Description
Rédigé par La rédaction le Vendredi 4 Juillet 2025
Une inflation nourrie par les circuits eux-mêmes
Depuis 2020, l’envolée des prix alimentaires n’a cessé de s’amplifier. Portée par des chocs exogènes (Covid-19, guerre en Ukraine, sécheresse), l’inflation a atteint 6,6 % en 2022 et 6,1 % en 2023. Mais au-delà des causes extérieures, l’Avis A/1/25 pointe du doigt des facteurs internes, notamment la structure des circuits de distribution qui contribue activement à la hausse des prix de vente. Autrement dit, au Maroc, c’est parfois le chemin que prend le produit pour atteindre le consommateur qui l’alourdit plus que sa fabrication.
Le secteur du commerce et de la distribution alimentaire représente à lui seul 84 milliards de dirhams de valeur ajoutée, soit le 3e contributeur au PIB après l’agriculture et l’industrie. Il emploie 1,56 million de personnes, soit 13 % de la population active nationale. Pourtant, il reste largement éclaté et mal structuré. Deux modèles coexistent difficilement : d’un côté, une distribution traditionnelle (épiceries, souks, grossistes) qui domine encore en volume et en emploi. De l’autre, une distribution moderne en pleine croissance, mais concentrée entre les mains de quelques enseignes.
Le Conseil dresse également un état des lieux juridique. Il note l’existence d’un corpus législatif relativement complet – code de commerce, loi sur la liberté des prix, réglementation sanitaire, protection du consommateur – mais dispersé, hétérogène, et souvent mal appliqué. Le problème n’est pas l’absence de loi, mais leur coordination et leur exécution.
En matière fiscale, aucune incitation claire ne favorise la structuration ou la transparence. Le secteur est soumis au régime commun, sans considération particulière pour ses spécificités. Pire encore, l’absence de données fiables sur les flux, les marges ou les intermédiaires empêche toute gouvernance efficace.
L’un des aspects les plus sensibles du rapport concerne les pratiques de la grande distribution. Le Conseil se penche sur les fameuses “marges arrière” : ces commissions ou ristournes payées par les fournisseurs aux distributeurs pour référencer leurs produits ou bénéficier de meilleures mises en rayon. Dans la pratique, ces montants peuvent représenter jusqu’à 40 % du prix de vente d’un produit.
Autre constat majeur : le commerce traditionnel reste le pilier du système, malgré son apparente fragilité. Épiciers de quartier, vendeurs de souk, petits grossistes jouent un rôle social et économique de première importance, notamment dans les zones rurales et les quartiers populaires. Pourtant, ils opèrent souvent dans l’informel, sans accès au financement, sans digitalisation, et sans représentation forte.
Le Conseil plaide pour une nouvelle stratégie “post-Rawaj”, qui ne se limite pas à moderniser les vitrines, mais qui accompagne les commerçants vers plus de structuration, de professionnalisation, et d’intégration numérique. L’inclusion du commerce traditionnel dans les plateformes logistiques, les bases de données fiscales et les circuits d’information est un levier de transparence et d’équité.
Le Conseil de la concurrence ne se contente pas de pointer des dysfonctionnements. Il propose un véritable agenda de réforme, en faveur d’une distribution plus équitable, plus transparente et plus compétitive. Dans un Maroc où le pouvoir d’achat est devenu un enjeu central de stabilité sociale, l’avenir de la souveraineté alimentaire passe aussi par la révision en profondeur de ses circuits de distribution. Ne pas agir serait laisser les inégalités s’enraciner davantage dans l’assiette des Marocains.
Hébergé par Ausha. Visitez ausha.co/politique-de-confidentialite pour plus d'informations.