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Les Sens de la Danse

Roxane Stojanov : Une Première Danseuse en pleine ascension ! (Rediffusion)

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1h06 |03/11/2024
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1h06 |03/11/2024
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Description

En cette saison exceptionnelle, Roxane Stojanov enchaîne les moments forts sur la scène du Palais Garnier. Elle fait sensation dans deux productions iconiques, révélant toute la profondeur et la force de son talent :


🔹 Mayerling de Sir Kenneth MacMillan – Un ballet dramatique où Roxane incarne l’envoûtante Mitzi Caspar. Aux côtés de l’Étoile Hugo Marchand et entourée de ses "officiers" Antonio Conforti, Nicola Di Vico, Lorenzo Lelli et Keita Bellali, elle subjugue le public lors des représentations des 29 octobre, 1er, 6 et 8 novembre.


🔹 Rearray de William Forsythe – Entre puissance et finesse, elle nous entraîne dans cet univers contemporain unique, accompagnée de Takeru Coste et Loup Marcault-Derouard, jusqu’au 3 novembre.


À l'occasion de cette actualité foisonnante, (re)découvrez notre premier épisode Les Sens de la Danse, où Roxane nous partage son parcours, ses doutes, ses ambitions, et cette passion qui la pousse toujours plus loin.


Vous pouvez la retrouver sur Instagram :

https://www.instagram.com/roxanestojanov/


Son répertoire et sa biographie:

https://www.operadeparis.fr/artistes/roxane-stojanov



Retrouvez les infos sur le podcast ici :

Le compte instagram du podcast : https://www.instagram.com/lessensdeladanse.podcast/

Le compte facebook du podcast : https://www.facebook.com/lessensdeladanse.podcast


Très belle écoute


Hébergé par Ausha. Visitez ausha.co/politique-de-confidentialite pour plus d'informations.

Transcription

  • Speaker #0

    Les Sens de la danse, le podcast qui met de la conscience dans le mouvement.

  • Speaker #1

    Ah,

  • Speaker #0

    ça y est, te voilà enfin posé. Et même si tu es dans le métro ou les bouchons, je t'invite à entrer avec moi dans une petite bulle. Une bulle où l'on parle de danse et en quoi elle donne du sens à nos vies. Aujourd'hui, je te propose de découvrir l'univers de l'Opéra National de Paris, ou plutôt de découvrir l'état d'esprit d'une de ces danseuses, Roxane Stoyanov. Ensemble, nous allons tenter de comprendre ce que signifie faire partie de l'une des plus célèbres compagnies de danse classique au monde.

  • Speaker #1

    On est très peu de mon année où je suis rentrée à 12 ans, je suis la seule dans le corps de ballet aujourd'hui, et même la seule à être danseuse et à en vivre en fait.

  • Speaker #0

    Elle s'est livrée sur ses exigences, ses doutes aussi, qui poussaient à l'extrême, peuvent devenir de véritables freins. Tu te juges beaucoup justement ?

  • Speaker #1

    Oui, à un moment donné, ça a été tellement que ça m'empêchait de travailler. Au moindre petit pas, pas comme je veux, j'étais incapable de continuer au-delà de la chorégraphie. Juste parce que tel mouvement n'était pas comme je voulais, stop, je m'arrêtais. Je reprenais, je pouvais passer deux heures sur les 30 premières secondes.

  • Speaker #0

    Désormais première danseuse, elle est soliste, ce qui lui permet d'endosser des rôles de plus en plus importants.

  • Speaker #1

    Certains rôles m'ont permis de découvrir une facette de moi que je ne connaissais pas, parce que ce sont des personnages que je ne suis pas, ce n'est pas mon caractère. Et d'avoir à les jouer, c'est impressionnant parce que c'est bien caché quelque part pour que ça sorte comme ça. Complètement. C'est fascinant, ça m'a fait évoluer, grandir moi en tant que personne aussi.

  • Speaker #0

    C'est le tout premier numéro et autant te dire que je suis à la fois heureuse, émue et un peu stressée aussi. J'espère surtout que tu vas passer un bon moment. Et si c'est le cas, n'hésite pas à laisser un avis et à t'abonner pour ne rater aucun épisode. Tu trouveras également sur Insta, Facebook et TikTok des vidéos inédites de Roxane en train de danser avec sa grâce et sa souplesse. Je te laisse découvrir tout ça. Voilà, je pense que tu sais tout. Je te souhaite une bonne journée. très belle écoute. Bonjour Roxane, je suis ravie de te recevoir aujourd'hui. Alors pour ceux qui ne te connaissent pas, tu es première danseuse depuis 2022, le grade qui est juste en fait celui en dessous des étoiles. Quand tu te réveilles là en ce moment, tu te dis waouh j'ai réussi, je suis en train de vivre mon rêve ou alors pas du tout ?

  • Speaker #1

    Ah si franchement, oui oui si. Plonger dans le quotidien, c'est vrai qu'on ne prend pas souvent assez de recul, on est pris dans le boulot. En fait, les gens à l'extérieur qui ne connaissent pas ce monde-là, c'est grâce à eux que je percute aussi. Ils m'aident à me ramener à la réalité et de me rendre compte, parce que je me mets en particulier souvent beaucoup de pression et je suis très exigeante. Je suis quand même devenue une soliste de l'opéra et c'est une responsabilité. Je représente l'opéra, mais... En fait, c'est quand même un rêve. À chaque fois que je dois danser, c'est quand même un kiff toute seule.

  • Speaker #0

    Et qui fait rêver beaucoup de personnes. Alors justement, quand tu étais petite, comment est-ce que tout a commencé ?

  • Speaker #1

    Ça, je le dois à mes deux sœurs, les filles de ma maman, parce qu'on est quatre filles, deux de ma maman, deux de mon papa. Donc, c'est les deux filles de ma maman qui n'arrêtaient pas de dire à ma mère, mais il faut que tu fasses quelque chose. Elle n'arrête pas de danser dès qu'il y a de la musique.

  • Speaker #0

    Et danser comment ? Tu faisais quoi ?

  • Speaker #1

    Moi, je n'ai pas spécialement souvenir. C'était vraiment, je me mettais à gigoter sur le moindre rythme. Après, ça paraît un peu... Evident, pour se dire, oui, elle a voulu devenir danseuse, elle dansait sur n'importe quoi. En fait, c'est quand même grâce à ça qu'on m'a inscrite à des cours de danse. C'était en Macédoine, parce que mon père est macédonien et pour le travail, on a déménagé là-bas. Et l'école de danse ne voulait pas me prendre avant 8 ans et demi, parce qu'ils estimaient qu'avant, ça allait déformer le corps, dans la croissance, etc. Mais alors j'ai commencé avec les vrais cours de danse à la barre, c'était pas de l'éveil corporel, j'ai tout de suite fait le...

  • Speaker #0

    Le grand bain finalement. Oui,

  • Speaker #1

    oui voilà. Il y avait quand même une rigueur, un cadre, des exercices à retenir, un travail de mémoire à faire, une façon de faire, se rappeler des corrections qu'on nous donne. Et je crois que c'est ça aussi qui m'a plu. Donc après on a fait confiance aux professeurs que j'ai eu à chaque fois et je pense que c'est les gens que j'ai rencontrés qui m'ont amenée... à petit à petit me pousser à aller plus loin en fait. Mais j'ai de la chance aussi d'être tombée sur ces personnes-là à ce moment-là.

  • Speaker #0

    Des personnes finalement qui ont cru en toi et qui ont vu ton potentiel.

  • Speaker #1

    Oui, absolument, parce que dans ma famille, à part une de mes sœurs qui est comédienne, mes parents n'ont rien à voir avec le domaine artistique, ni même mes grands-parents. Donc c'est un milieu totalement neuf, inconnu. Même pour mon papa, c'était un peu compliqué d'accepter que... que j'allais travailler autant qu'un footballeur, faire autant d'activités physiques, alors que j'utilise une fille, et sa petite fille, elle ne peut pas comme ça souffrir. Donc, ils ont fait confiance dans tous les professeurs que j'ai eus, qui ont vraiment dit, elle a quelque chose, il faut qu'elle y aille. Moi, je n'avais pas forcément conscience, ni confiance, je ne me posais pas la question. Mais je faisais, on mettait une barre à chaque fois plus haute. je l'atteignais et c'était ça qui était aussi satisfaisant je pense j'aimais bien bosser et je m'éclatais toujours dans tout ce que je faisais je considère que j'étais un peu touriste c'est peut-être ça aussi la naïveté qui m'a fait du bien en tout cas qui m'a pas mis tout de suite trop de pression parce que j'avais pas conscience en fait parce que tu étais extrêmement jeune oui et je savais moi non plus je ne savais pas que c'était un métier c'est à dire qu'on m'a dit voilà on essaye Mais j'ai jamais eu de pression aussi non plus de mes parents. Parce que du coup, c'était si tu veux, on te suit. Mais sache que c'est pas grave si on n'y arrive pas ou tu n'y arrives pas. Honnêtement,

  • Speaker #0

    à ton temps, c'était un peu comme un jeu.

  • Speaker #1

    Ouais, ouais, c'est vrai. C'est vrai. Ouais, ouais.

  • Speaker #0

    Donc, ça va, ça reste. Il n'y a pas d'enjeu, justement.

  • Speaker #1

    À ce moment-là, en tout cas, non.

  • Speaker #0

    Alors, ça commence quand, justement,

  • Speaker #1

    où tu te dis,

  • Speaker #0

    ouh là là, ça y est, j'ai envie d'en faire mon métier. Il y a eu un... Des clics, un déclenchement, une sensation ?

  • Speaker #1

    Déjà quand même de passer l'audition pour rentrer à l'école de danse qui prépare au ballet de l'Opéra de Paris. C'est peut-être la première fois que j'avais un petit stress quand même, pas pendant, mais à l'annonce des résultats, où je me rendais compte qu'il pouvait y avoir un échec, que ça pouvait être un échec de ne pas y arriver.

  • Speaker #0

    D'accord.

  • Speaker #1

    Parce que j'avais juste deux semaines avant fait mon premier concours de danse, où je n'ai pas du tout été acceptée pour la finale. Mais vraiment, j'étais la grosse touriste pour le coup, mais qui n'était pas du tout au niveau. Alors je me suis dit, si ça ne marche pas là non plus, ça avait été déjà dur à accepter. Mon nom a été donné en dernier, je commençais à perdre espoir. Et c'est ma maman, heureusement, qui m'a dit, attends. Parce qu'elle, elle avait compris que Stoyanov, S, ça risquait d'être en dernier si on le prononçait.

  • Speaker #0

    Et donc, tu es rentrée finalement à l'école de danse. Tu avais

  • Speaker #1

    12 ans.

  • Speaker #0

    Voilà, 12 ans. ce qui est extrêmement jeune, on est encore une enfant.

  • Speaker #1

    Oui, il y a des plus jeunes encore qui rentrent. Mais là, pour moi, qui n'avais jamais quitté mes parents, en plus je devais être en internat parce qu'on habitait à Bruxelles à ce moment-là, ça n'a été pas facile du tout. Même si je faisais ce que j'aimais, c'était vraiment dur la distance au début. L'internat, oui, je pleurais tous les soirs. On n'avait pas le droit déjà d'avoir de téléphone. Donc si on en avait un, il y avait certains horaires pour téléphoner. Donc tous les soirs et matins, matin en catimini quand même, j'appelais, j'étais en pleurs. Donc ma mère, elle tenait bon, mais entre le matin et le soir, je pense que c'est elle qui était en pleurs. T'imagines. Et ça a duré un ou deux mois au début quand même. Puis je lui ai dit, dis-moi un truc parce que j'ai pas envie d'arrêter. Dis-moi quoi faire pour arrêter d'être triste, de pleurer. Et elle m'a dit, bah écoute, en soi, si vraiment c'est trop dur, c'est pas grave. Pense à toutes les petites filles qui étaient là. Vous avez été que 7 à avoir été prises et vous étiez peut-être 140 à l'audition. Donc il y en a une qui, elle, pleurera pas, aura envie d'avoir cette place en fait. Je lui ai dit, ok, non. Ça sera quoi ? Il faut que je saisisse le truc. C'est vrai qu'effectivement, il y en a plein d'autres qui doivent pleurer, donc je ne peux pas me permettre d'être lâche.

  • Speaker #0

    Être lâche, tu trouves que c'était...

  • Speaker #1

    Pas lâche, mais il y avait un côté où, si, quand une petite fille rêve d'être à ma place, je ne peux pas me permettre par respect pour elle, en fait, de... D'en plus moi pleurer alors que j'ai tout ce que je veux. À ce moment-là, en tout cas.

  • Speaker #0

    C'est ce qui t'a donné la force.

  • Speaker #1

    Oui, ça m'a donné la force. Parce que la journée, ça se passait très bien. Je pense que c'était aussi le temps de me faire des amis. Après, j'avoue, c'était la colo. J'étais trop contente. Après, j'avoue, j'étais des fois un peu triste de rentrer parce que j'étais quand même bien à l'internat. Donc voilà, c'est vite passé. Ça a été net.

  • Speaker #0

    Il y a tellement de fantasmes sur ce milieu, sur l'école de danse de l'Opéra de Paris. Mais à t'entendre, finalement, c'était assez amusant.

  • Speaker #1

    Moi, je l'ai vécu toujours comme ça, parce que je trouve ça amusant, le travail. En fait, l'exigence qu'on nous inculquait, la rigueur et tout, c'était... Je trouvais ça hyper chouette, en fait, d'arriver à... À être dans la recherche, d'arriver à trouver, de faire ce qu'on nous demande. J'avais en fait vu aussi, avant de rentrer, un petit documentaire sur les petits rats, justement ceux qui ont 8-9 ans, qui était assez dur. Et je me souviens que ma prof m'avait dit, bon voilà, ça ressemble à ça, c'est dur. Est-ce que vraiment t'as envie ? J'ai dit, ouais, ça ne me fait pas peur. Encore une fois, challenge. J'ai envie de prouver que moi, ça ne me fera pas ça, en fait. Oui,

  • Speaker #0

    c'était un défi.

  • Speaker #1

    C'est vraiment, ouais, je suis plus forte que ça. Dès que j'étais face à des profs qui étaient jugés sévères, moi, je savais le prendre comme un, bah, ils sont exigeants, ils me demandent un truc, j'essaye de le faire du mieux que je peux. Ça passait, on me dit un truc, je ne vais pas me mettre à pleurer parce qu'on me le dit d'une façon un peu dure. J'avais toujours un... Sourire, j'étais dans l'acceptation des infos. Et derrière, j'essayais de mon mieux de le faire. Et ça leur allait. Et ça s'est toujours bien passé. Je n'ai jamais eu de difficultés avec aucun professeur.

  • Speaker #0

    Et ça a payé, en fait ?

  • Speaker #1

    On dirait, oui.

  • Speaker #0

    Parce que quand même, même si tu prenais ça comme un jeu, je veux dire, quand tu es à l'école de danse, chaque année, il y a quand même une pression. Vous êtes jugée, il y a des examens, vous pouvez, si les notes ne sont pas satisfaisantes,

  • Speaker #1

    être redoublée ou virée.

  • Speaker #0

    Complètement, oui.

  • Speaker #1

    Non, non, ce n'était jamais acquis. Évidemment, ça me faisait stresser, mais pendant l'année, on se disait entre nous les notes et j'avais remarqué que j'avais toujours la note maximale ou j'étais dans la partie haute du groupe. J'ai fini première quasiment tous les ans. ou une année deuxième, mais voilà, c'est quand même un sans faute. Mais après, ça ne m'empêchait pas de stresser, mais de vouloir bien faire.

  • Speaker #0

    Donc, en fait, j'ai l'impression que le fait d'avoir pris ça comme un jeu et avec moins de pression et finalement en s'amusant, c'est ce qui a permis pour toi de t'épanouir au maximum et de révéler toutes tes capacités. Parce que quand même...

  • Speaker #1

    Parce qu'en fait, c'est surtout que dès que je dansais... Ça me faisait sourire. J'ai souvent le sourire collé au visage. D'ailleurs, quand j'étais à l'école de danse, j'ai rencontré Roland Petit. J'ai fait partie du ballet Le Rendez-Vous, où à un moment donné, il y a un passage de deux enfants. Et moi, j'ai tendance à toujours sourire. Et c'est une rencontre de deux enfants. Mais c'est assez mélancolique, tragique. Je me souviens qu'il m'a dit, la danse, ce n'est pas que sourire. C'est la première fois que j'ai compris que la danse pouvait amener aussi d'autres émotions. Ça m'a marquée. Après, jusqu'en dernière année à l'école de danse, notre examen de fin d'année, ce sont des variations à présenter, donc on n'est pas dans le drame. C'est quelque chose où il faut montrer que la danse, c'est absolument pas difficile. Et en fait, ça me fait du bien aussi. Je me faisais plaisir, mais j'avais envie de faire plaisir en face, leur donner le sourire que j'avais, en fait.

  • Speaker #0

    Et en même temps, il n'y a pas que le sourire finalement, il y a d'autres émotions.

  • Speaker #1

    Oui, ça m'a servi pour plus tard, je m'en suis rappelée. Parce qu'après, en dernière année, là, il y a un enjeu. Déjà, on a des rôles pendant l'année. Il y a un spectacle de l'école, on a globalement les premiers rôles. Là, on raconte des histoires. Du coup, ça, ça me plaît vachement aussi. Incarner un personnage que je ne suis pas forcément, ça permet d'être plein de personnes et de personnalités différentes à la fois, qu'on ne sera peut-être jamais.

  • Speaker #0

    Mais en tout cas, si je te suis bien, ce conseil-là, et pas de n'importe qui...

  • Speaker #1

    Il était dur, mais...

  • Speaker #0

    Mais il t'a marqué et finalement, il a été un peu comme un fil directeur tout au long de ta carrière ? Ou au début seulement ?

  • Speaker #1

    C'est surtout au début où ça m'a... marqué dans le sens où je me suis dit Roxane, c'est pas parce que t'es en train de danser que tu dois te coller le sourire, faut que ça vienne de toi aussi. Quand même arrivé les deux dernières années, j'ai compris moi j'étais vraiment touriste, j'ai compris assez tard qu'il y avait un concours qui permettait de rentrer dans le corps de ballet

  • Speaker #0

    Ah oui, on en était quand même à ce point-là

  • Speaker #1

    Un peu ! J'en entendais parler mais en vrai je connaissais rien et oui, donc le concours d'entrée, j'ai senti je... J'ai commencé à sentir ma première division, donc c'est la dernière année, que j'ai fait deux fois. Mais la première année, j'ai senti la pression parce que je la sentais aussi de tous mes professeurs. Enfin, dans le sens où ils comptaient vraiment beaucoup sur moi parce que voilà, c'est ce qu'ils me souhaitaient. Mais là, j'ai connu la mauvaise pression un peu. Enfin, je me la suis mise à moi. C'était une année compliquée, je faisais ma puberté en même temps, mon corps changeait. Avant, dès que je faisais un truc, ça passait tout seul. Là, mon corps, je lui disais un truc, ça ne sortait pas. Jusque-là, tout était naturel. J'avais la danse facile. Là, d'un coup, je n'ai plus rien compris. Là, j'ai compris le côté sport de la danse, en fait. Là, il a fallu que j'aille conscientiser ce que je ressentais, avoir conscience de mes jambes, que ce n'est pas elle de faire toute seule le mouvement, que le... Tout part du buste, qu'il faut être solide du dos, du bas du ventre. Parce qu'en fait, j'avais fait une grosse poussée de croissance, j'étais devenue la plus grande de la classe alors que j'étais la plus petite deux ans avant. Et j'ai un physique où j'ai un buste un peu plus petit que mes jambes. Donc mes jambes prennent beaucoup le dessus. Et j'étais bambi, c'était très compliqué de... Vraiment bambi là sur la glace, c'était un peu moi. C'était beaucoup de pression parce que d'un coup, j'avais un nouveau paramètre à gérer qui était mon corps. Et en même temps, à la fin de l'année, il fallait que ce soit parfait pour passer l'audition, pour rentrer dans le ballet. Donc là, j'ai plus trop eu le sourire cette année-là. J'imagine. C'était un peu... Mais voilà, après, c'est une expérience, ça m'a forgée. Je ne suis pas rentrée. Ça a été vraiment très dur. Il n'y avait qu'un poste, ils ont pris... Une fille, on était cinq, je suis arrivée dernière.

  • Speaker #0

    Aïe.

  • Speaker #1

    Là, c'est...

  • Speaker #0

    Coup dur, une baffe, la première.

  • Speaker #1

    Oui, surtout que je suis sortie du concours et on m'a dit, ça se joue entre toi et celle qui est montée. Et le résultat est tombé. Je n'étais même pas deuxième, j'étais dernière.

  • Speaker #0

    Là, c'est dur pour l'égo.

  • Speaker #1

    Donc, oui, j'avais des problèmes un peu de... de physique, c'est qu'avec la puberté, j'avais plus le corps... J'avais un corps de femme, les filles dans ma classe ont été plus petites que moi, des brindilles, donc en comparaison, je m'étais mis en tête qu'il y avait ça aussi qui jouait. Et puis, même, ça se voyait que... Je pense qu'en vrai, ça se voyait que j'avais trop du mal à gérer mon corps. Mais donc là, j'ai dû redoubler et ça a été une année... où j'ai l'impression de me mettre retrouvée quand je suis rentrée à 12 ans. Parce que j'étais toujours en internat, donc à 17 ans. Pas drôle du tout.

  • Speaker #0

    Non.

  • Speaker #1

    Je n'avais pas envie.

  • Speaker #0

    Oui.

  • Speaker #1

    Là, je pleurais pour aller à l'internat à nouveau. Je m'étais quand même imaginée une vie parisienne. On m'avait un peu fait un faux espoir.

  • Speaker #0

    C'est-à-dire ?

  • Speaker #1

    On m'avait un peu dit que je pouvais rentrer. Et ce n'était pas le cas. Il fallait se retaper un an. Et là... Tu as eu un coup de massue.

  • Speaker #0

    Comment tu réussis à rebondir du coup ?

  • Speaker #1

    Il y a eu un moment où ça fallait accepter. Et après, je me suis... Franchement, je pense qu'on peut dire que je me suis isolée un peu. J'ai utilisé le fait d'être enfermée à l'internat avec tous ceux de ma génération qui avaient fini par devenir externes. Moi, mes parents ne pouvaient pas. J'étais toujours, à ce moment-là, mes parents habitaient à Bordeaux. Donc, ils n'avaient pas le choix. Financièrement, ça coûtait beaucoup plus cher d'avoir un appartement, faire des courses et tout, que d'être à l'internat. Donc, dans ma chambre, j'étais avec une fille de 14 ans.

  • Speaker #0

    Ah oui !

  • Speaker #1

    Et une autre étrangère qui ne passait pas le bac. Donc, qui avait juste à se concentrer sur la danse. on ne vivait pas la même chose. Donc je me suis un peu isolée, en fait. J'étais un robot, quoi. Le matin, je faisais mes cours, je préparais mon bac. L'après-midi, je travaillais en cours de danse. Je faisais mes répétitions. Le soir, je me couchais avec les poules. Et vraiment, il y a eu un... Je me suis juste focalisée sur... Après, je n'ai plus de chance. Si je n'étais pas prise cette fois-là, il n'y avait plus rien. Il fallait que je passe des auditions ailleurs. Ce n'était pas grave, mais ça m'avait fait tellement de mal que je savais que j'avais envie de rentrer là.

  • Speaker #0

    C'est là où tu as vraiment su que tu voulais faire ce métier ?

  • Speaker #1

    Là, je pense que je l'avais su avant, sans le formuler. Mais évidemment, si j'étais dans cette école, ce n'était pas pour... De toute façon, avec mes parents, il y avait toujours un... Il faut savoir qu'il faut que tu aies ton bac, parce que si jamais il y a le moindre truc qui t'arrive, tu as un problème physique, une blessure, qui fait que tu ne peux plus danser, il faut que tu aies de quoi rebondir. En fait, je préparais tous les terrains. Je me donnais à fond dans la danse pour que ça marche.

  • Speaker #0

    Tu préparais un plan B.

  • Speaker #1

    Heureusement qu'ils étaient lucides pour ça, pour m'aider. Est-ce que je ne me retrouve pas sans rien, s'il arrive quoi que ce soit ? Ce n'était pas pensé au pire, mais c'est juste tellement exigeant. On est très peu de mon année où je suis rentrée à 12 ans, je suis la seule dans le corps de ballet aujourd'hui. Et même la seule à être danseuse et à en vivre en fait.

  • Speaker #0

    Sur combien vous étiez ?

  • Speaker #1

    On était 7. La plupart ont arrêté la danse. Une est devenue prof de danse, mais n'est pas passée par l'étape professionnelle. Et une autre a arrêté et essaye de reprendre. Et là, elle m'arrête professionnelle. Mais voilà, c'est un autre parcours.

  • Speaker #0

    Et qu'est-ce qui fait la différence selon toi parmi ces six autres personnes ? Qu'est-ce qui a fait la différence avec le recul ?

  • Speaker #1

    Je ne sais pas si j'étais assez lucide pour comprendre. Parce que sur les 7, on n'était que deux déjà à être prises dès la première année. Mais après, à mon avis, c'est mon mental, mon côté où j'avais envie de rien lâcher. Vraiment, j'étais capable d'accepter beaucoup de... Ce qu'on peut dire souffrance, mais voilà, on a mal partout, c'est un métier qui nous fait mal, ça fait des courbatures, ça fait des trucs. Moi, ça ne me dérangeait pas, je faisais dessus. Il y avait une sorte de bonne résistance à la douleur, aussi aux réflexions qu'on peut avoir. Je ne dirais pas avoir été traumatisée, pas du tout. Pour moi, tout ça me semblait normal et est-ce que c'est aussi mon côté ? À ce moment-là, naïve de ne pas toujours me rendre compte et de juste penser à danser, qui m'a aidée.

  • Speaker #0

    Mais quand tu dis que finalement, tu as un rapport peut-être à la douleur qui est un peu plus résistant, est-ce que ça vient de quelque chose d'avant ? Comment est-ce que tu l'expliques ?

  • Speaker #1

    Justement, ça vient de ce reportage que j'avais vu pour rentrer à l'école, où je les voyais tous... Ça avait l'air d'être dur, ils souffraient, les profs étaient exigeants. Je ne vais pas dire sévères, parce que je pense que c'est un métier qui demande de l'exigence. Donc c'était de la rigueur, en fait, qu'ils nous demandaient. Et tout de suite, je me suis dit, il ne va pas falloir leur nicher pour le premier truc qui va être dur. C'est juste ça, en fait. Et aussi, on m'a tout de suite dit, c'est le genre de métier, si un jour tu es blessé ou tu es malade ou quoi, ne t'inquiète pas, il y en a d'autres derrière. Donc, t'es pas indispensable.

  • Speaker #0

    Ouais, t'es remplaçable, quoi, même.

  • Speaker #1

    Donc, je me souviens, à 12 ans, je faisais casse-noisette les enfants. Un jour, j'avais 42 fièvres. J'y suis allée avec les 42 fièvres. Alors qu'en soi, c'est peut-être... Aujourd'hui, on ferait plus ça. Maintenant, pas du tout, mais c'est...

  • Speaker #0

    C'est quel que soit ce qui arrive, on y va coûte que coûte, quoi.

  • Speaker #1

    Ouais, ouais. Et puis du coup, je pense que ça m'a aidée à pas m'arrêter à la première petite douleur que je ressentais, quoi. Les ampoules, les machins, ça fait hyper mal. Des fois, c'est pire que d'être blessée, d'avoir une inflammation, un torticolis ou quoi. J'étais toujours là à faire, je trouvais toujours un moyen d'alléger ma douleur. Mais tant que je savais que c'était pas grave, je sais pas comment dire, mon corps, il me le disait. T'as mal, mais c'est pas grave. Tu peux aller dessus. J'avais un radar pour ça.

  • Speaker #0

    Justement, quel est ton rapport au corps ? Parce que c'est ton outil, je veux dire. Est-ce que t'essayes de le maîtriser ? Ou justement, tu es vraiment toujours comme tu disais à son écoute ?

  • Speaker #1

    Non, j'ai besoin de contrôler. Comme à un moment donné, il m'a échappée. Je n'arrivais plus à lui demander de faire ce succès-là. J'ai réappris à organiser mon alignement. J'ai pris des cours particuliers, j'ai fait du pilates. J'ai essayé de comprendre comment il fonctionne. Mais pour moi, après, c'est moi, c'est ma tête et c'est à moi de diriger. Et s'il y a des douleurs, je les écoute dans le sens, je sonde la gravité. Si ce n'est pas grave, ce n'est pas grave. Je fais dessus. De toute façon, en scène, il peut arriver le moindre truc. Il faut faire comme on est à ce moment-là. Après, ça ne m'a pas toujours... J'ai souvent dansé avec des blessures sans m'arrêter. Je les ai gérées, par contre. J'ai su les gérer, mais je n'ai jamais voulu m'arrêter. Et ça m'est arrivé une seule fois. Et là, je me suis arrêtée parce que je devais me faire opérer.

  • Speaker #0

    Oui, donc là, tu étais allée...

  • Speaker #1

    Là, je l'avais dit, je ne m'arrêterais que si ça nécessite un truc. Vraiment, là, moi, je n'ai plus de contrôle dessus. Donc, j'ai poussé quatre mois et un jour, ça a cédé. J'ai quand même redansé dessus le lendemain. Mais dans la journée, j'avais pris ma décision que je faisais le spectacle et j'annonçais que ça faisait 4 mois que j'avais mal, j'avais rien dit et que je devais me faire opérer.

  • Speaker #0

    Mais donc finalement, la limite pour l'instant, en tout cas à ce moment-là, tu ne l'avais pas trop senti que là, ton corps te disait stop quand même ?

  • Speaker #1

    Il me disait stop et en même temps, à cette période-là, c'est l'année où je montais première danseuse. J'ai passé un concours avec le genou qui ne pouvait pas plier. Mais j'étais là, le concours est dans un temps de moi, je ne peux pas m'arrêter maintenant. Il y a eu deux concours de sujets où je ne suis pas montée et il y a eu un Covid après. Je me suis dit non mais là, je faisais déjà pas mal de rôles, on me faisait comprendre que c'était la suite logique. J'avais l'impression de vouloir bien faire au concours pour que ce soit indiscutable. J'ai dit, c'est pas un genou qui va m'arrêter là. Presque moi, quand il y a des obstacles ou des challenges, c'est pas que ça m'éclate, mais ça me pousse quelque part où je ne serais pas allée sinon.

  • Speaker #0

    Donc finalement, la difficulté te renforce.

  • Speaker #1

    Ouais. Je ne serais pas aussi forte. Je n'aurais pas ce mental-là aujourd'hui si je n'avais pas traversé les petits bobos, les trucs faits avec, gérés. On apprend beaucoup. Mais après, ce genou m'a permis d'apprendre comment il y avait encore quelque chose que je ne gérais pas correctement dans mon travail. Et aujourd'hui, ça va très bien. Et maintenant, je sais quand... Il y a un an, je me suis fait une petite déchirure d'un abdo. Bon, j'ai réussi à ne pas m'arrêter, gérer. Les gens sont à l'écoute, je leur dis j'ai ça. En fait, du coup, maintenant, on me connaît. On sait qu'en fait, si je dis un truc, c'est que c'est vraiment... Sinon, on ne m'entend pas.

  • Speaker #0

    C'est vraiment grave et que là...

  • Speaker #1

    Voilà, donc du coup, je suis là, je gère, mais ne vous inquiétez pas. Et en fait, on a confiance en moi. Donc, je pense que grâce à ce comportement-là, j'ai acquis aussi la confiance de mes répétiteurs, maître de ballet. Je sais, si j'ai un truc à dire, je sais qu'ils m'écouteront et me feront confiance et ils me diront encore plus aujourd'hui, maintenant que je suis soliste, je peux vraiment gérer, me gérer, être autonome et pas me dire il faut que je tienne, je dois continuer à prouver que je vais aller plus loin, mon ambition, etc.

  • Speaker #0

    Et donc ton corps, tu le vois vraiment comme un outil ou c'est quelque chose que tu... Quel est ton rapport finalement avec lui ?

  • Speaker #1

    C'est un outil parce que je considère que c'est un peu comme le cavalier avec son cheval. Le cavalier, c'est le cerveau, c'est mon cerveau, et le corps, il agit par rapport aux commandes qu'on envoie. Donc c'est un équipier plutôt, pas un outil, mais il a une conscience. Et parfois, il faut écouter cette conscience-là, il y a deux cerveaux. Mais celui qui dirige, en tout cas, c'est moi. Et c'est vrai que parfois, c'est ce qui est dur dans ce métier. C'est pourtant nous qui dirigeons tout, mais... À d'autres moments, je me vois danser, je me dis c'est fou, je dis un truc et ça fait autre chose. Je ne comprends pas. C'est toute la complexité de ce métier.

  • Speaker #0

    Il faut réussir juste au milieu et l'équilibre.

  • Speaker #1

    Oui, oui. Et garder une décontraction parce que si c'est que de la tension entre le corps qui ne veut pas faire un truc et la tête qui veut autre chose, ça ne va pas marcher. Mais ça on l'apprend une fois qu'on est dans le corps de ballet, surtout quand j'ai commencé à faire des rôles en fait. Parce que là il y a une sorte de...

  • Speaker #0

    Il y a l'instinct, d'abord, sur les premiers spectacles, et après, les suivants, quand on reprend un truc. Il y a la tête qui se dit, ça va aller, mais en fait, d'un coup, le corps dit, bah non, aujourd'hui, je ne suis pas comme tu veux, il va falloir faire autrement. Donc on apprend à se connaître avec ça. À chaque fois, c'est ça qui est chouette, c'est que chaque expérience me fait grandir. J'apprends un peu plus sur moi et sur mon corps, à la fois. Sur les réactions que je peux avoir, c'est comme s'il y avait en plus une troisième personne qui se pose et qui observe tout ça et qui fait le constat après.

  • Speaker #1

    Et qui dit c'est bien ou c'est mal ou tu t'es dépassée ou encore plus.

  • Speaker #0

    J'essaie de ne pas trop dire c'est mal ou c'est bien d'ailleurs.

  • Speaker #1

    Tu te juges beaucoup justement ?

  • Speaker #0

    Oui, à un moment donné, ça a été tellement que ça m'empêchait de travailler. Au moindre petit pas. comme je veux. J'étais incapable de continuer au-delà de la chorégraphie. Pour une préparation d'un concours, par exemple. J'ai réussi à filer ma variation, de la faire du début à la fin, à la générale. Alors qu'on a un mois de préparation. Juste parce que tel mouvement n'était pas comme je voulais, stop, je m'arrêtais. Je reprenais. Je pouvais passer deux heures sur les trente premières secondes du truc. Et le jour J, c'était pas... Je l'ai fait. C'était pas comme j'aurais voulu, c'était pas comme on m'imaginait. Et c'était pas non plus au mieux de ce que je suis capable. Malgré tout, je suis montée sujet. Je suis arrivée première. Et j'ai pleuré parce que j'ai dit, je le mérite pas. Et là, tous mes coachs... Mes parents m'ont dit non mais là tu nous saoules en fait, là va falloir que t'arrêtes parce que tu peux pas dire ça. Et en fait c'est juste accepter, des fois ça peut être bien même si c'est pas au mieux.

  • Speaker #1

    C'est pas la perfection.

  • Speaker #0

    Non et en plus des fois avec les imperfections on peut en faire des trucs qui sont mieux que ce qu'on pouvait imaginer.

  • Speaker #1

    Ah quand même, il y a quand même eu tout ce...

  • Speaker #0

    J'ai eu un ouais, derrière... Tout ça, ça m'a tellement marquée. Je me suis dit, toute ma carrière, je ne peux pas être comme ça. Je ne trouvais pas de plaisir à danser, du coup.

  • Speaker #1

    Ah ben oui,

  • Speaker #0

    je vois que c'est impossible,

  • Speaker #1

    du coup. Et comment est-ce que tu as réussi justement à trouver cette porte de sortie en disant, ouais, il y a quelque chose à exploiter dans l'imperfection ?

  • Speaker #0

    Quand ils m'ont tous dit, on ne veut plus jamais travailler comme ça avec toi parce que c'est insupportable, on est là, on ne peut rien faire. Il n'y a que toi qui te fous les... obstacles et des barrières. Ça m'a marquée. Je crois que je n'aime pas faire du mal aux autres. La situation ne leur plaisait pas et il fallait surtout pas que ça se reproduise. Je le faisais un peu pour les autres aussi.

  • Speaker #1

    Tu pensais qu'il y avait un danger et que là, c'était too much.

  • Speaker #0

    Carrément. Comment je suis passée au côté... Faire avec les imperfections, c'est encore grâce à mes coachs, dans le travail quotidien, me dire allez, maintenant je fais un truc, quoi qu'il arrive, je ne m'arrête pas, je fais avec Et c'est encore une autre façon de travailler le mental, de couper la petite voix dans la tête qui juge à chaque pas. Déjà, vis ce que tu es en train de faire. Il fallait que je retrouve l'essence de la danse, quoi, en fait. Il fallait que je retrouve le plaisir de danser. À d'abord. Et OK, après, c'est une séance de travail. OK, on est là pour faire des corrections. Mais moi, je voulais tout faire en même temps. Et danser et me faire les corrections, anticiper les corrections des profs, ce n'était pas possible. Donc, ça fait déjà mon job à moi, c'est de danser. Après, j'ai des personnes de confiance qui me soutiennent, qui sont là pour me dire ce qu'il y a, ce qui ne va pas. C'est bien de savoir être autonome et de se comprendre et de se connaître et de sentir, mais des fois, on rend quelque chose qui n'est pas forcément fidèle à ce qu'on ressent. Malheureusement, il y a des jours où on danse très bien et nous, on l'a très mal vécu et parfois l'inverse. Donc, il faut juste toujours savourer, en fait. C'est ça qui va rester.

  • Speaker #1

    Quand tu savoures, qu'est-ce qui se passe dans ton corps ? Comment est-ce que tu es dans ta tête ? C'est quoi ? Quel est le... Le moment le plus haut que tu as pu vivre, je parle vraiment au niveau des sensations, c'est quoi ? C'est un lâcher-pris, c'est une magie, c'est quoi ?

  • Speaker #0

    En fait, c'est une combinaison de toute la période de travail où vraiment j'ai été exigeante, j'ai rien laissé au hasard. Tout est calculé pour qu'à un moment donné, quand j'arrive en scène... Je me mette ça de côté, je fasse confiance dans mon travail, en mon corps. Je me mets dans la peau du personnage que je raconte, ou pas. Des fois, c'est juste une ambiance à exprimer. Et puis, il y a quelque chose, quand je suis sur scène, je me désinhibe. Je suis quelqu'un de réservé et assez timide, mais on me met sur scène. Bizarrement, c'est le moment où je suis le plus exposée, que je me sens la plus en sécurité et la plus... La plus ouverte et disponible à sortir des trucs. Même des fois en scène, je ne m'attendais pas moi-même. Je me surprends toute seule. C'est une forme de liberté. C'est comme si tout ce que je n'osais pas être en dehors de ce moment-là, je lâche tout. Je pense que c'est un lâcher-prise. C'est une confiance, une décontraction. Quand il y a des personnages à jouer, c'est encore mieux. Souvent, certains rôles m'ont permis de découvrir une facette de moi que je ne connaissais pas, parce que ce sont des personnages que je ne suis pas, ce n'est pas mon caractère. Et d'avoir à les jouer, c'est impressionnant, parce que c'est bien de cacher quelque part pour que ça sorte comme ça. Complètement. C'est fascinant, ça m'a fait évoluer, grandir moi en tant que personne aussi. Pendant un moment, je me servais de mon vécu, puis parfois, certains rôles qu'on m'a donné à danser. m'ont fait évoluer moi. Ça arrivait à un moment dans ma vie où ça me servait à moi, en fait, en tant que femme. Et ça m'a fait grandir, quoi, aussi.

  • Speaker #1

    Du coup, tu prenais quoi ? Tu prenais les éléments d'un rôle et tu essayais de... Le fait de vivre ce rôle-là, ça te faisait...

  • Speaker #0

    Déjà, j'analyse le rôle aussi avant. En fait, je fais des recherches, je teste souvent en répétition. Mais le moment où je donne le... plus, c'est souvent en scène. Alors maintenant, en ce moment, c'est un travail que j'ai à faire aussi, c'est d'être en répétition comme je suis en scène, dès le début. Pour pouvoir proposer un max de trucs et qu'arriver sur scène, j'ai pas justement tant de surprises parce que parfois, je peux avoir une surprise et qu'il soit hors sujet, en fait. Ça peut arriver. Voilà, ça, il y a toujours un truc à bosser. C'est ça qui est génial.

  • Speaker #1

    Et c'était une exploration en même temps.

  • Speaker #0

    Ah mais tout le temps, tout le temps. c'est ça qui est génial donc il n'y a pas de bien ou pas bien souvent on peut être dans le même sujet mais d'un soir à l'autre exprimer différemment et je sais que je me laisse la possibilité que ça arrive et c'est vraiment ça qui me tient ma technique en général elle suit parce que si je suis vraie et juste moi-même mais la Roxane qui endosse le rôle de tel ou tel personnage Ça suit, en fait.

  • Speaker #1

    T'es portée, quoi,

  • Speaker #0

    complètement. Oui, complètement. Mais c'est aussi l'intelligence des chorégraphies. Le caractère d'un personnage est défini aussi par sa chorégraphie, parfois.

  • Speaker #1

    Et du coup, il y a quand même toujours cette quête, finalement, et cette envie de la scène qui te porte. Parce qu'à t'entendre, finalement, tout est là. C'est la scène qui te permet de grandir, de t'épanouir et finalement de montrer. une part inconnue de toi-même ?

  • Speaker #0

    Oui, ça va trop me manquer la scène quand j'arrêterai. Ce que je remarque aussi, là, en étant première danseuse, je vais moins en scène qu'avant. Parce que le sujet, c'est un grade. On peut faire du corps de ballet et avoir accès à des demi-rôles ou des rôles. Donc, on danse tout le temps, on est très présent sur une série, on danse quasiment tous les soirs. Première danseuse, il y a plusieurs distributions. Je fais souvent les seconds rôles. Parfois les premiers, mais ça dépend. Jusqu'à maintenant, j'ai fait que des premiers rôles sur des ballets plus courts. Ça tourne, il y a plusieurs distributions, donc ce n'est pas du tout tous les soirs. Et il faut retrouver la scène des fois juste pour 3-4 spectacles, et puis c'est déjà fini. Donc on bosse pendant un mois et demi, et après on n'a pas un mois et demi de scène, on a 3-4 spectacles. Moi, ça me manque. Et en même temps, tout ce qu'il y a à faire à chaque fois, je donne tellement de moi, parce que c'est des rôles à grosse responsabilité quand même, je donne tellement de moi émotionnellement que je me sens vidée à chaque fois. Et je comprends pourquoi on ne peut pas en faire 20 à la suite.

  • Speaker #1

    Tu te sens invité physiquement ou mentalement ?

  • Speaker #0

    Les deux, en fait. Ça demande quand même un contrôle. Malgré tout, du stress, il ne disparaît pas comme ça. Il se présente sous une autre forme, mais il faut quand même le contrôler. Puis après, je donne tellement de moi. Je laisse comme une part à chaque fois de moi dans ce que j'ai dansé. Donc je sors, je dis si je laisse une part comme ça tous les soirs. C'est pas possible en fait. Il faut un temps de recharge. C'est plus émotionnellement aussi. De tout ce que je donne. Je ne dis pas que je ne donnais pas pareil. Mais dans le corps de ballet, souvent, c'est un esprit d'équipe. On danse ensemble, on se porte les unes les autres. C'est dur physiquement. Parce qu'on ne danse pas forcément à notre taille. Moi qui suis grande, il fallait s'adapter souvent aux plus petites. Au niveau du physique, c'est un peu plus dur. Les rôles, c'est dur parce que c'est beaucoup plus cardio et technique. Mais la part d'émotion qu'on donne, ce que je veux transmettre aussi au public, ça me fait beaucoup de bien. J'aime faire plaisir aux autres et j'ai envie que les gens passent un bon moment et j'ai envie de les transporter. Ça passe tellement vite et à la fin, je sors, je suis vidée en fait. heureuse mais vraiment vidée.

  • Speaker #1

    Et comment tu fais pour te recharger alors après ?

  • Speaker #0

    Après, ça se fait naturellement en fait.

  • Speaker #1

    Encore la magie du corps finalement.

  • Speaker #0

    Oui, le planning est bien fait, les spectacles ne s'enchaînent pas forcément. Donc on va reprendre un cours de danse. Des fois, il faut retourner en studio, retravailler alors qu'on a été en scène. C'est toujours un peu dur mais c'est bien parce que ça permet de remettre des petites choses en place qui n'ont pas été. vu que c'est jamais parfait. Tu as le micro, j'ai pas entendu. C'est jamais parfait. Et voilà, l'adrénaline remonte petit à petit pour le spectacle d'après. On a un planning quand même, donc mentalement on se prépare, on sait. Et puis c'est pas plus mal des fois d'avoir un petit coup de boost parce que ça fait un petit moment qu'on n'est pas en scène, ça permet d'être lucide. Parce que parfois quand on va tout le temps... On croit que le corps, il s'est tout, puis d'un coup, on se trompe dans la choré. C'est comme un texte, à force de le dire, au bout d'un moment, un jour, trou.

  • Speaker #1

    Ça t'est déjà arrivé, ça ?

  • Speaker #0

    Oui, je crois que ça m'est déjà arrivé, oui. Oui, carrément. Tu fais quoi, alors, du coup ? Rien, ça passe en une fraction de seconde. Le corps, il fait un truc qu'il ne faut pas, mais d'un coup, là, la tête revient et combine pour s'en sortir et ça va. Le tout, de toute façon, c'est les gens ont payé en une place. C'est le spectacle. Rien ne doit se voir. C'est presque ça qu'on a fait, un truc en cachette. C'est rigolo. Oui, mais c'est excitant.

  • Speaker #1

    Justement, est-ce que des fois, l'image qu'on a des balais, de la danse classique, on a l'impression des fois qu'il faut vraiment rentrer dans ce moule et que c'est la moindre chose si on veut un petit peu sortir de ce cadre. Et bien c'est peut-être mal vu. Est-ce que c'est une idée qu'on a ou pas ? Moi j'ai l'impression qu'il y a une telle rigueur, il y a un tel cadre, qu'être hors cadre, c'est extrêmement compliqué.

  • Speaker #0

    Quand on fait du corps de ballet ou en tant que soliste ?

  • Speaker #1

    Les deux.

  • Speaker #0

    Corps de ballet, c'est vrai que... Après, c'est notre maison. On est réputé pour être le corps de ballet le meilleur parce qu'il y a le souci de rien que dans des portes de bras, des épaulements, on va tous être pareil. On respire ensemble. Dans d'autres compagnies, cette uniformité-là n'est pas aussi parfaite que chez nous. Mais ce qui m'a moins aidée à passer les échelons, mais je ne saurais pas dire ce qu'il y avait de particulier. On me disait quand même qu'on me voyait dans le groupe. Moi, je pensais toujours à faire pour être avec tout le monde, mais du mieux, toujours tous les soirs, encore mieux. C'était ma façon de m'aider aussi, parce que quand on fait une série de 20 spectacles en trois semaines, il faut se renouveler. Tous les soirs, on n'a pas forcément envie. Je suis en coulisses, je n'ai pas envie, je suis fatiguée. la veille, le soir, des fois on fait des matines et soirées deux dans la même journée. Donc comment se redonner de l'envie ? Moi c'était de penser à améliorer tous les soirs en fait, quelque chose. Donc est-ce que c'est comme ça qu'on sort du cadre tout en restant pareil ? Que tout le monde s'en faire... Parce qu'il y a sortir du cadre mais en faisant tâche, et puis il y a juste sortir du lot. une lumière en fait sur nous. Il y a des filles qui, voilà, c'est naturel en fait, quand on les regarde, elles ont une lumière, comme si on avait mis un spot sur elles, on dit mais elles ressortent plus que... Elles dégagent. Je le vois sur les filles. Donc est-ce que c'est ça qui a eu chez moi ? C'est vrai qu'on me disait souvent, on voyait que toi. Je ne comprends pas. Pourtant, je n'ai pas fait coucou en plein milieu, juste pour dire, c'est moi, je suis là. Non. Là,

  • Speaker #1

    tu aurais été dégagée.

  • Speaker #0

    Carrément. Mais je pense que ça, malheureusement, c'est un peu un don. Et c'est ça qui, dans la danse, n'est pas juste. Parce que c'est subjectif. Il y en a, ils ont certains dons. Il y a deux personnes qui peuvent être pareilles techniquement, faire aussi bien et tout. S'il y en a une, elle a... une lumière que l'autre n'a pas.

  • Speaker #1

    Et ça, ça ne s'apprend pas ?

  • Speaker #0

    Non. Après, ça se travaille. On peut travailler, mais malheureusement, ça, une aura, je pense que ça ne s'achète pas. Ça ne se trouve pas comme ça.

  • Speaker #1

    En tout cas, il faut nous donner le nom du magasin.

  • Speaker #0

    Mais après, il y en a qui ont une aura, mais il n'y a pas le travail. Et ça ne suffit pas à l'aura non plus.

  • Speaker #1

    Mais là, ils ne passent pas les grades au sein de l'opéra.

  • Speaker #0

    Mais peut-être que c'est ceux qui ne se rendent pas compte qu'ils en ont. Du coup, ils travaillent. Et en fait, après, Laura fait le reste. Et ceux qui le savent se disent, c'est ça qu'ils misent tout là-dessus.

  • Speaker #1

    Et donc, ils le prennent comme acquis.

  • Speaker #0

    Comme acquis, oui. Je pense que moi, finalement, à mon côté exigeant... jamais contente aussi, au moins, j'avais un gros problème de confiance en moi. Mais arrivé sur scène, je ne sais pas, j'avais une confiance.

  • Speaker #1

    Dis-moi, j'aimerais bien savoir comment est-ce que... Quel rapport vous entretenez avec, et toi surtout, avec tes professeurs ? C'est la famille, tu parles de coach, c'est quoi exactement ?

  • Speaker #0

    Là, les coachs que j'avais, moi, depuis l'école de danse, c'était des professeurs que j'ai eus à l'école de danse. Fabienne Serruti, qui était en troisième division quand moi j'étais dans sa classe. J'ai commencé à travailler avec elle en dernière année, en préparation au concours. Et... C'est vraiment elle qui me l'a proposé et moi je me sentais bien dans sa classe. On n'a pas du tout le même physique, elle est plus petite et donc elle m'a aidée dans tout ce qui est technique, plus de rapidité, ce qui est dur pour une grande en fait. C'était ce qui me manquait et on a travaillé là-dessus. Et ça devient un peu... Il y a vraiment le respect. Moi je respecte la danseuse. Le parcours qu'elle a eu, elle a dansé avec Rudolf Nourieff, elle l'emmenait en gala partout, donc tous les rôles, elle est capable de me les transmettre directement, avec les mots qu'il avait. J'ai une admiration, et maintenant, aujourd'hui, ça fait dix ans, onze ans bientôt qu'on travaille ensemble. Je n'ai jamais arrêté, après je continue à prendre des cours particuliers. Toute la semaine, même une fois dans le corps de ballet, parce qu'on est lâchés dans la jungle, en fait. À l'école, on a une structure, on a un cours avec les mêmes profs tous les jours. Là, c'est plus du tout ça. Donc, se gérer tout seul à 18 ans, on ne sait pas. S'il n'y a pas quelqu'un qui est là pour nous titiller, nous rappeler sur quoi on doit travailler, continuer à faire un travail en parallèle sur notre propre évolution. J'ai aussi travaillé avec Wilfried Romoli, qui m'a beaucoup aidée sur les sauts. Je ne savais pas sauter, mais encore une fois, ça venait de mon problème d'organisation de mon corps. En fait, je ne savais pas m'en servir. Pourtant, j'ai des grandes jambes. On me dit tu peux sauter, tu as des bonnes cuisses. Pas du tout. C'est que de la coordination. Il m'a beaucoup aidée pour ça. Et tous les deux, pendant dix ans, ils m'ont préparée à tous mes concours. Ouais, c'est des mentors. Et aujourd'hui, Fabienne, c'est plus que ça. C'est comme ma maman de la danse. Et aujourd'hui... Là encore en début d'année, pour préparer Don Quichotte, je la voyais. Dès que j'ai besoin d'un conseil ou quoi, je les appelle.

  • Speaker #1

    C'est précieux ça. Ouais,

  • Speaker #0

    ouais. Vraiment, je suis heureuse d'être tombée, qu'ils soient là sur ma route. Tout ça, je ne l'ai pas fait toute seule. J'ai été super bien soutenue et je suis vraiment reconnaissante de tout l'aide que j'ai reçue pour moi. Si j'en suis là, c'est un travail d'équipe. tous les professeurs que j'ai eus avant. C'est la combinaison de tout ça qui fait que je suis ce que je suis aujourd'hui. Je leur dois tout ça.

  • Speaker #1

    Et le conseil que tu as reçu d'un d'eux, le plus précieux, ça serait quoi ?

  • Speaker #0

    Il y en a trop, là.

  • Speaker #1

    En tout cas, ceux qui ont été précieux et qui t'ont vraiment porté.

  • Speaker #0

    En fait, c'est qu'encore aujourd'hui, je ne me considère pas finie. Pour moi, je suis toujours encore en évolution, alors je n'ai pas vraiment fait de bilan de ma vie. Je n'en suis pas là du tout. À 26 ans, ça va. Pas du tout. Non, mais tous en général, ils avaient peut-être différentes façons de dire les choses. Mais ce qui se rejoignait toujours, c'était que le plus important, c'était que je danse. que je me fasse plaisir. C'était au final, avant une échéance, c'était ça qui restait en fait.

  • Speaker #1

    Le plaisir est finalement ce recontact que tu as où toi, en plus, tu excelles. Oui,

  • Speaker #0

    parce qu'il me disait, en fait, toi, ta place, on le sait. T'as beau avoir plein de doutes, on sait que sur scène, tu les as pas. Et c'est ta force. C'est vrai que ça a toujours été... De mon premier rôle, quand j'étais petite en Macédoine, j'ai fait la fée Clochette. Je me suis sentie hyper bien à ma place de fée Clochette sur scène. C'était dingue, alors que je n'étais jamais allée sur scène. Je ne me souviens pas avoir stressé. J'étais... Bah, c'est normal.

  • Speaker #1

    C'est comme si la scène, c'était ta scène de vie, en fait.

  • Speaker #0

    C'est vraiment l'endroit où j'ai l'impression d'être le plus en sécurité, que personne ne me voit. En fait, tout le monde me voit, mais moi, je ne les vois pas. C'est surtout ça en fait, c'est que je ne vois pas la tête des gens. Je sais qu'ils sont là, mais je ne les vois pas en répétition. Je vois qu'ils me regardent, j'ai le temps de pouvoir voir, analyser les réactions, les regards, les trucs, sentir les mauvaises énergies comme les bonnes, tout. Sur scène, il n'y a rien.

  • Speaker #1

    C'est comme un endroit un peu sacré.

  • Speaker #0

    Ouais, et les gens ont payé pour passer un bon moment, pour s'évader en fait. Donc s'ils peuvent vivre ce que moi je suis en train de vivre quand je danse, c'est génial.

  • Speaker #1

    T'as des doutes, tu nous en as parlé. C'est quoi les plus grandes peurs ?

  • Speaker #0

    Bah c'est toujours... J'ai souvent peur de perdre mon niveau, dès qu'il y a une période un peu plus calme. Par exemple, l'été, des fois, je me dis, j'ai un mois, si je ne danse pas, la rentrée, ça va être horrible. Au final, j'arrive à la rentrée, ça fait du bien, je me sens mieux, mon corps est disponible, j'ai pas mal partout, comme en fin d'année. Non, c'est souvent ça, c'est que je pense, j'ai peur de ne plus arriver à contrôler mon corps et de lui demander, de le voir, pas réussir à faire ce que je lui demande. C'est souvent ça, en fait. Mais c'est la danse en général.

  • Speaker #1

    Bien sûr. Et du coup, forcément, le corps vieillit. Le corps ne sera plus toujours comme il est actuellement. Est-ce que pour toi, il y a un tic-tac ? Comment est-ce que tu... Oui.

  • Speaker #0

    Déjà, là, en 10 ans, je trouve que j'ai changé. J'ai eu des étapes. j'ai changé en rentrant dans le ballet à cause d'un nouveau rythme par rapport à l'école de danse. Et là, après le Covid, j'ai senti aussi un changement où j'ai une musculature différente en tout cas. C'est comme si j'avais la carrure qui s'était développée aussi. Est-ce que c'est le travail qui a fait ça ? Je ne suis plus le Bambi du début, donc j'ai vu ça changer. C'était perturbant dans le sens où je m'étais habituée à un corps et je savais à quoi je ressemblais. Puis un jour, je me suis filmée, je me suis vue, je ne m'attendais pas du tout à ça. Et là, je ne sais pas si je sens déjà des différences au niveau de ma souplesse ou quoi. Je pense que je ne suis pas encore là. Moi, je me sens en ce moment, je pense que je suis la période où je suis le plus en forme, où le corps est capable de tout. C'est maintenant qu'il faut danser. J'ai plus un tic-tac de je veux danser un maximum de trucs tant que je peux et que mon corps le permet en fait. Je veux pouvoir en profiter et je ne veux pas commencer à danser des grands rôles quand j'aurai 35 parce que ça se trouve je ne tiendrai pas. J'aurai déjà des moins de souplesse, des choses à gérer que je n'ai pas envie de gérer quand j'aborde des grands rôles en fait. J'ai envie d'être en pleine possession de mes moyens comme je suis là maintenant. La carrière s'arrête à 42. On se dit que si on ne fait rien pendant trois mois, c'est énorme, qu'on est en train de perdre notre temps alors que pas du tout. On a tous un rythme différent. C'est surtout ça qu'il faut accepter et qui est super dur, je trouve. Parce que je suis arrivée première danseuse à 26, mais il y en a, c'était à 22. Du coup, je me dis, si à 22, j'aurais dansé déjà plein de trucs. Mais à 22, je n'étais pas prête à assumer ça du tout. Les choses, elles arrivent vraiment quand elles doivent arriver. Mais j'avoue, je suis tout le temps impatiente. J'ai toujours envie de plus. C'est aussi parce qu'on sait que c'est une carrière courte. Et on l'a commencé tôt, elle finit tôt. Je crois que de manière générale, on aura compris. J'ai envie d'en profiter et de me faire plaisir un maximum.

  • Speaker #1

    Il y a une date un petit peu... La date est déjà de toute manière définie. Et ça, il faut vivre avec.

  • Speaker #0

    Oui, mais bon, c'est comme la vie. Au final, c'est une vie, mais encore plus courte. C'est juste ça, on a un avant-goût de la fin.

  • Speaker #1

    Mais il y aura un début d'autre chose peut-être.

  • Speaker #0

    Tout à fait. Mais en plus, il y en a qui n'arrêtent pas forcément à 42. Donc, je ne peux pas du tout me projeter. Je dis aujourd'hui que je veux tout faire maintenant, parce qu'après, j'ai peur que mon corps me lâche. Mais ça se trouve, je vais faire mes meilleurs rôles à 35 ans. Parce que c'est qu'à 35 que je saurais les aborder comme il le faut. C'est ça qui est excitant. Mais quand on a un métier où tout est autant dans le contrôle, quand il y a des choses sur lesquelles on n'a pas la main, ça met des doutes.

  • Speaker #1

    Et en même temps, tu as l'air de bien le vivre.

  • Speaker #0

    Je commence quand même, ça fait 10 ans maintenant que je suis pro et j'ai eu le temps de... De bien voir que souvent quand il y a des choses qui se passent, on comprend un peu plus tard pourquoi. Et je commence à... Enfin voilà, j'ai compris que les choses n'arrivaient pas par hasard. Donc là, je suis dans une période bien, mais... Je n'ai pas tous les jours cette confiance sur l'avenir. Il y a des fois, quand on est crevé, on n'est pas aussi lucide que quand on est en pleine forme. Donc, il y a un peu nos démons qui reviennent.

  • Speaker #1

    Et cette petite voix dont tu parles, qui est des fois pas forcément très bienveillante, mais dans ces moments-là, c'est quoi tes principales ressources ?

  • Speaker #0

    J'extériorise. En général, j'en parle beaucoup, je fais tout sortir. Et puis après, il faut être patiente, ce que je n'aime pas. Mais ça passe. Et puis jusqu'au jour où d'un coup, un jour, je suis super contente de ce que j'ai fait. J'ai bien bossé, je sens que je suis en forme et tout. Et là, je me dis comment j'ai pu être dans cet état-là.

  • Speaker #1

    La prochaine étape, on sait bien ce que ça peut être,

  • Speaker #0

    n'est-ce pas ? Tout à fait.

  • Speaker #1

    Parle-moi un petit peu de comment est-ce que tu le vis, parce que là, il n'y a plus de concours à passer.

  • Speaker #0

    Non, ça fait deux ans que je ne passe plus le concours. D'ailleurs, je me retrouve dans le jury maintenant de ce concours. Ça fait bizarre. Oui, il n'y a plus de concours. Donc maintenant, avant d'être première danseuse, je me disais... Quand tu seras première danseuse, ton concours, ça sera tous les spectacles ?

  • Speaker #1

    Rien que ça ?

  • Speaker #0

    En fait, non. Quand même, non. Parce qu'on est nommé à l'issue d'une représentation où on danse le rôle-titre. En tant que première danseuse, je ne suis pas amenée à danser le rôle-titre tous les soirs. Il y a des seconds rôles qui sont tout aussi intéressants. D'ailleurs même le plus petit rôle a son importance pour moi. Il n'y a rien qui ne soit pas intéressant. Tout a son importance et... Peu importe le rôle que je danse, il faut qu'il soit dansé au mieux. C'est ça qui fait que le spectacle, le ballet et la représentation en elle-même, elle est bien.

  • Speaker #1

    Malgré tout, j'imagine que...

  • Speaker #0

    Mais voilà, j'avoue que maintenant que j'ai pris possession et que je réalise que je suis première danseuse, j'ai envie de danser des premiers rôles. J'en ai eu quelques-uns sur des... plus petit ballet, mais là, la prochaine étape, j'ai vraiment envie de me confronter à un ballet en trois actes qui est assez long, avoir le rôle titre parce que c'est un vrai, à nouveau, pour moi, c'est un challenge technique, d'endurance aussi et parce que je pense que ça n'a rien à voir avec les fois où je devais juste faire une variation. Certains rôles, c'est juste arriver comme un cheveu sur la soupe, faire sa variation et c'est fini. Quand on a un rôle, on a plusieurs variations, plusieurs pas de deux. Et en fait, on ne se focalise pas juste sur une chose et en se disant j'ai raté tel truc, pour le peu que j'ai à faire, j'ai... Non, là, toute la soirée, on a l'occasion de se rattraper. Plus rien n'est si grave finalement, parce qu'il y a toujours quelque chose à faire. Tant qu'on raconte une histoire, je ne sais pas, il y a quelque chose qui me paraît plus naturel. de raconter une histoire du début à la fin plutôt que d'arriver juste... C'est parfois plus dur, c'est plus ingrat en fait, des fois d'avoir juste un petit rôle bien dur, juste pendant cinq minutes au milieu d'un ballet de trois heures. C'est vraiment une plus grosse responsabilité, je trouve.

  • Speaker #1

    Oui, paradoxalement.

  • Speaker #0

    Oui. Et là, j'ai hâte de pouvoir profiter d'un truc du début à la fin, de ne pas me mettre la pression sur une seule variation, parce qu'il y en a plein d'autres, et qu'en fait, on est tellement crevés qu'on n'a pas le temps de se mettre... On n'est pas assez... Il n'y a plus d'énergie, il faut déjà faire ce qu'on a à faire, et ne pas perdre de l'énergie à stresser pour tout. Donc j'ai hâte, et surtout parce que c'est aussi dans ces rôles-là, en général, qu'on peut être nommée étoile.

  • Speaker #1

    Elle a dit le mot, ça y est.

  • Speaker #0

    J'ai pas osé jusqu'à maintenant. Je t'ai laissé faire. Oui, oui. Bah voilà, là, je... Est-ce que j'ai envie d'être étoile ? Oui, parce que petite, c'est le truc qu'on se dit, je vais être étoile, mais on ne sait pas ce que ça veut dire quand on est petite. Encore une fois, moi, avant, je me suis mis des objectifs beaucoup plus bas parce que je savais à quel point ça allait être dur et je ne voulais surtout pas me faire de faux espoirs. Et finir ma carrière en n'ayant pas atteint l'étoile et me dire t'as tout raté, ça n'a rien à voir Pour moi, il n'y a que des réussites et des belles expériences qui se sont bien terminées. Mais là, maintenant que je sais ce que c'est, quand je fais un rôle, ce que ça me procure comme plaisir et la satisfaction du travail en amont. Et puis malgré tout, le côté sportif, moi, j'aime transpirer, j'aime sentir que je me suis dépassée. Je pense que ça correspond quand même.

  • Speaker #1

    Ça en a tout l'air.

  • Speaker #0

    Ça correspond quand même. Donc après, en vrai, tant que je danse et que j'ai accès à ces trucs-là, parce que je pense qu'en tant que première danseuse, on peut faire une carrière hyper épanouie avec que des rôles et pas être nommée. Je pense, voilà, tant que je danserais... Je serais heureuse. Là, je suis en attente forcément un petit peu, mais parce que plus j'aimerais qu'on me donne accès à ces rôles-là, que je n'ai pas encore faits. Tout simplement parce que les étoiles, eux, ils ne se posent pas la question. Ils les font, ces rôles-là. Donc c'est un confort et ça donne accès tout de suite à ça, en fait. Mais si je les fais et que... que je suis heureuse comme ça et que je ne suis jamais étoile. Je ne pense pas que ce soit... Je ne le vivrai pas mal. Pas comme un six-pack ? Non, non, non. Mais j'aimerais bien quand même. Voilà, j'aimerais bien quand même. Ce cri du cœur. Après, je sais où j'en suis aujourd'hui. Ces rôles-là, je ne les ai pas encore faits. Il va falloir que je sois... Là, je vais être programmée prochainement mon premier rôle en trois actes. Sur Kitri dans Don Quichotte. Donc j'ai hyper hâte. Parce que je ne me connais pas là-dessus. Je veux voir à quoi ça va ressembler, de quoi je suis capable. J'ai hâte d'y être pour pouvoir... constater que vraiment j'y suis quoi.

  • Speaker #1

    Peut-être que tu vas avoir une autre facette puisque...

  • Speaker #0

    Ouais, exactement. Mais j'ai conscience que pour être étoile, il faut montrer qu'on sait tenir ces rôles-là, qu'on en a fait plusieurs, donc c'est pas au premier rôle que... J'ai conscience que moi j'ai besoin de me faire mon expérience, de toute façon avant. Donc là, je ne me mets pas de pression. Sur ce spectacle-là, j'ai envie d'en profiter. C'est un rôle très lumineux. C'est Kittery, elle est joyeuse. C'est une femme moderne qui parle fort.

  • Speaker #1

    Tu vas pouvoir sourire.

  • Speaker #0

    Et carrément. Et puis, ça va être top. Mon challenge, ça va être quand même, étant donné que je n'ai qu'un seul spectacle, d'en profiter et de ne pas m'arrêter au premier truc. Parce que le premier truc qui... pourrait se passer pas comme je l'aurais voulu. Parce que c'est de l'art vivant. Il y a des gens qui sont venus là pour ça. Ils sont pas là pour constater mon mécontentement au moindre petit cil qui est pas en place. C'est pas parfait. Je recrase. Non, et puis même m'amuser moi, en fait. Puis je pense que Kitri, elle est comme ça. Elle s'en fout. Elle sait que... C'est la plus belle. Elle a son chéri qui est là. Ils vont se barrer ensemble.

  • Speaker #1

    Donc, tu as tout à prendre d'elle, finalement. Oui,

  • Speaker #0

    voilà. J'ai encore un rôle qui va m'aider. Et lui-même va m'aider à ne pas me mettre trop de pression. Parce que, voilà, elle est comme ça.

  • Speaker #1

    Ça sera donc à l'Opéra Bastille. Ça sera donc, en tout cas, le ballet Don Quichotte, ça sera du 21 mars au 24 avril 2024. Toi, tu y seras quand exactement ?

  • Speaker #0

    Le 5 avril.

  • Speaker #1

    Donc notez bien. Eh bien, je te remercie beaucoup Roxane. Merci d'avoir passé ce moment avec moi.

  • Speaker #0

    Merci.

  • Speaker #2

    Voilà, c'est la fin de ce tout premier numéro. Merci de l'avoir écouté jusqu'au bout. J'espère qu'il t'a plu. Si c'est le cas, n'hésite pas à laisser un petit commentaire et à t'abonner. Ça permettra de soutenir ce podcast. Très belle journée à toi.

Description

En cette saison exceptionnelle, Roxane Stojanov enchaîne les moments forts sur la scène du Palais Garnier. Elle fait sensation dans deux productions iconiques, révélant toute la profondeur et la force de son talent :


🔹 Mayerling de Sir Kenneth MacMillan – Un ballet dramatique où Roxane incarne l’envoûtante Mitzi Caspar. Aux côtés de l’Étoile Hugo Marchand et entourée de ses "officiers" Antonio Conforti, Nicola Di Vico, Lorenzo Lelli et Keita Bellali, elle subjugue le public lors des représentations des 29 octobre, 1er, 6 et 8 novembre.


🔹 Rearray de William Forsythe – Entre puissance et finesse, elle nous entraîne dans cet univers contemporain unique, accompagnée de Takeru Coste et Loup Marcault-Derouard, jusqu’au 3 novembre.


À l'occasion de cette actualité foisonnante, (re)découvrez notre premier épisode Les Sens de la Danse, où Roxane nous partage son parcours, ses doutes, ses ambitions, et cette passion qui la pousse toujours plus loin.


Vous pouvez la retrouver sur Instagram :

https://www.instagram.com/roxanestojanov/


Son répertoire et sa biographie:

https://www.operadeparis.fr/artistes/roxane-stojanov



Retrouvez les infos sur le podcast ici :

Le compte instagram du podcast : https://www.instagram.com/lessensdeladanse.podcast/

Le compte facebook du podcast : https://www.facebook.com/lessensdeladanse.podcast


Très belle écoute


Hébergé par Ausha. Visitez ausha.co/politique-de-confidentialite pour plus d'informations.

Transcription

  • Speaker #0

    Les Sens de la danse, le podcast qui met de la conscience dans le mouvement.

  • Speaker #1

    Ah,

  • Speaker #0

    ça y est, te voilà enfin posé. Et même si tu es dans le métro ou les bouchons, je t'invite à entrer avec moi dans une petite bulle. Une bulle où l'on parle de danse et en quoi elle donne du sens à nos vies. Aujourd'hui, je te propose de découvrir l'univers de l'Opéra National de Paris, ou plutôt de découvrir l'état d'esprit d'une de ces danseuses, Roxane Stoyanov. Ensemble, nous allons tenter de comprendre ce que signifie faire partie de l'une des plus célèbres compagnies de danse classique au monde.

  • Speaker #1

    On est très peu de mon année où je suis rentrée à 12 ans, je suis la seule dans le corps de ballet aujourd'hui, et même la seule à être danseuse et à en vivre en fait.

  • Speaker #0

    Elle s'est livrée sur ses exigences, ses doutes aussi, qui poussaient à l'extrême, peuvent devenir de véritables freins. Tu te juges beaucoup justement ?

  • Speaker #1

    Oui, à un moment donné, ça a été tellement que ça m'empêchait de travailler. Au moindre petit pas, pas comme je veux, j'étais incapable de continuer au-delà de la chorégraphie. Juste parce que tel mouvement n'était pas comme je voulais, stop, je m'arrêtais. Je reprenais, je pouvais passer deux heures sur les 30 premières secondes.

  • Speaker #0

    Désormais première danseuse, elle est soliste, ce qui lui permet d'endosser des rôles de plus en plus importants.

  • Speaker #1

    Certains rôles m'ont permis de découvrir une facette de moi que je ne connaissais pas, parce que ce sont des personnages que je ne suis pas, ce n'est pas mon caractère. Et d'avoir à les jouer, c'est impressionnant parce que c'est bien caché quelque part pour que ça sorte comme ça. Complètement. C'est fascinant, ça m'a fait évoluer, grandir moi en tant que personne aussi.

  • Speaker #0

    C'est le tout premier numéro et autant te dire que je suis à la fois heureuse, émue et un peu stressée aussi. J'espère surtout que tu vas passer un bon moment. Et si c'est le cas, n'hésite pas à laisser un avis et à t'abonner pour ne rater aucun épisode. Tu trouveras également sur Insta, Facebook et TikTok des vidéos inédites de Roxane en train de danser avec sa grâce et sa souplesse. Je te laisse découvrir tout ça. Voilà, je pense que tu sais tout. Je te souhaite une bonne journée. très belle écoute. Bonjour Roxane, je suis ravie de te recevoir aujourd'hui. Alors pour ceux qui ne te connaissent pas, tu es première danseuse depuis 2022, le grade qui est juste en fait celui en dessous des étoiles. Quand tu te réveilles là en ce moment, tu te dis waouh j'ai réussi, je suis en train de vivre mon rêve ou alors pas du tout ?

  • Speaker #1

    Ah si franchement, oui oui si. Plonger dans le quotidien, c'est vrai qu'on ne prend pas souvent assez de recul, on est pris dans le boulot. En fait, les gens à l'extérieur qui ne connaissent pas ce monde-là, c'est grâce à eux que je percute aussi. Ils m'aident à me ramener à la réalité et de me rendre compte, parce que je me mets en particulier souvent beaucoup de pression et je suis très exigeante. Je suis quand même devenue une soliste de l'opéra et c'est une responsabilité. Je représente l'opéra, mais... En fait, c'est quand même un rêve. À chaque fois que je dois danser, c'est quand même un kiff toute seule.

  • Speaker #0

    Et qui fait rêver beaucoup de personnes. Alors justement, quand tu étais petite, comment est-ce que tout a commencé ?

  • Speaker #1

    Ça, je le dois à mes deux sœurs, les filles de ma maman, parce qu'on est quatre filles, deux de ma maman, deux de mon papa. Donc, c'est les deux filles de ma maman qui n'arrêtaient pas de dire à ma mère, mais il faut que tu fasses quelque chose. Elle n'arrête pas de danser dès qu'il y a de la musique.

  • Speaker #0

    Et danser comment ? Tu faisais quoi ?

  • Speaker #1

    Moi, je n'ai pas spécialement souvenir. C'était vraiment, je me mettais à gigoter sur le moindre rythme. Après, ça paraît un peu... Evident, pour se dire, oui, elle a voulu devenir danseuse, elle dansait sur n'importe quoi. En fait, c'est quand même grâce à ça qu'on m'a inscrite à des cours de danse. C'était en Macédoine, parce que mon père est macédonien et pour le travail, on a déménagé là-bas. Et l'école de danse ne voulait pas me prendre avant 8 ans et demi, parce qu'ils estimaient qu'avant, ça allait déformer le corps, dans la croissance, etc. Mais alors j'ai commencé avec les vrais cours de danse à la barre, c'était pas de l'éveil corporel, j'ai tout de suite fait le...

  • Speaker #0

    Le grand bain finalement. Oui,

  • Speaker #1

    oui voilà. Il y avait quand même une rigueur, un cadre, des exercices à retenir, un travail de mémoire à faire, une façon de faire, se rappeler des corrections qu'on nous donne. Et je crois que c'est ça aussi qui m'a plu. Donc après on a fait confiance aux professeurs que j'ai eu à chaque fois et je pense que c'est les gens que j'ai rencontrés qui m'ont amenée... à petit à petit me pousser à aller plus loin en fait. Mais j'ai de la chance aussi d'être tombée sur ces personnes-là à ce moment-là.

  • Speaker #0

    Des personnes finalement qui ont cru en toi et qui ont vu ton potentiel.

  • Speaker #1

    Oui, absolument, parce que dans ma famille, à part une de mes sœurs qui est comédienne, mes parents n'ont rien à voir avec le domaine artistique, ni même mes grands-parents. Donc c'est un milieu totalement neuf, inconnu. Même pour mon papa, c'était un peu compliqué d'accepter que... que j'allais travailler autant qu'un footballeur, faire autant d'activités physiques, alors que j'utilise une fille, et sa petite fille, elle ne peut pas comme ça souffrir. Donc, ils ont fait confiance dans tous les professeurs que j'ai eus, qui ont vraiment dit, elle a quelque chose, il faut qu'elle y aille. Moi, je n'avais pas forcément conscience, ni confiance, je ne me posais pas la question. Mais je faisais, on mettait une barre à chaque fois plus haute. je l'atteignais et c'était ça qui était aussi satisfaisant je pense j'aimais bien bosser et je m'éclatais toujours dans tout ce que je faisais je considère que j'étais un peu touriste c'est peut-être ça aussi la naïveté qui m'a fait du bien en tout cas qui m'a pas mis tout de suite trop de pression parce que j'avais pas conscience en fait parce que tu étais extrêmement jeune oui et je savais moi non plus je ne savais pas que c'était un métier c'est à dire qu'on m'a dit voilà on essaye Mais j'ai jamais eu de pression aussi non plus de mes parents. Parce que du coup, c'était si tu veux, on te suit. Mais sache que c'est pas grave si on n'y arrive pas ou tu n'y arrives pas. Honnêtement,

  • Speaker #0

    à ton temps, c'était un peu comme un jeu.

  • Speaker #1

    Ouais, ouais, c'est vrai. C'est vrai. Ouais, ouais.

  • Speaker #0

    Donc, ça va, ça reste. Il n'y a pas d'enjeu, justement.

  • Speaker #1

    À ce moment-là, en tout cas, non.

  • Speaker #0

    Alors, ça commence quand, justement,

  • Speaker #1

    où tu te dis,

  • Speaker #0

    ouh là là, ça y est, j'ai envie d'en faire mon métier. Il y a eu un... Des clics, un déclenchement, une sensation ?

  • Speaker #1

    Déjà quand même de passer l'audition pour rentrer à l'école de danse qui prépare au ballet de l'Opéra de Paris. C'est peut-être la première fois que j'avais un petit stress quand même, pas pendant, mais à l'annonce des résultats, où je me rendais compte qu'il pouvait y avoir un échec, que ça pouvait être un échec de ne pas y arriver.

  • Speaker #0

    D'accord.

  • Speaker #1

    Parce que j'avais juste deux semaines avant fait mon premier concours de danse, où je n'ai pas du tout été acceptée pour la finale. Mais vraiment, j'étais la grosse touriste pour le coup, mais qui n'était pas du tout au niveau. Alors je me suis dit, si ça ne marche pas là non plus, ça avait été déjà dur à accepter. Mon nom a été donné en dernier, je commençais à perdre espoir. Et c'est ma maman, heureusement, qui m'a dit, attends. Parce qu'elle, elle avait compris que Stoyanov, S, ça risquait d'être en dernier si on le prononçait.

  • Speaker #0

    Et donc, tu es rentrée finalement à l'école de danse. Tu avais

  • Speaker #1

    12 ans.

  • Speaker #0

    Voilà, 12 ans. ce qui est extrêmement jeune, on est encore une enfant.

  • Speaker #1

    Oui, il y a des plus jeunes encore qui rentrent. Mais là, pour moi, qui n'avais jamais quitté mes parents, en plus je devais être en internat parce qu'on habitait à Bruxelles à ce moment-là, ça n'a été pas facile du tout. Même si je faisais ce que j'aimais, c'était vraiment dur la distance au début. L'internat, oui, je pleurais tous les soirs. On n'avait pas le droit déjà d'avoir de téléphone. Donc si on en avait un, il y avait certains horaires pour téléphoner. Donc tous les soirs et matins, matin en catimini quand même, j'appelais, j'étais en pleurs. Donc ma mère, elle tenait bon, mais entre le matin et le soir, je pense que c'est elle qui était en pleurs. T'imagines. Et ça a duré un ou deux mois au début quand même. Puis je lui ai dit, dis-moi un truc parce que j'ai pas envie d'arrêter. Dis-moi quoi faire pour arrêter d'être triste, de pleurer. Et elle m'a dit, bah écoute, en soi, si vraiment c'est trop dur, c'est pas grave. Pense à toutes les petites filles qui étaient là. Vous avez été que 7 à avoir été prises et vous étiez peut-être 140 à l'audition. Donc il y en a une qui, elle, pleurera pas, aura envie d'avoir cette place en fait. Je lui ai dit, ok, non. Ça sera quoi ? Il faut que je saisisse le truc. C'est vrai qu'effectivement, il y en a plein d'autres qui doivent pleurer, donc je ne peux pas me permettre d'être lâche.

  • Speaker #0

    Être lâche, tu trouves que c'était...

  • Speaker #1

    Pas lâche, mais il y avait un côté où, si, quand une petite fille rêve d'être à ma place, je ne peux pas me permettre par respect pour elle, en fait, de... D'en plus moi pleurer alors que j'ai tout ce que je veux. À ce moment-là, en tout cas.

  • Speaker #0

    C'est ce qui t'a donné la force.

  • Speaker #1

    Oui, ça m'a donné la force. Parce que la journée, ça se passait très bien. Je pense que c'était aussi le temps de me faire des amis. Après, j'avoue, c'était la colo. J'étais trop contente. Après, j'avoue, j'étais des fois un peu triste de rentrer parce que j'étais quand même bien à l'internat. Donc voilà, c'est vite passé. Ça a été net.

  • Speaker #0

    Il y a tellement de fantasmes sur ce milieu, sur l'école de danse de l'Opéra de Paris. Mais à t'entendre, finalement, c'était assez amusant.

  • Speaker #1

    Moi, je l'ai vécu toujours comme ça, parce que je trouve ça amusant, le travail. En fait, l'exigence qu'on nous inculquait, la rigueur et tout, c'était... Je trouvais ça hyper chouette, en fait, d'arriver à... À être dans la recherche, d'arriver à trouver, de faire ce qu'on nous demande. J'avais en fait vu aussi, avant de rentrer, un petit documentaire sur les petits rats, justement ceux qui ont 8-9 ans, qui était assez dur. Et je me souviens que ma prof m'avait dit, bon voilà, ça ressemble à ça, c'est dur. Est-ce que vraiment t'as envie ? J'ai dit, ouais, ça ne me fait pas peur. Encore une fois, challenge. J'ai envie de prouver que moi, ça ne me fera pas ça, en fait. Oui,

  • Speaker #0

    c'était un défi.

  • Speaker #1

    C'est vraiment, ouais, je suis plus forte que ça. Dès que j'étais face à des profs qui étaient jugés sévères, moi, je savais le prendre comme un, bah, ils sont exigeants, ils me demandent un truc, j'essaye de le faire du mieux que je peux. Ça passait, on me dit un truc, je ne vais pas me mettre à pleurer parce qu'on me le dit d'une façon un peu dure. J'avais toujours un... Sourire, j'étais dans l'acceptation des infos. Et derrière, j'essayais de mon mieux de le faire. Et ça leur allait. Et ça s'est toujours bien passé. Je n'ai jamais eu de difficultés avec aucun professeur.

  • Speaker #0

    Et ça a payé, en fait ?

  • Speaker #1

    On dirait, oui.

  • Speaker #0

    Parce que quand même, même si tu prenais ça comme un jeu, je veux dire, quand tu es à l'école de danse, chaque année, il y a quand même une pression. Vous êtes jugée, il y a des examens, vous pouvez, si les notes ne sont pas satisfaisantes,

  • Speaker #1

    être redoublée ou virée.

  • Speaker #0

    Complètement, oui.

  • Speaker #1

    Non, non, ce n'était jamais acquis. Évidemment, ça me faisait stresser, mais pendant l'année, on se disait entre nous les notes et j'avais remarqué que j'avais toujours la note maximale ou j'étais dans la partie haute du groupe. J'ai fini première quasiment tous les ans. ou une année deuxième, mais voilà, c'est quand même un sans faute. Mais après, ça ne m'empêchait pas de stresser, mais de vouloir bien faire.

  • Speaker #0

    Donc, en fait, j'ai l'impression que le fait d'avoir pris ça comme un jeu et avec moins de pression et finalement en s'amusant, c'est ce qui a permis pour toi de t'épanouir au maximum et de révéler toutes tes capacités. Parce que quand même...

  • Speaker #1

    Parce qu'en fait, c'est surtout que dès que je dansais... Ça me faisait sourire. J'ai souvent le sourire collé au visage. D'ailleurs, quand j'étais à l'école de danse, j'ai rencontré Roland Petit. J'ai fait partie du ballet Le Rendez-Vous, où à un moment donné, il y a un passage de deux enfants. Et moi, j'ai tendance à toujours sourire. Et c'est une rencontre de deux enfants. Mais c'est assez mélancolique, tragique. Je me souviens qu'il m'a dit, la danse, ce n'est pas que sourire. C'est la première fois que j'ai compris que la danse pouvait amener aussi d'autres émotions. Ça m'a marquée. Après, jusqu'en dernière année à l'école de danse, notre examen de fin d'année, ce sont des variations à présenter, donc on n'est pas dans le drame. C'est quelque chose où il faut montrer que la danse, c'est absolument pas difficile. Et en fait, ça me fait du bien aussi. Je me faisais plaisir, mais j'avais envie de faire plaisir en face, leur donner le sourire que j'avais, en fait.

  • Speaker #0

    Et en même temps, il n'y a pas que le sourire finalement, il y a d'autres émotions.

  • Speaker #1

    Oui, ça m'a servi pour plus tard, je m'en suis rappelée. Parce qu'après, en dernière année, là, il y a un enjeu. Déjà, on a des rôles pendant l'année. Il y a un spectacle de l'école, on a globalement les premiers rôles. Là, on raconte des histoires. Du coup, ça, ça me plaît vachement aussi. Incarner un personnage que je ne suis pas forcément, ça permet d'être plein de personnes et de personnalités différentes à la fois, qu'on ne sera peut-être jamais.

  • Speaker #0

    Mais en tout cas, si je te suis bien, ce conseil-là, et pas de n'importe qui...

  • Speaker #1

    Il était dur, mais...

  • Speaker #0

    Mais il t'a marqué et finalement, il a été un peu comme un fil directeur tout au long de ta carrière ? Ou au début seulement ?

  • Speaker #1

    C'est surtout au début où ça m'a... marqué dans le sens où je me suis dit Roxane, c'est pas parce que t'es en train de danser que tu dois te coller le sourire, faut que ça vienne de toi aussi. Quand même arrivé les deux dernières années, j'ai compris moi j'étais vraiment touriste, j'ai compris assez tard qu'il y avait un concours qui permettait de rentrer dans le corps de ballet

  • Speaker #0

    Ah oui, on en était quand même à ce point-là

  • Speaker #1

    Un peu ! J'en entendais parler mais en vrai je connaissais rien et oui, donc le concours d'entrée, j'ai senti je... J'ai commencé à sentir ma première division, donc c'est la dernière année, que j'ai fait deux fois. Mais la première année, j'ai senti la pression parce que je la sentais aussi de tous mes professeurs. Enfin, dans le sens où ils comptaient vraiment beaucoup sur moi parce que voilà, c'est ce qu'ils me souhaitaient. Mais là, j'ai connu la mauvaise pression un peu. Enfin, je me la suis mise à moi. C'était une année compliquée, je faisais ma puberté en même temps, mon corps changeait. Avant, dès que je faisais un truc, ça passait tout seul. Là, mon corps, je lui disais un truc, ça ne sortait pas. Jusque-là, tout était naturel. J'avais la danse facile. Là, d'un coup, je n'ai plus rien compris. Là, j'ai compris le côté sport de la danse, en fait. Là, il a fallu que j'aille conscientiser ce que je ressentais, avoir conscience de mes jambes, que ce n'est pas elle de faire toute seule le mouvement, que le... Tout part du buste, qu'il faut être solide du dos, du bas du ventre. Parce qu'en fait, j'avais fait une grosse poussée de croissance, j'étais devenue la plus grande de la classe alors que j'étais la plus petite deux ans avant. Et j'ai un physique où j'ai un buste un peu plus petit que mes jambes. Donc mes jambes prennent beaucoup le dessus. Et j'étais bambi, c'était très compliqué de... Vraiment bambi là sur la glace, c'était un peu moi. C'était beaucoup de pression parce que d'un coup, j'avais un nouveau paramètre à gérer qui était mon corps. Et en même temps, à la fin de l'année, il fallait que ce soit parfait pour passer l'audition, pour rentrer dans le ballet. Donc là, j'ai plus trop eu le sourire cette année-là. J'imagine. C'était un peu... Mais voilà, après, c'est une expérience, ça m'a forgée. Je ne suis pas rentrée. Ça a été vraiment très dur. Il n'y avait qu'un poste, ils ont pris... Une fille, on était cinq, je suis arrivée dernière.

  • Speaker #0

    Aïe.

  • Speaker #1

    Là, c'est...

  • Speaker #0

    Coup dur, une baffe, la première.

  • Speaker #1

    Oui, surtout que je suis sortie du concours et on m'a dit, ça se joue entre toi et celle qui est montée. Et le résultat est tombé. Je n'étais même pas deuxième, j'étais dernière.

  • Speaker #0

    Là, c'est dur pour l'égo.

  • Speaker #1

    Donc, oui, j'avais des problèmes un peu de... de physique, c'est qu'avec la puberté, j'avais plus le corps... J'avais un corps de femme, les filles dans ma classe ont été plus petites que moi, des brindilles, donc en comparaison, je m'étais mis en tête qu'il y avait ça aussi qui jouait. Et puis, même, ça se voyait que... Je pense qu'en vrai, ça se voyait que j'avais trop du mal à gérer mon corps. Mais donc là, j'ai dû redoubler et ça a été une année... où j'ai l'impression de me mettre retrouvée quand je suis rentrée à 12 ans. Parce que j'étais toujours en internat, donc à 17 ans. Pas drôle du tout.

  • Speaker #0

    Non.

  • Speaker #1

    Je n'avais pas envie.

  • Speaker #0

    Oui.

  • Speaker #1

    Là, je pleurais pour aller à l'internat à nouveau. Je m'étais quand même imaginée une vie parisienne. On m'avait un peu fait un faux espoir.

  • Speaker #0

    C'est-à-dire ?

  • Speaker #1

    On m'avait un peu dit que je pouvais rentrer. Et ce n'était pas le cas. Il fallait se retaper un an. Et là... Tu as eu un coup de massue.

  • Speaker #0

    Comment tu réussis à rebondir du coup ?

  • Speaker #1

    Il y a eu un moment où ça fallait accepter. Et après, je me suis... Franchement, je pense qu'on peut dire que je me suis isolée un peu. J'ai utilisé le fait d'être enfermée à l'internat avec tous ceux de ma génération qui avaient fini par devenir externes. Moi, mes parents ne pouvaient pas. J'étais toujours, à ce moment-là, mes parents habitaient à Bordeaux. Donc, ils n'avaient pas le choix. Financièrement, ça coûtait beaucoup plus cher d'avoir un appartement, faire des courses et tout, que d'être à l'internat. Donc, dans ma chambre, j'étais avec une fille de 14 ans.

  • Speaker #0

    Ah oui !

  • Speaker #1

    Et une autre étrangère qui ne passait pas le bac. Donc, qui avait juste à se concentrer sur la danse. on ne vivait pas la même chose. Donc je me suis un peu isolée, en fait. J'étais un robot, quoi. Le matin, je faisais mes cours, je préparais mon bac. L'après-midi, je travaillais en cours de danse. Je faisais mes répétitions. Le soir, je me couchais avec les poules. Et vraiment, il y a eu un... Je me suis juste focalisée sur... Après, je n'ai plus de chance. Si je n'étais pas prise cette fois-là, il n'y avait plus rien. Il fallait que je passe des auditions ailleurs. Ce n'était pas grave, mais ça m'avait fait tellement de mal que je savais que j'avais envie de rentrer là.

  • Speaker #0

    C'est là où tu as vraiment su que tu voulais faire ce métier ?

  • Speaker #1

    Là, je pense que je l'avais su avant, sans le formuler. Mais évidemment, si j'étais dans cette école, ce n'était pas pour... De toute façon, avec mes parents, il y avait toujours un... Il faut savoir qu'il faut que tu aies ton bac, parce que si jamais il y a le moindre truc qui t'arrive, tu as un problème physique, une blessure, qui fait que tu ne peux plus danser, il faut que tu aies de quoi rebondir. En fait, je préparais tous les terrains. Je me donnais à fond dans la danse pour que ça marche.

  • Speaker #0

    Tu préparais un plan B.

  • Speaker #1

    Heureusement qu'ils étaient lucides pour ça, pour m'aider. Est-ce que je ne me retrouve pas sans rien, s'il arrive quoi que ce soit ? Ce n'était pas pensé au pire, mais c'est juste tellement exigeant. On est très peu de mon année où je suis rentrée à 12 ans, je suis la seule dans le corps de ballet aujourd'hui. Et même la seule à être danseuse et à en vivre en fait.

  • Speaker #0

    Sur combien vous étiez ?

  • Speaker #1

    On était 7. La plupart ont arrêté la danse. Une est devenue prof de danse, mais n'est pas passée par l'étape professionnelle. Et une autre a arrêté et essaye de reprendre. Et là, elle m'arrête professionnelle. Mais voilà, c'est un autre parcours.

  • Speaker #0

    Et qu'est-ce qui fait la différence selon toi parmi ces six autres personnes ? Qu'est-ce qui a fait la différence avec le recul ?

  • Speaker #1

    Je ne sais pas si j'étais assez lucide pour comprendre. Parce que sur les 7, on n'était que deux déjà à être prises dès la première année. Mais après, à mon avis, c'est mon mental, mon côté où j'avais envie de rien lâcher. Vraiment, j'étais capable d'accepter beaucoup de... Ce qu'on peut dire souffrance, mais voilà, on a mal partout, c'est un métier qui nous fait mal, ça fait des courbatures, ça fait des trucs. Moi, ça ne me dérangeait pas, je faisais dessus. Il y avait une sorte de bonne résistance à la douleur, aussi aux réflexions qu'on peut avoir. Je ne dirais pas avoir été traumatisée, pas du tout. Pour moi, tout ça me semblait normal et est-ce que c'est aussi mon côté ? À ce moment-là, naïve de ne pas toujours me rendre compte et de juste penser à danser, qui m'a aidée.

  • Speaker #0

    Mais quand tu dis que finalement, tu as un rapport peut-être à la douleur qui est un peu plus résistant, est-ce que ça vient de quelque chose d'avant ? Comment est-ce que tu l'expliques ?

  • Speaker #1

    Justement, ça vient de ce reportage que j'avais vu pour rentrer à l'école, où je les voyais tous... Ça avait l'air d'être dur, ils souffraient, les profs étaient exigeants. Je ne vais pas dire sévères, parce que je pense que c'est un métier qui demande de l'exigence. Donc c'était de la rigueur, en fait, qu'ils nous demandaient. Et tout de suite, je me suis dit, il ne va pas falloir leur nicher pour le premier truc qui va être dur. C'est juste ça, en fait. Et aussi, on m'a tout de suite dit, c'est le genre de métier, si un jour tu es blessé ou tu es malade ou quoi, ne t'inquiète pas, il y en a d'autres derrière. Donc, t'es pas indispensable.

  • Speaker #0

    Ouais, t'es remplaçable, quoi, même.

  • Speaker #1

    Donc, je me souviens, à 12 ans, je faisais casse-noisette les enfants. Un jour, j'avais 42 fièvres. J'y suis allée avec les 42 fièvres. Alors qu'en soi, c'est peut-être... Aujourd'hui, on ferait plus ça. Maintenant, pas du tout, mais c'est...

  • Speaker #0

    C'est quel que soit ce qui arrive, on y va coûte que coûte, quoi.

  • Speaker #1

    Ouais, ouais. Et puis du coup, je pense que ça m'a aidée à pas m'arrêter à la première petite douleur que je ressentais, quoi. Les ampoules, les machins, ça fait hyper mal. Des fois, c'est pire que d'être blessée, d'avoir une inflammation, un torticolis ou quoi. J'étais toujours là à faire, je trouvais toujours un moyen d'alléger ma douleur. Mais tant que je savais que c'était pas grave, je sais pas comment dire, mon corps, il me le disait. T'as mal, mais c'est pas grave. Tu peux aller dessus. J'avais un radar pour ça.

  • Speaker #0

    Justement, quel est ton rapport au corps ? Parce que c'est ton outil, je veux dire. Est-ce que t'essayes de le maîtriser ? Ou justement, tu es vraiment toujours comme tu disais à son écoute ?

  • Speaker #1

    Non, j'ai besoin de contrôler. Comme à un moment donné, il m'a échappée. Je n'arrivais plus à lui demander de faire ce succès-là. J'ai réappris à organiser mon alignement. J'ai pris des cours particuliers, j'ai fait du pilates. J'ai essayé de comprendre comment il fonctionne. Mais pour moi, après, c'est moi, c'est ma tête et c'est à moi de diriger. Et s'il y a des douleurs, je les écoute dans le sens, je sonde la gravité. Si ce n'est pas grave, ce n'est pas grave. Je fais dessus. De toute façon, en scène, il peut arriver le moindre truc. Il faut faire comme on est à ce moment-là. Après, ça ne m'a pas toujours... J'ai souvent dansé avec des blessures sans m'arrêter. Je les ai gérées, par contre. J'ai su les gérer, mais je n'ai jamais voulu m'arrêter. Et ça m'est arrivé une seule fois. Et là, je me suis arrêtée parce que je devais me faire opérer.

  • Speaker #0

    Oui, donc là, tu étais allée...

  • Speaker #1

    Là, je l'avais dit, je ne m'arrêterais que si ça nécessite un truc. Vraiment, là, moi, je n'ai plus de contrôle dessus. Donc, j'ai poussé quatre mois et un jour, ça a cédé. J'ai quand même redansé dessus le lendemain. Mais dans la journée, j'avais pris ma décision que je faisais le spectacle et j'annonçais que ça faisait 4 mois que j'avais mal, j'avais rien dit et que je devais me faire opérer.

  • Speaker #0

    Mais donc finalement, la limite pour l'instant, en tout cas à ce moment-là, tu ne l'avais pas trop senti que là, ton corps te disait stop quand même ?

  • Speaker #1

    Il me disait stop et en même temps, à cette période-là, c'est l'année où je montais première danseuse. J'ai passé un concours avec le genou qui ne pouvait pas plier. Mais j'étais là, le concours est dans un temps de moi, je ne peux pas m'arrêter maintenant. Il y a eu deux concours de sujets où je ne suis pas montée et il y a eu un Covid après. Je me suis dit non mais là, je faisais déjà pas mal de rôles, on me faisait comprendre que c'était la suite logique. J'avais l'impression de vouloir bien faire au concours pour que ce soit indiscutable. J'ai dit, c'est pas un genou qui va m'arrêter là. Presque moi, quand il y a des obstacles ou des challenges, c'est pas que ça m'éclate, mais ça me pousse quelque part où je ne serais pas allée sinon.

  • Speaker #0

    Donc finalement, la difficulté te renforce.

  • Speaker #1

    Ouais. Je ne serais pas aussi forte. Je n'aurais pas ce mental-là aujourd'hui si je n'avais pas traversé les petits bobos, les trucs faits avec, gérés. On apprend beaucoup. Mais après, ce genou m'a permis d'apprendre comment il y avait encore quelque chose que je ne gérais pas correctement dans mon travail. Et aujourd'hui, ça va très bien. Et maintenant, je sais quand... Il y a un an, je me suis fait une petite déchirure d'un abdo. Bon, j'ai réussi à ne pas m'arrêter, gérer. Les gens sont à l'écoute, je leur dis j'ai ça. En fait, du coup, maintenant, on me connaît. On sait qu'en fait, si je dis un truc, c'est que c'est vraiment... Sinon, on ne m'entend pas.

  • Speaker #0

    C'est vraiment grave et que là...

  • Speaker #1

    Voilà, donc du coup, je suis là, je gère, mais ne vous inquiétez pas. Et en fait, on a confiance en moi. Donc, je pense que grâce à ce comportement-là, j'ai acquis aussi la confiance de mes répétiteurs, maître de ballet. Je sais, si j'ai un truc à dire, je sais qu'ils m'écouteront et me feront confiance et ils me diront encore plus aujourd'hui, maintenant que je suis soliste, je peux vraiment gérer, me gérer, être autonome et pas me dire il faut que je tienne, je dois continuer à prouver que je vais aller plus loin, mon ambition, etc.

  • Speaker #0

    Et donc ton corps, tu le vois vraiment comme un outil ou c'est quelque chose que tu... Quel est ton rapport finalement avec lui ?

  • Speaker #1

    C'est un outil parce que je considère que c'est un peu comme le cavalier avec son cheval. Le cavalier, c'est le cerveau, c'est mon cerveau, et le corps, il agit par rapport aux commandes qu'on envoie. Donc c'est un équipier plutôt, pas un outil, mais il a une conscience. Et parfois, il faut écouter cette conscience-là, il y a deux cerveaux. Mais celui qui dirige, en tout cas, c'est moi. Et c'est vrai que parfois, c'est ce qui est dur dans ce métier. C'est pourtant nous qui dirigeons tout, mais... À d'autres moments, je me vois danser, je me dis c'est fou, je dis un truc et ça fait autre chose. Je ne comprends pas. C'est toute la complexité de ce métier.

  • Speaker #0

    Il faut réussir juste au milieu et l'équilibre.

  • Speaker #1

    Oui, oui. Et garder une décontraction parce que si c'est que de la tension entre le corps qui ne veut pas faire un truc et la tête qui veut autre chose, ça ne va pas marcher. Mais ça on l'apprend une fois qu'on est dans le corps de ballet, surtout quand j'ai commencé à faire des rôles en fait. Parce que là il y a une sorte de...

  • Speaker #0

    Il y a l'instinct, d'abord, sur les premiers spectacles, et après, les suivants, quand on reprend un truc. Il y a la tête qui se dit, ça va aller, mais en fait, d'un coup, le corps dit, bah non, aujourd'hui, je ne suis pas comme tu veux, il va falloir faire autrement. Donc on apprend à se connaître avec ça. À chaque fois, c'est ça qui est chouette, c'est que chaque expérience me fait grandir. J'apprends un peu plus sur moi et sur mon corps, à la fois. Sur les réactions que je peux avoir, c'est comme s'il y avait en plus une troisième personne qui se pose et qui observe tout ça et qui fait le constat après.

  • Speaker #1

    Et qui dit c'est bien ou c'est mal ou tu t'es dépassée ou encore plus.

  • Speaker #0

    J'essaie de ne pas trop dire c'est mal ou c'est bien d'ailleurs.

  • Speaker #1

    Tu te juges beaucoup justement ?

  • Speaker #0

    Oui, à un moment donné, ça a été tellement que ça m'empêchait de travailler. Au moindre petit pas. comme je veux. J'étais incapable de continuer au-delà de la chorégraphie. Pour une préparation d'un concours, par exemple. J'ai réussi à filer ma variation, de la faire du début à la fin, à la générale. Alors qu'on a un mois de préparation. Juste parce que tel mouvement n'était pas comme je voulais, stop, je m'arrêtais. Je reprenais. Je pouvais passer deux heures sur les trente premières secondes du truc. Et le jour J, c'était pas... Je l'ai fait. C'était pas comme j'aurais voulu, c'était pas comme on m'imaginait. Et c'était pas non plus au mieux de ce que je suis capable. Malgré tout, je suis montée sujet. Je suis arrivée première. Et j'ai pleuré parce que j'ai dit, je le mérite pas. Et là, tous mes coachs... Mes parents m'ont dit non mais là tu nous saoules en fait, là va falloir que t'arrêtes parce que tu peux pas dire ça. Et en fait c'est juste accepter, des fois ça peut être bien même si c'est pas au mieux.

  • Speaker #1

    C'est pas la perfection.

  • Speaker #0

    Non et en plus des fois avec les imperfections on peut en faire des trucs qui sont mieux que ce qu'on pouvait imaginer.

  • Speaker #1

    Ah quand même, il y a quand même eu tout ce...

  • Speaker #0

    J'ai eu un ouais, derrière... Tout ça, ça m'a tellement marquée. Je me suis dit, toute ma carrière, je ne peux pas être comme ça. Je ne trouvais pas de plaisir à danser, du coup.

  • Speaker #1

    Ah ben oui,

  • Speaker #0

    je vois que c'est impossible,

  • Speaker #1

    du coup. Et comment est-ce que tu as réussi justement à trouver cette porte de sortie en disant, ouais, il y a quelque chose à exploiter dans l'imperfection ?

  • Speaker #0

    Quand ils m'ont tous dit, on ne veut plus jamais travailler comme ça avec toi parce que c'est insupportable, on est là, on ne peut rien faire. Il n'y a que toi qui te fous les... obstacles et des barrières. Ça m'a marquée. Je crois que je n'aime pas faire du mal aux autres. La situation ne leur plaisait pas et il fallait surtout pas que ça se reproduise. Je le faisais un peu pour les autres aussi.

  • Speaker #1

    Tu pensais qu'il y avait un danger et que là, c'était too much.

  • Speaker #0

    Carrément. Comment je suis passée au côté... Faire avec les imperfections, c'est encore grâce à mes coachs, dans le travail quotidien, me dire allez, maintenant je fais un truc, quoi qu'il arrive, je ne m'arrête pas, je fais avec Et c'est encore une autre façon de travailler le mental, de couper la petite voix dans la tête qui juge à chaque pas. Déjà, vis ce que tu es en train de faire. Il fallait que je retrouve l'essence de la danse, quoi, en fait. Il fallait que je retrouve le plaisir de danser. À d'abord. Et OK, après, c'est une séance de travail. OK, on est là pour faire des corrections. Mais moi, je voulais tout faire en même temps. Et danser et me faire les corrections, anticiper les corrections des profs, ce n'était pas possible. Donc, ça fait déjà mon job à moi, c'est de danser. Après, j'ai des personnes de confiance qui me soutiennent, qui sont là pour me dire ce qu'il y a, ce qui ne va pas. C'est bien de savoir être autonome et de se comprendre et de se connaître et de sentir, mais des fois, on rend quelque chose qui n'est pas forcément fidèle à ce qu'on ressent. Malheureusement, il y a des jours où on danse très bien et nous, on l'a très mal vécu et parfois l'inverse. Donc, il faut juste toujours savourer, en fait. C'est ça qui va rester.

  • Speaker #1

    Quand tu savoures, qu'est-ce qui se passe dans ton corps ? Comment est-ce que tu es dans ta tête ? C'est quoi ? Quel est le... Le moment le plus haut que tu as pu vivre, je parle vraiment au niveau des sensations, c'est quoi ? C'est un lâcher-pris, c'est une magie, c'est quoi ?

  • Speaker #0

    En fait, c'est une combinaison de toute la période de travail où vraiment j'ai été exigeante, j'ai rien laissé au hasard. Tout est calculé pour qu'à un moment donné, quand j'arrive en scène... Je me mette ça de côté, je fasse confiance dans mon travail, en mon corps. Je me mets dans la peau du personnage que je raconte, ou pas. Des fois, c'est juste une ambiance à exprimer. Et puis, il y a quelque chose, quand je suis sur scène, je me désinhibe. Je suis quelqu'un de réservé et assez timide, mais on me met sur scène. Bizarrement, c'est le moment où je suis le plus exposée, que je me sens la plus en sécurité et la plus... La plus ouverte et disponible à sortir des trucs. Même des fois en scène, je ne m'attendais pas moi-même. Je me surprends toute seule. C'est une forme de liberté. C'est comme si tout ce que je n'osais pas être en dehors de ce moment-là, je lâche tout. Je pense que c'est un lâcher-prise. C'est une confiance, une décontraction. Quand il y a des personnages à jouer, c'est encore mieux. Souvent, certains rôles m'ont permis de découvrir une facette de moi que je ne connaissais pas, parce que ce sont des personnages que je ne suis pas, ce n'est pas mon caractère. Et d'avoir à les jouer, c'est impressionnant, parce que c'est bien de cacher quelque part pour que ça sorte comme ça. Complètement. C'est fascinant, ça m'a fait évoluer, grandir moi en tant que personne aussi. Pendant un moment, je me servais de mon vécu, puis parfois, certains rôles qu'on m'a donné à danser. m'ont fait évoluer moi. Ça arrivait à un moment dans ma vie où ça me servait à moi, en fait, en tant que femme. Et ça m'a fait grandir, quoi, aussi.

  • Speaker #1

    Du coup, tu prenais quoi ? Tu prenais les éléments d'un rôle et tu essayais de... Le fait de vivre ce rôle-là, ça te faisait...

  • Speaker #0

    Déjà, j'analyse le rôle aussi avant. En fait, je fais des recherches, je teste souvent en répétition. Mais le moment où je donne le... plus, c'est souvent en scène. Alors maintenant, en ce moment, c'est un travail que j'ai à faire aussi, c'est d'être en répétition comme je suis en scène, dès le début. Pour pouvoir proposer un max de trucs et qu'arriver sur scène, j'ai pas justement tant de surprises parce que parfois, je peux avoir une surprise et qu'il soit hors sujet, en fait. Ça peut arriver. Voilà, ça, il y a toujours un truc à bosser. C'est ça qui est génial.

  • Speaker #1

    Et c'était une exploration en même temps.

  • Speaker #0

    Ah mais tout le temps, tout le temps. c'est ça qui est génial donc il n'y a pas de bien ou pas bien souvent on peut être dans le même sujet mais d'un soir à l'autre exprimer différemment et je sais que je me laisse la possibilité que ça arrive et c'est vraiment ça qui me tient ma technique en général elle suit parce que si je suis vraie et juste moi-même mais la Roxane qui endosse le rôle de tel ou tel personnage Ça suit, en fait.

  • Speaker #1

    T'es portée, quoi,

  • Speaker #0

    complètement. Oui, complètement. Mais c'est aussi l'intelligence des chorégraphies. Le caractère d'un personnage est défini aussi par sa chorégraphie, parfois.

  • Speaker #1

    Et du coup, il y a quand même toujours cette quête, finalement, et cette envie de la scène qui te porte. Parce qu'à t'entendre, finalement, tout est là. C'est la scène qui te permet de grandir, de t'épanouir et finalement de montrer. une part inconnue de toi-même ?

  • Speaker #0

    Oui, ça va trop me manquer la scène quand j'arrêterai. Ce que je remarque aussi, là, en étant première danseuse, je vais moins en scène qu'avant. Parce que le sujet, c'est un grade. On peut faire du corps de ballet et avoir accès à des demi-rôles ou des rôles. Donc, on danse tout le temps, on est très présent sur une série, on danse quasiment tous les soirs. Première danseuse, il y a plusieurs distributions. Je fais souvent les seconds rôles. Parfois les premiers, mais ça dépend. Jusqu'à maintenant, j'ai fait que des premiers rôles sur des ballets plus courts. Ça tourne, il y a plusieurs distributions, donc ce n'est pas du tout tous les soirs. Et il faut retrouver la scène des fois juste pour 3-4 spectacles, et puis c'est déjà fini. Donc on bosse pendant un mois et demi, et après on n'a pas un mois et demi de scène, on a 3-4 spectacles. Moi, ça me manque. Et en même temps, tout ce qu'il y a à faire à chaque fois, je donne tellement de moi, parce que c'est des rôles à grosse responsabilité quand même, je donne tellement de moi émotionnellement que je me sens vidée à chaque fois. Et je comprends pourquoi on ne peut pas en faire 20 à la suite.

  • Speaker #1

    Tu te sens invité physiquement ou mentalement ?

  • Speaker #0

    Les deux, en fait. Ça demande quand même un contrôle. Malgré tout, du stress, il ne disparaît pas comme ça. Il se présente sous une autre forme, mais il faut quand même le contrôler. Puis après, je donne tellement de moi. Je laisse comme une part à chaque fois de moi dans ce que j'ai dansé. Donc je sors, je dis si je laisse une part comme ça tous les soirs. C'est pas possible en fait. Il faut un temps de recharge. C'est plus émotionnellement aussi. De tout ce que je donne. Je ne dis pas que je ne donnais pas pareil. Mais dans le corps de ballet, souvent, c'est un esprit d'équipe. On danse ensemble, on se porte les unes les autres. C'est dur physiquement. Parce qu'on ne danse pas forcément à notre taille. Moi qui suis grande, il fallait s'adapter souvent aux plus petites. Au niveau du physique, c'est un peu plus dur. Les rôles, c'est dur parce que c'est beaucoup plus cardio et technique. Mais la part d'émotion qu'on donne, ce que je veux transmettre aussi au public, ça me fait beaucoup de bien. J'aime faire plaisir aux autres et j'ai envie que les gens passent un bon moment et j'ai envie de les transporter. Ça passe tellement vite et à la fin, je sors, je suis vidée en fait. heureuse mais vraiment vidée.

  • Speaker #1

    Et comment tu fais pour te recharger alors après ?

  • Speaker #0

    Après, ça se fait naturellement en fait.

  • Speaker #1

    Encore la magie du corps finalement.

  • Speaker #0

    Oui, le planning est bien fait, les spectacles ne s'enchaînent pas forcément. Donc on va reprendre un cours de danse. Des fois, il faut retourner en studio, retravailler alors qu'on a été en scène. C'est toujours un peu dur mais c'est bien parce que ça permet de remettre des petites choses en place qui n'ont pas été. vu que c'est jamais parfait. Tu as le micro, j'ai pas entendu. C'est jamais parfait. Et voilà, l'adrénaline remonte petit à petit pour le spectacle d'après. On a un planning quand même, donc mentalement on se prépare, on sait. Et puis c'est pas plus mal des fois d'avoir un petit coup de boost parce que ça fait un petit moment qu'on n'est pas en scène, ça permet d'être lucide. Parce que parfois quand on va tout le temps... On croit que le corps, il s'est tout, puis d'un coup, on se trompe dans la choré. C'est comme un texte, à force de le dire, au bout d'un moment, un jour, trou.

  • Speaker #1

    Ça t'est déjà arrivé, ça ?

  • Speaker #0

    Oui, je crois que ça m'est déjà arrivé, oui. Oui, carrément. Tu fais quoi, alors, du coup ? Rien, ça passe en une fraction de seconde. Le corps, il fait un truc qu'il ne faut pas, mais d'un coup, là, la tête revient et combine pour s'en sortir et ça va. Le tout, de toute façon, c'est les gens ont payé en une place. C'est le spectacle. Rien ne doit se voir. C'est presque ça qu'on a fait, un truc en cachette. C'est rigolo. Oui, mais c'est excitant.

  • Speaker #1

    Justement, est-ce que des fois, l'image qu'on a des balais, de la danse classique, on a l'impression des fois qu'il faut vraiment rentrer dans ce moule et que c'est la moindre chose si on veut un petit peu sortir de ce cadre. Et bien c'est peut-être mal vu. Est-ce que c'est une idée qu'on a ou pas ? Moi j'ai l'impression qu'il y a une telle rigueur, il y a un tel cadre, qu'être hors cadre, c'est extrêmement compliqué.

  • Speaker #0

    Quand on fait du corps de ballet ou en tant que soliste ?

  • Speaker #1

    Les deux.

  • Speaker #0

    Corps de ballet, c'est vrai que... Après, c'est notre maison. On est réputé pour être le corps de ballet le meilleur parce qu'il y a le souci de rien que dans des portes de bras, des épaulements, on va tous être pareil. On respire ensemble. Dans d'autres compagnies, cette uniformité-là n'est pas aussi parfaite que chez nous. Mais ce qui m'a moins aidée à passer les échelons, mais je ne saurais pas dire ce qu'il y avait de particulier. On me disait quand même qu'on me voyait dans le groupe. Moi, je pensais toujours à faire pour être avec tout le monde, mais du mieux, toujours tous les soirs, encore mieux. C'était ma façon de m'aider aussi, parce que quand on fait une série de 20 spectacles en trois semaines, il faut se renouveler. Tous les soirs, on n'a pas forcément envie. Je suis en coulisses, je n'ai pas envie, je suis fatiguée. la veille, le soir, des fois on fait des matines et soirées deux dans la même journée. Donc comment se redonner de l'envie ? Moi c'était de penser à améliorer tous les soirs en fait, quelque chose. Donc est-ce que c'est comme ça qu'on sort du cadre tout en restant pareil ? Que tout le monde s'en faire... Parce qu'il y a sortir du cadre mais en faisant tâche, et puis il y a juste sortir du lot. une lumière en fait sur nous. Il y a des filles qui, voilà, c'est naturel en fait, quand on les regarde, elles ont une lumière, comme si on avait mis un spot sur elles, on dit mais elles ressortent plus que... Elles dégagent. Je le vois sur les filles. Donc est-ce que c'est ça qui a eu chez moi ? C'est vrai qu'on me disait souvent, on voyait que toi. Je ne comprends pas. Pourtant, je n'ai pas fait coucou en plein milieu, juste pour dire, c'est moi, je suis là. Non. Là,

  • Speaker #1

    tu aurais été dégagée.

  • Speaker #0

    Carrément. Mais je pense que ça, malheureusement, c'est un peu un don. Et c'est ça qui, dans la danse, n'est pas juste. Parce que c'est subjectif. Il y en a, ils ont certains dons. Il y a deux personnes qui peuvent être pareilles techniquement, faire aussi bien et tout. S'il y en a une, elle a... une lumière que l'autre n'a pas.

  • Speaker #1

    Et ça, ça ne s'apprend pas ?

  • Speaker #0

    Non. Après, ça se travaille. On peut travailler, mais malheureusement, ça, une aura, je pense que ça ne s'achète pas. Ça ne se trouve pas comme ça.

  • Speaker #1

    En tout cas, il faut nous donner le nom du magasin.

  • Speaker #0

    Mais après, il y en a qui ont une aura, mais il n'y a pas le travail. Et ça ne suffit pas à l'aura non plus.

  • Speaker #1

    Mais là, ils ne passent pas les grades au sein de l'opéra.

  • Speaker #0

    Mais peut-être que c'est ceux qui ne se rendent pas compte qu'ils en ont. Du coup, ils travaillent. Et en fait, après, Laura fait le reste. Et ceux qui le savent se disent, c'est ça qu'ils misent tout là-dessus.

  • Speaker #1

    Et donc, ils le prennent comme acquis.

  • Speaker #0

    Comme acquis, oui. Je pense que moi, finalement, à mon côté exigeant... jamais contente aussi, au moins, j'avais un gros problème de confiance en moi. Mais arrivé sur scène, je ne sais pas, j'avais une confiance.

  • Speaker #1

    Dis-moi, j'aimerais bien savoir comment est-ce que... Quel rapport vous entretenez avec, et toi surtout, avec tes professeurs ? C'est la famille, tu parles de coach, c'est quoi exactement ?

  • Speaker #0

    Là, les coachs que j'avais, moi, depuis l'école de danse, c'était des professeurs que j'ai eus à l'école de danse. Fabienne Serruti, qui était en troisième division quand moi j'étais dans sa classe. J'ai commencé à travailler avec elle en dernière année, en préparation au concours. Et... C'est vraiment elle qui me l'a proposé et moi je me sentais bien dans sa classe. On n'a pas du tout le même physique, elle est plus petite et donc elle m'a aidée dans tout ce qui est technique, plus de rapidité, ce qui est dur pour une grande en fait. C'était ce qui me manquait et on a travaillé là-dessus. Et ça devient un peu... Il y a vraiment le respect. Moi je respecte la danseuse. Le parcours qu'elle a eu, elle a dansé avec Rudolf Nourieff, elle l'emmenait en gala partout, donc tous les rôles, elle est capable de me les transmettre directement, avec les mots qu'il avait. J'ai une admiration, et maintenant, aujourd'hui, ça fait dix ans, onze ans bientôt qu'on travaille ensemble. Je n'ai jamais arrêté, après je continue à prendre des cours particuliers. Toute la semaine, même une fois dans le corps de ballet, parce qu'on est lâchés dans la jungle, en fait. À l'école, on a une structure, on a un cours avec les mêmes profs tous les jours. Là, c'est plus du tout ça. Donc, se gérer tout seul à 18 ans, on ne sait pas. S'il n'y a pas quelqu'un qui est là pour nous titiller, nous rappeler sur quoi on doit travailler, continuer à faire un travail en parallèle sur notre propre évolution. J'ai aussi travaillé avec Wilfried Romoli, qui m'a beaucoup aidée sur les sauts. Je ne savais pas sauter, mais encore une fois, ça venait de mon problème d'organisation de mon corps. En fait, je ne savais pas m'en servir. Pourtant, j'ai des grandes jambes. On me dit tu peux sauter, tu as des bonnes cuisses. Pas du tout. C'est que de la coordination. Il m'a beaucoup aidée pour ça. Et tous les deux, pendant dix ans, ils m'ont préparée à tous mes concours. Ouais, c'est des mentors. Et aujourd'hui, Fabienne, c'est plus que ça. C'est comme ma maman de la danse. Et aujourd'hui... Là encore en début d'année, pour préparer Don Quichotte, je la voyais. Dès que j'ai besoin d'un conseil ou quoi, je les appelle.

  • Speaker #1

    C'est précieux ça. Ouais,

  • Speaker #0

    ouais. Vraiment, je suis heureuse d'être tombée, qu'ils soient là sur ma route. Tout ça, je ne l'ai pas fait toute seule. J'ai été super bien soutenue et je suis vraiment reconnaissante de tout l'aide que j'ai reçue pour moi. Si j'en suis là, c'est un travail d'équipe. tous les professeurs que j'ai eus avant. C'est la combinaison de tout ça qui fait que je suis ce que je suis aujourd'hui. Je leur dois tout ça.

  • Speaker #1

    Et le conseil que tu as reçu d'un d'eux, le plus précieux, ça serait quoi ?

  • Speaker #0

    Il y en a trop, là.

  • Speaker #1

    En tout cas, ceux qui ont été précieux et qui t'ont vraiment porté.

  • Speaker #0

    En fait, c'est qu'encore aujourd'hui, je ne me considère pas finie. Pour moi, je suis toujours encore en évolution, alors je n'ai pas vraiment fait de bilan de ma vie. Je n'en suis pas là du tout. À 26 ans, ça va. Pas du tout. Non, mais tous en général, ils avaient peut-être différentes façons de dire les choses. Mais ce qui se rejoignait toujours, c'était que le plus important, c'était que je danse. que je me fasse plaisir. C'était au final, avant une échéance, c'était ça qui restait en fait.

  • Speaker #1

    Le plaisir est finalement ce recontact que tu as où toi, en plus, tu excelles. Oui,

  • Speaker #0

    parce qu'il me disait, en fait, toi, ta place, on le sait. T'as beau avoir plein de doutes, on sait que sur scène, tu les as pas. Et c'est ta force. C'est vrai que ça a toujours été... De mon premier rôle, quand j'étais petite en Macédoine, j'ai fait la fée Clochette. Je me suis sentie hyper bien à ma place de fée Clochette sur scène. C'était dingue, alors que je n'étais jamais allée sur scène. Je ne me souviens pas avoir stressé. J'étais... Bah, c'est normal.

  • Speaker #1

    C'est comme si la scène, c'était ta scène de vie, en fait.

  • Speaker #0

    C'est vraiment l'endroit où j'ai l'impression d'être le plus en sécurité, que personne ne me voit. En fait, tout le monde me voit, mais moi, je ne les vois pas. C'est surtout ça en fait, c'est que je ne vois pas la tête des gens. Je sais qu'ils sont là, mais je ne les vois pas en répétition. Je vois qu'ils me regardent, j'ai le temps de pouvoir voir, analyser les réactions, les regards, les trucs, sentir les mauvaises énergies comme les bonnes, tout. Sur scène, il n'y a rien.

  • Speaker #1

    C'est comme un endroit un peu sacré.

  • Speaker #0

    Ouais, et les gens ont payé pour passer un bon moment, pour s'évader en fait. Donc s'ils peuvent vivre ce que moi je suis en train de vivre quand je danse, c'est génial.

  • Speaker #1

    T'as des doutes, tu nous en as parlé. C'est quoi les plus grandes peurs ?

  • Speaker #0

    Bah c'est toujours... J'ai souvent peur de perdre mon niveau, dès qu'il y a une période un peu plus calme. Par exemple, l'été, des fois, je me dis, j'ai un mois, si je ne danse pas, la rentrée, ça va être horrible. Au final, j'arrive à la rentrée, ça fait du bien, je me sens mieux, mon corps est disponible, j'ai pas mal partout, comme en fin d'année. Non, c'est souvent ça, c'est que je pense, j'ai peur de ne plus arriver à contrôler mon corps et de lui demander, de le voir, pas réussir à faire ce que je lui demande. C'est souvent ça, en fait. Mais c'est la danse en général.

  • Speaker #1

    Bien sûr. Et du coup, forcément, le corps vieillit. Le corps ne sera plus toujours comme il est actuellement. Est-ce que pour toi, il y a un tic-tac ? Comment est-ce que tu... Oui.

  • Speaker #0

    Déjà, là, en 10 ans, je trouve que j'ai changé. J'ai eu des étapes. j'ai changé en rentrant dans le ballet à cause d'un nouveau rythme par rapport à l'école de danse. Et là, après le Covid, j'ai senti aussi un changement où j'ai une musculature différente en tout cas. C'est comme si j'avais la carrure qui s'était développée aussi. Est-ce que c'est le travail qui a fait ça ? Je ne suis plus le Bambi du début, donc j'ai vu ça changer. C'était perturbant dans le sens où je m'étais habituée à un corps et je savais à quoi je ressemblais. Puis un jour, je me suis filmée, je me suis vue, je ne m'attendais pas du tout à ça. Et là, je ne sais pas si je sens déjà des différences au niveau de ma souplesse ou quoi. Je pense que je ne suis pas encore là. Moi, je me sens en ce moment, je pense que je suis la période où je suis le plus en forme, où le corps est capable de tout. C'est maintenant qu'il faut danser. J'ai plus un tic-tac de je veux danser un maximum de trucs tant que je peux et que mon corps le permet en fait. Je veux pouvoir en profiter et je ne veux pas commencer à danser des grands rôles quand j'aurai 35 parce que ça se trouve je ne tiendrai pas. J'aurai déjà des moins de souplesse, des choses à gérer que je n'ai pas envie de gérer quand j'aborde des grands rôles en fait. J'ai envie d'être en pleine possession de mes moyens comme je suis là maintenant. La carrière s'arrête à 42. On se dit que si on ne fait rien pendant trois mois, c'est énorme, qu'on est en train de perdre notre temps alors que pas du tout. On a tous un rythme différent. C'est surtout ça qu'il faut accepter et qui est super dur, je trouve. Parce que je suis arrivée première danseuse à 26, mais il y en a, c'était à 22. Du coup, je me dis, si à 22, j'aurais dansé déjà plein de trucs. Mais à 22, je n'étais pas prête à assumer ça du tout. Les choses, elles arrivent vraiment quand elles doivent arriver. Mais j'avoue, je suis tout le temps impatiente. J'ai toujours envie de plus. C'est aussi parce qu'on sait que c'est une carrière courte. Et on l'a commencé tôt, elle finit tôt. Je crois que de manière générale, on aura compris. J'ai envie d'en profiter et de me faire plaisir un maximum.

  • Speaker #1

    Il y a une date un petit peu... La date est déjà de toute manière définie. Et ça, il faut vivre avec.

  • Speaker #0

    Oui, mais bon, c'est comme la vie. Au final, c'est une vie, mais encore plus courte. C'est juste ça, on a un avant-goût de la fin.

  • Speaker #1

    Mais il y aura un début d'autre chose peut-être.

  • Speaker #0

    Tout à fait. Mais en plus, il y en a qui n'arrêtent pas forcément à 42. Donc, je ne peux pas du tout me projeter. Je dis aujourd'hui que je veux tout faire maintenant, parce qu'après, j'ai peur que mon corps me lâche. Mais ça se trouve, je vais faire mes meilleurs rôles à 35 ans. Parce que c'est qu'à 35 que je saurais les aborder comme il le faut. C'est ça qui est excitant. Mais quand on a un métier où tout est autant dans le contrôle, quand il y a des choses sur lesquelles on n'a pas la main, ça met des doutes.

  • Speaker #1

    Et en même temps, tu as l'air de bien le vivre.

  • Speaker #0

    Je commence quand même, ça fait 10 ans maintenant que je suis pro et j'ai eu le temps de... De bien voir que souvent quand il y a des choses qui se passent, on comprend un peu plus tard pourquoi. Et je commence à... Enfin voilà, j'ai compris que les choses n'arrivaient pas par hasard. Donc là, je suis dans une période bien, mais... Je n'ai pas tous les jours cette confiance sur l'avenir. Il y a des fois, quand on est crevé, on n'est pas aussi lucide que quand on est en pleine forme. Donc, il y a un peu nos démons qui reviennent.

  • Speaker #1

    Et cette petite voix dont tu parles, qui est des fois pas forcément très bienveillante, mais dans ces moments-là, c'est quoi tes principales ressources ?

  • Speaker #0

    J'extériorise. En général, j'en parle beaucoup, je fais tout sortir. Et puis après, il faut être patiente, ce que je n'aime pas. Mais ça passe. Et puis jusqu'au jour où d'un coup, un jour, je suis super contente de ce que j'ai fait. J'ai bien bossé, je sens que je suis en forme et tout. Et là, je me dis comment j'ai pu être dans cet état-là.

  • Speaker #1

    La prochaine étape, on sait bien ce que ça peut être,

  • Speaker #0

    n'est-ce pas ? Tout à fait.

  • Speaker #1

    Parle-moi un petit peu de comment est-ce que tu le vis, parce que là, il n'y a plus de concours à passer.

  • Speaker #0

    Non, ça fait deux ans que je ne passe plus le concours. D'ailleurs, je me retrouve dans le jury maintenant de ce concours. Ça fait bizarre. Oui, il n'y a plus de concours. Donc maintenant, avant d'être première danseuse, je me disais... Quand tu seras première danseuse, ton concours, ça sera tous les spectacles ?

  • Speaker #1

    Rien que ça ?

  • Speaker #0

    En fait, non. Quand même, non. Parce qu'on est nommé à l'issue d'une représentation où on danse le rôle-titre. En tant que première danseuse, je ne suis pas amenée à danser le rôle-titre tous les soirs. Il y a des seconds rôles qui sont tout aussi intéressants. D'ailleurs même le plus petit rôle a son importance pour moi. Il n'y a rien qui ne soit pas intéressant. Tout a son importance et... Peu importe le rôle que je danse, il faut qu'il soit dansé au mieux. C'est ça qui fait que le spectacle, le ballet et la représentation en elle-même, elle est bien.

  • Speaker #1

    Malgré tout, j'imagine que...

  • Speaker #0

    Mais voilà, j'avoue que maintenant que j'ai pris possession et que je réalise que je suis première danseuse, j'ai envie de danser des premiers rôles. J'en ai eu quelques-uns sur des... plus petit ballet, mais là, la prochaine étape, j'ai vraiment envie de me confronter à un ballet en trois actes qui est assez long, avoir le rôle titre parce que c'est un vrai, à nouveau, pour moi, c'est un challenge technique, d'endurance aussi et parce que je pense que ça n'a rien à voir avec les fois où je devais juste faire une variation. Certains rôles, c'est juste arriver comme un cheveu sur la soupe, faire sa variation et c'est fini. Quand on a un rôle, on a plusieurs variations, plusieurs pas de deux. Et en fait, on ne se focalise pas juste sur une chose et en se disant j'ai raté tel truc, pour le peu que j'ai à faire, j'ai... Non, là, toute la soirée, on a l'occasion de se rattraper. Plus rien n'est si grave finalement, parce qu'il y a toujours quelque chose à faire. Tant qu'on raconte une histoire, je ne sais pas, il y a quelque chose qui me paraît plus naturel. de raconter une histoire du début à la fin plutôt que d'arriver juste... C'est parfois plus dur, c'est plus ingrat en fait, des fois d'avoir juste un petit rôle bien dur, juste pendant cinq minutes au milieu d'un ballet de trois heures. C'est vraiment une plus grosse responsabilité, je trouve.

  • Speaker #1

    Oui, paradoxalement.

  • Speaker #0

    Oui. Et là, j'ai hâte de pouvoir profiter d'un truc du début à la fin, de ne pas me mettre la pression sur une seule variation, parce qu'il y en a plein d'autres, et qu'en fait, on est tellement crevés qu'on n'a pas le temps de se mettre... On n'est pas assez... Il n'y a plus d'énergie, il faut déjà faire ce qu'on a à faire, et ne pas perdre de l'énergie à stresser pour tout. Donc j'ai hâte, et surtout parce que c'est aussi dans ces rôles-là, en général, qu'on peut être nommée étoile.

  • Speaker #1

    Elle a dit le mot, ça y est.

  • Speaker #0

    J'ai pas osé jusqu'à maintenant. Je t'ai laissé faire. Oui, oui. Bah voilà, là, je... Est-ce que j'ai envie d'être étoile ? Oui, parce que petite, c'est le truc qu'on se dit, je vais être étoile, mais on ne sait pas ce que ça veut dire quand on est petite. Encore une fois, moi, avant, je me suis mis des objectifs beaucoup plus bas parce que je savais à quel point ça allait être dur et je ne voulais surtout pas me faire de faux espoirs. Et finir ma carrière en n'ayant pas atteint l'étoile et me dire t'as tout raté, ça n'a rien à voir Pour moi, il n'y a que des réussites et des belles expériences qui se sont bien terminées. Mais là, maintenant que je sais ce que c'est, quand je fais un rôle, ce que ça me procure comme plaisir et la satisfaction du travail en amont. Et puis malgré tout, le côté sportif, moi, j'aime transpirer, j'aime sentir que je me suis dépassée. Je pense que ça correspond quand même.

  • Speaker #1

    Ça en a tout l'air.

  • Speaker #0

    Ça correspond quand même. Donc après, en vrai, tant que je danse et que j'ai accès à ces trucs-là, parce que je pense qu'en tant que première danseuse, on peut faire une carrière hyper épanouie avec que des rôles et pas être nommée. Je pense, voilà, tant que je danserais... Je serais heureuse. Là, je suis en attente forcément un petit peu, mais parce que plus j'aimerais qu'on me donne accès à ces rôles-là, que je n'ai pas encore faits. Tout simplement parce que les étoiles, eux, ils ne se posent pas la question. Ils les font, ces rôles-là. Donc c'est un confort et ça donne accès tout de suite à ça, en fait. Mais si je les fais et que... que je suis heureuse comme ça et que je ne suis jamais étoile. Je ne pense pas que ce soit... Je ne le vivrai pas mal. Pas comme un six-pack ? Non, non, non. Mais j'aimerais bien quand même. Voilà, j'aimerais bien quand même. Ce cri du cœur. Après, je sais où j'en suis aujourd'hui. Ces rôles-là, je ne les ai pas encore faits. Il va falloir que je sois... Là, je vais être programmée prochainement mon premier rôle en trois actes. Sur Kitri dans Don Quichotte. Donc j'ai hyper hâte. Parce que je ne me connais pas là-dessus. Je veux voir à quoi ça va ressembler, de quoi je suis capable. J'ai hâte d'y être pour pouvoir... constater que vraiment j'y suis quoi.

  • Speaker #1

    Peut-être que tu vas avoir une autre facette puisque...

  • Speaker #0

    Ouais, exactement. Mais j'ai conscience que pour être étoile, il faut montrer qu'on sait tenir ces rôles-là, qu'on en a fait plusieurs, donc c'est pas au premier rôle que... J'ai conscience que moi j'ai besoin de me faire mon expérience, de toute façon avant. Donc là, je ne me mets pas de pression. Sur ce spectacle-là, j'ai envie d'en profiter. C'est un rôle très lumineux. C'est Kittery, elle est joyeuse. C'est une femme moderne qui parle fort.

  • Speaker #1

    Tu vas pouvoir sourire.

  • Speaker #0

    Et carrément. Et puis, ça va être top. Mon challenge, ça va être quand même, étant donné que je n'ai qu'un seul spectacle, d'en profiter et de ne pas m'arrêter au premier truc. Parce que le premier truc qui... pourrait se passer pas comme je l'aurais voulu. Parce que c'est de l'art vivant. Il y a des gens qui sont venus là pour ça. Ils sont pas là pour constater mon mécontentement au moindre petit cil qui est pas en place. C'est pas parfait. Je recrase. Non, et puis même m'amuser moi, en fait. Puis je pense que Kitri, elle est comme ça. Elle s'en fout. Elle sait que... C'est la plus belle. Elle a son chéri qui est là. Ils vont se barrer ensemble.

  • Speaker #1

    Donc, tu as tout à prendre d'elle, finalement. Oui,

  • Speaker #0

    voilà. J'ai encore un rôle qui va m'aider. Et lui-même va m'aider à ne pas me mettre trop de pression. Parce que, voilà, elle est comme ça.

  • Speaker #1

    Ça sera donc à l'Opéra Bastille. Ça sera donc, en tout cas, le ballet Don Quichotte, ça sera du 21 mars au 24 avril 2024. Toi, tu y seras quand exactement ?

  • Speaker #0

    Le 5 avril.

  • Speaker #1

    Donc notez bien. Eh bien, je te remercie beaucoup Roxane. Merci d'avoir passé ce moment avec moi.

  • Speaker #0

    Merci.

  • Speaker #2

    Voilà, c'est la fin de ce tout premier numéro. Merci de l'avoir écouté jusqu'au bout. J'espère qu'il t'a plu. Si c'est le cas, n'hésite pas à laisser un petit commentaire et à t'abonner. Ça permettra de soutenir ce podcast. Très belle journée à toi.

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Description

En cette saison exceptionnelle, Roxane Stojanov enchaîne les moments forts sur la scène du Palais Garnier. Elle fait sensation dans deux productions iconiques, révélant toute la profondeur et la force de son talent :


🔹 Mayerling de Sir Kenneth MacMillan – Un ballet dramatique où Roxane incarne l’envoûtante Mitzi Caspar. Aux côtés de l’Étoile Hugo Marchand et entourée de ses "officiers" Antonio Conforti, Nicola Di Vico, Lorenzo Lelli et Keita Bellali, elle subjugue le public lors des représentations des 29 octobre, 1er, 6 et 8 novembre.


🔹 Rearray de William Forsythe – Entre puissance et finesse, elle nous entraîne dans cet univers contemporain unique, accompagnée de Takeru Coste et Loup Marcault-Derouard, jusqu’au 3 novembre.


À l'occasion de cette actualité foisonnante, (re)découvrez notre premier épisode Les Sens de la Danse, où Roxane nous partage son parcours, ses doutes, ses ambitions, et cette passion qui la pousse toujours plus loin.


Vous pouvez la retrouver sur Instagram :

https://www.instagram.com/roxanestojanov/


Son répertoire et sa biographie:

https://www.operadeparis.fr/artistes/roxane-stojanov



Retrouvez les infos sur le podcast ici :

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Le compte facebook du podcast : https://www.facebook.com/lessensdeladanse.podcast


Très belle écoute


Hébergé par Ausha. Visitez ausha.co/politique-de-confidentialite pour plus d'informations.

Transcription

  • Speaker #0

    Les Sens de la danse, le podcast qui met de la conscience dans le mouvement.

  • Speaker #1

    Ah,

  • Speaker #0

    ça y est, te voilà enfin posé. Et même si tu es dans le métro ou les bouchons, je t'invite à entrer avec moi dans une petite bulle. Une bulle où l'on parle de danse et en quoi elle donne du sens à nos vies. Aujourd'hui, je te propose de découvrir l'univers de l'Opéra National de Paris, ou plutôt de découvrir l'état d'esprit d'une de ces danseuses, Roxane Stoyanov. Ensemble, nous allons tenter de comprendre ce que signifie faire partie de l'une des plus célèbres compagnies de danse classique au monde.

  • Speaker #1

    On est très peu de mon année où je suis rentrée à 12 ans, je suis la seule dans le corps de ballet aujourd'hui, et même la seule à être danseuse et à en vivre en fait.

  • Speaker #0

    Elle s'est livrée sur ses exigences, ses doutes aussi, qui poussaient à l'extrême, peuvent devenir de véritables freins. Tu te juges beaucoup justement ?

  • Speaker #1

    Oui, à un moment donné, ça a été tellement que ça m'empêchait de travailler. Au moindre petit pas, pas comme je veux, j'étais incapable de continuer au-delà de la chorégraphie. Juste parce que tel mouvement n'était pas comme je voulais, stop, je m'arrêtais. Je reprenais, je pouvais passer deux heures sur les 30 premières secondes.

  • Speaker #0

    Désormais première danseuse, elle est soliste, ce qui lui permet d'endosser des rôles de plus en plus importants.

  • Speaker #1

    Certains rôles m'ont permis de découvrir une facette de moi que je ne connaissais pas, parce que ce sont des personnages que je ne suis pas, ce n'est pas mon caractère. Et d'avoir à les jouer, c'est impressionnant parce que c'est bien caché quelque part pour que ça sorte comme ça. Complètement. C'est fascinant, ça m'a fait évoluer, grandir moi en tant que personne aussi.

  • Speaker #0

    C'est le tout premier numéro et autant te dire que je suis à la fois heureuse, émue et un peu stressée aussi. J'espère surtout que tu vas passer un bon moment. Et si c'est le cas, n'hésite pas à laisser un avis et à t'abonner pour ne rater aucun épisode. Tu trouveras également sur Insta, Facebook et TikTok des vidéos inédites de Roxane en train de danser avec sa grâce et sa souplesse. Je te laisse découvrir tout ça. Voilà, je pense que tu sais tout. Je te souhaite une bonne journée. très belle écoute. Bonjour Roxane, je suis ravie de te recevoir aujourd'hui. Alors pour ceux qui ne te connaissent pas, tu es première danseuse depuis 2022, le grade qui est juste en fait celui en dessous des étoiles. Quand tu te réveilles là en ce moment, tu te dis waouh j'ai réussi, je suis en train de vivre mon rêve ou alors pas du tout ?

  • Speaker #1

    Ah si franchement, oui oui si. Plonger dans le quotidien, c'est vrai qu'on ne prend pas souvent assez de recul, on est pris dans le boulot. En fait, les gens à l'extérieur qui ne connaissent pas ce monde-là, c'est grâce à eux que je percute aussi. Ils m'aident à me ramener à la réalité et de me rendre compte, parce que je me mets en particulier souvent beaucoup de pression et je suis très exigeante. Je suis quand même devenue une soliste de l'opéra et c'est une responsabilité. Je représente l'opéra, mais... En fait, c'est quand même un rêve. À chaque fois que je dois danser, c'est quand même un kiff toute seule.

  • Speaker #0

    Et qui fait rêver beaucoup de personnes. Alors justement, quand tu étais petite, comment est-ce que tout a commencé ?

  • Speaker #1

    Ça, je le dois à mes deux sœurs, les filles de ma maman, parce qu'on est quatre filles, deux de ma maman, deux de mon papa. Donc, c'est les deux filles de ma maman qui n'arrêtaient pas de dire à ma mère, mais il faut que tu fasses quelque chose. Elle n'arrête pas de danser dès qu'il y a de la musique.

  • Speaker #0

    Et danser comment ? Tu faisais quoi ?

  • Speaker #1

    Moi, je n'ai pas spécialement souvenir. C'était vraiment, je me mettais à gigoter sur le moindre rythme. Après, ça paraît un peu... Evident, pour se dire, oui, elle a voulu devenir danseuse, elle dansait sur n'importe quoi. En fait, c'est quand même grâce à ça qu'on m'a inscrite à des cours de danse. C'était en Macédoine, parce que mon père est macédonien et pour le travail, on a déménagé là-bas. Et l'école de danse ne voulait pas me prendre avant 8 ans et demi, parce qu'ils estimaient qu'avant, ça allait déformer le corps, dans la croissance, etc. Mais alors j'ai commencé avec les vrais cours de danse à la barre, c'était pas de l'éveil corporel, j'ai tout de suite fait le...

  • Speaker #0

    Le grand bain finalement. Oui,

  • Speaker #1

    oui voilà. Il y avait quand même une rigueur, un cadre, des exercices à retenir, un travail de mémoire à faire, une façon de faire, se rappeler des corrections qu'on nous donne. Et je crois que c'est ça aussi qui m'a plu. Donc après on a fait confiance aux professeurs que j'ai eu à chaque fois et je pense que c'est les gens que j'ai rencontrés qui m'ont amenée... à petit à petit me pousser à aller plus loin en fait. Mais j'ai de la chance aussi d'être tombée sur ces personnes-là à ce moment-là.

  • Speaker #0

    Des personnes finalement qui ont cru en toi et qui ont vu ton potentiel.

  • Speaker #1

    Oui, absolument, parce que dans ma famille, à part une de mes sœurs qui est comédienne, mes parents n'ont rien à voir avec le domaine artistique, ni même mes grands-parents. Donc c'est un milieu totalement neuf, inconnu. Même pour mon papa, c'était un peu compliqué d'accepter que... que j'allais travailler autant qu'un footballeur, faire autant d'activités physiques, alors que j'utilise une fille, et sa petite fille, elle ne peut pas comme ça souffrir. Donc, ils ont fait confiance dans tous les professeurs que j'ai eus, qui ont vraiment dit, elle a quelque chose, il faut qu'elle y aille. Moi, je n'avais pas forcément conscience, ni confiance, je ne me posais pas la question. Mais je faisais, on mettait une barre à chaque fois plus haute. je l'atteignais et c'était ça qui était aussi satisfaisant je pense j'aimais bien bosser et je m'éclatais toujours dans tout ce que je faisais je considère que j'étais un peu touriste c'est peut-être ça aussi la naïveté qui m'a fait du bien en tout cas qui m'a pas mis tout de suite trop de pression parce que j'avais pas conscience en fait parce que tu étais extrêmement jeune oui et je savais moi non plus je ne savais pas que c'était un métier c'est à dire qu'on m'a dit voilà on essaye Mais j'ai jamais eu de pression aussi non plus de mes parents. Parce que du coup, c'était si tu veux, on te suit. Mais sache que c'est pas grave si on n'y arrive pas ou tu n'y arrives pas. Honnêtement,

  • Speaker #0

    à ton temps, c'était un peu comme un jeu.

  • Speaker #1

    Ouais, ouais, c'est vrai. C'est vrai. Ouais, ouais.

  • Speaker #0

    Donc, ça va, ça reste. Il n'y a pas d'enjeu, justement.

  • Speaker #1

    À ce moment-là, en tout cas, non.

  • Speaker #0

    Alors, ça commence quand, justement,

  • Speaker #1

    où tu te dis,

  • Speaker #0

    ouh là là, ça y est, j'ai envie d'en faire mon métier. Il y a eu un... Des clics, un déclenchement, une sensation ?

  • Speaker #1

    Déjà quand même de passer l'audition pour rentrer à l'école de danse qui prépare au ballet de l'Opéra de Paris. C'est peut-être la première fois que j'avais un petit stress quand même, pas pendant, mais à l'annonce des résultats, où je me rendais compte qu'il pouvait y avoir un échec, que ça pouvait être un échec de ne pas y arriver.

  • Speaker #0

    D'accord.

  • Speaker #1

    Parce que j'avais juste deux semaines avant fait mon premier concours de danse, où je n'ai pas du tout été acceptée pour la finale. Mais vraiment, j'étais la grosse touriste pour le coup, mais qui n'était pas du tout au niveau. Alors je me suis dit, si ça ne marche pas là non plus, ça avait été déjà dur à accepter. Mon nom a été donné en dernier, je commençais à perdre espoir. Et c'est ma maman, heureusement, qui m'a dit, attends. Parce qu'elle, elle avait compris que Stoyanov, S, ça risquait d'être en dernier si on le prononçait.

  • Speaker #0

    Et donc, tu es rentrée finalement à l'école de danse. Tu avais

  • Speaker #1

    12 ans.

  • Speaker #0

    Voilà, 12 ans. ce qui est extrêmement jeune, on est encore une enfant.

  • Speaker #1

    Oui, il y a des plus jeunes encore qui rentrent. Mais là, pour moi, qui n'avais jamais quitté mes parents, en plus je devais être en internat parce qu'on habitait à Bruxelles à ce moment-là, ça n'a été pas facile du tout. Même si je faisais ce que j'aimais, c'était vraiment dur la distance au début. L'internat, oui, je pleurais tous les soirs. On n'avait pas le droit déjà d'avoir de téléphone. Donc si on en avait un, il y avait certains horaires pour téléphoner. Donc tous les soirs et matins, matin en catimini quand même, j'appelais, j'étais en pleurs. Donc ma mère, elle tenait bon, mais entre le matin et le soir, je pense que c'est elle qui était en pleurs. T'imagines. Et ça a duré un ou deux mois au début quand même. Puis je lui ai dit, dis-moi un truc parce que j'ai pas envie d'arrêter. Dis-moi quoi faire pour arrêter d'être triste, de pleurer. Et elle m'a dit, bah écoute, en soi, si vraiment c'est trop dur, c'est pas grave. Pense à toutes les petites filles qui étaient là. Vous avez été que 7 à avoir été prises et vous étiez peut-être 140 à l'audition. Donc il y en a une qui, elle, pleurera pas, aura envie d'avoir cette place en fait. Je lui ai dit, ok, non. Ça sera quoi ? Il faut que je saisisse le truc. C'est vrai qu'effectivement, il y en a plein d'autres qui doivent pleurer, donc je ne peux pas me permettre d'être lâche.

  • Speaker #0

    Être lâche, tu trouves que c'était...

  • Speaker #1

    Pas lâche, mais il y avait un côté où, si, quand une petite fille rêve d'être à ma place, je ne peux pas me permettre par respect pour elle, en fait, de... D'en plus moi pleurer alors que j'ai tout ce que je veux. À ce moment-là, en tout cas.

  • Speaker #0

    C'est ce qui t'a donné la force.

  • Speaker #1

    Oui, ça m'a donné la force. Parce que la journée, ça se passait très bien. Je pense que c'était aussi le temps de me faire des amis. Après, j'avoue, c'était la colo. J'étais trop contente. Après, j'avoue, j'étais des fois un peu triste de rentrer parce que j'étais quand même bien à l'internat. Donc voilà, c'est vite passé. Ça a été net.

  • Speaker #0

    Il y a tellement de fantasmes sur ce milieu, sur l'école de danse de l'Opéra de Paris. Mais à t'entendre, finalement, c'était assez amusant.

  • Speaker #1

    Moi, je l'ai vécu toujours comme ça, parce que je trouve ça amusant, le travail. En fait, l'exigence qu'on nous inculquait, la rigueur et tout, c'était... Je trouvais ça hyper chouette, en fait, d'arriver à... À être dans la recherche, d'arriver à trouver, de faire ce qu'on nous demande. J'avais en fait vu aussi, avant de rentrer, un petit documentaire sur les petits rats, justement ceux qui ont 8-9 ans, qui était assez dur. Et je me souviens que ma prof m'avait dit, bon voilà, ça ressemble à ça, c'est dur. Est-ce que vraiment t'as envie ? J'ai dit, ouais, ça ne me fait pas peur. Encore une fois, challenge. J'ai envie de prouver que moi, ça ne me fera pas ça, en fait. Oui,

  • Speaker #0

    c'était un défi.

  • Speaker #1

    C'est vraiment, ouais, je suis plus forte que ça. Dès que j'étais face à des profs qui étaient jugés sévères, moi, je savais le prendre comme un, bah, ils sont exigeants, ils me demandent un truc, j'essaye de le faire du mieux que je peux. Ça passait, on me dit un truc, je ne vais pas me mettre à pleurer parce qu'on me le dit d'une façon un peu dure. J'avais toujours un... Sourire, j'étais dans l'acceptation des infos. Et derrière, j'essayais de mon mieux de le faire. Et ça leur allait. Et ça s'est toujours bien passé. Je n'ai jamais eu de difficultés avec aucun professeur.

  • Speaker #0

    Et ça a payé, en fait ?

  • Speaker #1

    On dirait, oui.

  • Speaker #0

    Parce que quand même, même si tu prenais ça comme un jeu, je veux dire, quand tu es à l'école de danse, chaque année, il y a quand même une pression. Vous êtes jugée, il y a des examens, vous pouvez, si les notes ne sont pas satisfaisantes,

  • Speaker #1

    être redoublée ou virée.

  • Speaker #0

    Complètement, oui.

  • Speaker #1

    Non, non, ce n'était jamais acquis. Évidemment, ça me faisait stresser, mais pendant l'année, on se disait entre nous les notes et j'avais remarqué que j'avais toujours la note maximale ou j'étais dans la partie haute du groupe. J'ai fini première quasiment tous les ans. ou une année deuxième, mais voilà, c'est quand même un sans faute. Mais après, ça ne m'empêchait pas de stresser, mais de vouloir bien faire.

  • Speaker #0

    Donc, en fait, j'ai l'impression que le fait d'avoir pris ça comme un jeu et avec moins de pression et finalement en s'amusant, c'est ce qui a permis pour toi de t'épanouir au maximum et de révéler toutes tes capacités. Parce que quand même...

  • Speaker #1

    Parce qu'en fait, c'est surtout que dès que je dansais... Ça me faisait sourire. J'ai souvent le sourire collé au visage. D'ailleurs, quand j'étais à l'école de danse, j'ai rencontré Roland Petit. J'ai fait partie du ballet Le Rendez-Vous, où à un moment donné, il y a un passage de deux enfants. Et moi, j'ai tendance à toujours sourire. Et c'est une rencontre de deux enfants. Mais c'est assez mélancolique, tragique. Je me souviens qu'il m'a dit, la danse, ce n'est pas que sourire. C'est la première fois que j'ai compris que la danse pouvait amener aussi d'autres émotions. Ça m'a marquée. Après, jusqu'en dernière année à l'école de danse, notre examen de fin d'année, ce sont des variations à présenter, donc on n'est pas dans le drame. C'est quelque chose où il faut montrer que la danse, c'est absolument pas difficile. Et en fait, ça me fait du bien aussi. Je me faisais plaisir, mais j'avais envie de faire plaisir en face, leur donner le sourire que j'avais, en fait.

  • Speaker #0

    Et en même temps, il n'y a pas que le sourire finalement, il y a d'autres émotions.

  • Speaker #1

    Oui, ça m'a servi pour plus tard, je m'en suis rappelée. Parce qu'après, en dernière année, là, il y a un enjeu. Déjà, on a des rôles pendant l'année. Il y a un spectacle de l'école, on a globalement les premiers rôles. Là, on raconte des histoires. Du coup, ça, ça me plaît vachement aussi. Incarner un personnage que je ne suis pas forcément, ça permet d'être plein de personnes et de personnalités différentes à la fois, qu'on ne sera peut-être jamais.

  • Speaker #0

    Mais en tout cas, si je te suis bien, ce conseil-là, et pas de n'importe qui...

  • Speaker #1

    Il était dur, mais...

  • Speaker #0

    Mais il t'a marqué et finalement, il a été un peu comme un fil directeur tout au long de ta carrière ? Ou au début seulement ?

  • Speaker #1

    C'est surtout au début où ça m'a... marqué dans le sens où je me suis dit Roxane, c'est pas parce que t'es en train de danser que tu dois te coller le sourire, faut que ça vienne de toi aussi. Quand même arrivé les deux dernières années, j'ai compris moi j'étais vraiment touriste, j'ai compris assez tard qu'il y avait un concours qui permettait de rentrer dans le corps de ballet

  • Speaker #0

    Ah oui, on en était quand même à ce point-là

  • Speaker #1

    Un peu ! J'en entendais parler mais en vrai je connaissais rien et oui, donc le concours d'entrée, j'ai senti je... J'ai commencé à sentir ma première division, donc c'est la dernière année, que j'ai fait deux fois. Mais la première année, j'ai senti la pression parce que je la sentais aussi de tous mes professeurs. Enfin, dans le sens où ils comptaient vraiment beaucoup sur moi parce que voilà, c'est ce qu'ils me souhaitaient. Mais là, j'ai connu la mauvaise pression un peu. Enfin, je me la suis mise à moi. C'était une année compliquée, je faisais ma puberté en même temps, mon corps changeait. Avant, dès que je faisais un truc, ça passait tout seul. Là, mon corps, je lui disais un truc, ça ne sortait pas. Jusque-là, tout était naturel. J'avais la danse facile. Là, d'un coup, je n'ai plus rien compris. Là, j'ai compris le côté sport de la danse, en fait. Là, il a fallu que j'aille conscientiser ce que je ressentais, avoir conscience de mes jambes, que ce n'est pas elle de faire toute seule le mouvement, que le... Tout part du buste, qu'il faut être solide du dos, du bas du ventre. Parce qu'en fait, j'avais fait une grosse poussée de croissance, j'étais devenue la plus grande de la classe alors que j'étais la plus petite deux ans avant. Et j'ai un physique où j'ai un buste un peu plus petit que mes jambes. Donc mes jambes prennent beaucoup le dessus. Et j'étais bambi, c'était très compliqué de... Vraiment bambi là sur la glace, c'était un peu moi. C'était beaucoup de pression parce que d'un coup, j'avais un nouveau paramètre à gérer qui était mon corps. Et en même temps, à la fin de l'année, il fallait que ce soit parfait pour passer l'audition, pour rentrer dans le ballet. Donc là, j'ai plus trop eu le sourire cette année-là. J'imagine. C'était un peu... Mais voilà, après, c'est une expérience, ça m'a forgée. Je ne suis pas rentrée. Ça a été vraiment très dur. Il n'y avait qu'un poste, ils ont pris... Une fille, on était cinq, je suis arrivée dernière.

  • Speaker #0

    Aïe.

  • Speaker #1

    Là, c'est...

  • Speaker #0

    Coup dur, une baffe, la première.

  • Speaker #1

    Oui, surtout que je suis sortie du concours et on m'a dit, ça se joue entre toi et celle qui est montée. Et le résultat est tombé. Je n'étais même pas deuxième, j'étais dernière.

  • Speaker #0

    Là, c'est dur pour l'égo.

  • Speaker #1

    Donc, oui, j'avais des problèmes un peu de... de physique, c'est qu'avec la puberté, j'avais plus le corps... J'avais un corps de femme, les filles dans ma classe ont été plus petites que moi, des brindilles, donc en comparaison, je m'étais mis en tête qu'il y avait ça aussi qui jouait. Et puis, même, ça se voyait que... Je pense qu'en vrai, ça se voyait que j'avais trop du mal à gérer mon corps. Mais donc là, j'ai dû redoubler et ça a été une année... où j'ai l'impression de me mettre retrouvée quand je suis rentrée à 12 ans. Parce que j'étais toujours en internat, donc à 17 ans. Pas drôle du tout.

  • Speaker #0

    Non.

  • Speaker #1

    Je n'avais pas envie.

  • Speaker #0

    Oui.

  • Speaker #1

    Là, je pleurais pour aller à l'internat à nouveau. Je m'étais quand même imaginée une vie parisienne. On m'avait un peu fait un faux espoir.

  • Speaker #0

    C'est-à-dire ?

  • Speaker #1

    On m'avait un peu dit que je pouvais rentrer. Et ce n'était pas le cas. Il fallait se retaper un an. Et là... Tu as eu un coup de massue.

  • Speaker #0

    Comment tu réussis à rebondir du coup ?

  • Speaker #1

    Il y a eu un moment où ça fallait accepter. Et après, je me suis... Franchement, je pense qu'on peut dire que je me suis isolée un peu. J'ai utilisé le fait d'être enfermée à l'internat avec tous ceux de ma génération qui avaient fini par devenir externes. Moi, mes parents ne pouvaient pas. J'étais toujours, à ce moment-là, mes parents habitaient à Bordeaux. Donc, ils n'avaient pas le choix. Financièrement, ça coûtait beaucoup plus cher d'avoir un appartement, faire des courses et tout, que d'être à l'internat. Donc, dans ma chambre, j'étais avec une fille de 14 ans.

  • Speaker #0

    Ah oui !

  • Speaker #1

    Et une autre étrangère qui ne passait pas le bac. Donc, qui avait juste à se concentrer sur la danse. on ne vivait pas la même chose. Donc je me suis un peu isolée, en fait. J'étais un robot, quoi. Le matin, je faisais mes cours, je préparais mon bac. L'après-midi, je travaillais en cours de danse. Je faisais mes répétitions. Le soir, je me couchais avec les poules. Et vraiment, il y a eu un... Je me suis juste focalisée sur... Après, je n'ai plus de chance. Si je n'étais pas prise cette fois-là, il n'y avait plus rien. Il fallait que je passe des auditions ailleurs. Ce n'était pas grave, mais ça m'avait fait tellement de mal que je savais que j'avais envie de rentrer là.

  • Speaker #0

    C'est là où tu as vraiment su que tu voulais faire ce métier ?

  • Speaker #1

    Là, je pense que je l'avais su avant, sans le formuler. Mais évidemment, si j'étais dans cette école, ce n'était pas pour... De toute façon, avec mes parents, il y avait toujours un... Il faut savoir qu'il faut que tu aies ton bac, parce que si jamais il y a le moindre truc qui t'arrive, tu as un problème physique, une blessure, qui fait que tu ne peux plus danser, il faut que tu aies de quoi rebondir. En fait, je préparais tous les terrains. Je me donnais à fond dans la danse pour que ça marche.

  • Speaker #0

    Tu préparais un plan B.

  • Speaker #1

    Heureusement qu'ils étaient lucides pour ça, pour m'aider. Est-ce que je ne me retrouve pas sans rien, s'il arrive quoi que ce soit ? Ce n'était pas pensé au pire, mais c'est juste tellement exigeant. On est très peu de mon année où je suis rentrée à 12 ans, je suis la seule dans le corps de ballet aujourd'hui. Et même la seule à être danseuse et à en vivre en fait.

  • Speaker #0

    Sur combien vous étiez ?

  • Speaker #1

    On était 7. La plupart ont arrêté la danse. Une est devenue prof de danse, mais n'est pas passée par l'étape professionnelle. Et une autre a arrêté et essaye de reprendre. Et là, elle m'arrête professionnelle. Mais voilà, c'est un autre parcours.

  • Speaker #0

    Et qu'est-ce qui fait la différence selon toi parmi ces six autres personnes ? Qu'est-ce qui a fait la différence avec le recul ?

  • Speaker #1

    Je ne sais pas si j'étais assez lucide pour comprendre. Parce que sur les 7, on n'était que deux déjà à être prises dès la première année. Mais après, à mon avis, c'est mon mental, mon côté où j'avais envie de rien lâcher. Vraiment, j'étais capable d'accepter beaucoup de... Ce qu'on peut dire souffrance, mais voilà, on a mal partout, c'est un métier qui nous fait mal, ça fait des courbatures, ça fait des trucs. Moi, ça ne me dérangeait pas, je faisais dessus. Il y avait une sorte de bonne résistance à la douleur, aussi aux réflexions qu'on peut avoir. Je ne dirais pas avoir été traumatisée, pas du tout. Pour moi, tout ça me semblait normal et est-ce que c'est aussi mon côté ? À ce moment-là, naïve de ne pas toujours me rendre compte et de juste penser à danser, qui m'a aidée.

  • Speaker #0

    Mais quand tu dis que finalement, tu as un rapport peut-être à la douleur qui est un peu plus résistant, est-ce que ça vient de quelque chose d'avant ? Comment est-ce que tu l'expliques ?

  • Speaker #1

    Justement, ça vient de ce reportage que j'avais vu pour rentrer à l'école, où je les voyais tous... Ça avait l'air d'être dur, ils souffraient, les profs étaient exigeants. Je ne vais pas dire sévères, parce que je pense que c'est un métier qui demande de l'exigence. Donc c'était de la rigueur, en fait, qu'ils nous demandaient. Et tout de suite, je me suis dit, il ne va pas falloir leur nicher pour le premier truc qui va être dur. C'est juste ça, en fait. Et aussi, on m'a tout de suite dit, c'est le genre de métier, si un jour tu es blessé ou tu es malade ou quoi, ne t'inquiète pas, il y en a d'autres derrière. Donc, t'es pas indispensable.

  • Speaker #0

    Ouais, t'es remplaçable, quoi, même.

  • Speaker #1

    Donc, je me souviens, à 12 ans, je faisais casse-noisette les enfants. Un jour, j'avais 42 fièvres. J'y suis allée avec les 42 fièvres. Alors qu'en soi, c'est peut-être... Aujourd'hui, on ferait plus ça. Maintenant, pas du tout, mais c'est...

  • Speaker #0

    C'est quel que soit ce qui arrive, on y va coûte que coûte, quoi.

  • Speaker #1

    Ouais, ouais. Et puis du coup, je pense que ça m'a aidée à pas m'arrêter à la première petite douleur que je ressentais, quoi. Les ampoules, les machins, ça fait hyper mal. Des fois, c'est pire que d'être blessée, d'avoir une inflammation, un torticolis ou quoi. J'étais toujours là à faire, je trouvais toujours un moyen d'alléger ma douleur. Mais tant que je savais que c'était pas grave, je sais pas comment dire, mon corps, il me le disait. T'as mal, mais c'est pas grave. Tu peux aller dessus. J'avais un radar pour ça.

  • Speaker #0

    Justement, quel est ton rapport au corps ? Parce que c'est ton outil, je veux dire. Est-ce que t'essayes de le maîtriser ? Ou justement, tu es vraiment toujours comme tu disais à son écoute ?

  • Speaker #1

    Non, j'ai besoin de contrôler. Comme à un moment donné, il m'a échappée. Je n'arrivais plus à lui demander de faire ce succès-là. J'ai réappris à organiser mon alignement. J'ai pris des cours particuliers, j'ai fait du pilates. J'ai essayé de comprendre comment il fonctionne. Mais pour moi, après, c'est moi, c'est ma tête et c'est à moi de diriger. Et s'il y a des douleurs, je les écoute dans le sens, je sonde la gravité. Si ce n'est pas grave, ce n'est pas grave. Je fais dessus. De toute façon, en scène, il peut arriver le moindre truc. Il faut faire comme on est à ce moment-là. Après, ça ne m'a pas toujours... J'ai souvent dansé avec des blessures sans m'arrêter. Je les ai gérées, par contre. J'ai su les gérer, mais je n'ai jamais voulu m'arrêter. Et ça m'est arrivé une seule fois. Et là, je me suis arrêtée parce que je devais me faire opérer.

  • Speaker #0

    Oui, donc là, tu étais allée...

  • Speaker #1

    Là, je l'avais dit, je ne m'arrêterais que si ça nécessite un truc. Vraiment, là, moi, je n'ai plus de contrôle dessus. Donc, j'ai poussé quatre mois et un jour, ça a cédé. J'ai quand même redansé dessus le lendemain. Mais dans la journée, j'avais pris ma décision que je faisais le spectacle et j'annonçais que ça faisait 4 mois que j'avais mal, j'avais rien dit et que je devais me faire opérer.

  • Speaker #0

    Mais donc finalement, la limite pour l'instant, en tout cas à ce moment-là, tu ne l'avais pas trop senti que là, ton corps te disait stop quand même ?

  • Speaker #1

    Il me disait stop et en même temps, à cette période-là, c'est l'année où je montais première danseuse. J'ai passé un concours avec le genou qui ne pouvait pas plier. Mais j'étais là, le concours est dans un temps de moi, je ne peux pas m'arrêter maintenant. Il y a eu deux concours de sujets où je ne suis pas montée et il y a eu un Covid après. Je me suis dit non mais là, je faisais déjà pas mal de rôles, on me faisait comprendre que c'était la suite logique. J'avais l'impression de vouloir bien faire au concours pour que ce soit indiscutable. J'ai dit, c'est pas un genou qui va m'arrêter là. Presque moi, quand il y a des obstacles ou des challenges, c'est pas que ça m'éclate, mais ça me pousse quelque part où je ne serais pas allée sinon.

  • Speaker #0

    Donc finalement, la difficulté te renforce.

  • Speaker #1

    Ouais. Je ne serais pas aussi forte. Je n'aurais pas ce mental-là aujourd'hui si je n'avais pas traversé les petits bobos, les trucs faits avec, gérés. On apprend beaucoup. Mais après, ce genou m'a permis d'apprendre comment il y avait encore quelque chose que je ne gérais pas correctement dans mon travail. Et aujourd'hui, ça va très bien. Et maintenant, je sais quand... Il y a un an, je me suis fait une petite déchirure d'un abdo. Bon, j'ai réussi à ne pas m'arrêter, gérer. Les gens sont à l'écoute, je leur dis j'ai ça. En fait, du coup, maintenant, on me connaît. On sait qu'en fait, si je dis un truc, c'est que c'est vraiment... Sinon, on ne m'entend pas.

  • Speaker #0

    C'est vraiment grave et que là...

  • Speaker #1

    Voilà, donc du coup, je suis là, je gère, mais ne vous inquiétez pas. Et en fait, on a confiance en moi. Donc, je pense que grâce à ce comportement-là, j'ai acquis aussi la confiance de mes répétiteurs, maître de ballet. Je sais, si j'ai un truc à dire, je sais qu'ils m'écouteront et me feront confiance et ils me diront encore plus aujourd'hui, maintenant que je suis soliste, je peux vraiment gérer, me gérer, être autonome et pas me dire il faut que je tienne, je dois continuer à prouver que je vais aller plus loin, mon ambition, etc.

  • Speaker #0

    Et donc ton corps, tu le vois vraiment comme un outil ou c'est quelque chose que tu... Quel est ton rapport finalement avec lui ?

  • Speaker #1

    C'est un outil parce que je considère que c'est un peu comme le cavalier avec son cheval. Le cavalier, c'est le cerveau, c'est mon cerveau, et le corps, il agit par rapport aux commandes qu'on envoie. Donc c'est un équipier plutôt, pas un outil, mais il a une conscience. Et parfois, il faut écouter cette conscience-là, il y a deux cerveaux. Mais celui qui dirige, en tout cas, c'est moi. Et c'est vrai que parfois, c'est ce qui est dur dans ce métier. C'est pourtant nous qui dirigeons tout, mais... À d'autres moments, je me vois danser, je me dis c'est fou, je dis un truc et ça fait autre chose. Je ne comprends pas. C'est toute la complexité de ce métier.

  • Speaker #0

    Il faut réussir juste au milieu et l'équilibre.

  • Speaker #1

    Oui, oui. Et garder une décontraction parce que si c'est que de la tension entre le corps qui ne veut pas faire un truc et la tête qui veut autre chose, ça ne va pas marcher. Mais ça on l'apprend une fois qu'on est dans le corps de ballet, surtout quand j'ai commencé à faire des rôles en fait. Parce que là il y a une sorte de...

  • Speaker #0

    Il y a l'instinct, d'abord, sur les premiers spectacles, et après, les suivants, quand on reprend un truc. Il y a la tête qui se dit, ça va aller, mais en fait, d'un coup, le corps dit, bah non, aujourd'hui, je ne suis pas comme tu veux, il va falloir faire autrement. Donc on apprend à se connaître avec ça. À chaque fois, c'est ça qui est chouette, c'est que chaque expérience me fait grandir. J'apprends un peu plus sur moi et sur mon corps, à la fois. Sur les réactions que je peux avoir, c'est comme s'il y avait en plus une troisième personne qui se pose et qui observe tout ça et qui fait le constat après.

  • Speaker #1

    Et qui dit c'est bien ou c'est mal ou tu t'es dépassée ou encore plus.

  • Speaker #0

    J'essaie de ne pas trop dire c'est mal ou c'est bien d'ailleurs.

  • Speaker #1

    Tu te juges beaucoup justement ?

  • Speaker #0

    Oui, à un moment donné, ça a été tellement que ça m'empêchait de travailler. Au moindre petit pas. comme je veux. J'étais incapable de continuer au-delà de la chorégraphie. Pour une préparation d'un concours, par exemple. J'ai réussi à filer ma variation, de la faire du début à la fin, à la générale. Alors qu'on a un mois de préparation. Juste parce que tel mouvement n'était pas comme je voulais, stop, je m'arrêtais. Je reprenais. Je pouvais passer deux heures sur les trente premières secondes du truc. Et le jour J, c'était pas... Je l'ai fait. C'était pas comme j'aurais voulu, c'était pas comme on m'imaginait. Et c'était pas non plus au mieux de ce que je suis capable. Malgré tout, je suis montée sujet. Je suis arrivée première. Et j'ai pleuré parce que j'ai dit, je le mérite pas. Et là, tous mes coachs... Mes parents m'ont dit non mais là tu nous saoules en fait, là va falloir que t'arrêtes parce que tu peux pas dire ça. Et en fait c'est juste accepter, des fois ça peut être bien même si c'est pas au mieux.

  • Speaker #1

    C'est pas la perfection.

  • Speaker #0

    Non et en plus des fois avec les imperfections on peut en faire des trucs qui sont mieux que ce qu'on pouvait imaginer.

  • Speaker #1

    Ah quand même, il y a quand même eu tout ce...

  • Speaker #0

    J'ai eu un ouais, derrière... Tout ça, ça m'a tellement marquée. Je me suis dit, toute ma carrière, je ne peux pas être comme ça. Je ne trouvais pas de plaisir à danser, du coup.

  • Speaker #1

    Ah ben oui,

  • Speaker #0

    je vois que c'est impossible,

  • Speaker #1

    du coup. Et comment est-ce que tu as réussi justement à trouver cette porte de sortie en disant, ouais, il y a quelque chose à exploiter dans l'imperfection ?

  • Speaker #0

    Quand ils m'ont tous dit, on ne veut plus jamais travailler comme ça avec toi parce que c'est insupportable, on est là, on ne peut rien faire. Il n'y a que toi qui te fous les... obstacles et des barrières. Ça m'a marquée. Je crois que je n'aime pas faire du mal aux autres. La situation ne leur plaisait pas et il fallait surtout pas que ça se reproduise. Je le faisais un peu pour les autres aussi.

  • Speaker #1

    Tu pensais qu'il y avait un danger et que là, c'était too much.

  • Speaker #0

    Carrément. Comment je suis passée au côté... Faire avec les imperfections, c'est encore grâce à mes coachs, dans le travail quotidien, me dire allez, maintenant je fais un truc, quoi qu'il arrive, je ne m'arrête pas, je fais avec Et c'est encore une autre façon de travailler le mental, de couper la petite voix dans la tête qui juge à chaque pas. Déjà, vis ce que tu es en train de faire. Il fallait que je retrouve l'essence de la danse, quoi, en fait. Il fallait que je retrouve le plaisir de danser. À d'abord. Et OK, après, c'est une séance de travail. OK, on est là pour faire des corrections. Mais moi, je voulais tout faire en même temps. Et danser et me faire les corrections, anticiper les corrections des profs, ce n'était pas possible. Donc, ça fait déjà mon job à moi, c'est de danser. Après, j'ai des personnes de confiance qui me soutiennent, qui sont là pour me dire ce qu'il y a, ce qui ne va pas. C'est bien de savoir être autonome et de se comprendre et de se connaître et de sentir, mais des fois, on rend quelque chose qui n'est pas forcément fidèle à ce qu'on ressent. Malheureusement, il y a des jours où on danse très bien et nous, on l'a très mal vécu et parfois l'inverse. Donc, il faut juste toujours savourer, en fait. C'est ça qui va rester.

  • Speaker #1

    Quand tu savoures, qu'est-ce qui se passe dans ton corps ? Comment est-ce que tu es dans ta tête ? C'est quoi ? Quel est le... Le moment le plus haut que tu as pu vivre, je parle vraiment au niveau des sensations, c'est quoi ? C'est un lâcher-pris, c'est une magie, c'est quoi ?

  • Speaker #0

    En fait, c'est une combinaison de toute la période de travail où vraiment j'ai été exigeante, j'ai rien laissé au hasard. Tout est calculé pour qu'à un moment donné, quand j'arrive en scène... Je me mette ça de côté, je fasse confiance dans mon travail, en mon corps. Je me mets dans la peau du personnage que je raconte, ou pas. Des fois, c'est juste une ambiance à exprimer. Et puis, il y a quelque chose, quand je suis sur scène, je me désinhibe. Je suis quelqu'un de réservé et assez timide, mais on me met sur scène. Bizarrement, c'est le moment où je suis le plus exposée, que je me sens la plus en sécurité et la plus... La plus ouverte et disponible à sortir des trucs. Même des fois en scène, je ne m'attendais pas moi-même. Je me surprends toute seule. C'est une forme de liberté. C'est comme si tout ce que je n'osais pas être en dehors de ce moment-là, je lâche tout. Je pense que c'est un lâcher-prise. C'est une confiance, une décontraction. Quand il y a des personnages à jouer, c'est encore mieux. Souvent, certains rôles m'ont permis de découvrir une facette de moi que je ne connaissais pas, parce que ce sont des personnages que je ne suis pas, ce n'est pas mon caractère. Et d'avoir à les jouer, c'est impressionnant, parce que c'est bien de cacher quelque part pour que ça sorte comme ça. Complètement. C'est fascinant, ça m'a fait évoluer, grandir moi en tant que personne aussi. Pendant un moment, je me servais de mon vécu, puis parfois, certains rôles qu'on m'a donné à danser. m'ont fait évoluer moi. Ça arrivait à un moment dans ma vie où ça me servait à moi, en fait, en tant que femme. Et ça m'a fait grandir, quoi, aussi.

  • Speaker #1

    Du coup, tu prenais quoi ? Tu prenais les éléments d'un rôle et tu essayais de... Le fait de vivre ce rôle-là, ça te faisait...

  • Speaker #0

    Déjà, j'analyse le rôle aussi avant. En fait, je fais des recherches, je teste souvent en répétition. Mais le moment où je donne le... plus, c'est souvent en scène. Alors maintenant, en ce moment, c'est un travail que j'ai à faire aussi, c'est d'être en répétition comme je suis en scène, dès le début. Pour pouvoir proposer un max de trucs et qu'arriver sur scène, j'ai pas justement tant de surprises parce que parfois, je peux avoir une surprise et qu'il soit hors sujet, en fait. Ça peut arriver. Voilà, ça, il y a toujours un truc à bosser. C'est ça qui est génial.

  • Speaker #1

    Et c'était une exploration en même temps.

  • Speaker #0

    Ah mais tout le temps, tout le temps. c'est ça qui est génial donc il n'y a pas de bien ou pas bien souvent on peut être dans le même sujet mais d'un soir à l'autre exprimer différemment et je sais que je me laisse la possibilité que ça arrive et c'est vraiment ça qui me tient ma technique en général elle suit parce que si je suis vraie et juste moi-même mais la Roxane qui endosse le rôle de tel ou tel personnage Ça suit, en fait.

  • Speaker #1

    T'es portée, quoi,

  • Speaker #0

    complètement. Oui, complètement. Mais c'est aussi l'intelligence des chorégraphies. Le caractère d'un personnage est défini aussi par sa chorégraphie, parfois.

  • Speaker #1

    Et du coup, il y a quand même toujours cette quête, finalement, et cette envie de la scène qui te porte. Parce qu'à t'entendre, finalement, tout est là. C'est la scène qui te permet de grandir, de t'épanouir et finalement de montrer. une part inconnue de toi-même ?

  • Speaker #0

    Oui, ça va trop me manquer la scène quand j'arrêterai. Ce que je remarque aussi, là, en étant première danseuse, je vais moins en scène qu'avant. Parce que le sujet, c'est un grade. On peut faire du corps de ballet et avoir accès à des demi-rôles ou des rôles. Donc, on danse tout le temps, on est très présent sur une série, on danse quasiment tous les soirs. Première danseuse, il y a plusieurs distributions. Je fais souvent les seconds rôles. Parfois les premiers, mais ça dépend. Jusqu'à maintenant, j'ai fait que des premiers rôles sur des ballets plus courts. Ça tourne, il y a plusieurs distributions, donc ce n'est pas du tout tous les soirs. Et il faut retrouver la scène des fois juste pour 3-4 spectacles, et puis c'est déjà fini. Donc on bosse pendant un mois et demi, et après on n'a pas un mois et demi de scène, on a 3-4 spectacles. Moi, ça me manque. Et en même temps, tout ce qu'il y a à faire à chaque fois, je donne tellement de moi, parce que c'est des rôles à grosse responsabilité quand même, je donne tellement de moi émotionnellement que je me sens vidée à chaque fois. Et je comprends pourquoi on ne peut pas en faire 20 à la suite.

  • Speaker #1

    Tu te sens invité physiquement ou mentalement ?

  • Speaker #0

    Les deux, en fait. Ça demande quand même un contrôle. Malgré tout, du stress, il ne disparaît pas comme ça. Il se présente sous une autre forme, mais il faut quand même le contrôler. Puis après, je donne tellement de moi. Je laisse comme une part à chaque fois de moi dans ce que j'ai dansé. Donc je sors, je dis si je laisse une part comme ça tous les soirs. C'est pas possible en fait. Il faut un temps de recharge. C'est plus émotionnellement aussi. De tout ce que je donne. Je ne dis pas que je ne donnais pas pareil. Mais dans le corps de ballet, souvent, c'est un esprit d'équipe. On danse ensemble, on se porte les unes les autres. C'est dur physiquement. Parce qu'on ne danse pas forcément à notre taille. Moi qui suis grande, il fallait s'adapter souvent aux plus petites. Au niveau du physique, c'est un peu plus dur. Les rôles, c'est dur parce que c'est beaucoup plus cardio et technique. Mais la part d'émotion qu'on donne, ce que je veux transmettre aussi au public, ça me fait beaucoup de bien. J'aime faire plaisir aux autres et j'ai envie que les gens passent un bon moment et j'ai envie de les transporter. Ça passe tellement vite et à la fin, je sors, je suis vidée en fait. heureuse mais vraiment vidée.

  • Speaker #1

    Et comment tu fais pour te recharger alors après ?

  • Speaker #0

    Après, ça se fait naturellement en fait.

  • Speaker #1

    Encore la magie du corps finalement.

  • Speaker #0

    Oui, le planning est bien fait, les spectacles ne s'enchaînent pas forcément. Donc on va reprendre un cours de danse. Des fois, il faut retourner en studio, retravailler alors qu'on a été en scène. C'est toujours un peu dur mais c'est bien parce que ça permet de remettre des petites choses en place qui n'ont pas été. vu que c'est jamais parfait. Tu as le micro, j'ai pas entendu. C'est jamais parfait. Et voilà, l'adrénaline remonte petit à petit pour le spectacle d'après. On a un planning quand même, donc mentalement on se prépare, on sait. Et puis c'est pas plus mal des fois d'avoir un petit coup de boost parce que ça fait un petit moment qu'on n'est pas en scène, ça permet d'être lucide. Parce que parfois quand on va tout le temps... On croit que le corps, il s'est tout, puis d'un coup, on se trompe dans la choré. C'est comme un texte, à force de le dire, au bout d'un moment, un jour, trou.

  • Speaker #1

    Ça t'est déjà arrivé, ça ?

  • Speaker #0

    Oui, je crois que ça m'est déjà arrivé, oui. Oui, carrément. Tu fais quoi, alors, du coup ? Rien, ça passe en une fraction de seconde. Le corps, il fait un truc qu'il ne faut pas, mais d'un coup, là, la tête revient et combine pour s'en sortir et ça va. Le tout, de toute façon, c'est les gens ont payé en une place. C'est le spectacle. Rien ne doit se voir. C'est presque ça qu'on a fait, un truc en cachette. C'est rigolo. Oui, mais c'est excitant.

  • Speaker #1

    Justement, est-ce que des fois, l'image qu'on a des balais, de la danse classique, on a l'impression des fois qu'il faut vraiment rentrer dans ce moule et que c'est la moindre chose si on veut un petit peu sortir de ce cadre. Et bien c'est peut-être mal vu. Est-ce que c'est une idée qu'on a ou pas ? Moi j'ai l'impression qu'il y a une telle rigueur, il y a un tel cadre, qu'être hors cadre, c'est extrêmement compliqué.

  • Speaker #0

    Quand on fait du corps de ballet ou en tant que soliste ?

  • Speaker #1

    Les deux.

  • Speaker #0

    Corps de ballet, c'est vrai que... Après, c'est notre maison. On est réputé pour être le corps de ballet le meilleur parce qu'il y a le souci de rien que dans des portes de bras, des épaulements, on va tous être pareil. On respire ensemble. Dans d'autres compagnies, cette uniformité-là n'est pas aussi parfaite que chez nous. Mais ce qui m'a moins aidée à passer les échelons, mais je ne saurais pas dire ce qu'il y avait de particulier. On me disait quand même qu'on me voyait dans le groupe. Moi, je pensais toujours à faire pour être avec tout le monde, mais du mieux, toujours tous les soirs, encore mieux. C'était ma façon de m'aider aussi, parce que quand on fait une série de 20 spectacles en trois semaines, il faut se renouveler. Tous les soirs, on n'a pas forcément envie. Je suis en coulisses, je n'ai pas envie, je suis fatiguée. la veille, le soir, des fois on fait des matines et soirées deux dans la même journée. Donc comment se redonner de l'envie ? Moi c'était de penser à améliorer tous les soirs en fait, quelque chose. Donc est-ce que c'est comme ça qu'on sort du cadre tout en restant pareil ? Que tout le monde s'en faire... Parce qu'il y a sortir du cadre mais en faisant tâche, et puis il y a juste sortir du lot. une lumière en fait sur nous. Il y a des filles qui, voilà, c'est naturel en fait, quand on les regarde, elles ont une lumière, comme si on avait mis un spot sur elles, on dit mais elles ressortent plus que... Elles dégagent. Je le vois sur les filles. Donc est-ce que c'est ça qui a eu chez moi ? C'est vrai qu'on me disait souvent, on voyait que toi. Je ne comprends pas. Pourtant, je n'ai pas fait coucou en plein milieu, juste pour dire, c'est moi, je suis là. Non. Là,

  • Speaker #1

    tu aurais été dégagée.

  • Speaker #0

    Carrément. Mais je pense que ça, malheureusement, c'est un peu un don. Et c'est ça qui, dans la danse, n'est pas juste. Parce que c'est subjectif. Il y en a, ils ont certains dons. Il y a deux personnes qui peuvent être pareilles techniquement, faire aussi bien et tout. S'il y en a une, elle a... une lumière que l'autre n'a pas.

  • Speaker #1

    Et ça, ça ne s'apprend pas ?

  • Speaker #0

    Non. Après, ça se travaille. On peut travailler, mais malheureusement, ça, une aura, je pense que ça ne s'achète pas. Ça ne se trouve pas comme ça.

  • Speaker #1

    En tout cas, il faut nous donner le nom du magasin.

  • Speaker #0

    Mais après, il y en a qui ont une aura, mais il n'y a pas le travail. Et ça ne suffit pas à l'aura non plus.

  • Speaker #1

    Mais là, ils ne passent pas les grades au sein de l'opéra.

  • Speaker #0

    Mais peut-être que c'est ceux qui ne se rendent pas compte qu'ils en ont. Du coup, ils travaillent. Et en fait, après, Laura fait le reste. Et ceux qui le savent se disent, c'est ça qu'ils misent tout là-dessus.

  • Speaker #1

    Et donc, ils le prennent comme acquis.

  • Speaker #0

    Comme acquis, oui. Je pense que moi, finalement, à mon côté exigeant... jamais contente aussi, au moins, j'avais un gros problème de confiance en moi. Mais arrivé sur scène, je ne sais pas, j'avais une confiance.

  • Speaker #1

    Dis-moi, j'aimerais bien savoir comment est-ce que... Quel rapport vous entretenez avec, et toi surtout, avec tes professeurs ? C'est la famille, tu parles de coach, c'est quoi exactement ?

  • Speaker #0

    Là, les coachs que j'avais, moi, depuis l'école de danse, c'était des professeurs que j'ai eus à l'école de danse. Fabienne Serruti, qui était en troisième division quand moi j'étais dans sa classe. J'ai commencé à travailler avec elle en dernière année, en préparation au concours. Et... C'est vraiment elle qui me l'a proposé et moi je me sentais bien dans sa classe. On n'a pas du tout le même physique, elle est plus petite et donc elle m'a aidée dans tout ce qui est technique, plus de rapidité, ce qui est dur pour une grande en fait. C'était ce qui me manquait et on a travaillé là-dessus. Et ça devient un peu... Il y a vraiment le respect. Moi je respecte la danseuse. Le parcours qu'elle a eu, elle a dansé avec Rudolf Nourieff, elle l'emmenait en gala partout, donc tous les rôles, elle est capable de me les transmettre directement, avec les mots qu'il avait. J'ai une admiration, et maintenant, aujourd'hui, ça fait dix ans, onze ans bientôt qu'on travaille ensemble. Je n'ai jamais arrêté, après je continue à prendre des cours particuliers. Toute la semaine, même une fois dans le corps de ballet, parce qu'on est lâchés dans la jungle, en fait. À l'école, on a une structure, on a un cours avec les mêmes profs tous les jours. Là, c'est plus du tout ça. Donc, se gérer tout seul à 18 ans, on ne sait pas. S'il n'y a pas quelqu'un qui est là pour nous titiller, nous rappeler sur quoi on doit travailler, continuer à faire un travail en parallèle sur notre propre évolution. J'ai aussi travaillé avec Wilfried Romoli, qui m'a beaucoup aidée sur les sauts. Je ne savais pas sauter, mais encore une fois, ça venait de mon problème d'organisation de mon corps. En fait, je ne savais pas m'en servir. Pourtant, j'ai des grandes jambes. On me dit tu peux sauter, tu as des bonnes cuisses. Pas du tout. C'est que de la coordination. Il m'a beaucoup aidée pour ça. Et tous les deux, pendant dix ans, ils m'ont préparée à tous mes concours. Ouais, c'est des mentors. Et aujourd'hui, Fabienne, c'est plus que ça. C'est comme ma maman de la danse. Et aujourd'hui... Là encore en début d'année, pour préparer Don Quichotte, je la voyais. Dès que j'ai besoin d'un conseil ou quoi, je les appelle.

  • Speaker #1

    C'est précieux ça. Ouais,

  • Speaker #0

    ouais. Vraiment, je suis heureuse d'être tombée, qu'ils soient là sur ma route. Tout ça, je ne l'ai pas fait toute seule. J'ai été super bien soutenue et je suis vraiment reconnaissante de tout l'aide que j'ai reçue pour moi. Si j'en suis là, c'est un travail d'équipe. tous les professeurs que j'ai eus avant. C'est la combinaison de tout ça qui fait que je suis ce que je suis aujourd'hui. Je leur dois tout ça.

  • Speaker #1

    Et le conseil que tu as reçu d'un d'eux, le plus précieux, ça serait quoi ?

  • Speaker #0

    Il y en a trop, là.

  • Speaker #1

    En tout cas, ceux qui ont été précieux et qui t'ont vraiment porté.

  • Speaker #0

    En fait, c'est qu'encore aujourd'hui, je ne me considère pas finie. Pour moi, je suis toujours encore en évolution, alors je n'ai pas vraiment fait de bilan de ma vie. Je n'en suis pas là du tout. À 26 ans, ça va. Pas du tout. Non, mais tous en général, ils avaient peut-être différentes façons de dire les choses. Mais ce qui se rejoignait toujours, c'était que le plus important, c'était que je danse. que je me fasse plaisir. C'était au final, avant une échéance, c'était ça qui restait en fait.

  • Speaker #1

    Le plaisir est finalement ce recontact que tu as où toi, en plus, tu excelles. Oui,

  • Speaker #0

    parce qu'il me disait, en fait, toi, ta place, on le sait. T'as beau avoir plein de doutes, on sait que sur scène, tu les as pas. Et c'est ta force. C'est vrai que ça a toujours été... De mon premier rôle, quand j'étais petite en Macédoine, j'ai fait la fée Clochette. Je me suis sentie hyper bien à ma place de fée Clochette sur scène. C'était dingue, alors que je n'étais jamais allée sur scène. Je ne me souviens pas avoir stressé. J'étais... Bah, c'est normal.

  • Speaker #1

    C'est comme si la scène, c'était ta scène de vie, en fait.

  • Speaker #0

    C'est vraiment l'endroit où j'ai l'impression d'être le plus en sécurité, que personne ne me voit. En fait, tout le monde me voit, mais moi, je ne les vois pas. C'est surtout ça en fait, c'est que je ne vois pas la tête des gens. Je sais qu'ils sont là, mais je ne les vois pas en répétition. Je vois qu'ils me regardent, j'ai le temps de pouvoir voir, analyser les réactions, les regards, les trucs, sentir les mauvaises énergies comme les bonnes, tout. Sur scène, il n'y a rien.

  • Speaker #1

    C'est comme un endroit un peu sacré.

  • Speaker #0

    Ouais, et les gens ont payé pour passer un bon moment, pour s'évader en fait. Donc s'ils peuvent vivre ce que moi je suis en train de vivre quand je danse, c'est génial.

  • Speaker #1

    T'as des doutes, tu nous en as parlé. C'est quoi les plus grandes peurs ?

  • Speaker #0

    Bah c'est toujours... J'ai souvent peur de perdre mon niveau, dès qu'il y a une période un peu plus calme. Par exemple, l'été, des fois, je me dis, j'ai un mois, si je ne danse pas, la rentrée, ça va être horrible. Au final, j'arrive à la rentrée, ça fait du bien, je me sens mieux, mon corps est disponible, j'ai pas mal partout, comme en fin d'année. Non, c'est souvent ça, c'est que je pense, j'ai peur de ne plus arriver à contrôler mon corps et de lui demander, de le voir, pas réussir à faire ce que je lui demande. C'est souvent ça, en fait. Mais c'est la danse en général.

  • Speaker #1

    Bien sûr. Et du coup, forcément, le corps vieillit. Le corps ne sera plus toujours comme il est actuellement. Est-ce que pour toi, il y a un tic-tac ? Comment est-ce que tu... Oui.

  • Speaker #0

    Déjà, là, en 10 ans, je trouve que j'ai changé. J'ai eu des étapes. j'ai changé en rentrant dans le ballet à cause d'un nouveau rythme par rapport à l'école de danse. Et là, après le Covid, j'ai senti aussi un changement où j'ai une musculature différente en tout cas. C'est comme si j'avais la carrure qui s'était développée aussi. Est-ce que c'est le travail qui a fait ça ? Je ne suis plus le Bambi du début, donc j'ai vu ça changer. C'était perturbant dans le sens où je m'étais habituée à un corps et je savais à quoi je ressemblais. Puis un jour, je me suis filmée, je me suis vue, je ne m'attendais pas du tout à ça. Et là, je ne sais pas si je sens déjà des différences au niveau de ma souplesse ou quoi. Je pense que je ne suis pas encore là. Moi, je me sens en ce moment, je pense que je suis la période où je suis le plus en forme, où le corps est capable de tout. C'est maintenant qu'il faut danser. J'ai plus un tic-tac de je veux danser un maximum de trucs tant que je peux et que mon corps le permet en fait. Je veux pouvoir en profiter et je ne veux pas commencer à danser des grands rôles quand j'aurai 35 parce que ça se trouve je ne tiendrai pas. J'aurai déjà des moins de souplesse, des choses à gérer que je n'ai pas envie de gérer quand j'aborde des grands rôles en fait. J'ai envie d'être en pleine possession de mes moyens comme je suis là maintenant. La carrière s'arrête à 42. On se dit que si on ne fait rien pendant trois mois, c'est énorme, qu'on est en train de perdre notre temps alors que pas du tout. On a tous un rythme différent. C'est surtout ça qu'il faut accepter et qui est super dur, je trouve. Parce que je suis arrivée première danseuse à 26, mais il y en a, c'était à 22. Du coup, je me dis, si à 22, j'aurais dansé déjà plein de trucs. Mais à 22, je n'étais pas prête à assumer ça du tout. Les choses, elles arrivent vraiment quand elles doivent arriver. Mais j'avoue, je suis tout le temps impatiente. J'ai toujours envie de plus. C'est aussi parce qu'on sait que c'est une carrière courte. Et on l'a commencé tôt, elle finit tôt. Je crois que de manière générale, on aura compris. J'ai envie d'en profiter et de me faire plaisir un maximum.

  • Speaker #1

    Il y a une date un petit peu... La date est déjà de toute manière définie. Et ça, il faut vivre avec.

  • Speaker #0

    Oui, mais bon, c'est comme la vie. Au final, c'est une vie, mais encore plus courte. C'est juste ça, on a un avant-goût de la fin.

  • Speaker #1

    Mais il y aura un début d'autre chose peut-être.

  • Speaker #0

    Tout à fait. Mais en plus, il y en a qui n'arrêtent pas forcément à 42. Donc, je ne peux pas du tout me projeter. Je dis aujourd'hui que je veux tout faire maintenant, parce qu'après, j'ai peur que mon corps me lâche. Mais ça se trouve, je vais faire mes meilleurs rôles à 35 ans. Parce que c'est qu'à 35 que je saurais les aborder comme il le faut. C'est ça qui est excitant. Mais quand on a un métier où tout est autant dans le contrôle, quand il y a des choses sur lesquelles on n'a pas la main, ça met des doutes.

  • Speaker #1

    Et en même temps, tu as l'air de bien le vivre.

  • Speaker #0

    Je commence quand même, ça fait 10 ans maintenant que je suis pro et j'ai eu le temps de... De bien voir que souvent quand il y a des choses qui se passent, on comprend un peu plus tard pourquoi. Et je commence à... Enfin voilà, j'ai compris que les choses n'arrivaient pas par hasard. Donc là, je suis dans une période bien, mais... Je n'ai pas tous les jours cette confiance sur l'avenir. Il y a des fois, quand on est crevé, on n'est pas aussi lucide que quand on est en pleine forme. Donc, il y a un peu nos démons qui reviennent.

  • Speaker #1

    Et cette petite voix dont tu parles, qui est des fois pas forcément très bienveillante, mais dans ces moments-là, c'est quoi tes principales ressources ?

  • Speaker #0

    J'extériorise. En général, j'en parle beaucoup, je fais tout sortir. Et puis après, il faut être patiente, ce que je n'aime pas. Mais ça passe. Et puis jusqu'au jour où d'un coup, un jour, je suis super contente de ce que j'ai fait. J'ai bien bossé, je sens que je suis en forme et tout. Et là, je me dis comment j'ai pu être dans cet état-là.

  • Speaker #1

    La prochaine étape, on sait bien ce que ça peut être,

  • Speaker #0

    n'est-ce pas ? Tout à fait.

  • Speaker #1

    Parle-moi un petit peu de comment est-ce que tu le vis, parce que là, il n'y a plus de concours à passer.

  • Speaker #0

    Non, ça fait deux ans que je ne passe plus le concours. D'ailleurs, je me retrouve dans le jury maintenant de ce concours. Ça fait bizarre. Oui, il n'y a plus de concours. Donc maintenant, avant d'être première danseuse, je me disais... Quand tu seras première danseuse, ton concours, ça sera tous les spectacles ?

  • Speaker #1

    Rien que ça ?

  • Speaker #0

    En fait, non. Quand même, non. Parce qu'on est nommé à l'issue d'une représentation où on danse le rôle-titre. En tant que première danseuse, je ne suis pas amenée à danser le rôle-titre tous les soirs. Il y a des seconds rôles qui sont tout aussi intéressants. D'ailleurs même le plus petit rôle a son importance pour moi. Il n'y a rien qui ne soit pas intéressant. Tout a son importance et... Peu importe le rôle que je danse, il faut qu'il soit dansé au mieux. C'est ça qui fait que le spectacle, le ballet et la représentation en elle-même, elle est bien.

  • Speaker #1

    Malgré tout, j'imagine que...

  • Speaker #0

    Mais voilà, j'avoue que maintenant que j'ai pris possession et que je réalise que je suis première danseuse, j'ai envie de danser des premiers rôles. J'en ai eu quelques-uns sur des... plus petit ballet, mais là, la prochaine étape, j'ai vraiment envie de me confronter à un ballet en trois actes qui est assez long, avoir le rôle titre parce que c'est un vrai, à nouveau, pour moi, c'est un challenge technique, d'endurance aussi et parce que je pense que ça n'a rien à voir avec les fois où je devais juste faire une variation. Certains rôles, c'est juste arriver comme un cheveu sur la soupe, faire sa variation et c'est fini. Quand on a un rôle, on a plusieurs variations, plusieurs pas de deux. Et en fait, on ne se focalise pas juste sur une chose et en se disant j'ai raté tel truc, pour le peu que j'ai à faire, j'ai... Non, là, toute la soirée, on a l'occasion de se rattraper. Plus rien n'est si grave finalement, parce qu'il y a toujours quelque chose à faire. Tant qu'on raconte une histoire, je ne sais pas, il y a quelque chose qui me paraît plus naturel. de raconter une histoire du début à la fin plutôt que d'arriver juste... C'est parfois plus dur, c'est plus ingrat en fait, des fois d'avoir juste un petit rôle bien dur, juste pendant cinq minutes au milieu d'un ballet de trois heures. C'est vraiment une plus grosse responsabilité, je trouve.

  • Speaker #1

    Oui, paradoxalement.

  • Speaker #0

    Oui. Et là, j'ai hâte de pouvoir profiter d'un truc du début à la fin, de ne pas me mettre la pression sur une seule variation, parce qu'il y en a plein d'autres, et qu'en fait, on est tellement crevés qu'on n'a pas le temps de se mettre... On n'est pas assez... Il n'y a plus d'énergie, il faut déjà faire ce qu'on a à faire, et ne pas perdre de l'énergie à stresser pour tout. Donc j'ai hâte, et surtout parce que c'est aussi dans ces rôles-là, en général, qu'on peut être nommée étoile.

  • Speaker #1

    Elle a dit le mot, ça y est.

  • Speaker #0

    J'ai pas osé jusqu'à maintenant. Je t'ai laissé faire. Oui, oui. Bah voilà, là, je... Est-ce que j'ai envie d'être étoile ? Oui, parce que petite, c'est le truc qu'on se dit, je vais être étoile, mais on ne sait pas ce que ça veut dire quand on est petite. Encore une fois, moi, avant, je me suis mis des objectifs beaucoup plus bas parce que je savais à quel point ça allait être dur et je ne voulais surtout pas me faire de faux espoirs. Et finir ma carrière en n'ayant pas atteint l'étoile et me dire t'as tout raté, ça n'a rien à voir Pour moi, il n'y a que des réussites et des belles expériences qui se sont bien terminées. Mais là, maintenant que je sais ce que c'est, quand je fais un rôle, ce que ça me procure comme plaisir et la satisfaction du travail en amont. Et puis malgré tout, le côté sportif, moi, j'aime transpirer, j'aime sentir que je me suis dépassée. Je pense que ça correspond quand même.

  • Speaker #1

    Ça en a tout l'air.

  • Speaker #0

    Ça correspond quand même. Donc après, en vrai, tant que je danse et que j'ai accès à ces trucs-là, parce que je pense qu'en tant que première danseuse, on peut faire une carrière hyper épanouie avec que des rôles et pas être nommée. Je pense, voilà, tant que je danserais... Je serais heureuse. Là, je suis en attente forcément un petit peu, mais parce que plus j'aimerais qu'on me donne accès à ces rôles-là, que je n'ai pas encore faits. Tout simplement parce que les étoiles, eux, ils ne se posent pas la question. Ils les font, ces rôles-là. Donc c'est un confort et ça donne accès tout de suite à ça, en fait. Mais si je les fais et que... que je suis heureuse comme ça et que je ne suis jamais étoile. Je ne pense pas que ce soit... Je ne le vivrai pas mal. Pas comme un six-pack ? Non, non, non. Mais j'aimerais bien quand même. Voilà, j'aimerais bien quand même. Ce cri du cœur. Après, je sais où j'en suis aujourd'hui. Ces rôles-là, je ne les ai pas encore faits. Il va falloir que je sois... Là, je vais être programmée prochainement mon premier rôle en trois actes. Sur Kitri dans Don Quichotte. Donc j'ai hyper hâte. Parce que je ne me connais pas là-dessus. Je veux voir à quoi ça va ressembler, de quoi je suis capable. J'ai hâte d'y être pour pouvoir... constater que vraiment j'y suis quoi.

  • Speaker #1

    Peut-être que tu vas avoir une autre facette puisque...

  • Speaker #0

    Ouais, exactement. Mais j'ai conscience que pour être étoile, il faut montrer qu'on sait tenir ces rôles-là, qu'on en a fait plusieurs, donc c'est pas au premier rôle que... J'ai conscience que moi j'ai besoin de me faire mon expérience, de toute façon avant. Donc là, je ne me mets pas de pression. Sur ce spectacle-là, j'ai envie d'en profiter. C'est un rôle très lumineux. C'est Kittery, elle est joyeuse. C'est une femme moderne qui parle fort.

  • Speaker #1

    Tu vas pouvoir sourire.

  • Speaker #0

    Et carrément. Et puis, ça va être top. Mon challenge, ça va être quand même, étant donné que je n'ai qu'un seul spectacle, d'en profiter et de ne pas m'arrêter au premier truc. Parce que le premier truc qui... pourrait se passer pas comme je l'aurais voulu. Parce que c'est de l'art vivant. Il y a des gens qui sont venus là pour ça. Ils sont pas là pour constater mon mécontentement au moindre petit cil qui est pas en place. C'est pas parfait. Je recrase. Non, et puis même m'amuser moi, en fait. Puis je pense que Kitri, elle est comme ça. Elle s'en fout. Elle sait que... C'est la plus belle. Elle a son chéri qui est là. Ils vont se barrer ensemble.

  • Speaker #1

    Donc, tu as tout à prendre d'elle, finalement. Oui,

  • Speaker #0

    voilà. J'ai encore un rôle qui va m'aider. Et lui-même va m'aider à ne pas me mettre trop de pression. Parce que, voilà, elle est comme ça.

  • Speaker #1

    Ça sera donc à l'Opéra Bastille. Ça sera donc, en tout cas, le ballet Don Quichotte, ça sera du 21 mars au 24 avril 2024. Toi, tu y seras quand exactement ?

  • Speaker #0

    Le 5 avril.

  • Speaker #1

    Donc notez bien. Eh bien, je te remercie beaucoup Roxane. Merci d'avoir passé ce moment avec moi.

  • Speaker #0

    Merci.

  • Speaker #2

    Voilà, c'est la fin de ce tout premier numéro. Merci de l'avoir écouté jusqu'au bout. J'espère qu'il t'a plu. Si c'est le cas, n'hésite pas à laisser un petit commentaire et à t'abonner. Ça permettra de soutenir ce podcast. Très belle journée à toi.

Description

En cette saison exceptionnelle, Roxane Stojanov enchaîne les moments forts sur la scène du Palais Garnier. Elle fait sensation dans deux productions iconiques, révélant toute la profondeur et la force de son talent :


🔹 Mayerling de Sir Kenneth MacMillan – Un ballet dramatique où Roxane incarne l’envoûtante Mitzi Caspar. Aux côtés de l’Étoile Hugo Marchand et entourée de ses "officiers" Antonio Conforti, Nicola Di Vico, Lorenzo Lelli et Keita Bellali, elle subjugue le public lors des représentations des 29 octobre, 1er, 6 et 8 novembre.


🔹 Rearray de William Forsythe – Entre puissance et finesse, elle nous entraîne dans cet univers contemporain unique, accompagnée de Takeru Coste et Loup Marcault-Derouard, jusqu’au 3 novembre.


À l'occasion de cette actualité foisonnante, (re)découvrez notre premier épisode Les Sens de la Danse, où Roxane nous partage son parcours, ses doutes, ses ambitions, et cette passion qui la pousse toujours plus loin.


Vous pouvez la retrouver sur Instagram :

https://www.instagram.com/roxanestojanov/


Son répertoire et sa biographie:

https://www.operadeparis.fr/artistes/roxane-stojanov



Retrouvez les infos sur le podcast ici :

Le compte instagram du podcast : https://www.instagram.com/lessensdeladanse.podcast/

Le compte facebook du podcast : https://www.facebook.com/lessensdeladanse.podcast


Très belle écoute


Hébergé par Ausha. Visitez ausha.co/politique-de-confidentialite pour plus d'informations.

Transcription

  • Speaker #0

    Les Sens de la danse, le podcast qui met de la conscience dans le mouvement.

  • Speaker #1

    Ah,

  • Speaker #0

    ça y est, te voilà enfin posé. Et même si tu es dans le métro ou les bouchons, je t'invite à entrer avec moi dans une petite bulle. Une bulle où l'on parle de danse et en quoi elle donne du sens à nos vies. Aujourd'hui, je te propose de découvrir l'univers de l'Opéra National de Paris, ou plutôt de découvrir l'état d'esprit d'une de ces danseuses, Roxane Stoyanov. Ensemble, nous allons tenter de comprendre ce que signifie faire partie de l'une des plus célèbres compagnies de danse classique au monde.

  • Speaker #1

    On est très peu de mon année où je suis rentrée à 12 ans, je suis la seule dans le corps de ballet aujourd'hui, et même la seule à être danseuse et à en vivre en fait.

  • Speaker #0

    Elle s'est livrée sur ses exigences, ses doutes aussi, qui poussaient à l'extrême, peuvent devenir de véritables freins. Tu te juges beaucoup justement ?

  • Speaker #1

    Oui, à un moment donné, ça a été tellement que ça m'empêchait de travailler. Au moindre petit pas, pas comme je veux, j'étais incapable de continuer au-delà de la chorégraphie. Juste parce que tel mouvement n'était pas comme je voulais, stop, je m'arrêtais. Je reprenais, je pouvais passer deux heures sur les 30 premières secondes.

  • Speaker #0

    Désormais première danseuse, elle est soliste, ce qui lui permet d'endosser des rôles de plus en plus importants.

  • Speaker #1

    Certains rôles m'ont permis de découvrir une facette de moi que je ne connaissais pas, parce que ce sont des personnages que je ne suis pas, ce n'est pas mon caractère. Et d'avoir à les jouer, c'est impressionnant parce que c'est bien caché quelque part pour que ça sorte comme ça. Complètement. C'est fascinant, ça m'a fait évoluer, grandir moi en tant que personne aussi.

  • Speaker #0

    C'est le tout premier numéro et autant te dire que je suis à la fois heureuse, émue et un peu stressée aussi. J'espère surtout que tu vas passer un bon moment. Et si c'est le cas, n'hésite pas à laisser un avis et à t'abonner pour ne rater aucun épisode. Tu trouveras également sur Insta, Facebook et TikTok des vidéos inédites de Roxane en train de danser avec sa grâce et sa souplesse. Je te laisse découvrir tout ça. Voilà, je pense que tu sais tout. Je te souhaite une bonne journée. très belle écoute. Bonjour Roxane, je suis ravie de te recevoir aujourd'hui. Alors pour ceux qui ne te connaissent pas, tu es première danseuse depuis 2022, le grade qui est juste en fait celui en dessous des étoiles. Quand tu te réveilles là en ce moment, tu te dis waouh j'ai réussi, je suis en train de vivre mon rêve ou alors pas du tout ?

  • Speaker #1

    Ah si franchement, oui oui si. Plonger dans le quotidien, c'est vrai qu'on ne prend pas souvent assez de recul, on est pris dans le boulot. En fait, les gens à l'extérieur qui ne connaissent pas ce monde-là, c'est grâce à eux que je percute aussi. Ils m'aident à me ramener à la réalité et de me rendre compte, parce que je me mets en particulier souvent beaucoup de pression et je suis très exigeante. Je suis quand même devenue une soliste de l'opéra et c'est une responsabilité. Je représente l'opéra, mais... En fait, c'est quand même un rêve. À chaque fois que je dois danser, c'est quand même un kiff toute seule.

  • Speaker #0

    Et qui fait rêver beaucoup de personnes. Alors justement, quand tu étais petite, comment est-ce que tout a commencé ?

  • Speaker #1

    Ça, je le dois à mes deux sœurs, les filles de ma maman, parce qu'on est quatre filles, deux de ma maman, deux de mon papa. Donc, c'est les deux filles de ma maman qui n'arrêtaient pas de dire à ma mère, mais il faut que tu fasses quelque chose. Elle n'arrête pas de danser dès qu'il y a de la musique.

  • Speaker #0

    Et danser comment ? Tu faisais quoi ?

  • Speaker #1

    Moi, je n'ai pas spécialement souvenir. C'était vraiment, je me mettais à gigoter sur le moindre rythme. Après, ça paraît un peu... Evident, pour se dire, oui, elle a voulu devenir danseuse, elle dansait sur n'importe quoi. En fait, c'est quand même grâce à ça qu'on m'a inscrite à des cours de danse. C'était en Macédoine, parce que mon père est macédonien et pour le travail, on a déménagé là-bas. Et l'école de danse ne voulait pas me prendre avant 8 ans et demi, parce qu'ils estimaient qu'avant, ça allait déformer le corps, dans la croissance, etc. Mais alors j'ai commencé avec les vrais cours de danse à la barre, c'était pas de l'éveil corporel, j'ai tout de suite fait le...

  • Speaker #0

    Le grand bain finalement. Oui,

  • Speaker #1

    oui voilà. Il y avait quand même une rigueur, un cadre, des exercices à retenir, un travail de mémoire à faire, une façon de faire, se rappeler des corrections qu'on nous donne. Et je crois que c'est ça aussi qui m'a plu. Donc après on a fait confiance aux professeurs que j'ai eu à chaque fois et je pense que c'est les gens que j'ai rencontrés qui m'ont amenée... à petit à petit me pousser à aller plus loin en fait. Mais j'ai de la chance aussi d'être tombée sur ces personnes-là à ce moment-là.

  • Speaker #0

    Des personnes finalement qui ont cru en toi et qui ont vu ton potentiel.

  • Speaker #1

    Oui, absolument, parce que dans ma famille, à part une de mes sœurs qui est comédienne, mes parents n'ont rien à voir avec le domaine artistique, ni même mes grands-parents. Donc c'est un milieu totalement neuf, inconnu. Même pour mon papa, c'était un peu compliqué d'accepter que... que j'allais travailler autant qu'un footballeur, faire autant d'activités physiques, alors que j'utilise une fille, et sa petite fille, elle ne peut pas comme ça souffrir. Donc, ils ont fait confiance dans tous les professeurs que j'ai eus, qui ont vraiment dit, elle a quelque chose, il faut qu'elle y aille. Moi, je n'avais pas forcément conscience, ni confiance, je ne me posais pas la question. Mais je faisais, on mettait une barre à chaque fois plus haute. je l'atteignais et c'était ça qui était aussi satisfaisant je pense j'aimais bien bosser et je m'éclatais toujours dans tout ce que je faisais je considère que j'étais un peu touriste c'est peut-être ça aussi la naïveté qui m'a fait du bien en tout cas qui m'a pas mis tout de suite trop de pression parce que j'avais pas conscience en fait parce que tu étais extrêmement jeune oui et je savais moi non plus je ne savais pas que c'était un métier c'est à dire qu'on m'a dit voilà on essaye Mais j'ai jamais eu de pression aussi non plus de mes parents. Parce que du coup, c'était si tu veux, on te suit. Mais sache que c'est pas grave si on n'y arrive pas ou tu n'y arrives pas. Honnêtement,

  • Speaker #0

    à ton temps, c'était un peu comme un jeu.

  • Speaker #1

    Ouais, ouais, c'est vrai. C'est vrai. Ouais, ouais.

  • Speaker #0

    Donc, ça va, ça reste. Il n'y a pas d'enjeu, justement.

  • Speaker #1

    À ce moment-là, en tout cas, non.

  • Speaker #0

    Alors, ça commence quand, justement,

  • Speaker #1

    où tu te dis,

  • Speaker #0

    ouh là là, ça y est, j'ai envie d'en faire mon métier. Il y a eu un... Des clics, un déclenchement, une sensation ?

  • Speaker #1

    Déjà quand même de passer l'audition pour rentrer à l'école de danse qui prépare au ballet de l'Opéra de Paris. C'est peut-être la première fois que j'avais un petit stress quand même, pas pendant, mais à l'annonce des résultats, où je me rendais compte qu'il pouvait y avoir un échec, que ça pouvait être un échec de ne pas y arriver.

  • Speaker #0

    D'accord.

  • Speaker #1

    Parce que j'avais juste deux semaines avant fait mon premier concours de danse, où je n'ai pas du tout été acceptée pour la finale. Mais vraiment, j'étais la grosse touriste pour le coup, mais qui n'était pas du tout au niveau. Alors je me suis dit, si ça ne marche pas là non plus, ça avait été déjà dur à accepter. Mon nom a été donné en dernier, je commençais à perdre espoir. Et c'est ma maman, heureusement, qui m'a dit, attends. Parce qu'elle, elle avait compris que Stoyanov, S, ça risquait d'être en dernier si on le prononçait.

  • Speaker #0

    Et donc, tu es rentrée finalement à l'école de danse. Tu avais

  • Speaker #1

    12 ans.

  • Speaker #0

    Voilà, 12 ans. ce qui est extrêmement jeune, on est encore une enfant.

  • Speaker #1

    Oui, il y a des plus jeunes encore qui rentrent. Mais là, pour moi, qui n'avais jamais quitté mes parents, en plus je devais être en internat parce qu'on habitait à Bruxelles à ce moment-là, ça n'a été pas facile du tout. Même si je faisais ce que j'aimais, c'était vraiment dur la distance au début. L'internat, oui, je pleurais tous les soirs. On n'avait pas le droit déjà d'avoir de téléphone. Donc si on en avait un, il y avait certains horaires pour téléphoner. Donc tous les soirs et matins, matin en catimini quand même, j'appelais, j'étais en pleurs. Donc ma mère, elle tenait bon, mais entre le matin et le soir, je pense que c'est elle qui était en pleurs. T'imagines. Et ça a duré un ou deux mois au début quand même. Puis je lui ai dit, dis-moi un truc parce que j'ai pas envie d'arrêter. Dis-moi quoi faire pour arrêter d'être triste, de pleurer. Et elle m'a dit, bah écoute, en soi, si vraiment c'est trop dur, c'est pas grave. Pense à toutes les petites filles qui étaient là. Vous avez été que 7 à avoir été prises et vous étiez peut-être 140 à l'audition. Donc il y en a une qui, elle, pleurera pas, aura envie d'avoir cette place en fait. Je lui ai dit, ok, non. Ça sera quoi ? Il faut que je saisisse le truc. C'est vrai qu'effectivement, il y en a plein d'autres qui doivent pleurer, donc je ne peux pas me permettre d'être lâche.

  • Speaker #0

    Être lâche, tu trouves que c'était...

  • Speaker #1

    Pas lâche, mais il y avait un côté où, si, quand une petite fille rêve d'être à ma place, je ne peux pas me permettre par respect pour elle, en fait, de... D'en plus moi pleurer alors que j'ai tout ce que je veux. À ce moment-là, en tout cas.

  • Speaker #0

    C'est ce qui t'a donné la force.

  • Speaker #1

    Oui, ça m'a donné la force. Parce que la journée, ça se passait très bien. Je pense que c'était aussi le temps de me faire des amis. Après, j'avoue, c'était la colo. J'étais trop contente. Après, j'avoue, j'étais des fois un peu triste de rentrer parce que j'étais quand même bien à l'internat. Donc voilà, c'est vite passé. Ça a été net.

  • Speaker #0

    Il y a tellement de fantasmes sur ce milieu, sur l'école de danse de l'Opéra de Paris. Mais à t'entendre, finalement, c'était assez amusant.

  • Speaker #1

    Moi, je l'ai vécu toujours comme ça, parce que je trouve ça amusant, le travail. En fait, l'exigence qu'on nous inculquait, la rigueur et tout, c'était... Je trouvais ça hyper chouette, en fait, d'arriver à... À être dans la recherche, d'arriver à trouver, de faire ce qu'on nous demande. J'avais en fait vu aussi, avant de rentrer, un petit documentaire sur les petits rats, justement ceux qui ont 8-9 ans, qui était assez dur. Et je me souviens que ma prof m'avait dit, bon voilà, ça ressemble à ça, c'est dur. Est-ce que vraiment t'as envie ? J'ai dit, ouais, ça ne me fait pas peur. Encore une fois, challenge. J'ai envie de prouver que moi, ça ne me fera pas ça, en fait. Oui,

  • Speaker #0

    c'était un défi.

  • Speaker #1

    C'est vraiment, ouais, je suis plus forte que ça. Dès que j'étais face à des profs qui étaient jugés sévères, moi, je savais le prendre comme un, bah, ils sont exigeants, ils me demandent un truc, j'essaye de le faire du mieux que je peux. Ça passait, on me dit un truc, je ne vais pas me mettre à pleurer parce qu'on me le dit d'une façon un peu dure. J'avais toujours un... Sourire, j'étais dans l'acceptation des infos. Et derrière, j'essayais de mon mieux de le faire. Et ça leur allait. Et ça s'est toujours bien passé. Je n'ai jamais eu de difficultés avec aucun professeur.

  • Speaker #0

    Et ça a payé, en fait ?

  • Speaker #1

    On dirait, oui.

  • Speaker #0

    Parce que quand même, même si tu prenais ça comme un jeu, je veux dire, quand tu es à l'école de danse, chaque année, il y a quand même une pression. Vous êtes jugée, il y a des examens, vous pouvez, si les notes ne sont pas satisfaisantes,

  • Speaker #1

    être redoublée ou virée.

  • Speaker #0

    Complètement, oui.

  • Speaker #1

    Non, non, ce n'était jamais acquis. Évidemment, ça me faisait stresser, mais pendant l'année, on se disait entre nous les notes et j'avais remarqué que j'avais toujours la note maximale ou j'étais dans la partie haute du groupe. J'ai fini première quasiment tous les ans. ou une année deuxième, mais voilà, c'est quand même un sans faute. Mais après, ça ne m'empêchait pas de stresser, mais de vouloir bien faire.

  • Speaker #0

    Donc, en fait, j'ai l'impression que le fait d'avoir pris ça comme un jeu et avec moins de pression et finalement en s'amusant, c'est ce qui a permis pour toi de t'épanouir au maximum et de révéler toutes tes capacités. Parce que quand même...

  • Speaker #1

    Parce qu'en fait, c'est surtout que dès que je dansais... Ça me faisait sourire. J'ai souvent le sourire collé au visage. D'ailleurs, quand j'étais à l'école de danse, j'ai rencontré Roland Petit. J'ai fait partie du ballet Le Rendez-Vous, où à un moment donné, il y a un passage de deux enfants. Et moi, j'ai tendance à toujours sourire. Et c'est une rencontre de deux enfants. Mais c'est assez mélancolique, tragique. Je me souviens qu'il m'a dit, la danse, ce n'est pas que sourire. C'est la première fois que j'ai compris que la danse pouvait amener aussi d'autres émotions. Ça m'a marquée. Après, jusqu'en dernière année à l'école de danse, notre examen de fin d'année, ce sont des variations à présenter, donc on n'est pas dans le drame. C'est quelque chose où il faut montrer que la danse, c'est absolument pas difficile. Et en fait, ça me fait du bien aussi. Je me faisais plaisir, mais j'avais envie de faire plaisir en face, leur donner le sourire que j'avais, en fait.

  • Speaker #0

    Et en même temps, il n'y a pas que le sourire finalement, il y a d'autres émotions.

  • Speaker #1

    Oui, ça m'a servi pour plus tard, je m'en suis rappelée. Parce qu'après, en dernière année, là, il y a un enjeu. Déjà, on a des rôles pendant l'année. Il y a un spectacle de l'école, on a globalement les premiers rôles. Là, on raconte des histoires. Du coup, ça, ça me plaît vachement aussi. Incarner un personnage que je ne suis pas forcément, ça permet d'être plein de personnes et de personnalités différentes à la fois, qu'on ne sera peut-être jamais.

  • Speaker #0

    Mais en tout cas, si je te suis bien, ce conseil-là, et pas de n'importe qui...

  • Speaker #1

    Il était dur, mais...

  • Speaker #0

    Mais il t'a marqué et finalement, il a été un peu comme un fil directeur tout au long de ta carrière ? Ou au début seulement ?

  • Speaker #1

    C'est surtout au début où ça m'a... marqué dans le sens où je me suis dit Roxane, c'est pas parce que t'es en train de danser que tu dois te coller le sourire, faut que ça vienne de toi aussi. Quand même arrivé les deux dernières années, j'ai compris moi j'étais vraiment touriste, j'ai compris assez tard qu'il y avait un concours qui permettait de rentrer dans le corps de ballet

  • Speaker #0

    Ah oui, on en était quand même à ce point-là

  • Speaker #1

    Un peu ! J'en entendais parler mais en vrai je connaissais rien et oui, donc le concours d'entrée, j'ai senti je... J'ai commencé à sentir ma première division, donc c'est la dernière année, que j'ai fait deux fois. Mais la première année, j'ai senti la pression parce que je la sentais aussi de tous mes professeurs. Enfin, dans le sens où ils comptaient vraiment beaucoup sur moi parce que voilà, c'est ce qu'ils me souhaitaient. Mais là, j'ai connu la mauvaise pression un peu. Enfin, je me la suis mise à moi. C'était une année compliquée, je faisais ma puberté en même temps, mon corps changeait. Avant, dès que je faisais un truc, ça passait tout seul. Là, mon corps, je lui disais un truc, ça ne sortait pas. Jusque-là, tout était naturel. J'avais la danse facile. Là, d'un coup, je n'ai plus rien compris. Là, j'ai compris le côté sport de la danse, en fait. Là, il a fallu que j'aille conscientiser ce que je ressentais, avoir conscience de mes jambes, que ce n'est pas elle de faire toute seule le mouvement, que le... Tout part du buste, qu'il faut être solide du dos, du bas du ventre. Parce qu'en fait, j'avais fait une grosse poussée de croissance, j'étais devenue la plus grande de la classe alors que j'étais la plus petite deux ans avant. Et j'ai un physique où j'ai un buste un peu plus petit que mes jambes. Donc mes jambes prennent beaucoup le dessus. Et j'étais bambi, c'était très compliqué de... Vraiment bambi là sur la glace, c'était un peu moi. C'était beaucoup de pression parce que d'un coup, j'avais un nouveau paramètre à gérer qui était mon corps. Et en même temps, à la fin de l'année, il fallait que ce soit parfait pour passer l'audition, pour rentrer dans le ballet. Donc là, j'ai plus trop eu le sourire cette année-là. J'imagine. C'était un peu... Mais voilà, après, c'est une expérience, ça m'a forgée. Je ne suis pas rentrée. Ça a été vraiment très dur. Il n'y avait qu'un poste, ils ont pris... Une fille, on était cinq, je suis arrivée dernière.

  • Speaker #0

    Aïe.

  • Speaker #1

    Là, c'est...

  • Speaker #0

    Coup dur, une baffe, la première.

  • Speaker #1

    Oui, surtout que je suis sortie du concours et on m'a dit, ça se joue entre toi et celle qui est montée. Et le résultat est tombé. Je n'étais même pas deuxième, j'étais dernière.

  • Speaker #0

    Là, c'est dur pour l'égo.

  • Speaker #1

    Donc, oui, j'avais des problèmes un peu de... de physique, c'est qu'avec la puberté, j'avais plus le corps... J'avais un corps de femme, les filles dans ma classe ont été plus petites que moi, des brindilles, donc en comparaison, je m'étais mis en tête qu'il y avait ça aussi qui jouait. Et puis, même, ça se voyait que... Je pense qu'en vrai, ça se voyait que j'avais trop du mal à gérer mon corps. Mais donc là, j'ai dû redoubler et ça a été une année... où j'ai l'impression de me mettre retrouvée quand je suis rentrée à 12 ans. Parce que j'étais toujours en internat, donc à 17 ans. Pas drôle du tout.

  • Speaker #0

    Non.

  • Speaker #1

    Je n'avais pas envie.

  • Speaker #0

    Oui.

  • Speaker #1

    Là, je pleurais pour aller à l'internat à nouveau. Je m'étais quand même imaginée une vie parisienne. On m'avait un peu fait un faux espoir.

  • Speaker #0

    C'est-à-dire ?

  • Speaker #1

    On m'avait un peu dit que je pouvais rentrer. Et ce n'était pas le cas. Il fallait se retaper un an. Et là... Tu as eu un coup de massue.

  • Speaker #0

    Comment tu réussis à rebondir du coup ?

  • Speaker #1

    Il y a eu un moment où ça fallait accepter. Et après, je me suis... Franchement, je pense qu'on peut dire que je me suis isolée un peu. J'ai utilisé le fait d'être enfermée à l'internat avec tous ceux de ma génération qui avaient fini par devenir externes. Moi, mes parents ne pouvaient pas. J'étais toujours, à ce moment-là, mes parents habitaient à Bordeaux. Donc, ils n'avaient pas le choix. Financièrement, ça coûtait beaucoup plus cher d'avoir un appartement, faire des courses et tout, que d'être à l'internat. Donc, dans ma chambre, j'étais avec une fille de 14 ans.

  • Speaker #0

    Ah oui !

  • Speaker #1

    Et une autre étrangère qui ne passait pas le bac. Donc, qui avait juste à se concentrer sur la danse. on ne vivait pas la même chose. Donc je me suis un peu isolée, en fait. J'étais un robot, quoi. Le matin, je faisais mes cours, je préparais mon bac. L'après-midi, je travaillais en cours de danse. Je faisais mes répétitions. Le soir, je me couchais avec les poules. Et vraiment, il y a eu un... Je me suis juste focalisée sur... Après, je n'ai plus de chance. Si je n'étais pas prise cette fois-là, il n'y avait plus rien. Il fallait que je passe des auditions ailleurs. Ce n'était pas grave, mais ça m'avait fait tellement de mal que je savais que j'avais envie de rentrer là.

  • Speaker #0

    C'est là où tu as vraiment su que tu voulais faire ce métier ?

  • Speaker #1

    Là, je pense que je l'avais su avant, sans le formuler. Mais évidemment, si j'étais dans cette école, ce n'était pas pour... De toute façon, avec mes parents, il y avait toujours un... Il faut savoir qu'il faut que tu aies ton bac, parce que si jamais il y a le moindre truc qui t'arrive, tu as un problème physique, une blessure, qui fait que tu ne peux plus danser, il faut que tu aies de quoi rebondir. En fait, je préparais tous les terrains. Je me donnais à fond dans la danse pour que ça marche.

  • Speaker #0

    Tu préparais un plan B.

  • Speaker #1

    Heureusement qu'ils étaient lucides pour ça, pour m'aider. Est-ce que je ne me retrouve pas sans rien, s'il arrive quoi que ce soit ? Ce n'était pas pensé au pire, mais c'est juste tellement exigeant. On est très peu de mon année où je suis rentrée à 12 ans, je suis la seule dans le corps de ballet aujourd'hui. Et même la seule à être danseuse et à en vivre en fait.

  • Speaker #0

    Sur combien vous étiez ?

  • Speaker #1

    On était 7. La plupart ont arrêté la danse. Une est devenue prof de danse, mais n'est pas passée par l'étape professionnelle. Et une autre a arrêté et essaye de reprendre. Et là, elle m'arrête professionnelle. Mais voilà, c'est un autre parcours.

  • Speaker #0

    Et qu'est-ce qui fait la différence selon toi parmi ces six autres personnes ? Qu'est-ce qui a fait la différence avec le recul ?

  • Speaker #1

    Je ne sais pas si j'étais assez lucide pour comprendre. Parce que sur les 7, on n'était que deux déjà à être prises dès la première année. Mais après, à mon avis, c'est mon mental, mon côté où j'avais envie de rien lâcher. Vraiment, j'étais capable d'accepter beaucoup de... Ce qu'on peut dire souffrance, mais voilà, on a mal partout, c'est un métier qui nous fait mal, ça fait des courbatures, ça fait des trucs. Moi, ça ne me dérangeait pas, je faisais dessus. Il y avait une sorte de bonne résistance à la douleur, aussi aux réflexions qu'on peut avoir. Je ne dirais pas avoir été traumatisée, pas du tout. Pour moi, tout ça me semblait normal et est-ce que c'est aussi mon côté ? À ce moment-là, naïve de ne pas toujours me rendre compte et de juste penser à danser, qui m'a aidée.

  • Speaker #0

    Mais quand tu dis que finalement, tu as un rapport peut-être à la douleur qui est un peu plus résistant, est-ce que ça vient de quelque chose d'avant ? Comment est-ce que tu l'expliques ?

  • Speaker #1

    Justement, ça vient de ce reportage que j'avais vu pour rentrer à l'école, où je les voyais tous... Ça avait l'air d'être dur, ils souffraient, les profs étaient exigeants. Je ne vais pas dire sévères, parce que je pense que c'est un métier qui demande de l'exigence. Donc c'était de la rigueur, en fait, qu'ils nous demandaient. Et tout de suite, je me suis dit, il ne va pas falloir leur nicher pour le premier truc qui va être dur. C'est juste ça, en fait. Et aussi, on m'a tout de suite dit, c'est le genre de métier, si un jour tu es blessé ou tu es malade ou quoi, ne t'inquiète pas, il y en a d'autres derrière. Donc, t'es pas indispensable.

  • Speaker #0

    Ouais, t'es remplaçable, quoi, même.

  • Speaker #1

    Donc, je me souviens, à 12 ans, je faisais casse-noisette les enfants. Un jour, j'avais 42 fièvres. J'y suis allée avec les 42 fièvres. Alors qu'en soi, c'est peut-être... Aujourd'hui, on ferait plus ça. Maintenant, pas du tout, mais c'est...

  • Speaker #0

    C'est quel que soit ce qui arrive, on y va coûte que coûte, quoi.

  • Speaker #1

    Ouais, ouais. Et puis du coup, je pense que ça m'a aidée à pas m'arrêter à la première petite douleur que je ressentais, quoi. Les ampoules, les machins, ça fait hyper mal. Des fois, c'est pire que d'être blessée, d'avoir une inflammation, un torticolis ou quoi. J'étais toujours là à faire, je trouvais toujours un moyen d'alléger ma douleur. Mais tant que je savais que c'était pas grave, je sais pas comment dire, mon corps, il me le disait. T'as mal, mais c'est pas grave. Tu peux aller dessus. J'avais un radar pour ça.

  • Speaker #0

    Justement, quel est ton rapport au corps ? Parce que c'est ton outil, je veux dire. Est-ce que t'essayes de le maîtriser ? Ou justement, tu es vraiment toujours comme tu disais à son écoute ?

  • Speaker #1

    Non, j'ai besoin de contrôler. Comme à un moment donné, il m'a échappée. Je n'arrivais plus à lui demander de faire ce succès-là. J'ai réappris à organiser mon alignement. J'ai pris des cours particuliers, j'ai fait du pilates. J'ai essayé de comprendre comment il fonctionne. Mais pour moi, après, c'est moi, c'est ma tête et c'est à moi de diriger. Et s'il y a des douleurs, je les écoute dans le sens, je sonde la gravité. Si ce n'est pas grave, ce n'est pas grave. Je fais dessus. De toute façon, en scène, il peut arriver le moindre truc. Il faut faire comme on est à ce moment-là. Après, ça ne m'a pas toujours... J'ai souvent dansé avec des blessures sans m'arrêter. Je les ai gérées, par contre. J'ai su les gérer, mais je n'ai jamais voulu m'arrêter. Et ça m'est arrivé une seule fois. Et là, je me suis arrêtée parce que je devais me faire opérer.

  • Speaker #0

    Oui, donc là, tu étais allée...

  • Speaker #1

    Là, je l'avais dit, je ne m'arrêterais que si ça nécessite un truc. Vraiment, là, moi, je n'ai plus de contrôle dessus. Donc, j'ai poussé quatre mois et un jour, ça a cédé. J'ai quand même redansé dessus le lendemain. Mais dans la journée, j'avais pris ma décision que je faisais le spectacle et j'annonçais que ça faisait 4 mois que j'avais mal, j'avais rien dit et que je devais me faire opérer.

  • Speaker #0

    Mais donc finalement, la limite pour l'instant, en tout cas à ce moment-là, tu ne l'avais pas trop senti que là, ton corps te disait stop quand même ?

  • Speaker #1

    Il me disait stop et en même temps, à cette période-là, c'est l'année où je montais première danseuse. J'ai passé un concours avec le genou qui ne pouvait pas plier. Mais j'étais là, le concours est dans un temps de moi, je ne peux pas m'arrêter maintenant. Il y a eu deux concours de sujets où je ne suis pas montée et il y a eu un Covid après. Je me suis dit non mais là, je faisais déjà pas mal de rôles, on me faisait comprendre que c'était la suite logique. J'avais l'impression de vouloir bien faire au concours pour que ce soit indiscutable. J'ai dit, c'est pas un genou qui va m'arrêter là. Presque moi, quand il y a des obstacles ou des challenges, c'est pas que ça m'éclate, mais ça me pousse quelque part où je ne serais pas allée sinon.

  • Speaker #0

    Donc finalement, la difficulté te renforce.

  • Speaker #1

    Ouais. Je ne serais pas aussi forte. Je n'aurais pas ce mental-là aujourd'hui si je n'avais pas traversé les petits bobos, les trucs faits avec, gérés. On apprend beaucoup. Mais après, ce genou m'a permis d'apprendre comment il y avait encore quelque chose que je ne gérais pas correctement dans mon travail. Et aujourd'hui, ça va très bien. Et maintenant, je sais quand... Il y a un an, je me suis fait une petite déchirure d'un abdo. Bon, j'ai réussi à ne pas m'arrêter, gérer. Les gens sont à l'écoute, je leur dis j'ai ça. En fait, du coup, maintenant, on me connaît. On sait qu'en fait, si je dis un truc, c'est que c'est vraiment... Sinon, on ne m'entend pas.

  • Speaker #0

    C'est vraiment grave et que là...

  • Speaker #1

    Voilà, donc du coup, je suis là, je gère, mais ne vous inquiétez pas. Et en fait, on a confiance en moi. Donc, je pense que grâce à ce comportement-là, j'ai acquis aussi la confiance de mes répétiteurs, maître de ballet. Je sais, si j'ai un truc à dire, je sais qu'ils m'écouteront et me feront confiance et ils me diront encore plus aujourd'hui, maintenant que je suis soliste, je peux vraiment gérer, me gérer, être autonome et pas me dire il faut que je tienne, je dois continuer à prouver que je vais aller plus loin, mon ambition, etc.

  • Speaker #0

    Et donc ton corps, tu le vois vraiment comme un outil ou c'est quelque chose que tu... Quel est ton rapport finalement avec lui ?

  • Speaker #1

    C'est un outil parce que je considère que c'est un peu comme le cavalier avec son cheval. Le cavalier, c'est le cerveau, c'est mon cerveau, et le corps, il agit par rapport aux commandes qu'on envoie. Donc c'est un équipier plutôt, pas un outil, mais il a une conscience. Et parfois, il faut écouter cette conscience-là, il y a deux cerveaux. Mais celui qui dirige, en tout cas, c'est moi. Et c'est vrai que parfois, c'est ce qui est dur dans ce métier. C'est pourtant nous qui dirigeons tout, mais... À d'autres moments, je me vois danser, je me dis c'est fou, je dis un truc et ça fait autre chose. Je ne comprends pas. C'est toute la complexité de ce métier.

  • Speaker #0

    Il faut réussir juste au milieu et l'équilibre.

  • Speaker #1

    Oui, oui. Et garder une décontraction parce que si c'est que de la tension entre le corps qui ne veut pas faire un truc et la tête qui veut autre chose, ça ne va pas marcher. Mais ça on l'apprend une fois qu'on est dans le corps de ballet, surtout quand j'ai commencé à faire des rôles en fait. Parce que là il y a une sorte de...

  • Speaker #0

    Il y a l'instinct, d'abord, sur les premiers spectacles, et après, les suivants, quand on reprend un truc. Il y a la tête qui se dit, ça va aller, mais en fait, d'un coup, le corps dit, bah non, aujourd'hui, je ne suis pas comme tu veux, il va falloir faire autrement. Donc on apprend à se connaître avec ça. À chaque fois, c'est ça qui est chouette, c'est que chaque expérience me fait grandir. J'apprends un peu plus sur moi et sur mon corps, à la fois. Sur les réactions que je peux avoir, c'est comme s'il y avait en plus une troisième personne qui se pose et qui observe tout ça et qui fait le constat après.

  • Speaker #1

    Et qui dit c'est bien ou c'est mal ou tu t'es dépassée ou encore plus.

  • Speaker #0

    J'essaie de ne pas trop dire c'est mal ou c'est bien d'ailleurs.

  • Speaker #1

    Tu te juges beaucoup justement ?

  • Speaker #0

    Oui, à un moment donné, ça a été tellement que ça m'empêchait de travailler. Au moindre petit pas. comme je veux. J'étais incapable de continuer au-delà de la chorégraphie. Pour une préparation d'un concours, par exemple. J'ai réussi à filer ma variation, de la faire du début à la fin, à la générale. Alors qu'on a un mois de préparation. Juste parce que tel mouvement n'était pas comme je voulais, stop, je m'arrêtais. Je reprenais. Je pouvais passer deux heures sur les trente premières secondes du truc. Et le jour J, c'était pas... Je l'ai fait. C'était pas comme j'aurais voulu, c'était pas comme on m'imaginait. Et c'était pas non plus au mieux de ce que je suis capable. Malgré tout, je suis montée sujet. Je suis arrivée première. Et j'ai pleuré parce que j'ai dit, je le mérite pas. Et là, tous mes coachs... Mes parents m'ont dit non mais là tu nous saoules en fait, là va falloir que t'arrêtes parce que tu peux pas dire ça. Et en fait c'est juste accepter, des fois ça peut être bien même si c'est pas au mieux.

  • Speaker #1

    C'est pas la perfection.

  • Speaker #0

    Non et en plus des fois avec les imperfections on peut en faire des trucs qui sont mieux que ce qu'on pouvait imaginer.

  • Speaker #1

    Ah quand même, il y a quand même eu tout ce...

  • Speaker #0

    J'ai eu un ouais, derrière... Tout ça, ça m'a tellement marquée. Je me suis dit, toute ma carrière, je ne peux pas être comme ça. Je ne trouvais pas de plaisir à danser, du coup.

  • Speaker #1

    Ah ben oui,

  • Speaker #0

    je vois que c'est impossible,

  • Speaker #1

    du coup. Et comment est-ce que tu as réussi justement à trouver cette porte de sortie en disant, ouais, il y a quelque chose à exploiter dans l'imperfection ?

  • Speaker #0

    Quand ils m'ont tous dit, on ne veut plus jamais travailler comme ça avec toi parce que c'est insupportable, on est là, on ne peut rien faire. Il n'y a que toi qui te fous les... obstacles et des barrières. Ça m'a marquée. Je crois que je n'aime pas faire du mal aux autres. La situation ne leur plaisait pas et il fallait surtout pas que ça se reproduise. Je le faisais un peu pour les autres aussi.

  • Speaker #1

    Tu pensais qu'il y avait un danger et que là, c'était too much.

  • Speaker #0

    Carrément. Comment je suis passée au côté... Faire avec les imperfections, c'est encore grâce à mes coachs, dans le travail quotidien, me dire allez, maintenant je fais un truc, quoi qu'il arrive, je ne m'arrête pas, je fais avec Et c'est encore une autre façon de travailler le mental, de couper la petite voix dans la tête qui juge à chaque pas. Déjà, vis ce que tu es en train de faire. Il fallait que je retrouve l'essence de la danse, quoi, en fait. Il fallait que je retrouve le plaisir de danser. À d'abord. Et OK, après, c'est une séance de travail. OK, on est là pour faire des corrections. Mais moi, je voulais tout faire en même temps. Et danser et me faire les corrections, anticiper les corrections des profs, ce n'était pas possible. Donc, ça fait déjà mon job à moi, c'est de danser. Après, j'ai des personnes de confiance qui me soutiennent, qui sont là pour me dire ce qu'il y a, ce qui ne va pas. C'est bien de savoir être autonome et de se comprendre et de se connaître et de sentir, mais des fois, on rend quelque chose qui n'est pas forcément fidèle à ce qu'on ressent. Malheureusement, il y a des jours où on danse très bien et nous, on l'a très mal vécu et parfois l'inverse. Donc, il faut juste toujours savourer, en fait. C'est ça qui va rester.

  • Speaker #1

    Quand tu savoures, qu'est-ce qui se passe dans ton corps ? Comment est-ce que tu es dans ta tête ? C'est quoi ? Quel est le... Le moment le plus haut que tu as pu vivre, je parle vraiment au niveau des sensations, c'est quoi ? C'est un lâcher-pris, c'est une magie, c'est quoi ?

  • Speaker #0

    En fait, c'est une combinaison de toute la période de travail où vraiment j'ai été exigeante, j'ai rien laissé au hasard. Tout est calculé pour qu'à un moment donné, quand j'arrive en scène... Je me mette ça de côté, je fasse confiance dans mon travail, en mon corps. Je me mets dans la peau du personnage que je raconte, ou pas. Des fois, c'est juste une ambiance à exprimer. Et puis, il y a quelque chose, quand je suis sur scène, je me désinhibe. Je suis quelqu'un de réservé et assez timide, mais on me met sur scène. Bizarrement, c'est le moment où je suis le plus exposée, que je me sens la plus en sécurité et la plus... La plus ouverte et disponible à sortir des trucs. Même des fois en scène, je ne m'attendais pas moi-même. Je me surprends toute seule. C'est une forme de liberté. C'est comme si tout ce que je n'osais pas être en dehors de ce moment-là, je lâche tout. Je pense que c'est un lâcher-prise. C'est une confiance, une décontraction. Quand il y a des personnages à jouer, c'est encore mieux. Souvent, certains rôles m'ont permis de découvrir une facette de moi que je ne connaissais pas, parce que ce sont des personnages que je ne suis pas, ce n'est pas mon caractère. Et d'avoir à les jouer, c'est impressionnant, parce que c'est bien de cacher quelque part pour que ça sorte comme ça. Complètement. C'est fascinant, ça m'a fait évoluer, grandir moi en tant que personne aussi. Pendant un moment, je me servais de mon vécu, puis parfois, certains rôles qu'on m'a donné à danser. m'ont fait évoluer moi. Ça arrivait à un moment dans ma vie où ça me servait à moi, en fait, en tant que femme. Et ça m'a fait grandir, quoi, aussi.

  • Speaker #1

    Du coup, tu prenais quoi ? Tu prenais les éléments d'un rôle et tu essayais de... Le fait de vivre ce rôle-là, ça te faisait...

  • Speaker #0

    Déjà, j'analyse le rôle aussi avant. En fait, je fais des recherches, je teste souvent en répétition. Mais le moment où je donne le... plus, c'est souvent en scène. Alors maintenant, en ce moment, c'est un travail que j'ai à faire aussi, c'est d'être en répétition comme je suis en scène, dès le début. Pour pouvoir proposer un max de trucs et qu'arriver sur scène, j'ai pas justement tant de surprises parce que parfois, je peux avoir une surprise et qu'il soit hors sujet, en fait. Ça peut arriver. Voilà, ça, il y a toujours un truc à bosser. C'est ça qui est génial.

  • Speaker #1

    Et c'était une exploration en même temps.

  • Speaker #0

    Ah mais tout le temps, tout le temps. c'est ça qui est génial donc il n'y a pas de bien ou pas bien souvent on peut être dans le même sujet mais d'un soir à l'autre exprimer différemment et je sais que je me laisse la possibilité que ça arrive et c'est vraiment ça qui me tient ma technique en général elle suit parce que si je suis vraie et juste moi-même mais la Roxane qui endosse le rôle de tel ou tel personnage Ça suit, en fait.

  • Speaker #1

    T'es portée, quoi,

  • Speaker #0

    complètement. Oui, complètement. Mais c'est aussi l'intelligence des chorégraphies. Le caractère d'un personnage est défini aussi par sa chorégraphie, parfois.

  • Speaker #1

    Et du coup, il y a quand même toujours cette quête, finalement, et cette envie de la scène qui te porte. Parce qu'à t'entendre, finalement, tout est là. C'est la scène qui te permet de grandir, de t'épanouir et finalement de montrer. une part inconnue de toi-même ?

  • Speaker #0

    Oui, ça va trop me manquer la scène quand j'arrêterai. Ce que je remarque aussi, là, en étant première danseuse, je vais moins en scène qu'avant. Parce que le sujet, c'est un grade. On peut faire du corps de ballet et avoir accès à des demi-rôles ou des rôles. Donc, on danse tout le temps, on est très présent sur une série, on danse quasiment tous les soirs. Première danseuse, il y a plusieurs distributions. Je fais souvent les seconds rôles. Parfois les premiers, mais ça dépend. Jusqu'à maintenant, j'ai fait que des premiers rôles sur des ballets plus courts. Ça tourne, il y a plusieurs distributions, donc ce n'est pas du tout tous les soirs. Et il faut retrouver la scène des fois juste pour 3-4 spectacles, et puis c'est déjà fini. Donc on bosse pendant un mois et demi, et après on n'a pas un mois et demi de scène, on a 3-4 spectacles. Moi, ça me manque. Et en même temps, tout ce qu'il y a à faire à chaque fois, je donne tellement de moi, parce que c'est des rôles à grosse responsabilité quand même, je donne tellement de moi émotionnellement que je me sens vidée à chaque fois. Et je comprends pourquoi on ne peut pas en faire 20 à la suite.

  • Speaker #1

    Tu te sens invité physiquement ou mentalement ?

  • Speaker #0

    Les deux, en fait. Ça demande quand même un contrôle. Malgré tout, du stress, il ne disparaît pas comme ça. Il se présente sous une autre forme, mais il faut quand même le contrôler. Puis après, je donne tellement de moi. Je laisse comme une part à chaque fois de moi dans ce que j'ai dansé. Donc je sors, je dis si je laisse une part comme ça tous les soirs. C'est pas possible en fait. Il faut un temps de recharge. C'est plus émotionnellement aussi. De tout ce que je donne. Je ne dis pas que je ne donnais pas pareil. Mais dans le corps de ballet, souvent, c'est un esprit d'équipe. On danse ensemble, on se porte les unes les autres. C'est dur physiquement. Parce qu'on ne danse pas forcément à notre taille. Moi qui suis grande, il fallait s'adapter souvent aux plus petites. Au niveau du physique, c'est un peu plus dur. Les rôles, c'est dur parce que c'est beaucoup plus cardio et technique. Mais la part d'émotion qu'on donne, ce que je veux transmettre aussi au public, ça me fait beaucoup de bien. J'aime faire plaisir aux autres et j'ai envie que les gens passent un bon moment et j'ai envie de les transporter. Ça passe tellement vite et à la fin, je sors, je suis vidée en fait. heureuse mais vraiment vidée.

  • Speaker #1

    Et comment tu fais pour te recharger alors après ?

  • Speaker #0

    Après, ça se fait naturellement en fait.

  • Speaker #1

    Encore la magie du corps finalement.

  • Speaker #0

    Oui, le planning est bien fait, les spectacles ne s'enchaînent pas forcément. Donc on va reprendre un cours de danse. Des fois, il faut retourner en studio, retravailler alors qu'on a été en scène. C'est toujours un peu dur mais c'est bien parce que ça permet de remettre des petites choses en place qui n'ont pas été. vu que c'est jamais parfait. Tu as le micro, j'ai pas entendu. C'est jamais parfait. Et voilà, l'adrénaline remonte petit à petit pour le spectacle d'après. On a un planning quand même, donc mentalement on se prépare, on sait. Et puis c'est pas plus mal des fois d'avoir un petit coup de boost parce que ça fait un petit moment qu'on n'est pas en scène, ça permet d'être lucide. Parce que parfois quand on va tout le temps... On croit que le corps, il s'est tout, puis d'un coup, on se trompe dans la choré. C'est comme un texte, à force de le dire, au bout d'un moment, un jour, trou.

  • Speaker #1

    Ça t'est déjà arrivé, ça ?

  • Speaker #0

    Oui, je crois que ça m'est déjà arrivé, oui. Oui, carrément. Tu fais quoi, alors, du coup ? Rien, ça passe en une fraction de seconde. Le corps, il fait un truc qu'il ne faut pas, mais d'un coup, là, la tête revient et combine pour s'en sortir et ça va. Le tout, de toute façon, c'est les gens ont payé en une place. C'est le spectacle. Rien ne doit se voir. C'est presque ça qu'on a fait, un truc en cachette. C'est rigolo. Oui, mais c'est excitant.

  • Speaker #1

    Justement, est-ce que des fois, l'image qu'on a des balais, de la danse classique, on a l'impression des fois qu'il faut vraiment rentrer dans ce moule et que c'est la moindre chose si on veut un petit peu sortir de ce cadre. Et bien c'est peut-être mal vu. Est-ce que c'est une idée qu'on a ou pas ? Moi j'ai l'impression qu'il y a une telle rigueur, il y a un tel cadre, qu'être hors cadre, c'est extrêmement compliqué.

  • Speaker #0

    Quand on fait du corps de ballet ou en tant que soliste ?

  • Speaker #1

    Les deux.

  • Speaker #0

    Corps de ballet, c'est vrai que... Après, c'est notre maison. On est réputé pour être le corps de ballet le meilleur parce qu'il y a le souci de rien que dans des portes de bras, des épaulements, on va tous être pareil. On respire ensemble. Dans d'autres compagnies, cette uniformité-là n'est pas aussi parfaite que chez nous. Mais ce qui m'a moins aidée à passer les échelons, mais je ne saurais pas dire ce qu'il y avait de particulier. On me disait quand même qu'on me voyait dans le groupe. Moi, je pensais toujours à faire pour être avec tout le monde, mais du mieux, toujours tous les soirs, encore mieux. C'était ma façon de m'aider aussi, parce que quand on fait une série de 20 spectacles en trois semaines, il faut se renouveler. Tous les soirs, on n'a pas forcément envie. Je suis en coulisses, je n'ai pas envie, je suis fatiguée. la veille, le soir, des fois on fait des matines et soirées deux dans la même journée. Donc comment se redonner de l'envie ? Moi c'était de penser à améliorer tous les soirs en fait, quelque chose. Donc est-ce que c'est comme ça qu'on sort du cadre tout en restant pareil ? Que tout le monde s'en faire... Parce qu'il y a sortir du cadre mais en faisant tâche, et puis il y a juste sortir du lot. une lumière en fait sur nous. Il y a des filles qui, voilà, c'est naturel en fait, quand on les regarde, elles ont une lumière, comme si on avait mis un spot sur elles, on dit mais elles ressortent plus que... Elles dégagent. Je le vois sur les filles. Donc est-ce que c'est ça qui a eu chez moi ? C'est vrai qu'on me disait souvent, on voyait que toi. Je ne comprends pas. Pourtant, je n'ai pas fait coucou en plein milieu, juste pour dire, c'est moi, je suis là. Non. Là,

  • Speaker #1

    tu aurais été dégagée.

  • Speaker #0

    Carrément. Mais je pense que ça, malheureusement, c'est un peu un don. Et c'est ça qui, dans la danse, n'est pas juste. Parce que c'est subjectif. Il y en a, ils ont certains dons. Il y a deux personnes qui peuvent être pareilles techniquement, faire aussi bien et tout. S'il y en a une, elle a... une lumière que l'autre n'a pas.

  • Speaker #1

    Et ça, ça ne s'apprend pas ?

  • Speaker #0

    Non. Après, ça se travaille. On peut travailler, mais malheureusement, ça, une aura, je pense que ça ne s'achète pas. Ça ne se trouve pas comme ça.

  • Speaker #1

    En tout cas, il faut nous donner le nom du magasin.

  • Speaker #0

    Mais après, il y en a qui ont une aura, mais il n'y a pas le travail. Et ça ne suffit pas à l'aura non plus.

  • Speaker #1

    Mais là, ils ne passent pas les grades au sein de l'opéra.

  • Speaker #0

    Mais peut-être que c'est ceux qui ne se rendent pas compte qu'ils en ont. Du coup, ils travaillent. Et en fait, après, Laura fait le reste. Et ceux qui le savent se disent, c'est ça qu'ils misent tout là-dessus.

  • Speaker #1

    Et donc, ils le prennent comme acquis.

  • Speaker #0

    Comme acquis, oui. Je pense que moi, finalement, à mon côté exigeant... jamais contente aussi, au moins, j'avais un gros problème de confiance en moi. Mais arrivé sur scène, je ne sais pas, j'avais une confiance.

  • Speaker #1

    Dis-moi, j'aimerais bien savoir comment est-ce que... Quel rapport vous entretenez avec, et toi surtout, avec tes professeurs ? C'est la famille, tu parles de coach, c'est quoi exactement ?

  • Speaker #0

    Là, les coachs que j'avais, moi, depuis l'école de danse, c'était des professeurs que j'ai eus à l'école de danse. Fabienne Serruti, qui était en troisième division quand moi j'étais dans sa classe. J'ai commencé à travailler avec elle en dernière année, en préparation au concours. Et... C'est vraiment elle qui me l'a proposé et moi je me sentais bien dans sa classe. On n'a pas du tout le même physique, elle est plus petite et donc elle m'a aidée dans tout ce qui est technique, plus de rapidité, ce qui est dur pour une grande en fait. C'était ce qui me manquait et on a travaillé là-dessus. Et ça devient un peu... Il y a vraiment le respect. Moi je respecte la danseuse. Le parcours qu'elle a eu, elle a dansé avec Rudolf Nourieff, elle l'emmenait en gala partout, donc tous les rôles, elle est capable de me les transmettre directement, avec les mots qu'il avait. J'ai une admiration, et maintenant, aujourd'hui, ça fait dix ans, onze ans bientôt qu'on travaille ensemble. Je n'ai jamais arrêté, après je continue à prendre des cours particuliers. Toute la semaine, même une fois dans le corps de ballet, parce qu'on est lâchés dans la jungle, en fait. À l'école, on a une structure, on a un cours avec les mêmes profs tous les jours. Là, c'est plus du tout ça. Donc, se gérer tout seul à 18 ans, on ne sait pas. S'il n'y a pas quelqu'un qui est là pour nous titiller, nous rappeler sur quoi on doit travailler, continuer à faire un travail en parallèle sur notre propre évolution. J'ai aussi travaillé avec Wilfried Romoli, qui m'a beaucoup aidée sur les sauts. Je ne savais pas sauter, mais encore une fois, ça venait de mon problème d'organisation de mon corps. En fait, je ne savais pas m'en servir. Pourtant, j'ai des grandes jambes. On me dit tu peux sauter, tu as des bonnes cuisses. Pas du tout. C'est que de la coordination. Il m'a beaucoup aidée pour ça. Et tous les deux, pendant dix ans, ils m'ont préparée à tous mes concours. Ouais, c'est des mentors. Et aujourd'hui, Fabienne, c'est plus que ça. C'est comme ma maman de la danse. Et aujourd'hui... Là encore en début d'année, pour préparer Don Quichotte, je la voyais. Dès que j'ai besoin d'un conseil ou quoi, je les appelle.

  • Speaker #1

    C'est précieux ça. Ouais,

  • Speaker #0

    ouais. Vraiment, je suis heureuse d'être tombée, qu'ils soient là sur ma route. Tout ça, je ne l'ai pas fait toute seule. J'ai été super bien soutenue et je suis vraiment reconnaissante de tout l'aide que j'ai reçue pour moi. Si j'en suis là, c'est un travail d'équipe. tous les professeurs que j'ai eus avant. C'est la combinaison de tout ça qui fait que je suis ce que je suis aujourd'hui. Je leur dois tout ça.

  • Speaker #1

    Et le conseil que tu as reçu d'un d'eux, le plus précieux, ça serait quoi ?

  • Speaker #0

    Il y en a trop, là.

  • Speaker #1

    En tout cas, ceux qui ont été précieux et qui t'ont vraiment porté.

  • Speaker #0

    En fait, c'est qu'encore aujourd'hui, je ne me considère pas finie. Pour moi, je suis toujours encore en évolution, alors je n'ai pas vraiment fait de bilan de ma vie. Je n'en suis pas là du tout. À 26 ans, ça va. Pas du tout. Non, mais tous en général, ils avaient peut-être différentes façons de dire les choses. Mais ce qui se rejoignait toujours, c'était que le plus important, c'était que je danse. que je me fasse plaisir. C'était au final, avant une échéance, c'était ça qui restait en fait.

  • Speaker #1

    Le plaisir est finalement ce recontact que tu as où toi, en plus, tu excelles. Oui,

  • Speaker #0

    parce qu'il me disait, en fait, toi, ta place, on le sait. T'as beau avoir plein de doutes, on sait que sur scène, tu les as pas. Et c'est ta force. C'est vrai que ça a toujours été... De mon premier rôle, quand j'étais petite en Macédoine, j'ai fait la fée Clochette. Je me suis sentie hyper bien à ma place de fée Clochette sur scène. C'était dingue, alors que je n'étais jamais allée sur scène. Je ne me souviens pas avoir stressé. J'étais... Bah, c'est normal.

  • Speaker #1

    C'est comme si la scène, c'était ta scène de vie, en fait.

  • Speaker #0

    C'est vraiment l'endroit où j'ai l'impression d'être le plus en sécurité, que personne ne me voit. En fait, tout le monde me voit, mais moi, je ne les vois pas. C'est surtout ça en fait, c'est que je ne vois pas la tête des gens. Je sais qu'ils sont là, mais je ne les vois pas en répétition. Je vois qu'ils me regardent, j'ai le temps de pouvoir voir, analyser les réactions, les regards, les trucs, sentir les mauvaises énergies comme les bonnes, tout. Sur scène, il n'y a rien.

  • Speaker #1

    C'est comme un endroit un peu sacré.

  • Speaker #0

    Ouais, et les gens ont payé pour passer un bon moment, pour s'évader en fait. Donc s'ils peuvent vivre ce que moi je suis en train de vivre quand je danse, c'est génial.

  • Speaker #1

    T'as des doutes, tu nous en as parlé. C'est quoi les plus grandes peurs ?

  • Speaker #0

    Bah c'est toujours... J'ai souvent peur de perdre mon niveau, dès qu'il y a une période un peu plus calme. Par exemple, l'été, des fois, je me dis, j'ai un mois, si je ne danse pas, la rentrée, ça va être horrible. Au final, j'arrive à la rentrée, ça fait du bien, je me sens mieux, mon corps est disponible, j'ai pas mal partout, comme en fin d'année. Non, c'est souvent ça, c'est que je pense, j'ai peur de ne plus arriver à contrôler mon corps et de lui demander, de le voir, pas réussir à faire ce que je lui demande. C'est souvent ça, en fait. Mais c'est la danse en général.

  • Speaker #1

    Bien sûr. Et du coup, forcément, le corps vieillit. Le corps ne sera plus toujours comme il est actuellement. Est-ce que pour toi, il y a un tic-tac ? Comment est-ce que tu... Oui.

  • Speaker #0

    Déjà, là, en 10 ans, je trouve que j'ai changé. J'ai eu des étapes. j'ai changé en rentrant dans le ballet à cause d'un nouveau rythme par rapport à l'école de danse. Et là, après le Covid, j'ai senti aussi un changement où j'ai une musculature différente en tout cas. C'est comme si j'avais la carrure qui s'était développée aussi. Est-ce que c'est le travail qui a fait ça ? Je ne suis plus le Bambi du début, donc j'ai vu ça changer. C'était perturbant dans le sens où je m'étais habituée à un corps et je savais à quoi je ressemblais. Puis un jour, je me suis filmée, je me suis vue, je ne m'attendais pas du tout à ça. Et là, je ne sais pas si je sens déjà des différences au niveau de ma souplesse ou quoi. Je pense que je ne suis pas encore là. Moi, je me sens en ce moment, je pense que je suis la période où je suis le plus en forme, où le corps est capable de tout. C'est maintenant qu'il faut danser. J'ai plus un tic-tac de je veux danser un maximum de trucs tant que je peux et que mon corps le permet en fait. Je veux pouvoir en profiter et je ne veux pas commencer à danser des grands rôles quand j'aurai 35 parce que ça se trouve je ne tiendrai pas. J'aurai déjà des moins de souplesse, des choses à gérer que je n'ai pas envie de gérer quand j'aborde des grands rôles en fait. J'ai envie d'être en pleine possession de mes moyens comme je suis là maintenant. La carrière s'arrête à 42. On se dit que si on ne fait rien pendant trois mois, c'est énorme, qu'on est en train de perdre notre temps alors que pas du tout. On a tous un rythme différent. C'est surtout ça qu'il faut accepter et qui est super dur, je trouve. Parce que je suis arrivée première danseuse à 26, mais il y en a, c'était à 22. Du coup, je me dis, si à 22, j'aurais dansé déjà plein de trucs. Mais à 22, je n'étais pas prête à assumer ça du tout. Les choses, elles arrivent vraiment quand elles doivent arriver. Mais j'avoue, je suis tout le temps impatiente. J'ai toujours envie de plus. C'est aussi parce qu'on sait que c'est une carrière courte. Et on l'a commencé tôt, elle finit tôt. Je crois que de manière générale, on aura compris. J'ai envie d'en profiter et de me faire plaisir un maximum.

  • Speaker #1

    Il y a une date un petit peu... La date est déjà de toute manière définie. Et ça, il faut vivre avec.

  • Speaker #0

    Oui, mais bon, c'est comme la vie. Au final, c'est une vie, mais encore plus courte. C'est juste ça, on a un avant-goût de la fin.

  • Speaker #1

    Mais il y aura un début d'autre chose peut-être.

  • Speaker #0

    Tout à fait. Mais en plus, il y en a qui n'arrêtent pas forcément à 42. Donc, je ne peux pas du tout me projeter. Je dis aujourd'hui que je veux tout faire maintenant, parce qu'après, j'ai peur que mon corps me lâche. Mais ça se trouve, je vais faire mes meilleurs rôles à 35 ans. Parce que c'est qu'à 35 que je saurais les aborder comme il le faut. C'est ça qui est excitant. Mais quand on a un métier où tout est autant dans le contrôle, quand il y a des choses sur lesquelles on n'a pas la main, ça met des doutes.

  • Speaker #1

    Et en même temps, tu as l'air de bien le vivre.

  • Speaker #0

    Je commence quand même, ça fait 10 ans maintenant que je suis pro et j'ai eu le temps de... De bien voir que souvent quand il y a des choses qui se passent, on comprend un peu plus tard pourquoi. Et je commence à... Enfin voilà, j'ai compris que les choses n'arrivaient pas par hasard. Donc là, je suis dans une période bien, mais... Je n'ai pas tous les jours cette confiance sur l'avenir. Il y a des fois, quand on est crevé, on n'est pas aussi lucide que quand on est en pleine forme. Donc, il y a un peu nos démons qui reviennent.

  • Speaker #1

    Et cette petite voix dont tu parles, qui est des fois pas forcément très bienveillante, mais dans ces moments-là, c'est quoi tes principales ressources ?

  • Speaker #0

    J'extériorise. En général, j'en parle beaucoup, je fais tout sortir. Et puis après, il faut être patiente, ce que je n'aime pas. Mais ça passe. Et puis jusqu'au jour où d'un coup, un jour, je suis super contente de ce que j'ai fait. J'ai bien bossé, je sens que je suis en forme et tout. Et là, je me dis comment j'ai pu être dans cet état-là.

  • Speaker #1

    La prochaine étape, on sait bien ce que ça peut être,

  • Speaker #0

    n'est-ce pas ? Tout à fait.

  • Speaker #1

    Parle-moi un petit peu de comment est-ce que tu le vis, parce que là, il n'y a plus de concours à passer.

  • Speaker #0

    Non, ça fait deux ans que je ne passe plus le concours. D'ailleurs, je me retrouve dans le jury maintenant de ce concours. Ça fait bizarre. Oui, il n'y a plus de concours. Donc maintenant, avant d'être première danseuse, je me disais... Quand tu seras première danseuse, ton concours, ça sera tous les spectacles ?

  • Speaker #1

    Rien que ça ?

  • Speaker #0

    En fait, non. Quand même, non. Parce qu'on est nommé à l'issue d'une représentation où on danse le rôle-titre. En tant que première danseuse, je ne suis pas amenée à danser le rôle-titre tous les soirs. Il y a des seconds rôles qui sont tout aussi intéressants. D'ailleurs même le plus petit rôle a son importance pour moi. Il n'y a rien qui ne soit pas intéressant. Tout a son importance et... Peu importe le rôle que je danse, il faut qu'il soit dansé au mieux. C'est ça qui fait que le spectacle, le ballet et la représentation en elle-même, elle est bien.

  • Speaker #1

    Malgré tout, j'imagine que...

  • Speaker #0

    Mais voilà, j'avoue que maintenant que j'ai pris possession et que je réalise que je suis première danseuse, j'ai envie de danser des premiers rôles. J'en ai eu quelques-uns sur des... plus petit ballet, mais là, la prochaine étape, j'ai vraiment envie de me confronter à un ballet en trois actes qui est assez long, avoir le rôle titre parce que c'est un vrai, à nouveau, pour moi, c'est un challenge technique, d'endurance aussi et parce que je pense que ça n'a rien à voir avec les fois où je devais juste faire une variation. Certains rôles, c'est juste arriver comme un cheveu sur la soupe, faire sa variation et c'est fini. Quand on a un rôle, on a plusieurs variations, plusieurs pas de deux. Et en fait, on ne se focalise pas juste sur une chose et en se disant j'ai raté tel truc, pour le peu que j'ai à faire, j'ai... Non, là, toute la soirée, on a l'occasion de se rattraper. Plus rien n'est si grave finalement, parce qu'il y a toujours quelque chose à faire. Tant qu'on raconte une histoire, je ne sais pas, il y a quelque chose qui me paraît plus naturel. de raconter une histoire du début à la fin plutôt que d'arriver juste... C'est parfois plus dur, c'est plus ingrat en fait, des fois d'avoir juste un petit rôle bien dur, juste pendant cinq minutes au milieu d'un ballet de trois heures. C'est vraiment une plus grosse responsabilité, je trouve.

  • Speaker #1

    Oui, paradoxalement.

  • Speaker #0

    Oui. Et là, j'ai hâte de pouvoir profiter d'un truc du début à la fin, de ne pas me mettre la pression sur une seule variation, parce qu'il y en a plein d'autres, et qu'en fait, on est tellement crevés qu'on n'a pas le temps de se mettre... On n'est pas assez... Il n'y a plus d'énergie, il faut déjà faire ce qu'on a à faire, et ne pas perdre de l'énergie à stresser pour tout. Donc j'ai hâte, et surtout parce que c'est aussi dans ces rôles-là, en général, qu'on peut être nommée étoile.

  • Speaker #1

    Elle a dit le mot, ça y est.

  • Speaker #0

    J'ai pas osé jusqu'à maintenant. Je t'ai laissé faire. Oui, oui. Bah voilà, là, je... Est-ce que j'ai envie d'être étoile ? Oui, parce que petite, c'est le truc qu'on se dit, je vais être étoile, mais on ne sait pas ce que ça veut dire quand on est petite. Encore une fois, moi, avant, je me suis mis des objectifs beaucoup plus bas parce que je savais à quel point ça allait être dur et je ne voulais surtout pas me faire de faux espoirs. Et finir ma carrière en n'ayant pas atteint l'étoile et me dire t'as tout raté, ça n'a rien à voir Pour moi, il n'y a que des réussites et des belles expériences qui se sont bien terminées. Mais là, maintenant que je sais ce que c'est, quand je fais un rôle, ce que ça me procure comme plaisir et la satisfaction du travail en amont. Et puis malgré tout, le côté sportif, moi, j'aime transpirer, j'aime sentir que je me suis dépassée. Je pense que ça correspond quand même.

  • Speaker #1

    Ça en a tout l'air.

  • Speaker #0

    Ça correspond quand même. Donc après, en vrai, tant que je danse et que j'ai accès à ces trucs-là, parce que je pense qu'en tant que première danseuse, on peut faire une carrière hyper épanouie avec que des rôles et pas être nommée. Je pense, voilà, tant que je danserais... Je serais heureuse. Là, je suis en attente forcément un petit peu, mais parce que plus j'aimerais qu'on me donne accès à ces rôles-là, que je n'ai pas encore faits. Tout simplement parce que les étoiles, eux, ils ne se posent pas la question. Ils les font, ces rôles-là. Donc c'est un confort et ça donne accès tout de suite à ça, en fait. Mais si je les fais et que... que je suis heureuse comme ça et que je ne suis jamais étoile. Je ne pense pas que ce soit... Je ne le vivrai pas mal. Pas comme un six-pack ? Non, non, non. Mais j'aimerais bien quand même. Voilà, j'aimerais bien quand même. Ce cri du cœur. Après, je sais où j'en suis aujourd'hui. Ces rôles-là, je ne les ai pas encore faits. Il va falloir que je sois... Là, je vais être programmée prochainement mon premier rôle en trois actes. Sur Kitri dans Don Quichotte. Donc j'ai hyper hâte. Parce que je ne me connais pas là-dessus. Je veux voir à quoi ça va ressembler, de quoi je suis capable. J'ai hâte d'y être pour pouvoir... constater que vraiment j'y suis quoi.

  • Speaker #1

    Peut-être que tu vas avoir une autre facette puisque...

  • Speaker #0

    Ouais, exactement. Mais j'ai conscience que pour être étoile, il faut montrer qu'on sait tenir ces rôles-là, qu'on en a fait plusieurs, donc c'est pas au premier rôle que... J'ai conscience que moi j'ai besoin de me faire mon expérience, de toute façon avant. Donc là, je ne me mets pas de pression. Sur ce spectacle-là, j'ai envie d'en profiter. C'est un rôle très lumineux. C'est Kittery, elle est joyeuse. C'est une femme moderne qui parle fort.

  • Speaker #1

    Tu vas pouvoir sourire.

  • Speaker #0

    Et carrément. Et puis, ça va être top. Mon challenge, ça va être quand même, étant donné que je n'ai qu'un seul spectacle, d'en profiter et de ne pas m'arrêter au premier truc. Parce que le premier truc qui... pourrait se passer pas comme je l'aurais voulu. Parce que c'est de l'art vivant. Il y a des gens qui sont venus là pour ça. Ils sont pas là pour constater mon mécontentement au moindre petit cil qui est pas en place. C'est pas parfait. Je recrase. Non, et puis même m'amuser moi, en fait. Puis je pense que Kitri, elle est comme ça. Elle s'en fout. Elle sait que... C'est la plus belle. Elle a son chéri qui est là. Ils vont se barrer ensemble.

  • Speaker #1

    Donc, tu as tout à prendre d'elle, finalement. Oui,

  • Speaker #0

    voilà. J'ai encore un rôle qui va m'aider. Et lui-même va m'aider à ne pas me mettre trop de pression. Parce que, voilà, elle est comme ça.

  • Speaker #1

    Ça sera donc à l'Opéra Bastille. Ça sera donc, en tout cas, le ballet Don Quichotte, ça sera du 21 mars au 24 avril 2024. Toi, tu y seras quand exactement ?

  • Speaker #0

    Le 5 avril.

  • Speaker #1

    Donc notez bien. Eh bien, je te remercie beaucoup Roxane. Merci d'avoir passé ce moment avec moi.

  • Speaker #0

    Merci.

  • Speaker #2

    Voilà, c'est la fin de ce tout premier numéro. Merci de l'avoir écouté jusqu'au bout. J'espère qu'il t'a plu. Si c'est le cas, n'hésite pas à laisser un petit commentaire et à t'abonner. Ça permettra de soutenir ce podcast. Très belle journée à toi.

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