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Ori Tahiti : Redécouvrir l'âme de la danse tahitienne avec Tahia Cambet cover
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Les Sens de la Danse

Ori Tahiti : Redécouvrir l'âme de la danse tahitienne avec Tahia Cambet

Ori Tahiti : Redécouvrir l'âme de la danse tahitienne avec Tahia Cambet

33min |17/11/2024
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Description

Fermez les yeux et laissez-vous emporter par un voyage au cœur de la Polynésie. Oubliez les clichés de la vahiné au bord de l’eau : la danse tahitienne, le Ori Tahiti, est bien plus qu’une simple image de carte postale. C’est un art vivant, vibrant, empreint de spiritualité et de puissance.


Dans cet épisode, j’ai l’immense plaisir d’accueillir Tahia Cambet, danseuse, chorégraphe et entrepreneuse exceptionnelle, qui a su faire rayonner cet art ancestral aux quatre coins du monde.


Ensemble, nous plongerons dans son parcours fascinant : de ses premiers pas de danse à Tahiti à la création de la plus grande école de Ori Tahiti à Paris, en passant par sa quête pour préserver et réinventer cet héritage culturel.


Préparez-vous à découvrir comment cette discipline mêle traditions, émotions et modernité. Un épisode riche en découvertes et en émotions, à ne pas manquer.



Vous pouvez retrouver toutes les informations la concernant sur son site: www.tahia-ori-tahiti.com

et son instagram : www.instagram.com/tahia_oritahiti/


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Très belle écoute !


Hébergé par Ausha. Visitez ausha.co/politique-de-confidentialite pour plus d'informations.

Transcription

  • Speaker #0

    L'essence de la danse, le podcast qui met de la conscience dans le mouvement. Fermez les yeux, vous entendez cette musique ? Vous voyez déjà les plages infinies, l'eau translucide, et là, au centre de ce tableau idyllique, une femme danse, une veine. Et bien détrompez-vous, cette image stéréotypée de l'avaïné languissante appartient au passé et il est temps de redécouvrir la danse tahitienne dans toute sa richesse et sa profondeur. Alors que le film Vahiana 2 arrive bientôt sur les écrans, j'ai l'immense plaisir d'accueillir une artiste hors normes pour redonner à cet art ses lettres de noblesse. Taya Cambé a créé à Paris la plus grande école de Hori Tahiti. J'ai eu la chance de la rencontrer. tout juste avant son départ pour Tahiti, où sa troupe participe au plus grand événement de danse polynésienne, le Heiva Festival. En 2016, elle y a décroché le titre de vice-championne du monde, et ses élèves brillent sur les podiums chaque année. Taya, c'est aussi une visionnaire. Elle a lancé l'une des premières plateformes de cours en ligne dédiées au Hori Tahiti, et rassemble des élèves du Japon, du Mexique et des Etats-Unis. Avec Thaïa Cambé, nous allons plonger dans un art profondément enraciné dans l'héritage polynésien. Préparez-vous à voyager, à ressentir et à explorer l'âme de Tahiti à travers le regard et le cœur de cette artiste. Bonjour Thaïa.

  • Speaker #1

    Bonjour Myriam.

  • Speaker #0

    Comment tu vas ?

  • Speaker #1

    Ça va ? Ça va très très bien, ça va très très bien. On est un petit peu... très occupé ces derniers temps. Comme toujours, on a toujours mis le projet et on prépare actuellement une compétition qui a lieu à Tahiti. Donc, on est sur le grand départ. Et du coup, c'est un voyage important pour nous puisque c'est un voyage qu'on réalise chaque année et qui permet à la fois à des personnes comme moi d'origine tahitienne de rentrer au pays et pour d'autres de découvrir l'île de Tahiti.

  • Speaker #0

    Donc, on va en parler parce que c'est ta grande actualité là.

  • Speaker #1

    Oui.

  • Speaker #0

    La première question, je voudrais que tu me dises un petit peu comment tu as fait pour que Tahiti soit un pays Si on rembobine, qu'on retrouve la taille à petite, c'est quoi ton premier, vraiment le premier souvenir de danse ?

  • Speaker #1

    J'ai commencé la danse thaïcienne, j'avais 3 ans, donc à peine je marchais, que j'apprenais à danser. Je me souviens de quelques pas faits avec ma maman, mais on va dire que c'est plus tard, à l'âge de 6 ans, où mon père m'encourage à pratiquer cette danse. C'était un moyen pour lui de m'encourager à garder un lien avec ma culture, parce que mes parents se séparent. Et du coup, l'idée de pratiquer le Hori Tei Chi, la danse thaïcienne, c'était un moyen pour lui de... de me permettre de garder ce lien très important avec ma culture, avec ma maman, avec mes origines.

  • Speaker #0

    Tu es née à Tahiti,

  • Speaker #1

    absolument.

  • Speaker #0

    Tu te souviens un petit peu de ces premiers pas et justement de ces premiers moments avec ta maman ?

  • Speaker #1

    Alors, c'est très difficile de se souvenir à l'âge de 3 ans. Je vois les photos, d'ailleurs, j'ai en plus en tête les photos de ces premiers pas de danse, surtout qu'on habitait sur un petit atoll des Toa Motu, qui est l'un des archipels de la Polynésie française. Donc, c'était vraiment un cadre magique et paradisiaque. Et du coup, pas d'école de danse, juste quelques pas comme ça, accompagnés d'un fond de musique ancien. Et voilà, donc pas vraiment de souvenirs, si ce n'est qu'à l'époque, c'était plus de l'amusement que de la passion. J'aime la danse, mais c'est bien plus tard, une fois arrivé en France, que finalement se développe cette passion, cette obsession, on va dire même, pour la danse et pour la culture thaïsienne en général.

  • Speaker #0

    Et donc ta maman, c'était quand même, elle, on peut dire, ta première professeure.

  • Speaker #1

    On va dire ça, oui, exactement. Puis ça a été mon père qui m'a vraiment, vraiment poussée. Quand je dis poussée, mon père est français, ma maman est haïtienne du coup. Et après leur séparation, c'est vraiment mon père qui me pousse à m'entraîner dès l'âge de 6 ans tous les soirs, à me pousser à pratiquer le rite haïti en plus de mes cours au conservatoire artistique de Tahiti et avec d'autres professeurs. L'idée étant de découvrir, enfin l'idée en tout cas pour lui à l'époque, moi je n'ai pas trop le choix. Mais c'était de me faire découvrir plusieurs styles dans l'objectif d'un jour développer mon propre style. Et on avait déjà en tête à cette époque, parce que forcément à Tahiti, l'accès aux études est limité. Tu n'as pas forcément tous les choix qu'on t'offre les universités en France et notamment à Paris. Donc voilà, l'idée c'était d'apprendre un maximum avec différents professeurs. Et c'est ce que j'ai fait jusqu'à mes 18 ans.

  • Speaker #0

    Je voudrais un peu connaître la place de la danse déjà à Tahiti et qu'est-ce qu'elle signifie ?

  • Speaker #1

    La danse tahitienne a été interdite pendant des années et des années. Elle redevient au goût du jour dans les années 50 grâce à des modèles, des piliers du Hori Tahiti. Mais pas que la danse tahitienne, tout comme le tatouage, toutes les pratiques culturelles ont été interdites pendant des années. Donc le Hori Tahiti redevient au goût du jour dans les années 50. Elle évolue parce qu'en fait, finalement, après des années d'interdiction... La culture thaïtienne, c'est une culture qui se diffuse à l'oral, donc il n'y a pas d'écrit. C'est très difficile à part les écrits des navigateurs et des explorateurs. Il n'y a pas beaucoup d'informations sur qu'est-ce qu'était le Hori Tahiti, la danse thaïtienne, avant finalement les bases qui ont été mises en place au fur et à mesure des années, depuis 1950. Donc c'est une danse qui est en constante évolution. Aujourd'hui, on arrive à distinguer plusieurs styles. On arrive à se mettre aussi d'accord en fonction des écoles. On arrive quand même tous à se mettre d'accord sur une base commune qu'on va appeler base traditionnelle, en utilisant ce mot-là pour se mettre d'accord. Du coup, c'est une danse qui évolue beaucoup.

  • Speaker #0

    Et qui aussi raconte, si j'ai bien compris, des histoires.

  • Speaker #1

    Absolument. Ce qu'on sait du Hori Teiti, c'est que c'était une danse qui était finalement pratiquée pas par toute la population. Il pouvait y avoir, apparemment, d'après les écrits de certains navigateurs, il pouvait y avoir... des moments de danse où le peuple pouvait pratiquer, danser, s'amuser. Mais c'était surtout une discipline qui était réservée à la caste des Ariyoï, Ariyoï qui étaient en fait les artistes. Oui, c'est ce qui est vraiment extraordinaire, finalement, dans l'ancienne société thaïsienne, c'est qu'on avait cette catégorie sociale d'artistes qui étaient appelés les Ariyoï et qui étaient vénérés, peut-être que le mot est un peu fort, mais en tout cas, moi, c'est l'image que j'en ai et ce que j'en ai retenu de mes professeurs. Cette caste d'artistes qui passait outre... l'organisation sociale. Qu'on vienne du bas-peuple, de la bourgeoisie, de la noblesse, enfin de l'équivalent en tout cas, de ce qu'on connaît nous en France et en métropole. On pouvait, grâce à la beauté et grâce au talent, accéder à une autre vie et du coup décider de devenir, enfin être prise, être sélectionnée quelque part et aussi décider, faire le choix de devenir artiste, pas juste danseur, mais aussi pantomime, chanteur, musicien, enfin voilà, pratiquer l'art en tout cas et du coup voyager d'île en île. pour partager cet art. Voir débarquer sur les grandes pirogues à double balancier cette organisation derrière Rieuil, cette confrérie, on va dire, sur leur grand bateau comme ça, au son des tambours et des vivos. Vous les voir arriver comme ça, c'était signe de fête et finalement, c'était ce qui permettait aussi dans l'ancienne société de faire relâcher la pression et d'offrir au peuple un moment de joie, de fête et de convivialité.

  • Speaker #0

    Donc c'est quand même quelque chose d'extrêmement important.

  • Speaker #1

    La culture a toujours été hyper importante, elle l'est d'autant plus depuis des dizaines d'années, parce que le peuple thaïsien cherche à se réapproprier sa culture. C'est dans une démarche de recherche identitaire aussi, parce que la danse thaïsienne, de par son interdiction, de par aujourd'hui le fait qu'on puisse repratiquer, on essaye de se réapproprier notre culture. Et la danse, on va dire, est la discipline culturelle la plus pratiquée, donc la plus importante, je pense.

  • Speaker #0

    Avec aussi cette image qu'on a quand on est à Tahiti de la vahinée qui est en train un petit peu de danser.

  • Speaker #1

    C'est quelque chose de réel ou pas du tout ? Alors on a un peu du mal avec le mythe de la vahinée évidemment. Surtout que la danse tahitienne c'est vraiment aujourd'hui plus une discipline comparable à la danse classique ou à la danse contemporaine. Donc on a beaucoup de mal, en tout cas j'ai, je vais parler pour moi, à l'image de la vahinée, du mythe de la vahinée. Voilà ce que c'est cette carte. On est bien loin de cette image-là. Le Hori Teiichi n'est pas dansé par tout le monde déjà, c'est dansé par une grande partie de la population. Mais juste pour donner un chiffre, il y a 300 000 pratiquants de Hori Teiichi au Japon. C'est l'équivalent de la population en Polynésie française. Donc tout le monde ne pratique pas le Hori Teiichi. C'est une discipline qui demande énormément d'investissement. Aujourd'hui, des acteurs importants, une nouvelle génération a emmené le Hori Teiichi à un autre niveau, un niveau sportif. On est très loin de l'image de la mariner. qui dansent au bord de l'eau.

  • Speaker #0

    Langoureusement,

  • Speaker #1

    de manière assez simpliste en plus, on peut le dire. Voilà, c'est ça. Aujourd'hui, je pense qu'on aspire tous à faire de cette danse, non pas juste une pratique culturelle, mais aussi une discipline sportive et un art. Pour moi, c'est ces trois choses. C'est évidemment ma culture, mais c'est aussi mon art, ce qui me donne le droit à la liberté d'expression et libre imagination, à pouvoir dépasser même les codes, on va dire, traditionnels. Encore, le mot n'est probablement pas le bon. Mais voilà, et c'est un sport, ce qui permet à beaucoup de femmes d'ailleurs, en France comme à Tahiti, d'avoir une activité et de bien-être. L'équilibre entre le corps et l'esprit se fait par la pratique du sport. Le Hori Tahiti, c'est tout ça.

  • Speaker #0

    Ça a été interdit pour quelles raisons et à quel moment ?

  • Speaker #1

    Ça a été interdit pour des raisons religieuses, évidemment, parce que la danse thaïcienne a été jugée comme trop vulgaire, trop dénudée. C'est l'arrivée des premiers missionnaires qui fait que la danse thaïcienne est interdite et jugée obscène. Voilà.

  • Speaker #0

    Obscène. Et donc, c'est que souvent, finalement, la danse qui est un art de libération est quand même interdite. Et si j'ai bien compris, il y a aussi des légendes qui sont racontées. C'est aussi tout le patrimoine. culturelle finalement de Tahiti ?

  • Speaker #1

    Alors, le Réhaut Tahiti permet d'exprimer des choses. On choisit soit de traiter d'une légende. Le thème libre, en fait, finalement, ça dépend aussi de la musique qu'on choisit. On a deux types de danses. Les aparimas sont des danses lentes accompagnées de musiques chantées. Donc, de la langue tahitienne, le Réhaut Tahiti. On a aussi les OTA qui sont les danses accompagnées d'instruments type percussion, dont le tohéré. le pow et d'autres instruments, le fateté. Donc deux types de danse. Les deux peuvent, en fonction de l'inspiration de l'artiste, parler, traiter de tel ou tel thème. Le maparimain, par exemple, le dernier, sur lequel nous travaillons pour Tahiti, mais en avant la fierté que nous avons pour notre terre et pour ce qui nous a été transmis par nos ancêtres. Et voilà, ça c'est le thème de la chanson que nous avons choisie, une chanson qui a été du coup... créé par un chanteur, pas juste pour nous, mais de manière indépendante. Après, existe le Heiweit Haiti, à Tahiti, qui est l'un des plus vieux festivals culturels au monde, et qui propose au groupe de participer et de vraiment venir avec un spectacle inédit, à la fois en termes de chant et de danse, et du coup, de créer des musiques en traitant d'un thème qui peut être à la fois imaginaire ou légendaire. Quand je dis imaginaire, c'est-à-dire vraiment une création qui ne fait pas partie des légendes connues de Tahiti. Ça peut traiter aussi d'une légende, des anciens dieux du coup, ou ça peut aussi traiter d'un thème très abstrait comme, je ne sais pas, je vais dire une bêtise, mais l'amour par exemple, ça pourrait être...

  • Speaker #0

    C'est un super sujet l'amour,

  • Speaker #1

    on est d'accord. D'un sentiment, en tout cas, moi c'est un sujet qui me plaît énormément, parce qu'au-delà de raconter des légendes, ce côté artistique que peut avoir le Hori Teiichi permettrait de traiter des sujets beaucoup plus abstraits comme les sentiments. Ça pourrait être très intéressant de faire un spectacle qui tournerait juste autour... des différents sentiments et essayer de les mettre en scène grâce à la danse haïtienne.

  • Speaker #0

    Et donc les dieux, c'est quelque chose qui est présent aussi dans la culture ? Parce que si tu veux, moi en tant que parisienne, on n'a pas forcément ça.

  • Speaker #1

    Alors les mythes et légendes tahitiennes sont très importantes puisqu'en fait le problème avec Tahiti, comme dans beaucoup d'anciennes colonies, c'est que le programme enseigné à l'école, que ce soit au niveau de l'histoire ou même de la géographie, n'est pas forcément adapté au lieu. En tout cas à Tahiti, moi je n'ai pas eu la chance de connaître l'histoire de mon pays finalement. Enfin j'ai appris l'histoire de la France. Et c'est bien dommage, je pense qu'on devrait renseigner. Là, on parlait des légendes, mais c'est tout aussi important parce que c'est un peuple qui est polythéiste et qui honorait plusieurs dieux. Il y a eu une évolution des dieux qui sont apparus, qui ont été plus ou moins importants en fonction des époques et des périodes dans l'histoire. Bref, tout ça pour dire qu'en fait, au travers des livres qu'on va avoir, des mythes et légendes qu'on va avoir racontées, on va donner accès aux enfants et aux jeunes d'aujourd'hui. Ils vont avoir accès un petit peu plus aux religions anciennes. et aux connaissances liées à l'histoire.

  • Speaker #0

    Oui, et puis c'est quelque chose effectivement qui relie à des valeurs aussi, à une manière de penser.

  • Speaker #1

    Absolument, absolument. On a de très belles légendes, qui sont d'ailleurs très inspirantes pour la danse. Je pense à la légende de Taharwa, qui est le dieu créateur. Et la légende raconte que de toutes les parties de son corps, il va créer le monde. Le O, Ma, Ohi, O c'est le monde, Ma, Ohi, autochtone, qu'on peut traduire par autochtone. Donc de toutes les parties de son corps, il va créer le monde. Donc de sa colonne vertébrale, il va faire les chaînes de montagne, de son sang, il va faire les rivières. Je ne me souviens plus exactement de chaque partie du corps qu'il va utiliser, mais je me souviens par exemple de ses ongles qui vont être les écailles des poissons. C'est une belle légende et c'est des histoires que je lirai à mes enfants, en tout cas un jour.

  • Speaker #0

    Donc c'est hyper important parce que c'est hyper inspirant. Est-ce que tu peux nous en raconter une autre ?

  • Speaker #1

    Alors je pense là au dieu Oro, qui est le dieu de la guerre, mais qui est aussi le dieu des Harioï, dont on parlait tout à l'heure. Les Harioï vénéraient le dieu Oro, notre dieu on va dire en tant que danseur. Et c'est marrant parce que c'est le dieu de la guerre, mais c'est aussi le dieu de la fertilité. Les Harioï honoraient le dieu Oro et réalisaient du coup des performances en l'honneur de ce dieu qui a à un moment donné eu une place très importante au sein du peuple. d'Aïssien. Et du coup, réaliser des danses et de très grands spectacles dans l'objectif de célébrer finalement la vie et le duo. Waouh,

  • Speaker #0

    c'est inspirant en tout cas. Moi, ça me parle et on voit tout de suite plein d'images et un imaginaire.

  • Speaker #1

    Moi, j'ai vraiment l'image quand je pense à ça. Je vois autour d'un feu, avec des lumières un peu tamisées, des torches et des mouvements très langoureux. En plus de ça, on ne sait pas du tout la musique qu'on a aujourd'hui. On n'avait que deux instruments, enfin on suppose en tout cas. Je suppose qu'il n'y avait que deux instruments, qui est le prow, qui est un tambour, donc un son plutôt lourd. La terre, c'est ça ? Voilà, c'est ça. Et le vivo, qui est plutôt, du coup, pour moi, un son aérien. C'est une flûte nasale, donc c'est vraiment un très, très beau son. Ce que j'ai pu lire et ce que j'ai pu voir comme images, comme dessins retraçants vers l'histoire de la danse à l'époque, j'imagine des danses très, très lentes, une atmosphère très sensuelle. Et voilà, il y avait aussi un rapport au corps qui n'est évidemment plus le même. qui n'est pas le même que déjà en France aujourd'hui. Le rapport au corps à Tahiti est déjà très différent, même en 2024, mais à l'époque encore plus, puisque c'est un peuple qui vit déjà dans un pays chaud et on a un rapport au corps, on est beaucoup moins pudique déjà, toujours aujourd'hui. Mais la danse, c'était vraiment des mouvements sensuels qui pouvaient aller jusqu'à l'acte sexuel même, pour représenter encore une fois cette célébration de la vie.

  • Speaker #0

    Et du plaisir.

  • Speaker #1

    Exactement.

  • Speaker #0

    Et de célébrer effectivement. Moi, ça me parle.

  • Speaker #1

    En tout cas, l'image est très belle dans ma tête.

  • Speaker #0

    Et finalement, c'est aussi une danse qui est quand même spécifique ou pas à la femme ?

  • Speaker #1

    Ah non, non, pas du tout. Non, non, non, c'est une danse qui est pratiquée à la fois par l'homme, à la fois par la femme. C'est pour ça encore cette image de la Vahiné n'est pas forcément en lien avec la danse. La danse laïcienne pour les hommes a beaucoup évolué, tout comme la danse pour les femmes. On a un peu cette image du guerrier plutôt très fort, très grand, plutôt brutal. comme danse, je parle, comme mouvement. C'est une danse qui a énormément évolué. J'ai eu la chance de danser avec un artiste exceptionnel qui s'appelle Tway Itraki et qui a, selon moi, inspiré la génération d'après. On a le même âge que dans les années 2010. Il réalise une performance au Hey Wait Hey Tee Festival, dont on parlait un petit peu plus tôt. Il réalise une performance qui est finalement d'une élégance et d'une douceur loin de ce qui s'est fait avant. Ça a apporté plus de sens, en fait, plus d'élégance. mettre de côté cette affirmation de virilité au profit d'affirmer une maîtrise, une technicité, une élégance aussi, et pourquoi pas une grâce aussi dans la danse. Pas tout comme dans la danse thaïcienne pour femmes.

  • Speaker #0

    Avant qu'on revienne un peu à ton parcours, est-ce que la danse thaïcienne sert à des rites aussi ?

  • Speaker #1

    Actuellement, pas du tout, à part une épreuve au bac. Nous avons une épreuve de Hori Keiichi au bac. J'ai pas mon bac de danse. C'est d'ailleurs ce qui m'a permis d'avoir ma mention. Ce qui m'a permis d'ailleurs d'introduire une école après plus tard finalement. Bref, tout ça pour dire que la danse a toujours été très présente finalement dans ma vie. Sinon, il y a le tatouage. Je sais pas si c'est pratiqué encore. Moi, j'ai eu une éducation aussi assez métropolitaine. Et puis ma maman, en fonction des archipels, ma maman est paumoutou, donc marquisienne. Donc en fonction des archipels, les pratiques sont... similaire mais aussi différente. La danse marquisienne est totalement différente de la danse Poumoutou, de la danse Poumoutou est totalement différente de la danse tahitienne. Moi je pratique le rite haïti, la danse tahitienne. Mais voilà, tout ça pour dire que les rites de passage sont différents en fonction des archipels et du coup des familles. Même si aujourd'hui on habite tous à Tahiti, on se considère tous comme tahitiens. finalement, il y a énormément de différences en fonction de tes origines déjà à l'intérieur de la Polynésie française. Je sais que le tatouage, c'est un rite de passage qui est encore pratiqué par des familles à Tahiti. Après la danse, non, il n'y a pas de rite de passage, en tout cas pas actuellement.

  • Speaker #0

    Donc le Hori Tahiti, pour les gens qui ne connaissent pas, c'est vraiment la danse traditionnelle, on est bien d'accord ?

  • Speaker #1

    Il y a aussi d'autres danses, comme je disais, la danse marquisienne, la danse Poumoutou, en fonction des groupements d'îles. les danses vont être différentes. Le Hori Teiti est la danse la plus connue de la Polynésie française. Ce n'est pas forcément la meilleure, c'est juste que c'est celle qui a séduit le plus de personnes. On a plus de pratiquants de Hori Teiti que de danses marquisées.

  • Speaker #0

    Je voudrais qu'on en revienne un peu à toi. Finalement, ton père t'encourage à t'entraîner. C'est ça, ce premier souvenir de la danse ?

  • Speaker #1

    Oui, c'est ça. C'est les heures passées à m'entraîner alors que je n'ai que 6 ans. C'est un peu tôt. Oui, c'est un peu tôt. J'ai un papa qui est très exigeant, mais qui m'a donné les moyens d'atteindre le niveau que j'ai aujourd'hui et d'en faire aussi mon métier, finalement. Je commence à faire aussi des spectacles dès l'âge de 6 ans. Et là, bien sûr, je commence à prendre plaisir, puisque c'est toujours... Hyper plaisant que de se donner un spectacle, surtout quand on est si jeune, de voir que les gens sont contents et que ça fait plaisir à la fois à la famille, que ce soit du côté de ma maman, du côté de mon papa, mais aussi aux personnes qui sont dans le public et qui apprécient de voir une petite fille de 6 ans avec, je pense, des capacités. En tout cas, l'entraînement me permettait d'avoir un niveau qui a été jugé intéressant et à mettre en spectacle. Je commence à faire mes premiers spectacles à l'âge de 6 ans.

  • Speaker #0

    C'est normal de faire des spectacles à cet âge-là ou tu étais un peu quand même... déjà un peu en avance ?

  • Speaker #1

    À l'époque, j'ai quand même 30 ans. C'était il y a plus de 20 ans. Donc oui, on va dire que c'était rare. Oui, oui, oui, c'était rare. Je me souviens avoir aussi dansé des années. À partir de 6 ans, je commence à danser dans des hôtels. Ouais, ouais, ouais. Je commence à danser pour les touristes tous les lundis. Je commence vraiment à faire des spectacles et avoir, on va dire, des contrats réguliers. Wow ! Je l'ai fait jusqu'à l'âge de 12 ans à peu près. Et donc,

  • Speaker #0

    ça, c'était du haut ?

  • Speaker #1

    Tahiti. Tahiti, oui, voilà. Et je dansais la plupart du temps en totale improvisation. À cet âge-là, je ne comprends d'ailleurs pas ma langue. Je n'apprends que bien plus tard le Réo Tahiti, la langue tahitienne. Finalement, je danse un peu en fonction de ce que m'inspire la musique. Ce qui m'a permis de développer aujourd'hui une oreille un peu différente. Je suis plus attachée à la musicalité, au son, que à la langue dans un premier temps. Ça fait 27 ans que je danse. Il y a 5 ans, on m'a ouvert encore une autre porte. Ça me permet aujourd'hui à la fois d'être attentive à la musicalité. Du coup, j'arrive à... comprendre le sens de la musique sans même attacher d'importance aux mots. J'essaye d'ailleurs de ne pas attacher d'importance aux mots. Et une fois que je me concentre ensuite sur les mots, s'ouvre encore une autre dimension et ça permet encore plus d'avoir de l'inspiration pour créer un geste qui à la fois soit plus parlant pour les personnes qui comprennent la langue et aussi, pourquoi pas, plus original. C'est très inspirant. Oui, une double lecture d'abord le ressenti et après le plus le cérébral. Exactement. et ça c'est important et du coup j'aime bien justement cette partie plus sentimentale émotionnelle qui va me guider en tout cas dans le début de ma création parce que c'est plus intuitif en plus comme tu disais je suis quand même impressionnée dans les hôtels j'imagine très bien quand je faisais mes costumes mon père est assez exigeant mais j'aimais beaucoup je prenais beaucoup de plaisir je pensais tous les lundis soirs dans un hôtel et Et je dansais tous les dimanches dans un restaurant, tous les dimanches midi. Je me souviens que je faisais moi-même mes couronnes et je faisais des couronnes aussi que je distribuais aux touristes. Et on faisait aussi des petites compiles sur CD à l'époque qu'on vendait aux touristes. Et voilà, ça me permettait d'avoir un petit peu d'argent et j'étais très contente. Du coup, je pouvais aller faire un petit peu de shopping parce qu'à Tahiti, il n'y a pas grand chose. Donc, on m'a très, très vite appris la valeur du travail. Il fallait travailler pour obtenir ce que je voulais. Et du coup, voilà, la danse... a toujours eu une place très importante dans ma vie.

  • Speaker #0

    Et donc à partir de 12 ans, comment ça se passe ? Comment ça évolue ?

  • Speaker #1

    Alors j'arrête de faire des spectacles parce que mon corps change forcément à l'âge de 12 ans. Je suis entre la femme et l'enfant et c'est là où je me sens moins à l'aise. Déjà parce que commence la crise d'adolescence. Et ça c'est difficile. Voilà, donc j'ai plus très envie de danser. La discussion se fait très rapidement avec le directeur en mode, je trouve même pour mon père, même pour moi, même pour le directeur, on tombe tous d'accord sur le fait que... mon corps change, que ça peut être dérangeant à la fois pour moi, à la fois pour le staff, à la fois pour la clientèle, et que du coup, il est temps d'arrêter et que j'intègre une troupe professionnelle. En tout cas, je fasse autre chose que de danser seule dans un hôtel. C'est là que j'arrête de danser en solo et j'intègre une troupe de danse.

  • Speaker #0

    Entre temps, tu avais déjà intégré le conservatoire ?

  • Speaker #1

    Oui, j'ai commencé le conservatoire à l'âge de 8 ans. Le conservatoire se trouve sur l'île de Tahiti. Moi, j'habitais l'île de Mouréa, qui est l'île sœur de Tahiti, qui a 30 minutes en bateau. Et j'allais tous les mercredis et vendredis, je prenais le bateau. J'avais une dérogation spéciale pour sortir un peu en avance et je partais avec mon koulélé, qui est l'équivalent d'une guitare. Oui, la guitare. Exactement, sous le bras, je prenais le bateau. Mon départ accompagné, chaque mercredi et chaque vendredi, pour aller au conservatoire et suivre mes cours de chant, de musique et de danse.

  • Speaker #0

    Et c'était dur ? En général, le conservatoire, il y a un côté très aussi exigeant, un cadre des fois rigoureux.

  • Speaker #1

    C'était difficile de faire tout ça parce que, mine de rien, 30 minutes de bateau pour y aller, puis marcher, aller jusqu'au conservatoire. Je me souviens que mon papa venait avec moi. Tous les mercredis et tous les vendredis. Mes jeunes années, après, encore une fois, à partir de 13 ans, ça peut paraître bizarre d'avoir des parents, surtout un homme, accompagner sa fille dans une salle avec des jeunes ados. Mais jusqu'au moins l'âge de mes 12 ans, il est venu absolument à tous mes cours de danse pour regarder et pour apprendre parce que ça l'intéressait. Pas juste parce qu'il avait envie de faire de moi la meilleure danseuse, mais parce que ça l'intéressait de voir cette danse. Et il a toujours été passionné aussi. par le Hori Taiti, c'est lui qui m'emmène voir mes premiers spectacles de danse. Bon, moi, à 6 ans, je n'étais pas très intéressée. Puis finalement, aujourd'hui, je ne regarde plus que ça. Et oui,

  • Speaker #0

    maintenant, comme tu disais,

  • Speaker #1

    un petit peu possédée. Voilà, c'est ça. Voilà, donc le conservatoire, pas rigoureux, le Hori Taiti, même en tant que discipline. On a aujourd'hui un livre qui a été mis en place, d'ailleurs, par le conservatoire en collaboration avec une majorité de grands professeurs de danse. à Tahiti, donc il existe un répertoire des pas de danse, mais à cette époque-là, quand j'ai 6 ans, on est très très loin de ce côté discipline, vraiment, on est vraiment très très loin de ça.

  • Speaker #0

    Donc c'est à partir de 14 ans où tu vas rejoindre ?

  • Speaker #1

    Les grands ballets de Tahiti, absolument. Avant ça, j'ai l'occasion de danser avec plusieurs professeurs de danse qui ont des styles aussi différents, mais qui restent, on va dire, dans un cadre traditionnel. J'ai beaucoup de mal avec ce mot, mais je pense que ça parle quand même à tout le monde. Bien sûr. Je vais continuer à l'utiliser. Dans le sens noble,

  • Speaker #0

    en fait. Oui.

  • Speaker #1

    Et le conservatoire enseigne les arts traditionnels. Les grands ballets de Tahiti s'inscrivent dans un style... très moderne, propose d'ailleurs des spectacles allant jusqu'à de la danse contemporaine. Lorenzo, qui est le chorégraphe, et Teiki, le directeur artistique, ont une formation de danseurs classiques et contemporains. Donc quand je découvre les Grands Vallées de Tahiti, pour moi, venant du conservatoire et ayant eu la chance d'apprendre avec d'autres professeurs très opposés à Lorenzo, c'est vraiment une grande découverte. Et du coup, je plonge dans un univers qui est à l'opposé de celui du conservatoire.

  • Speaker #0

    Et pourquoi tu décides d'aller là ?

  • Speaker #1

    À mon père. Je n'ai pas vraiment encore le choix à 14 ans. Mon père qui avait travaillé avec Taiki et Lorenzo des années auparavant. demande à Taiki de m'introduire dans la troupe. Alors attends, parce que du coup,

  • Speaker #0

    lui,

  • Speaker #1

    il est danseur ou pas ? Non, mon père. Pas du tout, du tout, du tout. Non, non, mon père était coiffeur à la base. Puis après, il a fait énormément de choses, choses dans énormément de domaines. Mais du coup, de par son lien avec la mode, on va dire, travailler avec Taiki Lorenzo, qui eux aussi travaillaient dans la mode. à côté de la danse. Voilà. Donc voilà. Donc faire le lien. Puis Tahiti, t'as resté un petit petite-tine. Une petite-tine dont tout le monde se connaît. Donc voilà, l'idée c'était de passer à un autre level et là, j'ai découvert en fait la danse en groupe. Donc j'ai eu beaucoup de mal déjà puisque j'ai toujours été... une danseuse soliste. Il faut se plier aux règles et apprendre à danser avec d'autres personnes. Donc très très difficile. Puis c'est pas forcément facile aussi d'introduire une troupe de danse. Bon, t'avais d'un côté les hommes, d'un côté les femmes. D'introduire une troupe de danse avec des danses... Enfin... un groupe de femmes, un groupe de filles, ce n'est pas forcément ce qui est le plus évident. Surtout que j'étais très très jeune, j'étais la plus jeune de la troupe. Deux autres filles aussi comme moi, avec 14 ans, mais du coup, on avait un peu du mal. Il faut se faire une place à Tahiti. Je ne sais pas comment c'est aujourd'hui. J'espère que ça a changé, que ça a évolué, mais ce n'est pas forcément évident. Là, par contre, on peut parler de rite de passage un peu. Rite de passage, c'est ça. Oui, là, c'est tu vas derrière, tu suis et tu te démerdes. Et puis voilà, on ne va pas forcément être super sympathique avec toi. En tout cas, c'est le souvenir que j'en ai. Bon, après, encore une fois, j'avais 14 ans. J'étais moi-même une adolescente qui venait en plus du conservatoire. Donc. Pas forcément un caractère facile. Donc voilà, en tout cas, l'image qu'on est, c'est que... Pas forcément évident de s'entendre entre femmes, déjà. Oui, c'est un peu le pignon, quoi. Voilà. Et il a fallu faire ses preuves. C'est l'image que j'en ai. En tout cas, j'espère qu'aujourd'hui, ça a évolué et que les anciennes qui, d'après ce que je comprends et ce que j'ai compris à l'époque, avaient souffert de la même manière. Enfin, souffert, avaient, voilà... Subi un peu. Étaient passées par la même expérience. Avaient vécu, voilà, on va dire, la même expérience. J'espère qu'aujourd'hui il y a plus de bienveillance et que les anciennes sont là pour accompagner les nouvelles. En tout cas moi c'est ce que je fais dans ma troupe. Je pense qu'il y a deux manières de gérer une troupe, c'est soit par la crainte, soit par l'amour. J'ai choisi d'avoir une troupe famille et d'accompagner mes danseuses, non pas en leur faisant peur mais en leur inspirant le respect, l'amour et l'admiration. Je le souhaite, c'est comme ça que je motive mes troupes.

  • Speaker #0

    Je pense que c'est quand même beaucoup plus fructueux. Les profs faisaient... peur ou c'était...

  • Speaker #1

    J'avoue que moi, j'avais une vision de Taiki Lorenzo qui était assez... Il me faisait peur. C'est très difficile de se souvenir ce qui se passait vraiment dans ma tête quand j'avais 14 ans. Mais oui, j'avais très, très peur de Taiki Lorenzo. Je pense que je n'ai jamais osé leur parler jusqu'à... Mais Lorenzo revient en France. Je le revois. Je devais avoir 22 ans. C'était déjà difficile de faire une phrase. Oui, pleinement, il m'a intimidée. Aujourd'hui, je sais qu'à chaque voyage que je fais à Tahiti, chaque année, depuis que j'ai créé mon école de danse, ça va faire une dizaine d'années où je rentre à Tahiti tous les mois de novembre pour participer toujours à la même compétition.

  • Speaker #0

    Et chaque année, je vois Taiki Lorimzo et j'ai des échanges tout à fait normaux. Mais je pense que c'est à la fois la timidité, et c'est des personnes qui m'ont toujours beaucoup impressionnée de par leur art.

  • Speaker #1

    Oui, donc il y a quand même effectivement ce côté très difficile et inaccessible en fait.

  • Speaker #0

    Oui, le rite-hétiche, je pense, se veut... Il y a une certaine distance que crée le chorégraphe, le directeur, le chef de troupe, le hathira. On dit hathira pour chef de troupe. Donc le chef du groupe se veut se créer une distance. Et après, entre le chef de troupe et les danseuses, il va y avoir des meneuses, des poupoues qui vont être là ou des répétitrices qui vont être là pour faire le lien entre les deux. Mais il n'y a pas vraiment de proximité, enfin pas en tout cas dans toutes les troupes, peut-être qu'il existe. Et puis, en fait, à Tahiti, pour revenir encore à ce festival culturel qui est le Hey ! Vite Tahiti, ce sont des... de très gros effectifs. C'est une scène qui fait 1000 m², qui peut accueillir jusqu'à 200 artistes. Je pense que ce n'est pas forcément facile et pas forcément l'objectif du chef de troupe que de créer ce lien avec tous les artistes qui, de plus, changent de groupe d'année en année.

  • Speaker #1

    Mais quand tu étais au Grand Ballet, c'était déjà le cas ?

  • Speaker #0

    Non, c'était pour le coup des petits effectifs. Je pense qu'il y avait ce lien famille, mais plus chez les anciennes. qu'avec les nouvelles et que probablement que si je l'avais vécu plus tard, plus âgé, plus accessible, moi aussi, ou alors plutôt parce que les Grands Ballets étaient aussi, eux, en pleine évolution vers un style encore plus contemporain avec aussi une évolution au sein de la troupe, une séparation aussi entre certains membres fondateurs des Grands Ballets de Tahiti. Je suis arrivée dans un moment un peu particulier. Donc, je pense que ça peut expliquer aussi ce manque de cohésion et ce manque Ce contexte est un peu particulier en tout cas. Je sais qu'il existe dans d'autres troupes, je pense à Hate Haiti de Thierry Trompette ou Tahiti Oura de Tumata Robinson. Je sais qu'il existe ce lien très fort famille et c'est important.

  • Speaker #1

    En tout cas, toi, si j'ai bien compris, tu n'avais pas de lien direct ?

  • Speaker #0

    Non, je ne ressentais pas d'amitié ou ce que je ressens aujourd'hui avec ma troupe. Mais bon, voilà, nous, on est un petit effectif. On est aussi, je pense, liés par la passion de la danse. Mais peut-être aussi, pour certaines originaires de Tahiti, on est liés par notre origine commune.

  • Speaker #1

    Donc, tu as ces deux côtés, moderne d'un côté et plutôt traditionnel de l'autre, qui vont te permettre de faire un peu ta patte. Absolument. Et qu'est-ce qui fait que, finalement, tu vas partir de cette île ?

  • Speaker #0

    Alors, je... part de Tahiti à mes 18 ans pour poursuivre mes études. Je décide, enfin, je décide, non, on décide pour moi. Je suis prise à la Sorbonne et on ne va pas se refuser cette opportunité que de pouvoir étudier à la Sorbonne. J'avais comme objectif de faire du droit et de devenir avocate ou professeur de droit à Tahiti, puisque je voulais rentrer à Tahiti éventuellement. En tout cas, me laisser cette possibilité. Finalement, une fois arrivée en France, pendant un an, j'essaye déjà de m'adapter. Donc, c'est terrible. C'est vraiment terrible.

  • Speaker #1

    Passer de Tahiti à Paris, franchement, je pense que...

  • Speaker #0

    Et de passer du lycée Paul Gauguin à la Pape-Été, à Tiberuie, à la Sorbonne, ça a été terrible.

  • Speaker #1

    Voilà, c'est déjà la fin de cette première partie. J'espère que cette immersion dans l'univers du Hori Tahiti vous a inspiré. Dans le prochain épisode, nous découvrirons comment Thaïa s'est adaptée à la vie parisienne, comment elle a recréé aussi un lien avec sa culture, tout en devenant... une entrepreneuse accomplie. Et vous verrez, ce sera chargé d'émotion. Pensez à vous abonner pour être prévenu de la sortie de cette seconde partie. Et si vous aimez ce contenu, laissez 5 étoiles et un petit commentaire. Cela m'aide énormément. Merci infiniment pour votre fidélité et je vous donne rendez-vous le 1er décembre pour la suite.

Description

Fermez les yeux et laissez-vous emporter par un voyage au cœur de la Polynésie. Oubliez les clichés de la vahiné au bord de l’eau : la danse tahitienne, le Ori Tahiti, est bien plus qu’une simple image de carte postale. C’est un art vivant, vibrant, empreint de spiritualité et de puissance.


Dans cet épisode, j’ai l’immense plaisir d’accueillir Tahia Cambet, danseuse, chorégraphe et entrepreneuse exceptionnelle, qui a su faire rayonner cet art ancestral aux quatre coins du monde.


Ensemble, nous plongerons dans son parcours fascinant : de ses premiers pas de danse à Tahiti à la création de la plus grande école de Ori Tahiti à Paris, en passant par sa quête pour préserver et réinventer cet héritage culturel.


Préparez-vous à découvrir comment cette discipline mêle traditions, émotions et modernité. Un épisode riche en découvertes et en émotions, à ne pas manquer.



Vous pouvez retrouver toutes les informations la concernant sur son site: www.tahia-ori-tahiti.com

et son instagram : www.instagram.com/tahia_oritahiti/


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Très belle écoute !


Hébergé par Ausha. Visitez ausha.co/politique-de-confidentialite pour plus d'informations.

Transcription

  • Speaker #0

    L'essence de la danse, le podcast qui met de la conscience dans le mouvement. Fermez les yeux, vous entendez cette musique ? Vous voyez déjà les plages infinies, l'eau translucide, et là, au centre de ce tableau idyllique, une femme danse, une veine. Et bien détrompez-vous, cette image stéréotypée de l'avaïné languissante appartient au passé et il est temps de redécouvrir la danse tahitienne dans toute sa richesse et sa profondeur. Alors que le film Vahiana 2 arrive bientôt sur les écrans, j'ai l'immense plaisir d'accueillir une artiste hors normes pour redonner à cet art ses lettres de noblesse. Taya Cambé a créé à Paris la plus grande école de Hori Tahiti. J'ai eu la chance de la rencontrer. tout juste avant son départ pour Tahiti, où sa troupe participe au plus grand événement de danse polynésienne, le Heiva Festival. En 2016, elle y a décroché le titre de vice-championne du monde, et ses élèves brillent sur les podiums chaque année. Taya, c'est aussi une visionnaire. Elle a lancé l'une des premières plateformes de cours en ligne dédiées au Hori Tahiti, et rassemble des élèves du Japon, du Mexique et des Etats-Unis. Avec Thaïa Cambé, nous allons plonger dans un art profondément enraciné dans l'héritage polynésien. Préparez-vous à voyager, à ressentir et à explorer l'âme de Tahiti à travers le regard et le cœur de cette artiste. Bonjour Thaïa.

  • Speaker #1

    Bonjour Myriam.

  • Speaker #0

    Comment tu vas ?

  • Speaker #1

    Ça va ? Ça va très très bien, ça va très très bien. On est un petit peu... très occupé ces derniers temps. Comme toujours, on a toujours mis le projet et on prépare actuellement une compétition qui a lieu à Tahiti. Donc, on est sur le grand départ. Et du coup, c'est un voyage important pour nous puisque c'est un voyage qu'on réalise chaque année et qui permet à la fois à des personnes comme moi d'origine tahitienne de rentrer au pays et pour d'autres de découvrir l'île de Tahiti.

  • Speaker #0

    Donc, on va en parler parce que c'est ta grande actualité là.

  • Speaker #1

    Oui.

  • Speaker #0

    La première question, je voudrais que tu me dises un petit peu comment tu as fait pour que Tahiti soit un pays Si on rembobine, qu'on retrouve la taille à petite, c'est quoi ton premier, vraiment le premier souvenir de danse ?

  • Speaker #1

    J'ai commencé la danse thaïcienne, j'avais 3 ans, donc à peine je marchais, que j'apprenais à danser. Je me souviens de quelques pas faits avec ma maman, mais on va dire que c'est plus tard, à l'âge de 6 ans, où mon père m'encourage à pratiquer cette danse. C'était un moyen pour lui de m'encourager à garder un lien avec ma culture, parce que mes parents se séparent. Et du coup, l'idée de pratiquer le Hori Tei Chi, la danse thaïcienne, c'était un moyen pour lui de... de me permettre de garder ce lien très important avec ma culture, avec ma maman, avec mes origines.

  • Speaker #0

    Tu es née à Tahiti,

  • Speaker #1

    absolument.

  • Speaker #0

    Tu te souviens un petit peu de ces premiers pas et justement de ces premiers moments avec ta maman ?

  • Speaker #1

    Alors, c'est très difficile de se souvenir à l'âge de 3 ans. Je vois les photos, d'ailleurs, j'ai en plus en tête les photos de ces premiers pas de danse, surtout qu'on habitait sur un petit atoll des Toa Motu, qui est l'un des archipels de la Polynésie française. Donc, c'était vraiment un cadre magique et paradisiaque. Et du coup, pas d'école de danse, juste quelques pas comme ça, accompagnés d'un fond de musique ancien. Et voilà, donc pas vraiment de souvenirs, si ce n'est qu'à l'époque, c'était plus de l'amusement que de la passion. J'aime la danse, mais c'est bien plus tard, une fois arrivé en France, que finalement se développe cette passion, cette obsession, on va dire même, pour la danse et pour la culture thaïsienne en général.

  • Speaker #0

    Et donc ta maman, c'était quand même, elle, on peut dire, ta première professeure.

  • Speaker #1

    On va dire ça, oui, exactement. Puis ça a été mon père qui m'a vraiment, vraiment poussée. Quand je dis poussée, mon père est français, ma maman est haïtienne du coup. Et après leur séparation, c'est vraiment mon père qui me pousse à m'entraîner dès l'âge de 6 ans tous les soirs, à me pousser à pratiquer le rite haïti en plus de mes cours au conservatoire artistique de Tahiti et avec d'autres professeurs. L'idée étant de découvrir, enfin l'idée en tout cas pour lui à l'époque, moi je n'ai pas trop le choix. Mais c'était de me faire découvrir plusieurs styles dans l'objectif d'un jour développer mon propre style. Et on avait déjà en tête à cette époque, parce que forcément à Tahiti, l'accès aux études est limité. Tu n'as pas forcément tous les choix qu'on t'offre les universités en France et notamment à Paris. Donc voilà, l'idée c'était d'apprendre un maximum avec différents professeurs. Et c'est ce que j'ai fait jusqu'à mes 18 ans.

  • Speaker #0

    Je voudrais un peu connaître la place de la danse déjà à Tahiti et qu'est-ce qu'elle signifie ?

  • Speaker #1

    La danse tahitienne a été interdite pendant des années et des années. Elle redevient au goût du jour dans les années 50 grâce à des modèles, des piliers du Hori Tahiti. Mais pas que la danse tahitienne, tout comme le tatouage, toutes les pratiques culturelles ont été interdites pendant des années. Donc le Hori Tahiti redevient au goût du jour dans les années 50. Elle évolue parce qu'en fait, finalement, après des années d'interdiction... La culture thaïtienne, c'est une culture qui se diffuse à l'oral, donc il n'y a pas d'écrit. C'est très difficile à part les écrits des navigateurs et des explorateurs. Il n'y a pas beaucoup d'informations sur qu'est-ce qu'était le Hori Tahiti, la danse thaïtienne, avant finalement les bases qui ont été mises en place au fur et à mesure des années, depuis 1950. Donc c'est une danse qui est en constante évolution. Aujourd'hui, on arrive à distinguer plusieurs styles. On arrive à se mettre aussi d'accord en fonction des écoles. On arrive quand même tous à se mettre d'accord sur une base commune qu'on va appeler base traditionnelle, en utilisant ce mot-là pour se mettre d'accord. Du coup, c'est une danse qui évolue beaucoup.

  • Speaker #0

    Et qui aussi raconte, si j'ai bien compris, des histoires.

  • Speaker #1

    Absolument. Ce qu'on sait du Hori Teiti, c'est que c'était une danse qui était finalement pratiquée pas par toute la population. Il pouvait y avoir, apparemment, d'après les écrits de certains navigateurs, il pouvait y avoir... des moments de danse où le peuple pouvait pratiquer, danser, s'amuser. Mais c'était surtout une discipline qui était réservée à la caste des Ariyoï, Ariyoï qui étaient en fait les artistes. Oui, c'est ce qui est vraiment extraordinaire, finalement, dans l'ancienne société thaïsienne, c'est qu'on avait cette catégorie sociale d'artistes qui étaient appelés les Ariyoï et qui étaient vénérés, peut-être que le mot est un peu fort, mais en tout cas, moi, c'est l'image que j'en ai et ce que j'en ai retenu de mes professeurs. Cette caste d'artistes qui passait outre... l'organisation sociale. Qu'on vienne du bas-peuple, de la bourgeoisie, de la noblesse, enfin de l'équivalent en tout cas, de ce qu'on connaît nous en France et en métropole. On pouvait, grâce à la beauté et grâce au talent, accéder à une autre vie et du coup décider de devenir, enfin être prise, être sélectionnée quelque part et aussi décider, faire le choix de devenir artiste, pas juste danseur, mais aussi pantomime, chanteur, musicien, enfin voilà, pratiquer l'art en tout cas et du coup voyager d'île en île. pour partager cet art. Voir débarquer sur les grandes pirogues à double balancier cette organisation derrière Rieuil, cette confrérie, on va dire, sur leur grand bateau comme ça, au son des tambours et des vivos. Vous les voir arriver comme ça, c'était signe de fête et finalement, c'était ce qui permettait aussi dans l'ancienne société de faire relâcher la pression et d'offrir au peuple un moment de joie, de fête et de convivialité.

  • Speaker #0

    Donc c'est quand même quelque chose d'extrêmement important.

  • Speaker #1

    La culture a toujours été hyper importante, elle l'est d'autant plus depuis des dizaines d'années, parce que le peuple thaïsien cherche à se réapproprier sa culture. C'est dans une démarche de recherche identitaire aussi, parce que la danse thaïsienne, de par son interdiction, de par aujourd'hui le fait qu'on puisse repratiquer, on essaye de se réapproprier notre culture. Et la danse, on va dire, est la discipline culturelle la plus pratiquée, donc la plus importante, je pense.

  • Speaker #0

    Avec aussi cette image qu'on a quand on est à Tahiti de la vahinée qui est en train un petit peu de danser.

  • Speaker #1

    C'est quelque chose de réel ou pas du tout ? Alors on a un peu du mal avec le mythe de la vahinée évidemment. Surtout que la danse tahitienne c'est vraiment aujourd'hui plus une discipline comparable à la danse classique ou à la danse contemporaine. Donc on a beaucoup de mal, en tout cas j'ai, je vais parler pour moi, à l'image de la vahinée, du mythe de la vahinée. Voilà ce que c'est cette carte. On est bien loin de cette image-là. Le Hori Teiichi n'est pas dansé par tout le monde déjà, c'est dansé par une grande partie de la population. Mais juste pour donner un chiffre, il y a 300 000 pratiquants de Hori Teiichi au Japon. C'est l'équivalent de la population en Polynésie française. Donc tout le monde ne pratique pas le Hori Teiichi. C'est une discipline qui demande énormément d'investissement. Aujourd'hui, des acteurs importants, une nouvelle génération a emmené le Hori Teiichi à un autre niveau, un niveau sportif. On est très loin de l'image de la mariner. qui dansent au bord de l'eau.

  • Speaker #0

    Langoureusement,

  • Speaker #1

    de manière assez simpliste en plus, on peut le dire. Voilà, c'est ça. Aujourd'hui, je pense qu'on aspire tous à faire de cette danse, non pas juste une pratique culturelle, mais aussi une discipline sportive et un art. Pour moi, c'est ces trois choses. C'est évidemment ma culture, mais c'est aussi mon art, ce qui me donne le droit à la liberté d'expression et libre imagination, à pouvoir dépasser même les codes, on va dire, traditionnels. Encore, le mot n'est probablement pas le bon. Mais voilà, et c'est un sport, ce qui permet à beaucoup de femmes d'ailleurs, en France comme à Tahiti, d'avoir une activité et de bien-être. L'équilibre entre le corps et l'esprit se fait par la pratique du sport. Le Hori Tahiti, c'est tout ça.

  • Speaker #0

    Ça a été interdit pour quelles raisons et à quel moment ?

  • Speaker #1

    Ça a été interdit pour des raisons religieuses, évidemment, parce que la danse thaïcienne a été jugée comme trop vulgaire, trop dénudée. C'est l'arrivée des premiers missionnaires qui fait que la danse thaïcienne est interdite et jugée obscène. Voilà.

  • Speaker #0

    Obscène. Et donc, c'est que souvent, finalement, la danse qui est un art de libération est quand même interdite. Et si j'ai bien compris, il y a aussi des légendes qui sont racontées. C'est aussi tout le patrimoine. culturelle finalement de Tahiti ?

  • Speaker #1

    Alors, le Réhaut Tahiti permet d'exprimer des choses. On choisit soit de traiter d'une légende. Le thème libre, en fait, finalement, ça dépend aussi de la musique qu'on choisit. On a deux types de danses. Les aparimas sont des danses lentes accompagnées de musiques chantées. Donc, de la langue tahitienne, le Réhaut Tahiti. On a aussi les OTA qui sont les danses accompagnées d'instruments type percussion, dont le tohéré. le pow et d'autres instruments, le fateté. Donc deux types de danse. Les deux peuvent, en fonction de l'inspiration de l'artiste, parler, traiter de tel ou tel thème. Le maparimain, par exemple, le dernier, sur lequel nous travaillons pour Tahiti, mais en avant la fierté que nous avons pour notre terre et pour ce qui nous a été transmis par nos ancêtres. Et voilà, ça c'est le thème de la chanson que nous avons choisie, une chanson qui a été du coup... créé par un chanteur, pas juste pour nous, mais de manière indépendante. Après, existe le Heiweit Haiti, à Tahiti, qui est l'un des plus vieux festivals culturels au monde, et qui propose au groupe de participer et de vraiment venir avec un spectacle inédit, à la fois en termes de chant et de danse, et du coup, de créer des musiques en traitant d'un thème qui peut être à la fois imaginaire ou légendaire. Quand je dis imaginaire, c'est-à-dire vraiment une création qui ne fait pas partie des légendes connues de Tahiti. Ça peut traiter aussi d'une légende, des anciens dieux du coup, ou ça peut aussi traiter d'un thème très abstrait comme, je ne sais pas, je vais dire une bêtise, mais l'amour par exemple, ça pourrait être...

  • Speaker #0

    C'est un super sujet l'amour,

  • Speaker #1

    on est d'accord. D'un sentiment, en tout cas, moi c'est un sujet qui me plaît énormément, parce qu'au-delà de raconter des légendes, ce côté artistique que peut avoir le Hori Teiichi permettrait de traiter des sujets beaucoup plus abstraits comme les sentiments. Ça pourrait être très intéressant de faire un spectacle qui tournerait juste autour... des différents sentiments et essayer de les mettre en scène grâce à la danse haïtienne.

  • Speaker #0

    Et donc les dieux, c'est quelque chose qui est présent aussi dans la culture ? Parce que si tu veux, moi en tant que parisienne, on n'a pas forcément ça.

  • Speaker #1

    Alors les mythes et légendes tahitiennes sont très importantes puisqu'en fait le problème avec Tahiti, comme dans beaucoup d'anciennes colonies, c'est que le programme enseigné à l'école, que ce soit au niveau de l'histoire ou même de la géographie, n'est pas forcément adapté au lieu. En tout cas à Tahiti, moi je n'ai pas eu la chance de connaître l'histoire de mon pays finalement. Enfin j'ai appris l'histoire de la France. Et c'est bien dommage, je pense qu'on devrait renseigner. Là, on parlait des légendes, mais c'est tout aussi important parce que c'est un peuple qui est polythéiste et qui honorait plusieurs dieux. Il y a eu une évolution des dieux qui sont apparus, qui ont été plus ou moins importants en fonction des époques et des périodes dans l'histoire. Bref, tout ça pour dire qu'en fait, au travers des livres qu'on va avoir, des mythes et légendes qu'on va avoir racontées, on va donner accès aux enfants et aux jeunes d'aujourd'hui. Ils vont avoir accès un petit peu plus aux religions anciennes. et aux connaissances liées à l'histoire.

  • Speaker #0

    Oui, et puis c'est quelque chose effectivement qui relie à des valeurs aussi, à une manière de penser.

  • Speaker #1

    Absolument, absolument. On a de très belles légendes, qui sont d'ailleurs très inspirantes pour la danse. Je pense à la légende de Taharwa, qui est le dieu créateur. Et la légende raconte que de toutes les parties de son corps, il va créer le monde. Le O, Ma, Ohi, O c'est le monde, Ma, Ohi, autochtone, qu'on peut traduire par autochtone. Donc de toutes les parties de son corps, il va créer le monde. Donc de sa colonne vertébrale, il va faire les chaînes de montagne, de son sang, il va faire les rivières. Je ne me souviens plus exactement de chaque partie du corps qu'il va utiliser, mais je me souviens par exemple de ses ongles qui vont être les écailles des poissons. C'est une belle légende et c'est des histoires que je lirai à mes enfants, en tout cas un jour.

  • Speaker #0

    Donc c'est hyper important parce que c'est hyper inspirant. Est-ce que tu peux nous en raconter une autre ?

  • Speaker #1

    Alors je pense là au dieu Oro, qui est le dieu de la guerre, mais qui est aussi le dieu des Harioï, dont on parlait tout à l'heure. Les Harioï vénéraient le dieu Oro, notre dieu on va dire en tant que danseur. Et c'est marrant parce que c'est le dieu de la guerre, mais c'est aussi le dieu de la fertilité. Les Harioï honoraient le dieu Oro et réalisaient du coup des performances en l'honneur de ce dieu qui a à un moment donné eu une place très importante au sein du peuple. d'Aïssien. Et du coup, réaliser des danses et de très grands spectacles dans l'objectif de célébrer finalement la vie et le duo. Waouh,

  • Speaker #0

    c'est inspirant en tout cas. Moi, ça me parle et on voit tout de suite plein d'images et un imaginaire.

  • Speaker #1

    Moi, j'ai vraiment l'image quand je pense à ça. Je vois autour d'un feu, avec des lumières un peu tamisées, des torches et des mouvements très langoureux. En plus de ça, on ne sait pas du tout la musique qu'on a aujourd'hui. On n'avait que deux instruments, enfin on suppose en tout cas. Je suppose qu'il n'y avait que deux instruments, qui est le prow, qui est un tambour, donc un son plutôt lourd. La terre, c'est ça ? Voilà, c'est ça. Et le vivo, qui est plutôt, du coup, pour moi, un son aérien. C'est une flûte nasale, donc c'est vraiment un très, très beau son. Ce que j'ai pu lire et ce que j'ai pu voir comme images, comme dessins retraçants vers l'histoire de la danse à l'époque, j'imagine des danses très, très lentes, une atmosphère très sensuelle. Et voilà, il y avait aussi un rapport au corps qui n'est évidemment plus le même. qui n'est pas le même que déjà en France aujourd'hui. Le rapport au corps à Tahiti est déjà très différent, même en 2024, mais à l'époque encore plus, puisque c'est un peuple qui vit déjà dans un pays chaud et on a un rapport au corps, on est beaucoup moins pudique déjà, toujours aujourd'hui. Mais la danse, c'était vraiment des mouvements sensuels qui pouvaient aller jusqu'à l'acte sexuel même, pour représenter encore une fois cette célébration de la vie.

  • Speaker #0

    Et du plaisir.

  • Speaker #1

    Exactement.

  • Speaker #0

    Et de célébrer effectivement. Moi, ça me parle.

  • Speaker #1

    En tout cas, l'image est très belle dans ma tête.

  • Speaker #0

    Et finalement, c'est aussi une danse qui est quand même spécifique ou pas à la femme ?

  • Speaker #1

    Ah non, non, pas du tout. Non, non, non, c'est une danse qui est pratiquée à la fois par l'homme, à la fois par la femme. C'est pour ça encore cette image de la Vahiné n'est pas forcément en lien avec la danse. La danse laïcienne pour les hommes a beaucoup évolué, tout comme la danse pour les femmes. On a un peu cette image du guerrier plutôt très fort, très grand, plutôt brutal. comme danse, je parle, comme mouvement. C'est une danse qui a énormément évolué. J'ai eu la chance de danser avec un artiste exceptionnel qui s'appelle Tway Itraki et qui a, selon moi, inspiré la génération d'après. On a le même âge que dans les années 2010. Il réalise une performance au Hey Wait Hey Tee Festival, dont on parlait un petit peu plus tôt. Il réalise une performance qui est finalement d'une élégance et d'une douceur loin de ce qui s'est fait avant. Ça a apporté plus de sens, en fait, plus d'élégance. mettre de côté cette affirmation de virilité au profit d'affirmer une maîtrise, une technicité, une élégance aussi, et pourquoi pas une grâce aussi dans la danse. Pas tout comme dans la danse thaïcienne pour femmes.

  • Speaker #0

    Avant qu'on revienne un peu à ton parcours, est-ce que la danse thaïcienne sert à des rites aussi ?

  • Speaker #1

    Actuellement, pas du tout, à part une épreuve au bac. Nous avons une épreuve de Hori Keiichi au bac. J'ai pas mon bac de danse. C'est d'ailleurs ce qui m'a permis d'avoir ma mention. Ce qui m'a permis d'ailleurs d'introduire une école après plus tard finalement. Bref, tout ça pour dire que la danse a toujours été très présente finalement dans ma vie. Sinon, il y a le tatouage. Je sais pas si c'est pratiqué encore. Moi, j'ai eu une éducation aussi assez métropolitaine. Et puis ma maman, en fonction des archipels, ma maman est paumoutou, donc marquisienne. Donc en fonction des archipels, les pratiques sont... similaire mais aussi différente. La danse marquisienne est totalement différente de la danse Poumoutou, de la danse Poumoutou est totalement différente de la danse tahitienne. Moi je pratique le rite haïti, la danse tahitienne. Mais voilà, tout ça pour dire que les rites de passage sont différents en fonction des archipels et du coup des familles. Même si aujourd'hui on habite tous à Tahiti, on se considère tous comme tahitiens. finalement, il y a énormément de différences en fonction de tes origines déjà à l'intérieur de la Polynésie française. Je sais que le tatouage, c'est un rite de passage qui est encore pratiqué par des familles à Tahiti. Après la danse, non, il n'y a pas de rite de passage, en tout cas pas actuellement.

  • Speaker #0

    Donc le Hori Tahiti, pour les gens qui ne connaissent pas, c'est vraiment la danse traditionnelle, on est bien d'accord ?

  • Speaker #1

    Il y a aussi d'autres danses, comme je disais, la danse marquisienne, la danse Poumoutou, en fonction des groupements d'îles. les danses vont être différentes. Le Hori Teiti est la danse la plus connue de la Polynésie française. Ce n'est pas forcément la meilleure, c'est juste que c'est celle qui a séduit le plus de personnes. On a plus de pratiquants de Hori Teiti que de danses marquisées.

  • Speaker #0

    Je voudrais qu'on en revienne un peu à toi. Finalement, ton père t'encourage à t'entraîner. C'est ça, ce premier souvenir de la danse ?

  • Speaker #1

    Oui, c'est ça. C'est les heures passées à m'entraîner alors que je n'ai que 6 ans. C'est un peu tôt. Oui, c'est un peu tôt. J'ai un papa qui est très exigeant, mais qui m'a donné les moyens d'atteindre le niveau que j'ai aujourd'hui et d'en faire aussi mon métier, finalement. Je commence à faire aussi des spectacles dès l'âge de 6 ans. Et là, bien sûr, je commence à prendre plaisir, puisque c'est toujours... Hyper plaisant que de se donner un spectacle, surtout quand on est si jeune, de voir que les gens sont contents et que ça fait plaisir à la fois à la famille, que ce soit du côté de ma maman, du côté de mon papa, mais aussi aux personnes qui sont dans le public et qui apprécient de voir une petite fille de 6 ans avec, je pense, des capacités. En tout cas, l'entraînement me permettait d'avoir un niveau qui a été jugé intéressant et à mettre en spectacle. Je commence à faire mes premiers spectacles à l'âge de 6 ans.

  • Speaker #0

    C'est normal de faire des spectacles à cet âge-là ou tu étais un peu quand même... déjà un peu en avance ?

  • Speaker #1

    À l'époque, j'ai quand même 30 ans. C'était il y a plus de 20 ans. Donc oui, on va dire que c'était rare. Oui, oui, oui, c'était rare. Je me souviens avoir aussi dansé des années. À partir de 6 ans, je commence à danser dans des hôtels. Ouais, ouais, ouais. Je commence à danser pour les touristes tous les lundis. Je commence vraiment à faire des spectacles et avoir, on va dire, des contrats réguliers. Wow ! Je l'ai fait jusqu'à l'âge de 12 ans à peu près. Et donc,

  • Speaker #0

    ça, c'était du haut ?

  • Speaker #1

    Tahiti. Tahiti, oui, voilà. Et je dansais la plupart du temps en totale improvisation. À cet âge-là, je ne comprends d'ailleurs pas ma langue. Je n'apprends que bien plus tard le Réo Tahiti, la langue tahitienne. Finalement, je danse un peu en fonction de ce que m'inspire la musique. Ce qui m'a permis de développer aujourd'hui une oreille un peu différente. Je suis plus attachée à la musicalité, au son, que à la langue dans un premier temps. Ça fait 27 ans que je danse. Il y a 5 ans, on m'a ouvert encore une autre porte. Ça me permet aujourd'hui à la fois d'être attentive à la musicalité. Du coup, j'arrive à... comprendre le sens de la musique sans même attacher d'importance aux mots. J'essaye d'ailleurs de ne pas attacher d'importance aux mots. Et une fois que je me concentre ensuite sur les mots, s'ouvre encore une autre dimension et ça permet encore plus d'avoir de l'inspiration pour créer un geste qui à la fois soit plus parlant pour les personnes qui comprennent la langue et aussi, pourquoi pas, plus original. C'est très inspirant. Oui, une double lecture d'abord le ressenti et après le plus le cérébral. Exactement. et ça c'est important et du coup j'aime bien justement cette partie plus sentimentale émotionnelle qui va me guider en tout cas dans le début de ma création parce que c'est plus intuitif en plus comme tu disais je suis quand même impressionnée dans les hôtels j'imagine très bien quand je faisais mes costumes mon père est assez exigeant mais j'aimais beaucoup je prenais beaucoup de plaisir je pensais tous les lundis soirs dans un hôtel et Et je dansais tous les dimanches dans un restaurant, tous les dimanches midi. Je me souviens que je faisais moi-même mes couronnes et je faisais des couronnes aussi que je distribuais aux touristes. Et on faisait aussi des petites compiles sur CD à l'époque qu'on vendait aux touristes. Et voilà, ça me permettait d'avoir un petit peu d'argent et j'étais très contente. Du coup, je pouvais aller faire un petit peu de shopping parce qu'à Tahiti, il n'y a pas grand chose. Donc, on m'a très, très vite appris la valeur du travail. Il fallait travailler pour obtenir ce que je voulais. Et du coup, voilà, la danse... a toujours eu une place très importante dans ma vie.

  • Speaker #0

    Et donc à partir de 12 ans, comment ça se passe ? Comment ça évolue ?

  • Speaker #1

    Alors j'arrête de faire des spectacles parce que mon corps change forcément à l'âge de 12 ans. Je suis entre la femme et l'enfant et c'est là où je me sens moins à l'aise. Déjà parce que commence la crise d'adolescence. Et ça c'est difficile. Voilà, donc j'ai plus très envie de danser. La discussion se fait très rapidement avec le directeur en mode, je trouve même pour mon père, même pour moi, même pour le directeur, on tombe tous d'accord sur le fait que... mon corps change, que ça peut être dérangeant à la fois pour moi, à la fois pour le staff, à la fois pour la clientèle, et que du coup, il est temps d'arrêter et que j'intègre une troupe professionnelle. En tout cas, je fasse autre chose que de danser seule dans un hôtel. C'est là que j'arrête de danser en solo et j'intègre une troupe de danse.

  • Speaker #0

    Entre temps, tu avais déjà intégré le conservatoire ?

  • Speaker #1

    Oui, j'ai commencé le conservatoire à l'âge de 8 ans. Le conservatoire se trouve sur l'île de Tahiti. Moi, j'habitais l'île de Mouréa, qui est l'île sœur de Tahiti, qui a 30 minutes en bateau. Et j'allais tous les mercredis et vendredis, je prenais le bateau. J'avais une dérogation spéciale pour sortir un peu en avance et je partais avec mon koulélé, qui est l'équivalent d'une guitare. Oui, la guitare. Exactement, sous le bras, je prenais le bateau. Mon départ accompagné, chaque mercredi et chaque vendredi, pour aller au conservatoire et suivre mes cours de chant, de musique et de danse.

  • Speaker #0

    Et c'était dur ? En général, le conservatoire, il y a un côté très aussi exigeant, un cadre des fois rigoureux.

  • Speaker #1

    C'était difficile de faire tout ça parce que, mine de rien, 30 minutes de bateau pour y aller, puis marcher, aller jusqu'au conservatoire. Je me souviens que mon papa venait avec moi. Tous les mercredis et tous les vendredis. Mes jeunes années, après, encore une fois, à partir de 13 ans, ça peut paraître bizarre d'avoir des parents, surtout un homme, accompagner sa fille dans une salle avec des jeunes ados. Mais jusqu'au moins l'âge de mes 12 ans, il est venu absolument à tous mes cours de danse pour regarder et pour apprendre parce que ça l'intéressait. Pas juste parce qu'il avait envie de faire de moi la meilleure danseuse, mais parce que ça l'intéressait de voir cette danse. Et il a toujours été passionné aussi. par le Hori Taiti, c'est lui qui m'emmène voir mes premiers spectacles de danse. Bon, moi, à 6 ans, je n'étais pas très intéressée. Puis finalement, aujourd'hui, je ne regarde plus que ça. Et oui,

  • Speaker #0

    maintenant, comme tu disais,

  • Speaker #1

    un petit peu possédée. Voilà, c'est ça. Voilà, donc le conservatoire, pas rigoureux, le Hori Taiti, même en tant que discipline. On a aujourd'hui un livre qui a été mis en place, d'ailleurs, par le conservatoire en collaboration avec une majorité de grands professeurs de danse. à Tahiti, donc il existe un répertoire des pas de danse, mais à cette époque-là, quand j'ai 6 ans, on est très très loin de ce côté discipline, vraiment, on est vraiment très très loin de ça.

  • Speaker #0

    Donc c'est à partir de 14 ans où tu vas rejoindre ?

  • Speaker #1

    Les grands ballets de Tahiti, absolument. Avant ça, j'ai l'occasion de danser avec plusieurs professeurs de danse qui ont des styles aussi différents, mais qui restent, on va dire, dans un cadre traditionnel. J'ai beaucoup de mal avec ce mot, mais je pense que ça parle quand même à tout le monde. Bien sûr. Je vais continuer à l'utiliser. Dans le sens noble,

  • Speaker #0

    en fait. Oui.

  • Speaker #1

    Et le conservatoire enseigne les arts traditionnels. Les grands ballets de Tahiti s'inscrivent dans un style... très moderne, propose d'ailleurs des spectacles allant jusqu'à de la danse contemporaine. Lorenzo, qui est le chorégraphe, et Teiki, le directeur artistique, ont une formation de danseurs classiques et contemporains. Donc quand je découvre les Grands Vallées de Tahiti, pour moi, venant du conservatoire et ayant eu la chance d'apprendre avec d'autres professeurs très opposés à Lorenzo, c'est vraiment une grande découverte. Et du coup, je plonge dans un univers qui est à l'opposé de celui du conservatoire.

  • Speaker #0

    Et pourquoi tu décides d'aller là ?

  • Speaker #1

    À mon père. Je n'ai pas vraiment encore le choix à 14 ans. Mon père qui avait travaillé avec Taiki et Lorenzo des années auparavant. demande à Taiki de m'introduire dans la troupe. Alors attends, parce que du coup,

  • Speaker #0

    lui,

  • Speaker #1

    il est danseur ou pas ? Non, mon père. Pas du tout, du tout, du tout. Non, non, mon père était coiffeur à la base. Puis après, il a fait énormément de choses, choses dans énormément de domaines. Mais du coup, de par son lien avec la mode, on va dire, travailler avec Taiki Lorenzo, qui eux aussi travaillaient dans la mode. à côté de la danse. Voilà. Donc voilà. Donc faire le lien. Puis Tahiti, t'as resté un petit petite-tine. Une petite-tine dont tout le monde se connaît. Donc voilà, l'idée c'était de passer à un autre level et là, j'ai découvert en fait la danse en groupe. Donc j'ai eu beaucoup de mal déjà puisque j'ai toujours été... une danseuse soliste. Il faut se plier aux règles et apprendre à danser avec d'autres personnes. Donc très très difficile. Puis c'est pas forcément facile aussi d'introduire une troupe de danse. Bon, t'avais d'un côté les hommes, d'un côté les femmes. D'introduire une troupe de danse avec des danses... Enfin... un groupe de femmes, un groupe de filles, ce n'est pas forcément ce qui est le plus évident. Surtout que j'étais très très jeune, j'étais la plus jeune de la troupe. Deux autres filles aussi comme moi, avec 14 ans, mais du coup, on avait un peu du mal. Il faut se faire une place à Tahiti. Je ne sais pas comment c'est aujourd'hui. J'espère que ça a changé, que ça a évolué, mais ce n'est pas forcément évident. Là, par contre, on peut parler de rite de passage un peu. Rite de passage, c'est ça. Oui, là, c'est tu vas derrière, tu suis et tu te démerdes. Et puis voilà, on ne va pas forcément être super sympathique avec toi. En tout cas, c'est le souvenir que j'en ai. Bon, après, encore une fois, j'avais 14 ans. J'étais moi-même une adolescente qui venait en plus du conservatoire. Donc. Pas forcément un caractère facile. Donc voilà, en tout cas, l'image qu'on est, c'est que... Pas forcément évident de s'entendre entre femmes, déjà. Oui, c'est un peu le pignon, quoi. Voilà. Et il a fallu faire ses preuves. C'est l'image que j'en ai. En tout cas, j'espère qu'aujourd'hui, ça a évolué et que les anciennes qui, d'après ce que je comprends et ce que j'ai compris à l'époque, avaient souffert de la même manière. Enfin, souffert, avaient, voilà... Subi un peu. Étaient passées par la même expérience. Avaient vécu, voilà, on va dire, la même expérience. J'espère qu'aujourd'hui il y a plus de bienveillance et que les anciennes sont là pour accompagner les nouvelles. En tout cas moi c'est ce que je fais dans ma troupe. Je pense qu'il y a deux manières de gérer une troupe, c'est soit par la crainte, soit par l'amour. J'ai choisi d'avoir une troupe famille et d'accompagner mes danseuses, non pas en leur faisant peur mais en leur inspirant le respect, l'amour et l'admiration. Je le souhaite, c'est comme ça que je motive mes troupes.

  • Speaker #0

    Je pense que c'est quand même beaucoup plus fructueux. Les profs faisaient... peur ou c'était...

  • Speaker #1

    J'avoue que moi, j'avais une vision de Taiki Lorenzo qui était assez... Il me faisait peur. C'est très difficile de se souvenir ce qui se passait vraiment dans ma tête quand j'avais 14 ans. Mais oui, j'avais très, très peur de Taiki Lorenzo. Je pense que je n'ai jamais osé leur parler jusqu'à... Mais Lorenzo revient en France. Je le revois. Je devais avoir 22 ans. C'était déjà difficile de faire une phrase. Oui, pleinement, il m'a intimidée. Aujourd'hui, je sais qu'à chaque voyage que je fais à Tahiti, chaque année, depuis que j'ai créé mon école de danse, ça va faire une dizaine d'années où je rentre à Tahiti tous les mois de novembre pour participer toujours à la même compétition.

  • Speaker #0

    Et chaque année, je vois Taiki Lorimzo et j'ai des échanges tout à fait normaux. Mais je pense que c'est à la fois la timidité, et c'est des personnes qui m'ont toujours beaucoup impressionnée de par leur art.

  • Speaker #1

    Oui, donc il y a quand même effectivement ce côté très difficile et inaccessible en fait.

  • Speaker #0

    Oui, le rite-hétiche, je pense, se veut... Il y a une certaine distance que crée le chorégraphe, le directeur, le chef de troupe, le hathira. On dit hathira pour chef de troupe. Donc le chef du groupe se veut se créer une distance. Et après, entre le chef de troupe et les danseuses, il va y avoir des meneuses, des poupoues qui vont être là ou des répétitrices qui vont être là pour faire le lien entre les deux. Mais il n'y a pas vraiment de proximité, enfin pas en tout cas dans toutes les troupes, peut-être qu'il existe. Et puis, en fait, à Tahiti, pour revenir encore à ce festival culturel qui est le Hey ! Vite Tahiti, ce sont des... de très gros effectifs. C'est une scène qui fait 1000 m², qui peut accueillir jusqu'à 200 artistes. Je pense que ce n'est pas forcément facile et pas forcément l'objectif du chef de troupe que de créer ce lien avec tous les artistes qui, de plus, changent de groupe d'année en année.

  • Speaker #1

    Mais quand tu étais au Grand Ballet, c'était déjà le cas ?

  • Speaker #0

    Non, c'était pour le coup des petits effectifs. Je pense qu'il y avait ce lien famille, mais plus chez les anciennes. qu'avec les nouvelles et que probablement que si je l'avais vécu plus tard, plus âgé, plus accessible, moi aussi, ou alors plutôt parce que les Grands Ballets étaient aussi, eux, en pleine évolution vers un style encore plus contemporain avec aussi une évolution au sein de la troupe, une séparation aussi entre certains membres fondateurs des Grands Ballets de Tahiti. Je suis arrivée dans un moment un peu particulier. Donc, je pense que ça peut expliquer aussi ce manque de cohésion et ce manque Ce contexte est un peu particulier en tout cas. Je sais qu'il existe dans d'autres troupes, je pense à Hate Haiti de Thierry Trompette ou Tahiti Oura de Tumata Robinson. Je sais qu'il existe ce lien très fort famille et c'est important.

  • Speaker #1

    En tout cas, toi, si j'ai bien compris, tu n'avais pas de lien direct ?

  • Speaker #0

    Non, je ne ressentais pas d'amitié ou ce que je ressens aujourd'hui avec ma troupe. Mais bon, voilà, nous, on est un petit effectif. On est aussi, je pense, liés par la passion de la danse. Mais peut-être aussi, pour certaines originaires de Tahiti, on est liés par notre origine commune.

  • Speaker #1

    Donc, tu as ces deux côtés, moderne d'un côté et plutôt traditionnel de l'autre, qui vont te permettre de faire un peu ta patte. Absolument. Et qu'est-ce qui fait que, finalement, tu vas partir de cette île ?

  • Speaker #0

    Alors, je... part de Tahiti à mes 18 ans pour poursuivre mes études. Je décide, enfin, je décide, non, on décide pour moi. Je suis prise à la Sorbonne et on ne va pas se refuser cette opportunité que de pouvoir étudier à la Sorbonne. J'avais comme objectif de faire du droit et de devenir avocate ou professeur de droit à Tahiti, puisque je voulais rentrer à Tahiti éventuellement. En tout cas, me laisser cette possibilité. Finalement, une fois arrivée en France, pendant un an, j'essaye déjà de m'adapter. Donc, c'est terrible. C'est vraiment terrible.

  • Speaker #1

    Passer de Tahiti à Paris, franchement, je pense que...

  • Speaker #0

    Et de passer du lycée Paul Gauguin à la Pape-Été, à Tiberuie, à la Sorbonne, ça a été terrible.

  • Speaker #1

    Voilà, c'est déjà la fin de cette première partie. J'espère que cette immersion dans l'univers du Hori Tahiti vous a inspiré. Dans le prochain épisode, nous découvrirons comment Thaïa s'est adaptée à la vie parisienne, comment elle a recréé aussi un lien avec sa culture, tout en devenant... une entrepreneuse accomplie. Et vous verrez, ce sera chargé d'émotion. Pensez à vous abonner pour être prévenu de la sortie de cette seconde partie. Et si vous aimez ce contenu, laissez 5 étoiles et un petit commentaire. Cela m'aide énormément. Merci infiniment pour votre fidélité et je vous donne rendez-vous le 1er décembre pour la suite.

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Description

Fermez les yeux et laissez-vous emporter par un voyage au cœur de la Polynésie. Oubliez les clichés de la vahiné au bord de l’eau : la danse tahitienne, le Ori Tahiti, est bien plus qu’une simple image de carte postale. C’est un art vivant, vibrant, empreint de spiritualité et de puissance.


Dans cet épisode, j’ai l’immense plaisir d’accueillir Tahia Cambet, danseuse, chorégraphe et entrepreneuse exceptionnelle, qui a su faire rayonner cet art ancestral aux quatre coins du monde.


Ensemble, nous plongerons dans son parcours fascinant : de ses premiers pas de danse à Tahiti à la création de la plus grande école de Ori Tahiti à Paris, en passant par sa quête pour préserver et réinventer cet héritage culturel.


Préparez-vous à découvrir comment cette discipline mêle traditions, émotions et modernité. Un épisode riche en découvertes et en émotions, à ne pas manquer.



Vous pouvez retrouver toutes les informations la concernant sur son site: www.tahia-ori-tahiti.com

et son instagram : www.instagram.com/tahia_oritahiti/


Et voici les liens du podcast Les Sens de la Danse sur les réseaux sociaux:

Le compte Instagram du podcast : https://www.instagram.com/lessensdeladanse.podcast/

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Très belle écoute !


Hébergé par Ausha. Visitez ausha.co/politique-de-confidentialite pour plus d'informations.

Transcription

  • Speaker #0

    L'essence de la danse, le podcast qui met de la conscience dans le mouvement. Fermez les yeux, vous entendez cette musique ? Vous voyez déjà les plages infinies, l'eau translucide, et là, au centre de ce tableau idyllique, une femme danse, une veine. Et bien détrompez-vous, cette image stéréotypée de l'avaïné languissante appartient au passé et il est temps de redécouvrir la danse tahitienne dans toute sa richesse et sa profondeur. Alors que le film Vahiana 2 arrive bientôt sur les écrans, j'ai l'immense plaisir d'accueillir une artiste hors normes pour redonner à cet art ses lettres de noblesse. Taya Cambé a créé à Paris la plus grande école de Hori Tahiti. J'ai eu la chance de la rencontrer. tout juste avant son départ pour Tahiti, où sa troupe participe au plus grand événement de danse polynésienne, le Heiva Festival. En 2016, elle y a décroché le titre de vice-championne du monde, et ses élèves brillent sur les podiums chaque année. Taya, c'est aussi une visionnaire. Elle a lancé l'une des premières plateformes de cours en ligne dédiées au Hori Tahiti, et rassemble des élèves du Japon, du Mexique et des Etats-Unis. Avec Thaïa Cambé, nous allons plonger dans un art profondément enraciné dans l'héritage polynésien. Préparez-vous à voyager, à ressentir et à explorer l'âme de Tahiti à travers le regard et le cœur de cette artiste. Bonjour Thaïa.

  • Speaker #1

    Bonjour Myriam.

  • Speaker #0

    Comment tu vas ?

  • Speaker #1

    Ça va ? Ça va très très bien, ça va très très bien. On est un petit peu... très occupé ces derniers temps. Comme toujours, on a toujours mis le projet et on prépare actuellement une compétition qui a lieu à Tahiti. Donc, on est sur le grand départ. Et du coup, c'est un voyage important pour nous puisque c'est un voyage qu'on réalise chaque année et qui permet à la fois à des personnes comme moi d'origine tahitienne de rentrer au pays et pour d'autres de découvrir l'île de Tahiti.

  • Speaker #0

    Donc, on va en parler parce que c'est ta grande actualité là.

  • Speaker #1

    Oui.

  • Speaker #0

    La première question, je voudrais que tu me dises un petit peu comment tu as fait pour que Tahiti soit un pays Si on rembobine, qu'on retrouve la taille à petite, c'est quoi ton premier, vraiment le premier souvenir de danse ?

  • Speaker #1

    J'ai commencé la danse thaïcienne, j'avais 3 ans, donc à peine je marchais, que j'apprenais à danser. Je me souviens de quelques pas faits avec ma maman, mais on va dire que c'est plus tard, à l'âge de 6 ans, où mon père m'encourage à pratiquer cette danse. C'était un moyen pour lui de m'encourager à garder un lien avec ma culture, parce que mes parents se séparent. Et du coup, l'idée de pratiquer le Hori Tei Chi, la danse thaïcienne, c'était un moyen pour lui de... de me permettre de garder ce lien très important avec ma culture, avec ma maman, avec mes origines.

  • Speaker #0

    Tu es née à Tahiti,

  • Speaker #1

    absolument.

  • Speaker #0

    Tu te souviens un petit peu de ces premiers pas et justement de ces premiers moments avec ta maman ?

  • Speaker #1

    Alors, c'est très difficile de se souvenir à l'âge de 3 ans. Je vois les photos, d'ailleurs, j'ai en plus en tête les photos de ces premiers pas de danse, surtout qu'on habitait sur un petit atoll des Toa Motu, qui est l'un des archipels de la Polynésie française. Donc, c'était vraiment un cadre magique et paradisiaque. Et du coup, pas d'école de danse, juste quelques pas comme ça, accompagnés d'un fond de musique ancien. Et voilà, donc pas vraiment de souvenirs, si ce n'est qu'à l'époque, c'était plus de l'amusement que de la passion. J'aime la danse, mais c'est bien plus tard, une fois arrivé en France, que finalement se développe cette passion, cette obsession, on va dire même, pour la danse et pour la culture thaïsienne en général.

  • Speaker #0

    Et donc ta maman, c'était quand même, elle, on peut dire, ta première professeure.

  • Speaker #1

    On va dire ça, oui, exactement. Puis ça a été mon père qui m'a vraiment, vraiment poussée. Quand je dis poussée, mon père est français, ma maman est haïtienne du coup. Et après leur séparation, c'est vraiment mon père qui me pousse à m'entraîner dès l'âge de 6 ans tous les soirs, à me pousser à pratiquer le rite haïti en plus de mes cours au conservatoire artistique de Tahiti et avec d'autres professeurs. L'idée étant de découvrir, enfin l'idée en tout cas pour lui à l'époque, moi je n'ai pas trop le choix. Mais c'était de me faire découvrir plusieurs styles dans l'objectif d'un jour développer mon propre style. Et on avait déjà en tête à cette époque, parce que forcément à Tahiti, l'accès aux études est limité. Tu n'as pas forcément tous les choix qu'on t'offre les universités en France et notamment à Paris. Donc voilà, l'idée c'était d'apprendre un maximum avec différents professeurs. Et c'est ce que j'ai fait jusqu'à mes 18 ans.

  • Speaker #0

    Je voudrais un peu connaître la place de la danse déjà à Tahiti et qu'est-ce qu'elle signifie ?

  • Speaker #1

    La danse tahitienne a été interdite pendant des années et des années. Elle redevient au goût du jour dans les années 50 grâce à des modèles, des piliers du Hori Tahiti. Mais pas que la danse tahitienne, tout comme le tatouage, toutes les pratiques culturelles ont été interdites pendant des années. Donc le Hori Tahiti redevient au goût du jour dans les années 50. Elle évolue parce qu'en fait, finalement, après des années d'interdiction... La culture thaïtienne, c'est une culture qui se diffuse à l'oral, donc il n'y a pas d'écrit. C'est très difficile à part les écrits des navigateurs et des explorateurs. Il n'y a pas beaucoup d'informations sur qu'est-ce qu'était le Hori Tahiti, la danse thaïtienne, avant finalement les bases qui ont été mises en place au fur et à mesure des années, depuis 1950. Donc c'est une danse qui est en constante évolution. Aujourd'hui, on arrive à distinguer plusieurs styles. On arrive à se mettre aussi d'accord en fonction des écoles. On arrive quand même tous à se mettre d'accord sur une base commune qu'on va appeler base traditionnelle, en utilisant ce mot-là pour se mettre d'accord. Du coup, c'est une danse qui évolue beaucoup.

  • Speaker #0

    Et qui aussi raconte, si j'ai bien compris, des histoires.

  • Speaker #1

    Absolument. Ce qu'on sait du Hori Teiti, c'est que c'était une danse qui était finalement pratiquée pas par toute la population. Il pouvait y avoir, apparemment, d'après les écrits de certains navigateurs, il pouvait y avoir... des moments de danse où le peuple pouvait pratiquer, danser, s'amuser. Mais c'était surtout une discipline qui était réservée à la caste des Ariyoï, Ariyoï qui étaient en fait les artistes. Oui, c'est ce qui est vraiment extraordinaire, finalement, dans l'ancienne société thaïsienne, c'est qu'on avait cette catégorie sociale d'artistes qui étaient appelés les Ariyoï et qui étaient vénérés, peut-être que le mot est un peu fort, mais en tout cas, moi, c'est l'image que j'en ai et ce que j'en ai retenu de mes professeurs. Cette caste d'artistes qui passait outre... l'organisation sociale. Qu'on vienne du bas-peuple, de la bourgeoisie, de la noblesse, enfin de l'équivalent en tout cas, de ce qu'on connaît nous en France et en métropole. On pouvait, grâce à la beauté et grâce au talent, accéder à une autre vie et du coup décider de devenir, enfin être prise, être sélectionnée quelque part et aussi décider, faire le choix de devenir artiste, pas juste danseur, mais aussi pantomime, chanteur, musicien, enfin voilà, pratiquer l'art en tout cas et du coup voyager d'île en île. pour partager cet art. Voir débarquer sur les grandes pirogues à double balancier cette organisation derrière Rieuil, cette confrérie, on va dire, sur leur grand bateau comme ça, au son des tambours et des vivos. Vous les voir arriver comme ça, c'était signe de fête et finalement, c'était ce qui permettait aussi dans l'ancienne société de faire relâcher la pression et d'offrir au peuple un moment de joie, de fête et de convivialité.

  • Speaker #0

    Donc c'est quand même quelque chose d'extrêmement important.

  • Speaker #1

    La culture a toujours été hyper importante, elle l'est d'autant plus depuis des dizaines d'années, parce que le peuple thaïsien cherche à se réapproprier sa culture. C'est dans une démarche de recherche identitaire aussi, parce que la danse thaïsienne, de par son interdiction, de par aujourd'hui le fait qu'on puisse repratiquer, on essaye de se réapproprier notre culture. Et la danse, on va dire, est la discipline culturelle la plus pratiquée, donc la plus importante, je pense.

  • Speaker #0

    Avec aussi cette image qu'on a quand on est à Tahiti de la vahinée qui est en train un petit peu de danser.

  • Speaker #1

    C'est quelque chose de réel ou pas du tout ? Alors on a un peu du mal avec le mythe de la vahinée évidemment. Surtout que la danse tahitienne c'est vraiment aujourd'hui plus une discipline comparable à la danse classique ou à la danse contemporaine. Donc on a beaucoup de mal, en tout cas j'ai, je vais parler pour moi, à l'image de la vahinée, du mythe de la vahinée. Voilà ce que c'est cette carte. On est bien loin de cette image-là. Le Hori Teiichi n'est pas dansé par tout le monde déjà, c'est dansé par une grande partie de la population. Mais juste pour donner un chiffre, il y a 300 000 pratiquants de Hori Teiichi au Japon. C'est l'équivalent de la population en Polynésie française. Donc tout le monde ne pratique pas le Hori Teiichi. C'est une discipline qui demande énormément d'investissement. Aujourd'hui, des acteurs importants, une nouvelle génération a emmené le Hori Teiichi à un autre niveau, un niveau sportif. On est très loin de l'image de la mariner. qui dansent au bord de l'eau.

  • Speaker #0

    Langoureusement,

  • Speaker #1

    de manière assez simpliste en plus, on peut le dire. Voilà, c'est ça. Aujourd'hui, je pense qu'on aspire tous à faire de cette danse, non pas juste une pratique culturelle, mais aussi une discipline sportive et un art. Pour moi, c'est ces trois choses. C'est évidemment ma culture, mais c'est aussi mon art, ce qui me donne le droit à la liberté d'expression et libre imagination, à pouvoir dépasser même les codes, on va dire, traditionnels. Encore, le mot n'est probablement pas le bon. Mais voilà, et c'est un sport, ce qui permet à beaucoup de femmes d'ailleurs, en France comme à Tahiti, d'avoir une activité et de bien-être. L'équilibre entre le corps et l'esprit se fait par la pratique du sport. Le Hori Tahiti, c'est tout ça.

  • Speaker #0

    Ça a été interdit pour quelles raisons et à quel moment ?

  • Speaker #1

    Ça a été interdit pour des raisons religieuses, évidemment, parce que la danse thaïcienne a été jugée comme trop vulgaire, trop dénudée. C'est l'arrivée des premiers missionnaires qui fait que la danse thaïcienne est interdite et jugée obscène. Voilà.

  • Speaker #0

    Obscène. Et donc, c'est que souvent, finalement, la danse qui est un art de libération est quand même interdite. Et si j'ai bien compris, il y a aussi des légendes qui sont racontées. C'est aussi tout le patrimoine. culturelle finalement de Tahiti ?

  • Speaker #1

    Alors, le Réhaut Tahiti permet d'exprimer des choses. On choisit soit de traiter d'une légende. Le thème libre, en fait, finalement, ça dépend aussi de la musique qu'on choisit. On a deux types de danses. Les aparimas sont des danses lentes accompagnées de musiques chantées. Donc, de la langue tahitienne, le Réhaut Tahiti. On a aussi les OTA qui sont les danses accompagnées d'instruments type percussion, dont le tohéré. le pow et d'autres instruments, le fateté. Donc deux types de danse. Les deux peuvent, en fonction de l'inspiration de l'artiste, parler, traiter de tel ou tel thème. Le maparimain, par exemple, le dernier, sur lequel nous travaillons pour Tahiti, mais en avant la fierté que nous avons pour notre terre et pour ce qui nous a été transmis par nos ancêtres. Et voilà, ça c'est le thème de la chanson que nous avons choisie, une chanson qui a été du coup... créé par un chanteur, pas juste pour nous, mais de manière indépendante. Après, existe le Heiweit Haiti, à Tahiti, qui est l'un des plus vieux festivals culturels au monde, et qui propose au groupe de participer et de vraiment venir avec un spectacle inédit, à la fois en termes de chant et de danse, et du coup, de créer des musiques en traitant d'un thème qui peut être à la fois imaginaire ou légendaire. Quand je dis imaginaire, c'est-à-dire vraiment une création qui ne fait pas partie des légendes connues de Tahiti. Ça peut traiter aussi d'une légende, des anciens dieux du coup, ou ça peut aussi traiter d'un thème très abstrait comme, je ne sais pas, je vais dire une bêtise, mais l'amour par exemple, ça pourrait être...

  • Speaker #0

    C'est un super sujet l'amour,

  • Speaker #1

    on est d'accord. D'un sentiment, en tout cas, moi c'est un sujet qui me plaît énormément, parce qu'au-delà de raconter des légendes, ce côté artistique que peut avoir le Hori Teiichi permettrait de traiter des sujets beaucoup plus abstraits comme les sentiments. Ça pourrait être très intéressant de faire un spectacle qui tournerait juste autour... des différents sentiments et essayer de les mettre en scène grâce à la danse haïtienne.

  • Speaker #0

    Et donc les dieux, c'est quelque chose qui est présent aussi dans la culture ? Parce que si tu veux, moi en tant que parisienne, on n'a pas forcément ça.

  • Speaker #1

    Alors les mythes et légendes tahitiennes sont très importantes puisqu'en fait le problème avec Tahiti, comme dans beaucoup d'anciennes colonies, c'est que le programme enseigné à l'école, que ce soit au niveau de l'histoire ou même de la géographie, n'est pas forcément adapté au lieu. En tout cas à Tahiti, moi je n'ai pas eu la chance de connaître l'histoire de mon pays finalement. Enfin j'ai appris l'histoire de la France. Et c'est bien dommage, je pense qu'on devrait renseigner. Là, on parlait des légendes, mais c'est tout aussi important parce que c'est un peuple qui est polythéiste et qui honorait plusieurs dieux. Il y a eu une évolution des dieux qui sont apparus, qui ont été plus ou moins importants en fonction des époques et des périodes dans l'histoire. Bref, tout ça pour dire qu'en fait, au travers des livres qu'on va avoir, des mythes et légendes qu'on va avoir racontées, on va donner accès aux enfants et aux jeunes d'aujourd'hui. Ils vont avoir accès un petit peu plus aux religions anciennes. et aux connaissances liées à l'histoire.

  • Speaker #0

    Oui, et puis c'est quelque chose effectivement qui relie à des valeurs aussi, à une manière de penser.

  • Speaker #1

    Absolument, absolument. On a de très belles légendes, qui sont d'ailleurs très inspirantes pour la danse. Je pense à la légende de Taharwa, qui est le dieu créateur. Et la légende raconte que de toutes les parties de son corps, il va créer le monde. Le O, Ma, Ohi, O c'est le monde, Ma, Ohi, autochtone, qu'on peut traduire par autochtone. Donc de toutes les parties de son corps, il va créer le monde. Donc de sa colonne vertébrale, il va faire les chaînes de montagne, de son sang, il va faire les rivières. Je ne me souviens plus exactement de chaque partie du corps qu'il va utiliser, mais je me souviens par exemple de ses ongles qui vont être les écailles des poissons. C'est une belle légende et c'est des histoires que je lirai à mes enfants, en tout cas un jour.

  • Speaker #0

    Donc c'est hyper important parce que c'est hyper inspirant. Est-ce que tu peux nous en raconter une autre ?

  • Speaker #1

    Alors je pense là au dieu Oro, qui est le dieu de la guerre, mais qui est aussi le dieu des Harioï, dont on parlait tout à l'heure. Les Harioï vénéraient le dieu Oro, notre dieu on va dire en tant que danseur. Et c'est marrant parce que c'est le dieu de la guerre, mais c'est aussi le dieu de la fertilité. Les Harioï honoraient le dieu Oro et réalisaient du coup des performances en l'honneur de ce dieu qui a à un moment donné eu une place très importante au sein du peuple. d'Aïssien. Et du coup, réaliser des danses et de très grands spectacles dans l'objectif de célébrer finalement la vie et le duo. Waouh,

  • Speaker #0

    c'est inspirant en tout cas. Moi, ça me parle et on voit tout de suite plein d'images et un imaginaire.

  • Speaker #1

    Moi, j'ai vraiment l'image quand je pense à ça. Je vois autour d'un feu, avec des lumières un peu tamisées, des torches et des mouvements très langoureux. En plus de ça, on ne sait pas du tout la musique qu'on a aujourd'hui. On n'avait que deux instruments, enfin on suppose en tout cas. Je suppose qu'il n'y avait que deux instruments, qui est le prow, qui est un tambour, donc un son plutôt lourd. La terre, c'est ça ? Voilà, c'est ça. Et le vivo, qui est plutôt, du coup, pour moi, un son aérien. C'est une flûte nasale, donc c'est vraiment un très, très beau son. Ce que j'ai pu lire et ce que j'ai pu voir comme images, comme dessins retraçants vers l'histoire de la danse à l'époque, j'imagine des danses très, très lentes, une atmosphère très sensuelle. Et voilà, il y avait aussi un rapport au corps qui n'est évidemment plus le même. qui n'est pas le même que déjà en France aujourd'hui. Le rapport au corps à Tahiti est déjà très différent, même en 2024, mais à l'époque encore plus, puisque c'est un peuple qui vit déjà dans un pays chaud et on a un rapport au corps, on est beaucoup moins pudique déjà, toujours aujourd'hui. Mais la danse, c'était vraiment des mouvements sensuels qui pouvaient aller jusqu'à l'acte sexuel même, pour représenter encore une fois cette célébration de la vie.

  • Speaker #0

    Et du plaisir.

  • Speaker #1

    Exactement.

  • Speaker #0

    Et de célébrer effectivement. Moi, ça me parle.

  • Speaker #1

    En tout cas, l'image est très belle dans ma tête.

  • Speaker #0

    Et finalement, c'est aussi une danse qui est quand même spécifique ou pas à la femme ?

  • Speaker #1

    Ah non, non, pas du tout. Non, non, non, c'est une danse qui est pratiquée à la fois par l'homme, à la fois par la femme. C'est pour ça encore cette image de la Vahiné n'est pas forcément en lien avec la danse. La danse laïcienne pour les hommes a beaucoup évolué, tout comme la danse pour les femmes. On a un peu cette image du guerrier plutôt très fort, très grand, plutôt brutal. comme danse, je parle, comme mouvement. C'est une danse qui a énormément évolué. J'ai eu la chance de danser avec un artiste exceptionnel qui s'appelle Tway Itraki et qui a, selon moi, inspiré la génération d'après. On a le même âge que dans les années 2010. Il réalise une performance au Hey Wait Hey Tee Festival, dont on parlait un petit peu plus tôt. Il réalise une performance qui est finalement d'une élégance et d'une douceur loin de ce qui s'est fait avant. Ça a apporté plus de sens, en fait, plus d'élégance. mettre de côté cette affirmation de virilité au profit d'affirmer une maîtrise, une technicité, une élégance aussi, et pourquoi pas une grâce aussi dans la danse. Pas tout comme dans la danse thaïcienne pour femmes.

  • Speaker #0

    Avant qu'on revienne un peu à ton parcours, est-ce que la danse thaïcienne sert à des rites aussi ?

  • Speaker #1

    Actuellement, pas du tout, à part une épreuve au bac. Nous avons une épreuve de Hori Keiichi au bac. J'ai pas mon bac de danse. C'est d'ailleurs ce qui m'a permis d'avoir ma mention. Ce qui m'a permis d'ailleurs d'introduire une école après plus tard finalement. Bref, tout ça pour dire que la danse a toujours été très présente finalement dans ma vie. Sinon, il y a le tatouage. Je sais pas si c'est pratiqué encore. Moi, j'ai eu une éducation aussi assez métropolitaine. Et puis ma maman, en fonction des archipels, ma maman est paumoutou, donc marquisienne. Donc en fonction des archipels, les pratiques sont... similaire mais aussi différente. La danse marquisienne est totalement différente de la danse Poumoutou, de la danse Poumoutou est totalement différente de la danse tahitienne. Moi je pratique le rite haïti, la danse tahitienne. Mais voilà, tout ça pour dire que les rites de passage sont différents en fonction des archipels et du coup des familles. Même si aujourd'hui on habite tous à Tahiti, on se considère tous comme tahitiens. finalement, il y a énormément de différences en fonction de tes origines déjà à l'intérieur de la Polynésie française. Je sais que le tatouage, c'est un rite de passage qui est encore pratiqué par des familles à Tahiti. Après la danse, non, il n'y a pas de rite de passage, en tout cas pas actuellement.

  • Speaker #0

    Donc le Hori Tahiti, pour les gens qui ne connaissent pas, c'est vraiment la danse traditionnelle, on est bien d'accord ?

  • Speaker #1

    Il y a aussi d'autres danses, comme je disais, la danse marquisienne, la danse Poumoutou, en fonction des groupements d'îles. les danses vont être différentes. Le Hori Teiti est la danse la plus connue de la Polynésie française. Ce n'est pas forcément la meilleure, c'est juste que c'est celle qui a séduit le plus de personnes. On a plus de pratiquants de Hori Teiti que de danses marquisées.

  • Speaker #0

    Je voudrais qu'on en revienne un peu à toi. Finalement, ton père t'encourage à t'entraîner. C'est ça, ce premier souvenir de la danse ?

  • Speaker #1

    Oui, c'est ça. C'est les heures passées à m'entraîner alors que je n'ai que 6 ans. C'est un peu tôt. Oui, c'est un peu tôt. J'ai un papa qui est très exigeant, mais qui m'a donné les moyens d'atteindre le niveau que j'ai aujourd'hui et d'en faire aussi mon métier, finalement. Je commence à faire aussi des spectacles dès l'âge de 6 ans. Et là, bien sûr, je commence à prendre plaisir, puisque c'est toujours... Hyper plaisant que de se donner un spectacle, surtout quand on est si jeune, de voir que les gens sont contents et que ça fait plaisir à la fois à la famille, que ce soit du côté de ma maman, du côté de mon papa, mais aussi aux personnes qui sont dans le public et qui apprécient de voir une petite fille de 6 ans avec, je pense, des capacités. En tout cas, l'entraînement me permettait d'avoir un niveau qui a été jugé intéressant et à mettre en spectacle. Je commence à faire mes premiers spectacles à l'âge de 6 ans.

  • Speaker #0

    C'est normal de faire des spectacles à cet âge-là ou tu étais un peu quand même... déjà un peu en avance ?

  • Speaker #1

    À l'époque, j'ai quand même 30 ans. C'était il y a plus de 20 ans. Donc oui, on va dire que c'était rare. Oui, oui, oui, c'était rare. Je me souviens avoir aussi dansé des années. À partir de 6 ans, je commence à danser dans des hôtels. Ouais, ouais, ouais. Je commence à danser pour les touristes tous les lundis. Je commence vraiment à faire des spectacles et avoir, on va dire, des contrats réguliers. Wow ! Je l'ai fait jusqu'à l'âge de 12 ans à peu près. Et donc,

  • Speaker #0

    ça, c'était du haut ?

  • Speaker #1

    Tahiti. Tahiti, oui, voilà. Et je dansais la plupart du temps en totale improvisation. À cet âge-là, je ne comprends d'ailleurs pas ma langue. Je n'apprends que bien plus tard le Réo Tahiti, la langue tahitienne. Finalement, je danse un peu en fonction de ce que m'inspire la musique. Ce qui m'a permis de développer aujourd'hui une oreille un peu différente. Je suis plus attachée à la musicalité, au son, que à la langue dans un premier temps. Ça fait 27 ans que je danse. Il y a 5 ans, on m'a ouvert encore une autre porte. Ça me permet aujourd'hui à la fois d'être attentive à la musicalité. Du coup, j'arrive à... comprendre le sens de la musique sans même attacher d'importance aux mots. J'essaye d'ailleurs de ne pas attacher d'importance aux mots. Et une fois que je me concentre ensuite sur les mots, s'ouvre encore une autre dimension et ça permet encore plus d'avoir de l'inspiration pour créer un geste qui à la fois soit plus parlant pour les personnes qui comprennent la langue et aussi, pourquoi pas, plus original. C'est très inspirant. Oui, une double lecture d'abord le ressenti et après le plus le cérébral. Exactement. et ça c'est important et du coup j'aime bien justement cette partie plus sentimentale émotionnelle qui va me guider en tout cas dans le début de ma création parce que c'est plus intuitif en plus comme tu disais je suis quand même impressionnée dans les hôtels j'imagine très bien quand je faisais mes costumes mon père est assez exigeant mais j'aimais beaucoup je prenais beaucoup de plaisir je pensais tous les lundis soirs dans un hôtel et Et je dansais tous les dimanches dans un restaurant, tous les dimanches midi. Je me souviens que je faisais moi-même mes couronnes et je faisais des couronnes aussi que je distribuais aux touristes. Et on faisait aussi des petites compiles sur CD à l'époque qu'on vendait aux touristes. Et voilà, ça me permettait d'avoir un petit peu d'argent et j'étais très contente. Du coup, je pouvais aller faire un petit peu de shopping parce qu'à Tahiti, il n'y a pas grand chose. Donc, on m'a très, très vite appris la valeur du travail. Il fallait travailler pour obtenir ce que je voulais. Et du coup, voilà, la danse... a toujours eu une place très importante dans ma vie.

  • Speaker #0

    Et donc à partir de 12 ans, comment ça se passe ? Comment ça évolue ?

  • Speaker #1

    Alors j'arrête de faire des spectacles parce que mon corps change forcément à l'âge de 12 ans. Je suis entre la femme et l'enfant et c'est là où je me sens moins à l'aise. Déjà parce que commence la crise d'adolescence. Et ça c'est difficile. Voilà, donc j'ai plus très envie de danser. La discussion se fait très rapidement avec le directeur en mode, je trouve même pour mon père, même pour moi, même pour le directeur, on tombe tous d'accord sur le fait que... mon corps change, que ça peut être dérangeant à la fois pour moi, à la fois pour le staff, à la fois pour la clientèle, et que du coup, il est temps d'arrêter et que j'intègre une troupe professionnelle. En tout cas, je fasse autre chose que de danser seule dans un hôtel. C'est là que j'arrête de danser en solo et j'intègre une troupe de danse.

  • Speaker #0

    Entre temps, tu avais déjà intégré le conservatoire ?

  • Speaker #1

    Oui, j'ai commencé le conservatoire à l'âge de 8 ans. Le conservatoire se trouve sur l'île de Tahiti. Moi, j'habitais l'île de Mouréa, qui est l'île sœur de Tahiti, qui a 30 minutes en bateau. Et j'allais tous les mercredis et vendredis, je prenais le bateau. J'avais une dérogation spéciale pour sortir un peu en avance et je partais avec mon koulélé, qui est l'équivalent d'une guitare. Oui, la guitare. Exactement, sous le bras, je prenais le bateau. Mon départ accompagné, chaque mercredi et chaque vendredi, pour aller au conservatoire et suivre mes cours de chant, de musique et de danse.

  • Speaker #0

    Et c'était dur ? En général, le conservatoire, il y a un côté très aussi exigeant, un cadre des fois rigoureux.

  • Speaker #1

    C'était difficile de faire tout ça parce que, mine de rien, 30 minutes de bateau pour y aller, puis marcher, aller jusqu'au conservatoire. Je me souviens que mon papa venait avec moi. Tous les mercredis et tous les vendredis. Mes jeunes années, après, encore une fois, à partir de 13 ans, ça peut paraître bizarre d'avoir des parents, surtout un homme, accompagner sa fille dans une salle avec des jeunes ados. Mais jusqu'au moins l'âge de mes 12 ans, il est venu absolument à tous mes cours de danse pour regarder et pour apprendre parce que ça l'intéressait. Pas juste parce qu'il avait envie de faire de moi la meilleure danseuse, mais parce que ça l'intéressait de voir cette danse. Et il a toujours été passionné aussi. par le Hori Taiti, c'est lui qui m'emmène voir mes premiers spectacles de danse. Bon, moi, à 6 ans, je n'étais pas très intéressée. Puis finalement, aujourd'hui, je ne regarde plus que ça. Et oui,

  • Speaker #0

    maintenant, comme tu disais,

  • Speaker #1

    un petit peu possédée. Voilà, c'est ça. Voilà, donc le conservatoire, pas rigoureux, le Hori Taiti, même en tant que discipline. On a aujourd'hui un livre qui a été mis en place, d'ailleurs, par le conservatoire en collaboration avec une majorité de grands professeurs de danse. à Tahiti, donc il existe un répertoire des pas de danse, mais à cette époque-là, quand j'ai 6 ans, on est très très loin de ce côté discipline, vraiment, on est vraiment très très loin de ça.

  • Speaker #0

    Donc c'est à partir de 14 ans où tu vas rejoindre ?

  • Speaker #1

    Les grands ballets de Tahiti, absolument. Avant ça, j'ai l'occasion de danser avec plusieurs professeurs de danse qui ont des styles aussi différents, mais qui restent, on va dire, dans un cadre traditionnel. J'ai beaucoup de mal avec ce mot, mais je pense que ça parle quand même à tout le monde. Bien sûr. Je vais continuer à l'utiliser. Dans le sens noble,

  • Speaker #0

    en fait. Oui.

  • Speaker #1

    Et le conservatoire enseigne les arts traditionnels. Les grands ballets de Tahiti s'inscrivent dans un style... très moderne, propose d'ailleurs des spectacles allant jusqu'à de la danse contemporaine. Lorenzo, qui est le chorégraphe, et Teiki, le directeur artistique, ont une formation de danseurs classiques et contemporains. Donc quand je découvre les Grands Vallées de Tahiti, pour moi, venant du conservatoire et ayant eu la chance d'apprendre avec d'autres professeurs très opposés à Lorenzo, c'est vraiment une grande découverte. Et du coup, je plonge dans un univers qui est à l'opposé de celui du conservatoire.

  • Speaker #0

    Et pourquoi tu décides d'aller là ?

  • Speaker #1

    À mon père. Je n'ai pas vraiment encore le choix à 14 ans. Mon père qui avait travaillé avec Taiki et Lorenzo des années auparavant. demande à Taiki de m'introduire dans la troupe. Alors attends, parce que du coup,

  • Speaker #0

    lui,

  • Speaker #1

    il est danseur ou pas ? Non, mon père. Pas du tout, du tout, du tout. Non, non, mon père était coiffeur à la base. Puis après, il a fait énormément de choses, choses dans énormément de domaines. Mais du coup, de par son lien avec la mode, on va dire, travailler avec Taiki Lorenzo, qui eux aussi travaillaient dans la mode. à côté de la danse. Voilà. Donc voilà. Donc faire le lien. Puis Tahiti, t'as resté un petit petite-tine. Une petite-tine dont tout le monde se connaît. Donc voilà, l'idée c'était de passer à un autre level et là, j'ai découvert en fait la danse en groupe. Donc j'ai eu beaucoup de mal déjà puisque j'ai toujours été... une danseuse soliste. Il faut se plier aux règles et apprendre à danser avec d'autres personnes. Donc très très difficile. Puis c'est pas forcément facile aussi d'introduire une troupe de danse. Bon, t'avais d'un côté les hommes, d'un côté les femmes. D'introduire une troupe de danse avec des danses... Enfin... un groupe de femmes, un groupe de filles, ce n'est pas forcément ce qui est le plus évident. Surtout que j'étais très très jeune, j'étais la plus jeune de la troupe. Deux autres filles aussi comme moi, avec 14 ans, mais du coup, on avait un peu du mal. Il faut se faire une place à Tahiti. Je ne sais pas comment c'est aujourd'hui. J'espère que ça a changé, que ça a évolué, mais ce n'est pas forcément évident. Là, par contre, on peut parler de rite de passage un peu. Rite de passage, c'est ça. Oui, là, c'est tu vas derrière, tu suis et tu te démerdes. Et puis voilà, on ne va pas forcément être super sympathique avec toi. En tout cas, c'est le souvenir que j'en ai. Bon, après, encore une fois, j'avais 14 ans. J'étais moi-même une adolescente qui venait en plus du conservatoire. Donc. Pas forcément un caractère facile. Donc voilà, en tout cas, l'image qu'on est, c'est que... Pas forcément évident de s'entendre entre femmes, déjà. Oui, c'est un peu le pignon, quoi. Voilà. Et il a fallu faire ses preuves. C'est l'image que j'en ai. En tout cas, j'espère qu'aujourd'hui, ça a évolué et que les anciennes qui, d'après ce que je comprends et ce que j'ai compris à l'époque, avaient souffert de la même manière. Enfin, souffert, avaient, voilà... Subi un peu. Étaient passées par la même expérience. Avaient vécu, voilà, on va dire, la même expérience. J'espère qu'aujourd'hui il y a plus de bienveillance et que les anciennes sont là pour accompagner les nouvelles. En tout cas moi c'est ce que je fais dans ma troupe. Je pense qu'il y a deux manières de gérer une troupe, c'est soit par la crainte, soit par l'amour. J'ai choisi d'avoir une troupe famille et d'accompagner mes danseuses, non pas en leur faisant peur mais en leur inspirant le respect, l'amour et l'admiration. Je le souhaite, c'est comme ça que je motive mes troupes.

  • Speaker #0

    Je pense que c'est quand même beaucoup plus fructueux. Les profs faisaient... peur ou c'était...

  • Speaker #1

    J'avoue que moi, j'avais une vision de Taiki Lorenzo qui était assez... Il me faisait peur. C'est très difficile de se souvenir ce qui se passait vraiment dans ma tête quand j'avais 14 ans. Mais oui, j'avais très, très peur de Taiki Lorenzo. Je pense que je n'ai jamais osé leur parler jusqu'à... Mais Lorenzo revient en France. Je le revois. Je devais avoir 22 ans. C'était déjà difficile de faire une phrase. Oui, pleinement, il m'a intimidée. Aujourd'hui, je sais qu'à chaque voyage que je fais à Tahiti, chaque année, depuis que j'ai créé mon école de danse, ça va faire une dizaine d'années où je rentre à Tahiti tous les mois de novembre pour participer toujours à la même compétition.

  • Speaker #0

    Et chaque année, je vois Taiki Lorimzo et j'ai des échanges tout à fait normaux. Mais je pense que c'est à la fois la timidité, et c'est des personnes qui m'ont toujours beaucoup impressionnée de par leur art.

  • Speaker #1

    Oui, donc il y a quand même effectivement ce côté très difficile et inaccessible en fait.

  • Speaker #0

    Oui, le rite-hétiche, je pense, se veut... Il y a une certaine distance que crée le chorégraphe, le directeur, le chef de troupe, le hathira. On dit hathira pour chef de troupe. Donc le chef du groupe se veut se créer une distance. Et après, entre le chef de troupe et les danseuses, il va y avoir des meneuses, des poupoues qui vont être là ou des répétitrices qui vont être là pour faire le lien entre les deux. Mais il n'y a pas vraiment de proximité, enfin pas en tout cas dans toutes les troupes, peut-être qu'il existe. Et puis, en fait, à Tahiti, pour revenir encore à ce festival culturel qui est le Hey ! Vite Tahiti, ce sont des... de très gros effectifs. C'est une scène qui fait 1000 m², qui peut accueillir jusqu'à 200 artistes. Je pense que ce n'est pas forcément facile et pas forcément l'objectif du chef de troupe que de créer ce lien avec tous les artistes qui, de plus, changent de groupe d'année en année.

  • Speaker #1

    Mais quand tu étais au Grand Ballet, c'était déjà le cas ?

  • Speaker #0

    Non, c'était pour le coup des petits effectifs. Je pense qu'il y avait ce lien famille, mais plus chez les anciennes. qu'avec les nouvelles et que probablement que si je l'avais vécu plus tard, plus âgé, plus accessible, moi aussi, ou alors plutôt parce que les Grands Ballets étaient aussi, eux, en pleine évolution vers un style encore plus contemporain avec aussi une évolution au sein de la troupe, une séparation aussi entre certains membres fondateurs des Grands Ballets de Tahiti. Je suis arrivée dans un moment un peu particulier. Donc, je pense que ça peut expliquer aussi ce manque de cohésion et ce manque Ce contexte est un peu particulier en tout cas. Je sais qu'il existe dans d'autres troupes, je pense à Hate Haiti de Thierry Trompette ou Tahiti Oura de Tumata Robinson. Je sais qu'il existe ce lien très fort famille et c'est important.

  • Speaker #1

    En tout cas, toi, si j'ai bien compris, tu n'avais pas de lien direct ?

  • Speaker #0

    Non, je ne ressentais pas d'amitié ou ce que je ressens aujourd'hui avec ma troupe. Mais bon, voilà, nous, on est un petit effectif. On est aussi, je pense, liés par la passion de la danse. Mais peut-être aussi, pour certaines originaires de Tahiti, on est liés par notre origine commune.

  • Speaker #1

    Donc, tu as ces deux côtés, moderne d'un côté et plutôt traditionnel de l'autre, qui vont te permettre de faire un peu ta patte. Absolument. Et qu'est-ce qui fait que, finalement, tu vas partir de cette île ?

  • Speaker #0

    Alors, je... part de Tahiti à mes 18 ans pour poursuivre mes études. Je décide, enfin, je décide, non, on décide pour moi. Je suis prise à la Sorbonne et on ne va pas se refuser cette opportunité que de pouvoir étudier à la Sorbonne. J'avais comme objectif de faire du droit et de devenir avocate ou professeur de droit à Tahiti, puisque je voulais rentrer à Tahiti éventuellement. En tout cas, me laisser cette possibilité. Finalement, une fois arrivée en France, pendant un an, j'essaye déjà de m'adapter. Donc, c'est terrible. C'est vraiment terrible.

  • Speaker #1

    Passer de Tahiti à Paris, franchement, je pense que...

  • Speaker #0

    Et de passer du lycée Paul Gauguin à la Pape-Été, à Tiberuie, à la Sorbonne, ça a été terrible.

  • Speaker #1

    Voilà, c'est déjà la fin de cette première partie. J'espère que cette immersion dans l'univers du Hori Tahiti vous a inspiré. Dans le prochain épisode, nous découvrirons comment Thaïa s'est adaptée à la vie parisienne, comment elle a recréé aussi un lien avec sa culture, tout en devenant... une entrepreneuse accomplie. Et vous verrez, ce sera chargé d'émotion. Pensez à vous abonner pour être prévenu de la sortie de cette seconde partie. Et si vous aimez ce contenu, laissez 5 étoiles et un petit commentaire. Cela m'aide énormément. Merci infiniment pour votre fidélité et je vous donne rendez-vous le 1er décembre pour la suite.

Description

Fermez les yeux et laissez-vous emporter par un voyage au cœur de la Polynésie. Oubliez les clichés de la vahiné au bord de l’eau : la danse tahitienne, le Ori Tahiti, est bien plus qu’une simple image de carte postale. C’est un art vivant, vibrant, empreint de spiritualité et de puissance.


Dans cet épisode, j’ai l’immense plaisir d’accueillir Tahia Cambet, danseuse, chorégraphe et entrepreneuse exceptionnelle, qui a su faire rayonner cet art ancestral aux quatre coins du monde.


Ensemble, nous plongerons dans son parcours fascinant : de ses premiers pas de danse à Tahiti à la création de la plus grande école de Ori Tahiti à Paris, en passant par sa quête pour préserver et réinventer cet héritage culturel.


Préparez-vous à découvrir comment cette discipline mêle traditions, émotions et modernité. Un épisode riche en découvertes et en émotions, à ne pas manquer.



Vous pouvez retrouver toutes les informations la concernant sur son site: www.tahia-ori-tahiti.com

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Très belle écoute !


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Transcription

  • Speaker #0

    L'essence de la danse, le podcast qui met de la conscience dans le mouvement. Fermez les yeux, vous entendez cette musique ? Vous voyez déjà les plages infinies, l'eau translucide, et là, au centre de ce tableau idyllique, une femme danse, une veine. Et bien détrompez-vous, cette image stéréotypée de l'avaïné languissante appartient au passé et il est temps de redécouvrir la danse tahitienne dans toute sa richesse et sa profondeur. Alors que le film Vahiana 2 arrive bientôt sur les écrans, j'ai l'immense plaisir d'accueillir une artiste hors normes pour redonner à cet art ses lettres de noblesse. Taya Cambé a créé à Paris la plus grande école de Hori Tahiti. J'ai eu la chance de la rencontrer. tout juste avant son départ pour Tahiti, où sa troupe participe au plus grand événement de danse polynésienne, le Heiva Festival. En 2016, elle y a décroché le titre de vice-championne du monde, et ses élèves brillent sur les podiums chaque année. Taya, c'est aussi une visionnaire. Elle a lancé l'une des premières plateformes de cours en ligne dédiées au Hori Tahiti, et rassemble des élèves du Japon, du Mexique et des Etats-Unis. Avec Thaïa Cambé, nous allons plonger dans un art profondément enraciné dans l'héritage polynésien. Préparez-vous à voyager, à ressentir et à explorer l'âme de Tahiti à travers le regard et le cœur de cette artiste. Bonjour Thaïa.

  • Speaker #1

    Bonjour Myriam.

  • Speaker #0

    Comment tu vas ?

  • Speaker #1

    Ça va ? Ça va très très bien, ça va très très bien. On est un petit peu... très occupé ces derniers temps. Comme toujours, on a toujours mis le projet et on prépare actuellement une compétition qui a lieu à Tahiti. Donc, on est sur le grand départ. Et du coup, c'est un voyage important pour nous puisque c'est un voyage qu'on réalise chaque année et qui permet à la fois à des personnes comme moi d'origine tahitienne de rentrer au pays et pour d'autres de découvrir l'île de Tahiti.

  • Speaker #0

    Donc, on va en parler parce que c'est ta grande actualité là.

  • Speaker #1

    Oui.

  • Speaker #0

    La première question, je voudrais que tu me dises un petit peu comment tu as fait pour que Tahiti soit un pays Si on rembobine, qu'on retrouve la taille à petite, c'est quoi ton premier, vraiment le premier souvenir de danse ?

  • Speaker #1

    J'ai commencé la danse thaïcienne, j'avais 3 ans, donc à peine je marchais, que j'apprenais à danser. Je me souviens de quelques pas faits avec ma maman, mais on va dire que c'est plus tard, à l'âge de 6 ans, où mon père m'encourage à pratiquer cette danse. C'était un moyen pour lui de m'encourager à garder un lien avec ma culture, parce que mes parents se séparent. Et du coup, l'idée de pratiquer le Hori Tei Chi, la danse thaïcienne, c'était un moyen pour lui de... de me permettre de garder ce lien très important avec ma culture, avec ma maman, avec mes origines.

  • Speaker #0

    Tu es née à Tahiti,

  • Speaker #1

    absolument.

  • Speaker #0

    Tu te souviens un petit peu de ces premiers pas et justement de ces premiers moments avec ta maman ?

  • Speaker #1

    Alors, c'est très difficile de se souvenir à l'âge de 3 ans. Je vois les photos, d'ailleurs, j'ai en plus en tête les photos de ces premiers pas de danse, surtout qu'on habitait sur un petit atoll des Toa Motu, qui est l'un des archipels de la Polynésie française. Donc, c'était vraiment un cadre magique et paradisiaque. Et du coup, pas d'école de danse, juste quelques pas comme ça, accompagnés d'un fond de musique ancien. Et voilà, donc pas vraiment de souvenirs, si ce n'est qu'à l'époque, c'était plus de l'amusement que de la passion. J'aime la danse, mais c'est bien plus tard, une fois arrivé en France, que finalement se développe cette passion, cette obsession, on va dire même, pour la danse et pour la culture thaïsienne en général.

  • Speaker #0

    Et donc ta maman, c'était quand même, elle, on peut dire, ta première professeure.

  • Speaker #1

    On va dire ça, oui, exactement. Puis ça a été mon père qui m'a vraiment, vraiment poussée. Quand je dis poussée, mon père est français, ma maman est haïtienne du coup. Et après leur séparation, c'est vraiment mon père qui me pousse à m'entraîner dès l'âge de 6 ans tous les soirs, à me pousser à pratiquer le rite haïti en plus de mes cours au conservatoire artistique de Tahiti et avec d'autres professeurs. L'idée étant de découvrir, enfin l'idée en tout cas pour lui à l'époque, moi je n'ai pas trop le choix. Mais c'était de me faire découvrir plusieurs styles dans l'objectif d'un jour développer mon propre style. Et on avait déjà en tête à cette époque, parce que forcément à Tahiti, l'accès aux études est limité. Tu n'as pas forcément tous les choix qu'on t'offre les universités en France et notamment à Paris. Donc voilà, l'idée c'était d'apprendre un maximum avec différents professeurs. Et c'est ce que j'ai fait jusqu'à mes 18 ans.

  • Speaker #0

    Je voudrais un peu connaître la place de la danse déjà à Tahiti et qu'est-ce qu'elle signifie ?

  • Speaker #1

    La danse tahitienne a été interdite pendant des années et des années. Elle redevient au goût du jour dans les années 50 grâce à des modèles, des piliers du Hori Tahiti. Mais pas que la danse tahitienne, tout comme le tatouage, toutes les pratiques culturelles ont été interdites pendant des années. Donc le Hori Tahiti redevient au goût du jour dans les années 50. Elle évolue parce qu'en fait, finalement, après des années d'interdiction... La culture thaïtienne, c'est une culture qui se diffuse à l'oral, donc il n'y a pas d'écrit. C'est très difficile à part les écrits des navigateurs et des explorateurs. Il n'y a pas beaucoup d'informations sur qu'est-ce qu'était le Hori Tahiti, la danse thaïtienne, avant finalement les bases qui ont été mises en place au fur et à mesure des années, depuis 1950. Donc c'est une danse qui est en constante évolution. Aujourd'hui, on arrive à distinguer plusieurs styles. On arrive à se mettre aussi d'accord en fonction des écoles. On arrive quand même tous à se mettre d'accord sur une base commune qu'on va appeler base traditionnelle, en utilisant ce mot-là pour se mettre d'accord. Du coup, c'est une danse qui évolue beaucoup.

  • Speaker #0

    Et qui aussi raconte, si j'ai bien compris, des histoires.

  • Speaker #1

    Absolument. Ce qu'on sait du Hori Teiti, c'est que c'était une danse qui était finalement pratiquée pas par toute la population. Il pouvait y avoir, apparemment, d'après les écrits de certains navigateurs, il pouvait y avoir... des moments de danse où le peuple pouvait pratiquer, danser, s'amuser. Mais c'était surtout une discipline qui était réservée à la caste des Ariyoï, Ariyoï qui étaient en fait les artistes. Oui, c'est ce qui est vraiment extraordinaire, finalement, dans l'ancienne société thaïsienne, c'est qu'on avait cette catégorie sociale d'artistes qui étaient appelés les Ariyoï et qui étaient vénérés, peut-être que le mot est un peu fort, mais en tout cas, moi, c'est l'image que j'en ai et ce que j'en ai retenu de mes professeurs. Cette caste d'artistes qui passait outre... l'organisation sociale. Qu'on vienne du bas-peuple, de la bourgeoisie, de la noblesse, enfin de l'équivalent en tout cas, de ce qu'on connaît nous en France et en métropole. On pouvait, grâce à la beauté et grâce au talent, accéder à une autre vie et du coup décider de devenir, enfin être prise, être sélectionnée quelque part et aussi décider, faire le choix de devenir artiste, pas juste danseur, mais aussi pantomime, chanteur, musicien, enfin voilà, pratiquer l'art en tout cas et du coup voyager d'île en île. pour partager cet art. Voir débarquer sur les grandes pirogues à double balancier cette organisation derrière Rieuil, cette confrérie, on va dire, sur leur grand bateau comme ça, au son des tambours et des vivos. Vous les voir arriver comme ça, c'était signe de fête et finalement, c'était ce qui permettait aussi dans l'ancienne société de faire relâcher la pression et d'offrir au peuple un moment de joie, de fête et de convivialité.

  • Speaker #0

    Donc c'est quand même quelque chose d'extrêmement important.

  • Speaker #1

    La culture a toujours été hyper importante, elle l'est d'autant plus depuis des dizaines d'années, parce que le peuple thaïsien cherche à se réapproprier sa culture. C'est dans une démarche de recherche identitaire aussi, parce que la danse thaïsienne, de par son interdiction, de par aujourd'hui le fait qu'on puisse repratiquer, on essaye de se réapproprier notre culture. Et la danse, on va dire, est la discipline culturelle la plus pratiquée, donc la plus importante, je pense.

  • Speaker #0

    Avec aussi cette image qu'on a quand on est à Tahiti de la vahinée qui est en train un petit peu de danser.

  • Speaker #1

    C'est quelque chose de réel ou pas du tout ? Alors on a un peu du mal avec le mythe de la vahinée évidemment. Surtout que la danse tahitienne c'est vraiment aujourd'hui plus une discipline comparable à la danse classique ou à la danse contemporaine. Donc on a beaucoup de mal, en tout cas j'ai, je vais parler pour moi, à l'image de la vahinée, du mythe de la vahinée. Voilà ce que c'est cette carte. On est bien loin de cette image-là. Le Hori Teiichi n'est pas dansé par tout le monde déjà, c'est dansé par une grande partie de la population. Mais juste pour donner un chiffre, il y a 300 000 pratiquants de Hori Teiichi au Japon. C'est l'équivalent de la population en Polynésie française. Donc tout le monde ne pratique pas le Hori Teiichi. C'est une discipline qui demande énormément d'investissement. Aujourd'hui, des acteurs importants, une nouvelle génération a emmené le Hori Teiichi à un autre niveau, un niveau sportif. On est très loin de l'image de la mariner. qui dansent au bord de l'eau.

  • Speaker #0

    Langoureusement,

  • Speaker #1

    de manière assez simpliste en plus, on peut le dire. Voilà, c'est ça. Aujourd'hui, je pense qu'on aspire tous à faire de cette danse, non pas juste une pratique culturelle, mais aussi une discipline sportive et un art. Pour moi, c'est ces trois choses. C'est évidemment ma culture, mais c'est aussi mon art, ce qui me donne le droit à la liberté d'expression et libre imagination, à pouvoir dépasser même les codes, on va dire, traditionnels. Encore, le mot n'est probablement pas le bon. Mais voilà, et c'est un sport, ce qui permet à beaucoup de femmes d'ailleurs, en France comme à Tahiti, d'avoir une activité et de bien-être. L'équilibre entre le corps et l'esprit se fait par la pratique du sport. Le Hori Tahiti, c'est tout ça.

  • Speaker #0

    Ça a été interdit pour quelles raisons et à quel moment ?

  • Speaker #1

    Ça a été interdit pour des raisons religieuses, évidemment, parce que la danse thaïcienne a été jugée comme trop vulgaire, trop dénudée. C'est l'arrivée des premiers missionnaires qui fait que la danse thaïcienne est interdite et jugée obscène. Voilà.

  • Speaker #0

    Obscène. Et donc, c'est que souvent, finalement, la danse qui est un art de libération est quand même interdite. Et si j'ai bien compris, il y a aussi des légendes qui sont racontées. C'est aussi tout le patrimoine. culturelle finalement de Tahiti ?

  • Speaker #1

    Alors, le Réhaut Tahiti permet d'exprimer des choses. On choisit soit de traiter d'une légende. Le thème libre, en fait, finalement, ça dépend aussi de la musique qu'on choisit. On a deux types de danses. Les aparimas sont des danses lentes accompagnées de musiques chantées. Donc, de la langue tahitienne, le Réhaut Tahiti. On a aussi les OTA qui sont les danses accompagnées d'instruments type percussion, dont le tohéré. le pow et d'autres instruments, le fateté. Donc deux types de danse. Les deux peuvent, en fonction de l'inspiration de l'artiste, parler, traiter de tel ou tel thème. Le maparimain, par exemple, le dernier, sur lequel nous travaillons pour Tahiti, mais en avant la fierté que nous avons pour notre terre et pour ce qui nous a été transmis par nos ancêtres. Et voilà, ça c'est le thème de la chanson que nous avons choisie, une chanson qui a été du coup... créé par un chanteur, pas juste pour nous, mais de manière indépendante. Après, existe le Heiweit Haiti, à Tahiti, qui est l'un des plus vieux festivals culturels au monde, et qui propose au groupe de participer et de vraiment venir avec un spectacle inédit, à la fois en termes de chant et de danse, et du coup, de créer des musiques en traitant d'un thème qui peut être à la fois imaginaire ou légendaire. Quand je dis imaginaire, c'est-à-dire vraiment une création qui ne fait pas partie des légendes connues de Tahiti. Ça peut traiter aussi d'une légende, des anciens dieux du coup, ou ça peut aussi traiter d'un thème très abstrait comme, je ne sais pas, je vais dire une bêtise, mais l'amour par exemple, ça pourrait être...

  • Speaker #0

    C'est un super sujet l'amour,

  • Speaker #1

    on est d'accord. D'un sentiment, en tout cas, moi c'est un sujet qui me plaît énormément, parce qu'au-delà de raconter des légendes, ce côté artistique que peut avoir le Hori Teiichi permettrait de traiter des sujets beaucoup plus abstraits comme les sentiments. Ça pourrait être très intéressant de faire un spectacle qui tournerait juste autour... des différents sentiments et essayer de les mettre en scène grâce à la danse haïtienne.

  • Speaker #0

    Et donc les dieux, c'est quelque chose qui est présent aussi dans la culture ? Parce que si tu veux, moi en tant que parisienne, on n'a pas forcément ça.

  • Speaker #1

    Alors les mythes et légendes tahitiennes sont très importantes puisqu'en fait le problème avec Tahiti, comme dans beaucoup d'anciennes colonies, c'est que le programme enseigné à l'école, que ce soit au niveau de l'histoire ou même de la géographie, n'est pas forcément adapté au lieu. En tout cas à Tahiti, moi je n'ai pas eu la chance de connaître l'histoire de mon pays finalement. Enfin j'ai appris l'histoire de la France. Et c'est bien dommage, je pense qu'on devrait renseigner. Là, on parlait des légendes, mais c'est tout aussi important parce que c'est un peuple qui est polythéiste et qui honorait plusieurs dieux. Il y a eu une évolution des dieux qui sont apparus, qui ont été plus ou moins importants en fonction des époques et des périodes dans l'histoire. Bref, tout ça pour dire qu'en fait, au travers des livres qu'on va avoir, des mythes et légendes qu'on va avoir racontées, on va donner accès aux enfants et aux jeunes d'aujourd'hui. Ils vont avoir accès un petit peu plus aux religions anciennes. et aux connaissances liées à l'histoire.

  • Speaker #0

    Oui, et puis c'est quelque chose effectivement qui relie à des valeurs aussi, à une manière de penser.

  • Speaker #1

    Absolument, absolument. On a de très belles légendes, qui sont d'ailleurs très inspirantes pour la danse. Je pense à la légende de Taharwa, qui est le dieu créateur. Et la légende raconte que de toutes les parties de son corps, il va créer le monde. Le O, Ma, Ohi, O c'est le monde, Ma, Ohi, autochtone, qu'on peut traduire par autochtone. Donc de toutes les parties de son corps, il va créer le monde. Donc de sa colonne vertébrale, il va faire les chaînes de montagne, de son sang, il va faire les rivières. Je ne me souviens plus exactement de chaque partie du corps qu'il va utiliser, mais je me souviens par exemple de ses ongles qui vont être les écailles des poissons. C'est une belle légende et c'est des histoires que je lirai à mes enfants, en tout cas un jour.

  • Speaker #0

    Donc c'est hyper important parce que c'est hyper inspirant. Est-ce que tu peux nous en raconter une autre ?

  • Speaker #1

    Alors je pense là au dieu Oro, qui est le dieu de la guerre, mais qui est aussi le dieu des Harioï, dont on parlait tout à l'heure. Les Harioï vénéraient le dieu Oro, notre dieu on va dire en tant que danseur. Et c'est marrant parce que c'est le dieu de la guerre, mais c'est aussi le dieu de la fertilité. Les Harioï honoraient le dieu Oro et réalisaient du coup des performances en l'honneur de ce dieu qui a à un moment donné eu une place très importante au sein du peuple. d'Aïssien. Et du coup, réaliser des danses et de très grands spectacles dans l'objectif de célébrer finalement la vie et le duo. Waouh,

  • Speaker #0

    c'est inspirant en tout cas. Moi, ça me parle et on voit tout de suite plein d'images et un imaginaire.

  • Speaker #1

    Moi, j'ai vraiment l'image quand je pense à ça. Je vois autour d'un feu, avec des lumières un peu tamisées, des torches et des mouvements très langoureux. En plus de ça, on ne sait pas du tout la musique qu'on a aujourd'hui. On n'avait que deux instruments, enfin on suppose en tout cas. Je suppose qu'il n'y avait que deux instruments, qui est le prow, qui est un tambour, donc un son plutôt lourd. La terre, c'est ça ? Voilà, c'est ça. Et le vivo, qui est plutôt, du coup, pour moi, un son aérien. C'est une flûte nasale, donc c'est vraiment un très, très beau son. Ce que j'ai pu lire et ce que j'ai pu voir comme images, comme dessins retraçants vers l'histoire de la danse à l'époque, j'imagine des danses très, très lentes, une atmosphère très sensuelle. Et voilà, il y avait aussi un rapport au corps qui n'est évidemment plus le même. qui n'est pas le même que déjà en France aujourd'hui. Le rapport au corps à Tahiti est déjà très différent, même en 2024, mais à l'époque encore plus, puisque c'est un peuple qui vit déjà dans un pays chaud et on a un rapport au corps, on est beaucoup moins pudique déjà, toujours aujourd'hui. Mais la danse, c'était vraiment des mouvements sensuels qui pouvaient aller jusqu'à l'acte sexuel même, pour représenter encore une fois cette célébration de la vie.

  • Speaker #0

    Et du plaisir.

  • Speaker #1

    Exactement.

  • Speaker #0

    Et de célébrer effectivement. Moi, ça me parle.

  • Speaker #1

    En tout cas, l'image est très belle dans ma tête.

  • Speaker #0

    Et finalement, c'est aussi une danse qui est quand même spécifique ou pas à la femme ?

  • Speaker #1

    Ah non, non, pas du tout. Non, non, non, c'est une danse qui est pratiquée à la fois par l'homme, à la fois par la femme. C'est pour ça encore cette image de la Vahiné n'est pas forcément en lien avec la danse. La danse laïcienne pour les hommes a beaucoup évolué, tout comme la danse pour les femmes. On a un peu cette image du guerrier plutôt très fort, très grand, plutôt brutal. comme danse, je parle, comme mouvement. C'est une danse qui a énormément évolué. J'ai eu la chance de danser avec un artiste exceptionnel qui s'appelle Tway Itraki et qui a, selon moi, inspiré la génération d'après. On a le même âge que dans les années 2010. Il réalise une performance au Hey Wait Hey Tee Festival, dont on parlait un petit peu plus tôt. Il réalise une performance qui est finalement d'une élégance et d'une douceur loin de ce qui s'est fait avant. Ça a apporté plus de sens, en fait, plus d'élégance. mettre de côté cette affirmation de virilité au profit d'affirmer une maîtrise, une technicité, une élégance aussi, et pourquoi pas une grâce aussi dans la danse. Pas tout comme dans la danse thaïcienne pour femmes.

  • Speaker #0

    Avant qu'on revienne un peu à ton parcours, est-ce que la danse thaïcienne sert à des rites aussi ?

  • Speaker #1

    Actuellement, pas du tout, à part une épreuve au bac. Nous avons une épreuve de Hori Keiichi au bac. J'ai pas mon bac de danse. C'est d'ailleurs ce qui m'a permis d'avoir ma mention. Ce qui m'a permis d'ailleurs d'introduire une école après plus tard finalement. Bref, tout ça pour dire que la danse a toujours été très présente finalement dans ma vie. Sinon, il y a le tatouage. Je sais pas si c'est pratiqué encore. Moi, j'ai eu une éducation aussi assez métropolitaine. Et puis ma maman, en fonction des archipels, ma maman est paumoutou, donc marquisienne. Donc en fonction des archipels, les pratiques sont... similaire mais aussi différente. La danse marquisienne est totalement différente de la danse Poumoutou, de la danse Poumoutou est totalement différente de la danse tahitienne. Moi je pratique le rite haïti, la danse tahitienne. Mais voilà, tout ça pour dire que les rites de passage sont différents en fonction des archipels et du coup des familles. Même si aujourd'hui on habite tous à Tahiti, on se considère tous comme tahitiens. finalement, il y a énormément de différences en fonction de tes origines déjà à l'intérieur de la Polynésie française. Je sais que le tatouage, c'est un rite de passage qui est encore pratiqué par des familles à Tahiti. Après la danse, non, il n'y a pas de rite de passage, en tout cas pas actuellement.

  • Speaker #0

    Donc le Hori Tahiti, pour les gens qui ne connaissent pas, c'est vraiment la danse traditionnelle, on est bien d'accord ?

  • Speaker #1

    Il y a aussi d'autres danses, comme je disais, la danse marquisienne, la danse Poumoutou, en fonction des groupements d'îles. les danses vont être différentes. Le Hori Teiti est la danse la plus connue de la Polynésie française. Ce n'est pas forcément la meilleure, c'est juste que c'est celle qui a séduit le plus de personnes. On a plus de pratiquants de Hori Teiti que de danses marquisées.

  • Speaker #0

    Je voudrais qu'on en revienne un peu à toi. Finalement, ton père t'encourage à t'entraîner. C'est ça, ce premier souvenir de la danse ?

  • Speaker #1

    Oui, c'est ça. C'est les heures passées à m'entraîner alors que je n'ai que 6 ans. C'est un peu tôt. Oui, c'est un peu tôt. J'ai un papa qui est très exigeant, mais qui m'a donné les moyens d'atteindre le niveau que j'ai aujourd'hui et d'en faire aussi mon métier, finalement. Je commence à faire aussi des spectacles dès l'âge de 6 ans. Et là, bien sûr, je commence à prendre plaisir, puisque c'est toujours... Hyper plaisant que de se donner un spectacle, surtout quand on est si jeune, de voir que les gens sont contents et que ça fait plaisir à la fois à la famille, que ce soit du côté de ma maman, du côté de mon papa, mais aussi aux personnes qui sont dans le public et qui apprécient de voir une petite fille de 6 ans avec, je pense, des capacités. En tout cas, l'entraînement me permettait d'avoir un niveau qui a été jugé intéressant et à mettre en spectacle. Je commence à faire mes premiers spectacles à l'âge de 6 ans.

  • Speaker #0

    C'est normal de faire des spectacles à cet âge-là ou tu étais un peu quand même... déjà un peu en avance ?

  • Speaker #1

    À l'époque, j'ai quand même 30 ans. C'était il y a plus de 20 ans. Donc oui, on va dire que c'était rare. Oui, oui, oui, c'était rare. Je me souviens avoir aussi dansé des années. À partir de 6 ans, je commence à danser dans des hôtels. Ouais, ouais, ouais. Je commence à danser pour les touristes tous les lundis. Je commence vraiment à faire des spectacles et avoir, on va dire, des contrats réguliers. Wow ! Je l'ai fait jusqu'à l'âge de 12 ans à peu près. Et donc,

  • Speaker #0

    ça, c'était du haut ?

  • Speaker #1

    Tahiti. Tahiti, oui, voilà. Et je dansais la plupart du temps en totale improvisation. À cet âge-là, je ne comprends d'ailleurs pas ma langue. Je n'apprends que bien plus tard le Réo Tahiti, la langue tahitienne. Finalement, je danse un peu en fonction de ce que m'inspire la musique. Ce qui m'a permis de développer aujourd'hui une oreille un peu différente. Je suis plus attachée à la musicalité, au son, que à la langue dans un premier temps. Ça fait 27 ans que je danse. Il y a 5 ans, on m'a ouvert encore une autre porte. Ça me permet aujourd'hui à la fois d'être attentive à la musicalité. Du coup, j'arrive à... comprendre le sens de la musique sans même attacher d'importance aux mots. J'essaye d'ailleurs de ne pas attacher d'importance aux mots. Et une fois que je me concentre ensuite sur les mots, s'ouvre encore une autre dimension et ça permet encore plus d'avoir de l'inspiration pour créer un geste qui à la fois soit plus parlant pour les personnes qui comprennent la langue et aussi, pourquoi pas, plus original. C'est très inspirant. Oui, une double lecture d'abord le ressenti et après le plus le cérébral. Exactement. et ça c'est important et du coup j'aime bien justement cette partie plus sentimentale émotionnelle qui va me guider en tout cas dans le début de ma création parce que c'est plus intuitif en plus comme tu disais je suis quand même impressionnée dans les hôtels j'imagine très bien quand je faisais mes costumes mon père est assez exigeant mais j'aimais beaucoup je prenais beaucoup de plaisir je pensais tous les lundis soirs dans un hôtel et Et je dansais tous les dimanches dans un restaurant, tous les dimanches midi. Je me souviens que je faisais moi-même mes couronnes et je faisais des couronnes aussi que je distribuais aux touristes. Et on faisait aussi des petites compiles sur CD à l'époque qu'on vendait aux touristes. Et voilà, ça me permettait d'avoir un petit peu d'argent et j'étais très contente. Du coup, je pouvais aller faire un petit peu de shopping parce qu'à Tahiti, il n'y a pas grand chose. Donc, on m'a très, très vite appris la valeur du travail. Il fallait travailler pour obtenir ce que je voulais. Et du coup, voilà, la danse... a toujours eu une place très importante dans ma vie.

  • Speaker #0

    Et donc à partir de 12 ans, comment ça se passe ? Comment ça évolue ?

  • Speaker #1

    Alors j'arrête de faire des spectacles parce que mon corps change forcément à l'âge de 12 ans. Je suis entre la femme et l'enfant et c'est là où je me sens moins à l'aise. Déjà parce que commence la crise d'adolescence. Et ça c'est difficile. Voilà, donc j'ai plus très envie de danser. La discussion se fait très rapidement avec le directeur en mode, je trouve même pour mon père, même pour moi, même pour le directeur, on tombe tous d'accord sur le fait que... mon corps change, que ça peut être dérangeant à la fois pour moi, à la fois pour le staff, à la fois pour la clientèle, et que du coup, il est temps d'arrêter et que j'intègre une troupe professionnelle. En tout cas, je fasse autre chose que de danser seule dans un hôtel. C'est là que j'arrête de danser en solo et j'intègre une troupe de danse.

  • Speaker #0

    Entre temps, tu avais déjà intégré le conservatoire ?

  • Speaker #1

    Oui, j'ai commencé le conservatoire à l'âge de 8 ans. Le conservatoire se trouve sur l'île de Tahiti. Moi, j'habitais l'île de Mouréa, qui est l'île sœur de Tahiti, qui a 30 minutes en bateau. Et j'allais tous les mercredis et vendredis, je prenais le bateau. J'avais une dérogation spéciale pour sortir un peu en avance et je partais avec mon koulélé, qui est l'équivalent d'une guitare. Oui, la guitare. Exactement, sous le bras, je prenais le bateau. Mon départ accompagné, chaque mercredi et chaque vendredi, pour aller au conservatoire et suivre mes cours de chant, de musique et de danse.

  • Speaker #0

    Et c'était dur ? En général, le conservatoire, il y a un côté très aussi exigeant, un cadre des fois rigoureux.

  • Speaker #1

    C'était difficile de faire tout ça parce que, mine de rien, 30 minutes de bateau pour y aller, puis marcher, aller jusqu'au conservatoire. Je me souviens que mon papa venait avec moi. Tous les mercredis et tous les vendredis. Mes jeunes années, après, encore une fois, à partir de 13 ans, ça peut paraître bizarre d'avoir des parents, surtout un homme, accompagner sa fille dans une salle avec des jeunes ados. Mais jusqu'au moins l'âge de mes 12 ans, il est venu absolument à tous mes cours de danse pour regarder et pour apprendre parce que ça l'intéressait. Pas juste parce qu'il avait envie de faire de moi la meilleure danseuse, mais parce que ça l'intéressait de voir cette danse. Et il a toujours été passionné aussi. par le Hori Taiti, c'est lui qui m'emmène voir mes premiers spectacles de danse. Bon, moi, à 6 ans, je n'étais pas très intéressée. Puis finalement, aujourd'hui, je ne regarde plus que ça. Et oui,

  • Speaker #0

    maintenant, comme tu disais,

  • Speaker #1

    un petit peu possédée. Voilà, c'est ça. Voilà, donc le conservatoire, pas rigoureux, le Hori Taiti, même en tant que discipline. On a aujourd'hui un livre qui a été mis en place, d'ailleurs, par le conservatoire en collaboration avec une majorité de grands professeurs de danse. à Tahiti, donc il existe un répertoire des pas de danse, mais à cette époque-là, quand j'ai 6 ans, on est très très loin de ce côté discipline, vraiment, on est vraiment très très loin de ça.

  • Speaker #0

    Donc c'est à partir de 14 ans où tu vas rejoindre ?

  • Speaker #1

    Les grands ballets de Tahiti, absolument. Avant ça, j'ai l'occasion de danser avec plusieurs professeurs de danse qui ont des styles aussi différents, mais qui restent, on va dire, dans un cadre traditionnel. J'ai beaucoup de mal avec ce mot, mais je pense que ça parle quand même à tout le monde. Bien sûr. Je vais continuer à l'utiliser. Dans le sens noble,

  • Speaker #0

    en fait. Oui.

  • Speaker #1

    Et le conservatoire enseigne les arts traditionnels. Les grands ballets de Tahiti s'inscrivent dans un style... très moderne, propose d'ailleurs des spectacles allant jusqu'à de la danse contemporaine. Lorenzo, qui est le chorégraphe, et Teiki, le directeur artistique, ont une formation de danseurs classiques et contemporains. Donc quand je découvre les Grands Vallées de Tahiti, pour moi, venant du conservatoire et ayant eu la chance d'apprendre avec d'autres professeurs très opposés à Lorenzo, c'est vraiment une grande découverte. Et du coup, je plonge dans un univers qui est à l'opposé de celui du conservatoire.

  • Speaker #0

    Et pourquoi tu décides d'aller là ?

  • Speaker #1

    À mon père. Je n'ai pas vraiment encore le choix à 14 ans. Mon père qui avait travaillé avec Taiki et Lorenzo des années auparavant. demande à Taiki de m'introduire dans la troupe. Alors attends, parce que du coup,

  • Speaker #0

    lui,

  • Speaker #1

    il est danseur ou pas ? Non, mon père. Pas du tout, du tout, du tout. Non, non, mon père était coiffeur à la base. Puis après, il a fait énormément de choses, choses dans énormément de domaines. Mais du coup, de par son lien avec la mode, on va dire, travailler avec Taiki Lorenzo, qui eux aussi travaillaient dans la mode. à côté de la danse. Voilà. Donc voilà. Donc faire le lien. Puis Tahiti, t'as resté un petit petite-tine. Une petite-tine dont tout le monde se connaît. Donc voilà, l'idée c'était de passer à un autre level et là, j'ai découvert en fait la danse en groupe. Donc j'ai eu beaucoup de mal déjà puisque j'ai toujours été... une danseuse soliste. Il faut se plier aux règles et apprendre à danser avec d'autres personnes. Donc très très difficile. Puis c'est pas forcément facile aussi d'introduire une troupe de danse. Bon, t'avais d'un côté les hommes, d'un côté les femmes. D'introduire une troupe de danse avec des danses... Enfin... un groupe de femmes, un groupe de filles, ce n'est pas forcément ce qui est le plus évident. Surtout que j'étais très très jeune, j'étais la plus jeune de la troupe. Deux autres filles aussi comme moi, avec 14 ans, mais du coup, on avait un peu du mal. Il faut se faire une place à Tahiti. Je ne sais pas comment c'est aujourd'hui. J'espère que ça a changé, que ça a évolué, mais ce n'est pas forcément évident. Là, par contre, on peut parler de rite de passage un peu. Rite de passage, c'est ça. Oui, là, c'est tu vas derrière, tu suis et tu te démerdes. Et puis voilà, on ne va pas forcément être super sympathique avec toi. En tout cas, c'est le souvenir que j'en ai. Bon, après, encore une fois, j'avais 14 ans. J'étais moi-même une adolescente qui venait en plus du conservatoire. Donc. Pas forcément un caractère facile. Donc voilà, en tout cas, l'image qu'on est, c'est que... Pas forcément évident de s'entendre entre femmes, déjà. Oui, c'est un peu le pignon, quoi. Voilà. Et il a fallu faire ses preuves. C'est l'image que j'en ai. En tout cas, j'espère qu'aujourd'hui, ça a évolué et que les anciennes qui, d'après ce que je comprends et ce que j'ai compris à l'époque, avaient souffert de la même manière. Enfin, souffert, avaient, voilà... Subi un peu. Étaient passées par la même expérience. Avaient vécu, voilà, on va dire, la même expérience. J'espère qu'aujourd'hui il y a plus de bienveillance et que les anciennes sont là pour accompagner les nouvelles. En tout cas moi c'est ce que je fais dans ma troupe. Je pense qu'il y a deux manières de gérer une troupe, c'est soit par la crainte, soit par l'amour. J'ai choisi d'avoir une troupe famille et d'accompagner mes danseuses, non pas en leur faisant peur mais en leur inspirant le respect, l'amour et l'admiration. Je le souhaite, c'est comme ça que je motive mes troupes.

  • Speaker #0

    Je pense que c'est quand même beaucoup plus fructueux. Les profs faisaient... peur ou c'était...

  • Speaker #1

    J'avoue que moi, j'avais une vision de Taiki Lorenzo qui était assez... Il me faisait peur. C'est très difficile de se souvenir ce qui se passait vraiment dans ma tête quand j'avais 14 ans. Mais oui, j'avais très, très peur de Taiki Lorenzo. Je pense que je n'ai jamais osé leur parler jusqu'à... Mais Lorenzo revient en France. Je le revois. Je devais avoir 22 ans. C'était déjà difficile de faire une phrase. Oui, pleinement, il m'a intimidée. Aujourd'hui, je sais qu'à chaque voyage que je fais à Tahiti, chaque année, depuis que j'ai créé mon école de danse, ça va faire une dizaine d'années où je rentre à Tahiti tous les mois de novembre pour participer toujours à la même compétition.

  • Speaker #0

    Et chaque année, je vois Taiki Lorimzo et j'ai des échanges tout à fait normaux. Mais je pense que c'est à la fois la timidité, et c'est des personnes qui m'ont toujours beaucoup impressionnée de par leur art.

  • Speaker #1

    Oui, donc il y a quand même effectivement ce côté très difficile et inaccessible en fait.

  • Speaker #0

    Oui, le rite-hétiche, je pense, se veut... Il y a une certaine distance que crée le chorégraphe, le directeur, le chef de troupe, le hathira. On dit hathira pour chef de troupe. Donc le chef du groupe se veut se créer une distance. Et après, entre le chef de troupe et les danseuses, il va y avoir des meneuses, des poupoues qui vont être là ou des répétitrices qui vont être là pour faire le lien entre les deux. Mais il n'y a pas vraiment de proximité, enfin pas en tout cas dans toutes les troupes, peut-être qu'il existe. Et puis, en fait, à Tahiti, pour revenir encore à ce festival culturel qui est le Hey ! Vite Tahiti, ce sont des... de très gros effectifs. C'est une scène qui fait 1000 m², qui peut accueillir jusqu'à 200 artistes. Je pense que ce n'est pas forcément facile et pas forcément l'objectif du chef de troupe que de créer ce lien avec tous les artistes qui, de plus, changent de groupe d'année en année.

  • Speaker #1

    Mais quand tu étais au Grand Ballet, c'était déjà le cas ?

  • Speaker #0

    Non, c'était pour le coup des petits effectifs. Je pense qu'il y avait ce lien famille, mais plus chez les anciennes. qu'avec les nouvelles et que probablement que si je l'avais vécu plus tard, plus âgé, plus accessible, moi aussi, ou alors plutôt parce que les Grands Ballets étaient aussi, eux, en pleine évolution vers un style encore plus contemporain avec aussi une évolution au sein de la troupe, une séparation aussi entre certains membres fondateurs des Grands Ballets de Tahiti. Je suis arrivée dans un moment un peu particulier. Donc, je pense que ça peut expliquer aussi ce manque de cohésion et ce manque Ce contexte est un peu particulier en tout cas. Je sais qu'il existe dans d'autres troupes, je pense à Hate Haiti de Thierry Trompette ou Tahiti Oura de Tumata Robinson. Je sais qu'il existe ce lien très fort famille et c'est important.

  • Speaker #1

    En tout cas, toi, si j'ai bien compris, tu n'avais pas de lien direct ?

  • Speaker #0

    Non, je ne ressentais pas d'amitié ou ce que je ressens aujourd'hui avec ma troupe. Mais bon, voilà, nous, on est un petit effectif. On est aussi, je pense, liés par la passion de la danse. Mais peut-être aussi, pour certaines originaires de Tahiti, on est liés par notre origine commune.

  • Speaker #1

    Donc, tu as ces deux côtés, moderne d'un côté et plutôt traditionnel de l'autre, qui vont te permettre de faire un peu ta patte. Absolument. Et qu'est-ce qui fait que, finalement, tu vas partir de cette île ?

  • Speaker #0

    Alors, je... part de Tahiti à mes 18 ans pour poursuivre mes études. Je décide, enfin, je décide, non, on décide pour moi. Je suis prise à la Sorbonne et on ne va pas se refuser cette opportunité que de pouvoir étudier à la Sorbonne. J'avais comme objectif de faire du droit et de devenir avocate ou professeur de droit à Tahiti, puisque je voulais rentrer à Tahiti éventuellement. En tout cas, me laisser cette possibilité. Finalement, une fois arrivée en France, pendant un an, j'essaye déjà de m'adapter. Donc, c'est terrible. C'est vraiment terrible.

  • Speaker #1

    Passer de Tahiti à Paris, franchement, je pense que...

  • Speaker #0

    Et de passer du lycée Paul Gauguin à la Pape-Été, à Tiberuie, à la Sorbonne, ça a été terrible.

  • Speaker #1

    Voilà, c'est déjà la fin de cette première partie. J'espère que cette immersion dans l'univers du Hori Tahiti vous a inspiré. Dans le prochain épisode, nous découvrirons comment Thaïa s'est adaptée à la vie parisienne, comment elle a recréé aussi un lien avec sa culture, tout en devenant... une entrepreneuse accomplie. Et vous verrez, ce sera chargé d'émotion. Pensez à vous abonner pour être prévenu de la sortie de cette seconde partie. Et si vous aimez ce contenu, laissez 5 étoiles et un petit commentaire. Cela m'aide énormément. Merci infiniment pour votre fidélité et je vous donne rendez-vous le 1er décembre pour la suite.

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