- # Myriam Sellam
Les Sens de la danse, le podcast qui met de la conscience dans le mouvement. Aujourd'hui, je vous invite à découvrir le parcours fascinant d'un danseur aux multiples vies, Jemi Van Dijk. Né à Saint-Martin, il a grandi entre les vagues et les saltos sur la plage avant de décrocher l'agrégation de physique et de devenir... ingénieur hydrolytien. Mais un jour, une blessure l'amène à pousser la porte d'un cours de yoga et tout bascule. De la salsa au cirque, du yoga à la pole dance, Jamie explore le mouvement avec intensité jusqu'à devenir champion de France de pole dance et vice-champion du monde. Derrière les titres, il y a aussi une quête plus profonde, celle d'un corps libéré des normes, d'un mouvement porteur de sens, d'une vie où la science... et la grâce se répondent. Et si vous êtes à Paris, vous pourrez le voir le 24 mai au Carreau du Temple, dans le spectacle Coeur Rouge, une création engagée qui interroge la masculinité à travers le langage de la danse. Si cet épisode vous touche, pensez à vous abonner au podcast et à lui laisser 5 étoiles. C'est le meilleur moyen de le soutenir. Bonjour Jamie.
- #Jemi Van Dijk
Bonjour.
- # Myriam Sellam
Comment tu vas d'abord ?
- #Jemi Van Dijk
La grande forme.
- # Myriam Sellam
La grande forme ?
- #Jemi Van Dijk
Ouais.
- # Myriam Sellam
Alors écoute, ça va être toujours ma première question. Je voudrais que tu me dises, ton premier souvenir de danse, c'était quand ? Et je voudrais que tu m'en parles un petit peu.
- #Jemi Van Dijk
Alors, pour répondre le plus fidèlement à cette question, je pense qu'il y a deux moments marquants. L'un qui est dans ma culture, donc né à Saint-Martin et grandi dans les Antilles. La musique, les festivités, la danse, c'est une part incontournable de notre culture. Et pour le coup, je pense mon tout premier carnaval, c'était vraiment quelque chose de très marquant parce que chez nous, le carnaval, c'est quelque chose de mythique. C'est plein de couleurs, des paillettes, des plumes, des costumes, des chorégraphies, des troupes qui marchent derrière un camion avec des baffes. C'est une organisation. L'île se met à l'arrêt pour un événement pareil. Génial. Et pour le coup, c'est quelque chose de très particulier. Qui plus est, à Saint-Martin, on a trop. trois carnavals dans l'année quand même, donc pour dire à quel point ça fait partie du non négociable. Et donc ça, évidemment, je pense que ça nous plonge immédiatement dans le main quand on est enfant, même s'il peut être à l'instant T, on ne s'en rend pas compte. Mais immédiatement, il y a quelque chose qui se plante en moi et qui fait partie de mon environnement, qui fait partie de mon être. Et auquel cas, la notion des festivités, de la danse, c'est quelque chose tout de suite qui est dans mes normes sociales. Ça, c'est vraiment la première.
- # Myriam Sellam
Alors attends, parce que ça me donne trop envie. Tu disais qu'il y a trois carnavals. Ouais. C'est donc Mars.
- #Jemi Van Dijk
Donc nous, en fait, Saint-Martin, c'est une île. Le territoire est à moitié français, moitié néerlandais. Tout à fait. Quand bien même la première langue parlée, c'est l'anglais. Donc il y a un peu une mixité culturelle assez unique. Et donc, on a le carnaval côté français et il y a le carnaval côté néerlandais, qui ne sont pas du tout au même endroit. Donc, c'est en février pour le côté français, avril pour le côté néerlandais. Et puis, il y a une île voisine qui s'appelle Anguilla, donc Anguille. Et eux, ils ont un carnaval début août sur l'une de leurs plages. Sauf qu'en réalité, en fait, ça se fait totalement envahir par tous les Saint-Martinois parce qu'on ne loupe pas une occasion pour faire un carnaval. Donc, on part envahir l'île voisine le temps d'une journée pour faire la fête et revenir le lendemain. Donc, trois moments dans l'année très marquants. Février, avril et août.
- # Myriam Sellam
Dans ces moments-là, c'est quoi quand tu me dis ce souvenir dans le corps, c'était quoi ? C'était de la joie, c'est d'être ensemble.
- #Jemi Van Dijk
J'ai mis du temps à mûrir cette réflexion. Mais aujourd'hui, je me rends compte à quel point c'est un événement qui unit les gens. Et je dis ça parce que, sans filtre et sans exagération, qu'on soit grand ou petit, qu'on soit en surpoids, en sous-poids. qu'on soit vieux, jeune, blanc, noir. Non mais alors, au carnaval, tout le monde est pareil. Et on peut avoir la mamie de 68 ans à côté du jeune garçon qui a 15 ans, et tout le monde a le même costume, en train de faire la même danse. Et du coup, c'est un moment assez rare et unique où il n'y a plus de barrière sociale. Et ça, pour moi, c'est quelque chose où je ne me rendais pas compte quand j'étais jeune. que c'est assez rare parce qu'aujourd'hui je n'arrive pas à citer beaucoup d'exemples qui, quel que soit sa taille, son origine, son sexe, en fait ça réunit beaucoup de gens. Et c'est incroyable. Je trouve ça beau, même quand je vois des photos de carnaval et on voit cette mixité culturelle, cette mixité sociale. Je trouve ça franchièrement beau et je me rends compte à quel point c'est rare.
- # Myriam Sellam
Et c'est tous les mêmes costumes, du coup ?
- #Jemi Van Dijk
Donc, il y a des troupes. Ah oui, alors nous, c'est une organisation. Alors là, pour le coup, il y a telle troupe qui crée cinq ou six costumes différents. Et puis, ça se fait six mois à l'avance. Parce qu'il faut apprendre la chorégraphie, parce qu'il faut être ensemble. Et c'est la bataille de qui va être la plus belle troupe. Non, non, il y a beaucoup de troupes. Une troupe, ça peut être 50 personnes, tous habillés avec... Le même costume, qui font la même chorégraphie sur la même musique qu'ils ont répétée pendant des mois avant de venir.
- # Myriam Sellam
Ouais, Rio peut avoir des petits soucis à faire.
- #Jemi Van Dijk
Ah non, mais clairement, on prend le carnaval vachement sérieux. Et je me rappelle, il y a quelques années, c'était 2019-2020, donc j'avais un ami à moi qui est chef d'une troupe. Même moi, si je n'y habite pas, il m'a dit non, non, mais attends, le carnaval, c'est dans quatre mois. Là, il faut que je fasse la pub pour mes costumes. mais il m'avait demandé de faire mannequin pour lui juste pour faire des photoshoots pour toutes ces... tenues avec ces plumes et ces couleurs. Et là, tu te dis ah oui, en fait, ils sont incroyablement créatifs.
- # Myriam Sellam
Et le deuxième, alors, le deuxième souvenir ?
- #Jemi Van Dijk
Et donc, le deuxième souvenir, donc ça, c'est un peu une chose qui engraine la notion de la danse, de la musique, de la festivité un peu dans ma culture.
- # Myriam Sellam
Et du collectif aussi ?
- #Jemi Van Dijk
Du collectif. Et le deuxième, c'est lorsque donc il y a... Ici, j'ai rejoint une troupe de salsa avec mon ancienne partenaire de danse, une troupe de salsa semi-professionnelle d'un artiste chorégraphique très connu ici qui s'appelle Léon Rose, c'est un artiste international. Et ensuite, du coup, avec mon ancienne partenaire de danse, on a monté notre propre duo de salsa acrobatique. D'accord. Et donc ça, c'était vraiment la partie où j'étais plus juste la personne qui observait un phénomène. ou qui appréciaient un rassemblement, mais là je passais de l'autre côté du rideau.
- # Myriam Sellam
Tu deviens acteur en fait.
- #Jemi Van Dijk
On devient acteur, on devient un interprète, on crée. Dans la troupe de salsa, ce n'est pas nous qui avons créé la choré, c'est l'artiste chorégraphique Léon Rose qui l'a créé, par contre nous on l'interprétait. Et en revanche, notre duo de salsa acrobatique, là pour le coup c'est du début à la fin, les choix musicaux, la tenue vestimentaire et les costumes. Qu'est-ce qu'on veut y mettre dedans ? Là, pour le coup, c'est notre création de Boutangou. Et c'est un tout autre travail où maintenant, je pense que j'ai beaucoup plus de respect pour les artistes. Parce que je n'imaginais pas une seule seconde que ça demandait autant de travail, d'investissement.
- # Myriam Sellam
En tout cas, le premier, quand tu étais le plus jeune, c'était quand même le carnaval, du coup. C'est comme ça que tu as connu la danse.
- #Jemi Van Dijk
C'est inhérent à ma culture, c'est inhérent à qui je suis. Mais c'était un peu plus inconscient. On s'en rend pas compte. parce que finalement, en fait, c'est la norme à Saint-Martin.
- # Myriam Sellam
Ça donne envie, moi je vais y aller.
- #Jemi Van Dijk
Ben oui, tu es bienvenue, là il faut venir.
- # Myriam Sellam
Ton adolescence, ton enfance, tu l'as vécu donc baigné finalement de danse, c'était toujours là ?
- #Jemi Van Dijk
Oui, et sous plusieurs formes. Nous, on est quand même de la génération de Michael Jackson.
- # Myriam Sellam
Évidemment.
- #Jemi Van Dijk
Donc, qui n'a pas été bercé par tous ces mouvements très soivés sur la piste. Une fois que la graine a été plantée, ça a toujours été présent. Et il est difficile de s'en dissocier, même si je n'étais pas forcément moi dans la pratique et la prestation. Par contre, j'étais complètement entouré de cette chose que je vivais très bien aussi et que j'appréciais.
- # Myriam Sellam
Tes parents, ils sont aussi danseurs ? Ils ont un peu cette fibre-là ?
- #Jemi Van Dijk
Pas du tout. Donc, mon père est néerlandais, pure souche. Pas du tout dans le côté artistique, mais plutôt même le côté assez carré, cartésien, scientifique. le caractère portrait craché de mon père. Ma mère, qui est Saint-Martinoise et qui est Antillaise, elle, je pense comme tout Saint-Martinois, elle a aussi cette appréciation du carnaval, de la festivité. Mais je crois, il me semble, de ne l'avoir jamais vue dans un costume de carnaval derrière une troupe. Non, ça aurait toujours été les spectateurs, donc les gens qui viennent apprécier le carnaval, pour voir les troupes, etc. Et donc, non, ils n'ont pas du tout une culture. propre de pratiques artistiques ou de danse. Par contre, ça il faut le dire, je pense que quand on vit à Saint-Martin, on finit tous par danser. Le zouk, c'est une infection qui emporte tout le monde pendant qu'on y est.
- # Myriam Sellam
Mais quelle belle maladie !
- #Jemi Van Dijk
Ah mais oui, pour le coup, ça on n'y échappe que très peu. Donc,
- # Myriam Sellam
tu es quand même d'un métissage, à la base.
- #Jemi Van Dijk
Oui, un métissage, même si j'ai grandi, né, vécu toute mon enfance à Saint-Martin jusqu'au baccalauréat. Mais je suis issu d'un papa européen. néerlandais et de ma mère en vrai, donc qui est antillaise. Mais on a du mal à se départager de la musique quand on est à Saint-Martin. Le soka et le zouk C'est du 100%. Ouais, avec du dancehall. On en met ces trois là. C'est à peu près 80% de ce qu'on entend.
- # Myriam Sellam
Et donc, tu vis à Saint-Martin, t'as déjà des notions de mouvements qui sont importantes ?
- #Jemi Van Dijk
Ouais, totalement.
- # Myriam Sellam
Ça se concrétise comment ?
- #Jemi Van Dijk
Ça se concrétise par, c'est tout bête, mais je pense que si aujourd'hui on irait par exemple à la plage, on verrait deux enfants en train de jouer, ils peuvent avoir 6 ans ou 7 ans. Chez nous, c'est normal de, je ne sais pas, essayer de reproduire un mouvement de danse où tu bouges tes fesses. Et ça fait partie d'un peu du patrimoine culturel qu'on va acquérir lorsqu'on est jeune à Saint-Martin. Parce que c'est normal, c'est une façon de s'exprimer un peu librement. de prendre aussi possession de son corps et d'apprendre à être libre dans son corps, tout comme ça peut l'être d'apprendre à marcher ou de courir. Et ça, c'est quelque chose qui est totalement présent.
- # Myriam Sellam
C'est génial.
- #Jemi Van Dijk
Et donc, c'est évidemment différent d'une culture à l'autre, mais chez nous, ça serait totalement normal de voir ça.
- # Myriam Sellam
Donc, en tout cas, toi, ça a été le cas. Tu bougeais sur la plage, tu faisais des saltos à droite à gauche, j'ai bien compris.
- #Jemi Van Dijk
Ah, mais absolument. Je pense que j'étais assez intenable. Courage à mes parents, qu'ils ont fait pour moi. pour m'élever sans que je finisse à l'hôpital. Enfin, si j'ai fini à l'hôpital pleine forme, mais bref. Ah bon ? Mais j'étais casse-cou. Les cicatrices, il n'en manque pas. Et par contre, je me rappelle aussi mon frère. Il était incroyablement fan de Michael Jackson. Et donc, il avait toujours une paire de chaussures bien spécifiques. Et quand il y avait des amis qui venaient à la maison, nous, par exemple, c'était « Vas-y, attends, on va danser pour eux. » Donc, on sort les chaussures et puis on fait ce qu'on a vu à la télé. Donc, ça, pour nous, c'est... C'est un divertissement, le temps d'une soirée, quand on invite des amis à la maison pour l'apéro. Les enfants, ils vont sortir les chaussures et puis ils vont venir danser, spectacle. Le show,
- # Myriam Sellam
quoi.
- #Jemi Van Dijk
Ah oui, on peut difficilement s'en départager.
- # Myriam Sellam
En tout cas, j'ai l'impression qu'il y a beaucoup de joie dans ton enfance. En fait, finalement, sur cette île qu'on connaît assez peu, Saint-Martin, en fait.
- #Jemi Van Dijk
Complètement. Et je pense que ça, c'est le maître mot. C'est une expression de joie. Ça peut prendre plein de formes différentes. Et en fait, c'est toutes les formes. visuels, avec les costumes corporels, avec la danse musicale, avec les variétés musicaux. Vraiment, c'est toutes les formes réunies pour un moment d'exprimer de la joie. C'est exactement ça, le vecteur directeur. Pour moi, en tout cas, si je devais décrire le carnaval en un mot, c'est vraiment la joie.
- # Myriam Sellam
Dans le carnaval, et apparemment aussi dans la vie de tous les jours.
- #Jemi Van Dijk
Ah oui. C'est plus qu'un moment,
- # Myriam Sellam
tu vois. Parce qu'il y a des fois... Ça peut être dans certains endroits le moment où on expulse, parce que c'est un peu ça l'idée du carnaval à la base. Mais là, j'ai l'impression que ça, Martin, c'est tout le temps le cas. On danse tout le temps, quoi.
- #Jemi Van Dijk
C'est exactement ça. Je dirais que chez nous, le carnaval, ce n'est pas le moment où on expulse. Par contre, c'est le moment où on rassemble tout. Chacun dans son coin est en train de le faire de toute façon. Et en fait, c'est une grande rencontre.
- # Myriam Sellam
Tu vis donc à Saint-Martin. Quelle idée bizarre de partir de cette île ?
- #Jemi Van Dijk
Je pense que je suis très aventurier et la réponse est très simple. L'île est très petite. Elle est paradisiaque. Je vous invite vivement tous à aller le voir parce que vraiment, qu'est-ce qu'on veut de plus ? Et en fait, moi j'aime bien le monde en grand. J'aime bien aussi le voyage. Mine de rien, Saint-Martin a aussi contribué beaucoup à ça. Par exemple, chez nous, il est normal au quotidien d'entendre trois ou quatre langues parler. L'anglais, le français, espagnol, néerlandais, le créole haïtien, juste pour en citer les plus fréquents. Alors sur un petit territoire, en fait, ça donne l'impression de voyager. Bien sûr. Parce que tu pars au restaurant, on parle français, mais quand on va aller à la poste, on va parler anglais. Et donc cette grandeur représentée sur un tout petit territoire, je pense que c'est aussi quelque chose que j'aime. Donc moi déjà, j'ai quitté Saint-Martin pour pouvoir faire les études, parce qu'on n'a pas d'établissement d'études supérieures. Donc une fois qu'on a le bac... Si on veut entreprendre les études, il faut partir. D'accord. C'est une particularité qu'on a chez nous. Mais aussi parce que j'avais la curiosité et le besoin d'aller un peu plus à l'aventure, d'aller un peu plus dans le monde en grand, disons comme ça. Et je m'y trouve bien, je m'y trouve très bien. Donc Saint-Martin, ça restera toujours dans mon cœur. Je rentrerai toujours voir la famille. Ma mère ne tolérerait pas que je ne rentre pas non plus.
- # Myriam Sellam
Donc tu as encore tes parents là-bas ?
- #Jemi Van Dijk
Oui, alors j'ai ma famille antillaise qui vit à Saint-Martin et j'ai ma famille néerlandaise qui vit aux Pays-Bas. Et moi, avec mes frères, on est un peu l'entre-deux. Donc oui, j'ai mon frère qui est en France, mais sensiblement, c'est pas familial, ça m'arrête.
- # Myriam Sellam
Donc tu te dis, OK, je pars pour les études. Tu vas où alors en France ?
- #Jemi Van Dijk
Donc je vais à Nantes parce que mon grand frère, donc cinq ans de plus que moi, il vit à Nantes à ce moment-là et ça faisait déjà plusieurs années qu'on était séparés. Moi, je voulais juste retrouver mon frère. Donc je n'ai même pas cherché à comprendre. C'était Nantes et nulle part ailleurs. Et qu'est-ce que je suis content parce que je trouve que c'est une ville. où il fait bon vivre, surtout quand on est jeune et quand on est jeune étudiant.
- # Myriam Sellam
C'est là-bas que tu commences un peu ton parcours scientifique ?
- #Jemi Van Dijk
C'est ça. Moi, j'ai fait une première année classe préparatoire, je suis en train d'aller à la fac. J'ai fait la fac de sciences à Nantes, dont une année que j'ai fait en Erasmus à l'étranger en Italie. Je pense que c'est une des meilleures années de toute ma vie. Extraordinaire.
- # Myriam Sellam
C'était où en Italie ?
- #Jemi Van Dijk
À Bologne, la capitale gastronomique. Qu'est-ce qu'on mange bien, c'est incroyable. Les Italiens, ils ont tout compris là-dessus. C'est clair.
- # Myriam Sellam
Tout à fait d'accord.
- #Jemi Van Dijk
Et après, de retour à Nantes pour terminer mon master. Et donc, j'ai dû faire en tout six ans à Nantes.
- # Myriam Sellam
OK. Et après, à un moment donné, tu vas à Strasbourg.
- #Jemi Van Dijk
Donc, après... que j'ai terminé mon master à Nantes, donc je passe le CAPES, mais j'avais des aspirations pour devenir footballeur professionnel avec un ami à moi. Et pourquoi pas ? Ah bah oui, de toute façon, on se donne les moyens de nos ambitions.
- # Myriam Sellam
Exactement.
- #Jemi Van Dijk
On n'avait pas le niveau pour percer en France, ça c'était sûr. Par contre, on avait clairement le niveau pour percer dans d'autres pays où le foot est moins un sport pratiqué à très très haut niveau. On devait partir à ce moment-là et une cascade de soucis financiers c'est que finalement, moi je ne peux... plus y aller. On devait partir où ? On devait partir en Thaïlande et puis en Australie. On avait déjà reporté ce voyage et donc là il y a eu le décès de mon père. Donc ça, ça a changé un peu tous les plans parce qu'il fallait rentrer à la maison et bon bref. Donc j'ai dit écoute, je poursuis mes études, je fais deux ans d'études, je rééconomise de l'argent et à la fin du master, on part. Et donc à la fin du master, il y a tous les problèmes de division de biens de mon père, les trucs notariels et bon, l'argent fond comme neige et je me retrouve encore à... Et donc mon pote il me dit écoute on a déjà reporté une fois, là il va perdre le reporté, lui il est parti. Et donc j'ai dû changer de fusil d'épaule et je suis devenu prof remplaçant. Parce que j'avais demandé justement une année de mise à disposition juste pour aller jouer au foot. Et donc finalement quand bien même j'avais passé le concours, j'avais demandé une année de... disponibilité pour ne pas exercer mes fonctions tout de suite. Mais bon, je n'avais pas d'argent, donc je suis juste allé au rectorat. Je me suis inscrit pour faire un remplacement. Et donc, j'étais prof remplaçant en mathématiques. Et c'était en banlieue nantaise. Et je pense que c'est une année qui est charnière parce que ça m'a montré que l'enseignement, ça me plaît.
- # Myriam Sellam
D'accord. C'est très important chez toi quand même.
- #Jemi Van Dijk
Oui, c'est vachement important parce que ça m'a confirmé l'envie d'aller passer la grève.
- # Myriam Sellam
OK.
- #Jemi Van Dijk
Qui est une grosse charge de travail. Et là, je me suis dit, OK, non. Je pense que c'est quelque chose que j'ai envie de faire, au moins sur le moyen terme, parce que moi, je suis très souvent une personne, j'ai quelque chose que j'aime, je le fais intensivement. Et puis quand j'ai fini,
- # Myriam Sellam
je passe à autre chose.
- #Jemi Van Dijk
Et donc, je me suis dit, je ne sais pas si l'enseignement, ça va être comme ça. Et puis finalement, je me rendais compte que je me reconnaissais beaucoup dedans. Moi, je n'ai jamais su ce que je voulais faire ou plutôt dit, il y a tellement de choses que j'ai envie de faire. Où est-ce qu'il faut faire un choix ? Et donc, j'ai toujours fait les choix les plus larges possibles. qui me laissait la possibilité de papillonner un peu à gauche ou à droite. Je me définis toujours comme une personne qui fait beaucoup de choses et qui n'excelle en rien parce qu'il faut passer du temps pour exceller dans quelque chose. Et moi, j'aime bien papillonner et puis aller toucher un peu à tout.
- # Myriam Sellam
Mais tu as quand même été champion de France. Enfin, ça va.
- #Jemi Van Dijk
Il faut s'entourer des bonnes personnes. Alors, on va dire ça. Je me trouve somme toute ordinaire, mais j'ai la chance de vivre des choses extraordinaires. Et donc, cette année me donne envie de passer la grève. Donc, je candidate. du coup pour les ENS, c'est les meilleurs centres de préparation d'agrégation en France. Et donc du coup je suis pris à l'ENS Ulm ici à Paris. Et donc l'année où j'ai quitté Nantes, d'abord je suis venu à Paris pour préparer l'agrégat, et dès que j'ai eu l'agrégat, encore une fois ne sachant jamais ce que je veux faire, je me suis dit, allez on va faire une formation d'ingénieur au potable hydrolytien, et donc je pars à Strasbourg pour cette école d'ingénieur. simplement parce que la vie d'étudiant, c'est extraordinaire et je n'avais pas envie de travailler. Je me dis si je pouvais être étudiant toute ma vie, ça serait quand même super cool. Donc, je prolonge l'aventure le plus longtemps possible.
- # Myriam Sellam
Mais tu avais fait quand même un normal sup ?
- #Jemi Van Dijk
Donc, je n'ai pas fait le cursus de normal sup. D'accord. Par contre, j'ai fait l'année de préparation à l'agrégation à normal sup.
- # Myriam Sellam
Je vois. Et la danse dans tout ça, pour l'instant, il n'y a rien.
- #Jemi Van Dijk
Donc, pour l'instant, la danse, ça occupe toujours le rôle de la festivité, se retrouver pour passer un bon moment. Mais dans la pratique où moi, je m'en empare pour en faire de la création, de l'interprétation, de la représentation, de la scène. Rien. Pas à ce stade-là.
- # Myriam Sellam
Et ça commence quand alors ? Parce que si j'ai bien compris, quand même, le foot, c'était assez important et tu vas te blesser.
- #Jemi Van Dijk
Exactement. Donc, au moment où je prépare la grève, première grosse blessure, rupture de ligament croisé. Le pire. Ah oui, oui. Et pour le coup, adversaire qui m'a gratuitement séché. Oui, le foot, c'est ma vie et ça serait toujours ma vie. Je me suis construit littéralement avec toutes mes valeurs sur un terrain de foot grâce à mon père. Alors que c'est le plus beau sport du monde pour moi en termes de valeur, la personne moyenne aujourd'hui qui pratique le foot, la mentalité qui y règne, pour le coup, je ne le reconnais pas du tout. Et donc, bref, cette grosse blessure me met au fond du trou. Et donc, on se reconstruit comme on peut. Et là, ça prend déjà plusieurs années entre les deux opérations qui se suivent et les tentatives de rééducation. Moi, qui ne lâche pas du tout mon rêve de vouloir jouer au fou, je tente pendant plusieurs années de revenir. Et j'ai une deuxième blessure à l'autre genou. Et en fait, une fois qu'on a la première blessure, souvent, c'est un petit peu la dégringolade. À ce moment-là, je n'ai pas du tout la notion de prendre soin de son corps. J'ai la notion d'être performant, j'ai la notion d'être athlète, d'être discipliné et de travailler dur. Mais cette notion de prendre soin de son corps, en fait, ça ne m'a jamais été inculqué ou éduqué. Et je ne mesure pas la nécessité que c'est que de savoir prendre soin de son corps si on veut avoir son corps comme outil de travail. Et donc mon erreur, en fait, elle se trouve là. Et là où la première bascule, elle se fait, c'est à force d'avoir perdu de la mobilité dans mes genoux et d'être... désireux de reprendre le foot, je fais tout ce qui est en ma possession pour retrouver mes capacités physiques et notamment déjà juste fléchir le genou et m'accroupir. Et donc je fais un cours de yoga parce qu'au bout de quelques mois la kiné elle me dit c'est bon tu marches, les activités de la vie quotidienne pas de souci, on a terminé. Et moi je dis non non on n'a pas terminé je peux pas m'accroupir, j'ai pas retrouvé la pleine possession de tous mes moyens physiques. Je dis mais non mais ça t'as pas besoin de t'accroupir dans la vie de tous les jours. là, tu es remis, tu peux marcher. Et donc, bref, j'étais livré à moi-même. Je me dis, non mais qu'est-ce que je fais ? Donc, je m'inscris à un cours de yoga.
- # Myriam Sellam
Pourquoi yoga ?
- #Jemi Van Dijk
Parce que je me suis dit, au moins, ça va travailler la souplesse. Ok. Et je suis parti avec l'idée en tête. Je me suis dit, bon, ça va me faire chier. Moi, j'ai besoin d'un terrain de foot, parce que je ne peux pas rester en place. Donc, rester sur un tapis pendant deux heures, ça va être dur. Ouais, tu as besoin de te défouler, quoi. Oui, et je dis, bon, on va respirer, on va machin, mais je dis, tu le fais pour ton bien, tu fais ça deux, trois mois et ça va le faire. Et je ne me suis jamais autant trompé de toute ma vie. Je m'inscris dans un cours de yoga. Déjà, je ne savais pas qu'il y avait plusieurs styles de yoga. C'est le yoga réputé le plus difficile et il porte très très bien sa réputation, le Ashtanga. Je ne savais pas qu'il y avait des niveaux. Je me pointe dans un cours intermédiaire avancé. Et il y a un petit prof Sri Lankais qui ne paye pas de mine, il a 60 ans comme ça, avec son accent. Et je n'ai jamais... football exclu, je n'ai jamais autant transpiré de toute ma vie. C'était un carnal. Et en plus, compétiteur, le prof, il dit de faire un truc. Ah non, tu le fais. Il y a un challenge, évidemment. Et puis là, je vois des personnes à côté de moi, ils font ça comme si c'était rien et moi, je suis en train de mourir dans le coin. C'était incroyable. Et j'ai eu des courbatures et des douleurs à des endroits de mon corps. Je ne savais même pas que j'avais des muscles. Et oui, c'est ça. Je me suis réveillé le lendemain et je me suis dit... C'est ça qu'il me faut dans ma vie. Et je n'ai plus jamais lâché mon prof du végan jusqu'à aujourd'hui. C'est toujours le même ? Ah ouais, c'est toujours le même. Ah oui, je ne lâche absolument pas. C'est un petit... Je me rappellerai toujours. Il a 30 ans de plus que moi. Et à chaque fois qu'il fait quelque chose, parce qu'il est 3 fois plus fort que moi, et à chaque fois que je n'arrive pas à le faire, il me dit toujours « Dans 30 ans, mon petit. » Le but, ce n'est pas de le faire le plus rapidement possible, c'est d'être encore capable de le faire dans 30 ans.
- # Myriam Sellam
Belle philosophie.
- #Jemi Van Dijk
Ah ouais, incroyable. C'est une marque de longévité. En fait, moi, ma pratique corporelle a toujours été sur la performance. Et je pense que tant que quand on est jeune, on n'a jamais eu de blessure, on ne se dit pas qu'il va y avoir une fin, on ne se dit pas que le corps, il va se trahir, échanger et être limité. Et donc, cette notion de longévité, je ne la prenais pas en compte. C'était la perf. Tout ce qu'on fait maintenant. Et surtout, coûte que coûte. C'est-à-dire, tu fais ce qu'il faut pour être performant. Depuis que j'ai démarré le yoga, en fait, ça m'a appris, mais voilà ce que j'aurais dû faire. depuis mon adolescence, si je voulais utiliser mon corps comme outil de travail, mais on ne peut pas taper dessus tout le temps et ne pas en prendre soin. Et en fait, c'est le yoga vraiment qui m'a mis dans cette notion de « attends, mais je pensais connaître mon corps, c'est pas vrai, je connais une facette de mon corps, et finalement, il y a tellement d'autres facettes, en fait mon corps est pluriel. » Et c'est vraiment le yoga qui m'a mis la main sur, j'avais l'impression, alors que je ne pouvais plus jouer au foot et que c'est la plus grosse déception de ma vie, mais quelque part... Ça m'a poussé vers découvrir tant d'autres choses. Et là, je me rends compte, mais en fait, mon corps, il a tellement de facettes. Et donc, cette première ouverture d'esprit, c'était vraiment le pied que j'ai mis dans le yoga.
- # Myriam Sellam
Et après, tu fais de la salsa.
- #Jemi Van Dijk
C'est de bouche à oreille. Une amie qui me dit, tiens, viens, on va essayer de la salsa. J'avais un ami qui s'était mis du coup à la danse où on avait commencé la kizomba ensemble. Il faisait des festivals. à l'étranger. Et donc je lui disais, écoute, Je viens avec toi au festival étranger Au moins faire tous les cours de danse tous les jours, etc. et t'en faire, mais moi, ça ne m'intéresse pas. Par contre, sortir visiter la ville, on est allé, je ne sais pas, des endroits d'Estonie, on est allé en Suède, en Norvège. Et moi, je disais la journée, moi, je profite du voyage. Et par contre, le soir, je viens faire la fête avec toi. Donc, ne sachant absolument pas danser. Et ça, par exemple, c'est typiquement dans notre culture. Alors, peut-être qu'aujourd'hui, ça a un peu changé, mais je peux t'assurer, à Saint-Martin, il n'y a pas un cours pour aller apprendre à danser ou en tout cas Ça, ça prend sur le terrain. Tu sors, tu mets ton costume, tu bouges et ça va venir petit à petit. Il y a ce côté on apprend en faisant. Et donc, en fait, c'est comme ça que j'ai appris. Je n'ai jamais pris de cours. Et bon, c'est très différent ici où il y a plus une leçon de... Ouais, c'est scolaire.
- # Myriam Sellam
C'est très scolaire.
- #Jemi Van Dijk
C'est très scolaire. Et donc, finalement, moi, j'ai appris un peu sur le tas en faisant des festivals. La salsa. Les trois, la salsa, bachata et kizomba. Et donc, c'est un peu comme ça où j'ai mes premiers pas dedans parce que c'était accouplé avec la leçon de voyage. Et en fait, finalement, ici, je ne sortais pas du tout à Paris. Et je rencontre une personne qui me dit, tiens, il y a un super endroit pour faire des soirées salsa. Bon, allez, je me joins. Et la personne qui donnait le cours là-bas, c'était Léon Rose. Donc, c'est une petite péniche ici qui s'appelle Agua. Et il donnait le cours. Et il se trouve qu'on a eu les atomes crochus juste parce que Léon Rose, en fait, il est anglais. D'accord. Et donc, il pète toujours des blagues. Enfin, ça s'entend qu'il est anglais. Il parle avec un accent vraiment anglais. Il a vu mon... Ah, clairement.
- # Myriam Sellam
Ah, j'adore.
- #Jemi Van Dijk
Et puis, il sort des blagues en anglais, où je pense que trois quarts des personnes ne comprennent pas. Et moi, comme ma langue maternelle, c'est anglais, en fait, j'explose de rire à chaque fois. Donc, finalement, c'est pas tant que je suis bon en danse qui fait qu'on les attend de crochus, mais juste parce qu'on parle la même langue. Voilà. Donc, encore une fois, ma culture Saint-Martinose qui vient me sauver. Et un de ses quatre, il me dit, tu fais quoi samedi ? je vais au avoir des amis, il dit non, tu vas pas au Havre, j'ai un atelier chorégraphique, tu viens faire l'atelier chorégraphique maintenant. Et je dis ben non, je vais au Havre, il dit non, je crois que t'as pas compris mais là, tu viens dans mon atelier chorégraphique, je dis bon allez, ok. Et moi je suis une personne très curieuse, j'aime bien la découverte. Tu me proposes un truc, avec plaisir, la seule façon de savoir c'est d'essayer. Donc je fais son atelier chorégraphique, et le but c'est, on prépare quelque chose, samedi, dimanche soir, t'es sur scène, tu passes sur scène.
- # Myriam Sellam
Génial !
- #Jemi Van Dijk
3 heures. donc très bien, bon, sauf que moi le dimanche soir je suis au Havre, je fais son atelier chorégraphique et il me dit ok, qui veut passer sur scène ? donc moi j'ai dit bon bah du coup je suis pas là, il m'a dit Jamie, tu es sur scène demain soir, je dis non mais je crois que t'as pas compris, je suis au Havre il dit non mais maintenant tu vas changer ton billet, tu vas rentrer plus tôt et tu es sur scène avec nous donc toi mets-toi à gauche, je me suis dit mais il a un problème je me suis dit allez vas-y, j'appelle mes potes Je change le billet, je rentre plus tôt. Et en fait, dans cet atelier chorégraphique, il y a ma future partenaire de danse qui a fait cet atelier chorégraphique aussi avec lui. On fait la scène le dimanche soir. Et donc, en fait, c'est ma première fois à représenter un truc sur scène. Et à la fin, pendant la soirée, il vient nous voir. Donc moi et ma partenaire de danse, elle s'appelle Julie. Et il dit, je monte une troupe de salsa semi-professionnelle. Vous y êtes ?
- # Myriam Sellam
Voilà. Ah ouais, t'as pas le choix.
- #Jemi Van Dijk
Ah non, mais ce mec, il est extraordinaire. Et tu sais, moi, je lui rappelle, je dis, mais en fait... Tu sais que je ne danse pas la salsa, je suis là, je mime très bien, ça on est d'accord, mais moi, je ne sais pas les personnes qui sont dans ta troupe, ça fait 10 ans qu'ils dansent, ils attendent ce moment, moi je ne danse pas. Ouais, non mais ce n'est pas grave, je sais, tu viens.
- # Myriam Sellam
Ouais, mais il l'avait senti.
- #Jemi Van Dijk
Il l'avait senti. Et à ce moment-là, j'avais ma deuxième blessure au genou et du coup, je devais me faire opérer. Je me suis dit, mais en plus, là, en fait, je vais me faire opérer en juillet. Donc on était fin juin. Je me fais opérer en juillet, j'ai six mois de rééducation. Ton truc commence en septembre, moi je suis dispo qu'en décembre. Il m'a dit, c'est pas grave, on t'attend. Je me suis dit, mais c'est quoi ce truc ?
- # Myriam Sellam
Incroyable.
- #Jemi Van Dijk
Tu vois, parfois la vie, au fur et à mesure que le temps passe, je me rends compte, la vie met sur notre passage des événements. Et il est dur d'expliquer le pourquoi, mais la chaîne de conséquences fait que, en fait, ça t'emmène quelque part. Je pense qu'il ne me pousse pas à faire toutes ces choses-là, je ne suis pas du tout là où je suis aujourd'hui. Je suis éternellement reconnaissant à Léon Rose pour ça, et qui les confiance. En une personne, en fait, qui ne danse pas du tout de la salsa, pour sa troupe semi-professionnelle, je lui dis mais il a fumé la moquette ou qu'est-ce qui s'est passé ? Il travaille pendant plusieurs mois. Moi, de temps en temps, je passe juste pour voir un peu les répètes. Et donc, à ce moment-là, ma partenaire de danse est amputée d'un partenaire. Mais bon. immeubles et il dit ouais dans quelques mois il y a un type qui va venir, en plus du coup tout le monde qui était dans la troupe le monde de la salsa n'est pas très grand Tout le monde se connaît.
- # Myriam Sellam
Et donc, tout le monde lui demande, attends, c'est qui ce type-là qui va arriver dans trois mois qu'on attend ? Mais on ne l'a jamais vu en soirée, lui. C'est qui ce mec ? Il sait danser, lui ? C'est tellement bizarre, mes débuts dans cette troupe. Et en fait, il m'a accueilli comme des frères et des sœurs. C'était super l'accueil qu'il m'a réservé. Et moi, je me suis dit, écoute, j'ai l'occasion de faire quelque chose que je n'avais jamais fait avant. Et moi, quand quelqu'un me donne une confiance, je veux le rendre. Et pour le coup, personne ne travaille plus que moi. Donc là, moi, je travaille comme un acharné. Et c'est là où je prends la mesure du travail que ça représente pour les artistes. Ah ouais, c'est beaucoup, beaucoup de travail. J'ai énormément de respect pour les artistes parce que quand on voit trois minutes, en fait, on ne sent pas le nombre d'heures qu'il y a derrière.
- #Jemi Van Dijk
Et c'est de la salsa acrobatique ?
- # Myriam Sellam
Non, là, c'est de la salsa portoriquaine. C'est juste de la salsa acrobatique. Par contre, comme moi, j'ai été accouplé avec ma partenaire de danse, Julie, elle, elle est gymnaste. Et donc, tous les deux, on aime bien les acrobaties. La partie que moi, j'aime bien dans la danse, c'est le côté acrobat, les portées. Et finalement, elle aussi. Et en fait, on a les atomes crochus et on commence du coup à travailler nos propres portées. Dans notre coin, on commence à faire des arts du cirque, de l'acro-yoga, un peu du mam. Et c'est de là que naît l'idée de monter un duo de salsa acrobatique, qui était son idée en fait. Même chose, quelque chose m'emporte et puis je me laisse porter par. Et c'était un projet du coup qu'elle avait déjà depuis longtemps, mais bon, elle ne trouvait juste pas le bon partenaire pour le faire. Et là, même chose, les atomes crochus, elle me dit « Ah, tu ne veux pas le faire ? » Et moi je lui dis « Bah écoute, pendant qu'on y est... » Allez, on y va. Et donc ça, c'est un autre processus parce que pour le coup, là, c'est on crée. De toutes pièces, on crée. Et c'est encore un autre...
- #Jemi Van Dijk
Un autre step.
- # Myriam Sellam
C'est un autre step que s'entraîner et répéter un truc pour l'interpréter et le représenter.
- #Jemi Van Dijk
Qu'est-ce que ça t'apporte du coup la salsa, que ce soit physiquement ou mentalement ?
- # Myriam Sellam
Alors, je n'ai pas forcément une affiliation avec une danse particulière. La salsa, c'est juste qu'il se trouve Léon Rose est prof et chorégraphe international de salsa. Ça aurait pu être autre chose. Par contre, ce que j'aime beaucoup, c'est le jeu à deux. Ça, j'aime beaucoup. C'est-à-dire, si moi, je devais faire de la danse tout seul, ça a évidemment son charme. Et c'est une autre chose que l'alchimie avec une personne. Et donc, à travers que ce soit la salsa, la bachata ou la kizomba, Cette notion de... la connexion entre deux partenaires, je me rends compte à quel point c'est tellement variable d'une personne à l'autre. Et c'est aussi un vrai plaisir et agréable quand on a une personne avec qui le feeling passe. Ça donne vraiment des... Je peux comprendre que les personnes tombent complètement addictes de ça et deviennent des salseros toute leur vie ou des bachateros toute leur vie, des kisoberos toute leur vie. Je comprends parce que c'est vraiment une sensation assez difficile à reproduire. Et donc ça, c'est un peu mes premiers pas où je me rends compte de qu'est-ce que ça fait quand on a entre les mains une personne avec qui il y a un truc qui dépasse les mots, mais en fait, on le sent tout de suite. Et ça, c'est quelque chose qui nourrit ma curiosité et où je me dis maintenant, c'est quelque chose que j'ai envie de faire, sachant que moi, j'ai plutôt un côté acrobatique que j'aime bien, peut-être à l'envers. Et donc, je sais que les portées, pour le coup, c'est le truc qui me va un peu la poudre aux yeux.
- #Jemi Van Dijk
Et donc, c'est peut-être aussi ce qui va te plaire dans la pole dance.
- # Myriam Sellam
Ah ouais ! Alors ce qui est sûr, c'est moi. Alors les trucs acrobatiques, si moi je n'étais pas footballeur, je pense que j'aurais fait de la gymnastique. D'ailleurs, je pense que j'aurais pu faire les deux quand j'étais petit. Mais bon, des écoles de cirque à Saint-Martin, il n'y en avait pas il y a 30 ans. Et moi, je ne savais pas que ça existait, les arts du cirque. Pour moi, le cirque, quand j'étais jeune, c'est le tigre qui saute à travers un anneau de feu et on le fouette. Et donc, je me rappelle, ma première copine, elle m'a ramené voir un spectacle de cirque. Et moi, j'imaginais voir des animaux et tout. Je me dis, moi, ça ne m'intéresse pas, ce truc. Elle me dit, non, mais en fait, je crois que tu n'as pas compris ce que c'est. Elle me ramène voir, là où je vois des acrobates qui font des trucs. Et je me dis, non, mais il y a des gens qui font ça de leur vie.
- #Jemi Van Dijk
Ils sont payés pour ça.
- # Myriam Sellam
Mais moi, on m'a engueulé pour faire des roues et des roulades toute ma vie. Et en fait, il y en a qui sont payés pour faire ça. C'est quoi ce monde dans lequel on vit ? Je tombe des nues un petit peu. et c'est extraordinaire. Et je me dis, mais non, mais oui, c'est ça que moi j'aime. La personne qui me met les deux pieds dans le plat, c'est Julie. C'est ma partenaire de danse que je rencontre dans cette salle. C'est elle qui m'a fait démarrer les cours d'équilibre sur les mains. J'adore faire ça. Ensemble, on a travaillé tout ce qui était porté acrobatique. Les duos, le main à main, tout ce qui est la danse. Évidemment, c'est avec elle que je fais mes grands pas dans la salle. Et c'est elle. qui m'offre, parce qu'elle savait très bien, en plus j'en parlais ou elle voyait que j'aimais ça, qui m'offre mon premier cours de pole dance pour mon anniversaire. Et elle me dit, OK...
- #Jemi Van Dijk
T'as quel âge ?
- # Myriam Sellam
J'ai... Donc c'était en 2019. J'ai 30 ans. OK. J'ai 30 ans, exactement. Je ne sais pas où je vais. Elle me dit juste, tu prépares la tenue, le ci, le ça. Et là, on arrive. Je me dis, non, c'est pas vrai. Et on a un cours quasiment exclusivement juste pour nous. Donc, je crois, on est trois. On se régale. Et même chose. C'est un peu le coup de cœur que j'ai avec mon prof de yoga. Même chose. Donc, elle m'a dit, non, là, j'ai une bonne prof pour toi. Et le coup de cœur avec ma prof de pole, jusqu'à aujourd'hui. je lui suis jusqu'à aujourd'hui et je ne la quitterai jamais. Donc ce qui m'a mis les deux pieds dans les arts du cirque, dans le monde des arts du cirque, clairement, c'était Julie. Je l'en serai toujours éternellement reconnaissant pour ça parce que c'est le tremplin, c'est la pierre angulaire sur laquelle reposent les activités que je fais aujourd'hui. Et si j'en suis là où j'en suis aujourd'hui, c'est un moment extrêmement phare, tout comme Léon Rose. C'est des gens qui ont cru en moi, qui m'ont demandé, exigé des choses de moi que je ne voyais même pas en moi-même. Et moi, quand ça, ça arrive, je me dis, écoute les gens écoute penses pas que tu peux le faire, c'est pas grave. Eux, ils savent, ils ont vu, et s'ils te le demandent, non, c'est que t'en es capable.
- #Jemi Van Dijk
Et tu dis que c'est des arts du cirque, mais pour moi, c'est de la danse, la pole dance.
- # Myriam Sellam
Alors, pour le coup, je pense que c'est un très bon entre-deux. Vraiment. Parce que maintenant, de plus en plus, ça prend un peu plus de place et d'existence dans le monde du cirque. Ce qui peut-être n'était pas le cas il y a 20 ou 30 ans. Et en même temps, en fait, il y a un côté extrêmement artistique, musical et représenté. Et je trouve en fait, ça marie très bien les deux. D'ailleurs, les compétitions de pole dance, il faut faire les deux. Il y a une part artistique non négligeable et même d'ailleurs très gracieusement récompensée, tout autant que la partie pratique sur la pole, que je dirais la partie acrobate. Donc oui, c'est un super entre deux. Et je pense que ça me ressemble beaucoup. Pourquoi ? Parce que... j'aime pas faire des choix, ou plutôt j'aime faire les choix les plus larges, qui me permettent de faire toujours un peu de tout. Et là, il y a un peu de tout dedans. Moi, je me définis ni comme un danseur, ni comme un pôleur, ni comme un circassin. Moi, je me définis juste comme une personne qui aime faire plein de petites choses, et si je peux avoir la tête à l'envers, ça m'arrange. Et je me retrouve tellement bien dans cette pratique. Ça provoque des sensations que je peux difficilement reproduire ailleurs. Et surtout... depuis mes grosses blessures et un peu ma reconversion, ma redécouverte de mon corps, finalement, ce qui m'empêche de jouer au foot, c'est les impacts, les genoux fragiles et donc les percussions. Je ne peux pas les répéter. Et donc, il faut que je fasse maintenant des choses, soit douces, dont le yoga, dont du pilates, ou en suspension, la pole dance. C'est magnifique.
- #Jemi Van Dijk
C'est parfait.
- # Myriam Sellam
Donc les portées acrobatiques, les équilibres sur les mains, la pole dance, c'est mon dada maintenant. Et je n'aurais jamais pensé à ça moi seul. Et c'est parce qu'en fait, elle m'a mis les deux pieds dans le plat. Techniquement, il faut être bon et propre. Donc il faut beaucoup de répétition. Il faut de la discipline parce que la technique, en fait, c'est ce qui compte avant toute chose. Et du coup, il faut aussi une force mentale parce que... en fait, le résultat ne va pas venir facilement et on ne peut pas faire semblant. Et c'est ça qui le rend difficile. Ce n'est pas forcément la pratique en elle-même, parce que pour moi, par exemple, la pratique de la pole, elle est tout aussi difficile que, je ne sais pas, la pratique de la salsa. Moi, quand on répétait du coup pour nos numéros, mais ce n'est pas facile non plus. Mais c'est qu'il y a ce côté, la récompense, c'est noir ou blanc et c'est binaire. Et pour avoir la récompense que tu veux, il faut y aller. On ne peut pas faire semblant. Et en ce sens, c'est beaucoup plus sélectif. C'est beaucoup plus exigeant et ça ne laisse pas place aux... À peu près. À peu près. Et ça, ça peut être frustrant quand on démarre une discipline parce que le coût d'entrée est tellement élevé qu'en fait, ça se joue à la force mentale. C'est de dire, est-ce qu'on va rester accroché jusqu'à ce que ça passe ? Est-ce qu'on va être patient ? Est-ce qu'on va y mettre le nombre d'heures qu'il faut mettre dedans ? Parce que c'est un coût énorme. Et donc... Pour moi, c'est beaucoup une question de force mentale. Toutes ces disciplines un peu artistiques, les portes acrobatiques, c'est pareil. On peut être indépendamment fort et si on n'est pas ensemble, c'est fini. Et je pense que je suis attiré par ces choses qui sont très exigeantes.
- #Jemi Van Dijk
Mais ça veut dire que tu as aussi, notamment pour la pole, cette force psychique.
- # Myriam Sellam
Ah oui, très clairement. Et je le reconnais immédiatement dans ma prof. Elle s'appelle Claudia Sylvaniz. Sa mentalité, c'est exactement la même que la mienne. C'est-à-dire ? Arnouille. Ah ouais. Et rigoureuse. Alors là, si je monte sur la pôle et qu'il y a un truc qui n'est pas bien, c'est d'habitude, tu descends, tu recommandes. Elle ne laisse pas de place. Ah ouais, elle ne laisse pas de place pour l'à-peu-près. Elle est carrée et rigoureuse, mais c'est tellement important du coup pour correctement se former. Et enfin, elle a tellement raison et moi, je me retrouve là-dedans. Je suis une personne très joviale. Je suis une personne qui aime rire, qui aime beaucoup rire. Et donc pour moi... S'il faut faire quoi que ce soit, on doit passer un bon moment. Et on regarde tous mes profs. Ah ouais, et on regarde tous mes profs. Léon Rose, on ne peut pas passer 5 minutes avec ce mec sans exploser de rire. Alors oui, tu vas bosser très dur. Oui, tu vas faire des trucs incroyablement difficiles. Mais tu vas exploser de rire en permanence. Claudia, elle blague tout le temps à la pole. Mon prof de yoga, il a un humour sans nom. Et donc pour moi, ça doit toujours rester. C'est marrant, je ne m'en rends même pas compte. Mais maintenant, en racontant toute cette histoire, Mais il y a la joie.
- #Jemi Van Dijk
Qui revient du carnaval.
- # Myriam Sellam
Mais il y a la joie. Ben ouais. Ça doit être marrant. Et moi, j'ai fait plein de cours avec des gens incroyablement performants, qui sont les meilleurs du monde dans leur domaine, mais c'est un peu soporifique. Et tout respect à leur travail, à leurs compétences, à leur pédagogie, et j'écoute ce qu'ils ont à dire parce que j'en ai tellement à apprendre. Mais là où je veux me retrouver, moi, dans une pratique régulière, hebdomadaire, où je veux évoluer, en fait, j'ai besoin de ce côté. Un enfant qui veut juste enfiler ses chaussures et aller sur le terrain jouer, avoir la joie. Et en fait, mes profs, ils ont ce côté très exigeant dont j'ai besoin, que j'adore, parce que j'aime bien ces choses qui me demandent d'aller au bout de mes limites et d'être performant. Et en même temps, qui apporte ce côté, mais en fait, on prend son pied.
- #Jemi Van Dijk
La vie, elle est trop courte pour s'embêter. Qu'est-ce qui te fait, à un moment donné, te dire, OK, je vais essayer de faire un championnat ?
- # Myriam Sellam
Ma prof, clairement, je crois que c'était au bout du troisième cours, m'a dit, Jamie, si tu choppes tes grands écarts, tu peux devenir champion de France. Au bout du troisième cours. Encore un énième personne qui voit en moi des choses que moi, je ne soupçonne absolument pas et qui me met les deux pieds dans un plat pour un truc. Je me dis, mais c'est quoi votre problème à m'assigner des rôles que je n'ai pas demandé ? Et encore une fois, je me dis, c'est de quoi elle parle. elle-même a été vice-championne de France. Elle parle d'expérience. Tais-toi, écoute-la et tu fais.
- #Jemi Van Dijk
Le maître a parlé.
- # Myriam Sellam
Ah mais moi, c'est très simple. Les personnes qui ont de l'expérience, mais prend ce qu'ils ont à dire. C'est toujours dans mon intérêt de l'entendre. Et on en arrive, là, dans l'histoire, on en est à la quatrième personne. Mon prof de yoga qui me dit, fais des cours de yoga. Léon Rose qui me dit, rentre dans la troupe de salsa. Julie qui me dit, on monte un numéro de salsa acrobatique, on fait des duos de portée. Claudia qui me dit tu peux devenir championne de France. Et moi, je suis là. OK, pourquoi pas ?
- #Jemi Van Dijk
Et donc, du coup, elle te prépare comme ça pendant combien de temps ?
- # Myriam Sellam
J'ai commencé la pôle. Alors, j'avais fait un cours, c'était découverte pour mon anniversaire. Et c'est le confinement qui me lance sur la pôle parce qu'on ne sait plus rien. Le premier confinement, je pense que tout le monde s'arrache un peu les cheveux. Et au deuxième confinement, je me dis non, attends, là, je ne peux pas. Alors que j'avais fait deux cours de pôle. J'ai décidé, j'achète une barre de pôle, je la mets chez moi. Je ne pensais pas que j'avais la place. Et là, j'ai décidé, on va prendre le lit, le plaquer contre le mur, on va tout bouger. C'est parce que ma prof faisait des cours en ligne. Et je pense qu'elle nous a tous sauvés chez ses élèves. Et comme sa discipline et sa rigueur étaient tellement claires, je me suis dit, mais en fait, je sais que quand elle va dire quelque chose, je vais immédiatement le comprendre, je me sens en sécurité. Et j'avais parfaitement raison. Et donc, en fait, mes débuts de pôle, officiellement, où je me dis, je le mets maintenant dans une pratique régulière, c'est 2021. Et pendant 4-5 mois, en fait, on a les cours en ligne. Parce que pas encore le droit de se rassembler, etc. Et donc, ce n'était pas forcément pour préparer un championnat, c'était juste pour faire de la pole, parce que j'adorais faire ça. Et les histoires des championnats, ça ne vient que bien après, quand ma prof ouvre son école de danse à Montreuil, donc c'est la Phoenix School. Et je me dis, attends, moi j'aimerais bien apporter un petit peu ma petite pierre à l'édifice. Qu'est-ce que moi je peux faire pour contribuer un peu à l'image de cette école, à l'éclosion. Je donne des cours de yoga dans son école. Je me dis, putain, mais ça me ferait trop plaisir pour Claudia, pour la Phoenix School, de faire des championnats et puis de gagner un championnat, ou en tout cas, faire quelque chose de très adorable. Et donc, ça a pris naissance au moment où elle a ouvert l'école. Et c'était il y a deux ans, deux ans et demi.
- #Jemi Van Dijk
Et qu'est-ce qui s'est passé, du coup ?
- # Myriam Sellam
Donc, du coup, première année, je pense que sur deux ou trois années successives, je me dis, je vais tenter des petites blessures, début d'indice discal, etc. Et à chaque fois, blessé au moment où les championnats vont venir. Et l'année dernière, je me dis, écoute, blessé ou pas, allez, on y va. Donc du coup, je fais le championnat de France l'année dernière. C'est un sport très genré, donc on est très, très, très peu d'hommes. L'année dernière, personne d'autre, hormis moi, dans ma catégorie s'inscrit. Et ça me donne le droit, donc, d'aller, évidemment, qualifier pour les championnats du monde. Et donc, il y avait les championnats du monde en Italie, en décembre. Et c'est là où, du coup, je deviens vice-champion du monde. On n'était que cinq dans ma catégorie.
- #Jemi Van Dijk
Que cinq hommes, c'est ça ?
- # Myriam Sellam
Que cinq hommes dans ma catégorie. C'est très genré, la discipline. mais déjà qu'il y ait 5 concurrents, c'est génial. Et donc là, j'ai répété l'expérience cette année, et où j'étais au championnat. C'était il y a deux semaines le championnat de France de Pôle 2025. Et trop content, il y avait du monde. C'est-à-dire qu'on était au moins trois dans ma catégorie, trois hommes. Et du coup, là, je l'ai regagné cette année avec à la clé, du coup, le droit de faire les championnats d'Europe et les championnats du monde encore cette année. Les championnats d'Europe, je suis pris parce que je représente le spectacle avec la compagnie Carna. On est pris sur une autre date. Mais les championnats du monde, j'espère être disponible.
- #Jemi Van Dijk
Et justement, le fait que ce soit genré ?
- # Myriam Sellam
Moi, j'aime bien. Je pense que toute ma vie, j'ai toujours été entouré. très, très, très majoritairement de femmes. Je ne sais pas pourquoi, je me suis très peu reconnu dans le garçon moyen de mon âge ou le jeune homme moyen de mon âge. Et par contre, je suis toujours reconnu chez les filles, chez les femmes. Et donc, 90% des personnes que j'ai dans mon entourage ou à qui je parle, en fait, sont des femmes. Donc ça, ça me ressemble tellement. Mes amis ne sont même pas surpris. Et finalement, j'ai fait du yoga quasiment que des filles. Je suis de la peau, c'est quasi exclusivement que des filles. Je me suis mis là dans le massage Thaï, donc massage thérapeute. On fait une formation de massage avec des nanas. Donc je ne sais pas, j'ai toujours été entouré de filles, de femmes. Et c'est un peu l'univers dans lequel j'évolue ou dans lequel je me retrouve.
- #Jemi Van Dijk
Et du coup, quand même, tu en fais un spectacle. On va parler de cœur rouge. Ça questionne aussi la masculinité.
- # Myriam Sellam
Complètement. Et d'ailleurs, je pense que plus que ça questionne, ça nous pousse à réfléchir. C'est toujours important de redéfinir un petit peu les choses qu'on a déjà définies, parce que les temps changent, les expériences font que nous on évolue, la société évolue. Et donc oui, ça questionne clairement la question de la masculinité et je pense que c'est aussi une belle façon d'adresser le sujet de la masculinité que d'aller explorer justement ce avec quoi on ne fait pas le parallèle. Donc je pense typiquement, la pole dance, c'est très genré. peut-être qu'il y a aussi beaucoup de masculinité à explorer dans une pratique où on ne l'associe pas forcément au masculin. Parce que ça donne forcément place à découverte, vu que c'est quelque chose qui est très peu exploré.
- #Jemi Van Dijk
Comment s'est né ce spectacle ?
- # Myriam Sellam
Et donc, encore une fois, je ne sais pas. Je fais un stage de grand écart. De grand écart ? Oui, pour travailler les grands écarts. Parce que Claudia m'a dit, si tu choppes tes grands écarts, tu deviens champion de France. Moi, j'écoute, je fais un stage de grand écart. Je ne pose pas trop de questions. Je suis très primitif, comme on me donne une instruction, moi je le fais, je ne pose pas trop de questions. À la fin de ce stage de grand écart qui dure deux semaines, une femme encore, j'ai vachement entouré de femmes fortes et qui sont des pierres angulaires dans ma vie, et qui me dit, post-confinement tout ça, moi je veux faire une reconversion professionnelle, j'ai l'espace pour organiser des événements sportifs en Bretagne, à appartenir, mais il n'y a pas la compétence. Je veux que ce soit toi. Toi viens donner des stages de pole, viens donner des stages d'équilibre, viens donner des stages de yoga. Encore une fois, moi je suis là.
- #Jemi Van Dijk
Qu'est-ce qu'ils me veulent les gars ?
- # Myriam Sellam
Elle me dit ça dans les cinq dernières minutes des deux semaines. On ne s'est pas du tout parlé, on se voit le dernier jour. Elle prend mon numéro. Moi, je suis toujours curieux. Je donne mon numéro. Deux jours plus tard, elle m'écrit. Alors du coup, il y a le week-end disponible pour faire un stage, c'est le 25 mai. Elle m'envoie un planning complet. C'est du très sérieux. Oui, donc on fait un stage, on leur fait payer combien pour venir et tout. Je dis, attends, attends. Je viens, je rencontre le groupe de filles. On va juste pratiquer, passer un bon week-end. Si le courant y passe, si on sent qu'il y a des attentes crochues, OK, on va envisager. Et donc, je fais le premier week-end, ça se passe super bien. Et là, tout le monde dit, « Ah non, on voudrait que tu reviennes, que tu organises des stages et tout. » Et donc, pendant tout cet été, en fait, j'organise 4, 5, 6 week-ends où je pars sur Partenay, donc elle s'appelle Angie, et où on organise ça chez elle parce qu'elle a une très belle maison avec l'espace où on peut installer des pôles. Elle a énorme satisfaction. Et pendant l'un des week-ends où je vais, En fait, il y a un festival à Partenay. Donc, elle me dit, c'est trop cool, je connais du coup l'organisateur du festival et nous, on peut faire notre cours de pôle et plutôt que de le faire chez nous, on va le faire dans le local, sur le festival de Partenay. Elle dit comme ça, écoute, peut-être que ça nous donne un peu plus d'espace et nous, on peut participer au festival et tout, au moins en spectateur. Et donc, moi, je viens, je fais exactement ce que j'ai fait sur les autres stages. Je rentre chez moi, quelques mois plus tard, j'ai un coup de fil. venu d'une personne qui me dit « Oui, donc du coup, je t'ai vu donner un cours de pôle pendant le festival de Partenay. C'est moi l'organisateur. Et donc, je veux monter un numéro de pôle, le spectacle de pôle, un trio de pôle, que des hommes. Et je veux que ce soit toi dedans. » Je ne connais pas ce mec. C'est un peu le téléphone arabe pour chercher mon numéro de téléphone. Angie le donne à quelqu'un qui donne. Et donc, je reçois cet appel du directeur de la compagnie Carna, Alexandre. Et il m'appelle pour me dire, envoie-moi des vidéos de toi en train de faire de la pole. Moi, j'envoie. Il me dit, OK, je veux que ce soit toi.
- #Jemi Van Dijk
En même temps, tu es le champion de France. C'est un peu logique,
- # Myriam Sellam
non ? Ça, c'était avant. Ah, d'accord. Ah ouais, parce que ça, c'était, donc, on parle début 2023. C'est janvier 2023. Ah oui,
- #Jemi Van Dijk
tu n'avais pas encore fait...
- # Myriam Sellam
Je n'avais pas encore fait de championnat. Donc vraiment, pour le coup, je n'ai rien sur mon CV. Il m'a vu dans une salle en train de... de gigoter une jambe et puis de faire de la peau avec un vieux Jean. Et il voit deux, trois vidéos, il me dit non, je veux que ce soit toi. Je dis ok, bon. Il dit il faut deux autres personnes, il a déjà la première personne, donc il va trouver la troisième. Et on fait nos semaines de création, courant 2023. Et la première représentation du spectacle Les Corps Rouges, c'est en janvier 2024. Et donc on avait cette année pour créer ensemble. Et encore une fois, c'est... Je ne sais pas, Andy me jette dans le grand bain et Alexandre me jette dans le grand bain. Les deux autres personnes avec qui on fait ça, ce sont des intermittents du spectacle. C'est leur métier, ils font ça à temps plein. Et moi, je suis là en loisir. Je me dis, mais qu'est-ce que je fais là ? Mais une personne d'Experience me l'a dit, tu te tais, tu dis oui. Je me dis, ouais, mais du coup, qu'est-ce que ça va faire si jamais ? Et moi, je dis toujours, je traverserai ce pont quand j'y arrive. Pour l'instant, on m'a proposé ça. Je dis oui. Et encore une fois, c'est toujours la même chose. Moi, quand on me donne la confiance pour quelque chose, je veux le rendre. Alors là, personne ne travaillera plus que moi. Vraiment pour le coup, parce que je trouve que c'est une chance incommensurable que j'ai. Et la moindre des choses, c'est de le rendre.
- #Jemi Van Dijk
Je voudrais que tu me parles un peu plus de ce spectacle Trois Hommes. Ouais. La pole dance. Moi, je ne sais pas, mais j'ai rarement entendu ce genre de spectacle.
- # Myriam Sellam
Clairement. Et c'est exactement le but du spectacle. La personne qui a l'idée, qui conçoit tout ça, c'est Alexandre, le directeur artistique.
- #Jemi Van Dijk
Il a aussi toute une vision. Il a pris des travaux d'une sociologue.
- # Myriam Sellam
Exactement. Donc, lui, il a même fait des études de sociologie. Et dans toute sa compagnie, en règle générale, quand il a un numéro, un spectacle qu'il monte, il fait beaucoup de recherches parce qu'il veut que ça s'inscrive dans une dimension. j'aurais tendance à dire contemporaines ou en tout cas qui traitent des sujets du quotidien de notre société moderne et d'avoir cette approche à travers le corps et ça typiquement c'est quelque chose qui m'était assez étranger de dire mon faute on peut adresser un sujet sans forcément faire un débat sans forcément en faire une discussion des arguments ça peut être adressé autrement et donc il fait plein de recherches de cette ethnologue elle s'appelle françoise héritier et elle tient une conférence ici au centre pompidou à paris où elle raconte en somme la notion de comment la masculinité s'instaure, se crée dans notre société moderne depuis l'enfance, de la naissance jusqu'à l'âge adulte. Et elle donne plusieurs représentations un peu de cette masculinité, parfois à travers des cultures différentes, différents endroits du monde, parfois dans des temporalités différentes. Et donc Alexandre a eu comme idée de prendre des morceaux littéralement de sa prise de parole, qui est un enregistrement que tout le monde peut écouter, et une grande partie de la bande-son de notre spectacle. ce sont en fait les paroles de François Derritié par-dessus lesquelles nous on fait de la pole, de la danse. Et donc parfois il y a un décalage assez cuisant entre ce qu'elle est en train de dire et ce que nous on est en train de faire qui fait que pour les retours qu'on a eu de la part de spectateurs, on y passe un peu par tous les états. On a des moments par exemple très efféminés, très stéréotypés, suivis par exemple des choses très viriles et puissantes ou même où on joue les kékés, on fait des machos, des moments dans le texte où elle... Elle en fait de l'humour et elle se moque un peu. C'est vachement drôle. Ah non, on rigole pas mal aussi. Mais il y a aussi des moments où elle dit des choses beaucoup plus lourdes de sens. Et où je pense que pour un homme moyen de nos jours, qui est peut-être habitué à parler d'une société patriarcale, elle peut dire aussi des choses qui met à questionner. Et le but de ce spectacle, c'est vraiment d'adresser le sujet de la masculinité, les stéréotypes de genre en règle générale. On l'approche par la masculinité, mais c'est beaucoup plus large que ça. et justement en fait... de se questionner. Et pour le coup, là, le spectacle, il a vachement réussi parce que les retours des personnes qui sont venues voir nos spectacles, on sent bien qu'il y a cette... ça fait réfléchir. Et je pense qu'Alexandre, il veut faire réfléchir les gens parce qu'il veut adresser des sujets juste à travers le corps. Et il a réussi un coup de maître.
- #Jemi Van Dijk
Et toi, ça t'a fait bouger tes lignes ?
- # Myriam Sellam
Mais complètement. En fait, ce que ça a fait bouger dans mes lignes à moi, c'est la notion de... le spectacle, ça sert à faire quoi ? Moi, je voyais ça vraiment sur le côté divertissement, sur le côté spectaculaire, le côté technique, le côté je vois quelque chose d'assez rare. Et de voir que ça peut être engagé. En fait, ça m'a ouvert une nouvelle porte sur le spectacle. C'est beaucoup plus que simplement ce que j'ai fait quand j'étais, par exemple, dans la troupe de salsa. Alors, j'avais déjà un peu exploré ça avec ma partenaire de danse, Julie, quand on avait monté notre numéro de salsa acrobatique, où c'était raconter une histoire. Mais là, ça peut aussi être être engagé.
- #Jemi Van Dijk
Ça devient politique.
- # Myriam Sellam
Ah ouais, clairement, c'est passer un message, mais sous d'autres formes. Et ça, je trouve ça très fort. Et ça marche, parce que les retours qu'on a des spectateurs pour l'instant, on a représenté le spectacle à cinq ou six événements avec plusieurs représentations. Et les retours sont vraiment détyrambiques, c'est-à-dire qu'on voit concrètement, dans les cinq minutes qui suivent le spectacle, que ça marche, les personnes, mais ça leur fait se poser des questions. Et là, je me dis, ah ouais, en fait, les arts du vivant, les arts corporels, en fait, c'est incroyablement puissant. Et je ne me rendais pas compte à quel point ça pouvait être vecteur de messages aussi forts.
- #Jemi Van Dijk
Et toi, dans ta masculinité ?
- # Myriam Sellam
Alors moi, je pense que ma masculinité, ça a toujours été quelque chose que je n'ai pas de définition avec. Et même au contraire, je casse beaucoup les codes avec parce que je ne me conforme pas forcément aux codes sociaux de ceux qui est peut être attendu par la masculinité dans l'opinion publique ou dans l'imaginaire public. C'est tout. Par exemple, moi faire de la pole, tout de suite, j'ai plein de mes amis qui me disent un sport de femme. OK, je suis une femme et ça me va très bien. Je n'ai pas de problème avec. Je mets des shorties de pole. Moi, ça ne me dérange absolument pas. Donc au contraire, Je ne me sens pas du tout bridé ou confiné par des normes sociales. Et en revanche, ça ne m'a pas fait questionner ma masculinité. Par contre, ça me fait plaisir de voir que la manière dont on vit sa propre masculinité peut aussi être vecteur de réflexion pour les autres. Et ça, je trouve ça vachement important. Je pense que l'art a un rôle à jouer chez nous, qui est de faire réfléchir. Et je n'avais pas cette dimension encore là. Et ça, c'est vraiment une nouvelle dimension que j'ai eue grâce à Alexandre. Quand je vois le travail de recherche qu'il a fait derrière, je me dis, ah oui, en fait, il ne veut pas juste faire du spectacle pour faire du spectacle. Il ne veut pas juste des personnes qui font de la pole pour faire de la pole. Il a un message à faire passer. Et je pense qu'il a raison de s'en emparer à travers les arts du vivant.
- #Jemi Van Dijk
Et à côté de ça, et ça serait ma dernière question, tu es aussi en même temps prof, j'ai l'impression quand même que c'est extrêmement important, prof de physique, et c'est de là ce qu'on disait. Par rapport notamment avec ton père, qui t'a donné ce côté cartésien, est-ce que ce côté-là t'a aidé aussi dans la danse ?
- # Myriam Sellam
Ah ouais, déjà je dirais, parce que moi je suis assez cartésien dans ma manière de réfléchir, c'est toujours un résultat final, c'est toujours le résultat d'un processus. Il faut jalonner, il faut structurer un peu sa pensée, il faut structurer sa préparation, il faut structurer du coup son... Je transpose beaucoup de ça dans tout ce que je fais. Et aussi... Pour moi, tout le monde devrait être un enseignant. Et je ne parle pas d'avoir un feutre, un tableau. Pour moi, être un enseignant, c'est j'ai quelque chose que je connais ou que je maîtrise, et peut-être que toi non, et c'est de le partager avec toi. C'est ça être un enseignant. C'est partager ce qu'on sait avec les autres. Parce qu'en réalité, les autres aussi savent plein de choses que nous on ne sait pas. En fait, c'est dans notre intérêt tous de se le partager. Et moi, ce côté être ouvert et partagé, C'est quelque chose que je reconnais beaucoup parce que j'aime être des deux côtés du rôle. J'adore donner ce que j'ai à donner à tous ceux qui sont autour de moi, que ce soit dans mes cours de yoga, les cours de physique, que ce soit dans les pratiques de pole dance. Mais j'aime aussi être le rôle de personne qui écoute grâce à mes multiples profs et les gens qui voient et croient en moi et voient des choses que je ne vois pas et où je me dis, mais attends, ils veulent me partager quelque chose, mais soit à l'écoute. Et ce rôle, je pense... Ça me marque beaucoup cette question d'être prof, mais moi je mets ça dans un cadre beaucoup plus large. Et pour moi, je dis que tout le monde devrait être un prof parce qu'on y gagne tous à partager les uns les autres, à écouter et à partager.
- #Jemi Van Dijk
Merci beaucoup.
- # Myriam Sellam
Les cœurs rouges.
- #Jemi Van Dijk
Et donc effectivement, ça sera gratuit. Oui. Donc à 15h et à 17h le 24 mai.
- # Myriam Sellam
Exactement. Donc entrée libre et gratuite, la halle principale du Carreau du Temple.
- #Jemi Van Dijk
Au Carreau du Temple, on y sera. Jamie Van Dyke est entré en mouvement pour mieux habiter son corps, pour se retrouver et évoluer dans un espace où l'on peut être à la fois scientifique et artiste, champion et vulnérable, ancré et en suspension. Avec la danse, il a transformé ses blessures en puissance et chaque discipline explorée est devenue un langage. Le yoga pour écouter, la pole dance pour s'élever, le cirque pour oser le vertige et la scène pour raconter autrement. De ce parcours, j'ai envie de retenir plusieurs choses. Que l'on peut danser avec la gravité sans jamais s'y soumettre. Que la liberté ne se décrète pas, elle se cultive pas à pas. Et que la grâce n'est souvent là où on ne l'attend pas. Ce récit m'a touchée par la rigueur de Jamie, son âme d'enfant curieux et son engagement à transmettre. Et vous, qu'est-ce que vous retenez de ce parcours ? N'hésitez pas à me le partager. et si vous avez aimé cet épisode, Pensez à vous abonner au podcast L'Essence de la Danse et à laisser un avis 5 étoiles. C'est ce geste-là qui permet à ces récits de circuler. Je vous dis à dimanche prochain pour une nouvelle Traversée en Mouvement.