas un rapport directement avec la voix. Et moi, je ne me suis plus particulièrement intéressée à mes recherches. aux gestes manuels, on appelle ça les gestes manuels communicatifs, tous ces gestes qu'on fait avec nos mains en même temps qu'on parle et qu'on fait de manière spontanée, c'est-à-dire que la plupart du temps, on n'est pas conscient qu'on fait ces gestes, mais pourtant, ils sont importants. Il y a des études scientifiques qui montrent, par exemple, qu'à la fois que quand la personne qui parle ne peut pas produire des gestes, par exemple parce que ses mains sont occupées ou parce qu'on l'empêche d'utiliser ses mains, en fait, elle va avoir plus de mal à parler. Et puis, il y a des études qui montrent aussi qu'il y a certaines informations qui ne sont pas présentes directement dans la parole et qui sont pourtant perçues par l'interlocuteur et que l'interlocuteur est incapable de dire si les informations qu'il a perçues venaient de la parole ou d'autres choses.

  • Speaker #0

    Vous suivez ? La communication, c'est un ensemble de modalités. On n'utilise jamais que la parole. La communication est naturellement multimodale, et parfois sans parole du tout. Prenez la langue des signes. Alors la langue des signes, c'est très codifié, mais il y a aussi plein d'autres façons de communiquer par les gestes.

  • Speaker #3

    Par exemple, on est capable de communiquer, d'improviser des choses pour communiquer avec quelqu'un s'il y a tellement de bruit qu'on ne peut pas l'entendre. On va se mettre spontanément à faire des gestes avec nos mains, on va se mettre... spontanément à s'adapter. Et puis, toutes ces techniques naturelles d'adaptation, on peut essayer aussi de les apprivoiser, de les développer, de les amener plus proche d'un code, pour qu'elles puissent servir aux personnes qui n'ont pas forcément accès à la parole pour X ou Y raisons, et notamment aux personnes qui ont un handicap.

  • Speaker #0

    Et notamment, un handicap de communication. La communication non-verbale, c'est capter tout ce qui n'est pas exprimé par le langage oral. Et alors, qu'est-ce qui différencie la multimodalité de la CA ? Parce qu'on peut avoir l'impression que c'est un peu la même chose. Et ça, c'est une autre grande spécialiste de la communication qui travaille beaucoup sur la CA, Amélie Rocher-Capelan, qui me l'a expliqué. En plus d'être experte en sciences du langage, Amélie est aussi maman. Entre autres, d'une petite Jolène qui est née avec le syndrome d'Angelman. Pour faire court, le syndrome d'Angelman, c'est un trouble du développement neurologique. Il se caractérise par beaucoup de joie, mais aussi une absence de langage et des troubles intellectuels et moteurs sévères. Alors Amélie, quand est-ce qu'on est passé de la multimodalité à la CA ?

  • Speaker #4

    On n'est pas passé de l'un à l'autre en fait. Le truc, c'est que la CA, c'est de la multimodalité. C'est... La CA, c'est de la multimodalité. C'est juste que la CA, c'est un domaine qui vient de la clinique et qui a été un peu formalisé en clinique par les orthophonistes, les ergothérapeutes. Donc, à la base, c'était pour désigner une prise en charge spécifique des troubles du langage en clinique. Et d'ailleurs, la CA, c'est de la multimodalité. En fait, le petit être humain, quand il naît, il n'est pas formaté pour apprendre la parole, contrairement à ce que beaucoup de gens... pensent. En fait, on a des fonctions biologiques qui permettent d'apprendre la parole. On va utiliser la parole parce que il y a plein d'hypothèses sur les origines de pourquoi on parle et pourquoi on gestualise pas. Donc, il y a plein d'hypothèses différentes. Une des hypothèses, c'est que la parole, elle a libéré la main. Du coup, on peut parler sans utiliser nos mains. Donc, c'est pratique. On peut l'utiliser à distance, etc. Mais en fait, un bébé, s'il naît dans un milieu où les gens signent, il va apprendre la langue des signes. et son langage à lui naturel, ça sera la langue des signes. Donc un des gros soucis qu'on a en communication alternative et augmentée, c'est souvent qu'en fait on confond communication, langage, parole. Et ça pose des problèmes parce qu'on ne peut pas réduire le langage à la parole.

  • Speaker #0

    Donc, ce que nous dit Amélie, c'est qu'il n'y a pas la multimodalité d'un côté et la CAA de l'autre. La CAA pourrait être englobée dans la communication multimodale. Un des enjeux de ce podcast, c'est de sensibiliser à cette multimodalité de la communication, parce qu'elle est présente dès le début pour tout être humain.

  • Speaker #4

    Le petit bébé, quand il naît, il émet des signaux, l'environnement va répondre à ces signaux. Ces signaux, c'est souvent des pleurs, ça va être des expressions faciales. Tout à l'heure, Marie-Anne a parlé des gestes manuels, mais il y a énormément de travaux sur les expressions faciales en communication non-verbale. Ça va être des postures qu'on a chez le petit bébé, il va se contracter. Et ça, c'est des choses auxquelles on va répondre quand on a un parent qui est capable de reconnaître ça et de prendre soin de son bébé et de lui répondre à ses signaux. Et petit à petit, le bébé va sélectionner les signaux qui lui procurent des sensations agréables et qui lui montrent qu'il peut agir sur l'environnement. Le problème, c'est que quand les bébés n'émettent pas les bons signaux ou qu'ils n'en émettent pas beaucoup, comme c'était le cas de ma fille, l'environnement, s'il n'est pas conscient que... Ce n'est pas parce que l'enfant n'émet pas les signaux normaux et qu'il ne parle pas qu'il n'envoie pas des signaux. Il ne va pas voir ces signaux, il ne va pas les comprendre. Et du coup, soit ça peut arriver qu'il y ait des cas de maltraitance, mais bon, en tout cas, ce n'est pas les parents que je connais, moi. Il ne faut pas dire... Il y a de la maltraitance qui se met en place aussi avec des enfants qui envoient les bons signaux. Mais du coup, que ce soit la maltraitance qui va envoyer des signaux négatifs ou la négligence qui ne répond pas aux signaux, ça fait que le bébé, petit à petit, va de plus en plus se renfermer sur lui et qu'il va avoir tendance à avoir des mouvements de balancement, comme je suis en train de faire là. Enfin, il va chercher des mouvements qui vont lui procurer des sensations à lui. En fait, il va s'auto-stimuler, se toucher le visage, beaucoup mettre ses mains à la bouche, voire se taper des fois. On appelle ça maintenant des comportements problèmes ou des comportements défis. Mais en fait, c'est juste parce que, en fait, comme il ne reçoit pas... de renforcement de l'extérieur, il va se procurer ses propres sensations à lui.

  • Speaker #0

    C'est super intéressant tout ce que raconte Amélie. Les comportements défis, dont parlait Marielle Lachenal tout à l'heure, c'est quand un enfant, avec ou sans handicap, émet des signaux qui ne sont pas pris en compte et qu'il va exprimer ce qu'il ressent de façon plus perturbante, disons.

  • Speaker #4

    La CA, elle est là pour éviter ça en fait. L'idée c'est qu'on va prendre en charge de manière le plus précocement possible les enfants. Les bébés qui n'émettent pas des signaux. Et en fait, n'importe quelle personne qui n'émet pas des signaux normaux ou qui n'en émet pas assez, elle devrait utiliser de la CA tout de suite. Et on a encore des gros soucis aujourd'hui parce que souvent, les médecins pensent encore, pas que les médecins d'ailleurs, certains professionnels et certains parents aussi, mais les parents, on peut leur en vouloir un peu moins parce qu'ils ne sont pas censés être formés. Mais on va attendre que le bébé émette le signal pour lui donner un outil. et s'il signale il ne vient pas, du coup il ne donne pas, donc il va se mettre à développer tout ce que j'ai dit tout à l'heure, des comportements parasites, et on sait que dans 90% des cas, les troubles du comportement, ils viennent parce que la personne n'a pas le bon outil pour communiquer autrement que par ces troubles-là. On le voit chez les enfants, vous allez voir ma fille tout à l'heure, il y a deux ans, quand elle n'arrive pas à parler ou dire ce qu'elle veut, elle se roule par terre, elle crisse tout de suite, parce qu'elle sait qu'on ne va pas la comprendre. Et si elle arrive à faire un signe ou à montrer ce qu'elle veut autrement, elle ne va pas criser. Et le problème, c'est qu'en fait, on a tellement de l'impression que la parole, c'est naturel, que si on ne parle pas, c'est qu'on a un problème dans la tête et que de toute façon, il n'y a rien à faire. On n'a pas l'idée, en fait, ou on n'accepte pas bien le fait que communiquer par des gestes ou communiquer par des images, c'est tout aussi naturel pour l'être humain que de parler.

  • Speaker #0

    Dès la naissance, un enfant communique. Il va donc acquérir le langage oral, par exemple, parce que des personnes lui parlent et qu'il baigne dans ce langage. Ça stimule son cerveau et c'est de faire l'expérience du langage qui va faire qu'il développe sa compétence langagière. À l'inverse, un bébé à qui on ne communique pas ne va pas développer le langage. Il faut donc communiquer le plus tôt possible et par tous les moyens possibles avec un enfant qui a un handicap de communication, pour le stimuler. et développer avec lui un langage alternatif. Et ce n'est pas Elisabeth Katex, ergothérapeute et pionnière de la CA en France, qui va me contredire. Enfin, j'espère, sinon j'aurais l'air maligne.

  • Speaker #5

    Si nous, nous créons de la communication alternative autour de la personne, si nous, nous parlons la langue de la personne, a priori en France, la langue française, si nous lui parlons français, mais en même temps qu'on lui parle, qu'on signe... Un signe par phrase. Le signe important, on va à la piscine. Et je signe le signe piscine. Et je montre éventuellement aller piscine en pictogramme, si j'arrive à être trilingue. Je ne peux pas toujours être trilingue, mais si j'y arrive, ou en tous les cas que j'arrive à régulièrement, fréquemment, toute la journée, montrer à la personne qu'il y a de la communication alternative et améliorée dans son environnement, que les mots existent. que les mots existent autrement que par l'oral. Si j'arrive à lui montrer ça, c'est-à-dire lui ouvrir le monde sur le langage, mais qui ne sera pas le langage, qui ne passera pas par la langue orale, je différencie bien langage de langue, si on arrive à créer un bain de langage alternatif, il y a plein de personnes dont on n'aurait pas dit qu'elles étaient capables qui vont s'en saisir. qui vont montrer qu'elles comprennent quand on leur montre des images et qui vont montrer qu'elles comprennent les mots quand on leur fait des signes.

  • Speaker #0

    C'est très important ce que dit Elisabeth Katex. Si on ne donne pas accès à la communication, on ne peut pas savoir de quoi une personne est capable. Pendant longtemps, on a d'ailleurs mis sur le compte de la déficience intellectuelle, ce qui relevait du handicap de communication. Écoutez ce que me racontait Elisabeth sur ses débuts en tant qu'ergothérapeute.

  • Speaker #5

    De la part d'un grand ponte, j'ai entendu il parle pas, il pense pas Et alors là, avec... L'équipe qui m'encadrait, l'ergotérapeute qui m'encadrait, on était déjà persuadés que, justement, derrière cette impossibilité de parler, il y avait une intelligence, il y avait des capacités, il y avait des possibilités de partager quelque chose avec ces gens, en gros, de communiquer, mais de manière alternative, parce qu'effectivement, ces adolescents de 14, 15, 18 ans, ils ne parlaient pas, ils ne parlaient pas la langue française et ils ne parlaient pas avec leur bouche, leur... leur fonction orale.

  • Speaker #0

    Accéder à la communication c'est un droit fondamental, ça devrait l'être en tout cas. Les incapacités temporaires ou permanentes de communication devraient être compensées pour impacter le moins possible les relations humaines. C'est pour ça que la CA est une des mesures phares de la conférence nationale du handicap qui en parle comme de la première brique de l'autodétermination. Parce que la CA va permettre de donner de la voix à celles et ceux qui n'en avaient pas pour qu'ils puissent exister socialement. Et pour exister socialement, il faut pouvoir communiquer. Écoutons Stéphane Julien. Il est orthophoniste, basé en Suisse, et c'est un spécialiste des questions d'accessibilité à la communication, notamment pour les personnes polyhandicapées ou avec des déficiences intellectuelles.

  • Speaker #1

    La France, la Suisse, la Belgique, en fait beaucoup de pays francophones. ont signé la Convention relative aux droits des personnes en situation de handicap. Dans cette convention, qui engage nos différents pays, la question de la participation est systématiquement citée. Et évidemment, la France et les différents pays francophones sont engagés légalement dans le fait de garantir la participation des personnes avec handicap et donc handicap de communication pour ce qui nous concerne aujourd'hui. La question de la protection aussi des personnes, de la maltraitance. Il faut savoir qu'il y a aussi dans la littérature une quantification du fait que quand on est une personne avec handicap, déjà, mais en fait avec handicap de communication, on est susceptible de subir des violences, des abus, qu'évidemment avec le handicap de communication, le fait de ne pas pouvoir dénoncer ces abus, le fait de ne pas pouvoir dénoncer les personnes qui nous ont fait subir, multiplie le fait de subir ces maltraitances, ces abus sexuels. Donc ça engage les proches. L'État, les institutions, a protégé ces personnes avec handicap de communication. Donc c'est essentiel, la sensibilisation de la société civile.

  • Speaker #0

    La société civile, c'est vous, c'est moi. Il faut que tout le monde s'empare du sujet, parce qu'il faut être plusieurs pour communiquer. On ne communique pas tout seul. Et le handicap de communication, il a cette petite subtilité d'être un handicap partagé.

  • Speaker #1

    Le handicap de communication, c'est invisible, on ne l'observe pas. On peut l'expérimenter, mais on peut très bien passer à côté de certaines personnes qui ne pourraient pas participer à certaines interactions parce qu'elles seraient tout simplement laissées de côté. C'est un handicap invisible. La notion de handicap de communication, c'est un handicap partagé. C'est-à-dire que si vous avez un handicap de communication et que je cherche à communiquer avec vous, si vous ne comprenez pas mes mots, Si vous avez du mal, vous, à vous exprimer, ça va être plus compliqué pour moi de savoir comment je m'ajuste.

  • Speaker #0

    S'ajuster à la situation, c'est essentiel. L'environnement joue un rôle clé non seulement dans le développement du langage, mais aussi dans la communication tout au long de la vie. Ce que m'a très bien expliqué Stéphane Julien, c'est que le handicap de communication engage tous les partenaires potentiels de communication dans l'environnement social de la personne. Tout le monde, en fait. Parce que notre environnement social, c'est les proches, mais c'est aussi l'État, les professionnels, les institutions, etc. Ce n'est pas un hasard si on parle de situation de communication, parce que la communication existe dans un contexte interactionnel et dépend fortement de celui-ci. C'est pour ça que Stéphane pose la question de savoir comment on s'ajuste, mais aussi comment on ajuste l'environnement.

  • Speaker #1

    La communication alternative et améliorée, c'est en fait surtout l'ajustement de l'humain. Donc, ça veut dire que si une personne a un handicap de communication, moi, il va falloir que je m'ajuste naturellement. Il va falloir que j'essaye de faire que la personne puisse maximalement me comprendre. Alors, pour ça, je vais utiliser peut-être des outils et des moyens, mais c'est surtout que je vais essayer d'ajuster la complexité des énoncés que je vais produire. Je vais jouer sur mon débit. Je vais peut-être insister sur certains mots. Donc, avant les outils, il y a évidemment l'ajustement de l'humain. Et puis... il y a aussi l'aménagement du contexte. Si j'ai une personne qui a des grosses difficultés, ne serait-ce qu'à comprendre son environnement, il y a plein de choses qu'il va falloir que je limite en termes de bruit, en termes de stimulation, ne serait-ce que des stimulations visuelles. Peut-être qu'il va falloir qu'elle comprenne que je suis en train de rentrer en contact avec elle.

  • Speaker #0

    Une autre des voix de ce podcast que j'ai envie de vous faire écouter, c'est Marie-Christine Rousseau, interniste infectiologue de formation, praticienne hospitalière, Elle est responsable de la recherche pour la Fédération du polyhandicap de la PHP. Lors de notre entretien, elle m'a dit qu'elle était un monsieur Jourdain de la CA et qu'elle en faisait sans le savoir. C'est très vrai, je pense. Dans son travail auprès des personnes polyhandicapées, il y a une situation dont elle parle très bien, c'est l'entrée en communication. Comment les préalables à la communication sont en fait déjà de la communication ?

  • Speaker #6

    Je vais donc en communiquer. C'est moins le contenu que la façon dont on va le faire qui va compter, c'est-à-dire votre prosodie, votre ton apaisant, votre geste qui doit être aussi apaisant et qui doit vraiment communiquer le contenu de ce que vous voulez émettre. Il faut aussi veiller, bien sûr, à se mettre dans l'axe du regard, du regard qui parfois se détourne. Donc là aussi, on voit la personne, mais il faut veiller à en être vu. Il y a une approche de nos regards pensée possible. De toute façon, une personne, on honore son humanité en communiquant avec. Donc même quelqu'un qui est plongé dans un coma que l'on peut imaginer assez profond, il peut se passer des choses, il se passe forcément des choses. De toute façon, ce qui se passe ou ce qui ne se passe pas, on ne l'atteint pas. En accueillant les personnes en état végétatif chronique dans le service, face aux arrois des soignants, on avait fait une petite tentative qui consistait à enregistrer la fréquence cardiaque de la personne et ensuite je m'approchais, je parlais et touchais la personne doucement et on observait que la fréquence cardiaque diminuait progressivement. C'est-à-dire que même pour ces personnes dans des comas jugés très profonds et un peu sans appel, il y avait un ressenti de la personne en face face à la tentative de communication. Donc toute personne humaine, on respecte son humanité en rentrant en communication. On est l'émetteur, on ne sait pas ce qui va être reçu, mais il est forcément reçu quelque chose, quelque chose qui est dans l'infra-verbal, quelque chose qui est dans l'émotion que l'on transmet, plus que dans un contenu verbal. Je crois qu'un être vivant, ça… Ça se respecte, ça se respecte par une tentative de communication et par aussi, la communication c'est dans les deux sens, c'est émettre un message mais aussi être prêt à en recevoir. Et en recevoir selon des modalités qui ne sont pas forcément les nôtres propres.

  • Speaker #0

    Marie-Christine Rousseau nous invite à être attentif à l'autre. Pour entrer en contact, il faut aussi savoir capter les réactions d'une personne, même infimes. Et la qualité de notre réception fait souvent défaut. On va s'arrêter là pour aujourd'hui. Retenez que la CAA, c'est une invitation à communiquer autrement, parce qu'il y a mille et une façons de communiquer. Merci à Marielle Lachenal, Marion Dohen, Amélie Rocher-Capelan, Elisabeth Katex, Stéphane Julien et Marie-Christine Rousseau pour leurs témoignages si précieux. Et à Géraldine et Jolène, qu'on n'entendra pas, mais qui sont elles aussi très présentes dans ce podcast. Retrouvez les épisodes des voix de la CAA sur toutes les plateformes d'écoute.

Description

Qu’est-ce que communiquer ? Qu’est-ce que le langage ? Communique-t-on uniquement par la parole ? Quelles sont les différentes modalités de la communication ? Qu’est-ce que la CAA ? Pourquoi nous devrions tous être concernés par la CAA ?


Dans ce premier épisode, professionnels et parents vont vous montrer qu’il y a 1001 façons de communiquer et que chacun devrait avoir ce droit fondamental pour interagir avec le monde qui l’entoure.


« Dès qu'on a un être humain en face de soi, on se doit de tenter une communication, c’est une question de respect de son humanité. » Marie-Christine Rousseau (alias la Mr Jourdain de la CAA)


Les voix de l’épisode par ordre d’apparition :

  • Marielle Lachenal, maman de Géraldine, membre de ISAAC Francophone et formatrice, médecin

  • Marion Dohen, chercheuse en sciences du langage (Grenoble INP, GIPSA-LAB)

  • Amélie Rochet-Capellan, chercheuse en sciences du langage et sur la CAA (CNRS, GIPSA-LAB, Grenoble Université Alpes) et maman de Jolène, qui a le syndrome d’Angelman

  • Élisabeth Cataix, ergothérapeute spécialisée en CAA, autrice de Communiquer autrement : accompagner les personnes avec trouble de la parole ou du langage

  • Stéphane Jullien, orthophoniste spécialisé en CAA, chargé d’enseignement à l’université Neuchâtel, Suisse

  • Marie-Christine Rousseau, Responsable de la recherche pour la Fédération du Polyhandicap (APHP), chercheur associé au CERESS Faculté de médecine Timone Marseille, spécialiste en médecine physique et réadaptation (polyhandicap et Lésions cérébrales acquises)


Les voix de la CAA : La Communication Alternative et Améliorée pour les personnes avec des troubles complexes de la communication, un podcast du GNCHR, en collaboration avec Handéo, l'AFSA et des chercheuses de Grenoble-INP et du CNRS au GIPSA-LAB. Conception et réalisation Blandine Lacour et Maxime Huyghe. A retrouver sur toutes les plateformes d’écoute.

Retrouvez plus d'informations sur www.gnchr.fr et entreaidants.handicapsrares.fr


Hébergé par Ausha. Visitez ausha.co/politique-de-confidentialite pour plus d'informations.

Transcription

  • Journaliste

    Journaliste Bonjour et bienvenu dans cette série de podcasts où je vous emmène à la découverte de la CAA, la Communication Alternative et Améliorée. Les voix de la CAA - La Communication Alternative et Améliorée pour les personnes avec des troubles complexes de la communication. Un podcast du GNCHR en collaboration avec Handéo, l'AFSA et des chercheuses de Grenoble-INP et du CNRS au Gipsa-Lab. Conception et réalisation Blandine Lacour et Maxime Huyghe. Journaliste Autant vous le dire d’entrée de jeu : La Communication Alternative et Améliorée c’est un ensemble de moyens et d’outils qui vont compenser ou remplacer la parole pour permettre à quelqu’un qui en est privé de s’exprimer et d’entrer en relation avec les autres. Épisode 1 : Communiquer, un droit fondamental Journaliste La CAA c’est d’abord et avant tout de la communication. Mais une communication qui a été pensée pour des personnes qui ont des troubles complexes de la communication, souvent accompagnés de déficiences motrices et cognitives. C’est le cas de Géraldine Lachenal par exemple. Elle ne peut pas oraliser, c’est-à-dire communiquer avec la voix. Mais attention, ça ne veut pas dire qu’elle ne peut pas communiquer. Si je n’ai pas eu la chance de croiser Géraldine à Grenoble, j’ai par contre rencontré sa mère, Marielle Lachenal, qui accompagne sa fille sur le chemin de la CAA. Marielle a toujours eu la conviction que sa fille avait des choses à dire, elle est une des voix de ce podcast. Marielle Lachenal « Géraldine elle a un handicap que maintenant ils appellent complexe dans les nouveaux mots ça veut dire qu’elle a plein de misères mais dans ces misères il y a qu’elle n’arrive pas à parler donc elle a une maladie génétique rare et elle n’arrive pas à parler. Quand elle avait quatre ans elle commençait à avoir des troubles du comportement : quand elle n’était pas comprise elle se tapait la tête avec beaucoup de violence elle se fracassait et par chance (parce que c’est quand même il y a 30 ans) on a trouvé des gens qui nous ont parlé du Makaton qui n’existait pas encore en France. L’idée était de lui donner les mains pour qu’elle puisse parler car elle n’arrive pas à parler avec sa bouche. On est allé en Suisse pour rencontrer une orthophoniste suisse et puis on a commencé à signer avec elle et ça a marché de façon étonnante. En fait elle s’est jetée sur les signes et elle s’est mise à parler et elle a arrêté de se fracasser dès qu’elle a pu parler autrement … ça a tellement changé notre vie que je me suis dit « il faut que je le dise pour les autres parents : on peut donner la parole à nos enfants qui n’arrivent pas à parler et qui souffrent » Journaliste Au fil de ses années de pratique de la CAA avec sa fille Géraldine qui a déjà 34 ans, Marielle Lachenal est devenue formatrice de Makaton. Le Makaton c’est un système de communication qui mélange des pictogrammes et des signes qu’on fait avec les mains. C’est un outil très utilisé en CAA et il permet à Géraldine de s’exprimer. Marielle Lachenal Elle pense beaucoup en images je pense que quand on n’a pas de mots pour penser on s’appuie sur des images. En s’appuyant sur des images elle peut nous dire comment elle va. La CAA ça exige quand même qu’on se branche un peu sur l’autre. On n’aurait pas eu les signes et pictos, elle serait devenue folle et moi avec parce que c’est terrifiant d’avoir un enfant, un adulte qui se fracasse qui c’est terrible donc il faut outiller. On dit il faut leur donner des signes, des pictos, des tablettes, parce qu’ils ont des troubles du comportement et c’est vrai après ils s’apaisent, mais même si ils gardent leur trouble du comportement il faut leur donner parce que c’est un droit humain de communiquer. On ne leur donne pas des outils de communication parce qu’ils sont emmerdants, on leur donne des outils de communication parce qu’ils sont humains et que c’est un droit de l’homme de communiquer. Journaliste Je ne sais pas si le terme « pictogramme/picto » est compréhensible pour tout le monde. On va beaucoup l’entendre dans ce podcast alors autant bien définir les choses : Un pictogramme c’est un dessin figuratif. Par exemple, le picto qui représente une personne handicapée en général c’est un bonhomme sur un fauteuil mais très stylisé. Le picto tête de mort ça veut dire danger. Le picto c’est un des outils de la CAA mais on verra les outils plus tard ! En attendant ne vous inquiétez pas si vous ne saisissez pas tous les mots ni tous les concepts, moi aussi au début j’étais un peu perdue, c’est normal il faut du temps pour tout capter à la CAA. Pour l’heure on pose les bases. Et la base déjà c’est de comprendre ce que c’est de communiquer Communiquer c’est un processus par lequel on émet un message pour le transmettre à une ou plusieurs personnes qui le reçoivent et le décodent si le langage est commun, sinon elles ont du mal. Marion Dohen est enseignante-chercheuse en sciences cognitives, elle travaille sur la CAA pour les personnes avec des troubles importants de la communication. Une personne idéale pour approcher un peu mieux la notion de communication. Parce qu’on confond souvent communication et langage… Alors que le langage est juste un des moyens parmi d’autres de communiquer et qu’il ne se limite pas à la parole en plus ! Marion Dohen La parole c'est assez facile c'est ce qu'on est en train de faire là, c'est émettre des sons, des sons qu'on construit avec notre conduit vocal et ces sons là ils sont compréhensibles par la personne qui est en face de nous ou avec qui on parle parce qu'on utilise un code commun. Et ce code commun c'est ce qu'on appelle le langage. Et ce code il peut être réalisé en utilisant la parole. La communication en fait c'est beaucoup plus large que juste la parole puisque quand on discute avec quelqu'un, on s'en rend pas forcément compte, mais on échange des informations beaucoup plus finalement par autre chose que la parole elle-même. Il y a des études qui montrent que la parole ça représenterait dans la communication parlée que 30% à peu près de l'échange d'information et que tout le reste les 70% ça serait des choses qui sont très importantes dans la communication mais qu'on véhicule autrement que par la parole. Alors comment on véhicule ces informations ? on les véhicule grâce à des outils qui peuvent être à la fois des outils sonores comme l'intonation, la mélodie qu'il y a dans notre voix. L'intonation ça fait partie de quelque chose qu'on appelle la prosodie Journaliste Alors là Marion m’a expliqué ce qu’est la prosodie : ça comprend l'intonation qu’on vient de voir, mais aussi le rythme (en simplifiant, disons, la vitesse relative de ce que je dis par rapport au reste de ce que je vais dire) et puis c'est aussi l'intensité (varier la hauteur du son de ma voix) . La prosodie c’est tout plein de variables en rapport avec la voix et ça a un impact majeur sur notre communication. En communication verbale, orale ou écrite, on utilise donc un langage, un code qu’on a définit, et on l’a défini de façon assez arbitraire. Ecoutez ce qu’en dit Marielle Lachenal, la maman de Géraldine, parce que ça aide à bien comprendre la suite. Marielle Lachenal C’est arbitraire les mots : pourquoi on appelle un ballon un ballon ? vous voyez le ballon il se signe rond (le pictogramme ballon) il va être rond mais on aurait pu appeler un ballon une vache pourquoi pas. Le mot est arbitraire alors que le signe ou le picto ne sont pas arbitraire, ils sont en lien avec le réel. Pour des enfants qui ont du mal à accéder justement à ce qu’on appelle la fonction symbolique du langage c’est à dire pouvoir mettre dans ma tête des choses et la façon dont on les nomme c’est plus simple avec les mains ou le picto si j’ai du mal à comprendre le sens des mots… Journaliste C’est dur mais on va y arriver ! Reprenons avec Marion Dohen, la chercheuse en communication qui nous expliquait qu’au-delà du langage oral, beaucoup d’informations essentielles à la communication ne sont pas exprimées de façon sonore ! Marion Dohen Il y a plein d'autres choses qui n'ont pas rapport directement avec la voix et moi je ne me suis plus particulièrement intéressée à mes recherches au geste manuel. On appelle « les gestes manuels communicatifs » tous ces gestes qu'on fait avec nos mains en même temps qu'on parle et qu'on fait de manière spontanée. La plupart du temps on n'est pas conscients qu'on fait ces gestes mais pourtant ils sont importants. Il y a des études scientifiques qui montrent par exemple que à la fois que quand la personne qui parle ne peut pas produire des gestes parce que ses mains sont occupées ou parce qu'on l'empêche d'utiliser ses mains et bien en fait elle va avoir plus de mal à parler. Et puis il y a des études qui montrent aussi qu'il y a certaines informations qui ne sont pas présentes directement dans la parole et qui sont pourtant perçues par l'interlocuteur et que l'interlocuteur est incapable de dire si les informations qu'il a perçues venaient de la parole ou d'autres choses. Journaliste Vous suivez ? La communication c'est un ensemble de modalités, on n’utilise jamais « que » la parole. La communication est naturellement multi-modale et parfois sans parole du tout. Prenez la Langue des signes ! Alors la langue des signes c’est très codifié mais il y a aussi plein d’autres façons de communiquer par les gestes... Marion Dohen Par exemple on est capable de communiquer d'improviser des choses. Par exemple pour communiquer avec quelqu'un quand il y a tellement de bruit qu’on ne peut pas l'entendre et bien on va se mettre spontanément à faire des gestes avec nos mains on va se mettre spontanément à s'adapter. Toutes ces techniques naturelles d'adaptation on peut essayer aussi de les apprivoiser, de les développer, de les amener plus proches d'un code pour qu'elles puissent servir aux personnes qui n'ont pas forcément accès à la parole pour x ou y raison et notamment aux personnes qui ont un handicap. Journaliste Et notamment un handicap de communication ! La communication non-verbale, c’est capter tout ce qui n’est pas exprimé par le langage oral. Et alors, qu’est-ce qui différencie la multi-modalité de la CAA ? Parce qu’on peut avoir l’impression que c’est un peu la même chose ? Et ça c’est une autre grande spécialiste de la communication qui travaille beaucoup sur la CAA, Amélie Rochet-Capellan qui me l’a expliqué. En plus d’être experte en sciences du langage, Amélie est aussi maman (entre autres) d’une petite Jolène qui est née avec le syndrome d’Angelman. Pour faire court, le syndrome d’Angelman c’est un trouble du développement neurologique. Il se caractérise par beaucoup joie mais aussi une absence de langage et des troubles intellectuels et moteurs sévères. Alors Amélie, quand est-ce qu’on est passé de la multi-modalité à la CAA ? Amélie Rochet-Capellan On n’est pas passé de l'un à l'autre en fait le truc c'est que la CAA c'est de la multi-modalité. La CAA c'est de la multi-modalité c'est juste que la CAA c'est un domaine qui vient de la clinique et qui a été un peu formalisé en clinique par les orthophonistes, les ergothérapeutes … Donc à la base c’était pour désigner une prise en charge spécifique des troubles du langage en clinique. En fait le petit être humain quand il naît il n'est pas formaté pour apprendre la parole contrairement à ce que beaucoup de gens pensent en fait on a des fonctions biologiques qui permettent d'apprendre la parole on va utiliser la parole parce que il y a plein d'hypothèses sur les origines de pourquoi on parle et pourquoi on ne gestualise pas donc il y a plein d'hypothèses différentes, une des hypothèses c'est que la parole elle permet de libérer la main et c'est pratique on peut l'utiliser à distance. Mais en fait un bébé si il naît dans un milieu où les gens signent il va apprendre la langue des signes et son langage à lui naturel ça sera la langue des signes. Donc un des gros soucis qu'on a en communication alternative et augmentée c'est souvent qu'en fait on confond communication-langage-parole et ça pose des problèmes parce que on ne peut pas réduire le langage à la parole Journaliste Donc, ce que nous dit Amélie, c’est qu’il n'y a pas la multi-modalité d'un côté et la CAA de l’autre. La CAA pourrait être englobée dans la communication multimodale. Un des enjeux de ce podcast c’est de sensibiliser à cette multi-modalité de la communication parce qu’elle est présente dès le début pour tout être humain. Amélie Rochet-Capellan Le petit bébé quand il nait, il émet des signaux, l'environnement va répondre à ces signaux. Ces signaux c'est souvent des pleurs ça va être des expressions faciales tout à l'heure Marion a parlé déjà des gestes manuels mais il y a énormément de travaux sur les expressions faciales en communication non verbale. Ça va être des postures qu'on a chez le petit bébé il va se contracter et ça c'est des choses auxquelles on va répondre quand on est un parent qui est capable de reconnaître ça et de prendre soin de son bébé et de lui répondre à ces signaux et petit à petit le bébé il va sélectionner les signaux qui lui procurent des sensations agréables et qui lui montrent qu'il peut agir sur l’environnement. Le problème c'est que quand les bébés ils n'émettent pas les bons signaux ou qu'ils en émettent pas beaucoup comme c'était le cas de ma fille et bien l'environnement s'il est pas conscient c'est pas parce que l'enfant il n'émet pas les signaux normaux et qu'il parle pas qu'il envoie pas des signaux il va pas voir ces signaux il va pas les comprendre et du coup soit ça peut arriver qu'il y a des cas de maltraitance (mais qui peut se mettre en place aussi avec des enfants qui envoient les bons signaux) mais du coup que ce soit la maltraitance qui va envoyer des signaux négatifs ou la négligence qui répond pas aux signaux ça fait que le bébé petit à petit va de plus en plus se renfermer sur lui et qui va tendance à avoir des mouvements de balancement, enfin il va chercher des mouvements qui vont lui procurer des sensations à lui en fait il va s'auto stimuler, se toucher le visage, beaucoup mettre ses mains à la bouche, voir se taper des fois qu'on appelle ça maintenant des comportements problèmes ou des comportements défis mais en fait c'est juste parce qu'en fait comme il reçoit pas de renforcement de l'extérieur il va se procurer ses propres sensations à lui. Journaliste C’est super intéressant tout ce que raconte Amélie. Les comportements défis dont parlait Marielle Lachenal tout à l’heure, c’est quand un enfant, avec ou sans handicap, émet des signaux qui ne sont pas pris en compte, et qu’il va exprimer ce qu’il ressent de façon plus perturbante… Amélie Rochet-Capellan Donc la CAA elle est là pour éviter ça en fait, c'est l'idée c'est on va prendre en charge de manière le plus précocement possible les enfants, les bébés qui émettent pas des signaux et en fait n'importe quelle personne qui émet pas des signaux normaux entre guillemets ou qui n'émet pas assez, elle devrait utiliser de la CAA tout de suite en fait et on a encore des gros soucis aujourd'hui parce que souvent les médecins ils pensent encore, pas que les médecins d'ailleurs certains professionnels et puis certains parents aussi mais bon les parents on peut leur en vouloir un peu moins parce qu'ils ne sont pas censés être formés mais pense que ben voilà si le bébé, on va attendre en fait que le bébé il émette le signal pour lui donner un outil et si le signal il vient pas, ben du coup il ne donne pas à donc il va se mettre à développer tout ce que j'ai dit tout à l'heure des comportements, des comportements parasites…. Et on sait que dans 90% des cas les troubles du comportement ils viennent parce que la personne elle n'a pas le bon outil pour communiquer autrement que par ces troubles-là…. On le voit chez les enfants, vous allez voir ma fille tout à l’heure, qui a deux ans quand elle arrive pas à parler dire ce qu'elle veut, elle se roule par terre, elle crise tout de suite parce qu'elle sait qu'on va pas la comprendre. Et si elle arrive à faire un signe ou à montrer ce qu'elle veut autrement, elle ne va pas criser. Et le problème c'est qu'en fait on a tellement de l'impression que la parole c'est naturel que si on ne parle pas c'est qu'on a un problème dans la tête et que de toute façon il n'y a rien à faire qu'on n'a pas l'idée en fait ou on n'accepte pas bien le fait que communiquer par des gestes ou communiquer par des images c'est tout aussi naturel pour l'être humain que de parler. Journaliste Dès la naissance un enfant communique. Il va donc acquérir le langage oral par exemple, parce que des personnes lui parlent et qu’il baigne dans ce langage, ça stimule son cerveau et c’est de faire l’expérience du langage qui va faire qu’il développe sa compétence langagière. A l’inverse, un bébé a qui on ne communique pas, ne va pas développer le langage. Il faut donc communiquer le plus tôt possible et par tous les moyens possibles avec un enfant qui a un handicap de la communication, pour le stimuler et développer avec lui un langage alternatif. Et ce n’est pas Elisabeth Cataix, ergothérapeute et pionnière de la CAA en France qui va me contredire… Enfin j’espère, sinon j’aurai l’air maligne ! Elisabeth Cataix Si nous, nous créons de la communication alternative autour de la personne, si nous, nous parlons la langue de la personne, à priori en France, la langue française, si nous lui parlons français, mais en même temps qu'on lui parle, qu'on signe un signe par phrase, le signe important, on va à la piscine, et je signe le signe piscine. Et je montre éventuellement, aller piscine en pictogramme, si j'arrive à être trilingue. Je ne peux pas toujours être trilingue, mais si j'y arrive, ou en tous les cas que j'arrive à régulièrement, fréquemment, toute la journée, montrer à la personne qu'il y a de la communication alternative et améliorée dans son environnement, que les mots existent, que les mots existent autrement que par l'oral. Si j'arrive à lui montrer ça, c'est-à-dire lui ouvrir le monde sur le langage, mais qui ne sera pas le langage, qui ne passera pas par la langue orale, je différencie bien le langage de langue. Si on arrive à créer un bain de langage alternatif, il y a plein de personnes dont on n'aurait pas dit qu'elles étaient capables, qui vont s'en saisir, qui vont montrer qu'elles comprennent quand on leur montre des images, et qui vont montrer qu'elles comprennent les mots quand on leur fait des signes. Journaliste C’est très important ce que dit Elisabeth Cataix, si on ne donne pas accès à la communication, on ne peut pas savoir de quoi une personne est capable. Pendant longtemps on a d’ailleurs mis sur le compte de la déficience intellectuelle, ce qui relevait du handicap de communication. Ecoutez ce que me racontait Elisabeth sur ses débuts en tant qu’ergothérapeute Elisabeth Cataix De la part d’un grand ponte, j’ai entendu « il ne parle pas, il ne pense pas ». Et alors là, avec l'équipe qui m’encadrait, l’ergothérapeute qui m’encadrait, on était déjà persuadés que justement derrière cette impossibilité de parler, il y avait une intelligence, il y avait des capacités, il y avait des possibilités de partager quelque chose avec ces gens en gros, de communiquer, mais de manière alternative, parce qu'effectivement ces adolescents de 14, 15, 18 ans, ils ne parlaient pas, ils ne parlaient pas la langue française, ils ne parlaient pas avec leur bouche, leur fonction orale. Journaliste Accéder à la communication c’est un droit fondamental... Ça devrait l’être en tout cas. Les incapacités temporaires ou permanentes de communication, devraient être compensées pour impacter le moins possible les relations humaines. C’est pour ça que la CAA est une des mesures phare de la Conférence Nationale du Handicap, qui en parle comme de la « première brique de l’autodétermination », parce que la CAA va permettre de donner de la voix à celles et ceux qui n’en avaient pas, pour qu’ils puissent exister socialement. Et pour exister socialement, il faut pouvoir communiquer. Écoutons Stéphane Jullien, il est orthophoniste, basé en Suisse et c’est un spécialiste des questions d’accessibilité à la communication notamment pour les personnes polyhandicapées ou avec des déficiences intellectuelles. Stéphane Jullien La France, la Suisse, la Belgique, en fait beaucoup de pays francophones ont signé la Convention relative aux droits des personnes en situation de handicap. Dans cette convention qui engage donc nos différents pays, la question de la participation est systématiquement citée et évidemment la France et les différents pays francophones sont engagés légalement dans le fait de garantir la participation des personnes avec handicap et donc handicap de communication pour ce qui nous concerne aujourd’hui. La question de la protection des personnes de la maltraitance il faut savoir qu'il y a aussi dans la littérature une quantification du fait que quand on est une personne avec handicap déjà mais en fait avec handicap de communication on est susceptible de subir des violences, des abus que évidemment avec le H de communication le fait de pas pouvoir dénoncer ces abus le fait de pas pouvoir dénoncer les personnes qui nous ont fait subir multiplie le fait de subir ces maltraitances, ces abus sexuels donc ça engage les proches, l’Etat, les institutions à protéger ces personnes avec handicap de communication donc c'est essentiel la sensibilisation de la société civile. Journaliste La société civile c’est vous, c’est moi. Il faut que tout le monde s’empare du sujet parce qu’il faut être plusieurs pour communiquer, on ne communique pas tout seul. Et le handicap de communication, il a cette petite subtilité d’être un handicap partagé. Stéphane Jullien Le handicap de communication, c'est un handicap invisible. On ne l’observe pas. On peut l'expérimenter, mais on peut très bien passer à côté de certaines personnes qui ne pourraient pas participer à certaines interactions, parce qu'elles seraient tout simplement laissées de côté. C'est un handicap invisible. La notion de handicap de communication, c'est un handicap partagé. C'est-à-dire que si vous avez un handicap de communication et que je cherche à communiquer avec vous, si vous ne comprenez pas mes mots, si vous avez du mal, vous, à vous exprimer, ça va être plus compliqué pour moi de savoir comment m'ajuster. Journaliste S’ajuster à la situation c’est essentiel. L’environnement joue un rôle clé non seulement dans le développement du langage mais aussi dans la communication tout au long de la vie. Ce que m’a très bien expliqué Stéphane Jullien c’est que le handicap de communication engage tous les partenaires potentiels de communication dans l’environnement social de la personne, donc tout le monde en fait ! Parce que notre environnement social c’est les proches mais c’est aussi l’état, les professionnels, les institutions, etc. Ce n’est pas un hasard si on parle de situations de communication. Parce que la communication existe dans un contexte interactionnel, et dépend fortement de celui-ci. C’est pour ça que Stéphane pose la question de savoir « comment on s’ajuste ? » mais aussi comment on ajuste l’environnement Stéphane Jullien La communication alternative et améliorée, c'est en fait surtout l'ajustement de l'humain. Donc, ça veut dire que si une personne a un handicap de communication, moi, il va falloir que je m'ajuste naturellement. Il va falloir que j'essaye de faire que la personne puisse maximalement me comprendre. Alors, pour ça, je vais utiliser peut-être des outils et des moyens, mais c'est surtout que je vais essayer d'ajuster la complexité des énoncés que je vais produire. Je vais jouer sur mon débit. Je vais peut-être insister sur certains mots. Donc, avant les outils, il y a évidemment l'ajustement de l'humain. Et puis, il y a aussi l'aménagement du contexte. Si j'ai une personne qui a des grosses difficultés, ne serait-ce qu'à comprendre son environnement, il y a plein de choses qu'il va falloir que je limite en termes de bruit, en termes de stimulation, ne serait-ce que des stimulations visuelles. Peut-être qu'il va falloir qu'elle comprenne que je suis en train de rentrer en contact avec elle. Journaliste Une autre des voix de ce podcast que j’ai envie de vous faire écouter, c’est Marie-Christine Rousseau, interniste infectiologue de formation, praticienne hospitalière, elle est Responsable de la recherche pour la Fédération du polyhandicap de l’APHP. Lors de notre entretien, elle m’a dit qu’elle était un « Mr Jourdain de la CAA » et qu’elle en faisait sans le savoir. C’est très vrai je pense. Dans son travail auprès de personnes polyhandicapées, y’a une situation dont elle parle très bien c’est l’entrée en communication. Comment les préalables à la communication sont en fait déjà de la communication. Marie-Christine Rousseau Quand on communique c'est moins le contenu que la façon dont on va le faire qui va compter, c’est à dire votre prosodie, votre ton apaisant, votre geste qui doit être apaisant et qui doit communiquer le contenu de ce que vous voulez émettre.... Il faut aussi veiller à se mettre dans l'axe du regard qui parfois se détourne … on voit la personne et faut veiller à en être vu. Qu’il y ait une accroche de nos regards quand c’est possible. De toute façon une personne on honore son humanité en communiquant avec … donc même quelqu'un plongé dans un coma, qu'on peut imaginer assez profond, il se passe forcément des choses et ce qu'il se passe ou pas on ne l’atteint pas. En accueillant les personnes en EVC dans le service face au désarroi des soignants on avait fait cette petite tentative, qui consistait à enregistrer la fréquence cardiaque de la personne et ensuite je m'approchais, je parlais et touchais la personne doucement et on observait que la fréquence cardiaque diminuait progressivement. C’est à dire que même pour ces personnes dans un coma jugé très profond et un peu sans appel il y avait un ressenti de la personne en face à la tentative de communication. Donc toute personne humaine on respecte son humanité en rentrant en communication. On est l'émetteur, on ne sait pas ce qui va être reçu. Mais Il est forcément reçu quelque chose qui est dans l'infra verbal, quelque chose qui est dans l'émotion qu'on transmet plus que dans contenu verbal. Je crois qu'un être vivant ça se respecte par une tentative de communication. Emettre un message et être prêt à en recevoir selon des modalités qui ne sont pas les nôtres. Journaliste Marie-Christine Rousseau nous invite à être attentif à l'autre. Pour entrer en contact, il faut aussi savoir capter les réactions d'une personne, même infimes. Et la qualité de notre réception fait souvent défaut. On va s’arrêter là pour aujourd’hui. Retenez que la CAA c’est une invitation à communiquer autrement parce qu’il y a 1001 façons de communiquer. Merci à Marielle Lachenal, Marion Dohen, Amélie Rochet-Capellan, Elisabeth Cataix, Stéphane Jullien et Marie-Christine Rousseau pour leurs témoignages si précieux. Et à Géraldine et Jolène qu'on n'entendra pas mais qui sont-elles-aussi très présentes dans ce podcast.

  • Speaker #0

    l'AFSA et deux chercheuses de Grenoble INP et du CNRS au GYPSALAB. Conception et réalisation, Blandine Lacour et Maxime Huige. Autant vous le dire d'entrée de jeu, la communication alternative et améliorée, c'est un ensemble de moyens et d'outils qui vont compenser ou remplacer la parole pour permettre à quelqu'un qui en est privé de s'exprimer et d'entrer en relation avec les autres. Épisode 1. Communiquer, un droit fondamental. La CA, c'est d'abord et avant tout de la communication. Mais une communication qui a été pensée pour des personnes qui ont des troubles complexes de la communication, souvent accompagnées de déficiences motrices et cognitives. C'est le cas. de Géraldine Lachenal, par exemple. Elle ne peut pas oraliser, c'est-à-dire communiquer avec la voix. Mais attention, ça ne veut pas dire qu'elle ne peut pas communiquer. Si je n'ai pas eu la chance de croiser Géraldine à Grenoble, j'ai par contre rencontré sa mère, Marielle Lachenal, qui accompagne sa fille sur le chemin de la CA. Marielle a toujours eu la conviction que sa fille avait des choses à dire. Elle est une des voix de ce podcast.

  • Speaker #2

    Donc Géraldine, elle a un handicap que maintenant ils appellent complexe dans les nouveaux mots. Ça veut dire qu'elle a plein de misères, mais dans ces misères, il y a qu'elle n'arrive pas à parler. Donc elle a une maladie génétique rare, elle n'arrive pas à parler. Et quand elle avait 4 ans, elle commençait à avoir des troubles du comportement. Quand elle n'était pas comprise, elle se tapait la tête avec beaucoup de violence, elle se fracassait et c'est vrai que par chance... parce que c'est quand même il y a 30 ans, on a trouvé des gens qui nous ont parlé du Macathon, qui n'existait pas encore en France, qui était de dire qu'il faut lui donner les mains pour qu'elle puisse parler, elle n'arrive pas à parler avec sa bouche. Donc on est allé en Suisse d'abord pour rencontrer une orthophoniste suisse et puis on a commencé à signer avec elle. Et ça a marché de façon étonnante. En fait, elle s'est jetée sur les signes et elle s'est mise à parler et elle a arrêté de se fracasser dès qu'elle a pu parler autrement. Ça a tellement changé notre vie que je me suis dit, il faut que je le dise. Il faut que je le dise pour les autres parents. On peut donner la parole un peu à nos enfants qui n'arrivent pas à parler et qui souffrent.

  • Speaker #0

    Au fil de ces années de pratique de la CAA, avec sa fille Géraldine qui a déjà 34 ans, Marielle Lachenal est devenue formatrice de Macathon. Le Macathon, c'est un système de communication qui mélange des pictogrammes et des signes qu'on fait avec les mains. C'est un outil très utilisé en CAA et il permet à Géraldine de s'exprimer.

  • Speaker #2

    Elle pense beaucoup en images. Je pense que quand on n'a pas de mots pour penser, on s'appuie sur des images. En s'appuyant sur des images, elle peut nous dire comment elle va. Ce ne sont pas des signes. Quand c'est tellement profond, elle va aller chercher des images pour nous dire. La CA, ça exige quand même qu'on se branche un peu sur l'autre. C'est-à-dire qu'on n'aurait pas eu les signes, les pictos, les images, elle serait devenue folle, mais je me dis moi aussi avec. Parce que c'est terrifiant d'avoir un enfant, un adulte qui se fracasse. C'est terrible. Donc, il faut y aller. Alors, dans la CA, la démarche CA, il y a aussi l'idée, on dit qu'il faut leur donner des signes, des pictos, des tablettes, parce qu'ils ont des troubles du comportement. Et c'est vrai, après, ça pèse. Mais même s'ils gardent leur trouble du comportement, il faut leur donner des signes des pictos parce que c'est un droit humain de communiquer. On ne leur donne pas des outils de communication parce qu'ils sont emmerdants et tout ça. On leur donne des outils de communication parce qu'ils sont humains et que c'est un droit de l'homme de communiquer. Même si les problèmes y restent, ils ont le droit de communiquer.

  • Speaker #0

    Je ne sais pas si le terme pictogramme, picto, est compréhensible pour tout le monde. On va beaucoup l'entendre dans ce podcast, alors autant bien définir les choses. Un pictogramme, c'est un dessin figuratif. Par exemple, le picto qui représente une personne handicapée, en général, c'est un bonhomme sur un fauteuil, mais très stylisé. Le picto tête de mort, ça veut dire danger. Le picto, c'est un des outils de la CA, mais on verra plus tard les outils. En attendant, ne vous inquiétez pas si vous ne saisissez pas tous les mots ni tous les concepts. Moi aussi, au début, j'étais un peu perdue. C'est normal, il faut du temps pour tout capter à la CA. Pour l'heure, on pose les bases. Et la base, déjà, c'est de comprendre ce que c'est de communiquer. Communiquer, c'est un processus par lequel on émet un message pour le transmettre à une ou plusieurs personnes qui le reçoivent et le décode si le langage est commun. Sinon, elles ont du mal. Marion Dohen est enseignante chercheuse en sciences cognitives. Elle travaille sur la CAA pour les personnes avec des troubles importants de la communication. Une personne idéale pour approcher un peu mieux la notion de communication. Parce qu'on confond souvent communication et langage, alors que le langage est juste un des moyens, parmi d'autres, de communiquer, et qu'il ne se limite pas à la parole en plus.

  • Speaker #3

    La parole, c'est assez facile, c'est ce qu'on est en train de faire là, c'est émettre des sons qu'on construit avec notre conduit vocal et ces sons-là... ils sont compréhensibles par la personne qui est en face de nous ou avec qui on parle, parce qu'on utilise un code commun que les deux personnes ou les X personnes connaissent. Et ce code commun, c'est ce qu'on appelle le langage. Et ce code, il peut être réalisé en utilisant la parole. La communication, en fait, c'est beaucoup plus large que juste la parole, puisque quand on... discute avec quelqu'un, on ne s'en rend pas forcément compte, mais on échange des informations beaucoup plus finalement par autre chose que la parole que par la parole elle-même. Il y a des études qui montrent que la parole, ça représenterait dans la communication parlée, donc ce qu'on est en train de faire là, ça ne représenterait que 30% à peu près de l'origine de l'échange d'informations. Et que tout le reste, les 70%, ça serait des choses qui sont très importantes dans la communication, mais qu'on véhicule. autrement que par la parole. Alors comment on véhicule ces informations ? On les véhicule grâce à des outils qui peuvent être à la fois des outils sonores, l'intonation, donc l'intonation c'est un petit peu la mélodie qu'il y a dans notre voix quand on parle, et en fait ça véhicule ça de beaucoup d'informations. Donc ça, l'intonation, ça fait partie de quelque chose qu'on appelle la prosodie.

  • Speaker #0

    Alors là, Marion m'a expliqué ce qu'est la prosodie. Ça comprend l'intonation qu'on vient de voir, mais aussi le rythme, en simplifiant, disons, la vitesse relative de ce que je dis, par rapport au reste de ce que je vais dire. Et puis c'est aussi l'intensité, la hauteur du son de ma voix. La prosodie, c'est tout plein de variables en rapport avec la voix, et ça a un impact majeur sur notre communication. En communication verbale, orale ou écrite, on utilise donc un langage. Un code qu'on a défini. Et on l'a défini de façon assez arbitraire. Écoutez ce qu'en dit Marielle Lachenal, la maman de Géraldine. Parce que ça aide bien à comprendre la suite.

  • Speaker #2

    C'est arbitraire un mot ça. Pourquoi on appelle un ballon un ballon ? Donc l'exemple, vous voyez, le ballon il se signe rond. Le pictogramme ballon il va être rond. Mais on aurait pu appeler un ballon une vache, pourquoi pas ? Et on aurait joué à la vache prisonnière. Et puis je vous aurais lancé la vache à crâne. Mais on n'aurait jamais signé ce jeu avec les cornes d'une vache. Donc le mot est arbitraire, le signe ou le picto ne sont pas arbitraires. Ils sont en lien avec le réel. Et du coup, pour des enfants qui ont du mal à accéder justement à ce qu'on appelle la fonction symbolique du langage, c'est-à-dire pouvoir mettre dans ma tête des choses et la façon dont on les nomme, c'est plus simple avec les mains ou le picto si j'ai du mal à comprendre le sens des mots. de dire que le mot est arbitraire, on peut aider les enfants ou les adultes à comprendre le sens des mots avec nos mains ou avec du visuel. Parce que c'est dur de se comprendre.

  • Speaker #0

    C'est dur, mais on va y arriver. Reprenons avec Marion Dohen, la chercheuse en communication, qui nous expliquait qu'au-delà du langage oral, beaucoup d'informations essentielles à la communication ne sont pas exprimées de façon sonore.

  • Speaker #3

    Il y a plein d'autres choses qui n'ont pas un rapport directement avec la voix. Et moi, je ne me suis plus particulièrement intéressée à mes recherches. aux gestes manuels, on appelle ça les gestes manuels communicatifs, tous ces gestes qu'on fait avec nos mains en même temps qu'on parle et qu'on fait de manière spontanée, c'est-à-dire que la plupart du temps, on n'est pas conscient qu'on fait ces gestes, mais pourtant, ils sont importants. Il y a des études scientifiques qui montrent, par exemple, qu'à la fois que quand la personne qui parle ne peut pas produire des gestes, par exemple parce que ses mains sont occupées ou parce qu'on l'empêche d'utiliser ses mains, en fait, elle va avoir plus de mal à parler. Et puis, il y a des études qui montrent aussi qu'il y a certaines informations qui ne sont pas présentes directement dans la parole et qui sont pourtant perçues par l'interlocuteur et que l'interlocuteur est incapable de dire si les informations qu'il a perçues venaient de la parole ou d'autres choses.

  • Speaker #0

    Vous suivez ? La communication, c'est un ensemble de modalités. On n'utilise jamais que la parole. La communication est naturellement multimodale, et parfois sans parole du tout. Prenez la langue des signes. Alors la langue des signes, c'est très codifié, mais il y a aussi plein d'autres façons de communiquer par les gestes.

  • Speaker #3

    Par exemple, on est capable de communiquer, d'improviser des choses pour communiquer avec quelqu'un s'il y a tellement de bruit qu'on ne peut pas l'entendre. On va se mettre spontanément à faire des gestes avec nos mains, on va se mettre... spontanément à s'adapter. Et puis, toutes ces techniques naturelles d'adaptation, on peut essayer aussi de les apprivoiser, de les développer, de les amener plus proche d'un code, pour qu'elles puissent servir aux personnes qui n'ont pas forcément accès à la parole pour X ou Y raisons, et notamment aux personnes qui ont un handicap.

  • Speaker #0

    Et notamment, un handicap de communication. La communication non-verbale, c'est capter tout ce qui n'est pas exprimé par le langage oral. Et alors, qu'est-ce qui différencie la multimodalité de la CA ? Parce qu'on peut avoir l'impression que c'est un peu la même chose. Et ça, c'est une autre grande spécialiste de la communication qui travaille beaucoup sur la CA, Amélie Rocher-Capelan, qui me l'a expliqué. En plus d'être experte en sciences du langage, Amélie est aussi maman. Entre autres, d'une petite Jolène qui est née avec le syndrome d'Angelman. Pour faire court, le syndrome d'Angelman, c'est un trouble du développement neurologique. Il se caractérise par beaucoup de joie, mais aussi une absence de langage et des troubles intellectuels et moteurs sévères. Alors Amélie, quand est-ce qu'on est passé de la multimodalité à la CA ?

  • Speaker #4

    On n'est pas passé de l'un à l'autre en fait. Le truc, c'est que la CA, c'est de la multimodalité. C'est... La CA, c'est de la multimodalité. C'est juste que la CA, c'est un domaine qui vient de la clinique et qui a été un peu formalisé en clinique par les orthophonistes, les ergothérapeutes. Donc, à la base, c'était pour désigner une prise en charge spécifique des troubles du langage en clinique. Et d'ailleurs, la CA, c'est de la multimodalité. En fait, le petit être humain, quand il naît, il n'est pas formaté pour apprendre la parole, contrairement à ce que beaucoup de gens... pensent. En fait, on a des fonctions biologiques qui permettent d'apprendre la parole. On va utiliser la parole parce que il y a plein d'hypothèses sur les origines de pourquoi on parle et pourquoi on gestualise pas. Donc, il y a plein d'hypothèses différentes. Une des hypothèses, c'est que la parole, elle a libéré la main. Du coup, on peut parler sans utiliser nos mains. Donc, c'est pratique. On peut l'utiliser à distance, etc. Mais en fait, un bébé, s'il naît dans un milieu où les gens signent, il va apprendre la langue des signes. et son langage à lui naturel, ça sera la langue des signes. Donc un des gros soucis qu'on a en communication alternative et augmentée, c'est souvent qu'en fait on confond communication, langage, parole. Et ça pose des problèmes parce qu'on ne peut pas réduire le langage à la parole.

  • Speaker #0

    Donc, ce que nous dit Amélie, c'est qu'il n'y a pas la multimodalité d'un côté et la CAA de l'autre. La CAA pourrait être englobée dans la communication multimodale. Un des enjeux de ce podcast, c'est de sensibiliser à cette multimodalité de la communication, parce qu'elle est présente dès le début pour tout être humain.

  • Speaker #4

    Le petit bébé, quand il naît, il émet des signaux, l'environnement va répondre à ces signaux. Ces signaux, c'est souvent des pleurs, ça va être des expressions faciales. Tout à l'heure, Marie-Anne a parlé des gestes manuels, mais il y a énormément de travaux sur les expressions faciales en communication non-verbale. Ça va être des postures qu'on a chez le petit bébé, il va se contracter. Et ça, c'est des choses auxquelles on va répondre quand on a un parent qui est capable de reconnaître ça et de prendre soin de son bébé et de lui répondre à ses signaux. Et petit à petit, le bébé va sélectionner les signaux qui lui procurent des sensations agréables et qui lui montrent qu'il peut agir sur l'environnement. Le problème, c'est que quand les bébés n'émettent pas les bons signaux ou qu'ils n'en émettent pas beaucoup, comme c'était le cas de ma fille, l'environnement, s'il n'est pas conscient que... Ce n'est pas parce que l'enfant n'émet pas les signaux normaux et qu'il ne parle pas qu'il n'envoie pas des signaux. Il ne va pas voir ces signaux, il ne va pas les comprendre. Et du coup, soit ça peut arriver qu'il y ait des cas de maltraitance, mais bon, en tout cas, ce n'est pas les parents que je connais, moi. Il ne faut pas dire... Il y a de la maltraitance qui se met en place aussi avec des enfants qui envoient les bons signaux. Mais du coup, que ce soit la maltraitance qui va envoyer des signaux négatifs ou la négligence qui ne répond pas aux signaux, ça fait que le bébé, petit à petit, va de plus en plus se renfermer sur lui et qu'il va avoir tendance à avoir des mouvements de balancement, comme je suis en train de faire là. Enfin, il va chercher des mouvements qui vont lui procurer des sensations à lui. En fait, il va s'auto-stimuler, se toucher le visage, beaucoup mettre ses mains à la bouche, voire se taper des fois. On appelle ça maintenant des comportements problèmes ou des comportements défis. Mais en fait, c'est juste parce que, en fait, comme il ne reçoit pas... de renforcement de l'extérieur, il va se procurer ses propres sensations à lui.

  • Speaker #0

    C'est super intéressant tout ce que raconte Amélie. Les comportements défis, dont parlait Marielle Lachenal tout à l'heure, c'est quand un enfant, avec ou sans handicap, émet des signaux qui ne sont pas pris en compte et qu'il va exprimer ce qu'il ressent de façon plus perturbante, disons.

  • Speaker #4

    La CA, elle est là pour éviter ça en fait. L'idée c'est qu'on va prendre en charge de manière le plus précocement possible les enfants. Les bébés qui n'émettent pas des signaux. Et en fait, n'importe quelle personne qui n'émet pas des signaux normaux ou qui n'en émet pas assez, elle devrait utiliser de la CA tout de suite. Et on a encore des gros soucis aujourd'hui parce que souvent, les médecins pensent encore, pas que les médecins d'ailleurs, certains professionnels et certains parents aussi, mais les parents, on peut leur en vouloir un peu moins parce qu'ils ne sont pas censés être formés. Mais on va attendre que le bébé émette le signal pour lui donner un outil. et s'il signale il ne vient pas, du coup il ne donne pas, donc il va se mettre à développer tout ce que j'ai dit tout à l'heure, des comportements parasites, et on sait que dans 90% des cas, les troubles du comportement, ils viennent parce que la personne n'a pas le bon outil pour communiquer autrement que par ces troubles-là. On le voit chez les enfants, vous allez voir ma fille tout à l'heure, il y a deux ans, quand elle n'arrive pas à parler ou dire ce qu'elle veut, elle se roule par terre, elle crisse tout de suite, parce qu'elle sait qu'on ne va pas la comprendre. Et si elle arrive à faire un signe ou à montrer ce qu'elle veut autrement, elle ne va pas criser. Et le problème, c'est qu'en fait, on a tellement de l'impression que la parole, c'est naturel, que si on ne parle pas, c'est qu'on a un problème dans la tête et que de toute façon, il n'y a rien à faire. On n'a pas l'idée, en fait, ou on n'accepte pas bien le fait que communiquer par des gestes ou communiquer par des images, c'est tout aussi naturel pour l'être humain que de parler.

  • Speaker #0

    Dès la naissance, un enfant communique. Il va donc acquérir le langage oral, par exemple, parce que des personnes lui parlent et qu'il baigne dans ce langage. Ça stimule son cerveau et c'est de faire l'expérience du langage qui va faire qu'il développe sa compétence langagière. À l'inverse, un bébé à qui on ne communique pas ne va pas développer le langage. Il faut donc communiquer le plus tôt possible et par tous les moyens possibles avec un enfant qui a un handicap de communication, pour le stimuler. et développer avec lui un langage alternatif. Et ce n'est pas Elisabeth Katex, ergothérapeute et pionnière de la CA en France, qui va me contredire. Enfin, j'espère, sinon j'aurais l'air maligne.

  • Speaker #5

    Si nous, nous créons de la communication alternative autour de la personne, si nous, nous parlons la langue de la personne, a priori en France, la langue française, si nous lui parlons français, mais en même temps qu'on lui parle, qu'on signe... Un signe par phrase. Le signe important, on va à la piscine. Et je signe le signe piscine. Et je montre éventuellement aller piscine en pictogramme, si j'arrive à être trilingue. Je ne peux pas toujours être trilingue, mais si j'y arrive, ou en tous les cas que j'arrive à régulièrement, fréquemment, toute la journée, montrer à la personne qu'il y a de la communication alternative et améliorée dans son environnement, que les mots existent. que les mots existent autrement que par l'oral. Si j'arrive à lui montrer ça, c'est-à-dire lui ouvrir le monde sur le langage, mais qui ne sera pas le langage, qui ne passera pas par la langue orale, je différencie bien langage de langue, si on arrive à créer un bain de langage alternatif, il y a plein de personnes dont on n'aurait pas dit qu'elles étaient capables qui vont s'en saisir. qui vont montrer qu'elles comprennent quand on leur montre des images et qui vont montrer qu'elles comprennent les mots quand on leur fait des signes.

  • Speaker #0

    C'est très important ce que dit Elisabeth Katex. Si on ne donne pas accès à la communication, on ne peut pas savoir de quoi une personne est capable. Pendant longtemps, on a d'ailleurs mis sur le compte de la déficience intellectuelle, ce qui relevait du handicap de communication. Écoutez ce que me racontait Elisabeth sur ses débuts en tant qu'ergothérapeute.

  • Speaker #5

    De la part d'un grand ponte, j'ai entendu il parle pas, il pense pas Et alors là, avec... L'équipe qui m'encadrait, l'ergotérapeute qui m'encadrait, on était déjà persuadés que, justement, derrière cette impossibilité de parler, il y avait une intelligence, il y avait des capacités, il y avait des possibilités de partager quelque chose avec ces gens, en gros, de communiquer, mais de manière alternative, parce qu'effectivement, ces adolescents de 14, 15, 18 ans, ils ne parlaient pas, ils ne parlaient pas la langue française et ils ne parlaient pas avec leur bouche, leur... leur fonction orale.

  • Speaker #0

    Accéder à la communication c'est un droit fondamental, ça devrait l'être en tout cas. Les incapacités temporaires ou permanentes de communication devraient être compensées pour impacter le moins possible les relations humaines. C'est pour ça que la CA est une des mesures phares de la conférence nationale du handicap qui en parle comme de la première brique de l'autodétermination. Parce que la CA va permettre de donner de la voix à celles et ceux qui n'en avaient pas pour qu'ils puissent exister socialement. Et pour exister socialement, il faut pouvoir communiquer. Écoutons Stéphane Julien. Il est orthophoniste, basé en Suisse, et c'est un spécialiste des questions d'accessibilité à la communication, notamment pour les personnes polyhandicapées ou avec des déficiences intellectuelles.

  • Speaker #1

    La France, la Suisse, la Belgique, en fait beaucoup de pays francophones. ont signé la Convention relative aux droits des personnes en situation de handicap. Dans cette convention, qui engage nos différents pays, la question de la participation est systématiquement citée. Et évidemment, la France et les différents pays francophones sont engagés légalement dans le fait de garantir la participation des personnes avec handicap et donc handicap de communication pour ce qui nous concerne aujourd'hui. La question de la protection aussi des personnes, de la maltraitance. Il faut savoir qu'il y a aussi dans la littérature une quantification du fait que quand on est une personne avec handicap, déjà, mais en fait avec handicap de communication, on est susceptible de subir des violences, des abus, qu'évidemment avec le handicap de communication, le fait de ne pas pouvoir dénoncer ces abus, le fait de ne pas pouvoir dénoncer les personnes qui nous ont fait subir, multiplie le fait de subir ces maltraitances, ces abus sexuels. Donc ça engage les proches. L'État, les institutions, a protégé ces personnes avec handicap de communication. Donc c'est essentiel, la sensibilisation de la société civile.

  • Speaker #0

    La société civile, c'est vous, c'est moi. Il faut que tout le monde s'empare du sujet, parce qu'il faut être plusieurs pour communiquer. On ne communique pas tout seul. Et le handicap de communication, il a cette petite subtilité d'être un handicap partagé.

  • Speaker #1

    Le handicap de communication, c'est invisible, on ne l'observe pas. On peut l'expérimenter, mais on peut très bien passer à côté de certaines personnes qui ne pourraient pas participer à certaines interactions parce qu'elles seraient tout simplement laissées de côté. C'est un handicap invisible. La notion de handicap de communication, c'est un handicap partagé. C'est-à-dire que si vous avez un handicap de communication et que je cherche à communiquer avec vous, si vous ne comprenez pas mes mots, Si vous avez du mal, vous, à vous exprimer, ça va être plus compliqué pour moi de savoir comment je m'ajuste.

  • Speaker #0

    S'ajuster à la situation, c'est essentiel. L'environnement joue un rôle clé non seulement dans le développement du langage, mais aussi dans la communication tout au long de la vie. Ce que m'a très bien expliqué Stéphane Julien, c'est que le handicap de communication engage tous les partenaires potentiels de communication dans l'environnement social de la personne. Tout le monde, en fait. Parce que notre environnement social, c'est les proches, mais c'est aussi l'État, les professionnels, les institutions, etc. Ce n'est pas un hasard si on parle de situation de communication, parce que la communication existe dans un contexte interactionnel et dépend fortement de celui-ci. C'est pour ça que Stéphane pose la question de savoir comment on s'ajuste, mais aussi comment on ajuste l'environnement.

  • Speaker #1

    La communication alternative et améliorée, c'est en fait surtout l'ajustement de l'humain. Donc, ça veut dire que si une personne a un handicap de communication, moi, il va falloir que je m'ajuste naturellement. Il va falloir que j'essaye de faire que la personne puisse maximalement me comprendre. Alors, pour ça, je vais utiliser peut-être des outils et des moyens, mais c'est surtout que je vais essayer d'ajuster la complexité des énoncés que je vais produire. Je vais jouer sur mon débit. Je vais peut-être insister sur certains mots. Donc, avant les outils, il y a évidemment l'ajustement de l'humain. Et puis... il y a aussi l'aménagement du contexte. Si j'ai une personne qui a des grosses difficultés, ne serait-ce qu'à comprendre son environnement, il y a plein de choses qu'il va falloir que je limite en termes de bruit, en termes de stimulation, ne serait-ce que des stimulations visuelles. Peut-être qu'il va falloir qu'elle comprenne que je suis en train de rentrer en contact avec elle.

  • Speaker #0

    Une autre des voix de ce podcast que j'ai envie de vous faire écouter, c'est Marie-Christine Rousseau, interniste infectiologue de formation, praticienne hospitalière, Elle est responsable de la recherche pour la Fédération du polyhandicap de la PHP. Lors de notre entretien, elle m'a dit qu'elle était un monsieur Jourdain de la CA et qu'elle en faisait sans le savoir. C'est très vrai, je pense. Dans son travail auprès des personnes polyhandicapées, il y a une situation dont elle parle très bien, c'est l'entrée en communication. Comment les préalables à la communication sont en fait déjà de la communication ?

  • Speaker #6

    Je vais donc en communiquer. C'est moins le contenu que la façon dont on va le faire qui va compter, c'est-à-dire votre prosodie, votre ton apaisant, votre geste qui doit être aussi apaisant et qui doit vraiment communiquer le contenu de ce que vous voulez émettre. Il faut aussi veiller, bien sûr, à se mettre dans l'axe du regard, du regard qui parfois se détourne. Donc là aussi, on voit la personne, mais il faut veiller à en être vu. Il y a une approche de nos regards pensée possible. De toute façon, une personne, on honore son humanité en communiquant avec. Donc même quelqu'un qui est plongé dans un coma que l'on peut imaginer assez profond, il peut se passer des choses, il se passe forcément des choses. De toute façon, ce qui se passe ou ce qui ne se passe pas, on ne l'atteint pas. En accueillant les personnes en état végétatif chronique dans le service, face aux arrois des soignants, on avait fait une petite tentative qui consistait à enregistrer la fréquence cardiaque de la personne et ensuite je m'approchais, je parlais et touchais la personne doucement et on observait que la fréquence cardiaque diminuait progressivement. C'est-à-dire que même pour ces personnes dans des comas jugés très profonds et un peu sans appel, il y avait un ressenti de la personne en face face à la tentative de communication. Donc toute personne humaine, on respecte son humanité en rentrant en communication. On est l'émetteur, on ne sait pas ce qui va être reçu, mais il est forcément reçu quelque chose, quelque chose qui est dans l'infra-verbal, quelque chose qui est dans l'émotion que l'on transmet, plus que dans un contenu verbal. Je crois qu'un être vivant, ça… Ça se respecte, ça se respecte par une tentative de communication et par aussi, la communication c'est dans les deux sens, c'est émettre un message mais aussi être prêt à en recevoir. Et en recevoir selon des modalités qui ne sont pas forcément les nôtres propres.

  • Speaker #0

    Marie-Christine Rousseau nous invite à être attentif à l'autre. Pour entrer en contact, il faut aussi savoir capter les réactions d'une personne, même infimes. Et la qualité de notre réception fait souvent défaut. On va s'arrêter là pour aujourd'hui. Retenez que la CAA, c'est une invitation à communiquer autrement, parce qu'il y a mille et une façons de communiquer. Merci à Marielle Lachenal, Marion Dohen, Amélie Rocher-Capelan, Elisabeth Katex, Stéphane Julien et Marie-Christine Rousseau pour leurs témoignages si précieux. Et à Géraldine et Jolène, qu'on n'entendra pas, mais qui sont elles aussi très présentes dans ce podcast. Retrouvez les épisodes des voix de la CAA sur toutes les plateformes d'écoute.

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Description

Qu’est-ce que communiquer ? Qu’est-ce que le langage ? Communique-t-on uniquement par la parole ? Quelles sont les différentes modalités de la communication ? Qu’est-ce que la CAA ? Pourquoi nous devrions tous être concernés par la CAA ?


Dans ce premier épisode, professionnels et parents vont vous montrer qu’il y a 1001 façons de communiquer et que chacun devrait avoir ce droit fondamental pour interagir avec le monde qui l’entoure.


« Dès qu'on a un être humain en face de soi, on se doit de tenter une communication, c’est une question de respect de son humanité. » Marie-Christine Rousseau (alias la Mr Jourdain de la CAA)


Les voix de l’épisode par ordre d’apparition :

  • Marielle Lachenal, maman de Géraldine, membre de ISAAC Francophone et formatrice, médecin

  • Marion Dohen, chercheuse en sciences du langage (Grenoble INP, GIPSA-LAB)

  • Amélie Rochet-Capellan, chercheuse en sciences du langage et sur la CAA (CNRS, GIPSA-LAB, Grenoble Université Alpes) et maman de Jolène, qui a le syndrome d’Angelman

  • Élisabeth Cataix, ergothérapeute spécialisée en CAA, autrice de Communiquer autrement : accompagner les personnes avec trouble de la parole ou du langage

  • Stéphane Jullien, orthophoniste spécialisé en CAA, chargé d’enseignement à l’université Neuchâtel, Suisse

  • Marie-Christine Rousseau, Responsable de la recherche pour la Fédération du Polyhandicap (APHP), chercheur associé au CERESS Faculté de médecine Timone Marseille, spécialiste en médecine physique et réadaptation (polyhandicap et Lésions cérébrales acquises)


Les voix de la CAA : La Communication Alternative et Améliorée pour les personnes avec des troubles complexes de la communication, un podcast du GNCHR, en collaboration avec Handéo, l'AFSA et des chercheuses de Grenoble-INP et du CNRS au GIPSA-LAB. Conception et réalisation Blandine Lacour et Maxime Huyghe. A retrouver sur toutes les plateformes d’écoute.

Retrouvez plus d'informations sur www.gnchr.fr et entreaidants.handicapsrares.fr


Hébergé par Ausha. Visitez ausha.co/politique-de-confidentialite pour plus d'informations.

Transcription

  • Journaliste

    Journaliste Bonjour et bienvenu dans cette série de podcasts où je vous emmène à la découverte de la CAA, la Communication Alternative et Améliorée. Les voix de la CAA - La Communication Alternative et Améliorée pour les personnes avec des troubles complexes de la communication. Un podcast du GNCHR en collaboration avec Handéo, l'AFSA et des chercheuses de Grenoble-INP et du CNRS au Gipsa-Lab. Conception et réalisation Blandine Lacour et Maxime Huyghe. Journaliste Autant vous le dire d’entrée de jeu : La Communication Alternative et Améliorée c’est un ensemble de moyens et d’outils qui vont compenser ou remplacer la parole pour permettre à quelqu’un qui en est privé de s’exprimer et d’entrer en relation avec les autres. Épisode 1 : Communiquer, un droit fondamental Journaliste La CAA c’est d’abord et avant tout de la communication. Mais une communication qui a été pensée pour des personnes qui ont des troubles complexes de la communication, souvent accompagnés de déficiences motrices et cognitives. C’est le cas de Géraldine Lachenal par exemple. Elle ne peut pas oraliser, c’est-à-dire communiquer avec la voix. Mais attention, ça ne veut pas dire qu’elle ne peut pas communiquer. Si je n’ai pas eu la chance de croiser Géraldine à Grenoble, j’ai par contre rencontré sa mère, Marielle Lachenal, qui accompagne sa fille sur le chemin de la CAA. Marielle a toujours eu la conviction que sa fille avait des choses à dire, elle est une des voix de ce podcast. Marielle Lachenal « Géraldine elle a un handicap que maintenant ils appellent complexe dans les nouveaux mots ça veut dire qu’elle a plein de misères mais dans ces misères il y a qu’elle n’arrive pas à parler donc elle a une maladie génétique rare et elle n’arrive pas à parler. Quand elle avait quatre ans elle commençait à avoir des troubles du comportement : quand elle n’était pas comprise elle se tapait la tête avec beaucoup de violence elle se fracassait et par chance (parce que c’est quand même il y a 30 ans) on a trouvé des gens qui nous ont parlé du Makaton qui n’existait pas encore en France. L’idée était de lui donner les mains pour qu’elle puisse parler car elle n’arrive pas à parler avec sa bouche. On est allé en Suisse pour rencontrer une orthophoniste suisse et puis on a commencé à signer avec elle et ça a marché de façon étonnante. En fait elle s’est jetée sur les signes et elle s’est mise à parler et elle a arrêté de se fracasser dès qu’elle a pu parler autrement … ça a tellement changé notre vie que je me suis dit « il faut que je le dise pour les autres parents : on peut donner la parole à nos enfants qui n’arrivent pas à parler et qui souffrent » Journaliste Au fil de ses années de pratique de la CAA avec sa fille Géraldine qui a déjà 34 ans, Marielle Lachenal est devenue formatrice de Makaton. Le Makaton c’est un système de communication qui mélange des pictogrammes et des signes qu’on fait avec les mains. C’est un outil très utilisé en CAA et il permet à Géraldine de s’exprimer. Marielle Lachenal Elle pense beaucoup en images je pense que quand on n’a pas de mots pour penser on s’appuie sur des images. En s’appuyant sur des images elle peut nous dire comment elle va. La CAA ça exige quand même qu’on se branche un peu sur l’autre. On n’aurait pas eu les signes et pictos, elle serait devenue folle et moi avec parce que c’est terrifiant d’avoir un enfant, un adulte qui se fracasse qui c’est terrible donc il faut outiller. On dit il faut leur donner des signes, des pictos, des tablettes, parce qu’ils ont des troubles du comportement et c’est vrai après ils s’apaisent, mais même si ils gardent leur trouble du comportement il faut leur donner parce que c’est un droit humain de communiquer. On ne leur donne pas des outils de communication parce qu’ils sont emmerdants, on leur donne des outils de communication parce qu’ils sont humains et que c’est un droit de l’homme de communiquer. Journaliste Je ne sais pas si le terme « pictogramme/picto » est compréhensible pour tout le monde. On va beaucoup l’entendre dans ce podcast alors autant bien définir les choses : Un pictogramme c’est un dessin figuratif. Par exemple, le picto qui représente une personne handicapée en général c’est un bonhomme sur un fauteuil mais très stylisé. Le picto tête de mort ça veut dire danger. Le picto c’est un des outils de la CAA mais on verra les outils plus tard ! En attendant ne vous inquiétez pas si vous ne saisissez pas tous les mots ni tous les concepts, moi aussi au début j’étais un peu perdue, c’est normal il faut du temps pour tout capter à la CAA. Pour l’heure on pose les bases. Et la base déjà c’est de comprendre ce que c’est de communiquer Communiquer c’est un processus par lequel on émet un message pour le transmettre à une ou plusieurs personnes qui le reçoivent et le décodent si le langage est commun, sinon elles ont du mal. Marion Dohen est enseignante-chercheuse en sciences cognitives, elle travaille sur la CAA pour les personnes avec des troubles importants de la communication. Une personne idéale pour approcher un peu mieux la notion de communication. Parce qu’on confond souvent communication et langage… Alors que le langage est juste un des moyens parmi d’autres de communiquer et qu’il ne se limite pas à la parole en plus ! Marion Dohen La parole c'est assez facile c'est ce qu'on est en train de faire là, c'est émettre des sons, des sons qu'on construit avec notre conduit vocal et ces sons là ils sont compréhensibles par la personne qui est en face de nous ou avec qui on parle parce qu'on utilise un code commun. Et ce code commun c'est ce qu'on appelle le langage. Et ce code il peut être réalisé en utilisant la parole. La communication en fait c'est beaucoup plus large que juste la parole puisque quand on discute avec quelqu'un, on s'en rend pas forcément compte, mais on échange des informations beaucoup plus finalement par autre chose que la parole elle-même. Il y a des études qui montrent que la parole ça représenterait dans la communication parlée que 30% à peu près de l'échange d'information et que tout le reste les 70% ça serait des choses qui sont très importantes dans la communication mais qu'on véhicule autrement que par la parole. Alors comment on véhicule ces informations ? on les véhicule grâce à des outils qui peuvent être à la fois des outils sonores comme l'intonation, la mélodie qu'il y a dans notre voix. L'intonation ça fait partie de quelque chose qu'on appelle la prosodie Journaliste Alors là Marion m’a expliqué ce qu’est la prosodie : ça comprend l'intonation qu’on vient de voir, mais aussi le rythme (en simplifiant, disons, la vitesse relative de ce que je dis par rapport au reste de ce que je vais dire) et puis c'est aussi l'intensité (varier la hauteur du son de ma voix) . La prosodie c’est tout plein de variables en rapport avec la voix et ça a un impact majeur sur notre communication. En communication verbale, orale ou écrite, on utilise donc un langage, un code qu’on a définit, et on l’a défini de façon assez arbitraire. Ecoutez ce qu’en dit Marielle Lachenal, la maman de Géraldine, parce que ça aide à bien comprendre la suite. Marielle Lachenal C’est arbitraire les mots : pourquoi on appelle un ballon un ballon ? vous voyez le ballon il se signe rond (le pictogramme ballon) il va être rond mais on aurait pu appeler un ballon une vache pourquoi pas. Le mot est arbitraire alors que le signe ou le picto ne sont pas arbitraire, ils sont en lien avec le réel. Pour des enfants qui ont du mal à accéder justement à ce qu’on appelle la fonction symbolique du langage c’est à dire pouvoir mettre dans ma tête des choses et la façon dont on les nomme c’est plus simple avec les mains ou le picto si j’ai du mal à comprendre le sens des mots… Journaliste C’est dur mais on va y arriver ! Reprenons avec Marion Dohen, la chercheuse en communication qui nous expliquait qu’au-delà du langage oral, beaucoup d’informations essentielles à la communication ne sont pas exprimées de façon sonore ! Marion Dohen Il y a plein d'autres choses qui n'ont pas rapport directement avec la voix et moi je ne me suis plus particulièrement intéressée à mes recherches au geste manuel. On appelle « les gestes manuels communicatifs » tous ces gestes qu'on fait avec nos mains en même temps qu'on parle et qu'on fait de manière spontanée. La plupart du temps on n'est pas conscients qu'on fait ces gestes mais pourtant ils sont importants. Il y a des études scientifiques qui montrent par exemple que à la fois que quand la personne qui parle ne peut pas produire des gestes parce que ses mains sont occupées ou parce qu'on l'empêche d'utiliser ses mains et bien en fait elle va avoir plus de mal à parler. Et puis il y a des études qui montrent aussi qu'il y a certaines informations qui ne sont pas présentes directement dans la parole et qui sont pourtant perçues par l'interlocuteur et que l'interlocuteur est incapable de dire si les informations qu'il a perçues venaient de la parole ou d'autres choses. Journaliste Vous suivez ? La communication c'est un ensemble de modalités, on n’utilise jamais « que » la parole. La communication est naturellement multi-modale et parfois sans parole du tout. Prenez la Langue des signes ! Alors la langue des signes c’est très codifié mais il y a aussi plein d’autres façons de communiquer par les gestes... Marion Dohen Par exemple on est capable de communiquer d'improviser des choses. Par exemple pour communiquer avec quelqu'un quand il y a tellement de bruit qu’on ne peut pas l'entendre et bien on va se mettre spontanément à faire des gestes avec nos mains on va se mettre spontanément à s'adapter. Toutes ces techniques naturelles d'adaptation on peut essayer aussi de les apprivoiser, de les développer, de les amener plus proches d'un code pour qu'elles puissent servir aux personnes qui n'ont pas forcément accès à la parole pour x ou y raison et notamment aux personnes qui ont un handicap. Journaliste Et notamment un handicap de communication ! La communication non-verbale, c’est capter tout ce qui n’est pas exprimé par le langage oral. Et alors, qu’est-ce qui différencie la multi-modalité de la CAA ? Parce qu’on peut avoir l’impression que c’est un peu la même chose ? Et ça c’est une autre grande spécialiste de la communication qui travaille beaucoup sur la CAA, Amélie Rochet-Capellan qui me l’a expliqué. En plus d’être experte en sciences du langage, Amélie est aussi maman (entre autres) d’une petite Jolène qui est née avec le syndrome d’Angelman. Pour faire court, le syndrome d’Angelman c’est un trouble du développement neurologique. Il se caractérise par beaucoup joie mais aussi une absence de langage et des troubles intellectuels et moteurs sévères. Alors Amélie, quand est-ce qu’on est passé de la multi-modalité à la CAA ? Amélie Rochet-Capellan On n’est pas passé de l'un à l'autre en fait le truc c'est que la CAA c'est de la multi-modalité. La CAA c'est de la multi-modalité c'est juste que la CAA c'est un domaine qui vient de la clinique et qui a été un peu formalisé en clinique par les orthophonistes, les ergothérapeutes … Donc à la base c’était pour désigner une prise en charge spécifique des troubles du langage en clinique. En fait le petit être humain quand il naît il n'est pas formaté pour apprendre la parole contrairement à ce que beaucoup de gens pensent en fait on a des fonctions biologiques qui permettent d'apprendre la parole on va utiliser la parole parce que il y a plein d'hypothèses sur les origines de pourquoi on parle et pourquoi on ne gestualise pas donc il y a plein d'hypothèses différentes, une des hypothèses c'est que la parole elle permet de libérer la main et c'est pratique on peut l'utiliser à distance. Mais en fait un bébé si il naît dans un milieu où les gens signent il va apprendre la langue des signes et son langage à lui naturel ça sera la langue des signes. Donc un des gros soucis qu'on a en communication alternative et augmentée c'est souvent qu'en fait on confond communication-langage-parole et ça pose des problèmes parce que on ne peut pas réduire le langage à la parole Journaliste Donc, ce que nous dit Amélie, c’est qu’il n'y a pas la multi-modalité d'un côté et la CAA de l’autre. La CAA pourrait être englobée dans la communication multimodale. Un des enjeux de ce podcast c’est de sensibiliser à cette multi-modalité de la communication parce qu’elle est présente dès le début pour tout être humain. Amélie Rochet-Capellan Le petit bébé quand il nait, il émet des signaux, l'environnement va répondre à ces signaux. Ces signaux c'est souvent des pleurs ça va être des expressions faciales tout à l'heure Marion a parlé déjà des gestes manuels mais il y a énormément de travaux sur les expressions faciales en communication non verbale. Ça va être des postures qu'on a chez le petit bébé il va se contracter et ça c'est des choses auxquelles on va répondre quand on est un parent qui est capable de reconnaître ça et de prendre soin de son bébé et de lui répondre à ces signaux et petit à petit le bébé il va sélectionner les signaux qui lui procurent des sensations agréables et qui lui montrent qu'il peut agir sur l’environnement. Le problème c'est que quand les bébés ils n'émettent pas les bons signaux ou qu'ils en émettent pas beaucoup comme c'était le cas de ma fille et bien l'environnement s'il est pas conscient c'est pas parce que l'enfant il n'émet pas les signaux normaux et qu'il parle pas qu'il envoie pas des signaux il va pas voir ces signaux il va pas les comprendre et du coup soit ça peut arriver qu'il y a des cas de maltraitance (mais qui peut se mettre en place aussi avec des enfants qui envoient les bons signaux) mais du coup que ce soit la maltraitance qui va envoyer des signaux négatifs ou la négligence qui répond pas aux signaux ça fait que le bébé petit à petit va de plus en plus se renfermer sur lui et qui va tendance à avoir des mouvements de balancement, enfin il va chercher des mouvements qui vont lui procurer des sensations à lui en fait il va s'auto stimuler, se toucher le visage, beaucoup mettre ses mains à la bouche, voir se taper des fois qu'on appelle ça maintenant des comportements problèmes ou des comportements défis mais en fait c'est juste parce qu'en fait comme il reçoit pas de renforcement de l'extérieur il va se procurer ses propres sensations à lui. Journaliste C’est super intéressant tout ce que raconte Amélie. Les comportements défis dont parlait Marielle Lachenal tout à l’heure, c’est quand un enfant, avec ou sans handicap, émet des signaux qui ne sont pas pris en compte, et qu’il va exprimer ce qu’il ressent de façon plus perturbante… Amélie Rochet-Capellan Donc la CAA elle est là pour éviter ça en fait, c'est l'idée c'est on va prendre en charge de manière le plus précocement possible les enfants, les bébés qui émettent pas des signaux et en fait n'importe quelle personne qui émet pas des signaux normaux entre guillemets ou qui n'émet pas assez, elle devrait utiliser de la CAA tout de suite en fait et on a encore des gros soucis aujourd'hui parce que souvent les médecins ils pensent encore, pas que les médecins d'ailleurs certains professionnels et puis certains parents aussi mais bon les parents on peut leur en vouloir un peu moins parce qu'ils ne sont pas censés être formés mais pense que ben voilà si le bébé, on va attendre en fait que le bébé il émette le signal pour lui donner un outil et si le signal il vient pas, ben du coup il ne donne pas à donc il va se mettre à développer tout ce que j'ai dit tout à l'heure des comportements, des comportements parasites…. Et on sait que dans 90% des cas les troubles du comportement ils viennent parce que la personne elle n'a pas le bon outil pour communiquer autrement que par ces troubles-là…. On le voit chez les enfants, vous allez voir ma fille tout à l’heure, qui a deux ans quand elle arrive pas à parler dire ce qu'elle veut, elle se roule par terre, elle crise tout de suite parce qu'elle sait qu'on va pas la comprendre. Et si elle arrive à faire un signe ou à montrer ce qu'elle veut autrement, elle ne va pas criser. Et le problème c'est qu'en fait on a tellement de l'impression que la parole c'est naturel que si on ne parle pas c'est qu'on a un problème dans la tête et que de toute façon il n'y a rien à faire qu'on n'a pas l'idée en fait ou on n'accepte pas bien le fait que communiquer par des gestes ou communiquer par des images c'est tout aussi naturel pour l'être humain que de parler. Journaliste Dès la naissance un enfant communique. Il va donc acquérir le langage oral par exemple, parce que des personnes lui parlent et qu’il baigne dans ce langage, ça stimule son cerveau et c’est de faire l’expérience du langage qui va faire qu’il développe sa compétence langagière. A l’inverse, un bébé a qui on ne communique pas, ne va pas développer le langage. Il faut donc communiquer le plus tôt possible et par tous les moyens possibles avec un enfant qui a un handicap de la communication, pour le stimuler et développer avec lui un langage alternatif. Et ce n’est pas Elisabeth Cataix, ergothérapeute et pionnière de la CAA en France qui va me contredire… Enfin j’espère, sinon j’aurai l’air maligne ! Elisabeth Cataix Si nous, nous créons de la communication alternative autour de la personne, si nous, nous parlons la langue de la personne, à priori en France, la langue française, si nous lui parlons français, mais en même temps qu'on lui parle, qu'on signe un signe par phrase, le signe important, on va à la piscine, et je signe le signe piscine. Et je montre éventuellement, aller piscine en pictogramme, si j'arrive à être trilingue. Je ne peux pas toujours être trilingue, mais si j'y arrive, ou en tous les cas que j'arrive à régulièrement, fréquemment, toute la journée, montrer à la personne qu'il y a de la communication alternative et améliorée dans son environnement, que les mots existent, que les mots existent autrement que par l'oral. Si j'arrive à lui montrer ça, c'est-à-dire lui ouvrir le monde sur le langage, mais qui ne sera pas le langage, qui ne passera pas par la langue orale, je différencie bien le langage de langue. Si on arrive à créer un bain de langage alternatif, il y a plein de personnes dont on n'aurait pas dit qu'elles étaient capables, qui vont s'en saisir, qui vont montrer qu'elles comprennent quand on leur montre des images, et qui vont montrer qu'elles comprennent les mots quand on leur fait des signes. Journaliste C’est très important ce que dit Elisabeth Cataix, si on ne donne pas accès à la communication, on ne peut pas savoir de quoi une personne est capable. Pendant longtemps on a d’ailleurs mis sur le compte de la déficience intellectuelle, ce qui relevait du handicap de communication. Ecoutez ce que me racontait Elisabeth sur ses débuts en tant qu’ergothérapeute Elisabeth Cataix De la part d’un grand ponte, j’ai entendu « il ne parle pas, il ne pense pas ». Et alors là, avec l'équipe qui m’encadrait, l’ergothérapeute qui m’encadrait, on était déjà persuadés que justement derrière cette impossibilité de parler, il y avait une intelligence, il y avait des capacités, il y avait des possibilités de partager quelque chose avec ces gens en gros, de communiquer, mais de manière alternative, parce qu'effectivement ces adolescents de 14, 15, 18 ans, ils ne parlaient pas, ils ne parlaient pas la langue française, ils ne parlaient pas avec leur bouche, leur fonction orale. Journaliste Accéder à la communication c’est un droit fondamental... Ça devrait l’être en tout cas. Les incapacités temporaires ou permanentes de communication, devraient être compensées pour impacter le moins possible les relations humaines. C’est pour ça que la CAA est une des mesures phare de la Conférence Nationale du Handicap, qui en parle comme de la « première brique de l’autodétermination », parce que la CAA va permettre de donner de la voix à celles et ceux qui n’en avaient pas, pour qu’ils puissent exister socialement. Et pour exister socialement, il faut pouvoir communiquer. Écoutons Stéphane Jullien, il est orthophoniste, basé en Suisse et c’est un spécialiste des questions d’accessibilité à la communication notamment pour les personnes polyhandicapées ou avec des déficiences intellectuelles. Stéphane Jullien La France, la Suisse, la Belgique, en fait beaucoup de pays francophones ont signé la Convention relative aux droits des personnes en situation de handicap. Dans cette convention qui engage donc nos différents pays, la question de la participation est systématiquement citée et évidemment la France et les différents pays francophones sont engagés légalement dans le fait de garantir la participation des personnes avec handicap et donc handicap de communication pour ce qui nous concerne aujourd’hui. La question de la protection des personnes de la maltraitance il faut savoir qu'il y a aussi dans la littérature une quantification du fait que quand on est une personne avec handicap déjà mais en fait avec handicap de communication on est susceptible de subir des violences, des abus que évidemment avec le H de communication le fait de pas pouvoir dénoncer ces abus le fait de pas pouvoir dénoncer les personnes qui nous ont fait subir multiplie le fait de subir ces maltraitances, ces abus sexuels donc ça engage les proches, l’Etat, les institutions à protéger ces personnes avec handicap de communication donc c'est essentiel la sensibilisation de la société civile. Journaliste La société civile c’est vous, c’est moi. Il faut que tout le monde s’empare du sujet parce qu’il faut être plusieurs pour communiquer, on ne communique pas tout seul. Et le handicap de communication, il a cette petite subtilité d’être un handicap partagé. Stéphane Jullien Le handicap de communication, c'est un handicap invisible. On ne l’observe pas. On peut l'expérimenter, mais on peut très bien passer à côté de certaines personnes qui ne pourraient pas participer à certaines interactions, parce qu'elles seraient tout simplement laissées de côté. C'est un handicap invisible. La notion de handicap de communication, c'est un handicap partagé. C'est-à-dire que si vous avez un handicap de communication et que je cherche à communiquer avec vous, si vous ne comprenez pas mes mots, si vous avez du mal, vous, à vous exprimer, ça va être plus compliqué pour moi de savoir comment m'ajuster. Journaliste S’ajuster à la situation c’est essentiel. L’environnement joue un rôle clé non seulement dans le développement du langage mais aussi dans la communication tout au long de la vie. Ce que m’a très bien expliqué Stéphane Jullien c’est que le handicap de communication engage tous les partenaires potentiels de communication dans l’environnement social de la personne, donc tout le monde en fait ! Parce que notre environnement social c’est les proches mais c’est aussi l’état, les professionnels, les institutions, etc. Ce n’est pas un hasard si on parle de situations de communication. Parce que la communication existe dans un contexte interactionnel, et dépend fortement de celui-ci. C’est pour ça que Stéphane pose la question de savoir « comment on s’ajuste ? » mais aussi comment on ajuste l’environnement Stéphane Jullien La communication alternative et améliorée, c'est en fait surtout l'ajustement de l'humain. Donc, ça veut dire que si une personne a un handicap de communication, moi, il va falloir que je m'ajuste naturellement. Il va falloir que j'essaye de faire que la personne puisse maximalement me comprendre. Alors, pour ça, je vais utiliser peut-être des outils et des moyens, mais c'est surtout que je vais essayer d'ajuster la complexité des énoncés que je vais produire. Je vais jouer sur mon débit. Je vais peut-être insister sur certains mots. Donc, avant les outils, il y a évidemment l'ajustement de l'humain. Et puis, il y a aussi l'aménagement du contexte. Si j'ai une personne qui a des grosses difficultés, ne serait-ce qu'à comprendre son environnement, il y a plein de choses qu'il va falloir que je limite en termes de bruit, en termes de stimulation, ne serait-ce que des stimulations visuelles. Peut-être qu'il va falloir qu'elle comprenne que je suis en train de rentrer en contact avec elle. Journaliste Une autre des voix de ce podcast que j’ai envie de vous faire écouter, c’est Marie-Christine Rousseau, interniste infectiologue de formation, praticienne hospitalière, elle est Responsable de la recherche pour la Fédération du polyhandicap de l’APHP. Lors de notre entretien, elle m’a dit qu’elle était un « Mr Jourdain de la CAA » et qu’elle en faisait sans le savoir. C’est très vrai je pense. Dans son travail auprès de personnes polyhandicapées, y’a une situation dont elle parle très bien c’est l’entrée en communication. Comment les préalables à la communication sont en fait déjà de la communication. Marie-Christine Rousseau Quand on communique c'est moins le contenu que la façon dont on va le faire qui va compter, c’est à dire votre prosodie, votre ton apaisant, votre geste qui doit être apaisant et qui doit communiquer le contenu de ce que vous voulez émettre.... Il faut aussi veiller à se mettre dans l'axe du regard qui parfois se détourne … on voit la personne et faut veiller à en être vu. Qu’il y ait une accroche de nos regards quand c’est possible. De toute façon une personne on honore son humanité en communiquant avec … donc même quelqu'un plongé dans un coma, qu'on peut imaginer assez profond, il se passe forcément des choses et ce qu'il se passe ou pas on ne l’atteint pas. En accueillant les personnes en EVC dans le service face au désarroi des soignants on avait fait cette petite tentative, qui consistait à enregistrer la fréquence cardiaque de la personne et ensuite je m'approchais, je parlais et touchais la personne doucement et on observait que la fréquence cardiaque diminuait progressivement. C’est à dire que même pour ces personnes dans un coma jugé très profond et un peu sans appel il y avait un ressenti de la personne en face à la tentative de communication. Donc toute personne humaine on respecte son humanité en rentrant en communication. On est l'émetteur, on ne sait pas ce qui va être reçu. Mais Il est forcément reçu quelque chose qui est dans l'infra verbal, quelque chose qui est dans l'émotion qu'on transmet plus que dans contenu verbal. Je crois qu'un être vivant ça se respecte par une tentative de communication. Emettre un message et être prêt à en recevoir selon des modalités qui ne sont pas les nôtres. Journaliste Marie-Christine Rousseau nous invite à être attentif à l'autre. Pour entrer en contact, il faut aussi savoir capter les réactions d'une personne, même infimes. Et la qualité de notre réception fait souvent défaut. On va s’arrêter là pour aujourd’hui. Retenez que la CAA c’est une invitation à communiquer autrement parce qu’il y a 1001 façons de communiquer. Merci à Marielle Lachenal, Marion Dohen, Amélie Rochet-Capellan, Elisabeth Cataix, Stéphane Jullien et Marie-Christine Rousseau pour leurs témoignages si précieux. Et à Géraldine et Jolène qu'on n'entendra pas mais qui sont-elles-aussi très présentes dans ce podcast.

  • Speaker #0

    l'AFSA et deux chercheuses de Grenoble INP et du CNRS au GYPSALAB. Conception et réalisation, Blandine Lacour et Maxime Huige. Autant vous le dire d'entrée de jeu, la communication alternative et améliorée, c'est un ensemble de moyens et d'outils qui vont compenser ou remplacer la parole pour permettre à quelqu'un qui en est privé de s'exprimer et d'entrer en relation avec les autres. Épisode 1. Communiquer, un droit fondamental. La CA, c'est d'abord et avant tout de la communication. Mais une communication qui a été pensée pour des personnes qui ont des troubles complexes de la communication, souvent accompagnées de déficiences motrices et cognitives. C'est le cas. de Géraldine Lachenal, par exemple. Elle ne peut pas oraliser, c'est-à-dire communiquer avec la voix. Mais attention, ça ne veut pas dire qu'elle ne peut pas communiquer. Si je n'ai pas eu la chance de croiser Géraldine à Grenoble, j'ai par contre rencontré sa mère, Marielle Lachenal, qui accompagne sa fille sur le chemin de la CA. Marielle a toujours eu la conviction que sa fille avait des choses à dire. Elle est une des voix de ce podcast.

  • Speaker #2

    Donc Géraldine, elle a un handicap que maintenant ils appellent complexe dans les nouveaux mots. Ça veut dire qu'elle a plein de misères, mais dans ces misères, il y a qu'elle n'arrive pas à parler. Donc elle a une maladie génétique rare, elle n'arrive pas à parler. Et quand elle avait 4 ans, elle commençait à avoir des troubles du comportement. Quand elle n'était pas comprise, elle se tapait la tête avec beaucoup de violence, elle se fracassait et c'est vrai que par chance... parce que c'est quand même il y a 30 ans, on a trouvé des gens qui nous ont parlé du Macathon, qui n'existait pas encore en France, qui était de dire qu'il faut lui donner les mains pour qu'elle puisse parler, elle n'arrive pas à parler avec sa bouche. Donc on est allé en Suisse d'abord pour rencontrer une orthophoniste suisse et puis on a commencé à signer avec elle. Et ça a marché de façon étonnante. En fait, elle s'est jetée sur les signes et elle s'est mise à parler et elle a arrêté de se fracasser dès qu'elle a pu parler autrement. Ça a tellement changé notre vie que je me suis dit, il faut que je le dise. Il faut que je le dise pour les autres parents. On peut donner la parole un peu à nos enfants qui n'arrivent pas à parler et qui souffrent.

  • Speaker #0

    Au fil de ces années de pratique de la CAA, avec sa fille Géraldine qui a déjà 34 ans, Marielle Lachenal est devenue formatrice de Macathon. Le Macathon, c'est un système de communication qui mélange des pictogrammes et des signes qu'on fait avec les mains. C'est un outil très utilisé en CAA et il permet à Géraldine de s'exprimer.

  • Speaker #2

    Elle pense beaucoup en images. Je pense que quand on n'a pas de mots pour penser, on s'appuie sur des images. En s'appuyant sur des images, elle peut nous dire comment elle va. Ce ne sont pas des signes. Quand c'est tellement profond, elle va aller chercher des images pour nous dire. La CA, ça exige quand même qu'on se branche un peu sur l'autre. C'est-à-dire qu'on n'aurait pas eu les signes, les pictos, les images, elle serait devenue folle, mais je me dis moi aussi avec. Parce que c'est terrifiant d'avoir un enfant, un adulte qui se fracasse. C'est terrible. Donc, il faut y aller. Alors, dans la CA, la démarche CA, il y a aussi l'idée, on dit qu'il faut leur donner des signes, des pictos, des tablettes, parce qu'ils ont des troubles du comportement. Et c'est vrai, après, ça pèse. Mais même s'ils gardent leur trouble du comportement, il faut leur donner des signes des pictos parce que c'est un droit humain de communiquer. On ne leur donne pas des outils de communication parce qu'ils sont emmerdants et tout ça. On leur donne des outils de communication parce qu'ils sont humains et que c'est un droit de l'homme de communiquer. Même si les problèmes y restent, ils ont le droit de communiquer.

  • Speaker #0

    Je ne sais pas si le terme pictogramme, picto, est compréhensible pour tout le monde. On va beaucoup l'entendre dans ce podcast, alors autant bien définir les choses. Un pictogramme, c'est un dessin figuratif. Par exemple, le picto qui représente une personne handicapée, en général, c'est un bonhomme sur un fauteuil, mais très stylisé. Le picto tête de mort, ça veut dire danger. Le picto, c'est un des outils de la CA, mais on verra plus tard les outils. En attendant, ne vous inquiétez pas si vous ne saisissez pas tous les mots ni tous les concepts. Moi aussi, au début, j'étais un peu perdue. C'est normal, il faut du temps pour tout capter à la CA. Pour l'heure, on pose les bases. Et la base, déjà, c'est de comprendre ce que c'est de communiquer. Communiquer, c'est un processus par lequel on émet un message pour le transmettre à une ou plusieurs personnes qui le reçoivent et le décode si le langage est commun. Sinon, elles ont du mal. Marion Dohen est enseignante chercheuse en sciences cognitives. Elle travaille sur la CAA pour les personnes avec des troubles importants de la communication. Une personne idéale pour approcher un peu mieux la notion de communication. Parce qu'on confond souvent communication et langage, alors que le langage est juste un des moyens, parmi d'autres, de communiquer, et qu'il ne se limite pas à la parole en plus.

  • Speaker #3

    La parole, c'est assez facile, c'est ce qu'on est en train de faire là, c'est émettre des sons qu'on construit avec notre conduit vocal et ces sons-là... ils sont compréhensibles par la personne qui est en face de nous ou avec qui on parle, parce qu'on utilise un code commun que les deux personnes ou les X personnes connaissent. Et ce code commun, c'est ce qu'on appelle le langage. Et ce code, il peut être réalisé en utilisant la parole. La communication, en fait, c'est beaucoup plus large que juste la parole, puisque quand on... discute avec quelqu'un, on ne s'en rend pas forcément compte, mais on échange des informations beaucoup plus finalement par autre chose que la parole que par la parole elle-même. Il y a des études qui montrent que la parole, ça représenterait dans la communication parlée, donc ce qu'on est en train de faire là, ça ne représenterait que 30% à peu près de l'origine de l'échange d'informations. Et que tout le reste, les 70%, ça serait des choses qui sont très importantes dans la communication, mais qu'on véhicule. autrement que par la parole. Alors comment on véhicule ces informations ? On les véhicule grâce à des outils qui peuvent être à la fois des outils sonores, l'intonation, donc l'intonation c'est un petit peu la mélodie qu'il y a dans notre voix quand on parle, et en fait ça véhicule ça de beaucoup d'informations. Donc ça, l'intonation, ça fait partie de quelque chose qu'on appelle la prosodie.

  • Speaker #0

    Alors là, Marion m'a expliqué ce qu'est la prosodie. Ça comprend l'intonation qu'on vient de voir, mais aussi le rythme, en simplifiant, disons, la vitesse relative de ce que je dis, par rapport au reste de ce que je vais dire. Et puis c'est aussi l'intensité, la hauteur du son de ma voix. La prosodie, c'est tout plein de variables en rapport avec la voix, et ça a un impact majeur sur notre communication. En communication verbale, orale ou écrite, on utilise donc un langage. Un code qu'on a défini. Et on l'a défini de façon assez arbitraire. Écoutez ce qu'en dit Marielle Lachenal, la maman de Géraldine. Parce que ça aide bien à comprendre la suite.

  • Speaker #2

    C'est arbitraire un mot ça. Pourquoi on appelle un ballon un ballon ? Donc l'exemple, vous voyez, le ballon il se signe rond. Le pictogramme ballon il va être rond. Mais on aurait pu appeler un ballon une vache, pourquoi pas ? Et on aurait joué à la vache prisonnière. Et puis je vous aurais lancé la vache à crâne. Mais on n'aurait jamais signé ce jeu avec les cornes d'une vache. Donc le mot est arbitraire, le signe ou le picto ne sont pas arbitraires. Ils sont en lien avec le réel. Et du coup, pour des enfants qui ont du mal à accéder justement à ce qu'on appelle la fonction symbolique du langage, c'est-à-dire pouvoir mettre dans ma tête des choses et la façon dont on les nomme, c'est plus simple avec les mains ou le picto si j'ai du mal à comprendre le sens des mots. de dire que le mot est arbitraire, on peut aider les enfants ou les adultes à comprendre le sens des mots avec nos mains ou avec du visuel. Parce que c'est dur de se comprendre.

  • Speaker #0

    C'est dur, mais on va y arriver. Reprenons avec Marion Dohen, la chercheuse en communication, qui nous expliquait qu'au-delà du langage oral, beaucoup d'informations essentielles à la communication ne sont pas exprimées de façon sonore.

  • Speaker #3

    Il y a plein d'autres choses qui n'ont pas un rapport directement avec la voix. Et moi, je ne me suis plus particulièrement intéressée à mes recherches. aux gestes manuels, on appelle ça les gestes manuels communicatifs, tous ces gestes qu'on fait avec nos mains en même temps qu'on parle et qu'on fait de manière spontanée, c'est-à-dire que la plupart du temps, on n'est pas conscient qu'on fait ces gestes, mais pourtant, ils sont importants. Il y a des études scientifiques qui montrent, par exemple, qu'à la fois que quand la personne qui parle ne peut pas produire des gestes, par exemple parce que ses mains sont occupées ou parce qu'on l'empêche d'utiliser ses mains, en fait, elle va avoir plus de mal à parler. Et puis, il y a des études qui montrent aussi qu'il y a certaines informations qui ne sont pas présentes directement dans la parole et qui sont pourtant perçues par l'interlocuteur et que l'interlocuteur est incapable de dire si les informations qu'il a perçues venaient de la parole ou d'autres choses.

  • Speaker #0

    Vous suivez ? La communication, c'est un ensemble de modalités. On n'utilise jamais que la parole. La communication est naturellement multimodale, et parfois sans parole du tout. Prenez la langue des signes. Alors la langue des signes, c'est très codifié, mais il y a aussi plein d'autres façons de communiquer par les gestes.

  • Speaker #3

    Par exemple, on est capable de communiquer, d'improviser des choses pour communiquer avec quelqu'un s'il y a tellement de bruit qu'on ne peut pas l'entendre. On va se mettre spontanément à faire des gestes avec nos mains, on va se mettre... spontanément à s'adapter. Et puis, toutes ces techniques naturelles d'adaptation, on peut essayer aussi de les apprivoiser, de les développer, de les amener plus proche d'un code, pour qu'elles puissent servir aux personnes qui n'ont pas forcément accès à la parole pour X ou Y raisons, et notamment aux personnes qui ont un handicap.

  • Speaker #0

    Et notamment, un handicap de communication. La communication non-verbale, c'est capter tout ce qui n'est pas exprimé par le langage oral. Et alors, qu'est-ce qui différencie la multimodalité de la CA ? Parce qu'on peut avoir l'impression que c'est un peu la même chose. Et ça, c'est une autre grande spécialiste de la communication qui travaille beaucoup sur la CA, Amélie Rocher-Capelan, qui me l'a expliqué. En plus d'être experte en sciences du langage, Amélie est aussi maman. Entre autres, d'une petite Jolène qui est née avec le syndrome d'Angelman. Pour faire court, le syndrome d'Angelman, c'est un trouble du développement neurologique. Il se caractérise par beaucoup de joie, mais aussi une absence de langage et des troubles intellectuels et moteurs sévères. Alors Amélie, quand est-ce qu'on est passé de la multimodalité à la CA ?

  • Speaker #4

    On n'est pas passé de l'un à l'autre en fait. Le truc, c'est que la CA, c'est de la multimodalité. C'est... La CA, c'est de la multimodalité. C'est juste que la CA, c'est un domaine qui vient de la clinique et qui a été un peu formalisé en clinique par les orthophonistes, les ergothérapeutes. Donc, à la base, c'était pour désigner une prise en charge spécifique des troubles du langage en clinique. Et d'ailleurs, la CA, c'est de la multimodalité. En fait, le petit être humain, quand il naît, il n'est pas formaté pour apprendre la parole, contrairement à ce que beaucoup de gens... pensent. En fait, on a des fonctions biologiques qui permettent d'apprendre la parole. On va utiliser la parole parce que il y a plein d'hypothèses sur les origines de pourquoi on parle et pourquoi on gestualise pas. Donc, il y a plein d'hypothèses différentes. Une des hypothèses, c'est que la parole, elle a libéré la main. Du coup, on peut parler sans utiliser nos mains. Donc, c'est pratique. On peut l'utiliser à distance, etc. Mais en fait, un bébé, s'il naît dans un milieu où les gens signent, il va apprendre la langue des signes. et son langage à lui naturel, ça sera la langue des signes. Donc un des gros soucis qu'on a en communication alternative et augmentée, c'est souvent qu'en fait on confond communication, langage, parole. Et ça pose des problèmes parce qu'on ne peut pas réduire le langage à la parole.

  • Speaker #0

    Donc, ce que nous dit Amélie, c'est qu'il n'y a pas la multimodalité d'un côté et la CAA de l'autre. La CAA pourrait être englobée dans la communication multimodale. Un des enjeux de ce podcast, c'est de sensibiliser à cette multimodalité de la communication, parce qu'elle est présente dès le début pour tout être humain.

  • Speaker #4

    Le petit bébé, quand il naît, il émet des signaux, l'environnement va répondre à ces signaux. Ces signaux, c'est souvent des pleurs, ça va être des expressions faciales. Tout à l'heure, Marie-Anne a parlé des gestes manuels, mais il y a énormément de travaux sur les expressions faciales en communication non-verbale. Ça va être des postures qu'on a chez le petit bébé, il va se contracter. Et ça, c'est des choses auxquelles on va répondre quand on a un parent qui est capable de reconnaître ça et de prendre soin de son bébé et de lui répondre à ses signaux. Et petit à petit, le bébé va sélectionner les signaux qui lui procurent des sensations agréables et qui lui montrent qu'il peut agir sur l'environnement. Le problème, c'est que quand les bébés n'émettent pas les bons signaux ou qu'ils n'en émettent pas beaucoup, comme c'était le cas de ma fille, l'environnement, s'il n'est pas conscient que... Ce n'est pas parce que l'enfant n'émet pas les signaux normaux et qu'il ne parle pas qu'il n'envoie pas des signaux. Il ne va pas voir ces signaux, il ne va pas les comprendre. Et du coup, soit ça peut arriver qu'il y ait des cas de maltraitance, mais bon, en tout cas, ce n'est pas les parents que je connais, moi. Il ne faut pas dire... Il y a de la maltraitance qui se met en place aussi avec des enfants qui envoient les bons signaux. Mais du coup, que ce soit la maltraitance qui va envoyer des signaux négatifs ou la négligence qui ne répond pas aux signaux, ça fait que le bébé, petit à petit, va de plus en plus se renfermer sur lui et qu'il va avoir tendance à avoir des mouvements de balancement, comme je suis en train de faire là. Enfin, il va chercher des mouvements qui vont lui procurer des sensations à lui. En fait, il va s'auto-stimuler, se toucher le visage, beaucoup mettre ses mains à la bouche, voire se taper des fois. On appelle ça maintenant des comportements problèmes ou des comportements défis. Mais en fait, c'est juste parce que, en fait, comme il ne reçoit pas... de renforcement de l'extérieur, il va se procurer ses propres sensations à lui.

  • Speaker #0

    C'est super intéressant tout ce que raconte Amélie. Les comportements défis, dont parlait Marielle Lachenal tout à l'heure, c'est quand un enfant, avec ou sans handicap, émet des signaux qui ne sont pas pris en compte et qu'il va exprimer ce qu'il ressent de façon plus perturbante, disons.

  • Speaker #4

    La CA, elle est là pour éviter ça en fait. L'idée c'est qu'on va prendre en charge de manière le plus précocement possible les enfants. Les bébés qui n'émettent pas des signaux. Et en fait, n'importe quelle personne qui n'émet pas des signaux normaux ou qui n'en émet pas assez, elle devrait utiliser de la CA tout de suite. Et on a encore des gros soucis aujourd'hui parce que souvent, les médecins pensent encore, pas que les médecins d'ailleurs, certains professionnels et certains parents aussi, mais les parents, on peut leur en vouloir un peu moins parce qu'ils ne sont pas censés être formés. Mais on va attendre que le bébé émette le signal pour lui donner un outil. et s'il signale il ne vient pas, du coup il ne donne pas, donc il va se mettre à développer tout ce que j'ai dit tout à l'heure, des comportements parasites, et on sait que dans 90% des cas, les troubles du comportement, ils viennent parce que la personne n'a pas le bon outil pour communiquer autrement que par ces troubles-là. On le voit chez les enfants, vous allez voir ma fille tout à l'heure, il y a deux ans, quand elle n'arrive pas à parler ou dire ce qu'elle veut, elle se roule par terre, elle crisse tout de suite, parce qu'elle sait qu'on ne va pas la comprendre. Et si elle arrive à faire un signe ou à montrer ce qu'elle veut autrement, elle ne va pas criser. Et le problème, c'est qu'en fait, on a tellement de l'impression que la parole, c'est naturel, que si on ne parle pas, c'est qu'on a un problème dans la tête et que de toute façon, il n'y a rien à faire. On n'a pas l'idée, en fait, ou on n'accepte pas bien le fait que communiquer par des gestes ou communiquer par des images, c'est tout aussi naturel pour l'être humain que de parler.

  • Speaker #0

    Dès la naissance, un enfant communique. Il va donc acquérir le langage oral, par exemple, parce que des personnes lui parlent et qu'il baigne dans ce langage. Ça stimule son cerveau et c'est de faire l'expérience du langage qui va faire qu'il développe sa compétence langagière. À l'inverse, un bébé à qui on ne communique pas ne va pas développer le langage. Il faut donc communiquer le plus tôt possible et par tous les moyens possibles avec un enfant qui a un handicap de communication, pour le stimuler. et développer avec lui un langage alternatif. Et ce n'est pas Elisabeth Katex, ergothérapeute et pionnière de la CA en France, qui va me contredire. Enfin, j'espère, sinon j'aurais l'air maligne.

  • Speaker #5

    Si nous, nous créons de la communication alternative autour de la personne, si nous, nous parlons la langue de la personne, a priori en France, la langue française, si nous lui parlons français, mais en même temps qu'on lui parle, qu'on signe... Un signe par phrase. Le signe important, on va à la piscine. Et je signe le signe piscine. Et je montre éventuellement aller piscine en pictogramme, si j'arrive à être trilingue. Je ne peux pas toujours être trilingue, mais si j'y arrive, ou en tous les cas que j'arrive à régulièrement, fréquemment, toute la journée, montrer à la personne qu'il y a de la communication alternative et améliorée dans son environnement, que les mots existent. que les mots existent autrement que par l'oral. Si j'arrive à lui montrer ça, c'est-à-dire lui ouvrir le monde sur le langage, mais qui ne sera pas le langage, qui ne passera pas par la langue orale, je différencie bien langage de langue, si on arrive à créer un bain de langage alternatif, il y a plein de personnes dont on n'aurait pas dit qu'elles étaient capables qui vont s'en saisir. qui vont montrer qu'elles comprennent quand on leur montre des images et qui vont montrer qu'elles comprennent les mots quand on leur fait des signes.

  • Speaker #0

    C'est très important ce que dit Elisabeth Katex. Si on ne donne pas accès à la communication, on ne peut pas savoir de quoi une personne est capable. Pendant longtemps, on a d'ailleurs mis sur le compte de la déficience intellectuelle, ce qui relevait du handicap de communication. Écoutez ce que me racontait Elisabeth sur ses débuts en tant qu'ergothérapeute.

  • Speaker #5

    De la part d'un grand ponte, j'ai entendu il parle pas, il pense pas Et alors là, avec... L'équipe qui m'encadrait, l'ergotérapeute qui m'encadrait, on était déjà persuadés que, justement, derrière cette impossibilité de parler, il y avait une intelligence, il y avait des capacités, il y avait des possibilités de partager quelque chose avec ces gens, en gros, de communiquer, mais de manière alternative, parce qu'effectivement, ces adolescents de 14, 15, 18 ans, ils ne parlaient pas, ils ne parlaient pas la langue française et ils ne parlaient pas avec leur bouche, leur... leur fonction orale.

  • Speaker #0

    Accéder à la communication c'est un droit fondamental, ça devrait l'être en tout cas. Les incapacités temporaires ou permanentes de communication devraient être compensées pour impacter le moins possible les relations humaines. C'est pour ça que la CA est une des mesures phares de la conférence nationale du handicap qui en parle comme de la première brique de l'autodétermination. Parce que la CA va permettre de donner de la voix à celles et ceux qui n'en avaient pas pour qu'ils puissent exister socialement. Et pour exister socialement, il faut pouvoir communiquer. Écoutons Stéphane Julien. Il est orthophoniste, basé en Suisse, et c'est un spécialiste des questions d'accessibilité à la communication, notamment pour les personnes polyhandicapées ou avec des déficiences intellectuelles.

  • Speaker #1

    La France, la Suisse, la Belgique, en fait beaucoup de pays francophones. ont signé la Convention relative aux droits des personnes en situation de handicap. Dans cette convention, qui engage nos différents pays, la question de la participation est systématiquement citée. Et évidemment, la France et les différents pays francophones sont engagés légalement dans le fait de garantir la participation des personnes avec handicap et donc handicap de communication pour ce qui nous concerne aujourd'hui. La question de la protection aussi des personnes, de la maltraitance. Il faut savoir qu'il y a aussi dans la littérature une quantification du fait que quand on est une personne avec handicap, déjà, mais en fait avec handicap de communication, on est susceptible de subir des violences, des abus, qu'évidemment avec le handicap de communication, le fait de ne pas pouvoir dénoncer ces abus, le fait de ne pas pouvoir dénoncer les personnes qui nous ont fait subir, multiplie le fait de subir ces maltraitances, ces abus sexuels. Donc ça engage les proches. L'État, les institutions, a protégé ces personnes avec handicap de communication. Donc c'est essentiel, la sensibilisation de la société civile.

  • Speaker #0

    La société civile, c'est vous, c'est moi. Il faut que tout le monde s'empare du sujet, parce qu'il faut être plusieurs pour communiquer. On ne communique pas tout seul. Et le handicap de communication, il a cette petite subtilité d'être un handicap partagé.

  • Speaker #1

    Le handicap de communication, c'est invisible, on ne l'observe pas. On peut l'expérimenter, mais on peut très bien passer à côté de certaines personnes qui ne pourraient pas participer à certaines interactions parce qu'elles seraient tout simplement laissées de côté. C'est un handicap invisible. La notion de handicap de communication, c'est un handicap partagé. C'est-à-dire que si vous avez un handicap de communication et que je cherche à communiquer avec vous, si vous ne comprenez pas mes mots, Si vous avez du mal, vous, à vous exprimer, ça va être plus compliqué pour moi de savoir comment je m'ajuste.

  • Speaker #0

    S'ajuster à la situation, c'est essentiel. L'environnement joue un rôle clé non seulement dans le développement du langage, mais aussi dans la communication tout au long de la vie. Ce que m'a très bien expliqué Stéphane Julien, c'est que le handicap de communication engage tous les partenaires potentiels de communication dans l'environnement social de la personne. Tout le monde, en fait. Parce que notre environnement social, c'est les proches, mais c'est aussi l'État, les professionnels, les institutions, etc. Ce n'est pas un hasard si on parle de situation de communication, parce que la communication existe dans un contexte interactionnel et dépend fortement de celui-ci. C'est pour ça que Stéphane pose la question de savoir comment on s'ajuste, mais aussi comment on ajuste l'environnement.

  • Speaker #1

    La communication alternative et améliorée, c'est en fait surtout l'ajustement de l'humain. Donc, ça veut dire que si une personne a un handicap de communication, moi, il va falloir que je m'ajuste naturellement. Il va falloir que j'essaye de faire que la personne puisse maximalement me comprendre. Alors, pour ça, je vais utiliser peut-être des outils et des moyens, mais c'est surtout que je vais essayer d'ajuster la complexité des énoncés que je vais produire. Je vais jouer sur mon débit. Je vais peut-être insister sur certains mots. Donc, avant les outils, il y a évidemment l'ajustement de l'humain. Et puis... il y a aussi l'aménagement du contexte. Si j'ai une personne qui a des grosses difficultés, ne serait-ce qu'à comprendre son environnement, il y a plein de choses qu'il va falloir que je limite en termes de bruit, en termes de stimulation, ne serait-ce que des stimulations visuelles. Peut-être qu'il va falloir qu'elle comprenne que je suis en train de rentrer en contact avec elle.

  • Speaker #0

    Une autre des voix de ce podcast que j'ai envie de vous faire écouter, c'est Marie-Christine Rousseau, interniste infectiologue de formation, praticienne hospitalière, Elle est responsable de la recherche pour la Fédération du polyhandicap de la PHP. Lors de notre entretien, elle m'a dit qu'elle était un monsieur Jourdain de la CA et qu'elle en faisait sans le savoir. C'est très vrai, je pense. Dans son travail auprès des personnes polyhandicapées, il y a une situation dont elle parle très bien, c'est l'entrée en communication. Comment les préalables à la communication sont en fait déjà de la communication ?

  • Speaker #6

    Je vais donc en communiquer. C'est moins le contenu que la façon dont on va le faire qui va compter, c'est-à-dire votre prosodie, votre ton apaisant, votre geste qui doit être aussi apaisant et qui doit vraiment communiquer le contenu de ce que vous voulez émettre. Il faut aussi veiller, bien sûr, à se mettre dans l'axe du regard, du regard qui parfois se détourne. Donc là aussi, on voit la personne, mais il faut veiller à en être vu. Il y a une approche de nos regards pensée possible. De toute façon, une personne, on honore son humanité en communiquant avec. Donc même quelqu'un qui est plongé dans un coma que l'on peut imaginer assez profond, il peut se passer des choses, il se passe forcément des choses. De toute façon, ce qui se passe ou ce qui ne se passe pas, on ne l'atteint pas. En accueillant les personnes en état végétatif chronique dans le service, face aux arrois des soignants, on avait fait une petite tentative qui consistait à enregistrer la fréquence cardiaque de la personne et ensuite je m'approchais, je parlais et touchais la personne doucement et on observait que la fréquence cardiaque diminuait progressivement. C'est-à-dire que même pour ces personnes dans des comas jugés très profonds et un peu sans appel, il y avait un ressenti de la personne en face face à la tentative de communication. Donc toute personne humaine, on respecte son humanité en rentrant en communication. On est l'émetteur, on ne sait pas ce qui va être reçu, mais il est forcément reçu quelque chose, quelque chose qui est dans l'infra-verbal, quelque chose qui est dans l'émotion que l'on transmet, plus que dans un contenu verbal. Je crois qu'un être vivant, ça… Ça se respecte, ça se respecte par une tentative de communication et par aussi, la communication c'est dans les deux sens, c'est émettre un message mais aussi être prêt à en recevoir. Et en recevoir selon des modalités qui ne sont pas forcément les nôtres propres.

  • Speaker #0

    Marie-Christine Rousseau nous invite à être attentif à l'autre. Pour entrer en contact, il faut aussi savoir capter les réactions d'une personne, même infimes. Et la qualité de notre réception fait souvent défaut. On va s'arrêter là pour aujourd'hui. Retenez que la CAA, c'est une invitation à communiquer autrement, parce qu'il y a mille et une façons de communiquer. Merci à Marielle Lachenal, Marion Dohen, Amélie Rocher-Capelan, Elisabeth Katex, Stéphane Julien et Marie-Christine Rousseau pour leurs témoignages si précieux. Et à Géraldine et Jolène, qu'on n'entendra pas, mais qui sont elles aussi très présentes dans ce podcast. Retrouvez les épisodes des voix de la CAA sur toutes les plateformes d'écoute.

Description

Qu’est-ce que communiquer ? Qu’est-ce que le langage ? Communique-t-on uniquement par la parole ? Quelles sont les différentes modalités de la communication ? Qu’est-ce que la CAA ? Pourquoi nous devrions tous être concernés par la CAA ?


Dans ce premier épisode, professionnels et parents vont vous montrer qu’il y a 1001 façons de communiquer et que chacun devrait avoir ce droit fondamental pour interagir avec le monde qui l’entoure.


« Dès qu'on a un être humain en face de soi, on se doit de tenter une communication, c’est une question de respect de son humanité. » Marie-Christine Rousseau (alias la Mr Jourdain de la CAA)


Les voix de l’épisode par ordre d’apparition :

  • Marielle Lachenal, maman de Géraldine, membre de ISAAC Francophone et formatrice, médecin

  • Marion Dohen, chercheuse en sciences du langage (Grenoble INP, GIPSA-LAB)

  • Amélie Rochet-Capellan, chercheuse en sciences du langage et sur la CAA (CNRS, GIPSA-LAB, Grenoble Université Alpes) et maman de Jolène, qui a le syndrome d’Angelman

  • Élisabeth Cataix, ergothérapeute spécialisée en CAA, autrice de Communiquer autrement : accompagner les personnes avec trouble de la parole ou du langage

  • Stéphane Jullien, orthophoniste spécialisé en CAA, chargé d’enseignement à l’université Neuchâtel, Suisse

  • Marie-Christine Rousseau, Responsable de la recherche pour la Fédération du Polyhandicap (APHP), chercheur associé au CERESS Faculté de médecine Timone Marseille, spécialiste en médecine physique et réadaptation (polyhandicap et Lésions cérébrales acquises)


Les voix de la CAA : La Communication Alternative et Améliorée pour les personnes avec des troubles complexes de la communication, un podcast du GNCHR, en collaboration avec Handéo, l'AFSA et des chercheuses de Grenoble-INP et du CNRS au GIPSA-LAB. Conception et réalisation Blandine Lacour et Maxime Huyghe. A retrouver sur toutes les plateformes d’écoute.

Retrouvez plus d'informations sur www.gnchr.fr et entreaidants.handicapsrares.fr


Hébergé par Ausha. Visitez ausha.co/politique-de-confidentialite pour plus d'informations.

Transcription

  • Journaliste

    Journaliste Bonjour et bienvenu dans cette série de podcasts où je vous emmène à la découverte de la CAA, la Communication Alternative et Améliorée. Les voix de la CAA - La Communication Alternative et Améliorée pour les personnes avec des troubles complexes de la communication. Un podcast du GNCHR en collaboration avec Handéo, l'AFSA et des chercheuses de Grenoble-INP et du CNRS au Gipsa-Lab. Conception et réalisation Blandine Lacour et Maxime Huyghe. Journaliste Autant vous le dire d’entrée de jeu : La Communication Alternative et Améliorée c’est un ensemble de moyens et d’outils qui vont compenser ou remplacer la parole pour permettre à quelqu’un qui en est privé de s’exprimer et d’entrer en relation avec les autres. Épisode 1 : Communiquer, un droit fondamental Journaliste La CAA c’est d’abord et avant tout de la communication. Mais une communication qui a été pensée pour des personnes qui ont des troubles complexes de la communication, souvent accompagnés de déficiences motrices et cognitives. C’est le cas de Géraldine Lachenal par exemple. Elle ne peut pas oraliser, c’est-à-dire communiquer avec la voix. Mais attention, ça ne veut pas dire qu’elle ne peut pas communiquer. Si je n’ai pas eu la chance de croiser Géraldine à Grenoble, j’ai par contre rencontré sa mère, Marielle Lachenal, qui accompagne sa fille sur le chemin de la CAA. Marielle a toujours eu la conviction que sa fille avait des choses à dire, elle est une des voix de ce podcast. Marielle Lachenal « Géraldine elle a un handicap que maintenant ils appellent complexe dans les nouveaux mots ça veut dire qu’elle a plein de misères mais dans ces misères il y a qu’elle n’arrive pas à parler donc elle a une maladie génétique rare et elle n’arrive pas à parler. Quand elle avait quatre ans elle commençait à avoir des troubles du comportement : quand elle n’était pas comprise elle se tapait la tête avec beaucoup de violence elle se fracassait et par chance (parce que c’est quand même il y a 30 ans) on a trouvé des gens qui nous ont parlé du Makaton qui n’existait pas encore en France. L’idée était de lui donner les mains pour qu’elle puisse parler car elle n’arrive pas à parler avec sa bouche. On est allé en Suisse pour rencontrer une orthophoniste suisse et puis on a commencé à signer avec elle et ça a marché de façon étonnante. En fait elle s’est jetée sur les signes et elle s’est mise à parler et elle a arrêté de se fracasser dès qu’elle a pu parler autrement … ça a tellement changé notre vie que je me suis dit « il faut que je le dise pour les autres parents : on peut donner la parole à nos enfants qui n’arrivent pas à parler et qui souffrent » Journaliste Au fil de ses années de pratique de la CAA avec sa fille Géraldine qui a déjà 34 ans, Marielle Lachenal est devenue formatrice de Makaton. Le Makaton c’est un système de communication qui mélange des pictogrammes et des signes qu’on fait avec les mains. C’est un outil très utilisé en CAA et il permet à Géraldine de s’exprimer. Marielle Lachenal Elle pense beaucoup en images je pense que quand on n’a pas de mots pour penser on s’appuie sur des images. En s’appuyant sur des images elle peut nous dire comment elle va. La CAA ça exige quand même qu’on se branche un peu sur l’autre. On n’aurait pas eu les signes et pictos, elle serait devenue folle et moi avec parce que c’est terrifiant d’avoir un enfant, un adulte qui se fracasse qui c’est terrible donc il faut outiller. On dit il faut leur donner des signes, des pictos, des tablettes, parce qu’ils ont des troubles du comportement et c’est vrai après ils s’apaisent, mais même si ils gardent leur trouble du comportement il faut leur donner parce que c’est un droit humain de communiquer. On ne leur donne pas des outils de communication parce qu’ils sont emmerdants, on leur donne des outils de communication parce qu’ils sont humains et que c’est un droit de l’homme de communiquer. Journaliste Je ne sais pas si le terme « pictogramme/picto » est compréhensible pour tout le monde. On va beaucoup l’entendre dans ce podcast alors autant bien définir les choses : Un pictogramme c’est un dessin figuratif. Par exemple, le picto qui représente une personne handicapée en général c’est un bonhomme sur un fauteuil mais très stylisé. Le picto tête de mort ça veut dire danger. Le picto c’est un des outils de la CAA mais on verra les outils plus tard ! En attendant ne vous inquiétez pas si vous ne saisissez pas tous les mots ni tous les concepts, moi aussi au début j’étais un peu perdue, c’est normal il faut du temps pour tout capter à la CAA. Pour l’heure on pose les bases. Et la base déjà c’est de comprendre ce que c’est de communiquer Communiquer c’est un processus par lequel on émet un message pour le transmettre à une ou plusieurs personnes qui le reçoivent et le décodent si le langage est commun, sinon elles ont du mal. Marion Dohen est enseignante-chercheuse en sciences cognitives, elle travaille sur la CAA pour les personnes avec des troubles importants de la communication. Une personne idéale pour approcher un peu mieux la notion de communication. Parce qu’on confond souvent communication et langage… Alors que le langage est juste un des moyens parmi d’autres de communiquer et qu’il ne se limite pas à la parole en plus ! Marion Dohen La parole c'est assez facile c'est ce qu'on est en train de faire là, c'est émettre des sons, des sons qu'on construit avec notre conduit vocal et ces sons là ils sont compréhensibles par la personne qui est en face de nous ou avec qui on parle parce qu'on utilise un code commun. Et ce code commun c'est ce qu'on appelle le langage. Et ce code il peut être réalisé en utilisant la parole. La communication en fait c'est beaucoup plus large que juste la parole puisque quand on discute avec quelqu'un, on s'en rend pas forcément compte, mais on échange des informations beaucoup plus finalement par autre chose que la parole elle-même. Il y a des études qui montrent que la parole ça représenterait dans la communication parlée que 30% à peu près de l'échange d'information et que tout le reste les 70% ça serait des choses qui sont très importantes dans la communication mais qu'on véhicule autrement que par la parole. Alors comment on véhicule ces informations ? on les véhicule grâce à des outils qui peuvent être à la fois des outils sonores comme l'intonation, la mélodie qu'il y a dans notre voix. L'intonation ça fait partie de quelque chose qu'on appelle la prosodie Journaliste Alors là Marion m’a expliqué ce qu’est la prosodie : ça comprend l'intonation qu’on vient de voir, mais aussi le rythme (en simplifiant, disons, la vitesse relative de ce que je dis par rapport au reste de ce que je vais dire) et puis c'est aussi l'intensité (varier la hauteur du son de ma voix) . La prosodie c’est tout plein de variables en rapport avec la voix et ça a un impact majeur sur notre communication. En communication verbale, orale ou écrite, on utilise donc un langage, un code qu’on a définit, et on l’a défini de façon assez arbitraire. Ecoutez ce qu’en dit Marielle Lachenal, la maman de Géraldine, parce que ça aide à bien comprendre la suite. Marielle Lachenal C’est arbitraire les mots : pourquoi on appelle un ballon un ballon ? vous voyez le ballon il se signe rond (le pictogramme ballon) il va être rond mais on aurait pu appeler un ballon une vache pourquoi pas. Le mot est arbitraire alors que le signe ou le picto ne sont pas arbitraire, ils sont en lien avec le réel. Pour des enfants qui ont du mal à accéder justement à ce qu’on appelle la fonction symbolique du langage c’est à dire pouvoir mettre dans ma tête des choses et la façon dont on les nomme c’est plus simple avec les mains ou le picto si j’ai du mal à comprendre le sens des mots… Journaliste C’est dur mais on va y arriver ! Reprenons avec Marion Dohen, la chercheuse en communication qui nous expliquait qu’au-delà du langage oral, beaucoup d’informations essentielles à la communication ne sont pas exprimées de façon sonore ! Marion Dohen Il y a plein d'autres choses qui n'ont pas rapport directement avec la voix et moi je ne me suis plus particulièrement intéressée à mes recherches au geste manuel. On appelle « les gestes manuels communicatifs » tous ces gestes qu'on fait avec nos mains en même temps qu'on parle et qu'on fait de manière spontanée. La plupart du temps on n'est pas conscients qu'on fait ces gestes mais pourtant ils sont importants. Il y a des études scientifiques qui montrent par exemple que à la fois que quand la personne qui parle ne peut pas produire des gestes parce que ses mains sont occupées ou parce qu'on l'empêche d'utiliser ses mains et bien en fait elle va avoir plus de mal à parler. Et puis il y a des études qui montrent aussi qu'il y a certaines informations qui ne sont pas présentes directement dans la parole et qui sont pourtant perçues par l'interlocuteur et que l'interlocuteur est incapable de dire si les informations qu'il a perçues venaient de la parole ou d'autres choses. Journaliste Vous suivez ? La communication c'est un ensemble de modalités, on n’utilise jamais « que » la parole. La communication est naturellement multi-modale et parfois sans parole du tout. Prenez la Langue des signes ! Alors la langue des signes c’est très codifié mais il y a aussi plein d’autres façons de communiquer par les gestes... Marion Dohen Par exemple on est capable de communiquer d'improviser des choses. Par exemple pour communiquer avec quelqu'un quand il y a tellement de bruit qu’on ne peut pas l'entendre et bien on va se mettre spontanément à faire des gestes avec nos mains on va se mettre spontanément à s'adapter. Toutes ces techniques naturelles d'adaptation on peut essayer aussi de les apprivoiser, de les développer, de les amener plus proches d'un code pour qu'elles puissent servir aux personnes qui n'ont pas forcément accès à la parole pour x ou y raison et notamment aux personnes qui ont un handicap. Journaliste Et notamment un handicap de communication ! La communication non-verbale, c’est capter tout ce qui n’est pas exprimé par le langage oral. Et alors, qu’est-ce qui différencie la multi-modalité de la CAA ? Parce qu’on peut avoir l’impression que c’est un peu la même chose ? Et ça c’est une autre grande spécialiste de la communication qui travaille beaucoup sur la CAA, Amélie Rochet-Capellan qui me l’a expliqué. En plus d’être experte en sciences du langage, Amélie est aussi maman (entre autres) d’une petite Jolène qui est née avec le syndrome d’Angelman. Pour faire court, le syndrome d’Angelman c’est un trouble du développement neurologique. Il se caractérise par beaucoup joie mais aussi une absence de langage et des troubles intellectuels et moteurs sévères. Alors Amélie, quand est-ce qu’on est passé de la multi-modalité à la CAA ? Amélie Rochet-Capellan On n’est pas passé de l'un à l'autre en fait le truc c'est que la CAA c'est de la multi-modalité. La CAA c'est de la multi-modalité c'est juste que la CAA c'est un domaine qui vient de la clinique et qui a été un peu formalisé en clinique par les orthophonistes, les ergothérapeutes … Donc à la base c’était pour désigner une prise en charge spécifique des troubles du langage en clinique. En fait le petit être humain quand il naît il n'est pas formaté pour apprendre la parole contrairement à ce que beaucoup de gens pensent en fait on a des fonctions biologiques qui permettent d'apprendre la parole on va utiliser la parole parce que il y a plein d'hypothèses sur les origines de pourquoi on parle et pourquoi on ne gestualise pas donc il y a plein d'hypothèses différentes, une des hypothèses c'est que la parole elle permet de libérer la main et c'est pratique on peut l'utiliser à distance. Mais en fait un bébé si il naît dans un milieu où les gens signent il va apprendre la langue des signes et son langage à lui naturel ça sera la langue des signes. Donc un des gros soucis qu'on a en communication alternative et augmentée c'est souvent qu'en fait on confond communication-langage-parole et ça pose des problèmes parce que on ne peut pas réduire le langage à la parole Journaliste Donc, ce que nous dit Amélie, c’est qu’il n'y a pas la multi-modalité d'un côté et la CAA de l’autre. La CAA pourrait être englobée dans la communication multimodale. Un des enjeux de ce podcast c’est de sensibiliser à cette multi-modalité de la communication parce qu’elle est présente dès le début pour tout être humain. Amélie Rochet-Capellan Le petit bébé quand il nait, il émet des signaux, l'environnement va répondre à ces signaux. Ces signaux c'est souvent des pleurs ça va être des expressions faciales tout à l'heure Marion a parlé déjà des gestes manuels mais il y a énormément de travaux sur les expressions faciales en communication non verbale. Ça va être des postures qu'on a chez le petit bébé il va se contracter et ça c'est des choses auxquelles on va répondre quand on est un parent qui est capable de reconnaître ça et de prendre soin de son bébé et de lui répondre à ces signaux et petit à petit le bébé il va sélectionner les signaux qui lui procurent des sensations agréables et qui lui montrent qu'il peut agir sur l’environnement. Le problème c'est que quand les bébés ils n'émettent pas les bons signaux ou qu'ils en émettent pas beaucoup comme c'était le cas de ma fille et bien l'environnement s'il est pas conscient c'est pas parce que l'enfant il n'émet pas les signaux normaux et qu'il parle pas qu'il envoie pas des signaux il va pas voir ces signaux il va pas les comprendre et du coup soit ça peut arriver qu'il y a des cas de maltraitance (mais qui peut se mettre en place aussi avec des enfants qui envoient les bons signaux) mais du coup que ce soit la maltraitance qui va envoyer des signaux négatifs ou la négligence qui répond pas aux signaux ça fait que le bébé petit à petit va de plus en plus se renfermer sur lui et qui va tendance à avoir des mouvements de balancement, enfin il va chercher des mouvements qui vont lui procurer des sensations à lui en fait il va s'auto stimuler, se toucher le visage, beaucoup mettre ses mains à la bouche, voir se taper des fois qu'on appelle ça maintenant des comportements problèmes ou des comportements défis mais en fait c'est juste parce qu'en fait comme il reçoit pas de renforcement de l'extérieur il va se procurer ses propres sensations à lui. Journaliste C’est super intéressant tout ce que raconte Amélie. Les comportements défis dont parlait Marielle Lachenal tout à l’heure, c’est quand un enfant, avec ou sans handicap, émet des signaux qui ne sont pas pris en compte, et qu’il va exprimer ce qu’il ressent de façon plus perturbante… Amélie Rochet-Capellan Donc la CAA elle est là pour éviter ça en fait, c'est l'idée c'est on va prendre en charge de manière le plus précocement possible les enfants, les bébés qui émettent pas des signaux et en fait n'importe quelle personne qui émet pas des signaux normaux entre guillemets ou qui n'émet pas assez, elle devrait utiliser de la CAA tout de suite en fait et on a encore des gros soucis aujourd'hui parce que souvent les médecins ils pensent encore, pas que les médecins d'ailleurs certains professionnels et puis certains parents aussi mais bon les parents on peut leur en vouloir un peu moins parce qu'ils ne sont pas censés être formés mais pense que ben voilà si le bébé, on va attendre en fait que le bébé il émette le signal pour lui donner un outil et si le signal il vient pas, ben du coup il ne donne pas à donc il va se mettre à développer tout ce que j'ai dit tout à l'heure des comportements, des comportements parasites…. Et on sait que dans 90% des cas les troubles du comportement ils viennent parce que la personne elle n'a pas le bon outil pour communiquer autrement que par ces troubles-là…. On le voit chez les enfants, vous allez voir ma fille tout à l’heure, qui a deux ans quand elle arrive pas à parler dire ce qu'elle veut, elle se roule par terre, elle crise tout de suite parce qu'elle sait qu'on va pas la comprendre. Et si elle arrive à faire un signe ou à montrer ce qu'elle veut autrement, elle ne va pas criser. Et le problème c'est qu'en fait on a tellement de l'impression que la parole c'est naturel que si on ne parle pas c'est qu'on a un problème dans la tête et que de toute façon il n'y a rien à faire qu'on n'a pas l'idée en fait ou on n'accepte pas bien le fait que communiquer par des gestes ou communiquer par des images c'est tout aussi naturel pour l'être humain que de parler. Journaliste Dès la naissance un enfant communique. Il va donc acquérir le langage oral par exemple, parce que des personnes lui parlent et qu’il baigne dans ce langage, ça stimule son cerveau et c’est de faire l’expérience du langage qui va faire qu’il développe sa compétence langagière. A l’inverse, un bébé a qui on ne communique pas, ne va pas développer le langage. Il faut donc communiquer le plus tôt possible et par tous les moyens possibles avec un enfant qui a un handicap de la communication, pour le stimuler et développer avec lui un langage alternatif. Et ce n’est pas Elisabeth Cataix, ergothérapeute et pionnière de la CAA en France qui va me contredire… Enfin j’espère, sinon j’aurai l’air maligne ! Elisabeth Cataix Si nous, nous créons de la communication alternative autour de la personne, si nous, nous parlons la langue de la personne, à priori en France, la langue française, si nous lui parlons français, mais en même temps qu'on lui parle, qu'on signe un signe par phrase, le signe important, on va à la piscine, et je signe le signe piscine. Et je montre éventuellement, aller piscine en pictogramme, si j'arrive à être trilingue. Je ne peux pas toujours être trilingue, mais si j'y arrive, ou en tous les cas que j'arrive à régulièrement, fréquemment, toute la journée, montrer à la personne qu'il y a de la communication alternative et améliorée dans son environnement, que les mots existent, que les mots existent autrement que par l'oral. Si j'arrive à lui montrer ça, c'est-à-dire lui ouvrir le monde sur le langage, mais qui ne sera pas le langage, qui ne passera pas par la langue orale, je différencie bien le langage de langue. Si on arrive à créer un bain de langage alternatif, il y a plein de personnes dont on n'aurait pas dit qu'elles étaient capables, qui vont s'en saisir, qui vont montrer qu'elles comprennent quand on leur montre des images, et qui vont montrer qu'elles comprennent les mots quand on leur fait des signes. Journaliste C’est très important ce que dit Elisabeth Cataix, si on ne donne pas accès à la communication, on ne peut pas savoir de quoi une personne est capable. Pendant longtemps on a d’ailleurs mis sur le compte de la déficience intellectuelle, ce qui relevait du handicap de communication. Ecoutez ce que me racontait Elisabeth sur ses débuts en tant qu’ergothérapeute Elisabeth Cataix De la part d’un grand ponte, j’ai entendu « il ne parle pas, il ne pense pas ». Et alors là, avec l'équipe qui m’encadrait, l’ergothérapeute qui m’encadrait, on était déjà persuadés que justement derrière cette impossibilité de parler, il y avait une intelligence, il y avait des capacités, il y avait des possibilités de partager quelque chose avec ces gens en gros, de communiquer, mais de manière alternative, parce qu'effectivement ces adolescents de 14, 15, 18 ans, ils ne parlaient pas, ils ne parlaient pas la langue française, ils ne parlaient pas avec leur bouche, leur fonction orale. Journaliste Accéder à la communication c’est un droit fondamental... Ça devrait l’être en tout cas. Les incapacités temporaires ou permanentes de communication, devraient être compensées pour impacter le moins possible les relations humaines. C’est pour ça que la CAA est une des mesures phare de la Conférence Nationale du Handicap, qui en parle comme de la « première brique de l’autodétermination », parce que la CAA va permettre de donner de la voix à celles et ceux qui n’en avaient pas, pour qu’ils puissent exister socialement. Et pour exister socialement, il faut pouvoir communiquer. Écoutons Stéphane Jullien, il est orthophoniste, basé en Suisse et c’est un spécialiste des questions d’accessibilité à la communication notamment pour les personnes polyhandicapées ou avec des déficiences intellectuelles. Stéphane Jullien La France, la Suisse, la Belgique, en fait beaucoup de pays francophones ont signé la Convention relative aux droits des personnes en situation de handicap. Dans cette convention qui engage donc nos différents pays, la question de la participation est systématiquement citée et évidemment la France et les différents pays francophones sont engagés légalement dans le fait de garantir la participation des personnes avec handicap et donc handicap de communication pour ce qui nous concerne aujourd’hui. La question de la protection des personnes de la maltraitance il faut savoir qu'il y a aussi dans la littérature une quantification du fait que quand on est une personne avec handicap déjà mais en fait avec handicap de communication on est susceptible de subir des violences, des abus que évidemment avec le H de communication le fait de pas pouvoir dénoncer ces abus le fait de pas pouvoir dénoncer les personnes qui nous ont fait subir multiplie le fait de subir ces maltraitances, ces abus sexuels donc ça engage les proches, l’Etat, les institutions à protéger ces personnes avec handicap de communication donc c'est essentiel la sensibilisation de la société civile. Journaliste La société civile c’est vous, c’est moi. Il faut que tout le monde s’empare du sujet parce qu’il faut être plusieurs pour communiquer, on ne communique pas tout seul. Et le handicap de communication, il a cette petite subtilité d’être un handicap partagé. Stéphane Jullien Le handicap de communication, c'est un handicap invisible. On ne l’observe pas. On peut l'expérimenter, mais on peut très bien passer à côté de certaines personnes qui ne pourraient pas participer à certaines interactions, parce qu'elles seraient tout simplement laissées de côté. C'est un handicap invisible. La notion de handicap de communication, c'est un handicap partagé. C'est-à-dire que si vous avez un handicap de communication et que je cherche à communiquer avec vous, si vous ne comprenez pas mes mots, si vous avez du mal, vous, à vous exprimer, ça va être plus compliqué pour moi de savoir comment m'ajuster. Journaliste S’ajuster à la situation c’est essentiel. L’environnement joue un rôle clé non seulement dans le développement du langage mais aussi dans la communication tout au long de la vie. Ce que m’a très bien expliqué Stéphane Jullien c’est que le handicap de communication engage tous les partenaires potentiels de communication dans l’environnement social de la personne, donc tout le monde en fait ! Parce que notre environnement social c’est les proches mais c’est aussi l’état, les professionnels, les institutions, etc. Ce n’est pas un hasard si on parle de situations de communication. Parce que la communication existe dans un contexte interactionnel, et dépend fortement de celui-ci. C’est pour ça que Stéphane pose la question de savoir « comment on s’ajuste ? » mais aussi comment on ajuste l’environnement Stéphane Jullien La communication alternative et améliorée, c'est en fait surtout l'ajustement de l'humain. Donc, ça veut dire que si une personne a un handicap de communication, moi, il va falloir que je m'ajuste naturellement. Il va falloir que j'essaye de faire que la personne puisse maximalement me comprendre. Alors, pour ça, je vais utiliser peut-être des outils et des moyens, mais c'est surtout que je vais essayer d'ajuster la complexité des énoncés que je vais produire. Je vais jouer sur mon débit. Je vais peut-être insister sur certains mots. Donc, avant les outils, il y a évidemment l'ajustement de l'humain. Et puis, il y a aussi l'aménagement du contexte. Si j'ai une personne qui a des grosses difficultés, ne serait-ce qu'à comprendre son environnement, il y a plein de choses qu'il va falloir que je limite en termes de bruit, en termes de stimulation, ne serait-ce que des stimulations visuelles. Peut-être qu'il va falloir qu'elle comprenne que je suis en train de rentrer en contact avec elle. Journaliste Une autre des voix de ce podcast que j’ai envie de vous faire écouter, c’est Marie-Christine Rousseau, interniste infectiologue de formation, praticienne hospitalière, elle est Responsable de la recherche pour la Fédération du polyhandicap de l’APHP. Lors de notre entretien, elle m’a dit qu’elle était un « Mr Jourdain de la CAA » et qu’elle en faisait sans le savoir. C’est très vrai je pense. Dans son travail auprès de personnes polyhandicapées, y’a une situation dont elle parle très bien c’est l’entrée en communication. Comment les préalables à la communication sont en fait déjà de la communication. Marie-Christine Rousseau Quand on communique c'est moins le contenu que la façon dont on va le faire qui va compter, c’est à dire votre prosodie, votre ton apaisant, votre geste qui doit être apaisant et qui doit communiquer le contenu de ce que vous voulez émettre.... Il faut aussi veiller à se mettre dans l'axe du regard qui parfois se détourne … on voit la personne et faut veiller à en être vu. Qu’il y ait une accroche de nos regards quand c’est possible. De toute façon une personne on honore son humanité en communiquant avec … donc même quelqu'un plongé dans un coma, qu'on peut imaginer assez profond, il se passe forcément des choses et ce qu'il se passe ou pas on ne l’atteint pas. En accueillant les personnes en EVC dans le service face au désarroi des soignants on avait fait cette petite tentative, qui consistait à enregistrer la fréquence cardiaque de la personne et ensuite je m'approchais, je parlais et touchais la personne doucement et on observait que la fréquence cardiaque diminuait progressivement. C’est à dire que même pour ces personnes dans un coma jugé très profond et un peu sans appel il y avait un ressenti de la personne en face à la tentative de communication. Donc toute personne humaine on respecte son humanité en rentrant en communication. On est l'émetteur, on ne sait pas ce qui va être reçu. Mais Il est forcément reçu quelque chose qui est dans l'infra verbal, quelque chose qui est dans l'émotion qu'on transmet plus que dans contenu verbal. Je crois qu'un être vivant ça se respecte par une tentative de communication. Emettre un message et être prêt à en recevoir selon des modalités qui ne sont pas les nôtres. Journaliste Marie-Christine Rousseau nous invite à être attentif à l'autre. Pour entrer en contact, il faut aussi savoir capter les réactions d'une personne, même infimes. Et la qualité de notre réception fait souvent défaut. On va s’arrêter là pour aujourd’hui. Retenez que la CAA c’est une invitation à communiquer autrement parce qu’il y a 1001 façons de communiquer. Merci à Marielle Lachenal, Marion Dohen, Amélie Rochet-Capellan, Elisabeth Cataix, Stéphane Jullien et Marie-Christine Rousseau pour leurs témoignages si précieux. Et à Géraldine et Jolène qu'on n'entendra pas mais qui sont-elles-aussi très présentes dans ce podcast.

  • Speaker #0

    l'AFSA et deux chercheuses de Grenoble INP et du CNRS au GYPSALAB. Conception et réalisation, Blandine Lacour et Maxime Huige. Autant vous le dire d'entrée de jeu, la communication alternative et améliorée, c'est un ensemble de moyens et d'outils qui vont compenser ou remplacer la parole pour permettre à quelqu'un qui en est privé de s'exprimer et d'entrer en relation avec les autres. Épisode 1. Communiquer, un droit fondamental. La CA, c'est d'abord et avant tout de la communication. Mais une communication qui a été pensée pour des personnes qui ont des troubles complexes de la communication, souvent accompagnées de déficiences motrices et cognitives. C'est le cas. de Géraldine Lachenal, par exemple. Elle ne peut pas oraliser, c'est-à-dire communiquer avec la voix. Mais attention, ça ne veut pas dire qu'elle ne peut pas communiquer. Si je n'ai pas eu la chance de croiser Géraldine à Grenoble, j'ai par contre rencontré sa mère, Marielle Lachenal, qui accompagne sa fille sur le chemin de la CA. Marielle a toujours eu la conviction que sa fille avait des choses à dire. Elle est une des voix de ce podcast.

  • Speaker #2

    Donc Géraldine, elle a un handicap que maintenant ils appellent complexe dans les nouveaux mots. Ça veut dire qu'elle a plein de misères, mais dans ces misères, il y a qu'elle n'arrive pas à parler. Donc elle a une maladie génétique rare, elle n'arrive pas à parler. Et quand elle avait 4 ans, elle commençait à avoir des troubles du comportement. Quand elle n'était pas comprise, elle se tapait la tête avec beaucoup de violence, elle se fracassait et c'est vrai que par chance... parce que c'est quand même il y a 30 ans, on a trouvé des gens qui nous ont parlé du Macathon, qui n'existait pas encore en France, qui était de dire qu'il faut lui donner les mains pour qu'elle puisse parler, elle n'arrive pas à parler avec sa bouche. Donc on est allé en Suisse d'abord pour rencontrer une orthophoniste suisse et puis on a commencé à signer avec elle. Et ça a marché de façon étonnante. En fait, elle s'est jetée sur les signes et elle s'est mise à parler et elle a arrêté de se fracasser dès qu'elle a pu parler autrement. Ça a tellement changé notre vie que je me suis dit, il faut que je le dise. Il faut que je le dise pour les autres parents. On peut donner la parole un peu à nos enfants qui n'arrivent pas à parler et qui souffrent.

  • Speaker #0

    Au fil de ces années de pratique de la CAA, avec sa fille Géraldine qui a déjà 34 ans, Marielle Lachenal est devenue formatrice de Macathon. Le Macathon, c'est un système de communication qui mélange des pictogrammes et des signes qu'on fait avec les mains. C'est un outil très utilisé en CAA et il permet à Géraldine de s'exprimer.

  • Speaker #2

    Elle pense beaucoup en images. Je pense que quand on n'a pas de mots pour penser, on s'appuie sur des images. En s'appuyant sur des images, elle peut nous dire comment elle va. Ce ne sont pas des signes. Quand c'est tellement profond, elle va aller chercher des images pour nous dire. La CA, ça exige quand même qu'on se branche un peu sur l'autre. C'est-à-dire qu'on n'aurait pas eu les signes, les pictos, les images, elle serait devenue folle, mais je me dis moi aussi avec. Parce que c'est terrifiant d'avoir un enfant, un adulte qui se fracasse. C'est terrible. Donc, il faut y aller. Alors, dans la CA, la démarche CA, il y a aussi l'idée, on dit qu'il faut leur donner des signes, des pictos, des tablettes, parce qu'ils ont des troubles du comportement. Et c'est vrai, après, ça pèse. Mais même s'ils gardent leur trouble du comportement, il faut leur donner des signes des pictos parce que c'est un droit humain de communiquer. On ne leur donne pas des outils de communication parce qu'ils sont emmerdants et tout ça. On leur donne des outils de communication parce qu'ils sont humains et que c'est un droit de l'homme de communiquer. Même si les problèmes y restent, ils ont le droit de communiquer.

  • Speaker #0

    Je ne sais pas si le terme pictogramme, picto, est compréhensible pour tout le monde. On va beaucoup l'entendre dans ce podcast, alors autant bien définir les choses. Un pictogramme, c'est un dessin figuratif. Par exemple, le picto qui représente une personne handicapée, en général, c'est un bonhomme sur un fauteuil, mais très stylisé. Le picto tête de mort, ça veut dire danger. Le picto, c'est un des outils de la CA, mais on verra plus tard les outils. En attendant, ne vous inquiétez pas si vous ne saisissez pas tous les mots ni tous les concepts. Moi aussi, au début, j'étais un peu perdue. C'est normal, il faut du temps pour tout capter à la CA. Pour l'heure, on pose les bases. Et la base, déjà, c'est de comprendre ce que c'est de communiquer. Communiquer, c'est un processus par lequel on émet un message pour le transmettre à une ou plusieurs personnes qui le reçoivent et le décode si le langage est commun. Sinon, elles ont du mal. Marion Dohen est enseignante chercheuse en sciences cognitives. Elle travaille sur la CAA pour les personnes avec des troubles importants de la communication. Une personne idéale pour approcher un peu mieux la notion de communication. Parce qu'on confond souvent communication et langage, alors que le langage est juste un des moyens, parmi d'autres, de communiquer, et qu'il ne se limite pas à la parole en plus.

  • Speaker #3

    La parole, c'est assez facile, c'est ce qu'on est en train de faire là, c'est émettre des sons qu'on construit avec notre conduit vocal et ces sons-là... ils sont compréhensibles par la personne qui est en face de nous ou avec qui on parle, parce qu'on utilise un code commun que les deux personnes ou les X personnes connaissent. Et ce code commun, c'est ce qu'on appelle le langage. Et ce code, il peut être réalisé en utilisant la parole. La communication, en fait, c'est beaucoup plus large que juste la parole, puisque quand on... discute avec quelqu'un, on ne s'en rend pas forcément compte, mais on échange des informations beaucoup plus finalement par autre chose que la parole que par la parole elle-même. Il y a des études qui montrent que la parole, ça représenterait dans la communication parlée, donc ce qu'on est en train de faire là, ça ne représenterait que 30% à peu près de l'origine de l'échange d'informations. Et que tout le reste, les 70%, ça serait des choses qui sont très importantes dans la communication, mais qu'on véhicule. autrement que par la parole. Alors comment on véhicule ces informations ? On les véhicule grâce à des outils qui peuvent être à la fois des outils sonores, l'intonation, donc l'intonation c'est un petit peu la mélodie qu'il y a dans notre voix quand on parle, et en fait ça véhicule ça de beaucoup d'informations. Donc ça, l'intonation, ça fait partie de quelque chose qu'on appelle la prosodie.

  • Speaker #0

    Alors là, Marion m'a expliqué ce qu'est la prosodie. Ça comprend l'intonation qu'on vient de voir, mais aussi le rythme, en simplifiant, disons, la vitesse relative de ce que je dis, par rapport au reste de ce que je vais dire. Et puis c'est aussi l'intensité, la hauteur du son de ma voix. La prosodie, c'est tout plein de variables en rapport avec la voix, et ça a un impact majeur sur notre communication. En communication verbale, orale ou écrite, on utilise donc un langage. Un code qu'on a défini. Et on l'a défini de façon assez arbitraire. Écoutez ce qu'en dit Marielle Lachenal, la maman de Géraldine. Parce que ça aide bien à comprendre la suite.

  • Speaker #2

    C'est arbitraire un mot ça. Pourquoi on appelle un ballon un ballon ? Donc l'exemple, vous voyez, le ballon il se signe rond. Le pictogramme ballon il va être rond. Mais on aurait pu appeler un ballon une vache, pourquoi pas ? Et on aurait joué à la vache prisonnière. Et puis je vous aurais lancé la vache à crâne. Mais on n'aurait jamais signé ce jeu avec les cornes d'une vache. Donc le mot est arbitraire, le signe ou le picto ne sont pas arbitraires. Ils sont en lien avec le réel. Et du coup, pour des enfants qui ont du mal à accéder justement à ce qu'on appelle la fonction symbolique du langage, c'est-à-dire pouvoir mettre dans ma tête des choses et la façon dont on les nomme, c'est plus simple avec les mains ou le picto si j'ai du mal à comprendre le sens des mots. de dire que le mot est arbitraire, on peut aider les enfants ou les adultes à comprendre le sens des mots avec nos mains ou avec du visuel. Parce que c'est dur de se comprendre.

  • Speaker #0

    C'est dur, mais on va y arriver. Reprenons avec Marion Dohen, la chercheuse en communication, qui nous expliquait qu'au-delà du langage oral, beaucoup d'informations essentielles à la communication ne sont pas exprimées de façon sonore.

  • Speaker #3

    Il y a plein d'autres choses qui n'ont pas un rapport directement avec la voix. Et moi, je ne me suis plus particulièrement intéressée à mes recherches. aux gestes manuels, on appelle ça les gestes manuels communicatifs, tous ces gestes qu'on fait avec nos mains en même temps qu'on parle et qu'on fait de manière spontanée, c'est-à-dire que la plupart du temps, on n'est pas conscient qu'on fait ces gestes, mais pourtant, ils sont importants. Il y a des études scientifiques qui montrent, par exemple, qu'à la fois que quand la personne qui parle ne peut pas produire des gestes, par exemple parce que ses mains sont occupées ou parce qu'on l'empêche d'utiliser ses mains, en fait, elle va avoir plus de mal à parler. Et puis, il y a des études qui montrent aussi qu'il y a certaines informations qui ne sont pas présentes directement dans la parole et qui sont pourtant perçues par l'interlocuteur et que l'interlocuteur est incapable de dire si les informations qu'il a perçues venaient de la parole ou d'autres choses.

  • Speaker #0

    Vous suivez ? La communication, c'est un ensemble de modalités. On n'utilise jamais que la parole. La communication est naturellement multimodale, et parfois sans parole du tout. Prenez la langue des signes. Alors la langue des signes, c'est très codifié, mais il y a aussi plein d'autres façons de communiquer par les gestes.

  • Speaker #3

    Par exemple, on est capable de communiquer, d'improviser des choses pour communiquer avec quelqu'un s'il y a tellement de bruit qu'on ne peut pas l'entendre. On va se mettre spontanément à faire des gestes avec nos mains, on va se mettre... spontanément à s'adapter. Et puis, toutes ces techniques naturelles d'adaptation, on peut essayer aussi de les apprivoiser, de les développer, de les amener plus proche d'un code, pour qu'elles puissent servir aux personnes qui n'ont pas forcément accès à la parole pour X ou Y raisons, et notamment aux personnes qui ont un handicap.

  • Speaker #0

    Et notamment, un handicap de communication. La communication non-verbale, c'est capter tout ce qui n'est pas exprimé par le langage oral. Et alors, qu'est-ce qui différencie la multimodalité de la CA ? Parce qu'on peut avoir l'impression que c'est un peu la même chose. Et ça, c'est une autre grande spécialiste de la communication qui travaille beaucoup sur la CA, Amélie Rocher-Capelan, qui me l'a expliqué. En plus d'être experte en sciences du langage, Amélie est aussi maman. Entre autres, d'une petite Jolène qui est née avec le syndrome d'Angelman. Pour faire court, le syndrome d'Angelman, c'est un trouble du développement neurologique. Il se caractérise par beaucoup de joie, mais aussi une absence de langage et des troubles intellectuels et moteurs sévères. Alors Amélie, quand est-ce qu'on est passé de la multimodalité à la CA ?

  • Speaker #4

    On n'est pas passé de l'un à l'autre en fait. Le truc, c'est que la CA, c'est de la multimodalité. C'est... La CA, c'est de la multimodalité. C'est juste que la CA, c'est un domaine qui vient de la clinique et qui a été un peu formalisé en clinique par les orthophonistes, les ergothérapeutes. Donc, à la base, c'était pour désigner une prise en charge spécifique des troubles du langage en clinique. Et d'ailleurs, la CA, c'est de la multimodalité. En fait, le petit être humain, quand il naît, il n'est pas formaté pour apprendre la parole, contrairement à ce que beaucoup de gens... pensent. En fait, on a des fonctions biologiques qui permettent d'apprendre la parole. On va utiliser la parole parce que il y a plein d'hypothèses sur les origines de pourquoi on parle et pourquoi on gestualise pas. Donc, il y a plein d'hypothèses différentes. Une des hypothèses, c'est que la parole, elle a libéré la main. Du coup, on peut parler sans utiliser nos mains. Donc, c'est pratique. On peut l'utiliser à distance, etc. Mais en fait, un bébé, s'il naît dans un milieu où les gens signent, il va apprendre la langue des signes. et son langage à lui naturel, ça sera la langue des signes. Donc un des gros soucis qu'on a en communication alternative et augmentée, c'est souvent qu'en fait on confond communication, langage, parole. Et ça pose des problèmes parce qu'on ne peut pas réduire le langage à la parole.

  • Speaker #0

    Donc, ce que nous dit Amélie, c'est qu'il n'y a pas la multimodalité d'un côté et la CAA de l'autre. La CAA pourrait être englobée dans la communication multimodale. Un des enjeux de ce podcast, c'est de sensibiliser à cette multimodalité de la communication, parce qu'elle est présente dès le début pour tout être humain.

  • Speaker #4

    Le petit bébé, quand il naît, il émet des signaux, l'environnement va répondre à ces signaux. Ces signaux, c'est souvent des pleurs, ça va être des expressions faciales. Tout à l'heure, Marie-Anne a parlé des gestes manuels, mais il y a énormément de travaux sur les expressions faciales en communication non-verbale. Ça va être des postures qu'on a chez le petit bébé, il va se contracter. Et ça, c'est des choses auxquelles on va répondre quand on a un parent qui est capable de reconnaître ça et de prendre soin de son bébé et de lui répondre à ses signaux. Et petit à petit, le bébé va sélectionner les signaux qui lui procurent des sensations agréables et qui lui montrent qu'il peut agir sur l'environnement. Le problème, c'est que quand les bébés n'émettent pas les bons signaux ou qu'ils n'en émettent pas beaucoup, comme c'était le cas de ma fille, l'environnement, s'il n'est pas conscient que... Ce n'est pas parce que l'enfant n'émet pas les signaux normaux et qu'il ne parle pas qu'il n'envoie pas des signaux. Il ne va pas voir ces signaux, il ne va pas les comprendre. Et du coup, soit ça peut arriver qu'il y ait des cas de maltraitance, mais bon, en tout cas, ce n'est pas les parents que je connais, moi. Il ne faut pas dire... Il y a de la maltraitance qui se met en place aussi avec des enfants qui envoient les bons signaux. Mais du coup, que ce soit la maltraitance qui va envoyer des signaux négatifs ou la négligence qui ne répond pas aux signaux, ça fait que le bébé, petit à petit, va de plus en plus se renfermer sur lui et qu'il va avoir tendance à avoir des mouvements de balancement, comme je suis en train de faire là. Enfin, il va chercher des mouvements qui vont lui procurer des sensations à lui. En fait, il va s'auto-stimuler, se toucher le visage, beaucoup mettre ses mains à la bouche, voire se taper des fois. On appelle ça maintenant des comportements problèmes ou des comportements défis. Mais en fait, c'est juste parce que, en fait, comme il ne reçoit pas... de renforcement de l'extérieur, il va se procurer ses propres sensations à lui.

  • Speaker #0

    C'est super intéressant tout ce que raconte Amélie. Les comportements défis, dont parlait Marielle Lachenal tout à l'heure, c'est quand un enfant, avec ou sans handicap, émet des signaux qui ne sont pas pris en compte et qu'il va exprimer ce qu'il ressent de façon plus perturbante, disons.

  • Speaker #4

    La CA, elle est là pour éviter ça en fait. L'idée c'est qu'on va prendre en charge de manière le plus précocement possible les enfants. Les bébés qui n'émettent pas des signaux. Et en fait, n'importe quelle personne qui n'émet pas des signaux normaux ou qui n'en émet pas assez, elle devrait utiliser de la CA tout de suite. Et on a encore des gros soucis aujourd'hui parce que souvent, les médecins pensent encore, pas que les médecins d'ailleurs, certains professionnels et certains parents aussi, mais les parents, on peut leur en vouloir un peu moins parce qu'ils ne sont pas censés être formés. Mais on va attendre que le bébé émette le signal pour lui donner un outil. et s'il signale il ne vient pas, du coup il ne donne pas, donc il va se mettre à développer tout ce que j'ai dit tout à l'heure, des comportements parasites, et on sait que dans 90% des cas, les troubles du comportement, ils viennent parce que la personne n'a pas le bon outil pour communiquer autrement que par ces troubles-là. On le voit chez les enfants, vous allez voir ma fille tout à l'heure, il y a deux ans, quand elle n'arrive pas à parler ou dire ce qu'elle veut, elle se roule par terre, elle crisse tout de suite, parce qu'elle sait qu'on ne va pas la comprendre. Et si elle arrive à faire un signe ou à montrer ce qu'elle veut autrement, elle ne va pas criser. Et le problème, c'est qu'en fait, on a tellement de l'impression que la parole, c'est naturel, que si on ne parle pas, c'est qu'on a un problème dans la tête et que de toute façon, il n'y a rien à faire. On n'a pas l'idée, en fait, ou on n'accepte pas bien le fait que communiquer par des gestes ou communiquer par des images, c'est tout aussi naturel pour l'être humain que de parler.

  • Speaker #0

    Dès la naissance, un enfant communique. Il va donc acquérir le langage oral, par exemple, parce que des personnes lui parlent et qu'il baigne dans ce langage. Ça stimule son cerveau et c'est de faire l'expérience du langage qui va faire qu'il développe sa compétence langagière. À l'inverse, un bébé à qui on ne communique pas ne va pas développer le langage. Il faut donc communiquer le plus tôt possible et par tous les moyens possibles avec un enfant qui a un handicap de communication, pour le stimuler. et développer avec lui un langage alternatif. Et ce n'est pas Elisabeth Katex, ergothérapeute et pionnière de la CA en France, qui va me contredire. Enfin, j'espère, sinon j'aurais l'air maligne.

  • Speaker #5

    Si nous, nous créons de la communication alternative autour de la personne, si nous, nous parlons la langue de la personne, a priori en France, la langue française, si nous lui parlons français, mais en même temps qu'on lui parle, qu'on signe... Un signe par phrase. Le signe important, on va à la piscine. Et je signe le signe piscine. Et je montre éventuellement aller piscine en pictogramme, si j'arrive à être trilingue. Je ne peux pas toujours être trilingue, mais si j'y arrive, ou en tous les cas que j'arrive à régulièrement, fréquemment, toute la journée, montrer à la personne qu'il y a de la communication alternative et améliorée dans son environnement, que les mots existent. que les mots existent autrement que par l'oral. Si j'arrive à lui montrer ça, c'est-à-dire lui ouvrir le monde sur le langage, mais qui ne sera pas le langage, qui ne passera pas par la langue orale, je différencie bien langage de langue, si on arrive à créer un bain de langage alternatif, il y a plein de personnes dont on n'aurait pas dit qu'elles étaient capables qui vont s'en saisir. qui vont montrer qu'elles comprennent quand on leur montre des images et qui vont montrer qu'elles comprennent les mots quand on leur fait des signes.

  • Speaker #0

    C'est très important ce que dit Elisabeth Katex. Si on ne donne pas accès à la communication, on ne peut pas savoir de quoi une personne est capable. Pendant longtemps, on a d'ailleurs mis sur le compte de la déficience intellectuelle, ce qui relevait du handicap de communication. Écoutez ce que me racontait Elisabeth sur ses débuts en tant qu'ergothérapeute.

  • Speaker #5

    De la part d'un grand ponte, j'ai entendu il parle pas, il pense pas Et alors là, avec... L'équipe qui m'encadrait, l'ergotérapeute qui m'encadrait, on était déjà persuadés que, justement, derrière cette impossibilité de parler, il y avait une intelligence, il y avait des capacités, il y avait des possibilités de partager quelque chose avec ces gens, en gros, de communiquer, mais de manière alternative, parce qu'effectivement, ces adolescents de 14, 15, 18 ans, ils ne parlaient pas, ils ne parlaient pas la langue française et ils ne parlaient pas avec leur bouche, leur... leur fonction orale.

  • Speaker #0

    Accéder à la communication c'est un droit fondamental, ça devrait l'être en tout cas. Les incapacités temporaires ou permanentes de communication devraient être compensées pour impacter le moins possible les relations humaines. C'est pour ça que la CA est une des mesures phares de la conférence nationale du handicap qui en parle comme de la première brique de l'autodétermination. Parce que la CA va permettre de donner de la voix à celles et ceux qui n'en avaient pas pour qu'ils puissent exister socialement. Et pour exister socialement, il faut pouvoir communiquer. Écoutons Stéphane Julien. Il est orthophoniste, basé en Suisse, et c'est un spécialiste des questions d'accessibilité à la communication, notamment pour les personnes polyhandicapées ou avec des déficiences intellectuelles.

  • Speaker #1

    La France, la Suisse, la Belgique, en fait beaucoup de pays francophones. ont signé la Convention relative aux droits des personnes en situation de handicap. Dans cette convention, qui engage nos différents pays, la question de la participation est systématiquement citée. Et évidemment, la France et les différents pays francophones sont engagés légalement dans le fait de garantir la participation des personnes avec handicap et donc handicap de communication pour ce qui nous concerne aujourd'hui. La question de la protection aussi des personnes, de la maltraitance. Il faut savoir qu'il y a aussi dans la littérature une quantification du fait que quand on est une personne avec handicap, déjà, mais en fait avec handicap de communication, on est susceptible de subir des violences, des abus, qu'évidemment avec le handicap de communication, le fait de ne pas pouvoir dénoncer ces abus, le fait de ne pas pouvoir dénoncer les personnes qui nous ont fait subir, multiplie le fait de subir ces maltraitances, ces abus sexuels. Donc ça engage les proches. L'État, les institutions, a protégé ces personnes avec handicap de communication. Donc c'est essentiel, la sensibilisation de la société civile.

  • Speaker #0

    La société civile, c'est vous, c'est moi. Il faut que tout le monde s'empare du sujet, parce qu'il faut être plusieurs pour communiquer. On ne communique pas tout seul. Et le handicap de communication, il a cette petite subtilité d'être un handicap partagé.

  • Speaker #1

    Le handicap de communication, c'est invisible, on ne l'observe pas. On peut l'expérimenter, mais on peut très bien passer à côté de certaines personnes qui ne pourraient pas participer à certaines interactions parce qu'elles seraient tout simplement laissées de côté. C'est un handicap invisible. La notion de handicap de communication, c'est un handicap partagé. C'est-à-dire que si vous avez un handicap de communication et que je cherche à communiquer avec vous, si vous ne comprenez pas mes mots, Si vous avez du mal, vous, à vous exprimer, ça va être plus compliqué pour moi de savoir comment je m'ajuste.

  • Speaker #0

    S'ajuster à la situation, c'est essentiel. L'environnement joue un rôle clé non seulement dans le développement du langage, mais aussi dans la communication tout au long de la vie. Ce que m'a très bien expliqué Stéphane Julien, c'est que le handicap de communication engage tous les partenaires potentiels de communication dans l'environnement social de la personne. Tout le monde, en fait. Parce que notre environnement social, c'est les proches, mais c'est aussi l'État, les professionnels, les institutions, etc. Ce n'est pas un hasard si on parle de situation de communication, parce que la communication existe dans un contexte interactionnel et dépend fortement de celui-ci. C'est pour ça que Stéphane pose la question de savoir comment on s'ajuste, mais aussi comment on ajuste l'environnement.

  • Speaker #1

    La communication alternative et améliorée, c'est en fait surtout l'ajustement de l'humain. Donc, ça veut dire que si une personne a un handicap de communication, moi, il va falloir que je m'ajuste naturellement. Il va falloir que j'essaye de faire que la personne puisse maximalement me comprendre. Alors, pour ça, je vais utiliser peut-être des outils et des moyens, mais c'est surtout que je vais essayer d'ajuster la complexité des énoncés que je vais produire. Je vais jouer sur mon débit. Je vais peut-être insister sur certains mots. Donc, avant les outils, il y a évidemment l'ajustement de l'humain. Et puis... il y a aussi l'aménagement du contexte. Si j'ai une personne qui a des grosses difficultés, ne serait-ce qu'à comprendre son environnement, il y a plein de choses qu'il va falloir que je limite en termes de bruit, en termes de stimulation, ne serait-ce que des stimulations visuelles. Peut-être qu'il va falloir qu'elle comprenne que je suis en train de rentrer en contact avec elle.

  • Speaker #0

    Une autre des voix de ce podcast que j'ai envie de vous faire écouter, c'est Marie-Christine Rousseau, interniste infectiologue de formation, praticienne hospitalière, Elle est responsable de la recherche pour la Fédération du polyhandicap de la PHP. Lors de notre entretien, elle m'a dit qu'elle était un monsieur Jourdain de la CA et qu'elle en faisait sans le savoir. C'est très vrai, je pense. Dans son travail auprès des personnes polyhandicapées, il y a une situation dont elle parle très bien, c'est l'entrée en communication. Comment les préalables à la communication sont en fait déjà de la communication ?

  • Speaker #6

    Je vais donc en communiquer. C'est moins le contenu que la façon dont on va le faire qui va compter, c'est-à-dire votre prosodie, votre ton apaisant, votre geste qui doit être aussi apaisant et qui doit vraiment communiquer le contenu de ce que vous voulez émettre. Il faut aussi veiller, bien sûr, à se mettre dans l'axe du regard, du regard qui parfois se détourne. Donc là aussi, on voit la personne, mais il faut veiller à en être vu. Il y a une approche de nos regards pensée possible. De toute façon, une personne, on honore son humanité en communiquant avec. Donc même quelqu'un qui est plongé dans un coma que l'on peut imaginer assez profond, il peut se passer des choses, il se passe forcément des choses. De toute façon, ce qui se passe ou ce qui ne se passe pas, on ne l'atteint pas. En accueillant les personnes en état végétatif chronique dans le service, face aux arrois des soignants, on avait fait une petite tentative qui consistait à enregistrer la fréquence cardiaque de la personne et ensuite je m'approchais, je parlais et touchais la personne doucement et on observait que la fréquence cardiaque diminuait progressivement. C'est-à-dire que même pour ces personnes dans des comas jugés très profonds et un peu sans appel, il y avait un ressenti de la personne en face face à la tentative de communication. Donc toute personne humaine, on respecte son humanité en rentrant en communication. On est l'émetteur, on ne sait pas ce qui va être reçu, mais il est forcément reçu quelque chose, quelque chose qui est dans l'infra-verbal, quelque chose qui est dans l'émotion que l'on transmet, plus que dans un contenu verbal. Je crois qu'un être vivant, ça… Ça se respecte, ça se respecte par une tentative de communication et par aussi, la communication c'est dans les deux sens, c'est émettre un message mais aussi être prêt à en recevoir. Et en recevoir selon des modalités qui ne sont pas forcément les nôtres propres.

  • Speaker #0

    Marie-Christine Rousseau nous invite à être attentif à l'autre. Pour entrer en contact, il faut aussi savoir capter les réactions d'une personne, même infimes. Et la qualité de notre réception fait souvent défaut. On va s'arrêter là pour aujourd'hui. Retenez que la CAA, c'est une invitation à communiquer autrement, parce qu'il y a mille et une façons de communiquer. Merci à Marielle Lachenal, Marion Dohen, Amélie Rocher-Capelan, Elisabeth Katex, Stéphane Julien et Marie-Christine Rousseau pour leurs témoignages si précieux. Et à Géraldine et Jolène, qu'on n'entendra pas, mais qui sont elles aussi très présentes dans ce podcast. Retrouvez les épisodes des voix de la CAA sur toutes les plateformes d'écoute.

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