- Speaker #0
L'essence de la danse, le podcast qui met de la conscience dans le mouvement. Bonjour à tous, aujourd'hui je reçois Sofiane Chalal, un artiste pour qui la danse a été très tôt un refuge. un espace de liberté, un souffle dans un monde où son corps ne rentrait pas tout à fait dans les cadres. Il a grandi à Maubeuge, bercé par le hip-hop, et retrouve dans le mouvement une façon de dire ce qu'on ne lui laissait pas exprimer. Son corps différent, jugé trop encombrant, pas assez conforme, devient peu à peu l'instrument d'une parole nouvelle, une parole dansée, vulnérable, puissante. Et dans son spectacle, Ma part d'ombre, Il raconte son parcours à travers la danse. Chez Sofiane, chaque geste dit l'intime, chaque souffle ouvre un espace de réparation et rappelle profondément que tous les corps ont droit à la scène. Bonjour Sofiane.
- Speaker #1
Bonjour Myriam, c'est super beau. Mais quand on me dit c'est quoi ta bio, je balance ça. Mais grave, écoute, elle est grande. Merci Myriam, merci pour l'invitation, je suis content d'être là vraiment.
- Speaker #0
Pareil, je suis vraiment ravie et là on va pouvoir un peu mieux te connaître. Je voudrais un peu, c'est toujours ma première question, je voudrais que tu me dises ton premier souvenir de danse, c'était quand, t'avais quel âge ? Et je voudrais que tu me dises comment tu te sentais.
- Speaker #1
Alors moi, mon premier souvenir de danse... Je devais avoir 7 ans, 8 ans, j'ai dû à la maison, dans le salon, parmi ma famille, mes frères et soeurs. Donc moi je suis le dernier d'une famille, d'une fratrie de 9 enfants. Donc j'ai des grands frères qui dansent, qui m'ont transmis ça en fait, très petit. Et en fait moi dès le début, c'est mes grands frères que j'ai... que j'ai vu bouger, que j'ai vu danser. Et puis, bien évidemment, aussi à la télévision, avec les clips de Michael Jackson à l'époque et tout. Donc ça, ça m'a fait vibrer. Mais en tout cas, je ne me promenais pas de danse. Ouais, c'était à la maison, dans le salon, dans l'appartement, au bloc, au quartier, avec mes grands frères. Donc mon plus grand frère Toufik et Riyad. Ça s'est transmis comme ça un peu assez naturellement. Et juste en les observant, en fait. Et je trouvais ça assez incroyable. Ça a dansé à la maison. J'ai commencé dans le salon. Et puis j'ai eu la chance que mes grands frères donner aussi des cours de danse. Et en fait, j'ai suivi leur pas directement. Et moi j'étais tout petit, quand j'ai donné des cours de danse par la MJC, ou alors au centre social ou un truc comme ça, je ne pouvais pas encore accéder. Et comme c'était mes frères, voilà, moi ils me faisaient rentrer. Et du coup j'étais le tout petit qui se mettait un peu au fond et qui prenait un peu les premiers mouvements, les premières... Les premiers pas de danse, c'est assez fort. Et comment je me sentais ? Sincèrement, je me sentais... C'était que du kiff, que du bonheur, un bien-être en fait, vraiment. Et les musiques et tout ça, danser, s'exprimer, suivre une chorégraphie. Donc c'était vraiment essayer de reproduire exactement le même mouvement, le même step. Que qui ? Que mes grands frères en fait.
- Speaker #0
D'accord, et eux ils faisaient du hip-hop ?
- Speaker #1
Et eux ils faisaient du hip-hop, c'était hip-hop à fond. Et donc ils commençaient par les danses dites old school. Donc c'était le breakdance, le locking, c'était le pop-in.
- Speaker #0
Il y en avait déjà ?
- Speaker #1
Il y avait déjà ça. Je n'étais pas breaker, ce n'était pas mon point fort. Mais moi, ce que je kiffais, c'était les danses debout. Donc, pop-in, locking. Avant, on appelait ça du smurf. C'est ça. Aujourd'hui, on dit pop-in. Mais avant, c'était smurf. Du coup, c'était tout ce qui était wave, ondulation du corps, décomposition du corps, des arrêts, les blocages. Toutes ces sensations-là de pop-in. Donc, c'était assez incroyable et assez magique. Et donc, moi, j'ai eu un coup de cœur pour cette danse.
- Speaker #0
C'était facile pour toi ou c'était comment ?
- Speaker #1
Ce qui était fou, c'est que j'ai l'impression que c'était facile. C'est bizarre, mais c'était un truc évident pour moi. De voir, de reproduire, et de danser, de s'exprimer. J'avais aucune gêne, aucune honte, aucune barrière. Et c'est marrant avec la contradiction qu'on a aujourd'hui avec la danse et le corps. Mais c'est vrai qu'à l'époque, quand j'étais petit, vraiment, donc là je te parle, j'ai 7 ans, 8 ans, j'avais pas ce truc-là du corps, du physique, tu sais. Moi je dansais, point, je calculais même pas les regards et tout ça. Et puis sincèrement, j'étais... tellement bien entouré avec mes frères et tout que j'étais bien protégé aussi tu sais, donc j'ai pas senti ça mais ouais, du bien-être du bonheur et la sensation d'être libre déjà petit On a grogé aussi dans un quartier, donc le moment le plus fun pour nous, c'était d'aller danser. Oui. Tout simplement.
- Speaker #0
Vous alliez danser où ?
- Speaker #1
Il y avait un centre social qui s'appelait, on appelait ça le local à l'époque. Un centre social qui s'appelait Une Avance Pour Tous. Ok. Qui était juste à côté de mon quartier, donc vraiment à côté du bloc. En fait, j'ai rendu dans un bloc, bizarrement dans une grande rue qui s'appelle la rue de Boussière, à Aumont à l'époque. Un bloc, trois entrées, et il n'y avait que nous. En fait, c'est assez dingue. Et à côté de ce bloc, il y avait un centre social qui s'appelait Une Avance pour tous, qu'on appelait le Local. On disait on va au Local, au Local pour danser, au Local pour mettre de la musique. À l'époque, les grands faisaient des petites boums là-bas, ils appelaient ça des boums à l'époque. Donc c'était un truc de fou. Donc moi, j'ai connu ça. Les boums, j'ai capté comment ça se faisait, comment ça se passait. Bon, on n'avait pas le droit d'entrer parce qu'on était petits. Mais voilà, j'ai vécu dans ce mood-là, petit. Et moi, je me souviens, justement, après, quand j'ai dansé avec mes frères, parce qu'après, on a monté un groupe et j'ai fait partie de ce groupe qui s'appelle La Belle Métis, à l'époque. Et en fait, moi, j'étais le petit de ce groupe. Je ne sais pas, quand j'avais 10 ans, ils en avaient 20. Tu vois, c'était vraiment les grands. Et moi, j'étais le tout petit qui était là et qui suivait les grands. Et donc ça, je l'ai vécu comme un privilège, vraiment. Et je me disais, waouh, c'est incroyable de pouvoir danser, Déjà avec ses grands frères et puis avec d'autres danseurs à côté.
- Speaker #0
Tu ne parles que de frères,
- Speaker #1
il n'y a pas de sœurs. Alors si, moi j'ai une sœur qui dansait, qui a dansé, je me souviens d'une anecdote avec ma sœur. Quand elle était au lycée, elle donnait des cours de danse entre midi. Et c'est moi qui lui faisais des chorégraphies la veille. Elle me disait, Sofiane, demain je vais donner un petit cours de danse à la cafétéria, tu vois. Et elle me disait, vas-y, montre-moi deux, trois trucs et tout. Et donc je lui montrais des petites chorégraphies à la maison. Genre vraiment deux, trois, huit, vraiment speed. Et du coup elle est reproduisée au lycée à l'époque.
- Speaker #0
Et toi t'avais quel âge ?
- Speaker #1
Et moi j'étais petit, je devais avoir 14 ans.
- Speaker #0
Ah oui,
- Speaker #1
t'étais un peu plus grand quand même. Ouais, là je commençais à être un peu plus grand. Mais ouais, j'ai eu une de mes soeurs qui dansait aussi. Mais après, nous, chez nous, on aime beaucoup la... La musique, la danse... Et tes parents ? Bizarrement, mes parents, non. Vraiment, c'est un truc de fou. Mais mes parents, pas de musique, pas de danse. Alors mon père, encore moins. Ce qui était marrant, c'est que quand on dansait, ça la faisait sourire, tu vois. Donc elle nous voyait danser, elle était en kiff. Mais pas plus que ça, tu vois. Il n'y avait pas d'influence des parents par rapport à la danse, tu sais. Limite, il ne fallait même pas en faire, quoi. C'était un peu mal vu, quoi, tu sais. Comment ça tu danses, tu vas monter sur scène, tu vas te montrer, tout ça, tu vois. Puis ouais, tu sais, tu montes le corps, tu montes la danse. Enfin, tu sais, c'était pas...
- Speaker #0
Parents algériens, donc.
- Speaker #1
Parents, ouais, parents algériens. En fait, comme j'étais avec mes grands-frères, ça va. Ouais,
- Speaker #0
ça te donnait toutes les permissions.
- Speaker #1
Mais de fou. Puis moi, j'avais un grand-frère, laisse tomber, comment te dire, strict, quoi, tu vois. Je suis pas la droite à gauche. L'Algérienne. Ah ouais, laisse tomber. Donc en fait, moi, mes parents, comme je bougeais avec lui, ils étaient en confiance totale. Je n'allais pas non plus à droite, à gauche, j'étais bien entouré. Vraiment, vraiment. Et ça, c'est une chance de fou. Même encore aujourd'hui, tu vois, mon parcours et comment j'ai évolué et tout ça. J'ai eu la chance vraiment d'avoir des parents incroyables et surtout des grands frères et des grandes sœurs incroyables.
- Speaker #0
Qui t'ont permis quoi ?
- Speaker #1
Qui m'ont donné franchement de la confiance, de l'amour. Et ça, c'est pas rien ? Non, c'est pas rien. Et sincèrement, c'est pas rien. Parce que je dis à chaque fois, quand je fais mes spectacles, quand je joue ma part d'ombre, je fais beaucoup de bord plateau. Donc il y a un échange avec le public. Et j'ai beaucoup de questions de jeunes et moins jeunes. « Sophiam, comment tu fais pour avoir confiance en toi, pour danser comme ça avec ton corps, comment tu l'exprimes ? C'est assez incroyable de pouvoir danser de la sorte et de l'exprimer aussi par les mots, par la bouche et d'en faire un spectacle. Comment tu as confiance en toi ? » Et sincèrement, je leur réponds « Moi, je n'ai pas de formule magique, tu vois. En plus, en ce moment, sur les réseaux, on a beaucoup ce genre de choses. La confiance en soi et comment tu l'intègres et tout. » Et moi, je leur dis, mais sincèrement... Moi, ce qui fait que je suis en phase aujourd'hui avec ce que je suis et comment j'avance dans ma danse et dans mon corps, c'est parce que j'ai eu un entourage incroyable et surtout, avoir de l'amour. de la confiance, du respect et ça moi je l'ai trouvé chez ma famille en fait, tout simplement j'ai tellement eu des doses d'amour chez moi que quand tu sors à l'extérieur mais vas-y tu peux affronter, tu vois ce que je veux dire ? Pourtant j'ai eu des trucs de fous Ce qui est fou, c'est que les remarques que j'avais moi à l'extérieur, j'en ai jamais parlé chez moi. D'accord. Jamais de la vie, j'ai voulu dire à mon père ou à ma mère, « Ah, tu sais, quand je danse, on me dit ça. » je suis là-bas, on me regarde comme ceci. Jamais de la vie.
- Speaker #0
Pourquoi ?
- Speaker #1
Parce que je trouvais que c'était déjà assez difficile comme ça à la maison. Dans le sens où il y avait déjà assez de galères financières et autres. Je voulais pas commencer moi à arriver je me sens pas bien dans ça j'ai toujours fait face à tout ça moi-même mais quand je vois mes parents, mes frères, mes soeurs comment ils étaient avec moi et comment on était ensemble et tout ça, je l'ai affronté j'avais la force et le bagage pour affronter tout ça tu vois pour dire que oui La danse pour moi c'est quelque chose de très libérateur, c'est carrément un dépassement de soi absolu, vraiment, surtout avec mon spectacle aujourd'hui.
- Speaker #0
Mais à l'époque c'était déjà hyper présent.
- Speaker #1
Déjà, bah oui !
- Speaker #0
Et j'ai lu un peu une petite anecdote où tu faisais quand même, tu étais un peu la mascotte
- Speaker #1
C'est un peu ça ouais Tu retouches chez moi à Maubeuge,
- Speaker #0
laisse tomber C'est incroyable Tu as aussi cet album de la confiance
- Speaker #1
Je vais lier ça aussi avec Maubeuge En tout cas le Val de Sambre, là où j'ai grandi Comme j'ai commencé tôt la danse Comme très tôt on a commencé à faire des concours chorégraphiques On était un peu exposés Donc, on a eu des articles sur nous, de presse et ainsi de suite. En fait, moi, depuis tout petit, j'ai tout un territoire qui me suit.
- Speaker #0
Ça,
- Speaker #1
c'est génial. Mais c'est un truc de fou. J'en avais conscience, mais je l'ai capté ça il n'y a pas très longtemps. Il y a 4-5 ans. Et c'est là où je me suis dit, mais en fait, les gens, ils me connaissent depuis tout petit. Parce que quand je les croise, il y en a, ils me sortent des anecdotes de « Hé, mais tu sais que je te connais depuis tout petit, quand tu dansais au centre-ville, il y a 20 ans, t'étais comme ça, je te voyais danser. »
- Speaker #0
Ciao !
- Speaker #1
Et ces gens-là, ils sont encore là, ils sont présents.
- Speaker #0
Ça t'apporte en fait.
- Speaker #1
Mais non, mais ça apporte, tu sais quoi, ça apporte tellement. Même, il faut faire attention. Moi, tout ce que je fais, sincèrement, tous mes projets, je ne suis pas seul. Je le fais, mais je me dis, attends, je prends toute une population avec moi. Déjà, je prends moi, je prends ma famille et je sais qu'il y a tout un territoire qui est là et qui soutient.
- Speaker #0
Donc, il y a une responsabilité.
- Speaker #1
Il y a une sorte de responsabilité, entre guillemets. Et c'est fou. Après, peut-être que je ne devrais pas le penser comme ça parce que ça met peut-être du poids sur mes épaules. Mais je le sens et j'ai ce sentiment-là. Vraiment.
- Speaker #0
Et en même temps, ça te permet aussi de rester sur Terre parce que tu pourrais aussi t'enflammer.
- Speaker #1
Je pourrais m'enflammer, mais je remercie les gens. J'ai des gens solides et fiables qui sont là et qui permettent tout ça. Et en même temps, tu sais, quand je fais des nouveaux projets, le moindre petit truc que je fais là, à chaque fois, je le présente en premier lieu à mon bœuf. Parce que je veux d'abord le présenter au mien. Et moi, je me dis, si les gens avec qui tu as grandi, t'es proche, hein. Si eux, aujourd'hui, ils kiffent ce que tu fais alors qu'ils te connaissent par cœur, c'est qu'après, le reste est facile, entre guillemets. Oui. si les gens de chez toi qui te voient du matin au soir danser, t'exprimer et quand tu fais un projet ils le voient et ils sont en mode waouh incroyable ou alors ils sont touchés pour moi le reste c'est ok, je sors de chez moi et c'est ok pour aller affronter le reste ça te donne de la force mais est-ce que tu penses qu'ils te le diraient si c'était pas... bien sûr mais c'est pour ça que je te dis ça Ah bah oui, ça c'est important. Il y a plein de gens qui disent que c'est super, mais en fait, ce n'est pas ça. Moi, j'ai la chance d'avoir des gens, attention, qui sont au nombre de 1 ou 2. Je ne te parle pas de 15 000 personnes. C'est des gens, tu leur montres le... truc et vont dire ok ou non et ça c'est important c'est essentiel mais c'est essentiel mais comment tu fais et qui vont dire sauf ça ok ça on t'appelle sauf sauf ou bigsof c'est ça ouais
- Speaker #0
J'ai entendu dire aussi que t'étais effectivement un peu cette mascotte et où t'étais quand même avec tes frères et où tu sors à un moment donné d'une poubelle.
- Speaker #1
Ah ouais, tu vois, ça t'en fout Myriam. Incroyable. Cette poubelle à l'époque qui était toute petite, mais je rentrais dedans quand même. Là, tu mets une poubelle aujourd'hui, c'est moi. Faudrait envoyer une benne pour me cacher. Mais ouais, alors là, ça, Myriam, ce spectacle-là, c'était pour moi la révélation de tout. C'était la révélation de je veux vraiment faire ce métier, je veux être danseur, je veux chorégraphier, je veux mettre en scène. En tout cas, je veux être sur scène et pouvoir être le chef d'orchestre de tout ça. Ce spectacle-là s'appelait, c'était avec le groupe que je te disais à l'époque, il s'appelait La Belle Métis.
- Speaker #0
Donc avec tes frères ?
- Speaker #1
Avec mes frères, avec d'autres danseurs. Je te cite tes noms parce que c'est important. Mais bien sûr ! Donc mon frère Toufik, mon grand frère, mon grand frère Riyad, Karim Zawi, David Roy, Ashour, Asdin Saya, Mohamed Aouraj, Rafik, j'espère que je n'ai pas oublié. Vous êtes fiers ? Nadia.
- Speaker #0
Ah quand même ! On était beaucoup,
- Speaker #1
on était beaucoup. Et ça tu vois, cette période-là c'était assez incroyable parce qu'on était un crew, donc on était deux homos à l'époque. Je te promets qu'on était en galère de salle de danse, donc de studio. Donc tu sais quoi, on dansait dehors, on dansait dans des halls. On allait des fois dans un salle sociale, on était en bas, en train de danser. Ou alors quand ils nous ouvraient la salle, c'était un somme non praticable. Tu ne pouvais pas danser, c'était une galère. Pas de miroir, tout petit, et on était 7 ou 8 dedans. Devoir créer une chorégraphie, tout ça. Je me souviens de ça parce que mes grands frères comme Messif Guigeret, moi je les voyais appeler les gens. Est-ce que tu as une salle ? Est-ce que tu as ceci ? Est-ce que tu as cela ? Appeler le DJ. Est-ce que le DJ était dispo pour faire la bande-son ? Tu vois, c'était vraiment des moments où tu te dis « Ouais, en fait, on est en galère, quoi » . Et malgré ça, quand on se présentait devant les gens, en concours et tout, franchement, on arrachait tout.
- Speaker #0
Pourquoi vous faisiez ce spectacle ? Et c'était quoi l'objectif ?
- Speaker #1
Alors, ce spectacle-là... On participait à un concours qui s'appelait les tremplins régionales de danse urbaine. C'était à Roubaix, organisé par Dans la rue la danse à l'époque. C'était THE concours à l'époque. Genre c'était là-bas qu'il fallait être pour te montrer et montrer ton travail en tant que danseur et chorégraphe. Et la clé de ça... c'était que le vainqueur, le qui arrive premier, il a la chance de faire la première partie d'une grosse compagnie de danse au parc de la Villette à Paris. Donc nous, on était en mode, si on arrive à aller à Paris, à la Villette, c'est la Villette. La Villette, c'est le hip-hop là-bas, tu vois. Donc on s'est dit, si on arrive à être là-bas et se présenter là-bas, c'est un truc de fou. Donc c'était ça l'objectif. C'était de gagner le Régional pour aller après se présenter à la Villette à Paris, tu vois. Et ce concours-là, il se faisait en trois parties sélection. Donc tu venais, tu présentais une étape de travail. Une fois que tu étais sélectionné, tu faisais les demi-finales. Un show pour une demi-finale, c'était 8 minutes de prestation.
- Speaker #0
C'est long.
- Speaker #1
C'est très long, 8 minutes. C'est extra long. Tenir les gens pendant 8 minutes. Attention avec une histoire. On n'était pas en mode show perf. déjà sur une thématique de comment mettre la danse au service d'un propos. Donc on était déjà dans un truc de réflexion de « Ok, c'est quoi le message là dans la danse ? » Enfin, il y avait de la paire forcément, mais il faut une histoire. Il faut qu'on embarque les gens, il faut qu'on les fasse vibrer, qu'on les touche, tu sais. Donc déjà, ça, c'est une très bonne école de pouvoir poser une thématique à travers la danse. Une fois que tu étais classé dans les trois premiers en demi-finale, tu faisais la finale. Au final, il y avait six ou sept groupes. Et donc après, ils prenaient les trois premiers. Il n'y a que le vainqueur, le premier, qui va à Paris. Donc ça, on le fait deux, trois fois.
- Speaker #0
Ah, vous avez tenté deux,
- Speaker #1
trois fois. Oui, on a tenté deux, trois fois.
- Speaker #0
Chaque année.
- Speaker #1
Chaque année, exactement. Première année, on va en finale. On est classé troisième, un truc comme ça, tu vois. Pas mal déjà. C'est très bien. Il y avait des très bons groupes à l'époque. dans le Nord. Donc nous, on se dit, ça va, c'est cool, troisième, mais on sentait qu'on pouvait faire largement mieux et qu'on n'était pas arrivés au bout, tu vois. On le refait l'année prochaine, pareil, dernière fois qu'on le fait, on le fait, donc avec ce fameux spectacle avec la poubelle, ou je sors de la poubelle. On arrive premier en demi-finale.
- Speaker #0
devais faire avec cette poubelle,
- Speaker #1
c'était quoi le message ? C'est quoi le message ? Tu vas rigoler. On était des SDF. D'accord. On était des SDF, on était sur un banc. Moi, j'étais planqué dans une poubelle, en galère. Dans la poubelle, j'étais un petit, tu vois. J'avais des vêtements plus grands que moi, j'avais une grosse veste. Tu vois, un truc avec un chapeau. L'autre, ils étaient tous vêtements arrachés. Tu sais, vraiment, on était un peu en mode galère. Et en fait, ce spectacle-là, ça racontait ça. Donc, un peu la galère, la rue. Et à un moment donné, on trouve un sac d'argent on prend l'argent tac on est content hop on se change on devient un beau gosse tac et puis on va commencer à monter sur scène à danser tu vois et donc moi j'étais dans la poubelle et à un moment donné le spectacle commence et pendant je crois les trois premières minutes les gens ne savent pas que je suis dans la poubelle donc en fait ça danse ça danse ça danse ça danse et à un moment donné ça toque tu vois donc ça fait tom tom tom je me souviens parce que mon frère il ouvre la poubelle comme ça et moi je suis dedans et genre je dors et quand il ouvre la poubelle moi je commence à faire un bâillement tu vois mais après on enregistrait Tiens, les montages, c'est des gags. Tu rigoles. Là, je te le raconte comme ça. Là, je te le raconte, tu te dis, oh, ça doit être incroyable. Toc, toc, toc. Tu sais, un truc old school. Surfait. Ah ouais, surfait. Et les gens, ils m'envoient dans une poubelle. Donc, surprise. Et j'étais petit, tu vois.
- Speaker #0
T'avais quel âge ?
- Speaker #1
Je sais pas, je devais avoir 10 ans, 12 ans. Un truc comme ça. Et je me lève. Genre, baillement, je me lève. Et je commence à envoyer plein de waves. Les gens, ils ont pété un plomb. Et après, je prends le sac d'argent, ils me donnent le truc, on se change, et là, on part en chorégraphie d'ensemble. Et à l'époque, le style, c'était de la hype. Hype, c'était de l'énergie à 1000%. Donc, on avançait comme des fous. On a donné notre life.
- Speaker #0
À 8 ans, plus, ça envoie.
- Speaker #1
Mais ça envoie grave, franchement ça envoie de fou.
- Speaker #0
T'as pas des vidéos ?
- Speaker #1
J'en ai pas mais les autres danseurs doivent en avoir. Mais tu sais qu'on la recherche cette... J'imagine. Bah oui, non mais c'est tellement... C'est collector ça. C'est collector de fou. Et c'est pour ça que je dis que ce spectacle là, pour moi, il y a eu un vrai déclic dans ma tête. Dans la perf et dans ce qu'on raconte et dans le show. Parce que les gens, ils sont devenus fous. Et donc, ce truc-là, on arrivait premier. Génial. Demi-finale, premier. Parce qu'il y a un classement. Et après, on fait la finale. Et on fait la finale et on arrive... Je crois qu'on arrive encore troisième.
- Speaker #0
Oh non, c'est pas vrai.
- Speaker #1
Trois ou deux. D'accord. Mais qu'est-ce qui se passe ? C'est qu'à l'époque, il y avait Chloé Lenautre. Chloé Lenautre qui était à l'époque directrice du parc de la Villette. Et qui a dit, moi je prends les premiers au quai, mais je prends eux aussi. Incroyable. Incroyable. Et on s'est dit, comment ça ? On va quand même à Paris malgré qu'on... Et en fait... Et en fait, elle a kiffé le show, elle a kiffé l'énergie et tout ça. Et elle a dit non, mais moi, je veux et tout ça. Donc, nous, ça y est, objectif, là, dans deux mois, on est à Paris. Et tu avais 10 ans. Et j'avais 10 piges. Et on fait la première partie de Franck Deluise. Compagnie Franck Deluise. Drop It. Spectacle avec les robots. Je ne sais pas si tu connais un peu, Myriam, mais spectacle incroyable. C'était pour moi la révolution du hip-hop. Et moi je ne connaissais pas Franck Deluiz. Nous on est dans la loge, on voit Franck Deluiz. Nous on ne connait pas encore les compagnies. A l'époque on connaissait comme compagnie c'était Storm. Il faisait pas mal de créations déjà à l'époque. Il nous rendait fou avec ses créations Storm. Donc j'en avais déjà vu là-bas. Mais Franck Deluiz pour moi c'était... C'est qui, c'est quoi ? On fait la première partie de ce spectacle. À Paris ? À Paris, à la Villette, la grande salle. Je commence solo. Je suis à genoux, j'ai un masque blanc. Nos costumes, c'était des kimonos. Et je commence avec des waves et tout. Et les gens, ils commencent à crier de fou. Mais moi, j'étais tout petit, tu vois. Mais moi, à ce moment-là, je me rappelle comme un truc normal. C'est aujourd'hui que je suis en train de te dire qu'en fait, c'était incroyable. Mais moi, quand je suis sur scène, je suis tout seul. Il y a une douche et que le son, il part et que je pars en wave. J'ai aucune pression. Parce que moi je suis en train de kiffer, je suis en train de danser en fait. C'est dans le show. Il n'y a pas d'enjeu, je suis dans l'énergie de, on va faire un spectacle et c'est comme d'habitude. Là je suis à la Villette, la semaine d'avant on était dans le centre-ville de notre ville, tu comprends ? Moi je danse. C'est seulement après que je me dis putain mais en fait t'as fait ça, t'as fait ceci. Je me dis ouais mais en fait c'est incroyable ce qui s'est passé. À cet âge là déjà tu vois.
- Speaker #0
Bah oui à cet âge là, à 10 ans quoi.
- Speaker #1
Mais ouais, mais ouais de fou.
- Speaker #0
Et puis je veux dire effectivement quelqu'un de Mobush qui arrive sur l'une des plus grandes scènes de hip hop.
- Speaker #1
Non incroyable.
- Speaker #0
Et puis avec ses frères.
- Speaker #1
Et avec, voilà. Avec les frères en plus. Donc je commençais solo et après ils débarquaient un peu au fur et à mesure. Mais incroyable.
- Speaker #0
Donc t'étais déjà la star un peu quand même.
- Speaker #1
C'est pas que c'était la star mais il y avait un truc de... Petit qui danse à déchire, tu vois. Sauf que le petit, il danse pour de vrai. C'est pas juste qu'il danse un peu. C'est toujours cool. À l'époque, c'était cool d'avoir un petit qui dansait. Oui,
- Speaker #0
il amuse la galerie.
- Speaker #1
Ouais, tu vois ça, c'est cool, il bouge bien. Mais non, en fait, c'était le petit, il envoie des grosses waves de malade. Parce que c'était un peu ça, tu vois, à l'époque, le Smurf. Donc c'était vraiment les wavings, quelques slides, des effets un peu robotiques, tu sais. Et après, nous, on sort de la scène. Et on nous dit d'aller se mettre sur scène parce que la création va commencer. Et là, on voit Drop It. C'est la deuxième fois de ma life où je me suis dit, c'est ça que j'ai envie de faire. C'est de la création. Parce que le spectacle, il m'a retourné la tête. La thématique, les costumes.
- Speaker #0
C'était quoi la thématique ?
- Speaker #1
Des robots qui deviennent des humains. Tout simple, mais avec un message derrière. Mais quand je dis des robots, il a fait faire des costumes incroyables. Incroyable. Je te montrerai...
- Speaker #0
J'ai vu quelques photos.
- Speaker #1
Tu sais quoi ? C'est incroyable. Au point même que si je ne me trompe pas, il a tourné partout dans le monde, je crois. Je crois qu'il y avait même à l'époque le Cirque du Soleil qui voulait prendre une partie de ce spectacle. Je crois que Franck Deluise a refusé, mais ça c'était la petite histoire qu'on se raconte.
- Speaker #0
En fait, tu te prends ta deuxième claque.
- Speaker #1
C'est ça. Je me prends ma deuxième claque. Et là, c'est une claque de... Ah ouais, on peut faire ça. On peut faire tout ça, comme ça. Mettre autant d'idées, autant d'énergie de ne pas se limiter dans ses envies. Parce que quand j'ai vu des robots sur scène, je me suis dit, c'est quoi ça ? Et puis quand ils commencent leur premier mouvement, je me dis, non. Au fur et à mesure du spectacle, en fait, les costumes s'enlèvent, ils sont humains, et après, il y a la danse qui vient se mettre en place. Oh là là là là. Et là, moi, je me suis dit, non, mais c'est ça. C'est ce dont j'ai envie de faire vraiment, de créer, de danser. c'est de raconter.
- Speaker #0
Oui, il y a un message.
- Speaker #1
Un message de fou. Et donc moi, je me prends toute cette énergie-là à 10, 12 ans. Hyper tôt.
- Speaker #0
Avec des frères qui te disent quoi,
- Speaker #1
eux ? Alors c'est ça. qui est fou, écoute bien Myriam, ça qui est fou avec mes frères qui me disent ouais mais tu crois pas que ça va se passer comme ça, parce que moi mes grands frères c'était en mode les études,
- Speaker #0
l'école ouais ils voulaient le meilleur pour toi ils voulaient le meilleur tu vois,
- Speaker #1
eux, c'est normal ils me protègent tu vois, donc jamais ils vont me lancer dans un truc vas-y, pourtant eux mes frères ils commençaient un petit peu à être un peu dans le showbiz, un peu de la danse tu vois, je suis venu à l'époque ils commençaient à faire les plateaux de Hit Machine à l'époque, tu sais. Donc, ils dansaient derrière les stars, les chanteurs et tout. C'est trop du fou. Moi, j'ai des frères qui ont dansé derrière Brandy, tu vois. Ils ont goûté un peu à ça. Et moi, ça me faisait rêver. Donc, moi, le samedi matin, quand j'ouvre la télé et j'ai mon frère débarquer derrière Brandy. Tu vois, c'est quoi ce truc de fou ? Et d'autres danseurs qu'on connaît, parce que le milieu de la danse, il est petit, comme Malika Benjeloul, qui est aujourd'hui professeure à la Star Academy. Mais limite, ça, c'est rien. Parce que la Star Academy, c'est populaire de fou et c'est chouabit, c'est trop bien. Mais Malika, c'est une danseuse de malade mental. Et Malika, tout ce lien-là, maintenant, pourquoi je te dis ça ? Parce qu'avant que nous, on existe la belle métisse, il y avait un autre groupe de danse qui s'appelait Cosmos. D'accord. Cosmos, c'est des gens de Maubeuge
- Speaker #0
Ok, on sent la faillite, je sens que ça va se failliter.
- Speaker #1
Même pas, non, au contraire, tu verras, tu vas avoir le lien. Cosmos, le chorégraphe, c'est Kali, le père à son âme. Dans ce groupe-là, il y a qui ? Il y a Malika. Oui,
- Speaker #0
d'accord, évidemment.
- Speaker #1
Il y a Karim Zabi, je suis...
- Speaker #0
Qui était après, qui va être la secteur S.
- Speaker #1
Voilà, exactement, mon grand frère Toufik. David Roy, que je t'ai dit, Cosmos. Ashour, que je t'ai dit, Cosmos. En fait, si tu vois bien le truc, moi... Petit, j'ai eux comme exemple avant même de danser avec la belle Métis, tu comprends ? Ouais. Donc moi petit, j'ai mon frère, mais en fait j'ai Cosmos que je vois aussi. Donc je vois qui ? Malika déjà, Jessica aussi à l'époque. Donc Kali, mon frère Toufik, Karim, tu sais, tout ça. Donc moi en fait je...
- Speaker #0
Tu baignes déjà en fait.
- Speaker #1
Mais ouais, je baigne déjà dedans. Mais bien sûr. Donc moi je... Et cette époque-là, le groupe Cosmos, tu vas rire, ils ont fait Grain de Star. Ouais. Sur M6. Ouais je vois ça. Ils ont gagné Grain de Star.
- Speaker #0
C'est pas vrai.
- Speaker #1
Donc... Pour moi, c'est une dimension de fou. Je me dis, wow.
- Speaker #0
En fait, ça veut dire que tout est possible pour toi.
- Speaker #1
C'est ça. C'est clairement ça. Et quand je vois ça, je me dis, ces gars-là, ils sont en bas de chez moi. Et puis,
- Speaker #0
c'est tes frères.
- Speaker #1
Et puis, c'est mes frères. Donc, tu vis avec eux. Non, mais c'est un truc de fou. Quand je regarde le parcours comme ça, je me dis, en fait, le lien est incroyable. Et puis, en fait, la transmission, elle est incroyable. c'est pour ça que je dis que j'étais bien entouré Même là quand je te parle de Malika, tu vois Malika elle est incroyable. Et ce qu'elle fait c'est un truc de fou. Et tu vois toute l'énergie qu'elle met dans la Star Academy, cette transmission. Mais en fait, on l'a eu tout petit avec d'autres, avec mes grands frères, Karim. Ils nous ont transmis ça. C'est sûr qu'en fait, des malikas, là, il y en a 4-5 qui gravitent là autour, qui sont à Maubeuge et qui font des trucs de fous.
- Speaker #0
Mais comment ça se fait ? Comment tu expliques qu'à Maubeuge, il y ait autant, justement...
- Speaker #1
C'est moi la question. Moi, je pense que comme il n'y a rien, il n'y a rien. Et on a la chance aussi, entre guillemets, d'avoir eu des gens qui étaient un peu sur Paris. En fait, il y a une vape parisienne qui est venue à Maubeuge. Donc les grands ont cherché ça. Ils l'ont ramené ici.
- Speaker #0
Oui, mais attends. Sofiane, excuse-moi, mais des endroits où il n'y a rien, il y en a plein.
- Speaker #1
Oui, c'est vrai. Je suis d'accord. Mais même ça, tu vois, je l'ai déjà dit dans d'autres interviews. Je me dis, à chaque fois, il y a un truc à Maubeuge qu'il n'y a nulle part. Oui,
- Speaker #0
je sais.
- Speaker #1
Il y a des talents de fous. Là, on parle d'artistique, on parle de danse. Je te promets, il y a des sportives de malade. Il y a des musiciens de fous. Il y a un truc à Maubeuge qu'il n'y a pas ailleurs. Moi je pense que c'est le côté Crève-la-Dalle. C'est tout le problème. En tout cas... Il y a un côté où, tu sais quoi ? On doit taffer dix fois plus. Dix fois plus. Je suis verré, les trucs qu'on a fait pour bouger de Maubeuge, pour aller faire des battles de danse, sortir de Maubeuge, sillonner toute la France, l'Europe, se dire, de toute façon, comme il n'y a rien, si on bouge de Maubeuge, on peut bouger à l'autre bout du monde. Tu vois, si tu comprends.
- Speaker #0
Bien sûr.
- Speaker #1
Si je sors du territoire, là, ça y est, c'est bon. je vais pas rester à côté, mais c'est le monde Je ne vais pas commencer à rester dans le périmètre comme ça. Non, non, non. On va à l'île. Ouais, c'est cool, c'est à côté. Vas-y, viens, on traverse. Parce que ça y est, on sort.
- Speaker #0
Mais encore faut-il, la différence et la chose la plus difficile, c'est effectivement de sortir. C'est le premier pas.
- Speaker #1
Bien sûr, c'est le premier pas. Quand tu as quelque chose que tu aimes, et qui te passionne, et qui te transcende comme ça, tu n'as qu'une envie, c'est de le montrer, de le défendre et de le propulser au plus haut niveau. Et surtout, quand tu as que ça, quand je dis ça, je parle de moi, moi, je n'ai que la danse. Même encore aujourd'hui, je n'ai que la danse. Quand je dis que je n'ai que la danse, j'ai tout mis sur ça. Mon parcours scolaire, tu vois, il est... J'étais pas une lumière, tu vois, à l'école.
- Speaker #0
Quand on dit être bon à l'école, c'est être bon d'une certaine manière à l'école.
- Speaker #1
Mais c'est ça. Tu vois ? Ouais, c'est ça. Mais est-ce que quand t'es petit, tu le captes, ça ? Non, bien sûr. Non, tu le captes pas, tu vois. Toi, t'as qu'un truc, on te dit, va à l'école, va bosser. Tu ne reviens même pas à mon bulletin, tu te fais défoncer. Et tu te dis, merde, en fait, moi, je ne me retrouve pas dans tout ça, en fait, tu sais. Et quand t'as quelque chose que tu connais, que tu maîtrises, en l'occurrence, là, c'est la danse, le spectacle, tu te dis, vas-y, ok, est-ce qu'on peut aller dans cette direction-là ? Et je me souviens, moi,
- Speaker #0
Il a tout fait, le pauvre, il a tout fait pour que je fasse des études de fou et pour que, pas de fou, mais en tout cas, d'avoir des bonnes notes, tu vois, de ramener des bons trucs, d'aller passer le bac, tu vois.
- Speaker #1
Et donc, tu t'es arrêté où au final ?
- Speaker #0
Alors moi, mon parcours scolaire, j'ai fait, j'ai fait quoi ? Bah rien. J'ai fait deux secondes générales et j'ai arrêté. Donc, j'ai fait ma troisième seconde générale, j'ai redoublé et m'ont dit réorientation BEP, je ne sais pas quoi. Et j'ai tenu 3-4 mois. J'ai tenu 3-4 mois. Attention, pendant tout ce que je te raconte là, moi à côté, je donne des cours de danse. Je suis dans la danse en fait, j'ai que ça. Oui,
- Speaker #1
tu fais des battles.
- Speaker #0
Oui, je suis en mode battle, cours de danse. Et quand je fais réorientation en BEP et qu'ils me mettent dans un autre lycée, je me dis, qu'est-ce que je fais là en fait ? Et là, je rentre chez moi et je vais voir ma mère. Et je lui dis, ça y est, moi, je vais arrêter l'école. Je veux travailler et tout ça. Moi, ça l'a choqué. Et elle m'a dit, mais tu vas faire quoi ? Je lui dis, mais non, mais là, je donne des cours de danse. Elle savait que je donnais des cours. Mais tu sais quoi, c'était un cours de danse comme ça, tu vois, par semaine. Ça me rapportait, je ne sais pas, même pas 50 balles. C'était vite fait, quoi. Elle m'a dit, hors de question que tu arrêtes l'école si tu ne travailles pas, s'il n'y a pas quelque chose. Et ça, attention, en toute simplicité. Il n'y a pas de prise de dette avec ma mère. Simple, mais c'est cash.
- Speaker #1
Oui, clair.
- Speaker #0
Oui, c'est clair. Elle n'a pas... Ah ouais ? Ok, tu vas faire quoi ? Ça ? Non ? Ok. Tu fais ça, ça ? D'accord. S'il n'y a pas ça, ne viens même plus me parler. Enfin, gros, ne reviens pas sur le sujet. Moi j'ai donné des cours pour Secteur 7.
- Speaker #1
Donc Secteur 7,
- Speaker #0
on va y arriver. Parce que là aussi c'est encore une autre histoire. Ça fait partie de la même histoire. Mais c'est tous les gens que je t'ai cités. Donc moi je vais voir Secteur 7 et je vais voir Karim à l'époque. de secteur 7 explique qui secteur 7 alors pardon ouais ouais juste et après on en revient un peu plus pas de soucis mais c'est quoi juste avant qu'on ne revienne pas secteur 7 c'est une association un collectif c'est un collectif c'est ça c'est un collectif c'est mes grands frères et karim zahoui Et aussi une autre personne qui s'appelle Abdel, paix à son âme, et qui a l'initiative de ça. Donc Abdel, Karim, mon frère Toufik, David, et tous les autres, c'est eux qui ont commencé à faire vivre cette association. Donc ça s'appelle Secteur 7. Et Secteur 7, pourquoi Secteur 7 ? Parce qu'à l'époque, à Aumont, donc la ville de Aumont, elle était coupée en zones par rapport aux encombrants. C'est des encombrants. C'est à cause de ça. Nous, on était les Secteur 7. Ça ressemble à une belle... Non mais c'est ça, tu comprends ou pas ? Tu vois ce lien de... On est en galère ! Donc Sector 7 c'est ça, c'est... Notre zone c'était le Sector 7, les gens comprends, c'était le jour où on est le Sector 7. Et donc ils ont chopé comme ça tu vois. Moi je trouve ça génial. Bah oui c'est très drôle. Je trouve ça génial tu vois.
- Speaker #1
C'est justement prendre à contre-pied.
- Speaker #0
Mais ouais ! À contre-pied et puis en fait... Quand tu regardes bien, mais ils étaient déjà dans une vision de fous. Tu sais, tous ces gens-là que je te cite, pour moi, c'était des cerveaux. C'est des cerveaux, en fait, tu vois. Mais c'est des leaders.
- Speaker #1
Il faut des leaders,
- Speaker #0
il faut des pionniers. Alors, c'est plus ça. Ce sont des leaders. C'est chacun. Ils avaient vraiment quelque chose à défendre. Et puis, comme c'était des amis de fous, donc du coup, ça facilite aussi un peu la chose. Tu vois, donc tu as des gens intelligents, des leaders et qui ont une vision à 20 ans après.
- Speaker #1
Mais tu l'as, ta réponse par rapport à Mauduge.
- Speaker #0
Oui. Tu te dis comment ces gens-là, ils ont réussi à amener ce truc. Tu te dis, mais c'est un truc de fou. Moi, je sais que ça vient de là, tu vois, forcément. Je suis la génération d'en dessous. Donc, j'ai suivi un peu tout ça. Même encore aujourd'hui, le parcours que j'ai aujourd'hui, ça vient de tout ce début-là, en fait, quand tu regardes bien. Tout cet impulse, toute cette envie de vouloir créer, développer, ça vient de toute cette énergie-là qu'il y avait il y a 30 ans. Et moi, j'étais un enfant.
- Speaker #1
C'est magique,
- Speaker #0
quand même. Mais c'est... C'est plus que magique. Donc moi, je vais voir Secteur 7 pour pouvoir justement arrêter l'école. Il fallait que je trouve quelque chose. Donc je vais voir Karim, Karim Zabi. J'ai dit, bon, Karim, c'est simple. Moi, à l'école, j'en peux plus. Il faut absolument que j'arrête. Et ma mère, elle me dit, si tu n'as pas de taf, tu ne ramènes pas d'argent, au cours où tu ne t'en sors pas, tu ne t'arrêtes pas à l'école. Et elle ne veut rien savoir. Et Karim, à l'époque, sans transition, sans de « ouais, mais à... » Ben, ok, dis-lui que je vais te prendre mon contrat. C'est les contrats aidés, là, tu sais, 20 heures. Je te prends un contrat et comme ça tu auras au moins un petit 700 euros qui va rentrer par mois et puis tu donneras des cours et tu vas commencer comme ça tu vois. Je dis vraiment ? Il me dit ouais t'inquiète, t'inquiète pas, tu reviens, on ouvre le contrat, on voit comment c'est éligible et tout et on le fait. Je suis revenu, tout était bon en termes d'administratif. Ok, c'est bon, tu rentres dans les critères. Je te prends là quand tu veux.
- Speaker #1
Incroyable.
- Speaker #0
Incroyable.
- Speaker #1
Et une confiance,
- Speaker #0
ça veut dire. Mais ouais, non, mais c'est une confiance. Et puis Karim, c'est quelqu'un qui a toujours été là, tu vois. Même encore aujourd'hui. En fait, c'est comme des grands frères, tu vois. C'est comme mes grands frères, tu sais. C'est des gens qui ont été là depuis tout petit et qui ont toujours fait en sorte que tu puisses t'en sortir, t'aider. Moi, je me souviens à l'époque en tendance. Moi, je n'avais pas de permis ni de voiture. C'est lui qui venait me chercher, qui me redéposait, qui me prenait. On va là-bas. Tu vois ? Ce n'est pas rien.
- Speaker #1
Ah non, c'est très,
- Speaker #0
très... Ce n'est pas rien. Je suis un enfant. Je suis petit. Moi, je sors de chez moi. Ma mère, elle sait que je pars avec un tel. Confiance absolue. Tu vois ce que je veux dire ? Et donc, lui, il me dit, voilà, ça, ça, ça. Et moi, je rentre chez moi. et j'ai dit bon bah c'est bon Karim va me prendre un contrat avec Sector 7 et tout Je vais faire 20 heures semaine, je vais toucher tant. Ça l'a rassuré. Elle m'a dit OK. Et là, ça y est, dans ma tête, quel soulagement. Et je me suis dit, bon, maintenant, c'est parti.
- Speaker #1
Mais tu faisais aussi un peu des battles. Tu avais un petit...
- Speaker #0
Ah ben là, ouais, de fou. Alors là aussi, là, tu touches à des choses. Mais c'est cool parce que c'est vraiment des trucs, c'est des points forts. Tu vois, là, je te parlais de la belle métisse. Points forts. Même pas avec Cosmos, tout ce lien-là, Secteur 7, le début, ça c'est des trucs qui m'ont aimé. J'ai commencé comme ça. Et après, l'aventure, la belle métisse, on en vient à rentrer dans le milieu des battles et ce fameux duo, Casseurs Popper, que j'ai développé avec un ami, mon ami qui s'appelle Steve. Ça a commencé en 2005. En fait, Steve, je l'ai rencontré lors d'un événement où il dansait. Il dansait avec un groupe et je l'ai trouvé incroyable. Et même Karim à l'époque, il me dit Regarde Steve, il est intéressant, tu verras, c'est un super bon danseur. Et je lui dis, je regarderai. Et donc, moi, je vais le voir. Et potentiel incroyable. Donc lui, c'est un popper. Sa discipline, c'est le poppin. J'adore le poppin. Le poppin, c'est un style incroyable. C'est une sensation de fou ce style-là. C'est technique à fond. C'est une précision du corps et de la danse. Après, dans toutes les danses, sans relâchement, il n'y a pas de pop. C'est ça qui est fou. C'est constamment dans la puissance et dans la force, mais sans relâchement, sans danse et relâchement, il n'y a pas cet impact. Mais c'est vrai que c'est une danse assez incroyable. Donc Steve, je le vois en spectacle, je dis franchement, il est incroyable. Il a du potentiel. Je vois qu'il y a encore un peu de taf. Je dis, c'est quoi ? Viens prendre mes cours. Il prend mes cours de danse après. Je lui ai donné des cours de danse à Maubeuge, je lui ai dit viens on lui donne des cours à Maubeuge et tout, viens te perfectionner comme ça, bref. Il vient, il prend les cours, on kiffe et en fait il y a un vrai lien d'amitié qui se crée tu vois. Et surtout c'est un bosseur en fait. C'est le gars qui vient avant l'heure, il fait l'heure de danse et il reste pour danser. Un fou de la danse et... un passionné, quelqu'un qui veut bosser. Donc quand tu as des gens comme ça, c'est magnifique. Parce que moi, je pensais être le seul à être dans mon truc de danser dans une salle comme un fou. Quand je donnais des cours, je venais avant, je dansais. Je donnais mon cours, je restais et je travaillais. constamment, constamment, constamment.
- Speaker #1
Oui, donc tu ne faisais pas 20 heures, tu en faisais deux fois plus.
- Speaker #0
Je faisais deux fois plus, c'était un truc de fou. Et donc je rencontre Steve, on se rencontre comme ça dans les cours, et je vois qu'il reste après le cours, on danse un peu, et on commence à créer des petites chorégraphies ensemble, tu vois. Et je vois que le feeling, il passe bien, et surtout que lui, il est incroyable, et qu'il capte vite les choses, tu vois. Et très vite, on monte un petit show, une petite performance de 3-4 minutes, tu vois. Et on décide de se présenter un peu à droite à gauche, tu vois, dans les petits événements de danse hip-hop, tu vois, dans les concours, dans les battles, tu vois. Et je vois qu'il y a un engouement avec notre duo. Donc lui, il est grand. Il est grand. Il est un peu plus grand que moi. Il est fin. Très fin. et moi je suis gros. Toi, il y a un truc de l'Orelle et Hardy, quoi, tu vois. Donc, forcément, on en joue. Et donc, les casseurs poppers, ça vient de là. Les casseurs poppers, c'est dans les Maman, j'ai raté l'avion. Les casseurs flotteurs. Et les casseurs flotteurs, il y a Marvin qui est grand et fin, Et t'as Harry qui est gros, qui est petit tu vois Donc on s'y voit trop bien, vas-y viens on prend casseur-flotteur, on met en mode casseur-popper, vu qu'on faisait du poppin, les danseurs de poppin, c'était popper. On se dit, vas-y, on prend ce blase-là, tu vois. Donc nous, tout content, on se définit en tant que casseur-popper, quoi, tu sais. Et ça sonne bien. Et ça sonne bien. Franchement. Franchement, ça sonne bien, tu vois, casseur-popper, il y a un truc. En plus, Kasser, c'est un old school Kasser. Parce qu'avant, quand les gens faisaient du smurf ou alors du pop... On dit ah tu casses bien et tout, mais c'est vraiment à l'ancienne tu sais. Donc il y avait un côté un peu marrant dans Casseur tu vois. Et le popper qui venait donner un peu plus de finesse à la chose quoi tu sais. Et donc voilà on crée ce duo, on monte un show, et très vite en fait on commence à faire les battles ensemble. Donc en fait le duo c'était un duo chorégraphique. C'est de la chorégraphie, mais surtout, c'était aussi un duo de battles. Et nous, on avait cette force-là. Donc justement, dans ce duo, c'est qu'on était des amis déjà, donc on se connaissait super bien. Comme on bossait ensemble les chorégraphies, du coup, ça nous permettait d'avoir des connexions assez incroyables lors des battles de danse. Donc très vite, on a fait les battles, les justes debout, tu vois. Ça a commencé par le battle The Ring à Maubeuge. qui est un battle vraiment international et un très gros battle à l'époque, lequel on l'a gagné. On l'a gagné en 2007. Et ensuite, on l'a gagné en 2010, je crois. Et on l'a gagné deux ou trois fois. En parallèle de ça, on a participé au Juste Debout. Juste Debout.
- Speaker #1
Il venait de commencer, non ?
- Speaker #0
Et Juste Debout, c'était les débuts. Parce que le premier Juste Debout, si je ne me trompe pas, c'était en 2002. 2002, 2003 avec Taco. Robin Taco en jury. 2004, Coubertin. 2005 aussi. Et là, 2006. Bruce fait des sélections partout en France.
- Speaker #1
Donc Bruce, le fondateur de Juste Debout.
- Speaker #0
Bruce, le fondateur de Juste Debout. Qui est un danseur incroyable, chorégraphe incroyable.
- Speaker #1
Qui a une vision incroyable.
- Speaker #0
Bruce a un boss, tu vois. Bruce, c'est... On peut dire tout ce qu'on veut, mais c'est le boss. Tout ce qu'il a créé, tout l'engouement, la JD School. Là, si je ne me trompe pas, il y a un truc, JD Industrie. Qui va se lancer.
- Speaker #1
Qui va arriver, oui.
- Speaker #0
Et c'est quelqu'un qui... C'est un danseur hors pair. Et c'est quelqu'un qui est beaucoup respecté. et moi je le respecte à fond et surtout en fait il a lancé un truc que nous les danseurs il nous a mis un objectif dans l'année tu vois alors il faut gagner le JD et pour tous les danseurs surtout à l'époque c'était on se préparait pour faire le juste debout pour pouvoir au moins au moins poser un pied à Bercy ou aux phases finales à Paris Parce que si tu mettais un pied là-bas, ça veut dire que tu étais dans le paysage des danseurs hip-hop du monde.
- Speaker #1
T'étais reconnu.
- Speaker #0
Mais ouais. Elle était là la pression. C'est que dans le Nord, ou chez toi, t'es connu, c'est génial, tu vois. Mais il fallait passer ce step d'aller à Paris. Et surtout au final de JD Paris. Parce qu'il y avait le monde. Et à partir du moment où t'avais le pied dedans, ça veut dire qu'en fait, t'étais parmi le paysage mondial du hip-hop, tu vois. Donc c'était une vitrine extraordinaire. La première fois que je fais le JD c'était en 2006 Sélection Lille Et je le fais avec Afid C'est un danseur de chez moi aussi Qui fait partie Du groupe Cosmos à l'époque.
- Speaker #1
Tu comprends ? Bien sûr.
- Speaker #0
Bref. Mais tout est lié. Non mais tout est lié.
- Speaker #1
Dans la vie c'est toujours comme ça.
- Speaker #0
Et on se voit avec un feed. On dit vas-y il y a le JD. Moi je lui dis vas-y t'es chaud ? Viens on le fait en hip-hop. Il me dit vas-y on y va. On prépare. Bim on arrive finaliste juste debout. Lille. 2006. On perd en finale. Donc ça ne nous donne pas accès au face final à Paris. Mais c'était nos premiers battles. On a fait des battles un petit peu avant. Mais on est au début de l'effervescence des battles. C'est-à-dire que même moi, quand je fais le JD... Je n'ai pas encore tous les codes. C'est-à-dire que moi, j'y vais vraiment avec mon feeling et mon naturel. Et on va s'affronter avec des gens.
- Speaker #1
Oui, il n'y avait pas trop de pression parce que le JD, le juste debout, en fait...
- Speaker #0
Le JD, c'était quand même quelque chose.
- Speaker #1
Oui, mais dès le début ?
- Speaker #0
Alors franchement, dès le début. Tout de suite, tu avais tous les danseurs monjo qui étaient là. vraiment donc t'avais même des gens qui est de l'étranger pour faire la sélection à Lille. Ça veut dire que le juste debout de Lille, même si tu arrives au final où tu gagnes, tu as déjà tapé plein de danseurs de fou. Entre guillemets, tu vois ? Donc, il y avait une certaine... Tu te dis, ça va, j'ai dit Lille, il est chaud. Si j'arrive en final où je le gagne, déjà, ça me met un petit statut, tu sais. J'ai les compétences.
- Speaker #1
Tu vois, c'est ta nouvelle école, en fait. Tu passais tes examens sur le juste debout.
- Speaker #0
Rosa ! On se testait là-bas, tu vois. Mais c'est trop ça, Myriam. C'est un truc de fou. Mais c'est pour ça que c'est un autre parcours, tu vois. C'est un autre apprentissage, tu vois.
- Speaker #1
Mais c'est un apprentissage aussi de la vie.
- Speaker #0
Mais c'est un apprentissage de la vie, merci, exactement. Je vais en revenir après. Mais les battles, l'affrontement, les gens que tu connais ou que tu connais pas, le public, la musique que tu ne connais pas, un jury que tu ne connais pas, tout ça, t'imagines l'expérience humaine, hormis la danse. C'est incroyable. Et puis tu te livres, tu donnes ton corps, ta danse, ton ressenti, ta vision. En gros, tu te mets un peu à nu devant des gens que tu ne connais pas, tu vois. C'est incroyable. Tu affrontes des gens, tu ne sais pas s'ils sont bons ou pas, mais on ne connaît pas tous, tu vois. Et en fait, on se donne comme ça, on se livre un truc. Waouh ! Pour moi, c'est la meilleure école de vie, entre guillemets, tu vois. D'affronter le monde, d'affronter les gens. En plus, le hip-hop, franchement, elle a cette force de réunir, de rassembler, d'accepter tout le monde. Donc, en fait, que tu étais gros, petit, grand, maigre, blindé, pas blindé, tu viens d'une classe sociale aisée ou pas. Bref, toutes les cultures. Nous, ce qu'on voyait, c'était quoi ? Vas-y, bouge, danse. C'est quoi le feeling que tu as donné ?
- Speaker #1
C'est quoi ta signature ?
- Speaker #0
C'est quoi ta signature, tu vois ? Donc c'est ça qui est fort à l'époque déjà.
- Speaker #1
Quand tu vois les battles, moi je suis allée au Juste Debout cette année, ça paraît juste incroyable et tu te demandes qu'est-ce qu'ils ont dans la tête. Qu'est-ce que tu te dis ? Qu'est-ce qu'il va faire ? Que tu vas gagner ou pas ?
- Speaker #0
C'est vrai que c'est fou. Tu prépares Tu vois donc c'est une préparation de fou Oui mais c'est des impros Bah il y a de l'impro, il y a de l'écriture un petit peu Mais je suis d'accord avec toi Myriam On est sur de l'impro, moi en tout cas je le vois comme ça C'est de l'impro, c'est un feeling Tu vois moi aussi j'ai eu mon ressenti à l'époque En 2008, quand je vais à Paris-Bercy C'était les 16ème de finale Donc c'est le premier battle Je monte, je mets un pied sur la scène de Bercy J'ai les jambes qui tremblent Je te promets, ça tremble Je me dis, What's up ? Qu'est-ce qui t'arrive ? Et tu montes, ça tremble. Tu as ton binôme avec toi. À l'époque, je l'ai fait avec Sesef, un autre danseur de Roubaix. Et je lui dis, frérot, j'ai les jambes qui tremblent. Et tu montes, tu as 15 000 personnes. C'est un cercle. Et tu te dis, mais comment tu vas donner ta danse, ton énergie, sur ce milieu de scène-là, sur ce cercle, devant 15 000, avec un jury et ton adversaire ? Tu te dis, mais c'est impossible. Tout ça, c'est des questionnements que tu te fais très vite. Et après, très vite, tu resserres tout. C'est-à-dire qu'en fait, t'es là, t'es « Wow, qu'est-ce qui se passe ? » Et après, t'effaces tout. T'effaces les gens. T'effaces... Le jury, il est derrière, donc ça va, t'effaces. Et tu fais un focus sur les gars qui sont en face. Et la danse, et surtout, la musique. Pour moi, c'était ça, ma crainte. Que j'entende bien le son. C'était quoi, le son ? Et qu'est-ce que le gars a fait avant ? Ou qu'est-ce que je vais faire avant l'adversaire ? Tu vois ? Focus. Et tu sais quoi ? Tu es dans ta bulle. Et tu rentres. Et tu danses comme si tu n'étais pas à Bercy. Donc en fait, tu danses. Tu t'ouvres. Tu t'exprimes. Et puis forcément après, dès les premières sensations, tu sens que les gens sont connectés, ça crie. Et là, c'est terminé. Ils ont ouvert une porte. Ah, c'est ça ? Ok. Et là, tu te livres encore plus et tu danses grand. Tu danses avec une énergie de malade. Et dès les premiers moves à Bercy, qu'on a réussi à faire aussi avec SSF, c'est qu'on a chopé le public. Tu sais, quand t'as 15 000 personnes avec toi. Aïe, Tu peux avoir n'importe qui. Tu danses comme jamais. Tu as dansé ta life. Parce que tu es porté, tu vois. Tu fais des trucs incroyables. Que toi-même, tu ne sais même pas. Tu ne sais même pas. Ça sort des trucs, des moves. Tu es dans l'énergie. Tu es dans l'effervescence, tu vois. On est passé de tout ce cap-là jusqu'en finale. On a perdu en finale. On a gagné à chaque fois.
- Speaker #1
En finale où ? À Bercy. À Bercy ?
- Speaker #0
Oui, en 2008. C'est longtemps. Donc, on est jusqu'à Bercy 2008 finaliste avec CSF. On a gagné. Tu sais comme ça, tu sais pourquoi ? On dansait avec le cœur, avec sincérité, avec un vrai feeling de la danse, de la vibe. Enfin, tu vois, il y avait un truc de kiffé, en fait, tu vois. Et moi, je me souviens aussi, à l'époque, je crois que c'était Radio Nova qui m'avait appelé et tout. Ouais, on vous a vu à Paris-Bercy avec ce physique incroyable et tout. Vous avez réussi à faire bouger, à faire crier tout Bercy. Et en fait, déjà là, il y avait une question aussi de corps, de rapport au corps, tu vois. Donc c'était assez fou. Mais moi, ça, je te le raconte là maintenant. Mais ça, moi, je ne le capte pas quand je le vis. Parce que je vais dire un truc, mais regarde. Je vais faire un spectacle sur le corps et tout. D'accord ? Je vais être gros de danser. Sache une chose. Je n'ai jamais, jamais, jamais parlé de tout ça à qui que ce soit. Et même dans les battles de danse, je n'ai jamais touché ce point. Il n'y a que moi et deux, trois personnes autour de moi à qui on se parlait par rapport à ça. Mais jamais j'ai ouvert la porte de le corps gros, le corps qui danse. Tu comprends ? Ça veut dire qu'en fait, quand je te dis ça, c'est parce qu'en fait, c'est seulement après, quand tu grandis et tu regardes un peu par où tu es passé, et tout ce que tu as vécu, tu te dis, waouh, mais en fait, c'est fou de... Et puis même, quand tu grandis, t'es mature, donc c'est plus facile pour toi aussi de parler de toi-même et de ton corps et de ce physique que tu as. Et comment ce physique-là, tu l'as ramené en battle, tu l'as ramené en spectacle, tu l'as fait évoluer, et surtout, tu l'as imposé. J'ai des danseurs, j'ai deux, trois danseurs, vraiment, qui sont gros aujourd'hui. Aujourd'hui, ils ont toujours été gros. un italien, deux français, et même un japonais. C'est véridique.
- Speaker #1
Je te crois.
- Speaker #0
Il m'envoyait des messages sur Instagram. Ah, c'est toi, Sofiane, le danseur du DVD du Juste Debout 2008. Grâce à toi, on a commencé la danse et on a appris à danser et ainsi de suite. Parce qu'ils étaient gros. Moi, quand on me dit ça, je suis halluciné. C'est incroyable. Je rigole, j'ai le sourire, ça me fait kiffer. Et quand je les vois, moi, sur Instagram, mais c'est des tueurs, tu vois. Je dis pas que c'est grâce à moi qu'ils ont... En fait, il y a eu ce truc d'avoir un exemple. Moi, je l'ai pas eu. J'ai pas eu un exemple d'un danseur gros. Je lui dis « Ah putain, génial, ça défend ce qu'il fait, je vais… » Je vais essayer de ne pas faire comme lui, mais en tout cas, c'est un exemple. Oui,
- Speaker #1
ça t'inspire.
- Speaker #0
Ça m'inspire. Le seul que j'ai eu, c'était Juste Debout 2005. Bruce E. Candy, il invite Fax. Fax, c'est un danseur, il est un peu gros. Quand je l'ai vu faire sa démo au Juste Debout, alors là, je me suis dit, il lui fait encore des trucs de malade avec son corps. Et je me suis dit, il est hors de question que moi, je commence à faire des... Donc ça m'a...
- Speaker #1
Il te passe des quoi ?
- Speaker #0
Bah, il est hors de question que moi, genre, je me laisse avoir par le corps ou par les gens de « Ouais, on se moque de toi, on rigole de ton corps, ouais, tu sais pas danser. Comment ça, gros, tu danses ? » Des rires avant de monter sur scène, tu vois ? « Eh gros, eh gros lard ! » Parce que ça,
- Speaker #1
c'est ce qu'on te disait ?
- Speaker #0
Mais oui, de fou, mais pratiquement tout le temps. Mais ça, tu le dis pas forcément, tu vois, tu le gardes pour ça. C'est pour ça que seulement aujourd'hui, je raconte ça dans le spectacle. Parce que je trouve que je voulais absolument le raconter parce que ça me tenait à cœur de le faire. mais surtout de montrer en fait l'impact que ça peut avoir et comment toi si t'es pas, ce qu'on disait tout à l'heure, si t'es pas ancré quelque part, si t'as pas des gens solides, si t'as pas assez d'amour, de force avec les gens, comment toi tu montes sur scène et on te bombarde avant de monter sur scène ? Et on te dit, espèce de gros, tu sais pas danser, des rires. Eh bah c'est gros, danse ! Et tu te dis, attends, qu'est-ce que je fais ? Et tu dis, soit tu fais demi-tour, ou soit tu te dis, mais les gars, vous savez pas, en fait. Et tu donnes un truc, tu calmes les gens tout de suite, tu vois. Et encore une fois, ça, je te dis ça maintenant, mais ça, avant, je m'en rendais compte, mais j'étais dans ma tête. Je ne le disais pas.
- Speaker #1
Mais est-ce que quand même, tu y pensais de temps en temps ? Ou ça te minait ? Ou comme t'arrivais à quand même leur... leur fermer leur bouche ?
- Speaker #0
C'est ça.
- Speaker #1
très vite, finalement, ça ne te perturbait pas trop dans ta vie ?
- Speaker #0
Ce qui se passe, c'est qu'au moment des choses, ça te touche, mais tu fais quand même comme ton voix. ce que tu sais faire, tu calmes. L'après, c'est quoi ? C'est que tu te dis, mais c'est incroyable quand même quand on arrive là. Du coup, ça te tourne dans ta tête. Qu'est-ce qui se passe ? C'est que toi, tu taffes deux fois plus pour ne laisser aucune faille. Et quand tu reviens, t'as cette appréhension, tu te dis, mais qu'est-ce qu'on va me dire aujourd'hui ?
- Speaker #1
Donc tu vivais quand même avec ça ?
- Speaker #0
Tu vis avec ça. Ce serait un mensonge de te dire tout va bien et c'était cool. Ce n'était pas cool. Ce n'était pas non plus le truc de malade dans ma tête. C'est vraiment psychologique du matin au soir. Mais je vais danser. Il y a un événement. Je vais me prendre une remarque, c'est sûr. Tu vois ?
- Speaker #1
Et pourtant, parce que tu vois, c'est ce qui est très, pour moi, en t'entendre, à t'écouter, il y a quelque chose de...
- Speaker #2
OK,
- Speaker #1
je suis très protégée à maubeuge.
- Speaker #0
C'est ça.
- Speaker #1
Et c'est peut-être aussi ça qui a fait que tu ne t'en rendais pas compte.
- Speaker #0
Bien sûr.
- Speaker #1
Et qu'après, quand justement, tu dis, t'es sortie finalement voir le monde et que c'est là que j'imagine que tu t'es...
- Speaker #0
C'est ça.
- Speaker #1
Il est sale.
- Speaker #0
Tu te prends des sales remarques. Vraiment. Pour moi, quand j'ai une sale remarque, tu vois, déjà qu'on rigole et qu'on te dise, ouais, gros, tu sais pas danser, c'est une sale remarque, tu vois.
- Speaker #1
Mais c'est horrible. Tu plaisantes ou quoi ? C'est pas assez une sale remarque.
- Speaker #0
Ouais, tu vois, c'est un vrai... Pour moi, c'est des paroles qui sont... qui sont durs, tu vois. Et puis surtout à cet âge-là, tu vois. Tu t'y attends. Comment ça ? Et puis, t'es dans l'âge où tu vois le corps, il est là, tu sais, tu veux être beau, tu veux être bien malgré le corps. Parce qu'après, on ne va pas se mentir. Bien évidemment que moi-même, j'ai conscience de mon corps, tu vois. En fait, limite, moi, très tôt, j'ai capté mon corps comment il fonctionnait, tu vois. De rapport à l'autre. Par exemple, c'est fou ce que je vais te dire, tu vois. Le rapport à l'autre, même le rapport aux filles par exemple. Tu sais que t'es gros, tu sais que physiquement il y a un truc. Peut-être que tu vas pas plaire tout de suite là comme ça. Parce qu'on est dans ça. Ce serait un bon sens de te dire oui mais non, on regarde un physique. Le premier regard c'est le corps, c'est la vitrine tu vois. Donc comment toi t'arrives avec cette vitrine là ? qui fait 6 mètres carrés 6 mètres cubes je plaisante mais tu vois comment t'arrives comme ça et tu te dis moi c'est ce que je me disais hein c'est fou hein ce que je veux te dire mais je me disais mais comment je vais lui faire oublier mon corps comment je peux parler avec quelqu'un là comment je peux la séduire pas juste en étant présent
- Speaker #2
Voilà, c'est la fin de ce premier épisode où Sofiane Chalal nous a raconté comment la danse est devenue pour lui un espace de liberté, un moyen de transformer les regards et d'affirmer avec force et vulnérabilité que tous les corps ont droit à la scène. Et si vous voulez avoir la réponse à sa dernière question, je vous donne rendez-vous dimanche prochain pour un nouvel épisode d'Essence de la danse. D'ici là, prenez bien soin de vous.