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Les Sens de la Danse

Angelina Bruno : Quand la danse devient une force de résilience (1ère partie)

Angelina Bruno : Quand la danse devient une force de résilience (1ère partie)

39min |06/10/2024
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Les Sens de la Danse

Angelina Bruno : Quand la danse devient une force de résilience (1ère partie)

Angelina Bruno : Quand la danse devient une force de résilience (1ère partie)

39min |06/10/2024
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Description

Dans cet épisode des Sens de la Danse, j'ai l'honneur de recevoir Angelina Bruno, danseuse, chorégraphe et sophrologue belge.


Victime d'un accident tragique à 17 ans, Angelina a trouvé dans la danse une force de résilience qui l’a menée jusqu’aux cérémonies des Jeux paralympiques de Paris. Elle partage avec nous son parcours, ses combats, et la manière dont la danse lui a permis de se reconstruire physiquement et émotionnellement.


Découvrez comment elle a transformé la tragédie en inspiration pour des milliers de personnes.


Comment surmonter une épreuve aussi intense qu’un accident qui bouleverse une vie ?


C’est la question à laquelle Angelina Bruno répond avec une puissance et une authenticité rare.


À travers son témoignage bouleversant, elle nous montre comment la danse peut devenir un moyen de survie et de renaissance.


Un épisode rempli de résilience, d'émotions, et de moments inspirants.


Je vous souhaite une très belle écoute.


Vous pouvez retrouver toutes les informations la concernant sur son instagram : https://www.instagram.com/angelina.bruno/

et vous procurer son livre ici : https://www.editionsdurocher.fr/product/131373/danser-pour-surviv


Retrouvez des vidéos inédites sur les réseaux sociaux :


Le compte Instagram du podcast : https://www.instagram.com/lessensdeladanse.podcast/

Le compte Facebook du podcast : https://www.facebook.com/lessensdeladanse.podcast



Très belle écoute !



Hébergé par Ausha. Visitez ausha.co/politique-de-confidentialite pour plus d'informations.

Transcription

  • Sellam Myriam

    Les Sens de la danse, le podcast qui met de la conscience dans le mouvement. Ça y est, on y est, l'automne est là, fini l'euphorie des Jeux de Paris. À présent, le vent souffle, les jours raccourcissent, alors forcément, on a tous besoin de bonnes ondes positives et surtout d'inspiration. Et je pense avoir trouvé la personne idéale pour cela. Car aujourd'hui, j'ai l'honneur de recevoir Angelina Bruno, la danseuse, chorégraphe et sophrologue belge qui incarne la résilience. Vous l'avez sans doute vue briller lors des cérémonies d'ouverture et de clôture des Jeux paralympiques de Paris. Si elle a atteint ce niveau, c'est parce qu'elle a su surmonter des limites physiques. mais aussi psychologique, après un accident tragique.

  • Angelina Bruno

    On ne sait pas vraiment ce qui est arrivé ce jour-là, ou du moins pourquoi on a dérapé. Mais dans un virage, Massimo va perdre le contrôle de la voiture et on va se prendre le poteau électrique. Je vais me le prendre du côté passager, qui est souvent la place du mort. Et donc le poteau électrique va couper la voiture en deux. Je pense que c'est l'étoile de la portière qui... ont arraché mon bras.

  • Sellam Myriam

    Elle n'a alors que 17 ans. Cet accident aurait pu tout stopper, mais elle a trouvé dans la danse la force de se reconstruire.

  • Angelina Bruno

    À ce moment-là, je danse pour survivre. C'est-à-dire que quand moi, je vais à mon cours de danse, c'est le seul moment que j'attends de toute la semaine. J'y pense H24 parce que ça me fait quelque chose dans mon corps ou d'un coup. J'ai cette impression que c'est une bulle d'apaisement, que je sors de mon trauma, parce que dans mon quotidien, tout me rappelle ça.

  • Sellam Myriam

    Elle partage aujourd'hui son histoire dans un livre, dont la sortie est prévue le 16 octobre prochain aux éditions du Rocher. Et nous allons dès maintenant plonger dans son parcours fascinant. Préparez-vous à découvrir une femme exceptionnelle. Et si vous aimez le contenu, n'hésitez surtout pas à laisser 5 étoiles et un petit commentaire. Un immense merci pour votre fidélité et je vous souhaite une excellente écoute. Juste, la première question, comment tu te sens aujourd'hui, ça va ?

  • Angelina Bruno

    Ah, ça va très bien. Écoute,

  • Sellam Myriam

    je voudrais un peu qu'on commence par ton premier souvenir. Je sais que tu as commencé assez tard la danse, mais s'il y avait un premier souvenir qui te viendrait comme ça, ça serait quoi ?

  • Angelina Bruno

    Je pense que le tout premier, c'est... Je ne sais pas comment vous appelez ça en France. Nous, en Belgique, la fête de fin d'année de l'école primaire. On appelle ça une fancifère. Je pense qu'ici, en France, on appelle ça une... Attends, si ça porte un nom.

  • Sellam Myriam

    Je te laisse chercher.

  • Angelina Bruno

    Une... C'est ça. Non. Je sais qu'elle crée. Kermesse. Kermesse. Je devais avoir peut-être 6-7 ans. La professeure donne des petits steps et ça y est, c'est le moment qu'on doit montrer à tout le monde. Et je sais que je suis, mais à fond. Je sens qu'il y a quelque chose, mais je suis petite, donc je ne prends pas encore forcément conscience. Mais je sais qu'à la fin, tout le monde vient me voir en me disant t'as trop bien dansé Après, je suis une enfant, mais j'ai bien conscience quand même qu'au niveau du rythme, il y a quelque chose qui se passe dans mon corps. Donc ça, c'est le premier souvenir.

  • Sellam Myriam

    Déjà là, il y avait quand même une petite étincelle.

  • Angelina Bruno

    Ah oui, oui. Mon jeu préféré quand j'étais petite, c'était de jouer la grande star. Donc je chantais et je dansais tous les jours. Et c'est ouf parce qu'on ne se rend pas compte, mais finalement, on s'entraîne à chanter. Je m'entraînais à chanter et à danser sous forme de jeu. Et donc quand je vais passer ma petite communion, parce qu'on est chrétien dans la famille, quand je passe ma communion, on est à l'église et on est en train de chanter les chants qu'on va présenter. Et au moment où je chante, j'ai celle qui dirige le... cours qui s'arrête et qui dit, mais qui chante comme ça ? Et elle s'assoit à côté de moi et elle me dit, non mais toi, tu vas chanter toute seule. Et donc, je me souviens à quel point j'étais impressionnée. C'était la première fois lors de ma petite communion. Et après, tout le monde voulait prendre des photos avec moi. J'étais là, ouais, je suis une petite star !

  • Sellam Myriam

    Déjà au début, il y avait cette envie.

  • Angelina Bruno

    Oui, je pense. En tout cas, cette envie d'être vue.

  • Sellam Myriam

    Il y a aussi dans ton livre, parce que j'ai eu le plaisir de le lire, il y a un moment, tu es avec des amis et tu as un espèce de lâcher prise. Est-ce que ça, j'ai l'impression que c'est aussi un moment qui est important pour toi lié à la danse ?

  • Angelina Bruno

    Oui, là j'avais 16 ans à ce moment-là. On commençait une petite soirée entre copines, soirée dans les appart, etc. Et je pense que ça a été un début de quelque chose avant que tout vienne. à être bouleversée. Je commence à danser, ben voilà, comme en soirée. Dans le regard de mes amis, je me rends compte que j'ai quelque chose de différent quand je danse et j'ai une manière de prendre la musicalité différente. Là où une personne peut-être lambda prend le rythme, le bumba, boum, ka, boum, eh bien, je suis tout de suite lyricale. Ça veut dire que je suis très sensible à plutôt les nuances qu'il va y avoir dans les... paroles et moi je danse sur les paroles ce qui forcément me donne un tout autre rythme mais qui fait que je suis comme à mon rythme et donc je vois que mes amis sont impressionnés et genre elles me regardent genre il y a quelque chose avec la danse et là va naître en moi le début d'une pensée de c'est vrai peut-être que voilà.

  • Sellam Myriam

    Et puis d'être vue d'être justement reconnue parce que tu es quand même issue d'une famille où au départ en tout cas c'était pas forcément facile... d'être regardée.

  • Angelina Bruno

    Oui, exactement. Oui, je pense que c'est pour ça que je suis un petit clown depuis petite. Je tends à ce qu'on me voit, à ce qu'on me remarque. Et donc, je faisais plein de spectacles. Enfin, tout ce que je pouvais possible pour que mes parents, même la famille, puissent me regarder. Donc, je pense que je ne suis pas une artiste par hasard. Et je pense qu'on essaye de combler nos névroses toute notre vie. Avec ce bel accent belge. J'adore.

  • Sellam Myriam

    Il va se passer un jour qui est le 8 août 2024. Tu as 20 ans.

  • Angelina Bruno

    Non, 2004.

  • Sellam Myriam

    2004, pardon, excusez-moi, ça fait 20 ans. Et c'est 2004. Tu as 17 ans.

  • Angelina Bruno

    Oui.

  • Sellam Myriam

    Et tu vis en Belgique, tu pars en voiture pour pique-niquer avec ton boyfriend de l'époque, Massimo, dont tu es follement amoureuse. Oui. Et là, il se passe quelque chose d'horrible.

  • Angelina Bruno

    Oui. On ne sait pas vraiment qu'est-ce qui est arrivé ce jour-là ou du moins pourquoi on a dérapé. Mais donc dans un virage, Massimo va perdre le contrôle de la voiture et on va se prendre le poteau électrique. Donc je vais me le prendre du côté passager, qui est souvent la place du mort. Et donc le poteau électrique va arracher la voiture en deux, va couper la voiture en deux. Ce qui fait que finalement le toit se retrouve recroquevillé entre moi et Massimo. Et donc de mon côté, il n'y a plus de portière. La portière s'est arrachée, s'est ouverte et je pense que c'est l'étoile de la... portière qui ont arraché mon bras. Parce que moi, je me suis, en réflexe, protégée le visage.

  • Sellam Myriam

    Non seulement il y aura ton bras, mais tu vas aussi avoir une commotion cérébrale, une fracture du bassin, du coccyx, et puis surtout une congestion pulmonaire qui va t'empêcher aussi de respirer.

  • Angelina Bruno

    Oui, complètement. Là, c'était... Je crois qu'en termes de survie et qu'en plus, on était complètement éloignés parce qu'on était sur un site nautique. pas du tout à côté de gros hôpitaux ou des accès aussi faciles. Donc, je vais vraiment lutter mais je pense que la vie, quand on y pense avec le recul, c'est pour ça qu'il y a un proverbe que j'écris dans mon livre et dont je dis, le chanceux est souvent celui qui l'ignore et c'est la vérité parce que ce jour-là, on a la chance qu'une personne nous suit, donc on se suit. Puisqu'on cherche tous un petit coin pour pique-niquer, c'est un lieu qui est connu pour ça. Et en fait, c'est un médecin généraliste qui part faire de la plongée avec sa femme qui nous suivait, qui assiste à l'accident. Et grâce à ce monsieur, j'ai pu, et Massimo évidemment, j'ai pu rester en vie. Et à la bonne étoile qui m'a maintenue en vie. Je pense que quand ce n'est pas l'heure, ce n'est pas l'heure. Même si on peut être dans des états incroyables. Mais ce monsieur avait une bombe d'oxygène dans son coffre, ce qui a pu m'aider à continuer à respirer parce que je n'arrivais plus à respirer et surtout je me vidais de mon sang.

  • Sellam Myriam

    Il y a 30 minutes pour que l'ambulance arrive, ce qui est énorme en fait.

  • Angelina Bruno

    Après coup, je me suis dit, je n'ai pas compris, enfin si j'ai compris après. Pourquoi je n'étais pas tombée dans le coma ? Parce que je le sentais. Ça veut dire que je ne peux pas vraiment l'expliquer avec des mots ou du moins ce n'est pas très représentatif du ressenti. Mais c'est comme si mon corps devait rester en tension. Si je relâchais cette tension, je mourrais. Je le sentais. Donc il fallait que je retienne ça pour rester en vie. Parce que déjà, je me dis, mais comment je n'ai même pas fait une hémorragie ? perdu, je sais pas combien de sang. Je me souviens à l'hôpital, tout début, qu'on m'a remis beaucoup de poches de sang. Comment j'ai pu quand même respirer et rester là, en conscience, pendant ces 30 longues minutes.

  • Sellam Myriam

    Tu t'es vraiment raccrochée à la vie, on sent que c'était un véritable combat.

  • Angelina Bruno

    Je pense que là, ce n'est pas moi qui ai décidé quoi que ce soit. Je pense que l'instinct humain est merveilleux. Je pense que... Notre intelligence, parfois, nous éloigne de nos instincts primaires. Il y a vraiment un conflit entre les pulsions et puis l'intelligence. Je pense qu'elle nous éloigne aussi de la vie, de la terre, des animaux et de ce qui nous relie à eux au niveau primaire. Et là, l'instinct de survie met à une puissance. Mais c'est incroyable. Genre, je me suis raccrochée à la vie. Genre, je voulais vivre. C'est devenu un truc viscéral de je ne peux pas, je ne peux pas mourir Je répétais ça en boucle parce que je sentais que je mourrais, je sentais que je partais. Et je regardais ce monsieur qui me rassurait énormément parce qu'il avait une tête de grand-père. Et donc, il avait une barbe, je me souviendrai, toujours toute blanche. Et ça me rassurait de le regarder. Je lui disais je vais mourir, je vais mourir Il me disait mais non, tu ne vas pas mourir Et qu'est-ce que ce monsieur m'a... Qu'est-ce qui m'a aidée vraiment à rester et à me sentir un peu plus en sécurité, quoi.

  • Sellam Myriam

    Allez, tu me dis, si je me trompe, cette envie viscérale de vie, depuis, elle ne t'a pas lâchée, quoi.

  • Angelina Bruno

    Non, c'est fini. C'est fini. Je pense qu'on vit tous avec une pulsion de vie et une pulsion de mort. C'est là où on comprend la dépression et... Et le suicide, c'est quand la pulsion de mort a pris le dessus sur la pulsion de vie à des stades différents. Mais c'est vrai que la mienne, depuis ce jour-là, mais mon Dieu, la pulsion de mort a pris plus de place dans des deuils. C'est humain, mais je veux dire, je suis une amoureuse de la vie. Et je pense que la gratitude, depuis là, est restée très importante et m'offre beaucoup de bonheur et de positif. Parce que se rendre compte au quotidien qu'on a de la chance, en fait, c'est quelque chose qui vous tient et qui vous maintient et qui vous donne une pulsion aussi.

  • Sellam Myriam

    Tu vas avoir quand même énormément de problèmes. Il faut réapprendre à tout faire, finalement. Oui,

  • Angelina Bruno

    complètement. Du jour au lendemain, vous mettez une main dans le dos. Évidemment, votre main de réflexe. Eh bien oui,

  • Sellam Myriam

    évidemment.

  • Angelina Bruno

    Voilà. Et donc vous la mettez dans le dos et puis vous dites, allez, c'est parti, habille-toi, écris. En fait, ma vie est devenue un enfer. Je me suis rendu compte que tous les gestes du quotidien devenaient un problème pour moi. Tout, mais tout. On ne se rend pas compte, c'est tellement des petites choses. Juste ouvrir son sac, on le fait à deux mains. Ouvrir son portefeuille. Comment je l'ouvre et je le tiens en même temps pour aller chercher quelque chose dedans ? C'est des bêtises, mais tout devenait pour moi un problème. Quand je suis rentrée à la maison, ça a été la dévastation.

  • Sellam Myriam

    Et tes parents, parce que tu as à cette époque-là 17 ans, comment est-ce qu'ils t'ont soutenue dans cette épreuve ?

  • Angelina Bruno

    Je pense qu'ils étaient eux-mêmes complètement dévastés. parce que bon ben, eux ils ne m'ont pas vue. Bien sûr, ils se sont un peu rendu compte que j'ai failli mourir, puisque quand on va les prévenir, le policier leur dit on ne sait pas si elle a survécu, donc ils font la route du Charleroi à Bruxelles, donc c'est quand même plus d'une heure de route, en se disant que je ne suis peut-être plus là. Mais malgré tout, mon expérience et leur vision des choses étaient totalement différentes, donc ça veut dire que pour eux, ma vie était... terminée, genre. J'étais devenue handicapée. Et j'étais un peu résumée à ça. Chose pour laquelle je me suis beaucoup battue ou je me suis rendue compte. C'est cool parce que ça m'a fait grandir d'un coup et je me suis rendue compte que la vision de mes parents n'était pas du tout la réalité. Chose dans laquelle je n'étais pas encore sortie. C'est quelque chose qui était encore fusionné avec ma vision. Ce que pensent papa et maman de moi est la réalité. C'est une chose normale quand on est enfant. Mais quand on grandit et qu'on fait une bonne crise d'adolescence que je n'ai pas faite, eh bien, on peut se détacher de ça et créer sa propre personnalité. Je n'étais pas encore dans ce travail-là quand ça m'arrive à 17 ans. Donc, je pense que mon papa, on repart dans quelque chose d'ancien. Ça veut dire que pour lui, je redeviens un enfant puisqu'il doit tout faire à ma place. Donc, on repart dans un peu une régression. Je pense qu'ils ne gèrent pas ma frustration. J'essaye de... Enfin, c'est pas que j'essaye, c'est que je masque mes émotions pour les aider, en fait. Donc, je ne montre pas à quel point je souffre. C'est là où je dis cette phrase de Bob Marley qui a vraiment guidé ma vie. Donc, tu ne sais à quel point tu es fort jusqu'au jour ou être fort devient la seule option. Mais c'est vraiment ça, pour moi. Ça veut dire que je n'avais pas d'autres possibilités parce que je voulais aussi protéger mes parents sur la douleur. Donc, mon père est en surprotection, ce qui ne m'aidait pas non plus, parce que je voulais absolument y arriver toute seule. Et ma maman était complètement perdue sur comment réagir.

  • Sellam Myriam

    Ton rapport à ton corps, il est comment à ce moment-là ?

  • Angelina Bruno

    Il est complètement bouleversé. Il est un peu comme les psychotiques peuvent avoir. Ça veut dire que mon schéma... corporelle, n'est plus du tout structurée. C'est pour ça que la danse m'aide beaucoup parce qu'elle a une puissance incroyable sur la structuration. Donc, d'un coup, c'est comme si parfois on voit les dessins des psychotiques quand ils dessinent leur corps, ils mettent parfois le bras là, la tête là. Donc, il y a vraiment une forme de déstructuration de mon corps où j'ai une partie de mon cerveau qui pense que j'ai toujours mon bras. C'est pourquoi j'ai des douleurs fantômes. C'est pourquoi quand je vais rater une marche des escaliers, je vais tout de suite mettre mon bras droit. Parce que pour mon cerveau, il existe toujours. Sauf qu'il n'est plus là. Donc quand j'ai mal, je sens toujours mes doigts, je sens toujours ma main, ce qui est très, très bouleversant parce que je ne comprends pas. Donc c'est vrai qu'au départ, je continue ma vie en pensant toujours que j'ai mon bras. Donc je ne regarde pas mon bras. Même si j'ai conscience qu'il est là, mais je ne le regarde pas. C'est un peu comme toute personne qui a un gros complexe physique, ne se regarde plus. Et c'est quand on se voit en photo que là, on a le... Parce que même quand je me regarde dans le miroir, je vais regarder toute cette partie-là. Mais je ne vais plus regarder mon corps. Et c'est là où la danse arrive et où elle est si thérapeutique que même elle n'a pas été dirigée pour moi de base pour ça. Qu'est-ce qu'elle m'a aidée à reconstruire mon schéma corporel ?

  • Sellam Myriam

    Alors justement, comment est-ce que tu y arrives à ce moment-là ?

  • Angelina Bruno

    En fait, j'y arrive très vite et fort heureusement pour moi. Je pense qu'un an après d'être rentrée à la maison, d'avoir eu ma dernière opération...

  • Sellam Myriam

    Parce que tu en as eu beaucoup maintenant.

  • Angelina Bruno

    Oui, j'en ai eu beaucoup. Oui, parce que vraiment, au-delà du choc post-traumatique qui, évidemment, m'a pris beaucoup, beaucoup d'énergie, toutes les anesthésies. général que j'ai eu, ont flingué mon métabolisme. Toute la dose de médicaments que j'ai eu d'antibiotiques ont flingué toute ma condition physique. Donc, un an après, je retourne voir le docteur en disant Mais je n'arrive plus à rien faire, en fait. J'ai des migraines tout le temps. Je dors 12 heures par jour ou alors je ne dors plus du tout. Je suis complètement... déstructuré aussi dans mon rythme de vie, mon corps. Enfin, je suis vraiment une morte vivante. Je revois des photos de moi à cette époque. Je me dis, vous voyez cet arbre qui a subi un raz-de-marée et qui d'un coup est tout nu. Et il n'a plus de feuilles, il n'a plus rien, il a maigri. Mais il est toujours là. Mais c'était moi. J'avais vraiment cette sensation de, mon Dieu, il y a encore un petit souffle dans ce corps. Mais waouh ! Il ne reste plus grand-chose. Mais c'était un peu ça. un an après, je retourne le voir en disant mais je n'y arrive pas, je n'arrive plus à aller à l'école, je n'arrive plus à tenir le rythme. Et donc, il me dit que c'est les conséquences qu'en vrai, on ne se remet jamais d'un choc pareil. En soi, c'est déjà bien que je sois en vie maintenant. Il y a des conséquences. Il me dit que j'ai le corps d'une femme d'une quarantaine d'années maintenant, dans un petit corps d'une ado de 17 ans. Chose que je ne comprends pas. puisque je n'ai jamais été jusque là. Oui, je vois autour de moi, mes parents dirent, je suis fatiguée, je suis fatiguée. Mais je ne conscientise pas ce que ça veut dire vraiment. Donc, il me dit de faire un sport. Peut-être que ça va m'aider à reprendre un petit peu un rythme et à me donner de la force. Et c'est là que je me dis, vu ce qui s'est passé avant, vu mon lien avec la danse et l'école où je passais souvent devant en voiture avec Massimo. Quand on se baladait, on passait souvent devant et je me suis dit, je vais peut-être tester la danse juste pour voir.

  • Sellam Myriam

    Juste pour voir.

  • Angelina Bruno

    Juste comme ça.

  • Sellam Myriam

    C'est un hasard. On va voir ce qui va se passer.

  • Angelina Bruno

    Exactement. Quand je pousse les portes de cette école qui s'appelait Modino, parce qu'elle n'existe plus, à l'époque tenue par David et Franco, donc David qui aujourd'hui a une école à Charleroi, qui a sa place et qui est connue de tout, ce qui s'appelle Toumad. Et bien quand je pousse les portes de cette école, évidemment comme je l'ai précisé, c'était hip-hop. Je n'ai pas poussé les portes d'une école contemporaine ou classique.

  • Sellam Myriam

    Pourquoi d'ailleurs ?

  • Angelina Bruno

    Ah, parce que je pense que je suis hip-hop, je le suis dans l'âme. Quand j'étais gamine, je traînais dans une cité et on passait nos journées à écouter du rap français. Il y a une soul dans le hip-hop sur lequel je me sens tellement proche. Il y a une sorte de... Ben, c'est pas une sorte, il y a une revendication. Il y a un bon... Si personne ne m'écoute, je vais choisir l'art pour qu'on m'entende sur ce que je vis. Parce qu'avant, c'était ça. Maintenant, ça a changé. Mais avant, les gens expliquaient simplement leur quotidien et leurs blessures pour qu'au moins quelqu'un les entende. Et toutes les injustices qu'ils pouvaient vivre avec le racisme, la police, etc. Donc, je me retrouve beaucoup dans cette énergie-là. C'est pour ça que moi, le hip-hop m'a tout de suite attirée. J'avais fait de la danse classique quand j'étais petite. Je me souviens que j'avais été une des favorites de la prof parce que j'étais extrêmement mince. Et très vite, je me suis sentie très mal à l'aise par ces traitements de faveur et par le fait aussi qu'elle me prenait tout le temps pour me comparer à des filles un peu plus fortes. Et donc, moi, ça me faisait tellement de peine. Je disais à ma maman que ce n'est pas bien, ça fait mal au... cœur assez petit et surtout ça créait la jalousie. Or moi, je ne voulais pas ça. Donc je me suis sentie très mal et j'ai codé ça comme si c'est ça la danse classique parce que voilà, c'était ma seule expérience. Je ne veux pas. Bref, tout ça pour revenir que quand je pousse les portes de cette école, il se passe plein de choses. Après, je ne vais pas tout expliquer. Vous allez lire mon livre. Je ne vais pas tout expliquer mais il va se passer. En tout cas, il va naître en moi quelque chose ce jour-là.

  • Sellam Myriam

    Pour qu'on puisse comprendre, parce que c'est quand même un moment important, ça va être quand même mélangé, ça va être dur, et en même temps, ça va te permettre en tout cas d'exprimer une colère.

  • Angelina Bruno

    Complètement, complètement. Bien sûr, ça va être tellement dur, parce que déjà, j'ai un problème avec mon schéma corporel, mais en plus de ça, j'ai aujourd'hui une mémoire traumatique. Donc forcément, une mémoire traumatique n'est plus du tout comparable à une mémoire saine qui fonctionne. très rapidement, où la faculté de concentration est rapide et où la psychomotricité, toutes ces choses-là sont quelque chose de normal. Moi, je n'arrive pas à retenir les chorégraphies. J'ai déjà un problème parce que j'ai très dur au niveau de ma concentration, mais ma mémoire a été complètement bouleversée puisque dans le choc post-traumatique, j'ai utilisé plein de mécanismes de défense, beaucoup de déni. beaucoup de refoulement. Donc, du coup, j'ai plein de parties que j'oublie de moi ou que je tente d'oublier de ma vie d'avant. Donc, c'est vrai que déjà là, je ne comprends pas. Je vois que j'ai beaucoup de mal. Et alors, j'ai un problème d'équilibre. Vraiment, chose que dès que je vais m'accroupir, je tombe genre à droite. Enfin, il y a un problème que dès que je fais une pirouette, c'est fini, je n'ai plus une notion de l'espace forcément puisque tout mon schéma... corporelle est bouleversée. Donc, c'est un des jours les très compliqués pour moi. Heureusement que j'ai encore cette perception d'avoir mon bras droit. Donc, quand on me demande de faire des steps à gauche et à droite, et la plupart des profs sont droitiers, ben, dans ma tête, je l'ai, la perception. Bon, elle ne se voit plus, mais moi, je l'ai. Mais donc, c'est pour moi ce jour-là, un réel casse-tête. Sauf que, à l'intérieur, donc ça, c'est tout ce qui se passe dans ma tête. Mais à l'intérieur de mon ventre, je ne comprends pas tout de suite, mais le son hip-hop, la percussion, l'énergie qu'il y a dedans est très strong. Et donc, on me demande de faire une chorégraphie hyper carrée avec à l'intérieur de moi un bouleversement où c'est le tsunami, c'est la guerre. Il y a des gens avec des bazookas et on me demande du coup de pouvoir exprimer dans une chorégraphie toute cette... Cette énergie-là, je vais utiliser le plus beau des mécanismes de défense parce qu'ils ne sont pas tous au même pied d'égalité. Il y en a qui nous font beaucoup de bien, il y en a qui sont très handicapants. Et donc la sublimation va arriver et je vais pouvoir détourner toute la colère qui n'est pas acceptable dans la société. Parce que le mouvement d'un petit enfant ou le mouvement d'une adolescente n'est pas le même mouvement qu'une adulte. C'est d'en vouloir aux autres alors que les autres, ils n'en peuvent rien. Moi, quand je vais à l'école, quand je m'assois sur ce banc et je regarde toutes mes copines et je vois tout le monde démarrer la vie, je vois tout le monde dans une aisance physique où elles s'habillent, elles sortent leurs plumiers, elles écrivent. Et moi, je me dis, mais pourquoi moi ? Je leur en veux. Je me dis, mais qu'est-ce que j'ai fait ? En fait, j'ai dû faire un truc de mal. Ça, c'est vraiment la pensée religieuse. J'ai vraiment dû faire un truc de mal. Je vois tout le monde parler du futur, mais moi, ça n'existe plus, le futur. Je n'arrive même pas à m'habiller toute seule. Donc, d'un coup, je ne peux pas la sortir, cette colère. Donc, je la retourne contre moi. Grâce à la danse, je vais pouvoir la sortir. Et c'est là où ça a un impact sur ma guérison incroyable.

  • Sellam Myriam

    Tu le sens à quel niveau ?

  • Angelina Bruno

    à tous les niveaux corporels et psychiques.

  • Sellam Myriam

    Tu as l'impression de revivre finalement.

  • Angelina Bruno

    Ah oui, ça veut dire que comme le nom de mon livre, à ce moment-là, je danse pour survivre. Ça veut dire que quand moi je vais à mon cours de danse, c'est le seul moment que j'attends de toute la semaine. J'y pense H24 parce que ça me fait quelque chose dans mon corps où d'un coup, j'ai cette impression que c'est une bulle d'apparition. où je sors de mon trauma, parce que dans mon quotidien, tout me rappelle ça. Parce que je suis encore dans tout ce processus de revalidation. Donc tout mon quotidien me ramène tout le temps à mon traumatisme. Et puis c'est bête, c'est des petites choses, mais la violence qui est à la télé, on ne se rend pas compte, la négativité à la télé, même ça, ça me ramène. Il y a du sang partout. Bon, après, mes parents ne sont pas comédies non plus. Ils sont films d'action ou thrillers ou voilà. Moi, je suis traumatisée. Même, je regarde le journal, on parle d'accidents, de... Waouh ! Et là, quand j'arrive à mon cours de danse, on appuie sur pause. Pendant une minute, tout s'arrête. Et je ne prends que du bonheur. Donc, pour moi, c'est vraiment la soupape. C'est mon moyen de survivre. Avant que ça m'aide juste à vivre, au départ, c'est mon moyen de survivre.

  • Sellam Myriam

    ça a été tellement une renaissance que tu vas changer de prénom, en tout cas dans ta tête. Parce qu'Angelina n'est pas ton vrai prénom.

  • Angelina Bruno

    Non, pas du tout. Comme je l'explique, et ça, ça va être intéressant à lire dans les détails, parce que là, on évoque, évidemment, on évoque en grande ligne. Mais c'est important pour moi de transmettre ça aussi dans mon livre, parce qu'Angelina est liée au regard des gens. Ça veut dire qu'au-delà de tout ce que je vivais au quotidien, Au départ, j'étais dans ma bulle puisque j'étais tout le temps à la maison. Mais quand il a fallu retourner à l'école et reprendre la vie du quotidien, c'est là où je me suis rendue compte qu'il y avait une des grandes difficultés pour moi supplémentaires, quelque chose auquel je n'avais pas encore fait face. Puisqu'à l'hôpital, c'est normal d'avoir des problèmes. Sauf que là, j'arrive dans le monde et là, le regard des gens arrive. Mon Dieu, mon Dieu. La difficulté et la souffrance pour moi d'être... sans cesse le centre mais plus de oh elle est mignonne mais le centre de elle est différente maintenant et qu'est-ce qui lui est arrivé et puis la pitié et puis waouh je me dis mais déjà j'ai tellement de difficultés au quotidien comment je vais faire pour survivre au regard des gens et c'est là où dans mon quatrième chapitre c'est Francine vs Angelina je vais créer Angelina Angelina, c'est un prototype. Angelina, c'est la femme que j'aurais rêvé d'être.

  • Sellam Myriam

    C'est la femme qui assume totalement ce qu'elle est. Celle qui a une aisance avec son corps. Mais genre, elle est hyper fluide. Elle a du charisme. C'est facile. C'est facile. Elle est là. Elle a une force attractive. Elle est rayonnante. Ça, c'était Angelina. Et donc, je l'ai créée très rapidement. Le déclencheur, ça a été ce premier jour à l'école de danse. Toutes les petites choses que j'ai vécues. Et je vais commencer à créer ce prototype pour survivre au regard des gens. Et c'est là qu'Angelina va naître.

  • Angelina Bruno

    On a toute envie d'être Angelina. On a toute envie, tu sais, dans les moments, évidemment qu'on a tous aussi des moments difficiles. On a envie effectivement d'incarner, d'avoir un archétype, quelqu'un qui nous... qui nous aide et qui nous dit t'inquiète, ça va aller, regarde, tu vas être une femme incroyable.

  • Sellam Myriam

    Complètement. C'est pour ça que je transmets, parce que le dire, c'est une chose, mais comment on fait pour le créer ? Comment on fait, du coup, dans la vie de tous les jours ? Et c'est là où, à travers ma danse-thérapie, c'est aussi ce que j'apprends. Parce que dans ma danse-thérapie, je mélange plein de choses, et notamment le théâtre, apprendre à faire semblant. Je me suis très vite rendue compte que tout ce qui se passe au... autour de moi, réagit en fonction de mon attitude. Et c'est là où je me suis dit, tiens, je vais physiquement me tenir d'une autre manière. Je vais donc faire semblant, puisqu'on est les histoires pour moi, on se raconte. Je vais juste me raconter une autre histoire et voir ce que ça fait autour de moi. Et donc, le résultat était immédiat. Et c'est là où Angelina a été ma protection aussi. Après, c'est... C'est difficile à comprendre, mais dans la pratique, ça se structure.

  • Angelina Bruno

    Parce que justement, après ce cours, tu vas faire quand même pas mal de cours de danse et tu vas lier ça finalement à la psychologie, parce que c'est quelque chose d'important pour toi. Et justement arrive cette envie de lier les deux et donc ce concept de danse express. Pourquoi danse express d'ailleurs ?

  • Sellam Myriam

    Je ne sais pas, parce qu'en fait, je me suis formée en danse thérapie. avec Benoît Lessage, qui est un des fondateurs de la danse thérapie ici en France. Mais sa danse thérapie ne raisonnait pas avec mon histoire. Par contre, il y avait des choses tellement intéressantes et importantes. Mais je me suis dit, OK, maintenant que j'ai tout ça, tous ces acquis, tout ce que j'ai appris et étudié, il faut que je fasse ma propre danse thérapie. Donc, créer quelque chose qui serait à moi unique. Et je me suis dit, il me faut un nom. Et donc, danse express, parce que la danse te permet d'exprimer, d'exprimer tellement de choses sans forcément y mettre des mots. Voilà, c'est pour ça que je trouvais ça très beau, l'association de danse express.

  • Angelina Bruno

    Il existe beaucoup de danse thérapie. Oui. Dans le process, qu'est-ce qui, à ton avis, se distingue des autres ?

  • Sellam Myriam

    En fait, je mélange vraiment... apprentissage dans la danse tout ce que ça m'a apporté tout ce que ça m'a permis donc j'ai testé aussi plein de styles de danse, je sais que j'utilise aussi le krump dans ma danse thérapie le krump qui est waouh, c'est vraiment pour le coup, c'est vraiment une danse, comme on dit ça réflexe, une danse animale c'est quelque chose qui vient nous chercher dans les tripes je pense que ce qui me différencie de certaines danseuses autre méthode de danse c'est que, bon bah déjà de par mon histoire évidemment, parce que d'abord c'est mon histoire avec moi, donc la danse c'est d'abord ma propre histoire de survie et aussi dans le process j'utilise énormément de techniques donc quand les gens souvent ils se disent, oui mais moi je ne sais pas danser ils ont l'impression que pour venir à un cours de danse thérapie il faut savoir danser, mais pas du tout les gars, arrêtez pas du tout en fait on met vraiment au service de la thérapie et la danse donc dans un premier temps moi ce que j'adore faire et ce qui est essentiel pour le travail et pour la continuité du travail c'est déjà de revenir à l'intérieur de soi donc de par plein d'exercices parce que par la voix ça ne va rester que dans la conscience c'est de se réapproprier son corps, de refaire une unité avec l'un Parce qu'on ne se rend pas compte, mais dès qu'on a un complexe, il y a une partie du corps qui est sans cesse rejetée. Sauf que dans cette partie du corps, parfois, vit des organes qui eux aussi, les petits loulous, sont rejetés. Donc dans un premier temps, c'est de se réapproprier, de revenir à l'intérieur. Comment on fait finalement ? Donc ça, j'ai un panel d'exercices pour ça. Ensuite, la deuxième étape, c'est le comprendre. Finalement, ok, d'accord. Bon, là, je suis revenue à l'intégralité, à l'intérieur. Ok, mais comment je fais pour le comprendre ? Parce que mon corps, au quotidien, me donne tellement d'indications. Il suffit de voir à quel point, quand on a peur, on a mal au ventre. On peut même aller jusqu'à aller aux toilettes, avoir des vomissements. Je veux dire, quand on a énormément de choses à gérer, on a la nuque bloquée, on a des problèmes de cervical. Enfin,

  • Angelina Bruno

    notre corps nous parle.

  • Sellam Myriam

    Voilà. Donc, moi, je dis toujours ça, c'est une merveilleuse phrase que j'adore, mais c'est vrai, c'est tout ce qui va pouvoir s'exprimer en mots ne se transformera pas en mots. Ça veut dire que notre corps nous donne plein d'indications et souvent, avant la maladie, il nous a donné plein de petits systèmes d'alarme. Donc déjà, pour moi, la danse-thérapie, c'est déjà une manière préventive de comprendre. Ça fait plusieurs fois que tiens, j'ai des petits lancements là, qu'est-ce que ça veut dire ? Aussi bien dans ma vie, dans mon rythme de vie, mon alimentation, etc. Mais aussi dans mes émotions. En second temps, pour moi, et c'est là où le processus est vraiment le plus pertinent, c'est que je vais travailler l'émotionnel. Ce qui nous rend malades, c'est le blocage des émotions. Les Chinois l'ont bien compris il y a très longtemps. avec la méditation, avec les chakras, avec tout, cette circulation d'énergie. Quand il y a un endroit où c'est bloqué, c'est là qu'on tombe malade. Moi, j'imagine toujours les émotions. Je fais toujours ce parallèle avec un coffre. Ça veut dire que demain, vous sortez d'ici, d'accord ? Vous traversez la rue. Et là, je ne sais pas, il y a un mec qui vient vous embrouiller pour X raisons. Il vous hurle dessus. Vous avez une montée d'agression, peut-être un figement. Il se passe plein de choses dans le corps, ok ? Après, la situation se termine, on rentre dans la voiture, il y a un tas de choses qui commencent à ruminer. J'aurais dû dire ça, j'aurais dû faire ça, j'aurais dû agir comme ça, ok. Il y a quelque chose qui s'est impacté. On va l'expliquer à quelqu'un. Bon, tiens, il m'est arrivé ça, ok. Sauf qu'à l'intérieur, il y a une charge émotionnelle qui est arrivée. Cette charge émotionnelle n'est pas traitée. Moi, c'est ce que je me suis rendu compte avec mes psys. Pour moi, la guérison, si on peut appeler ça guérison, parce que tout ne se guérit pas. Mais c'est un autre débat. Une partie de la guérison se fait par les deux biais, la parole mais le corps. On ne peut avoir un vrai résultat, et je m'en suis rendue compte quand la danse ne faisait pas encore partie de ma vie professionnelle, mais que j'avais mon cabinet de sophrologie et que j'avais donc des patients et que je me disais, je sens, je le sens parce que j'ai une intuition de fou malade, je sens qu'il me manque un truc. Bien sûr qu'il me manque un truc, le mouvement. Donc qu'est-ce qu'on vient faire avec ce coffre ? Depuis qu'on est enfant, il y a énormément de choses qu'on a mis dans le coffre. Un jour, on se réveille et on a des crises d'angoisse. On a du stress, on commence à se sentir pas bien et on ne comprend plus ce qui se passe. Le coffre est plein. Donc qu'est-ce qu'on vient faire en thérapie ? On vient remettre du symbole. On vient redécharger cette énergie qui a été bloquée, mais dans un format... structurant.

  • Angelina Bruno

    Rassurant.

  • Sellam Myriam

    Et rassurant. Et c'est là où on permet à cette énergie de pouvoir symboliquement sortir, d'être de nouveau symbolisé et de ne plus venir chercher et chercher cette énergie pour maintenir un pseudo-équilibre. Parce que nous, névroses, tout a un objectif. On est censés s'entendre tout critiquer. On a un toque, par exemple, on veut l'enlever. Non, les gars, on ne touche pas normalement à nos toques. On ne touche pas touche pas à tout ce qui maintienne un équilibre. Comme la clope qu'on prend systématiquement, on le voit quand on prend une thérapie brève pour arrêter de fumer, on va le déplacer parce que le corps tente de maintenir un équilibre. C'est là où du coup pour moi la dense thérapie a un impact de dingue sur l'amélioration de tout ça.

Description

Dans cet épisode des Sens de la Danse, j'ai l'honneur de recevoir Angelina Bruno, danseuse, chorégraphe et sophrologue belge.


Victime d'un accident tragique à 17 ans, Angelina a trouvé dans la danse une force de résilience qui l’a menée jusqu’aux cérémonies des Jeux paralympiques de Paris. Elle partage avec nous son parcours, ses combats, et la manière dont la danse lui a permis de se reconstruire physiquement et émotionnellement.


Découvrez comment elle a transformé la tragédie en inspiration pour des milliers de personnes.


Comment surmonter une épreuve aussi intense qu’un accident qui bouleverse une vie ?


C’est la question à laquelle Angelina Bruno répond avec une puissance et une authenticité rare.


À travers son témoignage bouleversant, elle nous montre comment la danse peut devenir un moyen de survie et de renaissance.


Un épisode rempli de résilience, d'émotions, et de moments inspirants.


Je vous souhaite une très belle écoute.


Vous pouvez retrouver toutes les informations la concernant sur son instagram : https://www.instagram.com/angelina.bruno/

et vous procurer son livre ici : https://www.editionsdurocher.fr/product/131373/danser-pour-surviv


Retrouvez des vidéos inédites sur les réseaux sociaux :


Le compte Instagram du podcast : https://www.instagram.com/lessensdeladanse.podcast/

Le compte Facebook du podcast : https://www.facebook.com/lessensdeladanse.podcast



Très belle écoute !



Hébergé par Ausha. Visitez ausha.co/politique-de-confidentialite pour plus d'informations.

Transcription

  • Sellam Myriam

    Les Sens de la danse, le podcast qui met de la conscience dans le mouvement. Ça y est, on y est, l'automne est là, fini l'euphorie des Jeux de Paris. À présent, le vent souffle, les jours raccourcissent, alors forcément, on a tous besoin de bonnes ondes positives et surtout d'inspiration. Et je pense avoir trouvé la personne idéale pour cela. Car aujourd'hui, j'ai l'honneur de recevoir Angelina Bruno, la danseuse, chorégraphe et sophrologue belge qui incarne la résilience. Vous l'avez sans doute vue briller lors des cérémonies d'ouverture et de clôture des Jeux paralympiques de Paris. Si elle a atteint ce niveau, c'est parce qu'elle a su surmonter des limites physiques. mais aussi psychologique, après un accident tragique.

  • Angelina Bruno

    On ne sait pas vraiment ce qui est arrivé ce jour-là, ou du moins pourquoi on a dérapé. Mais dans un virage, Massimo va perdre le contrôle de la voiture et on va se prendre le poteau électrique. Je vais me le prendre du côté passager, qui est souvent la place du mort. Et donc le poteau électrique va couper la voiture en deux. Je pense que c'est l'étoile de la portière qui... ont arraché mon bras.

  • Sellam Myriam

    Elle n'a alors que 17 ans. Cet accident aurait pu tout stopper, mais elle a trouvé dans la danse la force de se reconstruire.

  • Angelina Bruno

    À ce moment-là, je danse pour survivre. C'est-à-dire que quand moi, je vais à mon cours de danse, c'est le seul moment que j'attends de toute la semaine. J'y pense H24 parce que ça me fait quelque chose dans mon corps ou d'un coup. J'ai cette impression que c'est une bulle d'apaisement, que je sors de mon trauma, parce que dans mon quotidien, tout me rappelle ça.

  • Sellam Myriam

    Elle partage aujourd'hui son histoire dans un livre, dont la sortie est prévue le 16 octobre prochain aux éditions du Rocher. Et nous allons dès maintenant plonger dans son parcours fascinant. Préparez-vous à découvrir une femme exceptionnelle. Et si vous aimez le contenu, n'hésitez surtout pas à laisser 5 étoiles et un petit commentaire. Un immense merci pour votre fidélité et je vous souhaite une excellente écoute. Juste, la première question, comment tu te sens aujourd'hui, ça va ?

  • Angelina Bruno

    Ah, ça va très bien. Écoute,

  • Sellam Myriam

    je voudrais un peu qu'on commence par ton premier souvenir. Je sais que tu as commencé assez tard la danse, mais s'il y avait un premier souvenir qui te viendrait comme ça, ça serait quoi ?

  • Angelina Bruno

    Je pense que le tout premier, c'est... Je ne sais pas comment vous appelez ça en France. Nous, en Belgique, la fête de fin d'année de l'école primaire. On appelle ça une fancifère. Je pense qu'ici, en France, on appelle ça une... Attends, si ça porte un nom.

  • Sellam Myriam

    Je te laisse chercher.

  • Angelina Bruno

    Une... C'est ça. Non. Je sais qu'elle crée. Kermesse. Kermesse. Je devais avoir peut-être 6-7 ans. La professeure donne des petits steps et ça y est, c'est le moment qu'on doit montrer à tout le monde. Et je sais que je suis, mais à fond. Je sens qu'il y a quelque chose, mais je suis petite, donc je ne prends pas encore forcément conscience. Mais je sais qu'à la fin, tout le monde vient me voir en me disant t'as trop bien dansé Après, je suis une enfant, mais j'ai bien conscience quand même qu'au niveau du rythme, il y a quelque chose qui se passe dans mon corps. Donc ça, c'est le premier souvenir.

  • Sellam Myriam

    Déjà là, il y avait quand même une petite étincelle.

  • Angelina Bruno

    Ah oui, oui. Mon jeu préféré quand j'étais petite, c'était de jouer la grande star. Donc je chantais et je dansais tous les jours. Et c'est ouf parce qu'on ne se rend pas compte, mais finalement, on s'entraîne à chanter. Je m'entraînais à chanter et à danser sous forme de jeu. Et donc quand je vais passer ma petite communion, parce qu'on est chrétien dans la famille, quand je passe ma communion, on est à l'église et on est en train de chanter les chants qu'on va présenter. Et au moment où je chante, j'ai celle qui dirige le... cours qui s'arrête et qui dit, mais qui chante comme ça ? Et elle s'assoit à côté de moi et elle me dit, non mais toi, tu vas chanter toute seule. Et donc, je me souviens à quel point j'étais impressionnée. C'était la première fois lors de ma petite communion. Et après, tout le monde voulait prendre des photos avec moi. J'étais là, ouais, je suis une petite star !

  • Sellam Myriam

    Déjà au début, il y avait cette envie.

  • Angelina Bruno

    Oui, je pense. En tout cas, cette envie d'être vue.

  • Sellam Myriam

    Il y a aussi dans ton livre, parce que j'ai eu le plaisir de le lire, il y a un moment, tu es avec des amis et tu as un espèce de lâcher prise. Est-ce que ça, j'ai l'impression que c'est aussi un moment qui est important pour toi lié à la danse ?

  • Angelina Bruno

    Oui, là j'avais 16 ans à ce moment-là. On commençait une petite soirée entre copines, soirée dans les appart, etc. Et je pense que ça a été un début de quelque chose avant que tout vienne. à être bouleversée. Je commence à danser, ben voilà, comme en soirée. Dans le regard de mes amis, je me rends compte que j'ai quelque chose de différent quand je danse et j'ai une manière de prendre la musicalité différente. Là où une personne peut-être lambda prend le rythme, le bumba, boum, ka, boum, eh bien, je suis tout de suite lyricale. Ça veut dire que je suis très sensible à plutôt les nuances qu'il va y avoir dans les... paroles et moi je danse sur les paroles ce qui forcément me donne un tout autre rythme mais qui fait que je suis comme à mon rythme et donc je vois que mes amis sont impressionnés et genre elles me regardent genre il y a quelque chose avec la danse et là va naître en moi le début d'une pensée de c'est vrai peut-être que voilà.

  • Sellam Myriam

    Et puis d'être vue d'être justement reconnue parce que tu es quand même issue d'une famille où au départ en tout cas c'était pas forcément facile... d'être regardée.

  • Angelina Bruno

    Oui, exactement. Oui, je pense que c'est pour ça que je suis un petit clown depuis petite. Je tends à ce qu'on me voit, à ce qu'on me remarque. Et donc, je faisais plein de spectacles. Enfin, tout ce que je pouvais possible pour que mes parents, même la famille, puissent me regarder. Donc, je pense que je ne suis pas une artiste par hasard. Et je pense qu'on essaye de combler nos névroses toute notre vie. Avec ce bel accent belge. J'adore.

  • Sellam Myriam

    Il va se passer un jour qui est le 8 août 2024. Tu as 20 ans.

  • Angelina Bruno

    Non, 2004.

  • Sellam Myriam

    2004, pardon, excusez-moi, ça fait 20 ans. Et c'est 2004. Tu as 17 ans.

  • Angelina Bruno

    Oui.

  • Sellam Myriam

    Et tu vis en Belgique, tu pars en voiture pour pique-niquer avec ton boyfriend de l'époque, Massimo, dont tu es follement amoureuse. Oui. Et là, il se passe quelque chose d'horrible.

  • Angelina Bruno

    Oui. On ne sait pas vraiment qu'est-ce qui est arrivé ce jour-là ou du moins pourquoi on a dérapé. Mais donc dans un virage, Massimo va perdre le contrôle de la voiture et on va se prendre le poteau électrique. Donc je vais me le prendre du côté passager, qui est souvent la place du mort. Et donc le poteau électrique va arracher la voiture en deux, va couper la voiture en deux. Ce qui fait que finalement le toit se retrouve recroquevillé entre moi et Massimo. Et donc de mon côté, il n'y a plus de portière. La portière s'est arrachée, s'est ouverte et je pense que c'est l'étoile de la... portière qui ont arraché mon bras. Parce que moi, je me suis, en réflexe, protégée le visage.

  • Sellam Myriam

    Non seulement il y aura ton bras, mais tu vas aussi avoir une commotion cérébrale, une fracture du bassin, du coccyx, et puis surtout une congestion pulmonaire qui va t'empêcher aussi de respirer.

  • Angelina Bruno

    Oui, complètement. Là, c'était... Je crois qu'en termes de survie et qu'en plus, on était complètement éloignés parce qu'on était sur un site nautique. pas du tout à côté de gros hôpitaux ou des accès aussi faciles. Donc, je vais vraiment lutter mais je pense que la vie, quand on y pense avec le recul, c'est pour ça qu'il y a un proverbe que j'écris dans mon livre et dont je dis, le chanceux est souvent celui qui l'ignore et c'est la vérité parce que ce jour-là, on a la chance qu'une personne nous suit, donc on se suit. Puisqu'on cherche tous un petit coin pour pique-niquer, c'est un lieu qui est connu pour ça. Et en fait, c'est un médecin généraliste qui part faire de la plongée avec sa femme qui nous suivait, qui assiste à l'accident. Et grâce à ce monsieur, j'ai pu, et Massimo évidemment, j'ai pu rester en vie. Et à la bonne étoile qui m'a maintenue en vie. Je pense que quand ce n'est pas l'heure, ce n'est pas l'heure. Même si on peut être dans des états incroyables. Mais ce monsieur avait une bombe d'oxygène dans son coffre, ce qui a pu m'aider à continuer à respirer parce que je n'arrivais plus à respirer et surtout je me vidais de mon sang.

  • Sellam Myriam

    Il y a 30 minutes pour que l'ambulance arrive, ce qui est énorme en fait.

  • Angelina Bruno

    Après coup, je me suis dit, je n'ai pas compris, enfin si j'ai compris après. Pourquoi je n'étais pas tombée dans le coma ? Parce que je le sentais. Ça veut dire que je ne peux pas vraiment l'expliquer avec des mots ou du moins ce n'est pas très représentatif du ressenti. Mais c'est comme si mon corps devait rester en tension. Si je relâchais cette tension, je mourrais. Je le sentais. Donc il fallait que je retienne ça pour rester en vie. Parce que déjà, je me dis, mais comment je n'ai même pas fait une hémorragie ? perdu, je sais pas combien de sang. Je me souviens à l'hôpital, tout début, qu'on m'a remis beaucoup de poches de sang. Comment j'ai pu quand même respirer et rester là, en conscience, pendant ces 30 longues minutes.

  • Sellam Myriam

    Tu t'es vraiment raccrochée à la vie, on sent que c'était un véritable combat.

  • Angelina Bruno

    Je pense que là, ce n'est pas moi qui ai décidé quoi que ce soit. Je pense que l'instinct humain est merveilleux. Je pense que... Notre intelligence, parfois, nous éloigne de nos instincts primaires. Il y a vraiment un conflit entre les pulsions et puis l'intelligence. Je pense qu'elle nous éloigne aussi de la vie, de la terre, des animaux et de ce qui nous relie à eux au niveau primaire. Et là, l'instinct de survie met à une puissance. Mais c'est incroyable. Genre, je me suis raccrochée à la vie. Genre, je voulais vivre. C'est devenu un truc viscéral de je ne peux pas, je ne peux pas mourir Je répétais ça en boucle parce que je sentais que je mourrais, je sentais que je partais. Et je regardais ce monsieur qui me rassurait énormément parce qu'il avait une tête de grand-père. Et donc, il avait une barbe, je me souviendrai, toujours toute blanche. Et ça me rassurait de le regarder. Je lui disais je vais mourir, je vais mourir Il me disait mais non, tu ne vas pas mourir Et qu'est-ce que ce monsieur m'a... Qu'est-ce qui m'a aidée vraiment à rester et à me sentir un peu plus en sécurité, quoi.

  • Sellam Myriam

    Allez, tu me dis, si je me trompe, cette envie viscérale de vie, depuis, elle ne t'a pas lâchée, quoi.

  • Angelina Bruno

    Non, c'est fini. C'est fini. Je pense qu'on vit tous avec une pulsion de vie et une pulsion de mort. C'est là où on comprend la dépression et... Et le suicide, c'est quand la pulsion de mort a pris le dessus sur la pulsion de vie à des stades différents. Mais c'est vrai que la mienne, depuis ce jour-là, mais mon Dieu, la pulsion de mort a pris plus de place dans des deuils. C'est humain, mais je veux dire, je suis une amoureuse de la vie. Et je pense que la gratitude, depuis là, est restée très importante et m'offre beaucoup de bonheur et de positif. Parce que se rendre compte au quotidien qu'on a de la chance, en fait, c'est quelque chose qui vous tient et qui vous maintient et qui vous donne une pulsion aussi.

  • Sellam Myriam

    Tu vas avoir quand même énormément de problèmes. Il faut réapprendre à tout faire, finalement. Oui,

  • Angelina Bruno

    complètement. Du jour au lendemain, vous mettez une main dans le dos. Évidemment, votre main de réflexe. Eh bien oui,

  • Sellam Myriam

    évidemment.

  • Angelina Bruno

    Voilà. Et donc vous la mettez dans le dos et puis vous dites, allez, c'est parti, habille-toi, écris. En fait, ma vie est devenue un enfer. Je me suis rendu compte que tous les gestes du quotidien devenaient un problème pour moi. Tout, mais tout. On ne se rend pas compte, c'est tellement des petites choses. Juste ouvrir son sac, on le fait à deux mains. Ouvrir son portefeuille. Comment je l'ouvre et je le tiens en même temps pour aller chercher quelque chose dedans ? C'est des bêtises, mais tout devenait pour moi un problème. Quand je suis rentrée à la maison, ça a été la dévastation.

  • Sellam Myriam

    Et tes parents, parce que tu as à cette époque-là 17 ans, comment est-ce qu'ils t'ont soutenue dans cette épreuve ?

  • Angelina Bruno

    Je pense qu'ils étaient eux-mêmes complètement dévastés. parce que bon ben, eux ils ne m'ont pas vue. Bien sûr, ils se sont un peu rendu compte que j'ai failli mourir, puisque quand on va les prévenir, le policier leur dit on ne sait pas si elle a survécu, donc ils font la route du Charleroi à Bruxelles, donc c'est quand même plus d'une heure de route, en se disant que je ne suis peut-être plus là. Mais malgré tout, mon expérience et leur vision des choses étaient totalement différentes, donc ça veut dire que pour eux, ma vie était... terminée, genre. J'étais devenue handicapée. Et j'étais un peu résumée à ça. Chose pour laquelle je me suis beaucoup battue ou je me suis rendue compte. C'est cool parce que ça m'a fait grandir d'un coup et je me suis rendue compte que la vision de mes parents n'était pas du tout la réalité. Chose dans laquelle je n'étais pas encore sortie. C'est quelque chose qui était encore fusionné avec ma vision. Ce que pensent papa et maman de moi est la réalité. C'est une chose normale quand on est enfant. Mais quand on grandit et qu'on fait une bonne crise d'adolescence que je n'ai pas faite, eh bien, on peut se détacher de ça et créer sa propre personnalité. Je n'étais pas encore dans ce travail-là quand ça m'arrive à 17 ans. Donc, je pense que mon papa, on repart dans quelque chose d'ancien. Ça veut dire que pour lui, je redeviens un enfant puisqu'il doit tout faire à ma place. Donc, on repart dans un peu une régression. Je pense qu'ils ne gèrent pas ma frustration. J'essaye de... Enfin, c'est pas que j'essaye, c'est que je masque mes émotions pour les aider, en fait. Donc, je ne montre pas à quel point je souffre. C'est là où je dis cette phrase de Bob Marley qui a vraiment guidé ma vie. Donc, tu ne sais à quel point tu es fort jusqu'au jour ou être fort devient la seule option. Mais c'est vraiment ça, pour moi. Ça veut dire que je n'avais pas d'autres possibilités parce que je voulais aussi protéger mes parents sur la douleur. Donc, mon père est en surprotection, ce qui ne m'aidait pas non plus, parce que je voulais absolument y arriver toute seule. Et ma maman était complètement perdue sur comment réagir.

  • Sellam Myriam

    Ton rapport à ton corps, il est comment à ce moment-là ?

  • Angelina Bruno

    Il est complètement bouleversé. Il est un peu comme les psychotiques peuvent avoir. Ça veut dire que mon schéma... corporelle, n'est plus du tout structurée. C'est pour ça que la danse m'aide beaucoup parce qu'elle a une puissance incroyable sur la structuration. Donc, d'un coup, c'est comme si parfois on voit les dessins des psychotiques quand ils dessinent leur corps, ils mettent parfois le bras là, la tête là. Donc, il y a vraiment une forme de déstructuration de mon corps où j'ai une partie de mon cerveau qui pense que j'ai toujours mon bras. C'est pourquoi j'ai des douleurs fantômes. C'est pourquoi quand je vais rater une marche des escaliers, je vais tout de suite mettre mon bras droit. Parce que pour mon cerveau, il existe toujours. Sauf qu'il n'est plus là. Donc quand j'ai mal, je sens toujours mes doigts, je sens toujours ma main, ce qui est très, très bouleversant parce que je ne comprends pas. Donc c'est vrai qu'au départ, je continue ma vie en pensant toujours que j'ai mon bras. Donc je ne regarde pas mon bras. Même si j'ai conscience qu'il est là, mais je ne le regarde pas. C'est un peu comme toute personne qui a un gros complexe physique, ne se regarde plus. Et c'est quand on se voit en photo que là, on a le... Parce que même quand je me regarde dans le miroir, je vais regarder toute cette partie-là. Mais je ne vais plus regarder mon corps. Et c'est là où la danse arrive et où elle est si thérapeutique que même elle n'a pas été dirigée pour moi de base pour ça. Qu'est-ce qu'elle m'a aidée à reconstruire mon schéma corporel ?

  • Sellam Myriam

    Alors justement, comment est-ce que tu y arrives à ce moment-là ?

  • Angelina Bruno

    En fait, j'y arrive très vite et fort heureusement pour moi. Je pense qu'un an après d'être rentrée à la maison, d'avoir eu ma dernière opération...

  • Sellam Myriam

    Parce que tu en as eu beaucoup maintenant.

  • Angelina Bruno

    Oui, j'en ai eu beaucoup. Oui, parce que vraiment, au-delà du choc post-traumatique qui, évidemment, m'a pris beaucoup, beaucoup d'énergie, toutes les anesthésies. général que j'ai eu, ont flingué mon métabolisme. Toute la dose de médicaments que j'ai eu d'antibiotiques ont flingué toute ma condition physique. Donc, un an après, je retourne voir le docteur en disant Mais je n'arrive plus à rien faire, en fait. J'ai des migraines tout le temps. Je dors 12 heures par jour ou alors je ne dors plus du tout. Je suis complètement... déstructuré aussi dans mon rythme de vie, mon corps. Enfin, je suis vraiment une morte vivante. Je revois des photos de moi à cette époque. Je me dis, vous voyez cet arbre qui a subi un raz-de-marée et qui d'un coup est tout nu. Et il n'a plus de feuilles, il n'a plus rien, il a maigri. Mais il est toujours là. Mais c'était moi. J'avais vraiment cette sensation de, mon Dieu, il y a encore un petit souffle dans ce corps. Mais waouh ! Il ne reste plus grand-chose. Mais c'était un peu ça. un an après, je retourne le voir en disant mais je n'y arrive pas, je n'arrive plus à aller à l'école, je n'arrive plus à tenir le rythme. Et donc, il me dit que c'est les conséquences qu'en vrai, on ne se remet jamais d'un choc pareil. En soi, c'est déjà bien que je sois en vie maintenant. Il y a des conséquences. Il me dit que j'ai le corps d'une femme d'une quarantaine d'années maintenant, dans un petit corps d'une ado de 17 ans. Chose que je ne comprends pas. puisque je n'ai jamais été jusque là. Oui, je vois autour de moi, mes parents dirent, je suis fatiguée, je suis fatiguée. Mais je ne conscientise pas ce que ça veut dire vraiment. Donc, il me dit de faire un sport. Peut-être que ça va m'aider à reprendre un petit peu un rythme et à me donner de la force. Et c'est là que je me dis, vu ce qui s'est passé avant, vu mon lien avec la danse et l'école où je passais souvent devant en voiture avec Massimo. Quand on se baladait, on passait souvent devant et je me suis dit, je vais peut-être tester la danse juste pour voir.

  • Sellam Myriam

    Juste pour voir.

  • Angelina Bruno

    Juste comme ça.

  • Sellam Myriam

    C'est un hasard. On va voir ce qui va se passer.

  • Angelina Bruno

    Exactement. Quand je pousse les portes de cette école qui s'appelait Modino, parce qu'elle n'existe plus, à l'époque tenue par David et Franco, donc David qui aujourd'hui a une école à Charleroi, qui a sa place et qui est connue de tout, ce qui s'appelle Toumad. Et bien quand je pousse les portes de cette école, évidemment comme je l'ai précisé, c'était hip-hop. Je n'ai pas poussé les portes d'une école contemporaine ou classique.

  • Sellam Myriam

    Pourquoi d'ailleurs ?

  • Angelina Bruno

    Ah, parce que je pense que je suis hip-hop, je le suis dans l'âme. Quand j'étais gamine, je traînais dans une cité et on passait nos journées à écouter du rap français. Il y a une soul dans le hip-hop sur lequel je me sens tellement proche. Il y a une sorte de... Ben, c'est pas une sorte, il y a une revendication. Il y a un bon... Si personne ne m'écoute, je vais choisir l'art pour qu'on m'entende sur ce que je vis. Parce qu'avant, c'était ça. Maintenant, ça a changé. Mais avant, les gens expliquaient simplement leur quotidien et leurs blessures pour qu'au moins quelqu'un les entende. Et toutes les injustices qu'ils pouvaient vivre avec le racisme, la police, etc. Donc, je me retrouve beaucoup dans cette énergie-là. C'est pour ça que moi, le hip-hop m'a tout de suite attirée. J'avais fait de la danse classique quand j'étais petite. Je me souviens que j'avais été une des favorites de la prof parce que j'étais extrêmement mince. Et très vite, je me suis sentie très mal à l'aise par ces traitements de faveur et par le fait aussi qu'elle me prenait tout le temps pour me comparer à des filles un peu plus fortes. Et donc, moi, ça me faisait tellement de peine. Je disais à ma maman que ce n'est pas bien, ça fait mal au... cœur assez petit et surtout ça créait la jalousie. Or moi, je ne voulais pas ça. Donc je me suis sentie très mal et j'ai codé ça comme si c'est ça la danse classique parce que voilà, c'était ma seule expérience. Je ne veux pas. Bref, tout ça pour revenir que quand je pousse les portes de cette école, il se passe plein de choses. Après, je ne vais pas tout expliquer. Vous allez lire mon livre. Je ne vais pas tout expliquer mais il va se passer. En tout cas, il va naître en moi quelque chose ce jour-là.

  • Sellam Myriam

    Pour qu'on puisse comprendre, parce que c'est quand même un moment important, ça va être quand même mélangé, ça va être dur, et en même temps, ça va te permettre en tout cas d'exprimer une colère.

  • Angelina Bruno

    Complètement, complètement. Bien sûr, ça va être tellement dur, parce que déjà, j'ai un problème avec mon schéma corporel, mais en plus de ça, j'ai aujourd'hui une mémoire traumatique. Donc forcément, une mémoire traumatique n'est plus du tout comparable à une mémoire saine qui fonctionne. très rapidement, où la faculté de concentration est rapide et où la psychomotricité, toutes ces choses-là sont quelque chose de normal. Moi, je n'arrive pas à retenir les chorégraphies. J'ai déjà un problème parce que j'ai très dur au niveau de ma concentration, mais ma mémoire a été complètement bouleversée puisque dans le choc post-traumatique, j'ai utilisé plein de mécanismes de défense, beaucoup de déni. beaucoup de refoulement. Donc, du coup, j'ai plein de parties que j'oublie de moi ou que je tente d'oublier de ma vie d'avant. Donc, c'est vrai que déjà là, je ne comprends pas. Je vois que j'ai beaucoup de mal. Et alors, j'ai un problème d'équilibre. Vraiment, chose que dès que je vais m'accroupir, je tombe genre à droite. Enfin, il y a un problème que dès que je fais une pirouette, c'est fini, je n'ai plus une notion de l'espace forcément puisque tout mon schéma... corporelle est bouleversée. Donc, c'est un des jours les très compliqués pour moi. Heureusement que j'ai encore cette perception d'avoir mon bras droit. Donc, quand on me demande de faire des steps à gauche et à droite, et la plupart des profs sont droitiers, ben, dans ma tête, je l'ai, la perception. Bon, elle ne se voit plus, mais moi, je l'ai. Mais donc, c'est pour moi ce jour-là, un réel casse-tête. Sauf que, à l'intérieur, donc ça, c'est tout ce qui se passe dans ma tête. Mais à l'intérieur de mon ventre, je ne comprends pas tout de suite, mais le son hip-hop, la percussion, l'énergie qu'il y a dedans est très strong. Et donc, on me demande de faire une chorégraphie hyper carrée avec à l'intérieur de moi un bouleversement où c'est le tsunami, c'est la guerre. Il y a des gens avec des bazookas et on me demande du coup de pouvoir exprimer dans une chorégraphie toute cette... Cette énergie-là, je vais utiliser le plus beau des mécanismes de défense parce qu'ils ne sont pas tous au même pied d'égalité. Il y en a qui nous font beaucoup de bien, il y en a qui sont très handicapants. Et donc la sublimation va arriver et je vais pouvoir détourner toute la colère qui n'est pas acceptable dans la société. Parce que le mouvement d'un petit enfant ou le mouvement d'une adolescente n'est pas le même mouvement qu'une adulte. C'est d'en vouloir aux autres alors que les autres, ils n'en peuvent rien. Moi, quand je vais à l'école, quand je m'assois sur ce banc et je regarde toutes mes copines et je vois tout le monde démarrer la vie, je vois tout le monde dans une aisance physique où elles s'habillent, elles sortent leurs plumiers, elles écrivent. Et moi, je me dis, mais pourquoi moi ? Je leur en veux. Je me dis, mais qu'est-ce que j'ai fait ? En fait, j'ai dû faire un truc de mal. Ça, c'est vraiment la pensée religieuse. J'ai vraiment dû faire un truc de mal. Je vois tout le monde parler du futur, mais moi, ça n'existe plus, le futur. Je n'arrive même pas à m'habiller toute seule. Donc, d'un coup, je ne peux pas la sortir, cette colère. Donc, je la retourne contre moi. Grâce à la danse, je vais pouvoir la sortir. Et c'est là où ça a un impact sur ma guérison incroyable.

  • Sellam Myriam

    Tu le sens à quel niveau ?

  • Angelina Bruno

    à tous les niveaux corporels et psychiques.

  • Sellam Myriam

    Tu as l'impression de revivre finalement.

  • Angelina Bruno

    Ah oui, ça veut dire que comme le nom de mon livre, à ce moment-là, je danse pour survivre. Ça veut dire que quand moi je vais à mon cours de danse, c'est le seul moment que j'attends de toute la semaine. J'y pense H24 parce que ça me fait quelque chose dans mon corps où d'un coup, j'ai cette impression que c'est une bulle d'apparition. où je sors de mon trauma, parce que dans mon quotidien, tout me rappelle ça. Parce que je suis encore dans tout ce processus de revalidation. Donc tout mon quotidien me ramène tout le temps à mon traumatisme. Et puis c'est bête, c'est des petites choses, mais la violence qui est à la télé, on ne se rend pas compte, la négativité à la télé, même ça, ça me ramène. Il y a du sang partout. Bon, après, mes parents ne sont pas comédies non plus. Ils sont films d'action ou thrillers ou voilà. Moi, je suis traumatisée. Même, je regarde le journal, on parle d'accidents, de... Waouh ! Et là, quand j'arrive à mon cours de danse, on appuie sur pause. Pendant une minute, tout s'arrête. Et je ne prends que du bonheur. Donc, pour moi, c'est vraiment la soupape. C'est mon moyen de survivre. Avant que ça m'aide juste à vivre, au départ, c'est mon moyen de survivre.

  • Sellam Myriam

    ça a été tellement une renaissance que tu vas changer de prénom, en tout cas dans ta tête. Parce qu'Angelina n'est pas ton vrai prénom.

  • Angelina Bruno

    Non, pas du tout. Comme je l'explique, et ça, ça va être intéressant à lire dans les détails, parce que là, on évoque, évidemment, on évoque en grande ligne. Mais c'est important pour moi de transmettre ça aussi dans mon livre, parce qu'Angelina est liée au regard des gens. Ça veut dire qu'au-delà de tout ce que je vivais au quotidien, Au départ, j'étais dans ma bulle puisque j'étais tout le temps à la maison. Mais quand il a fallu retourner à l'école et reprendre la vie du quotidien, c'est là où je me suis rendue compte qu'il y avait une des grandes difficultés pour moi supplémentaires, quelque chose auquel je n'avais pas encore fait face. Puisqu'à l'hôpital, c'est normal d'avoir des problèmes. Sauf que là, j'arrive dans le monde et là, le regard des gens arrive. Mon Dieu, mon Dieu. La difficulté et la souffrance pour moi d'être... sans cesse le centre mais plus de oh elle est mignonne mais le centre de elle est différente maintenant et qu'est-ce qui lui est arrivé et puis la pitié et puis waouh je me dis mais déjà j'ai tellement de difficultés au quotidien comment je vais faire pour survivre au regard des gens et c'est là où dans mon quatrième chapitre c'est Francine vs Angelina je vais créer Angelina Angelina, c'est un prototype. Angelina, c'est la femme que j'aurais rêvé d'être.

  • Sellam Myriam

    C'est la femme qui assume totalement ce qu'elle est. Celle qui a une aisance avec son corps. Mais genre, elle est hyper fluide. Elle a du charisme. C'est facile. C'est facile. Elle est là. Elle a une force attractive. Elle est rayonnante. Ça, c'était Angelina. Et donc, je l'ai créée très rapidement. Le déclencheur, ça a été ce premier jour à l'école de danse. Toutes les petites choses que j'ai vécues. Et je vais commencer à créer ce prototype pour survivre au regard des gens. Et c'est là qu'Angelina va naître.

  • Angelina Bruno

    On a toute envie d'être Angelina. On a toute envie, tu sais, dans les moments, évidemment qu'on a tous aussi des moments difficiles. On a envie effectivement d'incarner, d'avoir un archétype, quelqu'un qui nous... qui nous aide et qui nous dit t'inquiète, ça va aller, regarde, tu vas être une femme incroyable.

  • Sellam Myriam

    Complètement. C'est pour ça que je transmets, parce que le dire, c'est une chose, mais comment on fait pour le créer ? Comment on fait, du coup, dans la vie de tous les jours ? Et c'est là où, à travers ma danse-thérapie, c'est aussi ce que j'apprends. Parce que dans ma danse-thérapie, je mélange plein de choses, et notamment le théâtre, apprendre à faire semblant. Je me suis très vite rendue compte que tout ce qui se passe au... autour de moi, réagit en fonction de mon attitude. Et c'est là où je me suis dit, tiens, je vais physiquement me tenir d'une autre manière. Je vais donc faire semblant, puisqu'on est les histoires pour moi, on se raconte. Je vais juste me raconter une autre histoire et voir ce que ça fait autour de moi. Et donc, le résultat était immédiat. Et c'est là où Angelina a été ma protection aussi. Après, c'est... C'est difficile à comprendre, mais dans la pratique, ça se structure.

  • Angelina Bruno

    Parce que justement, après ce cours, tu vas faire quand même pas mal de cours de danse et tu vas lier ça finalement à la psychologie, parce que c'est quelque chose d'important pour toi. Et justement arrive cette envie de lier les deux et donc ce concept de danse express. Pourquoi danse express d'ailleurs ?

  • Sellam Myriam

    Je ne sais pas, parce qu'en fait, je me suis formée en danse thérapie. avec Benoît Lessage, qui est un des fondateurs de la danse thérapie ici en France. Mais sa danse thérapie ne raisonnait pas avec mon histoire. Par contre, il y avait des choses tellement intéressantes et importantes. Mais je me suis dit, OK, maintenant que j'ai tout ça, tous ces acquis, tout ce que j'ai appris et étudié, il faut que je fasse ma propre danse thérapie. Donc, créer quelque chose qui serait à moi unique. Et je me suis dit, il me faut un nom. Et donc, danse express, parce que la danse te permet d'exprimer, d'exprimer tellement de choses sans forcément y mettre des mots. Voilà, c'est pour ça que je trouvais ça très beau, l'association de danse express.

  • Angelina Bruno

    Il existe beaucoup de danse thérapie. Oui. Dans le process, qu'est-ce qui, à ton avis, se distingue des autres ?

  • Sellam Myriam

    En fait, je mélange vraiment... apprentissage dans la danse tout ce que ça m'a apporté tout ce que ça m'a permis donc j'ai testé aussi plein de styles de danse, je sais que j'utilise aussi le krump dans ma danse thérapie le krump qui est waouh, c'est vraiment pour le coup, c'est vraiment une danse, comme on dit ça réflexe, une danse animale c'est quelque chose qui vient nous chercher dans les tripes je pense que ce qui me différencie de certaines danseuses autre méthode de danse c'est que, bon bah déjà de par mon histoire évidemment, parce que d'abord c'est mon histoire avec moi, donc la danse c'est d'abord ma propre histoire de survie et aussi dans le process j'utilise énormément de techniques donc quand les gens souvent ils se disent, oui mais moi je ne sais pas danser ils ont l'impression que pour venir à un cours de danse thérapie il faut savoir danser, mais pas du tout les gars, arrêtez pas du tout en fait on met vraiment au service de la thérapie et la danse donc dans un premier temps moi ce que j'adore faire et ce qui est essentiel pour le travail et pour la continuité du travail c'est déjà de revenir à l'intérieur de soi donc de par plein d'exercices parce que par la voix ça ne va rester que dans la conscience c'est de se réapproprier son corps, de refaire une unité avec l'un Parce qu'on ne se rend pas compte, mais dès qu'on a un complexe, il y a une partie du corps qui est sans cesse rejetée. Sauf que dans cette partie du corps, parfois, vit des organes qui eux aussi, les petits loulous, sont rejetés. Donc dans un premier temps, c'est de se réapproprier, de revenir à l'intérieur. Comment on fait finalement ? Donc ça, j'ai un panel d'exercices pour ça. Ensuite, la deuxième étape, c'est le comprendre. Finalement, ok, d'accord. Bon, là, je suis revenue à l'intégralité, à l'intérieur. Ok, mais comment je fais pour le comprendre ? Parce que mon corps, au quotidien, me donne tellement d'indications. Il suffit de voir à quel point, quand on a peur, on a mal au ventre. On peut même aller jusqu'à aller aux toilettes, avoir des vomissements. Je veux dire, quand on a énormément de choses à gérer, on a la nuque bloquée, on a des problèmes de cervical. Enfin,

  • Angelina Bruno

    notre corps nous parle.

  • Sellam Myriam

    Voilà. Donc, moi, je dis toujours ça, c'est une merveilleuse phrase que j'adore, mais c'est vrai, c'est tout ce qui va pouvoir s'exprimer en mots ne se transformera pas en mots. Ça veut dire que notre corps nous donne plein d'indications et souvent, avant la maladie, il nous a donné plein de petits systèmes d'alarme. Donc déjà, pour moi, la danse-thérapie, c'est déjà une manière préventive de comprendre. Ça fait plusieurs fois que tiens, j'ai des petits lancements là, qu'est-ce que ça veut dire ? Aussi bien dans ma vie, dans mon rythme de vie, mon alimentation, etc. Mais aussi dans mes émotions. En second temps, pour moi, et c'est là où le processus est vraiment le plus pertinent, c'est que je vais travailler l'émotionnel. Ce qui nous rend malades, c'est le blocage des émotions. Les Chinois l'ont bien compris il y a très longtemps. avec la méditation, avec les chakras, avec tout, cette circulation d'énergie. Quand il y a un endroit où c'est bloqué, c'est là qu'on tombe malade. Moi, j'imagine toujours les émotions. Je fais toujours ce parallèle avec un coffre. Ça veut dire que demain, vous sortez d'ici, d'accord ? Vous traversez la rue. Et là, je ne sais pas, il y a un mec qui vient vous embrouiller pour X raisons. Il vous hurle dessus. Vous avez une montée d'agression, peut-être un figement. Il se passe plein de choses dans le corps, ok ? Après, la situation se termine, on rentre dans la voiture, il y a un tas de choses qui commencent à ruminer. J'aurais dû dire ça, j'aurais dû faire ça, j'aurais dû agir comme ça, ok. Il y a quelque chose qui s'est impacté. On va l'expliquer à quelqu'un. Bon, tiens, il m'est arrivé ça, ok. Sauf qu'à l'intérieur, il y a une charge émotionnelle qui est arrivée. Cette charge émotionnelle n'est pas traitée. Moi, c'est ce que je me suis rendu compte avec mes psys. Pour moi, la guérison, si on peut appeler ça guérison, parce que tout ne se guérit pas. Mais c'est un autre débat. Une partie de la guérison se fait par les deux biais, la parole mais le corps. On ne peut avoir un vrai résultat, et je m'en suis rendue compte quand la danse ne faisait pas encore partie de ma vie professionnelle, mais que j'avais mon cabinet de sophrologie et que j'avais donc des patients et que je me disais, je sens, je le sens parce que j'ai une intuition de fou malade, je sens qu'il me manque un truc. Bien sûr qu'il me manque un truc, le mouvement. Donc qu'est-ce qu'on vient faire avec ce coffre ? Depuis qu'on est enfant, il y a énormément de choses qu'on a mis dans le coffre. Un jour, on se réveille et on a des crises d'angoisse. On a du stress, on commence à se sentir pas bien et on ne comprend plus ce qui se passe. Le coffre est plein. Donc qu'est-ce qu'on vient faire en thérapie ? On vient remettre du symbole. On vient redécharger cette énergie qui a été bloquée, mais dans un format... structurant.

  • Angelina Bruno

    Rassurant.

  • Sellam Myriam

    Et rassurant. Et c'est là où on permet à cette énergie de pouvoir symboliquement sortir, d'être de nouveau symbolisé et de ne plus venir chercher et chercher cette énergie pour maintenir un pseudo-équilibre. Parce que nous, névroses, tout a un objectif. On est censés s'entendre tout critiquer. On a un toque, par exemple, on veut l'enlever. Non, les gars, on ne touche pas normalement à nos toques. On ne touche pas touche pas à tout ce qui maintienne un équilibre. Comme la clope qu'on prend systématiquement, on le voit quand on prend une thérapie brève pour arrêter de fumer, on va le déplacer parce que le corps tente de maintenir un équilibre. C'est là où du coup pour moi la dense thérapie a un impact de dingue sur l'amélioration de tout ça.

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Description

Dans cet épisode des Sens de la Danse, j'ai l'honneur de recevoir Angelina Bruno, danseuse, chorégraphe et sophrologue belge.


Victime d'un accident tragique à 17 ans, Angelina a trouvé dans la danse une force de résilience qui l’a menée jusqu’aux cérémonies des Jeux paralympiques de Paris. Elle partage avec nous son parcours, ses combats, et la manière dont la danse lui a permis de se reconstruire physiquement et émotionnellement.


Découvrez comment elle a transformé la tragédie en inspiration pour des milliers de personnes.


Comment surmonter une épreuve aussi intense qu’un accident qui bouleverse une vie ?


C’est la question à laquelle Angelina Bruno répond avec une puissance et une authenticité rare.


À travers son témoignage bouleversant, elle nous montre comment la danse peut devenir un moyen de survie et de renaissance.


Un épisode rempli de résilience, d'émotions, et de moments inspirants.


Je vous souhaite une très belle écoute.


Vous pouvez retrouver toutes les informations la concernant sur son instagram : https://www.instagram.com/angelina.bruno/

et vous procurer son livre ici : https://www.editionsdurocher.fr/product/131373/danser-pour-surviv


Retrouvez des vidéos inédites sur les réseaux sociaux :


Le compte Instagram du podcast : https://www.instagram.com/lessensdeladanse.podcast/

Le compte Facebook du podcast : https://www.facebook.com/lessensdeladanse.podcast



Très belle écoute !



Hébergé par Ausha. Visitez ausha.co/politique-de-confidentialite pour plus d'informations.

Transcription

  • Sellam Myriam

    Les Sens de la danse, le podcast qui met de la conscience dans le mouvement. Ça y est, on y est, l'automne est là, fini l'euphorie des Jeux de Paris. À présent, le vent souffle, les jours raccourcissent, alors forcément, on a tous besoin de bonnes ondes positives et surtout d'inspiration. Et je pense avoir trouvé la personne idéale pour cela. Car aujourd'hui, j'ai l'honneur de recevoir Angelina Bruno, la danseuse, chorégraphe et sophrologue belge qui incarne la résilience. Vous l'avez sans doute vue briller lors des cérémonies d'ouverture et de clôture des Jeux paralympiques de Paris. Si elle a atteint ce niveau, c'est parce qu'elle a su surmonter des limites physiques. mais aussi psychologique, après un accident tragique.

  • Angelina Bruno

    On ne sait pas vraiment ce qui est arrivé ce jour-là, ou du moins pourquoi on a dérapé. Mais dans un virage, Massimo va perdre le contrôle de la voiture et on va se prendre le poteau électrique. Je vais me le prendre du côté passager, qui est souvent la place du mort. Et donc le poteau électrique va couper la voiture en deux. Je pense que c'est l'étoile de la portière qui... ont arraché mon bras.

  • Sellam Myriam

    Elle n'a alors que 17 ans. Cet accident aurait pu tout stopper, mais elle a trouvé dans la danse la force de se reconstruire.

  • Angelina Bruno

    À ce moment-là, je danse pour survivre. C'est-à-dire que quand moi, je vais à mon cours de danse, c'est le seul moment que j'attends de toute la semaine. J'y pense H24 parce que ça me fait quelque chose dans mon corps ou d'un coup. J'ai cette impression que c'est une bulle d'apaisement, que je sors de mon trauma, parce que dans mon quotidien, tout me rappelle ça.

  • Sellam Myriam

    Elle partage aujourd'hui son histoire dans un livre, dont la sortie est prévue le 16 octobre prochain aux éditions du Rocher. Et nous allons dès maintenant plonger dans son parcours fascinant. Préparez-vous à découvrir une femme exceptionnelle. Et si vous aimez le contenu, n'hésitez surtout pas à laisser 5 étoiles et un petit commentaire. Un immense merci pour votre fidélité et je vous souhaite une excellente écoute. Juste, la première question, comment tu te sens aujourd'hui, ça va ?

  • Angelina Bruno

    Ah, ça va très bien. Écoute,

  • Sellam Myriam

    je voudrais un peu qu'on commence par ton premier souvenir. Je sais que tu as commencé assez tard la danse, mais s'il y avait un premier souvenir qui te viendrait comme ça, ça serait quoi ?

  • Angelina Bruno

    Je pense que le tout premier, c'est... Je ne sais pas comment vous appelez ça en France. Nous, en Belgique, la fête de fin d'année de l'école primaire. On appelle ça une fancifère. Je pense qu'ici, en France, on appelle ça une... Attends, si ça porte un nom.

  • Sellam Myriam

    Je te laisse chercher.

  • Angelina Bruno

    Une... C'est ça. Non. Je sais qu'elle crée. Kermesse. Kermesse. Je devais avoir peut-être 6-7 ans. La professeure donne des petits steps et ça y est, c'est le moment qu'on doit montrer à tout le monde. Et je sais que je suis, mais à fond. Je sens qu'il y a quelque chose, mais je suis petite, donc je ne prends pas encore forcément conscience. Mais je sais qu'à la fin, tout le monde vient me voir en me disant t'as trop bien dansé Après, je suis une enfant, mais j'ai bien conscience quand même qu'au niveau du rythme, il y a quelque chose qui se passe dans mon corps. Donc ça, c'est le premier souvenir.

  • Sellam Myriam

    Déjà là, il y avait quand même une petite étincelle.

  • Angelina Bruno

    Ah oui, oui. Mon jeu préféré quand j'étais petite, c'était de jouer la grande star. Donc je chantais et je dansais tous les jours. Et c'est ouf parce qu'on ne se rend pas compte, mais finalement, on s'entraîne à chanter. Je m'entraînais à chanter et à danser sous forme de jeu. Et donc quand je vais passer ma petite communion, parce qu'on est chrétien dans la famille, quand je passe ma communion, on est à l'église et on est en train de chanter les chants qu'on va présenter. Et au moment où je chante, j'ai celle qui dirige le... cours qui s'arrête et qui dit, mais qui chante comme ça ? Et elle s'assoit à côté de moi et elle me dit, non mais toi, tu vas chanter toute seule. Et donc, je me souviens à quel point j'étais impressionnée. C'était la première fois lors de ma petite communion. Et après, tout le monde voulait prendre des photos avec moi. J'étais là, ouais, je suis une petite star !

  • Sellam Myriam

    Déjà au début, il y avait cette envie.

  • Angelina Bruno

    Oui, je pense. En tout cas, cette envie d'être vue.

  • Sellam Myriam

    Il y a aussi dans ton livre, parce que j'ai eu le plaisir de le lire, il y a un moment, tu es avec des amis et tu as un espèce de lâcher prise. Est-ce que ça, j'ai l'impression que c'est aussi un moment qui est important pour toi lié à la danse ?

  • Angelina Bruno

    Oui, là j'avais 16 ans à ce moment-là. On commençait une petite soirée entre copines, soirée dans les appart, etc. Et je pense que ça a été un début de quelque chose avant que tout vienne. à être bouleversée. Je commence à danser, ben voilà, comme en soirée. Dans le regard de mes amis, je me rends compte que j'ai quelque chose de différent quand je danse et j'ai une manière de prendre la musicalité différente. Là où une personne peut-être lambda prend le rythme, le bumba, boum, ka, boum, eh bien, je suis tout de suite lyricale. Ça veut dire que je suis très sensible à plutôt les nuances qu'il va y avoir dans les... paroles et moi je danse sur les paroles ce qui forcément me donne un tout autre rythme mais qui fait que je suis comme à mon rythme et donc je vois que mes amis sont impressionnés et genre elles me regardent genre il y a quelque chose avec la danse et là va naître en moi le début d'une pensée de c'est vrai peut-être que voilà.

  • Sellam Myriam

    Et puis d'être vue d'être justement reconnue parce que tu es quand même issue d'une famille où au départ en tout cas c'était pas forcément facile... d'être regardée.

  • Angelina Bruno

    Oui, exactement. Oui, je pense que c'est pour ça que je suis un petit clown depuis petite. Je tends à ce qu'on me voit, à ce qu'on me remarque. Et donc, je faisais plein de spectacles. Enfin, tout ce que je pouvais possible pour que mes parents, même la famille, puissent me regarder. Donc, je pense que je ne suis pas une artiste par hasard. Et je pense qu'on essaye de combler nos névroses toute notre vie. Avec ce bel accent belge. J'adore.

  • Sellam Myriam

    Il va se passer un jour qui est le 8 août 2024. Tu as 20 ans.

  • Angelina Bruno

    Non, 2004.

  • Sellam Myriam

    2004, pardon, excusez-moi, ça fait 20 ans. Et c'est 2004. Tu as 17 ans.

  • Angelina Bruno

    Oui.

  • Sellam Myriam

    Et tu vis en Belgique, tu pars en voiture pour pique-niquer avec ton boyfriend de l'époque, Massimo, dont tu es follement amoureuse. Oui. Et là, il se passe quelque chose d'horrible.

  • Angelina Bruno

    Oui. On ne sait pas vraiment qu'est-ce qui est arrivé ce jour-là ou du moins pourquoi on a dérapé. Mais donc dans un virage, Massimo va perdre le contrôle de la voiture et on va se prendre le poteau électrique. Donc je vais me le prendre du côté passager, qui est souvent la place du mort. Et donc le poteau électrique va arracher la voiture en deux, va couper la voiture en deux. Ce qui fait que finalement le toit se retrouve recroquevillé entre moi et Massimo. Et donc de mon côté, il n'y a plus de portière. La portière s'est arrachée, s'est ouverte et je pense que c'est l'étoile de la... portière qui ont arraché mon bras. Parce que moi, je me suis, en réflexe, protégée le visage.

  • Sellam Myriam

    Non seulement il y aura ton bras, mais tu vas aussi avoir une commotion cérébrale, une fracture du bassin, du coccyx, et puis surtout une congestion pulmonaire qui va t'empêcher aussi de respirer.

  • Angelina Bruno

    Oui, complètement. Là, c'était... Je crois qu'en termes de survie et qu'en plus, on était complètement éloignés parce qu'on était sur un site nautique. pas du tout à côté de gros hôpitaux ou des accès aussi faciles. Donc, je vais vraiment lutter mais je pense que la vie, quand on y pense avec le recul, c'est pour ça qu'il y a un proverbe que j'écris dans mon livre et dont je dis, le chanceux est souvent celui qui l'ignore et c'est la vérité parce que ce jour-là, on a la chance qu'une personne nous suit, donc on se suit. Puisqu'on cherche tous un petit coin pour pique-niquer, c'est un lieu qui est connu pour ça. Et en fait, c'est un médecin généraliste qui part faire de la plongée avec sa femme qui nous suivait, qui assiste à l'accident. Et grâce à ce monsieur, j'ai pu, et Massimo évidemment, j'ai pu rester en vie. Et à la bonne étoile qui m'a maintenue en vie. Je pense que quand ce n'est pas l'heure, ce n'est pas l'heure. Même si on peut être dans des états incroyables. Mais ce monsieur avait une bombe d'oxygène dans son coffre, ce qui a pu m'aider à continuer à respirer parce que je n'arrivais plus à respirer et surtout je me vidais de mon sang.

  • Sellam Myriam

    Il y a 30 minutes pour que l'ambulance arrive, ce qui est énorme en fait.

  • Angelina Bruno

    Après coup, je me suis dit, je n'ai pas compris, enfin si j'ai compris après. Pourquoi je n'étais pas tombée dans le coma ? Parce que je le sentais. Ça veut dire que je ne peux pas vraiment l'expliquer avec des mots ou du moins ce n'est pas très représentatif du ressenti. Mais c'est comme si mon corps devait rester en tension. Si je relâchais cette tension, je mourrais. Je le sentais. Donc il fallait que je retienne ça pour rester en vie. Parce que déjà, je me dis, mais comment je n'ai même pas fait une hémorragie ? perdu, je sais pas combien de sang. Je me souviens à l'hôpital, tout début, qu'on m'a remis beaucoup de poches de sang. Comment j'ai pu quand même respirer et rester là, en conscience, pendant ces 30 longues minutes.

  • Sellam Myriam

    Tu t'es vraiment raccrochée à la vie, on sent que c'était un véritable combat.

  • Angelina Bruno

    Je pense que là, ce n'est pas moi qui ai décidé quoi que ce soit. Je pense que l'instinct humain est merveilleux. Je pense que... Notre intelligence, parfois, nous éloigne de nos instincts primaires. Il y a vraiment un conflit entre les pulsions et puis l'intelligence. Je pense qu'elle nous éloigne aussi de la vie, de la terre, des animaux et de ce qui nous relie à eux au niveau primaire. Et là, l'instinct de survie met à une puissance. Mais c'est incroyable. Genre, je me suis raccrochée à la vie. Genre, je voulais vivre. C'est devenu un truc viscéral de je ne peux pas, je ne peux pas mourir Je répétais ça en boucle parce que je sentais que je mourrais, je sentais que je partais. Et je regardais ce monsieur qui me rassurait énormément parce qu'il avait une tête de grand-père. Et donc, il avait une barbe, je me souviendrai, toujours toute blanche. Et ça me rassurait de le regarder. Je lui disais je vais mourir, je vais mourir Il me disait mais non, tu ne vas pas mourir Et qu'est-ce que ce monsieur m'a... Qu'est-ce qui m'a aidée vraiment à rester et à me sentir un peu plus en sécurité, quoi.

  • Sellam Myriam

    Allez, tu me dis, si je me trompe, cette envie viscérale de vie, depuis, elle ne t'a pas lâchée, quoi.

  • Angelina Bruno

    Non, c'est fini. C'est fini. Je pense qu'on vit tous avec une pulsion de vie et une pulsion de mort. C'est là où on comprend la dépression et... Et le suicide, c'est quand la pulsion de mort a pris le dessus sur la pulsion de vie à des stades différents. Mais c'est vrai que la mienne, depuis ce jour-là, mais mon Dieu, la pulsion de mort a pris plus de place dans des deuils. C'est humain, mais je veux dire, je suis une amoureuse de la vie. Et je pense que la gratitude, depuis là, est restée très importante et m'offre beaucoup de bonheur et de positif. Parce que se rendre compte au quotidien qu'on a de la chance, en fait, c'est quelque chose qui vous tient et qui vous maintient et qui vous donne une pulsion aussi.

  • Sellam Myriam

    Tu vas avoir quand même énormément de problèmes. Il faut réapprendre à tout faire, finalement. Oui,

  • Angelina Bruno

    complètement. Du jour au lendemain, vous mettez une main dans le dos. Évidemment, votre main de réflexe. Eh bien oui,

  • Sellam Myriam

    évidemment.

  • Angelina Bruno

    Voilà. Et donc vous la mettez dans le dos et puis vous dites, allez, c'est parti, habille-toi, écris. En fait, ma vie est devenue un enfer. Je me suis rendu compte que tous les gestes du quotidien devenaient un problème pour moi. Tout, mais tout. On ne se rend pas compte, c'est tellement des petites choses. Juste ouvrir son sac, on le fait à deux mains. Ouvrir son portefeuille. Comment je l'ouvre et je le tiens en même temps pour aller chercher quelque chose dedans ? C'est des bêtises, mais tout devenait pour moi un problème. Quand je suis rentrée à la maison, ça a été la dévastation.

  • Sellam Myriam

    Et tes parents, parce que tu as à cette époque-là 17 ans, comment est-ce qu'ils t'ont soutenue dans cette épreuve ?

  • Angelina Bruno

    Je pense qu'ils étaient eux-mêmes complètement dévastés. parce que bon ben, eux ils ne m'ont pas vue. Bien sûr, ils se sont un peu rendu compte que j'ai failli mourir, puisque quand on va les prévenir, le policier leur dit on ne sait pas si elle a survécu, donc ils font la route du Charleroi à Bruxelles, donc c'est quand même plus d'une heure de route, en se disant que je ne suis peut-être plus là. Mais malgré tout, mon expérience et leur vision des choses étaient totalement différentes, donc ça veut dire que pour eux, ma vie était... terminée, genre. J'étais devenue handicapée. Et j'étais un peu résumée à ça. Chose pour laquelle je me suis beaucoup battue ou je me suis rendue compte. C'est cool parce que ça m'a fait grandir d'un coup et je me suis rendue compte que la vision de mes parents n'était pas du tout la réalité. Chose dans laquelle je n'étais pas encore sortie. C'est quelque chose qui était encore fusionné avec ma vision. Ce que pensent papa et maman de moi est la réalité. C'est une chose normale quand on est enfant. Mais quand on grandit et qu'on fait une bonne crise d'adolescence que je n'ai pas faite, eh bien, on peut se détacher de ça et créer sa propre personnalité. Je n'étais pas encore dans ce travail-là quand ça m'arrive à 17 ans. Donc, je pense que mon papa, on repart dans quelque chose d'ancien. Ça veut dire que pour lui, je redeviens un enfant puisqu'il doit tout faire à ma place. Donc, on repart dans un peu une régression. Je pense qu'ils ne gèrent pas ma frustration. J'essaye de... Enfin, c'est pas que j'essaye, c'est que je masque mes émotions pour les aider, en fait. Donc, je ne montre pas à quel point je souffre. C'est là où je dis cette phrase de Bob Marley qui a vraiment guidé ma vie. Donc, tu ne sais à quel point tu es fort jusqu'au jour ou être fort devient la seule option. Mais c'est vraiment ça, pour moi. Ça veut dire que je n'avais pas d'autres possibilités parce que je voulais aussi protéger mes parents sur la douleur. Donc, mon père est en surprotection, ce qui ne m'aidait pas non plus, parce que je voulais absolument y arriver toute seule. Et ma maman était complètement perdue sur comment réagir.

  • Sellam Myriam

    Ton rapport à ton corps, il est comment à ce moment-là ?

  • Angelina Bruno

    Il est complètement bouleversé. Il est un peu comme les psychotiques peuvent avoir. Ça veut dire que mon schéma... corporelle, n'est plus du tout structurée. C'est pour ça que la danse m'aide beaucoup parce qu'elle a une puissance incroyable sur la structuration. Donc, d'un coup, c'est comme si parfois on voit les dessins des psychotiques quand ils dessinent leur corps, ils mettent parfois le bras là, la tête là. Donc, il y a vraiment une forme de déstructuration de mon corps où j'ai une partie de mon cerveau qui pense que j'ai toujours mon bras. C'est pourquoi j'ai des douleurs fantômes. C'est pourquoi quand je vais rater une marche des escaliers, je vais tout de suite mettre mon bras droit. Parce que pour mon cerveau, il existe toujours. Sauf qu'il n'est plus là. Donc quand j'ai mal, je sens toujours mes doigts, je sens toujours ma main, ce qui est très, très bouleversant parce que je ne comprends pas. Donc c'est vrai qu'au départ, je continue ma vie en pensant toujours que j'ai mon bras. Donc je ne regarde pas mon bras. Même si j'ai conscience qu'il est là, mais je ne le regarde pas. C'est un peu comme toute personne qui a un gros complexe physique, ne se regarde plus. Et c'est quand on se voit en photo que là, on a le... Parce que même quand je me regarde dans le miroir, je vais regarder toute cette partie-là. Mais je ne vais plus regarder mon corps. Et c'est là où la danse arrive et où elle est si thérapeutique que même elle n'a pas été dirigée pour moi de base pour ça. Qu'est-ce qu'elle m'a aidée à reconstruire mon schéma corporel ?

  • Sellam Myriam

    Alors justement, comment est-ce que tu y arrives à ce moment-là ?

  • Angelina Bruno

    En fait, j'y arrive très vite et fort heureusement pour moi. Je pense qu'un an après d'être rentrée à la maison, d'avoir eu ma dernière opération...

  • Sellam Myriam

    Parce que tu en as eu beaucoup maintenant.

  • Angelina Bruno

    Oui, j'en ai eu beaucoup. Oui, parce que vraiment, au-delà du choc post-traumatique qui, évidemment, m'a pris beaucoup, beaucoup d'énergie, toutes les anesthésies. général que j'ai eu, ont flingué mon métabolisme. Toute la dose de médicaments que j'ai eu d'antibiotiques ont flingué toute ma condition physique. Donc, un an après, je retourne voir le docteur en disant Mais je n'arrive plus à rien faire, en fait. J'ai des migraines tout le temps. Je dors 12 heures par jour ou alors je ne dors plus du tout. Je suis complètement... déstructuré aussi dans mon rythme de vie, mon corps. Enfin, je suis vraiment une morte vivante. Je revois des photos de moi à cette époque. Je me dis, vous voyez cet arbre qui a subi un raz-de-marée et qui d'un coup est tout nu. Et il n'a plus de feuilles, il n'a plus rien, il a maigri. Mais il est toujours là. Mais c'était moi. J'avais vraiment cette sensation de, mon Dieu, il y a encore un petit souffle dans ce corps. Mais waouh ! Il ne reste plus grand-chose. Mais c'était un peu ça. un an après, je retourne le voir en disant mais je n'y arrive pas, je n'arrive plus à aller à l'école, je n'arrive plus à tenir le rythme. Et donc, il me dit que c'est les conséquences qu'en vrai, on ne se remet jamais d'un choc pareil. En soi, c'est déjà bien que je sois en vie maintenant. Il y a des conséquences. Il me dit que j'ai le corps d'une femme d'une quarantaine d'années maintenant, dans un petit corps d'une ado de 17 ans. Chose que je ne comprends pas. puisque je n'ai jamais été jusque là. Oui, je vois autour de moi, mes parents dirent, je suis fatiguée, je suis fatiguée. Mais je ne conscientise pas ce que ça veut dire vraiment. Donc, il me dit de faire un sport. Peut-être que ça va m'aider à reprendre un petit peu un rythme et à me donner de la force. Et c'est là que je me dis, vu ce qui s'est passé avant, vu mon lien avec la danse et l'école où je passais souvent devant en voiture avec Massimo. Quand on se baladait, on passait souvent devant et je me suis dit, je vais peut-être tester la danse juste pour voir.

  • Sellam Myriam

    Juste pour voir.

  • Angelina Bruno

    Juste comme ça.

  • Sellam Myriam

    C'est un hasard. On va voir ce qui va se passer.

  • Angelina Bruno

    Exactement. Quand je pousse les portes de cette école qui s'appelait Modino, parce qu'elle n'existe plus, à l'époque tenue par David et Franco, donc David qui aujourd'hui a une école à Charleroi, qui a sa place et qui est connue de tout, ce qui s'appelle Toumad. Et bien quand je pousse les portes de cette école, évidemment comme je l'ai précisé, c'était hip-hop. Je n'ai pas poussé les portes d'une école contemporaine ou classique.

  • Sellam Myriam

    Pourquoi d'ailleurs ?

  • Angelina Bruno

    Ah, parce que je pense que je suis hip-hop, je le suis dans l'âme. Quand j'étais gamine, je traînais dans une cité et on passait nos journées à écouter du rap français. Il y a une soul dans le hip-hop sur lequel je me sens tellement proche. Il y a une sorte de... Ben, c'est pas une sorte, il y a une revendication. Il y a un bon... Si personne ne m'écoute, je vais choisir l'art pour qu'on m'entende sur ce que je vis. Parce qu'avant, c'était ça. Maintenant, ça a changé. Mais avant, les gens expliquaient simplement leur quotidien et leurs blessures pour qu'au moins quelqu'un les entende. Et toutes les injustices qu'ils pouvaient vivre avec le racisme, la police, etc. Donc, je me retrouve beaucoup dans cette énergie-là. C'est pour ça que moi, le hip-hop m'a tout de suite attirée. J'avais fait de la danse classique quand j'étais petite. Je me souviens que j'avais été une des favorites de la prof parce que j'étais extrêmement mince. Et très vite, je me suis sentie très mal à l'aise par ces traitements de faveur et par le fait aussi qu'elle me prenait tout le temps pour me comparer à des filles un peu plus fortes. Et donc, moi, ça me faisait tellement de peine. Je disais à ma maman que ce n'est pas bien, ça fait mal au... cœur assez petit et surtout ça créait la jalousie. Or moi, je ne voulais pas ça. Donc je me suis sentie très mal et j'ai codé ça comme si c'est ça la danse classique parce que voilà, c'était ma seule expérience. Je ne veux pas. Bref, tout ça pour revenir que quand je pousse les portes de cette école, il se passe plein de choses. Après, je ne vais pas tout expliquer. Vous allez lire mon livre. Je ne vais pas tout expliquer mais il va se passer. En tout cas, il va naître en moi quelque chose ce jour-là.

  • Sellam Myriam

    Pour qu'on puisse comprendre, parce que c'est quand même un moment important, ça va être quand même mélangé, ça va être dur, et en même temps, ça va te permettre en tout cas d'exprimer une colère.

  • Angelina Bruno

    Complètement, complètement. Bien sûr, ça va être tellement dur, parce que déjà, j'ai un problème avec mon schéma corporel, mais en plus de ça, j'ai aujourd'hui une mémoire traumatique. Donc forcément, une mémoire traumatique n'est plus du tout comparable à une mémoire saine qui fonctionne. très rapidement, où la faculté de concentration est rapide et où la psychomotricité, toutes ces choses-là sont quelque chose de normal. Moi, je n'arrive pas à retenir les chorégraphies. J'ai déjà un problème parce que j'ai très dur au niveau de ma concentration, mais ma mémoire a été complètement bouleversée puisque dans le choc post-traumatique, j'ai utilisé plein de mécanismes de défense, beaucoup de déni. beaucoup de refoulement. Donc, du coup, j'ai plein de parties que j'oublie de moi ou que je tente d'oublier de ma vie d'avant. Donc, c'est vrai que déjà là, je ne comprends pas. Je vois que j'ai beaucoup de mal. Et alors, j'ai un problème d'équilibre. Vraiment, chose que dès que je vais m'accroupir, je tombe genre à droite. Enfin, il y a un problème que dès que je fais une pirouette, c'est fini, je n'ai plus une notion de l'espace forcément puisque tout mon schéma... corporelle est bouleversée. Donc, c'est un des jours les très compliqués pour moi. Heureusement que j'ai encore cette perception d'avoir mon bras droit. Donc, quand on me demande de faire des steps à gauche et à droite, et la plupart des profs sont droitiers, ben, dans ma tête, je l'ai, la perception. Bon, elle ne se voit plus, mais moi, je l'ai. Mais donc, c'est pour moi ce jour-là, un réel casse-tête. Sauf que, à l'intérieur, donc ça, c'est tout ce qui se passe dans ma tête. Mais à l'intérieur de mon ventre, je ne comprends pas tout de suite, mais le son hip-hop, la percussion, l'énergie qu'il y a dedans est très strong. Et donc, on me demande de faire une chorégraphie hyper carrée avec à l'intérieur de moi un bouleversement où c'est le tsunami, c'est la guerre. Il y a des gens avec des bazookas et on me demande du coup de pouvoir exprimer dans une chorégraphie toute cette... Cette énergie-là, je vais utiliser le plus beau des mécanismes de défense parce qu'ils ne sont pas tous au même pied d'égalité. Il y en a qui nous font beaucoup de bien, il y en a qui sont très handicapants. Et donc la sublimation va arriver et je vais pouvoir détourner toute la colère qui n'est pas acceptable dans la société. Parce que le mouvement d'un petit enfant ou le mouvement d'une adolescente n'est pas le même mouvement qu'une adulte. C'est d'en vouloir aux autres alors que les autres, ils n'en peuvent rien. Moi, quand je vais à l'école, quand je m'assois sur ce banc et je regarde toutes mes copines et je vois tout le monde démarrer la vie, je vois tout le monde dans une aisance physique où elles s'habillent, elles sortent leurs plumiers, elles écrivent. Et moi, je me dis, mais pourquoi moi ? Je leur en veux. Je me dis, mais qu'est-ce que j'ai fait ? En fait, j'ai dû faire un truc de mal. Ça, c'est vraiment la pensée religieuse. J'ai vraiment dû faire un truc de mal. Je vois tout le monde parler du futur, mais moi, ça n'existe plus, le futur. Je n'arrive même pas à m'habiller toute seule. Donc, d'un coup, je ne peux pas la sortir, cette colère. Donc, je la retourne contre moi. Grâce à la danse, je vais pouvoir la sortir. Et c'est là où ça a un impact sur ma guérison incroyable.

  • Sellam Myriam

    Tu le sens à quel niveau ?

  • Angelina Bruno

    à tous les niveaux corporels et psychiques.

  • Sellam Myriam

    Tu as l'impression de revivre finalement.

  • Angelina Bruno

    Ah oui, ça veut dire que comme le nom de mon livre, à ce moment-là, je danse pour survivre. Ça veut dire que quand moi je vais à mon cours de danse, c'est le seul moment que j'attends de toute la semaine. J'y pense H24 parce que ça me fait quelque chose dans mon corps où d'un coup, j'ai cette impression que c'est une bulle d'apparition. où je sors de mon trauma, parce que dans mon quotidien, tout me rappelle ça. Parce que je suis encore dans tout ce processus de revalidation. Donc tout mon quotidien me ramène tout le temps à mon traumatisme. Et puis c'est bête, c'est des petites choses, mais la violence qui est à la télé, on ne se rend pas compte, la négativité à la télé, même ça, ça me ramène. Il y a du sang partout. Bon, après, mes parents ne sont pas comédies non plus. Ils sont films d'action ou thrillers ou voilà. Moi, je suis traumatisée. Même, je regarde le journal, on parle d'accidents, de... Waouh ! Et là, quand j'arrive à mon cours de danse, on appuie sur pause. Pendant une minute, tout s'arrête. Et je ne prends que du bonheur. Donc, pour moi, c'est vraiment la soupape. C'est mon moyen de survivre. Avant que ça m'aide juste à vivre, au départ, c'est mon moyen de survivre.

  • Sellam Myriam

    ça a été tellement une renaissance que tu vas changer de prénom, en tout cas dans ta tête. Parce qu'Angelina n'est pas ton vrai prénom.

  • Angelina Bruno

    Non, pas du tout. Comme je l'explique, et ça, ça va être intéressant à lire dans les détails, parce que là, on évoque, évidemment, on évoque en grande ligne. Mais c'est important pour moi de transmettre ça aussi dans mon livre, parce qu'Angelina est liée au regard des gens. Ça veut dire qu'au-delà de tout ce que je vivais au quotidien, Au départ, j'étais dans ma bulle puisque j'étais tout le temps à la maison. Mais quand il a fallu retourner à l'école et reprendre la vie du quotidien, c'est là où je me suis rendue compte qu'il y avait une des grandes difficultés pour moi supplémentaires, quelque chose auquel je n'avais pas encore fait face. Puisqu'à l'hôpital, c'est normal d'avoir des problèmes. Sauf que là, j'arrive dans le monde et là, le regard des gens arrive. Mon Dieu, mon Dieu. La difficulté et la souffrance pour moi d'être... sans cesse le centre mais plus de oh elle est mignonne mais le centre de elle est différente maintenant et qu'est-ce qui lui est arrivé et puis la pitié et puis waouh je me dis mais déjà j'ai tellement de difficultés au quotidien comment je vais faire pour survivre au regard des gens et c'est là où dans mon quatrième chapitre c'est Francine vs Angelina je vais créer Angelina Angelina, c'est un prototype. Angelina, c'est la femme que j'aurais rêvé d'être.

  • Sellam Myriam

    C'est la femme qui assume totalement ce qu'elle est. Celle qui a une aisance avec son corps. Mais genre, elle est hyper fluide. Elle a du charisme. C'est facile. C'est facile. Elle est là. Elle a une force attractive. Elle est rayonnante. Ça, c'était Angelina. Et donc, je l'ai créée très rapidement. Le déclencheur, ça a été ce premier jour à l'école de danse. Toutes les petites choses que j'ai vécues. Et je vais commencer à créer ce prototype pour survivre au regard des gens. Et c'est là qu'Angelina va naître.

  • Angelina Bruno

    On a toute envie d'être Angelina. On a toute envie, tu sais, dans les moments, évidemment qu'on a tous aussi des moments difficiles. On a envie effectivement d'incarner, d'avoir un archétype, quelqu'un qui nous... qui nous aide et qui nous dit t'inquiète, ça va aller, regarde, tu vas être une femme incroyable.

  • Sellam Myriam

    Complètement. C'est pour ça que je transmets, parce que le dire, c'est une chose, mais comment on fait pour le créer ? Comment on fait, du coup, dans la vie de tous les jours ? Et c'est là où, à travers ma danse-thérapie, c'est aussi ce que j'apprends. Parce que dans ma danse-thérapie, je mélange plein de choses, et notamment le théâtre, apprendre à faire semblant. Je me suis très vite rendue compte que tout ce qui se passe au... autour de moi, réagit en fonction de mon attitude. Et c'est là où je me suis dit, tiens, je vais physiquement me tenir d'une autre manière. Je vais donc faire semblant, puisqu'on est les histoires pour moi, on se raconte. Je vais juste me raconter une autre histoire et voir ce que ça fait autour de moi. Et donc, le résultat était immédiat. Et c'est là où Angelina a été ma protection aussi. Après, c'est... C'est difficile à comprendre, mais dans la pratique, ça se structure.

  • Angelina Bruno

    Parce que justement, après ce cours, tu vas faire quand même pas mal de cours de danse et tu vas lier ça finalement à la psychologie, parce que c'est quelque chose d'important pour toi. Et justement arrive cette envie de lier les deux et donc ce concept de danse express. Pourquoi danse express d'ailleurs ?

  • Sellam Myriam

    Je ne sais pas, parce qu'en fait, je me suis formée en danse thérapie. avec Benoît Lessage, qui est un des fondateurs de la danse thérapie ici en France. Mais sa danse thérapie ne raisonnait pas avec mon histoire. Par contre, il y avait des choses tellement intéressantes et importantes. Mais je me suis dit, OK, maintenant que j'ai tout ça, tous ces acquis, tout ce que j'ai appris et étudié, il faut que je fasse ma propre danse thérapie. Donc, créer quelque chose qui serait à moi unique. Et je me suis dit, il me faut un nom. Et donc, danse express, parce que la danse te permet d'exprimer, d'exprimer tellement de choses sans forcément y mettre des mots. Voilà, c'est pour ça que je trouvais ça très beau, l'association de danse express.

  • Angelina Bruno

    Il existe beaucoup de danse thérapie. Oui. Dans le process, qu'est-ce qui, à ton avis, se distingue des autres ?

  • Sellam Myriam

    En fait, je mélange vraiment... apprentissage dans la danse tout ce que ça m'a apporté tout ce que ça m'a permis donc j'ai testé aussi plein de styles de danse, je sais que j'utilise aussi le krump dans ma danse thérapie le krump qui est waouh, c'est vraiment pour le coup, c'est vraiment une danse, comme on dit ça réflexe, une danse animale c'est quelque chose qui vient nous chercher dans les tripes je pense que ce qui me différencie de certaines danseuses autre méthode de danse c'est que, bon bah déjà de par mon histoire évidemment, parce que d'abord c'est mon histoire avec moi, donc la danse c'est d'abord ma propre histoire de survie et aussi dans le process j'utilise énormément de techniques donc quand les gens souvent ils se disent, oui mais moi je ne sais pas danser ils ont l'impression que pour venir à un cours de danse thérapie il faut savoir danser, mais pas du tout les gars, arrêtez pas du tout en fait on met vraiment au service de la thérapie et la danse donc dans un premier temps moi ce que j'adore faire et ce qui est essentiel pour le travail et pour la continuité du travail c'est déjà de revenir à l'intérieur de soi donc de par plein d'exercices parce que par la voix ça ne va rester que dans la conscience c'est de se réapproprier son corps, de refaire une unité avec l'un Parce qu'on ne se rend pas compte, mais dès qu'on a un complexe, il y a une partie du corps qui est sans cesse rejetée. Sauf que dans cette partie du corps, parfois, vit des organes qui eux aussi, les petits loulous, sont rejetés. Donc dans un premier temps, c'est de se réapproprier, de revenir à l'intérieur. Comment on fait finalement ? Donc ça, j'ai un panel d'exercices pour ça. Ensuite, la deuxième étape, c'est le comprendre. Finalement, ok, d'accord. Bon, là, je suis revenue à l'intégralité, à l'intérieur. Ok, mais comment je fais pour le comprendre ? Parce que mon corps, au quotidien, me donne tellement d'indications. Il suffit de voir à quel point, quand on a peur, on a mal au ventre. On peut même aller jusqu'à aller aux toilettes, avoir des vomissements. Je veux dire, quand on a énormément de choses à gérer, on a la nuque bloquée, on a des problèmes de cervical. Enfin,

  • Angelina Bruno

    notre corps nous parle.

  • Sellam Myriam

    Voilà. Donc, moi, je dis toujours ça, c'est une merveilleuse phrase que j'adore, mais c'est vrai, c'est tout ce qui va pouvoir s'exprimer en mots ne se transformera pas en mots. Ça veut dire que notre corps nous donne plein d'indications et souvent, avant la maladie, il nous a donné plein de petits systèmes d'alarme. Donc déjà, pour moi, la danse-thérapie, c'est déjà une manière préventive de comprendre. Ça fait plusieurs fois que tiens, j'ai des petits lancements là, qu'est-ce que ça veut dire ? Aussi bien dans ma vie, dans mon rythme de vie, mon alimentation, etc. Mais aussi dans mes émotions. En second temps, pour moi, et c'est là où le processus est vraiment le plus pertinent, c'est que je vais travailler l'émotionnel. Ce qui nous rend malades, c'est le blocage des émotions. Les Chinois l'ont bien compris il y a très longtemps. avec la méditation, avec les chakras, avec tout, cette circulation d'énergie. Quand il y a un endroit où c'est bloqué, c'est là qu'on tombe malade. Moi, j'imagine toujours les émotions. Je fais toujours ce parallèle avec un coffre. Ça veut dire que demain, vous sortez d'ici, d'accord ? Vous traversez la rue. Et là, je ne sais pas, il y a un mec qui vient vous embrouiller pour X raisons. Il vous hurle dessus. Vous avez une montée d'agression, peut-être un figement. Il se passe plein de choses dans le corps, ok ? Après, la situation se termine, on rentre dans la voiture, il y a un tas de choses qui commencent à ruminer. J'aurais dû dire ça, j'aurais dû faire ça, j'aurais dû agir comme ça, ok. Il y a quelque chose qui s'est impacté. On va l'expliquer à quelqu'un. Bon, tiens, il m'est arrivé ça, ok. Sauf qu'à l'intérieur, il y a une charge émotionnelle qui est arrivée. Cette charge émotionnelle n'est pas traitée. Moi, c'est ce que je me suis rendu compte avec mes psys. Pour moi, la guérison, si on peut appeler ça guérison, parce que tout ne se guérit pas. Mais c'est un autre débat. Une partie de la guérison se fait par les deux biais, la parole mais le corps. On ne peut avoir un vrai résultat, et je m'en suis rendue compte quand la danse ne faisait pas encore partie de ma vie professionnelle, mais que j'avais mon cabinet de sophrologie et que j'avais donc des patients et que je me disais, je sens, je le sens parce que j'ai une intuition de fou malade, je sens qu'il me manque un truc. Bien sûr qu'il me manque un truc, le mouvement. Donc qu'est-ce qu'on vient faire avec ce coffre ? Depuis qu'on est enfant, il y a énormément de choses qu'on a mis dans le coffre. Un jour, on se réveille et on a des crises d'angoisse. On a du stress, on commence à se sentir pas bien et on ne comprend plus ce qui se passe. Le coffre est plein. Donc qu'est-ce qu'on vient faire en thérapie ? On vient remettre du symbole. On vient redécharger cette énergie qui a été bloquée, mais dans un format... structurant.

  • Angelina Bruno

    Rassurant.

  • Sellam Myriam

    Et rassurant. Et c'est là où on permet à cette énergie de pouvoir symboliquement sortir, d'être de nouveau symbolisé et de ne plus venir chercher et chercher cette énergie pour maintenir un pseudo-équilibre. Parce que nous, névroses, tout a un objectif. On est censés s'entendre tout critiquer. On a un toque, par exemple, on veut l'enlever. Non, les gars, on ne touche pas normalement à nos toques. On ne touche pas touche pas à tout ce qui maintienne un équilibre. Comme la clope qu'on prend systématiquement, on le voit quand on prend une thérapie brève pour arrêter de fumer, on va le déplacer parce que le corps tente de maintenir un équilibre. C'est là où du coup pour moi la dense thérapie a un impact de dingue sur l'amélioration de tout ça.

Description

Dans cet épisode des Sens de la Danse, j'ai l'honneur de recevoir Angelina Bruno, danseuse, chorégraphe et sophrologue belge.


Victime d'un accident tragique à 17 ans, Angelina a trouvé dans la danse une force de résilience qui l’a menée jusqu’aux cérémonies des Jeux paralympiques de Paris. Elle partage avec nous son parcours, ses combats, et la manière dont la danse lui a permis de se reconstruire physiquement et émotionnellement.


Découvrez comment elle a transformé la tragédie en inspiration pour des milliers de personnes.


Comment surmonter une épreuve aussi intense qu’un accident qui bouleverse une vie ?


C’est la question à laquelle Angelina Bruno répond avec une puissance et une authenticité rare.


À travers son témoignage bouleversant, elle nous montre comment la danse peut devenir un moyen de survie et de renaissance.


Un épisode rempli de résilience, d'émotions, et de moments inspirants.


Je vous souhaite une très belle écoute.


Vous pouvez retrouver toutes les informations la concernant sur son instagram : https://www.instagram.com/angelina.bruno/

et vous procurer son livre ici : https://www.editionsdurocher.fr/product/131373/danser-pour-surviv


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Très belle écoute !



Hébergé par Ausha. Visitez ausha.co/politique-de-confidentialite pour plus d'informations.

Transcription

  • Sellam Myriam

    Les Sens de la danse, le podcast qui met de la conscience dans le mouvement. Ça y est, on y est, l'automne est là, fini l'euphorie des Jeux de Paris. À présent, le vent souffle, les jours raccourcissent, alors forcément, on a tous besoin de bonnes ondes positives et surtout d'inspiration. Et je pense avoir trouvé la personne idéale pour cela. Car aujourd'hui, j'ai l'honneur de recevoir Angelina Bruno, la danseuse, chorégraphe et sophrologue belge qui incarne la résilience. Vous l'avez sans doute vue briller lors des cérémonies d'ouverture et de clôture des Jeux paralympiques de Paris. Si elle a atteint ce niveau, c'est parce qu'elle a su surmonter des limites physiques. mais aussi psychologique, après un accident tragique.

  • Angelina Bruno

    On ne sait pas vraiment ce qui est arrivé ce jour-là, ou du moins pourquoi on a dérapé. Mais dans un virage, Massimo va perdre le contrôle de la voiture et on va se prendre le poteau électrique. Je vais me le prendre du côté passager, qui est souvent la place du mort. Et donc le poteau électrique va couper la voiture en deux. Je pense que c'est l'étoile de la portière qui... ont arraché mon bras.

  • Sellam Myriam

    Elle n'a alors que 17 ans. Cet accident aurait pu tout stopper, mais elle a trouvé dans la danse la force de se reconstruire.

  • Angelina Bruno

    À ce moment-là, je danse pour survivre. C'est-à-dire que quand moi, je vais à mon cours de danse, c'est le seul moment que j'attends de toute la semaine. J'y pense H24 parce que ça me fait quelque chose dans mon corps ou d'un coup. J'ai cette impression que c'est une bulle d'apaisement, que je sors de mon trauma, parce que dans mon quotidien, tout me rappelle ça.

  • Sellam Myriam

    Elle partage aujourd'hui son histoire dans un livre, dont la sortie est prévue le 16 octobre prochain aux éditions du Rocher. Et nous allons dès maintenant plonger dans son parcours fascinant. Préparez-vous à découvrir une femme exceptionnelle. Et si vous aimez le contenu, n'hésitez surtout pas à laisser 5 étoiles et un petit commentaire. Un immense merci pour votre fidélité et je vous souhaite une excellente écoute. Juste, la première question, comment tu te sens aujourd'hui, ça va ?

  • Angelina Bruno

    Ah, ça va très bien. Écoute,

  • Sellam Myriam

    je voudrais un peu qu'on commence par ton premier souvenir. Je sais que tu as commencé assez tard la danse, mais s'il y avait un premier souvenir qui te viendrait comme ça, ça serait quoi ?

  • Angelina Bruno

    Je pense que le tout premier, c'est... Je ne sais pas comment vous appelez ça en France. Nous, en Belgique, la fête de fin d'année de l'école primaire. On appelle ça une fancifère. Je pense qu'ici, en France, on appelle ça une... Attends, si ça porte un nom.

  • Sellam Myriam

    Je te laisse chercher.

  • Angelina Bruno

    Une... C'est ça. Non. Je sais qu'elle crée. Kermesse. Kermesse. Je devais avoir peut-être 6-7 ans. La professeure donne des petits steps et ça y est, c'est le moment qu'on doit montrer à tout le monde. Et je sais que je suis, mais à fond. Je sens qu'il y a quelque chose, mais je suis petite, donc je ne prends pas encore forcément conscience. Mais je sais qu'à la fin, tout le monde vient me voir en me disant t'as trop bien dansé Après, je suis une enfant, mais j'ai bien conscience quand même qu'au niveau du rythme, il y a quelque chose qui se passe dans mon corps. Donc ça, c'est le premier souvenir.

  • Sellam Myriam

    Déjà là, il y avait quand même une petite étincelle.

  • Angelina Bruno

    Ah oui, oui. Mon jeu préféré quand j'étais petite, c'était de jouer la grande star. Donc je chantais et je dansais tous les jours. Et c'est ouf parce qu'on ne se rend pas compte, mais finalement, on s'entraîne à chanter. Je m'entraînais à chanter et à danser sous forme de jeu. Et donc quand je vais passer ma petite communion, parce qu'on est chrétien dans la famille, quand je passe ma communion, on est à l'église et on est en train de chanter les chants qu'on va présenter. Et au moment où je chante, j'ai celle qui dirige le... cours qui s'arrête et qui dit, mais qui chante comme ça ? Et elle s'assoit à côté de moi et elle me dit, non mais toi, tu vas chanter toute seule. Et donc, je me souviens à quel point j'étais impressionnée. C'était la première fois lors de ma petite communion. Et après, tout le monde voulait prendre des photos avec moi. J'étais là, ouais, je suis une petite star !

  • Sellam Myriam

    Déjà au début, il y avait cette envie.

  • Angelina Bruno

    Oui, je pense. En tout cas, cette envie d'être vue.

  • Sellam Myriam

    Il y a aussi dans ton livre, parce que j'ai eu le plaisir de le lire, il y a un moment, tu es avec des amis et tu as un espèce de lâcher prise. Est-ce que ça, j'ai l'impression que c'est aussi un moment qui est important pour toi lié à la danse ?

  • Angelina Bruno

    Oui, là j'avais 16 ans à ce moment-là. On commençait une petite soirée entre copines, soirée dans les appart, etc. Et je pense que ça a été un début de quelque chose avant que tout vienne. à être bouleversée. Je commence à danser, ben voilà, comme en soirée. Dans le regard de mes amis, je me rends compte que j'ai quelque chose de différent quand je danse et j'ai une manière de prendre la musicalité différente. Là où une personne peut-être lambda prend le rythme, le bumba, boum, ka, boum, eh bien, je suis tout de suite lyricale. Ça veut dire que je suis très sensible à plutôt les nuances qu'il va y avoir dans les... paroles et moi je danse sur les paroles ce qui forcément me donne un tout autre rythme mais qui fait que je suis comme à mon rythme et donc je vois que mes amis sont impressionnés et genre elles me regardent genre il y a quelque chose avec la danse et là va naître en moi le début d'une pensée de c'est vrai peut-être que voilà.

  • Sellam Myriam

    Et puis d'être vue d'être justement reconnue parce que tu es quand même issue d'une famille où au départ en tout cas c'était pas forcément facile... d'être regardée.

  • Angelina Bruno

    Oui, exactement. Oui, je pense que c'est pour ça que je suis un petit clown depuis petite. Je tends à ce qu'on me voit, à ce qu'on me remarque. Et donc, je faisais plein de spectacles. Enfin, tout ce que je pouvais possible pour que mes parents, même la famille, puissent me regarder. Donc, je pense que je ne suis pas une artiste par hasard. Et je pense qu'on essaye de combler nos névroses toute notre vie. Avec ce bel accent belge. J'adore.

  • Sellam Myriam

    Il va se passer un jour qui est le 8 août 2024. Tu as 20 ans.

  • Angelina Bruno

    Non, 2004.

  • Sellam Myriam

    2004, pardon, excusez-moi, ça fait 20 ans. Et c'est 2004. Tu as 17 ans.

  • Angelina Bruno

    Oui.

  • Sellam Myriam

    Et tu vis en Belgique, tu pars en voiture pour pique-niquer avec ton boyfriend de l'époque, Massimo, dont tu es follement amoureuse. Oui. Et là, il se passe quelque chose d'horrible.

  • Angelina Bruno

    Oui. On ne sait pas vraiment qu'est-ce qui est arrivé ce jour-là ou du moins pourquoi on a dérapé. Mais donc dans un virage, Massimo va perdre le contrôle de la voiture et on va se prendre le poteau électrique. Donc je vais me le prendre du côté passager, qui est souvent la place du mort. Et donc le poteau électrique va arracher la voiture en deux, va couper la voiture en deux. Ce qui fait que finalement le toit se retrouve recroquevillé entre moi et Massimo. Et donc de mon côté, il n'y a plus de portière. La portière s'est arrachée, s'est ouverte et je pense que c'est l'étoile de la... portière qui ont arraché mon bras. Parce que moi, je me suis, en réflexe, protégée le visage.

  • Sellam Myriam

    Non seulement il y aura ton bras, mais tu vas aussi avoir une commotion cérébrale, une fracture du bassin, du coccyx, et puis surtout une congestion pulmonaire qui va t'empêcher aussi de respirer.

  • Angelina Bruno

    Oui, complètement. Là, c'était... Je crois qu'en termes de survie et qu'en plus, on était complètement éloignés parce qu'on était sur un site nautique. pas du tout à côté de gros hôpitaux ou des accès aussi faciles. Donc, je vais vraiment lutter mais je pense que la vie, quand on y pense avec le recul, c'est pour ça qu'il y a un proverbe que j'écris dans mon livre et dont je dis, le chanceux est souvent celui qui l'ignore et c'est la vérité parce que ce jour-là, on a la chance qu'une personne nous suit, donc on se suit. Puisqu'on cherche tous un petit coin pour pique-niquer, c'est un lieu qui est connu pour ça. Et en fait, c'est un médecin généraliste qui part faire de la plongée avec sa femme qui nous suivait, qui assiste à l'accident. Et grâce à ce monsieur, j'ai pu, et Massimo évidemment, j'ai pu rester en vie. Et à la bonne étoile qui m'a maintenue en vie. Je pense que quand ce n'est pas l'heure, ce n'est pas l'heure. Même si on peut être dans des états incroyables. Mais ce monsieur avait une bombe d'oxygène dans son coffre, ce qui a pu m'aider à continuer à respirer parce que je n'arrivais plus à respirer et surtout je me vidais de mon sang.

  • Sellam Myriam

    Il y a 30 minutes pour que l'ambulance arrive, ce qui est énorme en fait.

  • Angelina Bruno

    Après coup, je me suis dit, je n'ai pas compris, enfin si j'ai compris après. Pourquoi je n'étais pas tombée dans le coma ? Parce que je le sentais. Ça veut dire que je ne peux pas vraiment l'expliquer avec des mots ou du moins ce n'est pas très représentatif du ressenti. Mais c'est comme si mon corps devait rester en tension. Si je relâchais cette tension, je mourrais. Je le sentais. Donc il fallait que je retienne ça pour rester en vie. Parce que déjà, je me dis, mais comment je n'ai même pas fait une hémorragie ? perdu, je sais pas combien de sang. Je me souviens à l'hôpital, tout début, qu'on m'a remis beaucoup de poches de sang. Comment j'ai pu quand même respirer et rester là, en conscience, pendant ces 30 longues minutes.

  • Sellam Myriam

    Tu t'es vraiment raccrochée à la vie, on sent que c'était un véritable combat.

  • Angelina Bruno

    Je pense que là, ce n'est pas moi qui ai décidé quoi que ce soit. Je pense que l'instinct humain est merveilleux. Je pense que... Notre intelligence, parfois, nous éloigne de nos instincts primaires. Il y a vraiment un conflit entre les pulsions et puis l'intelligence. Je pense qu'elle nous éloigne aussi de la vie, de la terre, des animaux et de ce qui nous relie à eux au niveau primaire. Et là, l'instinct de survie met à une puissance. Mais c'est incroyable. Genre, je me suis raccrochée à la vie. Genre, je voulais vivre. C'est devenu un truc viscéral de je ne peux pas, je ne peux pas mourir Je répétais ça en boucle parce que je sentais que je mourrais, je sentais que je partais. Et je regardais ce monsieur qui me rassurait énormément parce qu'il avait une tête de grand-père. Et donc, il avait une barbe, je me souviendrai, toujours toute blanche. Et ça me rassurait de le regarder. Je lui disais je vais mourir, je vais mourir Il me disait mais non, tu ne vas pas mourir Et qu'est-ce que ce monsieur m'a... Qu'est-ce qui m'a aidée vraiment à rester et à me sentir un peu plus en sécurité, quoi.

  • Sellam Myriam

    Allez, tu me dis, si je me trompe, cette envie viscérale de vie, depuis, elle ne t'a pas lâchée, quoi.

  • Angelina Bruno

    Non, c'est fini. C'est fini. Je pense qu'on vit tous avec une pulsion de vie et une pulsion de mort. C'est là où on comprend la dépression et... Et le suicide, c'est quand la pulsion de mort a pris le dessus sur la pulsion de vie à des stades différents. Mais c'est vrai que la mienne, depuis ce jour-là, mais mon Dieu, la pulsion de mort a pris plus de place dans des deuils. C'est humain, mais je veux dire, je suis une amoureuse de la vie. Et je pense que la gratitude, depuis là, est restée très importante et m'offre beaucoup de bonheur et de positif. Parce que se rendre compte au quotidien qu'on a de la chance, en fait, c'est quelque chose qui vous tient et qui vous maintient et qui vous donne une pulsion aussi.

  • Sellam Myriam

    Tu vas avoir quand même énormément de problèmes. Il faut réapprendre à tout faire, finalement. Oui,

  • Angelina Bruno

    complètement. Du jour au lendemain, vous mettez une main dans le dos. Évidemment, votre main de réflexe. Eh bien oui,

  • Sellam Myriam

    évidemment.

  • Angelina Bruno

    Voilà. Et donc vous la mettez dans le dos et puis vous dites, allez, c'est parti, habille-toi, écris. En fait, ma vie est devenue un enfer. Je me suis rendu compte que tous les gestes du quotidien devenaient un problème pour moi. Tout, mais tout. On ne se rend pas compte, c'est tellement des petites choses. Juste ouvrir son sac, on le fait à deux mains. Ouvrir son portefeuille. Comment je l'ouvre et je le tiens en même temps pour aller chercher quelque chose dedans ? C'est des bêtises, mais tout devenait pour moi un problème. Quand je suis rentrée à la maison, ça a été la dévastation.

  • Sellam Myriam

    Et tes parents, parce que tu as à cette époque-là 17 ans, comment est-ce qu'ils t'ont soutenue dans cette épreuve ?

  • Angelina Bruno

    Je pense qu'ils étaient eux-mêmes complètement dévastés. parce que bon ben, eux ils ne m'ont pas vue. Bien sûr, ils se sont un peu rendu compte que j'ai failli mourir, puisque quand on va les prévenir, le policier leur dit on ne sait pas si elle a survécu, donc ils font la route du Charleroi à Bruxelles, donc c'est quand même plus d'une heure de route, en se disant que je ne suis peut-être plus là. Mais malgré tout, mon expérience et leur vision des choses étaient totalement différentes, donc ça veut dire que pour eux, ma vie était... terminée, genre. J'étais devenue handicapée. Et j'étais un peu résumée à ça. Chose pour laquelle je me suis beaucoup battue ou je me suis rendue compte. C'est cool parce que ça m'a fait grandir d'un coup et je me suis rendue compte que la vision de mes parents n'était pas du tout la réalité. Chose dans laquelle je n'étais pas encore sortie. C'est quelque chose qui était encore fusionné avec ma vision. Ce que pensent papa et maman de moi est la réalité. C'est une chose normale quand on est enfant. Mais quand on grandit et qu'on fait une bonne crise d'adolescence que je n'ai pas faite, eh bien, on peut se détacher de ça et créer sa propre personnalité. Je n'étais pas encore dans ce travail-là quand ça m'arrive à 17 ans. Donc, je pense que mon papa, on repart dans quelque chose d'ancien. Ça veut dire que pour lui, je redeviens un enfant puisqu'il doit tout faire à ma place. Donc, on repart dans un peu une régression. Je pense qu'ils ne gèrent pas ma frustration. J'essaye de... Enfin, c'est pas que j'essaye, c'est que je masque mes émotions pour les aider, en fait. Donc, je ne montre pas à quel point je souffre. C'est là où je dis cette phrase de Bob Marley qui a vraiment guidé ma vie. Donc, tu ne sais à quel point tu es fort jusqu'au jour ou être fort devient la seule option. Mais c'est vraiment ça, pour moi. Ça veut dire que je n'avais pas d'autres possibilités parce que je voulais aussi protéger mes parents sur la douleur. Donc, mon père est en surprotection, ce qui ne m'aidait pas non plus, parce que je voulais absolument y arriver toute seule. Et ma maman était complètement perdue sur comment réagir.

  • Sellam Myriam

    Ton rapport à ton corps, il est comment à ce moment-là ?

  • Angelina Bruno

    Il est complètement bouleversé. Il est un peu comme les psychotiques peuvent avoir. Ça veut dire que mon schéma... corporelle, n'est plus du tout structurée. C'est pour ça que la danse m'aide beaucoup parce qu'elle a une puissance incroyable sur la structuration. Donc, d'un coup, c'est comme si parfois on voit les dessins des psychotiques quand ils dessinent leur corps, ils mettent parfois le bras là, la tête là. Donc, il y a vraiment une forme de déstructuration de mon corps où j'ai une partie de mon cerveau qui pense que j'ai toujours mon bras. C'est pourquoi j'ai des douleurs fantômes. C'est pourquoi quand je vais rater une marche des escaliers, je vais tout de suite mettre mon bras droit. Parce que pour mon cerveau, il existe toujours. Sauf qu'il n'est plus là. Donc quand j'ai mal, je sens toujours mes doigts, je sens toujours ma main, ce qui est très, très bouleversant parce que je ne comprends pas. Donc c'est vrai qu'au départ, je continue ma vie en pensant toujours que j'ai mon bras. Donc je ne regarde pas mon bras. Même si j'ai conscience qu'il est là, mais je ne le regarde pas. C'est un peu comme toute personne qui a un gros complexe physique, ne se regarde plus. Et c'est quand on se voit en photo que là, on a le... Parce que même quand je me regarde dans le miroir, je vais regarder toute cette partie-là. Mais je ne vais plus regarder mon corps. Et c'est là où la danse arrive et où elle est si thérapeutique que même elle n'a pas été dirigée pour moi de base pour ça. Qu'est-ce qu'elle m'a aidée à reconstruire mon schéma corporel ?

  • Sellam Myriam

    Alors justement, comment est-ce que tu y arrives à ce moment-là ?

  • Angelina Bruno

    En fait, j'y arrive très vite et fort heureusement pour moi. Je pense qu'un an après d'être rentrée à la maison, d'avoir eu ma dernière opération...

  • Sellam Myriam

    Parce que tu en as eu beaucoup maintenant.

  • Angelina Bruno

    Oui, j'en ai eu beaucoup. Oui, parce que vraiment, au-delà du choc post-traumatique qui, évidemment, m'a pris beaucoup, beaucoup d'énergie, toutes les anesthésies. général que j'ai eu, ont flingué mon métabolisme. Toute la dose de médicaments que j'ai eu d'antibiotiques ont flingué toute ma condition physique. Donc, un an après, je retourne voir le docteur en disant Mais je n'arrive plus à rien faire, en fait. J'ai des migraines tout le temps. Je dors 12 heures par jour ou alors je ne dors plus du tout. Je suis complètement... déstructuré aussi dans mon rythme de vie, mon corps. Enfin, je suis vraiment une morte vivante. Je revois des photos de moi à cette époque. Je me dis, vous voyez cet arbre qui a subi un raz-de-marée et qui d'un coup est tout nu. Et il n'a plus de feuilles, il n'a plus rien, il a maigri. Mais il est toujours là. Mais c'était moi. J'avais vraiment cette sensation de, mon Dieu, il y a encore un petit souffle dans ce corps. Mais waouh ! Il ne reste plus grand-chose. Mais c'était un peu ça. un an après, je retourne le voir en disant mais je n'y arrive pas, je n'arrive plus à aller à l'école, je n'arrive plus à tenir le rythme. Et donc, il me dit que c'est les conséquences qu'en vrai, on ne se remet jamais d'un choc pareil. En soi, c'est déjà bien que je sois en vie maintenant. Il y a des conséquences. Il me dit que j'ai le corps d'une femme d'une quarantaine d'années maintenant, dans un petit corps d'une ado de 17 ans. Chose que je ne comprends pas. puisque je n'ai jamais été jusque là. Oui, je vois autour de moi, mes parents dirent, je suis fatiguée, je suis fatiguée. Mais je ne conscientise pas ce que ça veut dire vraiment. Donc, il me dit de faire un sport. Peut-être que ça va m'aider à reprendre un petit peu un rythme et à me donner de la force. Et c'est là que je me dis, vu ce qui s'est passé avant, vu mon lien avec la danse et l'école où je passais souvent devant en voiture avec Massimo. Quand on se baladait, on passait souvent devant et je me suis dit, je vais peut-être tester la danse juste pour voir.

  • Sellam Myriam

    Juste pour voir.

  • Angelina Bruno

    Juste comme ça.

  • Sellam Myriam

    C'est un hasard. On va voir ce qui va se passer.

  • Angelina Bruno

    Exactement. Quand je pousse les portes de cette école qui s'appelait Modino, parce qu'elle n'existe plus, à l'époque tenue par David et Franco, donc David qui aujourd'hui a une école à Charleroi, qui a sa place et qui est connue de tout, ce qui s'appelle Toumad. Et bien quand je pousse les portes de cette école, évidemment comme je l'ai précisé, c'était hip-hop. Je n'ai pas poussé les portes d'une école contemporaine ou classique.

  • Sellam Myriam

    Pourquoi d'ailleurs ?

  • Angelina Bruno

    Ah, parce que je pense que je suis hip-hop, je le suis dans l'âme. Quand j'étais gamine, je traînais dans une cité et on passait nos journées à écouter du rap français. Il y a une soul dans le hip-hop sur lequel je me sens tellement proche. Il y a une sorte de... Ben, c'est pas une sorte, il y a une revendication. Il y a un bon... Si personne ne m'écoute, je vais choisir l'art pour qu'on m'entende sur ce que je vis. Parce qu'avant, c'était ça. Maintenant, ça a changé. Mais avant, les gens expliquaient simplement leur quotidien et leurs blessures pour qu'au moins quelqu'un les entende. Et toutes les injustices qu'ils pouvaient vivre avec le racisme, la police, etc. Donc, je me retrouve beaucoup dans cette énergie-là. C'est pour ça que moi, le hip-hop m'a tout de suite attirée. J'avais fait de la danse classique quand j'étais petite. Je me souviens que j'avais été une des favorites de la prof parce que j'étais extrêmement mince. Et très vite, je me suis sentie très mal à l'aise par ces traitements de faveur et par le fait aussi qu'elle me prenait tout le temps pour me comparer à des filles un peu plus fortes. Et donc, moi, ça me faisait tellement de peine. Je disais à ma maman que ce n'est pas bien, ça fait mal au... cœur assez petit et surtout ça créait la jalousie. Or moi, je ne voulais pas ça. Donc je me suis sentie très mal et j'ai codé ça comme si c'est ça la danse classique parce que voilà, c'était ma seule expérience. Je ne veux pas. Bref, tout ça pour revenir que quand je pousse les portes de cette école, il se passe plein de choses. Après, je ne vais pas tout expliquer. Vous allez lire mon livre. Je ne vais pas tout expliquer mais il va se passer. En tout cas, il va naître en moi quelque chose ce jour-là.

  • Sellam Myriam

    Pour qu'on puisse comprendre, parce que c'est quand même un moment important, ça va être quand même mélangé, ça va être dur, et en même temps, ça va te permettre en tout cas d'exprimer une colère.

  • Angelina Bruno

    Complètement, complètement. Bien sûr, ça va être tellement dur, parce que déjà, j'ai un problème avec mon schéma corporel, mais en plus de ça, j'ai aujourd'hui une mémoire traumatique. Donc forcément, une mémoire traumatique n'est plus du tout comparable à une mémoire saine qui fonctionne. très rapidement, où la faculté de concentration est rapide et où la psychomotricité, toutes ces choses-là sont quelque chose de normal. Moi, je n'arrive pas à retenir les chorégraphies. J'ai déjà un problème parce que j'ai très dur au niveau de ma concentration, mais ma mémoire a été complètement bouleversée puisque dans le choc post-traumatique, j'ai utilisé plein de mécanismes de défense, beaucoup de déni. beaucoup de refoulement. Donc, du coup, j'ai plein de parties que j'oublie de moi ou que je tente d'oublier de ma vie d'avant. Donc, c'est vrai que déjà là, je ne comprends pas. Je vois que j'ai beaucoup de mal. Et alors, j'ai un problème d'équilibre. Vraiment, chose que dès que je vais m'accroupir, je tombe genre à droite. Enfin, il y a un problème que dès que je fais une pirouette, c'est fini, je n'ai plus une notion de l'espace forcément puisque tout mon schéma... corporelle est bouleversée. Donc, c'est un des jours les très compliqués pour moi. Heureusement que j'ai encore cette perception d'avoir mon bras droit. Donc, quand on me demande de faire des steps à gauche et à droite, et la plupart des profs sont droitiers, ben, dans ma tête, je l'ai, la perception. Bon, elle ne se voit plus, mais moi, je l'ai. Mais donc, c'est pour moi ce jour-là, un réel casse-tête. Sauf que, à l'intérieur, donc ça, c'est tout ce qui se passe dans ma tête. Mais à l'intérieur de mon ventre, je ne comprends pas tout de suite, mais le son hip-hop, la percussion, l'énergie qu'il y a dedans est très strong. Et donc, on me demande de faire une chorégraphie hyper carrée avec à l'intérieur de moi un bouleversement où c'est le tsunami, c'est la guerre. Il y a des gens avec des bazookas et on me demande du coup de pouvoir exprimer dans une chorégraphie toute cette... Cette énergie-là, je vais utiliser le plus beau des mécanismes de défense parce qu'ils ne sont pas tous au même pied d'égalité. Il y en a qui nous font beaucoup de bien, il y en a qui sont très handicapants. Et donc la sublimation va arriver et je vais pouvoir détourner toute la colère qui n'est pas acceptable dans la société. Parce que le mouvement d'un petit enfant ou le mouvement d'une adolescente n'est pas le même mouvement qu'une adulte. C'est d'en vouloir aux autres alors que les autres, ils n'en peuvent rien. Moi, quand je vais à l'école, quand je m'assois sur ce banc et je regarde toutes mes copines et je vois tout le monde démarrer la vie, je vois tout le monde dans une aisance physique où elles s'habillent, elles sortent leurs plumiers, elles écrivent. Et moi, je me dis, mais pourquoi moi ? Je leur en veux. Je me dis, mais qu'est-ce que j'ai fait ? En fait, j'ai dû faire un truc de mal. Ça, c'est vraiment la pensée religieuse. J'ai vraiment dû faire un truc de mal. Je vois tout le monde parler du futur, mais moi, ça n'existe plus, le futur. Je n'arrive même pas à m'habiller toute seule. Donc, d'un coup, je ne peux pas la sortir, cette colère. Donc, je la retourne contre moi. Grâce à la danse, je vais pouvoir la sortir. Et c'est là où ça a un impact sur ma guérison incroyable.

  • Sellam Myriam

    Tu le sens à quel niveau ?

  • Angelina Bruno

    à tous les niveaux corporels et psychiques.

  • Sellam Myriam

    Tu as l'impression de revivre finalement.

  • Angelina Bruno

    Ah oui, ça veut dire que comme le nom de mon livre, à ce moment-là, je danse pour survivre. Ça veut dire que quand moi je vais à mon cours de danse, c'est le seul moment que j'attends de toute la semaine. J'y pense H24 parce que ça me fait quelque chose dans mon corps où d'un coup, j'ai cette impression que c'est une bulle d'apparition. où je sors de mon trauma, parce que dans mon quotidien, tout me rappelle ça. Parce que je suis encore dans tout ce processus de revalidation. Donc tout mon quotidien me ramène tout le temps à mon traumatisme. Et puis c'est bête, c'est des petites choses, mais la violence qui est à la télé, on ne se rend pas compte, la négativité à la télé, même ça, ça me ramène. Il y a du sang partout. Bon, après, mes parents ne sont pas comédies non plus. Ils sont films d'action ou thrillers ou voilà. Moi, je suis traumatisée. Même, je regarde le journal, on parle d'accidents, de... Waouh ! Et là, quand j'arrive à mon cours de danse, on appuie sur pause. Pendant une minute, tout s'arrête. Et je ne prends que du bonheur. Donc, pour moi, c'est vraiment la soupape. C'est mon moyen de survivre. Avant que ça m'aide juste à vivre, au départ, c'est mon moyen de survivre.

  • Sellam Myriam

    ça a été tellement une renaissance que tu vas changer de prénom, en tout cas dans ta tête. Parce qu'Angelina n'est pas ton vrai prénom.

  • Angelina Bruno

    Non, pas du tout. Comme je l'explique, et ça, ça va être intéressant à lire dans les détails, parce que là, on évoque, évidemment, on évoque en grande ligne. Mais c'est important pour moi de transmettre ça aussi dans mon livre, parce qu'Angelina est liée au regard des gens. Ça veut dire qu'au-delà de tout ce que je vivais au quotidien, Au départ, j'étais dans ma bulle puisque j'étais tout le temps à la maison. Mais quand il a fallu retourner à l'école et reprendre la vie du quotidien, c'est là où je me suis rendue compte qu'il y avait une des grandes difficultés pour moi supplémentaires, quelque chose auquel je n'avais pas encore fait face. Puisqu'à l'hôpital, c'est normal d'avoir des problèmes. Sauf que là, j'arrive dans le monde et là, le regard des gens arrive. Mon Dieu, mon Dieu. La difficulté et la souffrance pour moi d'être... sans cesse le centre mais plus de oh elle est mignonne mais le centre de elle est différente maintenant et qu'est-ce qui lui est arrivé et puis la pitié et puis waouh je me dis mais déjà j'ai tellement de difficultés au quotidien comment je vais faire pour survivre au regard des gens et c'est là où dans mon quatrième chapitre c'est Francine vs Angelina je vais créer Angelina Angelina, c'est un prototype. Angelina, c'est la femme que j'aurais rêvé d'être.

  • Sellam Myriam

    C'est la femme qui assume totalement ce qu'elle est. Celle qui a une aisance avec son corps. Mais genre, elle est hyper fluide. Elle a du charisme. C'est facile. C'est facile. Elle est là. Elle a une force attractive. Elle est rayonnante. Ça, c'était Angelina. Et donc, je l'ai créée très rapidement. Le déclencheur, ça a été ce premier jour à l'école de danse. Toutes les petites choses que j'ai vécues. Et je vais commencer à créer ce prototype pour survivre au regard des gens. Et c'est là qu'Angelina va naître.

  • Angelina Bruno

    On a toute envie d'être Angelina. On a toute envie, tu sais, dans les moments, évidemment qu'on a tous aussi des moments difficiles. On a envie effectivement d'incarner, d'avoir un archétype, quelqu'un qui nous... qui nous aide et qui nous dit t'inquiète, ça va aller, regarde, tu vas être une femme incroyable.

  • Sellam Myriam

    Complètement. C'est pour ça que je transmets, parce que le dire, c'est une chose, mais comment on fait pour le créer ? Comment on fait, du coup, dans la vie de tous les jours ? Et c'est là où, à travers ma danse-thérapie, c'est aussi ce que j'apprends. Parce que dans ma danse-thérapie, je mélange plein de choses, et notamment le théâtre, apprendre à faire semblant. Je me suis très vite rendue compte que tout ce qui se passe au... autour de moi, réagit en fonction de mon attitude. Et c'est là où je me suis dit, tiens, je vais physiquement me tenir d'une autre manière. Je vais donc faire semblant, puisqu'on est les histoires pour moi, on se raconte. Je vais juste me raconter une autre histoire et voir ce que ça fait autour de moi. Et donc, le résultat était immédiat. Et c'est là où Angelina a été ma protection aussi. Après, c'est... C'est difficile à comprendre, mais dans la pratique, ça se structure.

  • Angelina Bruno

    Parce que justement, après ce cours, tu vas faire quand même pas mal de cours de danse et tu vas lier ça finalement à la psychologie, parce que c'est quelque chose d'important pour toi. Et justement arrive cette envie de lier les deux et donc ce concept de danse express. Pourquoi danse express d'ailleurs ?

  • Sellam Myriam

    Je ne sais pas, parce qu'en fait, je me suis formée en danse thérapie. avec Benoît Lessage, qui est un des fondateurs de la danse thérapie ici en France. Mais sa danse thérapie ne raisonnait pas avec mon histoire. Par contre, il y avait des choses tellement intéressantes et importantes. Mais je me suis dit, OK, maintenant que j'ai tout ça, tous ces acquis, tout ce que j'ai appris et étudié, il faut que je fasse ma propre danse thérapie. Donc, créer quelque chose qui serait à moi unique. Et je me suis dit, il me faut un nom. Et donc, danse express, parce que la danse te permet d'exprimer, d'exprimer tellement de choses sans forcément y mettre des mots. Voilà, c'est pour ça que je trouvais ça très beau, l'association de danse express.

  • Angelina Bruno

    Il existe beaucoup de danse thérapie. Oui. Dans le process, qu'est-ce qui, à ton avis, se distingue des autres ?

  • Sellam Myriam

    En fait, je mélange vraiment... apprentissage dans la danse tout ce que ça m'a apporté tout ce que ça m'a permis donc j'ai testé aussi plein de styles de danse, je sais que j'utilise aussi le krump dans ma danse thérapie le krump qui est waouh, c'est vraiment pour le coup, c'est vraiment une danse, comme on dit ça réflexe, une danse animale c'est quelque chose qui vient nous chercher dans les tripes je pense que ce qui me différencie de certaines danseuses autre méthode de danse c'est que, bon bah déjà de par mon histoire évidemment, parce que d'abord c'est mon histoire avec moi, donc la danse c'est d'abord ma propre histoire de survie et aussi dans le process j'utilise énormément de techniques donc quand les gens souvent ils se disent, oui mais moi je ne sais pas danser ils ont l'impression que pour venir à un cours de danse thérapie il faut savoir danser, mais pas du tout les gars, arrêtez pas du tout en fait on met vraiment au service de la thérapie et la danse donc dans un premier temps moi ce que j'adore faire et ce qui est essentiel pour le travail et pour la continuité du travail c'est déjà de revenir à l'intérieur de soi donc de par plein d'exercices parce que par la voix ça ne va rester que dans la conscience c'est de se réapproprier son corps, de refaire une unité avec l'un Parce qu'on ne se rend pas compte, mais dès qu'on a un complexe, il y a une partie du corps qui est sans cesse rejetée. Sauf que dans cette partie du corps, parfois, vit des organes qui eux aussi, les petits loulous, sont rejetés. Donc dans un premier temps, c'est de se réapproprier, de revenir à l'intérieur. Comment on fait finalement ? Donc ça, j'ai un panel d'exercices pour ça. Ensuite, la deuxième étape, c'est le comprendre. Finalement, ok, d'accord. Bon, là, je suis revenue à l'intégralité, à l'intérieur. Ok, mais comment je fais pour le comprendre ? Parce que mon corps, au quotidien, me donne tellement d'indications. Il suffit de voir à quel point, quand on a peur, on a mal au ventre. On peut même aller jusqu'à aller aux toilettes, avoir des vomissements. Je veux dire, quand on a énormément de choses à gérer, on a la nuque bloquée, on a des problèmes de cervical. Enfin,

  • Angelina Bruno

    notre corps nous parle.

  • Sellam Myriam

    Voilà. Donc, moi, je dis toujours ça, c'est une merveilleuse phrase que j'adore, mais c'est vrai, c'est tout ce qui va pouvoir s'exprimer en mots ne se transformera pas en mots. Ça veut dire que notre corps nous donne plein d'indications et souvent, avant la maladie, il nous a donné plein de petits systèmes d'alarme. Donc déjà, pour moi, la danse-thérapie, c'est déjà une manière préventive de comprendre. Ça fait plusieurs fois que tiens, j'ai des petits lancements là, qu'est-ce que ça veut dire ? Aussi bien dans ma vie, dans mon rythme de vie, mon alimentation, etc. Mais aussi dans mes émotions. En second temps, pour moi, et c'est là où le processus est vraiment le plus pertinent, c'est que je vais travailler l'émotionnel. Ce qui nous rend malades, c'est le blocage des émotions. Les Chinois l'ont bien compris il y a très longtemps. avec la méditation, avec les chakras, avec tout, cette circulation d'énergie. Quand il y a un endroit où c'est bloqué, c'est là qu'on tombe malade. Moi, j'imagine toujours les émotions. Je fais toujours ce parallèle avec un coffre. Ça veut dire que demain, vous sortez d'ici, d'accord ? Vous traversez la rue. Et là, je ne sais pas, il y a un mec qui vient vous embrouiller pour X raisons. Il vous hurle dessus. Vous avez une montée d'agression, peut-être un figement. Il se passe plein de choses dans le corps, ok ? Après, la situation se termine, on rentre dans la voiture, il y a un tas de choses qui commencent à ruminer. J'aurais dû dire ça, j'aurais dû faire ça, j'aurais dû agir comme ça, ok. Il y a quelque chose qui s'est impacté. On va l'expliquer à quelqu'un. Bon, tiens, il m'est arrivé ça, ok. Sauf qu'à l'intérieur, il y a une charge émotionnelle qui est arrivée. Cette charge émotionnelle n'est pas traitée. Moi, c'est ce que je me suis rendu compte avec mes psys. Pour moi, la guérison, si on peut appeler ça guérison, parce que tout ne se guérit pas. Mais c'est un autre débat. Une partie de la guérison se fait par les deux biais, la parole mais le corps. On ne peut avoir un vrai résultat, et je m'en suis rendue compte quand la danse ne faisait pas encore partie de ma vie professionnelle, mais que j'avais mon cabinet de sophrologie et que j'avais donc des patients et que je me disais, je sens, je le sens parce que j'ai une intuition de fou malade, je sens qu'il me manque un truc. Bien sûr qu'il me manque un truc, le mouvement. Donc qu'est-ce qu'on vient faire avec ce coffre ? Depuis qu'on est enfant, il y a énormément de choses qu'on a mis dans le coffre. Un jour, on se réveille et on a des crises d'angoisse. On a du stress, on commence à se sentir pas bien et on ne comprend plus ce qui se passe. Le coffre est plein. Donc qu'est-ce qu'on vient faire en thérapie ? On vient remettre du symbole. On vient redécharger cette énergie qui a été bloquée, mais dans un format... structurant.

  • Angelina Bruno

    Rassurant.

  • Sellam Myriam

    Et rassurant. Et c'est là où on permet à cette énergie de pouvoir symboliquement sortir, d'être de nouveau symbolisé et de ne plus venir chercher et chercher cette énergie pour maintenir un pseudo-équilibre. Parce que nous, névroses, tout a un objectif. On est censés s'entendre tout critiquer. On a un toque, par exemple, on veut l'enlever. Non, les gars, on ne touche pas normalement à nos toques. On ne touche pas touche pas à tout ce qui maintienne un équilibre. Comme la clope qu'on prend systématiquement, on le voit quand on prend une thérapie brève pour arrêter de fumer, on va le déplacer parce que le corps tente de maintenir un équilibre. C'est là où du coup pour moi la dense thérapie a un impact de dingue sur l'amélioration de tout ça.

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