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Faut-il philosopher l’intimidation ? Oui, en pratiquant la boxe - par Hachimi Alaoui cover
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Le 8ème jour

Faut-il philosopher l’intimidation ? Oui, en pratiquant la boxe - par Hachimi Alaoui

Faut-il philosopher l’intimidation ? Oui, en pratiquant la boxe - par Hachimi Alaoui

07min |25/03/2022
Play
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Description

L’intimidation, au-delà du pur esprit dont elle est le produit,  n’est et ne peut être qu’un appel à la violence et au corps-à-corps. Il est naïf de s’efforcer d’y voir autre chose qu’un exercice de soumission, ou au mieux, une démonstration de force. Les signes faciaux de la gêne qu’elles enclenchent, prouvent que les attaques verbales et toutes les autres hostilités enveloppées dans les dires et les gestes des autres, tolérables soient-elles, revêtent un corpus et laissent entrevoir des coups qui percutent le visage.


Ce n’est pas le visage du corps qui encaisse ces coups, mais plutôt le visage intérieur ; ce visage qui s’est soulevé contre l’effigie à laquelle l’astreint son extériorité et qui s’est affranchi des traits du visage charnel possédé par le regard des autres. C’est ce visage qui s’irrite à l’événement de toute attaque verbale et c’est sa figure que l’on percute par les coups de l’intimidation. 


Le fait est que l’intimidation est l’une des vilaines façons de secouer le visage intérieur et qui ne manque pas de laisser des séquelles sur le visage extérieur. Cela va des spasmes de l’œil aux crispations et contractions musculaires, passant par tous les autres reflexes du corps. L’intériorité du soi-même, irritée et indécise, s’extériorise face aux dires de l’autres qui se corporalisent. L’esprit se manifeste en tant que corps, qui absorbe et encaisse les coups de l’intimidation. Il s’agit là d’une réponse corporelle à un esprit qui, bêtement et gratuitement, se corporalise. Dans cet amalgame du corps et de l’esprit, l’incorporation de l’esprit et la spiritualisation du corps risquent de virer vers une malheureuse violence physique. 


Au demeurant, la contrariété des moments d’intimidation n’est autre que la peur à la fois de les vivre et de les rater, la peur d’y être et de ne pas y être pleinement pour riposter ; craindre que cela puisse arriver et se désoler d’admettre, in fine, que cela arrive tout le temps. Or, le corps est la conjugaison de l’être au présent, un souvenir qui surgit lorsqu’on est submergé par l’envie de s’absenter. De ce fait, la souveraineté spatio-temporelle de l’être s’exerce à travers le corps, et en particulier, lorsqu’on subit les coups du surgissement brutal et violent d’autrui. 


Il n’en faut pas davantage pour que la personne qui en est la victime perçoive dans l’intimidation un appel au corps-à-corps, un surgissement de l’autre dans toute sa brutalité et une emprise sur le pour-soi.  Somme toute, l’intimidation est une objectivation de la subjectivité de la victime et une tentative d’annihiler son intellect. 


Faut-il néanmoins voir dans l’intimidation une invitation à philosopher ? Faut-il philosopher l’intimidation qui, des fois blessante certes, souvent s’avère non calculée ? Faut-il s’attacher à philosopher cette forme de violence latente, sans logique et sans suite ? Devrait-on cultiver les terres arides de l’instinct animal pour y semer une morale ? Fallait-il être un philosophe dans la jungle des esprits animaliers qui hantent les âmes humaines ?


Si l’intimidation est un appel à expérimenter le corps à corps, si la violence qu’elle suscite entre en résonnance avec la transgression des lois qui régissent le rapport à autrui et les règles du vivre ensemble, il convient toutefois d’identifier la possibilité d’une transgression agréée.  Si la violence physique fait écho à la violence psychologique, mieux vaut une violence consentie et coordonnée qu’une une violence haineuse et rancuneuse. Si l’intimidation est un appel à expérimenter la pleine présence à travers le corps à corps, autant l’expérimenter avec respect et en toute noblesse. Il s’agit là de trouver une issue, légitime et consensuelle, pour se livrer à l’exercice, faussement redoutable, d’infliger l’hostilité qu’on subit.


Dans ce sillage, l’exercice récurent et régulier de la boxe permet, ou du moins devrait le permettre, de délocaliser l’expérimentation de la violence fondatrice du rapport à autrui vers le champ d’un corps-à-corps avec consentement. Quoique c’est une violence transgressive, la boxe est une transgression règlementaire et règlementée, un rapport de violence avec agrément. Boxer revient à observer des règles de bonne conduite et un boxeur est d’abord un homme de principes. L’objectif ultime de toutes les règles de la boxe est, justement, d’éviter de se faire du mal ou de faire du mal à son adversaire. La théâtralisation qu’offre la boxe au combat permet de l’extraire du registre de la haine gratuite et de la violence improvisée. On ne se bat point par emportement, on ne se bat pas sans y être préparé, et surtout, on se bat pas en dehors du ring.


Aussi paradoxale qu’elle semble l’être, la boxe est à mi-chemin entre la violence et la bienveillance. En ce sens qu’elle permet d’envisager le rapport à l’autre dans une nouvelle perspective. Même en boxant, il n’est guère question de battre ou de se battre. Boxer implique un affrontement sans confrontation. C’est une violence encadrée et arbitrée, où, forcément, l’un des deux des protagonistes est prédestiné à vaincre. On ne se bat contre personne, on ne se bat que pour récupérer son pour-soi et s’extraire du pour-autrui. Il ne faut pas rater son adversaire, il ne faut pas le blesser non plus. Il faut secouer l’adversaire sans le démolir, agiter son intériorité, marquer des points et ne point laisser des traces.


Ainsi, la boxe est une autre manière de reconquérir le pour-soi en vue d’explorer son être qui, décidément, s’engendre perpétuellement d’une rivalité ontologique. Dès lors, la boxe devient une ontologie imagée de l’être et de son double, une mise à nue de la dualité première et une mise en scène de la dispute entre les protagonistes du pêché original. Boxer, c’est redonner vie à la dispute initiale, celle qui n’a pas eu lieu et qui, peut-être, devait avoir lieu. L’exercice de la boxe est une réanimation de la dispute en devenir, la dispute ontologique, entre soi-même et son autre, Abel et Caïn. De la sorte, la pratique de la boxe devient une constance philosophique face à la ponctualité de l’intimidation qui taraude la vie sociale.


L’intimidation n’est pas une invitation à philosopher, sauf qu’elle est un rappel ponctuel de la nécessité permanente de délocaliser la violence vers le ring. Un rappel de la possibilité de pouvoir riposter autrement et, surtout, ailleurs. Face aux animosités d’autrui et à l’appel démobilisant au corps à corps, finies les réponses tièdes et place à la pratique régulière de la boxe qui demeure une philosophie en action.

 

Si l’intimidation n’est qu’un corps-à-corps de l’esprit avec son autre, faut-il fuir dans une posture de philosophe ? La réponse est oui, et ce en pratiquant la boxe. Encore que pour être philosophe, les textes de Jean Paul Sartre doivent être saisis à bras le corps. Rappelons-nous que chez Sartre, la boxe et l’allégorie du boxeur viennent illustrer le passage, tant redouté, de l’être pour-soi vers l’être pour-autrui et, ce faisant, servent d’appui à l’exemplification du surgissement de l’autre.


Rédigé par Hachimi Alaoui

Enseignant chercheur

Description

L’intimidation, au-delà du pur esprit dont elle est le produit,  n’est et ne peut être qu’un appel à la violence et au corps-à-corps. Il est naïf de s’efforcer d’y voir autre chose qu’un exercice de soumission, ou au mieux, une démonstration de force. Les signes faciaux de la gêne qu’elles enclenchent, prouvent que les attaques verbales et toutes les autres hostilités enveloppées dans les dires et les gestes des autres, tolérables soient-elles, revêtent un corpus et laissent entrevoir des coups qui percutent le visage.


Ce n’est pas le visage du corps qui encaisse ces coups, mais plutôt le visage intérieur ; ce visage qui s’est soulevé contre l’effigie à laquelle l’astreint son extériorité et qui s’est affranchi des traits du visage charnel possédé par le regard des autres. C’est ce visage qui s’irrite à l’événement de toute attaque verbale et c’est sa figure que l’on percute par les coups de l’intimidation. 


Le fait est que l’intimidation est l’une des vilaines façons de secouer le visage intérieur et qui ne manque pas de laisser des séquelles sur le visage extérieur. Cela va des spasmes de l’œil aux crispations et contractions musculaires, passant par tous les autres reflexes du corps. L’intériorité du soi-même, irritée et indécise, s’extériorise face aux dires de l’autres qui se corporalisent. L’esprit se manifeste en tant que corps, qui absorbe et encaisse les coups de l’intimidation. Il s’agit là d’une réponse corporelle à un esprit qui, bêtement et gratuitement, se corporalise. Dans cet amalgame du corps et de l’esprit, l’incorporation de l’esprit et la spiritualisation du corps risquent de virer vers une malheureuse violence physique. 


Au demeurant, la contrariété des moments d’intimidation n’est autre que la peur à la fois de les vivre et de les rater, la peur d’y être et de ne pas y être pleinement pour riposter ; craindre que cela puisse arriver et se désoler d’admettre, in fine, que cela arrive tout le temps. Or, le corps est la conjugaison de l’être au présent, un souvenir qui surgit lorsqu’on est submergé par l’envie de s’absenter. De ce fait, la souveraineté spatio-temporelle de l’être s’exerce à travers le corps, et en particulier, lorsqu’on subit les coups du surgissement brutal et violent d’autrui. 


Il n’en faut pas davantage pour que la personne qui en est la victime perçoive dans l’intimidation un appel au corps-à-corps, un surgissement de l’autre dans toute sa brutalité et une emprise sur le pour-soi.  Somme toute, l’intimidation est une objectivation de la subjectivité de la victime et une tentative d’annihiler son intellect. 


Faut-il néanmoins voir dans l’intimidation une invitation à philosopher ? Faut-il philosopher l’intimidation qui, des fois blessante certes, souvent s’avère non calculée ? Faut-il s’attacher à philosopher cette forme de violence latente, sans logique et sans suite ? Devrait-on cultiver les terres arides de l’instinct animal pour y semer une morale ? Fallait-il être un philosophe dans la jungle des esprits animaliers qui hantent les âmes humaines ?


Si l’intimidation est un appel à expérimenter le corps à corps, si la violence qu’elle suscite entre en résonnance avec la transgression des lois qui régissent le rapport à autrui et les règles du vivre ensemble, il convient toutefois d’identifier la possibilité d’une transgression agréée.  Si la violence physique fait écho à la violence psychologique, mieux vaut une violence consentie et coordonnée qu’une une violence haineuse et rancuneuse. Si l’intimidation est un appel à expérimenter la pleine présence à travers le corps à corps, autant l’expérimenter avec respect et en toute noblesse. Il s’agit là de trouver une issue, légitime et consensuelle, pour se livrer à l’exercice, faussement redoutable, d’infliger l’hostilité qu’on subit.


Dans ce sillage, l’exercice récurent et régulier de la boxe permet, ou du moins devrait le permettre, de délocaliser l’expérimentation de la violence fondatrice du rapport à autrui vers le champ d’un corps-à-corps avec consentement. Quoique c’est une violence transgressive, la boxe est une transgression règlementaire et règlementée, un rapport de violence avec agrément. Boxer revient à observer des règles de bonne conduite et un boxeur est d’abord un homme de principes. L’objectif ultime de toutes les règles de la boxe est, justement, d’éviter de se faire du mal ou de faire du mal à son adversaire. La théâtralisation qu’offre la boxe au combat permet de l’extraire du registre de la haine gratuite et de la violence improvisée. On ne se bat point par emportement, on ne se bat pas sans y être préparé, et surtout, on se bat pas en dehors du ring.


Aussi paradoxale qu’elle semble l’être, la boxe est à mi-chemin entre la violence et la bienveillance. En ce sens qu’elle permet d’envisager le rapport à l’autre dans une nouvelle perspective. Même en boxant, il n’est guère question de battre ou de se battre. Boxer implique un affrontement sans confrontation. C’est une violence encadrée et arbitrée, où, forcément, l’un des deux des protagonistes est prédestiné à vaincre. On ne se bat contre personne, on ne se bat que pour récupérer son pour-soi et s’extraire du pour-autrui. Il ne faut pas rater son adversaire, il ne faut pas le blesser non plus. Il faut secouer l’adversaire sans le démolir, agiter son intériorité, marquer des points et ne point laisser des traces.


Ainsi, la boxe est une autre manière de reconquérir le pour-soi en vue d’explorer son être qui, décidément, s’engendre perpétuellement d’une rivalité ontologique. Dès lors, la boxe devient une ontologie imagée de l’être et de son double, une mise à nue de la dualité première et une mise en scène de la dispute entre les protagonistes du pêché original. Boxer, c’est redonner vie à la dispute initiale, celle qui n’a pas eu lieu et qui, peut-être, devait avoir lieu. L’exercice de la boxe est une réanimation de la dispute en devenir, la dispute ontologique, entre soi-même et son autre, Abel et Caïn. De la sorte, la pratique de la boxe devient une constance philosophique face à la ponctualité de l’intimidation qui taraude la vie sociale.


L’intimidation n’est pas une invitation à philosopher, sauf qu’elle est un rappel ponctuel de la nécessité permanente de délocaliser la violence vers le ring. Un rappel de la possibilité de pouvoir riposter autrement et, surtout, ailleurs. Face aux animosités d’autrui et à l’appel démobilisant au corps à corps, finies les réponses tièdes et place à la pratique régulière de la boxe qui demeure une philosophie en action.

 

Si l’intimidation n’est qu’un corps-à-corps de l’esprit avec son autre, faut-il fuir dans une posture de philosophe ? La réponse est oui, et ce en pratiquant la boxe. Encore que pour être philosophe, les textes de Jean Paul Sartre doivent être saisis à bras le corps. Rappelons-nous que chez Sartre, la boxe et l’allégorie du boxeur viennent illustrer le passage, tant redouté, de l’être pour-soi vers l’être pour-autrui et, ce faisant, servent d’appui à l’exemplification du surgissement de l’autre.


Rédigé par Hachimi Alaoui

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L’intimidation, au-delà du pur esprit dont elle est le produit,  n’est et ne peut être qu’un appel à la violence et au corps-à-corps. Il est naïf de s’efforcer d’y voir autre chose qu’un exercice de soumission, ou au mieux, une démonstration de force. Les signes faciaux de la gêne qu’elles enclenchent, prouvent que les attaques verbales et toutes les autres hostilités enveloppées dans les dires et les gestes des autres, tolérables soient-elles, revêtent un corpus et laissent entrevoir des coups qui percutent le visage.


Ce n’est pas le visage du corps qui encaisse ces coups, mais plutôt le visage intérieur ; ce visage qui s’est soulevé contre l’effigie à laquelle l’astreint son extériorité et qui s’est affranchi des traits du visage charnel possédé par le regard des autres. C’est ce visage qui s’irrite à l’événement de toute attaque verbale et c’est sa figure que l’on percute par les coups de l’intimidation. 


Le fait est que l’intimidation est l’une des vilaines façons de secouer le visage intérieur et qui ne manque pas de laisser des séquelles sur le visage extérieur. Cela va des spasmes de l’œil aux crispations et contractions musculaires, passant par tous les autres reflexes du corps. L’intériorité du soi-même, irritée et indécise, s’extériorise face aux dires de l’autres qui se corporalisent. L’esprit se manifeste en tant que corps, qui absorbe et encaisse les coups de l’intimidation. Il s’agit là d’une réponse corporelle à un esprit qui, bêtement et gratuitement, se corporalise. Dans cet amalgame du corps et de l’esprit, l’incorporation de l’esprit et la spiritualisation du corps risquent de virer vers une malheureuse violence physique. 


Au demeurant, la contrariété des moments d’intimidation n’est autre que la peur à la fois de les vivre et de les rater, la peur d’y être et de ne pas y être pleinement pour riposter ; craindre que cela puisse arriver et se désoler d’admettre, in fine, que cela arrive tout le temps. Or, le corps est la conjugaison de l’être au présent, un souvenir qui surgit lorsqu’on est submergé par l’envie de s’absenter. De ce fait, la souveraineté spatio-temporelle de l’être s’exerce à travers le corps, et en particulier, lorsqu’on subit les coups du surgissement brutal et violent d’autrui. 


Il n’en faut pas davantage pour que la personne qui en est la victime perçoive dans l’intimidation un appel au corps-à-corps, un surgissement de l’autre dans toute sa brutalité et une emprise sur le pour-soi.  Somme toute, l’intimidation est une objectivation de la subjectivité de la victime et une tentative d’annihiler son intellect. 


Faut-il néanmoins voir dans l’intimidation une invitation à philosopher ? Faut-il philosopher l’intimidation qui, des fois blessante certes, souvent s’avère non calculée ? Faut-il s’attacher à philosopher cette forme de violence latente, sans logique et sans suite ? Devrait-on cultiver les terres arides de l’instinct animal pour y semer une morale ? Fallait-il être un philosophe dans la jungle des esprits animaliers qui hantent les âmes humaines ?


Si l’intimidation est un appel à expérimenter le corps à corps, si la violence qu’elle suscite entre en résonnance avec la transgression des lois qui régissent le rapport à autrui et les règles du vivre ensemble, il convient toutefois d’identifier la possibilité d’une transgression agréée.  Si la violence physique fait écho à la violence psychologique, mieux vaut une violence consentie et coordonnée qu’une une violence haineuse et rancuneuse. Si l’intimidation est un appel à expérimenter la pleine présence à travers le corps à corps, autant l’expérimenter avec respect et en toute noblesse. Il s’agit là de trouver une issue, légitime et consensuelle, pour se livrer à l’exercice, faussement redoutable, d’infliger l’hostilité qu’on subit.


Dans ce sillage, l’exercice récurent et régulier de la boxe permet, ou du moins devrait le permettre, de délocaliser l’expérimentation de la violence fondatrice du rapport à autrui vers le champ d’un corps-à-corps avec consentement. Quoique c’est une violence transgressive, la boxe est une transgression règlementaire et règlementée, un rapport de violence avec agrément. Boxer revient à observer des règles de bonne conduite et un boxeur est d’abord un homme de principes. L’objectif ultime de toutes les règles de la boxe est, justement, d’éviter de se faire du mal ou de faire du mal à son adversaire. La théâtralisation qu’offre la boxe au combat permet de l’extraire du registre de la haine gratuite et de la violence improvisée. On ne se bat point par emportement, on ne se bat pas sans y être préparé, et surtout, on se bat pas en dehors du ring.


Aussi paradoxale qu’elle semble l’être, la boxe est à mi-chemin entre la violence et la bienveillance. En ce sens qu’elle permet d’envisager le rapport à l’autre dans une nouvelle perspective. Même en boxant, il n’est guère question de battre ou de se battre. Boxer implique un affrontement sans confrontation. C’est une violence encadrée et arbitrée, où, forcément, l’un des deux des protagonistes est prédestiné à vaincre. On ne se bat contre personne, on ne se bat que pour récupérer son pour-soi et s’extraire du pour-autrui. Il ne faut pas rater son adversaire, il ne faut pas le blesser non plus. Il faut secouer l’adversaire sans le démolir, agiter son intériorité, marquer des points et ne point laisser des traces.


Ainsi, la boxe est une autre manière de reconquérir le pour-soi en vue d’explorer son être qui, décidément, s’engendre perpétuellement d’une rivalité ontologique. Dès lors, la boxe devient une ontologie imagée de l’être et de son double, une mise à nue de la dualité première et une mise en scène de la dispute entre les protagonistes du pêché original. Boxer, c’est redonner vie à la dispute initiale, celle qui n’a pas eu lieu et qui, peut-être, devait avoir lieu. L’exercice de la boxe est une réanimation de la dispute en devenir, la dispute ontologique, entre soi-même et son autre, Abel et Caïn. De la sorte, la pratique de la boxe devient une constance philosophique face à la ponctualité de l’intimidation qui taraude la vie sociale.


L’intimidation n’est pas une invitation à philosopher, sauf qu’elle est un rappel ponctuel de la nécessité permanente de délocaliser la violence vers le ring. Un rappel de la possibilité de pouvoir riposter autrement et, surtout, ailleurs. Face aux animosités d’autrui et à l’appel démobilisant au corps à corps, finies les réponses tièdes et place à la pratique régulière de la boxe qui demeure une philosophie en action.

 

Si l’intimidation n’est qu’un corps-à-corps de l’esprit avec son autre, faut-il fuir dans une posture de philosophe ? La réponse est oui, et ce en pratiquant la boxe. Encore que pour être philosophe, les textes de Jean Paul Sartre doivent être saisis à bras le corps. Rappelons-nous que chez Sartre, la boxe et l’allégorie du boxeur viennent illustrer le passage, tant redouté, de l’être pour-soi vers l’être pour-autrui et, ce faisant, servent d’appui à l’exemplification du surgissement de l’autre.


Rédigé par Hachimi Alaoui

Enseignant chercheur

Description

L’intimidation, au-delà du pur esprit dont elle est le produit,  n’est et ne peut être qu’un appel à la violence et au corps-à-corps. Il est naïf de s’efforcer d’y voir autre chose qu’un exercice de soumission, ou au mieux, une démonstration de force. Les signes faciaux de la gêne qu’elles enclenchent, prouvent que les attaques verbales et toutes les autres hostilités enveloppées dans les dires et les gestes des autres, tolérables soient-elles, revêtent un corpus et laissent entrevoir des coups qui percutent le visage.


Ce n’est pas le visage du corps qui encaisse ces coups, mais plutôt le visage intérieur ; ce visage qui s’est soulevé contre l’effigie à laquelle l’astreint son extériorité et qui s’est affranchi des traits du visage charnel possédé par le regard des autres. C’est ce visage qui s’irrite à l’événement de toute attaque verbale et c’est sa figure que l’on percute par les coups de l’intimidation. 


Le fait est que l’intimidation est l’une des vilaines façons de secouer le visage intérieur et qui ne manque pas de laisser des séquelles sur le visage extérieur. Cela va des spasmes de l’œil aux crispations et contractions musculaires, passant par tous les autres reflexes du corps. L’intériorité du soi-même, irritée et indécise, s’extériorise face aux dires de l’autres qui se corporalisent. L’esprit se manifeste en tant que corps, qui absorbe et encaisse les coups de l’intimidation. Il s’agit là d’une réponse corporelle à un esprit qui, bêtement et gratuitement, se corporalise. Dans cet amalgame du corps et de l’esprit, l’incorporation de l’esprit et la spiritualisation du corps risquent de virer vers une malheureuse violence physique. 


Au demeurant, la contrariété des moments d’intimidation n’est autre que la peur à la fois de les vivre et de les rater, la peur d’y être et de ne pas y être pleinement pour riposter ; craindre que cela puisse arriver et se désoler d’admettre, in fine, que cela arrive tout le temps. Or, le corps est la conjugaison de l’être au présent, un souvenir qui surgit lorsqu’on est submergé par l’envie de s’absenter. De ce fait, la souveraineté spatio-temporelle de l’être s’exerce à travers le corps, et en particulier, lorsqu’on subit les coups du surgissement brutal et violent d’autrui. 


Il n’en faut pas davantage pour que la personne qui en est la victime perçoive dans l’intimidation un appel au corps-à-corps, un surgissement de l’autre dans toute sa brutalité et une emprise sur le pour-soi.  Somme toute, l’intimidation est une objectivation de la subjectivité de la victime et une tentative d’annihiler son intellect. 


Faut-il néanmoins voir dans l’intimidation une invitation à philosopher ? Faut-il philosopher l’intimidation qui, des fois blessante certes, souvent s’avère non calculée ? Faut-il s’attacher à philosopher cette forme de violence latente, sans logique et sans suite ? Devrait-on cultiver les terres arides de l’instinct animal pour y semer une morale ? Fallait-il être un philosophe dans la jungle des esprits animaliers qui hantent les âmes humaines ?


Si l’intimidation est un appel à expérimenter le corps à corps, si la violence qu’elle suscite entre en résonnance avec la transgression des lois qui régissent le rapport à autrui et les règles du vivre ensemble, il convient toutefois d’identifier la possibilité d’une transgression agréée.  Si la violence physique fait écho à la violence psychologique, mieux vaut une violence consentie et coordonnée qu’une une violence haineuse et rancuneuse. Si l’intimidation est un appel à expérimenter la pleine présence à travers le corps à corps, autant l’expérimenter avec respect et en toute noblesse. Il s’agit là de trouver une issue, légitime et consensuelle, pour se livrer à l’exercice, faussement redoutable, d’infliger l’hostilité qu’on subit.


Dans ce sillage, l’exercice récurent et régulier de la boxe permet, ou du moins devrait le permettre, de délocaliser l’expérimentation de la violence fondatrice du rapport à autrui vers le champ d’un corps-à-corps avec consentement. Quoique c’est une violence transgressive, la boxe est une transgression règlementaire et règlementée, un rapport de violence avec agrément. Boxer revient à observer des règles de bonne conduite et un boxeur est d’abord un homme de principes. L’objectif ultime de toutes les règles de la boxe est, justement, d’éviter de se faire du mal ou de faire du mal à son adversaire. La théâtralisation qu’offre la boxe au combat permet de l’extraire du registre de la haine gratuite et de la violence improvisée. On ne se bat point par emportement, on ne se bat pas sans y être préparé, et surtout, on se bat pas en dehors du ring.


Aussi paradoxale qu’elle semble l’être, la boxe est à mi-chemin entre la violence et la bienveillance. En ce sens qu’elle permet d’envisager le rapport à l’autre dans une nouvelle perspective. Même en boxant, il n’est guère question de battre ou de se battre. Boxer implique un affrontement sans confrontation. C’est une violence encadrée et arbitrée, où, forcément, l’un des deux des protagonistes est prédestiné à vaincre. On ne se bat contre personne, on ne se bat que pour récupérer son pour-soi et s’extraire du pour-autrui. Il ne faut pas rater son adversaire, il ne faut pas le blesser non plus. Il faut secouer l’adversaire sans le démolir, agiter son intériorité, marquer des points et ne point laisser des traces.


Ainsi, la boxe est une autre manière de reconquérir le pour-soi en vue d’explorer son être qui, décidément, s’engendre perpétuellement d’une rivalité ontologique. Dès lors, la boxe devient une ontologie imagée de l’être et de son double, une mise à nue de la dualité première et une mise en scène de la dispute entre les protagonistes du pêché original. Boxer, c’est redonner vie à la dispute initiale, celle qui n’a pas eu lieu et qui, peut-être, devait avoir lieu. L’exercice de la boxe est une réanimation de la dispute en devenir, la dispute ontologique, entre soi-même et son autre, Abel et Caïn. De la sorte, la pratique de la boxe devient une constance philosophique face à la ponctualité de l’intimidation qui taraude la vie sociale.


L’intimidation n’est pas une invitation à philosopher, sauf qu’elle est un rappel ponctuel de la nécessité permanente de délocaliser la violence vers le ring. Un rappel de la possibilité de pouvoir riposter autrement et, surtout, ailleurs. Face aux animosités d’autrui et à l’appel démobilisant au corps à corps, finies les réponses tièdes et place à la pratique régulière de la boxe qui demeure une philosophie en action.

 

Si l’intimidation n’est qu’un corps-à-corps de l’esprit avec son autre, faut-il fuir dans une posture de philosophe ? La réponse est oui, et ce en pratiquant la boxe. Encore que pour être philosophe, les textes de Jean Paul Sartre doivent être saisis à bras le corps. Rappelons-nous que chez Sartre, la boxe et l’allégorie du boxeur viennent illustrer le passage, tant redouté, de l’être pour-soi vers l’être pour-autrui et, ce faisant, servent d’appui à l’exemplification du surgissement de l’autre.


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