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Losing My Religion - R.E.M - Lyric Hunter Episode 04 cover
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Lyric Hunter

Losing My Religion - R.E.M - Lyric Hunter Episode 04

Losing My Religion - R.E.M - Lyric Hunter Episode 04

29min |03/06/2025
Play
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29min |03/06/2025
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Description

Dans cet épisode consacré à Losing My Religion on va analyser les paroles de la fameuse chanson de R.E.M. Mais on va aussi parler de Sandwich tiède, de Chat Angora , de digestion difficile , de Gin Tonic , et un peu de mandoline.

Si vous avez des remarques, des commentaires à me partager , n’hésitez surtout pas à m’écrire à l’adresse thelyrichunter@gmail.com

Bonne écoute.

Misha


Hébergé par Ausha. Visitez ausha.co/politique-de-confidentialite pour plus d'informations.

Transcription

  • Speaker #0

    parce que Odile est à chercher partout Bonjour à tous et bienvenue dans ce quatrième épisode de Lyric Hunter, le podcast qui explore les paroles des chansons anglaises mais en français. Moi c'est Misha. Je suis 50% français, 50% suisse, 100% guitariste amateur. En effet, pendant mes week-ends, je joue régulièrement dans un groupe qui anime les soirées du bar irlandais du coin. Qui dit bar irlandais dit répertoire anglophone et dit donc chanson en anglais. Et un beau jour, alors qu'un aimable client demandait de jouer Bonne Jolie pour la 15ème fois, avec une diction qui portait les stigmates de l'abus de gin tonic, Une question existentielle est née en moi. Nous jouons en effet beaucoup de chansons, mais je réalisais que dans la plupart des cas, je ne savais pas exactement de quoi parler ces chansons. Chemin faisant, je me suis dit que j'étais probablement pas seul dans ce cas, et j'ai décidé de commencer ce podcast pour inspecter, disséquer et éplucher les paroles des grands tubes anglais, mais dans la langue de Victor Hugo ou de Frank Ribéry, c'est selon. Et le tout dans un format court et j'espère divertissant. Dans notre dernier épisode, on s'était penché sur le cas d'un sacré candidat en la personne de Leonard Cohen et sa chanson Alléluia, un opus magnum de 45 minutes que je vous invite évidemment à aller écouter. Une histoire longue et compliquée, des paroles aussi riches que complexes, autant vous dire qu'en terminant le troisième épisode, j'avais vraiment l'impression d'avoir terminé un marathon. Je m'excuse d'avoir dû dépasser les 25 minutes d'émission que je m'étais promis de tenir initialement, mais avec un mastodonte comme Alléluia, c'était vraiment difficile de faire plus court. Quoi qu'il en soit, pour ce quatrième épisode, j'ai volontairement jeté mon dévolu sur une chanson dont l'histoire est sensiblement plus simple, voire carrément à l'opposé, jugez plutôt. Alléluia a pris plusieurs années d'écriture douloureuse. Les paroles de la chanson du jour ont pris littéralement 5 minutes de boulot. Alléluia a été un échec commercial au début et il aura fallu qu'il s'y mette à plusieurs pour la rendre célèbre, alors que notre chanson du jour a été un succès immédiat à sa sortie. Alléluia dans ses différentes versions propose des paroles allant de mystérieuses à carrément cryptiques, alors que notre chanson du jour propose des paroles claires et plutôt explicites. Et enfin, Alléluia a été jouée dans des églises quand le clip de la chanson du jour a été interdit pendant plusieurs années en Irlande à cause d'une utilisation de l'imagerie religieuse qui avait moyennement fait rire l'église catholique à l'époque. Donc aujourd'hui, nous allons regarder de plus près la chanson « Losing my religion » du groupe REM. REM, c'est si vous vous adressez à un français. Et si vous parlez à n'importe qui d'autre qu'un français, je vous conseille plutôt de prononcer REM. Et si vous n'êtes pas à l'aise avec la langue d'Emma Watson, voilà un petit moyen mnémotechnique pour arriver à vos fins. REM. A-RI comme Harry Potter. Et M comme la lettre. Voyez, c'est pas compliqué. Mais rassurez-vous, pour la suite, on va continuer de dire REM d'une manière bien franchouillarde, qui sent bon le pâté de campagne. et la grève surprise des trains une veille de départ en vacances. Et puisqu'on parle du nom du groupe, j'en profite pour faire une rapide digression. REM signifie Rapid Eye Movement, mouvement oculaire rapide. Du coup, MOOR, ce qui marche un petit peu moins bien en français, on ne va pas se mentir. Il faut aussi noter qu'en choisissant leur nom, le groupe n'avait pas l'intention de faire une référence particulière au rêve. Ils auraient, selon toute vraisemblance, et aussi selon Wikipédia, choisi le nom au hasard dans un dictionnaire. Ce qui, avec le recul, était un choix plutôt heureux quand on sait que dans les autres idées, il y avait aussi le nom « cans of peace » qui littéralement traduit « donnes canettes de peace » . Mais heureusement, c'est REM qui l'a emporté. « Losing my religion » donc. Même si le propos de ce podcast est de se consacrer aux paroles, il faut quand même dire qu'il y a trois ingrédients qui ont contribué à faire de cette chanson le tube incontournable qui hante les ondes radio depuis 1991. Une ligne mélodique imparable pour le chant. Un rythme plutôt enlevé pour des paroles qui, nous allons le voir juste après, ne sont pas très très joyeuses. Un clip à l'imagerie forte qui a marqué les esprits. Et cette diablerie d'accompagnement jouée à la mandoline qui donne à cette chanson son caractère si unique. Alors la mandoline, si vous ne voyez pas ce que c'est, imaginez une petite guitare qui ferait la taille d'un chat en gora et qui sonne relativement aigu genre comme ça.

  • Speaker #1

    C'est un peu moins chouette que ça.

  • Speaker #0

    Je vais te faire une oeuvre que tu ne pourras pas refuser. C'est en effet avec la mandoline que commence l'histoire de Losing My Religion. On est un beau soir de 1987 et Peter Buck, le guitariste en chef de REM, est assis dans son canapé à gratouiller distraitement la mandoline qu'il venait d'acheter. REM venait de finir une longue tournée pour le lancement de leur sixième album, Green. Et justement, notre ami Peter Buck ressentait le besoin de se mettre au vert. Il ressentait le besoin d'explorer autre chose que la guitare. Il attrape donc sa mandoline sur son canapé, gratouille, gratouille encore et le miracle. Ce petit début de motif mélodique lui tombe sous les doigts. Il enregistre le tout et garde son idéo show jusqu'à l'été 1990 où commence l'enregistrement de Out of Time. Notre ami Peter Buck présente son idée aux autres membres du groupe qui, sans presse d'ajouter les habituelles parties de batterie, guitare et basse. La démo finit à son tour sur la table de travail de Michael Stipe, le chanteur avec pour titre provisoire Sugarcane, canne à sucre. Ni une ni deux, Michael Stipe s'exécute. Il part avec la cassette sous le bras, passe et repasse la musique en boucle en faisant les 100 pas, et écrit les paroles en à peine quelques minutes. Il dira plus tard que l'écriture de Losing My Religion a été si rapide qu'il ne se rappelle à peine des détails de la séance d'écriture. Il se rappellera juste que les paroles sont sorties de lui naturellement comme une sorte d'épiphanie, ce qui ne manque pas de sel pour une chanson intitulée Losing My Religion. Une fois les paroles écrites, direction le studio pour l'enregistrement. Tout le monde s'exécute et au moment d'enregistrer le chant, Michael Stipe met tout le monde dehors et se met en tête d'enregistrer la voix en une seule prise. Ce qui est peu conventionnel puisqu'en général, un enregistrement de musique se fait en plusieurs prises dont on garde les meilleures parties ensuite. Quoi qu'il en soit, Stipe avait en tête de faire passer une émotion brute et sans artifice. Et c'est sous l'œil d'un ingé son en pleine digestion et pas tellement concerné par ce qu'il se passait dans la cabine d'enregistrement que Stipe va décider de se mettre à nu, au propre comme au figuré. En effet, le dilettantisme du technicien sonore va mettre notre chanteur de plutôt mauvaise humeur et combiné à la chaleur estivale en plus de l'émotion du moment, notre bon vieux Michael commence à avoir des bouffées de chaleur. Tant et si bien qu'il tombe la chemise, il tombe le pantalon et se lance dans l'enregistrement du titre légendaire avec son slip pour tout vêtement. Donc la prochaine fois que vous entendrez Losing My Religion, imaginez juste un Michael Stipe en slip, tout ronchonchon et en train de gesticuler derrière son micro par un soir d'été de 1990. Non, non, ne me remerciez pas, ça me fait vraiment plaisir, vraiment. D'ailleurs, peut-être que sans l'attitude pleine d'amateurisme de cet ingé son, « Losing my religion » n'aurait pas été ce qu'elle est devenue, et peut-être que le chant aurait été moins émotionnel. On ne le saura évidemment jamais, ça restera dans l'histoire non écrite de la musique, mais c'est une théorie qui a le mérite d'être amusante. Quoi qu'il en soit, il est temps pour nous de lire la traduction des paroles pour nous mettre dans l'ambiance. Pour les paroles en anglais, je vous invite à consulter votre moteur de recherche préféré. « Losing my religion » Oh la vie ! La vie est plus grande, plus grande que toi, et toi tu n'es pas à moi. Jusqu'où je suis prêt à aller ? La distance dans ton regard ? Ah non, j'en ai trop dit. J'ai tout déclenché. Me voilà dans le coin, me voilà sous les projecteurs, en train de perdre au pied, essayant de te suivre. Je ne sais pas si j'en suis capable. Ah non, j'en ai trop dit. J'en ai pas dit assez. Je croyais t'avoir entendu rire. Je croyais t'avoir entendu chanter. Je croyais t'avoir vu essayer. À chaque murmure, à chaque heure d'éveil, je choisis mes aveux. J'essaye de garder un œil sur toi, comme un idiot blessé, perdu et aveugle. Ah non, j'en ai trop dit, j'ai tout déclenché. Réfléchis à ça, prends ça comme l'indice du siècle, prends ça comme l'erreur qui m'a mis à genoux. Raté. Et si toutes ces illusions se mettaient à tourbillonner autour de moi ? Maintenant j'en ai trop dit. Je croyais t'avoir entendu rire, je croyais t'avoir entendu chanter. Je croyais t'avoir vu essayer, mais ce n'était qu'un rêve, ce n'était qu'un rêve. Me voilà dans le coin, me voilà sous les projecteurs, en train de perdre pied, essayant de te suivre. Je ne sais pas si j'en suis capable. Oh non, j'en ai trop dit, j'en ai pas dit assez. Je croyais t'avoir entendu rire, je croyais t'avoir entendu chanter, je croyais t'avoir vu essayer, mais ce n'était qu'un rêve. Essayer, pleurer, s'envoler, essayer. Ce n'était qu'un rêve, juste un rêve. Alors, commençons par le commencement. Il ne vous aura pas échappé qu'en fait la chanson ne parle pas du tout de religion. Et c'est probablement une des idées reçues les plus courantes auprès de ceux qui ont pris le titre au pied de la lettre. En fait, « Losing my religion » est une expression qui vient du sud des Etats-Unis. Cette expression n'a pas vraiment d'équivalent en français. Elle désigne un état de frustration, de perte de calme, un sentiment de désespoir. En gros, ce serait un peu un mélange de perdre pied, perdre la tête, toucher le fond et perdre la foi en même temps. Donc cette chanson relate une discussion imaginaire entre le narrateur et une autre personne dont l'identité n'est pas révélée. Et il commence par poser le décor. « Oh la vie, la vie est plus grande, plus grande que toi, et tu n'es pas moi. » La chanson commence par une sorte de complainte. « Oh la vie. » On sent bien que ce n'est pas un aspect positif de la vie qu'il va nous présenter ici. Ici, il tente de relativiser une douleur vécue au niveau personnel. Il rappelle que la vie est plus vaste que cette personne, plus vaste que cette obsession qui l'habite, comme pour essayer de se rassurer. Mais cette affirmation sonne un peu faux, comme une tentative d'autopersuasion fragile. Car ce qu'il ressent et ce qu'il vit sentent précisément tout engloutir. Le fait de dire « tu n'es pas moi » exprime une solitude radicale dans un état d'esprit que l'autre ne ressent pas. Et c'est aussi une façon de se rappeler à lui-même sa propre individualité tant il est captivé par cette autre personne. Ça sonne presque comme une tentative de se dire à lui-même « hé, arrête de penser à cette personne, parce que la vie est plus importante que ça » . Tu est plus important que ça. D'emblée, on peut sentir qu'il y a une distance entre le narrateur et l'objet de son attention. Distance clairement soulignée par le vers suivant, la distance dans ton regard, et jusqu'où je suis prêt à aller. Il est prêt à tout sacrifier, à s'éloigner de lui-même, à se transformer pour combler ce fossé. Mais en face, l'autre reste froid, inaccessible. C'est un contraste qui souligne la tension permanente qui traverse toute la chanson. Celle d'un sentiment non partagé. Et là, on se doit de lâcher le mot. Il s'agit probablement d'amour, peut-être de désir, et plus généralement d'obsession. Il termine ce premier couplet avec « Oh non, j'en ai trop dit, j'ai tout déclenché » , qui marque davantage l'ambiguïté de ses intentions. On sent d'un côté le désir ardent de se rapprocher de cette personne, et dans le même temps, la peur de se dévoiler. On arrive maintenant au refrain, où il dit « Me voilà dans le coin » . Me voilà sous les projecteurs en train de perdre pied. Losing my religion. C'est l'image centrale de la chanson. Il se sent exposé, vulnérable et observé. Le coin évoque l'exclusion, la honte et aussi la réticence du protagoniste à approcher l'objet de son obsession. C'est aussi le coin dans lequel il se cache pour ne pas être vu ou découvert. Les projecteurs, eux, montrent que cette douleur est visible, comme s'il était mis à nu devant tous. Et il perd pied. Ce n'est pas seulement une perte de contrôle, c'est un effondrement intérieur. Il perd ses repères, ses certitudes, son équilibre émotionnel. Malgré sa volonté de cacher ses sentiments, il se retrouve dans une espèce de paranoïa où lui et ses sentiments seraient vus et perçus de tous. L'une des phrases les plus marquantes reviendra comme un leitmotiv. « Oh non, j'en ai trop dit, j'en ai pas dit assez. » Cette contradiction résume parfaitement son état d'esprit. Il regrette d'avoir montré sa vulnérabilité, mais il sent aussi qu'il n'a pas réussi à dire l'essentiel, comme dans une tentative échouée d'approcher l'être tant désiré. Il est pris au piège de son propre silence et de ses paroles maladroites. Il revit des moments flous, je croyais avoir entendu rire, chanter, essayer. Ce sont peut-être des souvenirs réels, ou peut-être des projections. Il ne sait plus faire la différence entre ce qu'il a vu et ce qu'il a espéré. Il vit dans l'ombre du doute. Dans le couplet suivant, Le ton devient plus intériorisé, plus troublé. Le narrateur dit qu'il choisit ses confessions, qu'il garde un œil sur l'autre comme un idiot blessé, perdu et aveugle. Donc c'est l'image d'un homme qui tente de surveiller l'objet de son obsession, alors qu'il est lui-même incapable de voir clair. Il est dans une boucle d'attente et de surinterprétation. L'amour devient une sorte de prière silencieuse, presque religieuse, où chaque mot, chaque geste est pesé, retenu, puis regretté. Puis vient cette montée dramatique, prends ça comme l'indice du siècle, prends ça comme l'erreur qui m'a mis à genoux. Là, il parle d'un moment décisif, peut-être un mot dit trop tôt, une confession, un geste qui a tout changé, et malgré son incapacité à faire comprendre ses sentiments à l'autre, il s'est résolu à se dévoiler au travers d'un indice. Ici, on peut noter que l'expression « indice du siècle » est probablement utilisée de façon ironique, pour se moquer de sa propre timidité. Selon lui, cet indice qu'il a donné, c'est vraiment le maximum qu'il pouvait faire, et pourtant ça ne reste qu'une allusion maladroite qui sera vouée à rester incomprise de l'autre. Malheureusement cet indice du siècle ne porte pas ses fruits, et la tentative tourne à l'échec avec cette question qui revient, Et si toutes ces illusions se mettaient à tourner autour de moi ? C'est une prise de conscience douloureuse. Et si tout cela, en fait, cette relation, ces espoirs, ces gestes, si tout cela n'était que des fantasmes ou des rêveries issues de son imagination ? Donc, après avoir chanté le refrain de nouveau, la conclusion sans appel tombe. Ce n'était qu'un rêve. Il répète cette phrase comme une incantation, comme une résignation. Il réalise qu'il est seul avec son rêve. L'histoire n'a existé que dans sa tête. Les mots de la fin, essayer, pleurer, s'envoler, essayer, disent la boucle infinie de la souffrance, le va-et-vient entre l'espoir et l'abandon. Et les derniers mots viennent conclure l'histoire de façon définitive, ce n'était qu'un rêve, juste un rêve, c'était juste un rêve. Alors voilà, je suis désolé de vous apprendre que toutes les agitations de notre bon Michael ne connaîtront pas de fin heureuse, pas dans cette chanson-là en tout cas. Alors, qu'est-ce qu'on peut retenir de tout ça ? Bon, de façon évidente, on peut déjà commencer par dire de nouveau que « Losing my religion » n'est pas une chanson qui tourne autour des questions spirituelles. Loin de toute considération éthérée, la chanson traite d'un sujet on ne peut plus humain et universel. L'obsession et l'amour inavoués pour une personne qui ne partage pas les mêmes sentiments. Enfin, on peut supposer que ce n'est pas le cas, parce que si on regarde attentivement les paroles, on voit qu'il s'agit principalement d'un monologue ou d'une complainte solitaire du narrateur. La personne qui est l'objet de toutes ces attentions ne jouent en effet pas de rôle actif dans cette histoire. D'ailleurs, on peut aussi remarquer que le texte est écrit de telle façon que n'importe qui peut se l'approprier. Il s'agit juste d'une déclaration faite à la première personne qui peut fonctionner pour n'importe quel cas de figure, indépendamment du sexe des personnages, rendant de fait le texte accessible à tous. Alors pourquoi cette chanson qui parle d'un sujet plutôt triste est-elle certifiée platine dans plus d'une dizaine de pays ? Pourquoi cette chanson compte-t-elle plus de 1,6 milliard de streams sur Spotify ? et 1,3 milliard de vues sur YouTube. Probablement parce que les paroles ont su capturer un sentiment que tout le monde a vécu au moins une fois dans sa vie. Le sentiment de l'amour contrarié qui oscille entre la timidité enfantine qui consiste à ne pas oser et le désir ardent qui consime celui ou celle qui s'est épris d'une personne dont les sentiments ne sont pas forcément réciproques. Losing My Religion a su cristalliser cette fragilité juvénile prise en étau entre le manque de confiance en soi et la volonté de franchir le pas, d'oser. D'ailleurs, Stipe comparera le thème de la chanson à celle de The Police, Every Breath You Take, en disant « C'est juste une chanson pop classique sur l'obsession. J'ai toujours pensé que les meilleures chansons sont celles que n'importe qui peut écouter, s'y reconnaître et se dire « Ouais, ça c'est moi » . Eh ben mon bon Michael, je pense que c'est réussi. » Alors, il faut aussi ajouter que les paroles sont servies sur une musique au tempo plutôt rapide avec une instrumentation plutôt légère, voire solaire par certains aspects. Ici, REM a su éviter l'écueil de rendre la musique lourde et pleine de pathos, ce qui en aurait fait quelque chose de probablement trop dramatique et trop lourdingue. Pour terminer, vous permettrez au guitariste que je suis d'y aller de mon petit commentaire sur la musique en elle-même. Sans vous assommer de détails techniques, l'enchaînement d'accords passe rapidement tout au long de la chanson du majeur au mineur. Alors en bref, les accords majeurs sont souvent perçus comme plutôt gais et les accords mineurs comme plutôt tristes. Donc on a une musique au tempo rapide qui alterne entre accord majeur et accord mineur, le tout saupoudré de mandoline qui a une sonorité lumineuse en même temps qu'un peu mélancolique. Le tout combiné donne cette impression d'ambiguïté. Ambiguïté dans la musique, ambiguïté dans les paroles dont le but est finalement de souligner ce sentiment profond d'attraction, distance, qui est à la base de la dynamique de Losing My Religion. Enfin, il faut noter qu'en 1991, année bénie s'il en est, L'ambiance sur les ondes FM était plutôt à la tatane dans les gencives côté musique. Si vous n'y étiez pas ou si vous avez oublié, laissez-moi vous éclairer. Donc quand REM s'est pointé au milieu de la mitraille de guitare saturée avec son Losing My Religion, tout en subtilité et un sujet qui parlait au plus grand nombre, il y a fort à parier que les adolescents du monde entier n'ont pas eu trop de problèmes à s'identifier à la chanson. Alors ne me faites pas dire ce que je n'ai pas dit. La mitraille de guitare et les riffs massus qui vous arrivent en pleine mâchoire sans crier gare, je suis plutôt pour. Ici je dis juste que REM est sans doute arrivé à un moment avec un message qui a su parler au public différemment, en faisant résonner autre chose en eux, quelque chose de plus personnel, plus intime, quelque chose... qui dépasse l'usure du temps et qui reste d'actualité quelles que soient les générations qui posent leurs oreilles sur Losing My Religion. Voilà, j'espère que ce quatrième épisode vous aura permis d'en apprendre un peu plus sur Losing My Religion de REM. Si vous avez des remarques et des commentaires à me partager, n'hésitez surtout pas à m'écrire à l'adresse thelyricheunter.gmail.com que vous trouverez aussi en description et je vous lirai avec plaisir. Avant de vous laisser, je vous ai préparé une petite rubrique pour finir sur une note sucrée. Dans cette dernière rubrique, j'ai fait un petit mélange de trois émissions que je suis assidûment. Le podcast Le Bon, le Culte et le Navrant, qui parle de films cultes et des déclinaisons qu'ils ont inspirées. Super Cover Battle, qui classe les reprises de chansons animées par Maxime et Damien. Musique Déviante, qui parle de tout ce que la musique compte d'artistes originaux, pour qui sortir des sentiers battus est un devoir et ou une nécessité. Pour cette dernière rubrique, intitulée Le Bon, la Brute et le Truant, je vais vous proposer trois versions de la chanson. une version qu'on va dire magnifiée de l'original qui sera le bon, une version de la chanson qui se permet une revisite osée ou décalée pour la brute, et le truand, ça c'est mon goût pour les trucs déviants, il va s'agir d'une reprise malfagotée, feignante ou crapuleuse, car, comme dit le philosophe, si on n'a jamais connu le goût fade d'un vieux sandwich tiède, servi sans amour dans une station-service au bord de l'A7 un soir de décembre maussade, Comment pourrait-on savourer platement les joies de quelques soissons avec de la bonne soivre, un porcelet, une chèvre rôtie, quelques signes blancs bien poivrés ? Je vous le demande. Alors on va commencer par le truand, ou plutôt les truands, en la personne du groupe Cello et Luddy. Je vous confesse qu'ils auraient pu finir dans la catégorie brute, parce qu'ils m'ont l'air de boucre tout à fait sympathique et que la musique qu'ils font est plutôt faite pour donner la banane. Donc on ne peut pas les suspecter de penser à mal. Mais bon... Maintenant qu'on sait tout ce qu'il y a à savoir sur la chanson de REM, on est quand même dans un hors sujet assez flagrant. Un peu comme ce mauvais élève qui vient vous rendre une copie ratée et qu'on n'a pas envie de trop saquer parce qu'il est nul, certes, mais sympathique au fond. Pour la brute, j'ai eu un choix difficile à faire et je me suis finalement dit à moi-même « Oh la vie, la vie est plus grande que vous et vous n'êtes pas moi » . Dans le coin gauche du ring, j'avais une version assez marrante de la part du groupe Whiskey Shivers. Une version pleine de bluegrass, de banjo, de pancake et de sirop d'érable. Mais, mais, mais, mais, mais, dans le coin droit du ring, j'avais une version de Losing My Religion, comme vous ne l'avez jamais entendu, et je veux bien manger mon poids en pancake si ce n'est pas le cas. Alors certes, dans cette version, ils ont utilisé la voix de l'original avec le chant de Michael Stipe. C'est un petit détail que je trouve un peu dommage, mais pour le reste, vous allez être sacrément dépaysés avec cette version remixée et jouée par le Ali Farka Touré Band. Et enfin, avant d'arriver sur le bon, je dois vous dire que j'ai dû écumer des dizaines de reprises feignantes dans le style techno lounge. Reprises qui s'écoutent certainement très bien dans le contexte du sushi asia buda lounge barre d'à côté, mais qui n'apportent vraiment rien à part peut-être une meilleure digestion de vos rouleaux de printemps arrosés de sauce soja. Cette jolie version intimiste portée par trois chanteuses a le mérite de s'affranchir du petit motif à la mandoline, Absence qu'elles ont intelligemment compensée. en reprenant un autre motif joué au milieu du morceau original pour en faire un gimmick à leur façon. C'est joli, c'est doux et on retrouve un peu de cette fragilité présente partout en filigrane dans le Losing My Religion original. Voilà, c'était Lyric Hunter épisode 4 consacré à Losing My Religion de REM. Merci de m'avoir écouté et à très bientôt pour l'épisode 5. Maintenant, je vous laisse pour un moment de douceur en compagnie de Applewood Road.

  • Speaker #2

    Oh, la vie est plus grande, plus grande que toi, que tu n'es pas moi. Les longues que je vais aller, la distance dans tes yeux. Oh non, j'ai dit trop. J'ai fait ça. C'est moi dans le coin, c'est moi dans le endroit, en perdant ma religion. J'essaie de te garder, et je ne sais pas si je peux le faire. Oh non, j'ai dit trop de choses, je n'ai pas dit assez. Every whisper, every waking hour I'm choosing my confessions Trying to keep an eye on you Like I heard lots of lines before Oh no, I've said too much I've set it up

Description

Dans cet épisode consacré à Losing My Religion on va analyser les paroles de la fameuse chanson de R.E.M. Mais on va aussi parler de Sandwich tiède, de Chat Angora , de digestion difficile , de Gin Tonic , et un peu de mandoline.

Si vous avez des remarques, des commentaires à me partager , n’hésitez surtout pas à m’écrire à l’adresse thelyrichunter@gmail.com

Bonne écoute.

Misha


Hébergé par Ausha. Visitez ausha.co/politique-de-confidentialite pour plus d'informations.

Transcription

  • Speaker #0

    parce que Odile est à chercher partout Bonjour à tous et bienvenue dans ce quatrième épisode de Lyric Hunter, le podcast qui explore les paroles des chansons anglaises mais en français. Moi c'est Misha. Je suis 50% français, 50% suisse, 100% guitariste amateur. En effet, pendant mes week-ends, je joue régulièrement dans un groupe qui anime les soirées du bar irlandais du coin. Qui dit bar irlandais dit répertoire anglophone et dit donc chanson en anglais. Et un beau jour, alors qu'un aimable client demandait de jouer Bonne Jolie pour la 15ème fois, avec une diction qui portait les stigmates de l'abus de gin tonic, Une question existentielle est née en moi. Nous jouons en effet beaucoup de chansons, mais je réalisais que dans la plupart des cas, je ne savais pas exactement de quoi parler ces chansons. Chemin faisant, je me suis dit que j'étais probablement pas seul dans ce cas, et j'ai décidé de commencer ce podcast pour inspecter, disséquer et éplucher les paroles des grands tubes anglais, mais dans la langue de Victor Hugo ou de Frank Ribéry, c'est selon. Et le tout dans un format court et j'espère divertissant. Dans notre dernier épisode, on s'était penché sur le cas d'un sacré candidat en la personne de Leonard Cohen et sa chanson Alléluia, un opus magnum de 45 minutes que je vous invite évidemment à aller écouter. Une histoire longue et compliquée, des paroles aussi riches que complexes, autant vous dire qu'en terminant le troisième épisode, j'avais vraiment l'impression d'avoir terminé un marathon. Je m'excuse d'avoir dû dépasser les 25 minutes d'émission que je m'étais promis de tenir initialement, mais avec un mastodonte comme Alléluia, c'était vraiment difficile de faire plus court. Quoi qu'il en soit, pour ce quatrième épisode, j'ai volontairement jeté mon dévolu sur une chanson dont l'histoire est sensiblement plus simple, voire carrément à l'opposé, jugez plutôt. Alléluia a pris plusieurs années d'écriture douloureuse. Les paroles de la chanson du jour ont pris littéralement 5 minutes de boulot. Alléluia a été un échec commercial au début et il aura fallu qu'il s'y mette à plusieurs pour la rendre célèbre, alors que notre chanson du jour a été un succès immédiat à sa sortie. Alléluia dans ses différentes versions propose des paroles allant de mystérieuses à carrément cryptiques, alors que notre chanson du jour propose des paroles claires et plutôt explicites. Et enfin, Alléluia a été jouée dans des églises quand le clip de la chanson du jour a été interdit pendant plusieurs années en Irlande à cause d'une utilisation de l'imagerie religieuse qui avait moyennement fait rire l'église catholique à l'époque. Donc aujourd'hui, nous allons regarder de plus près la chanson « Losing my religion » du groupe REM. REM, c'est si vous vous adressez à un français. Et si vous parlez à n'importe qui d'autre qu'un français, je vous conseille plutôt de prononcer REM. Et si vous n'êtes pas à l'aise avec la langue d'Emma Watson, voilà un petit moyen mnémotechnique pour arriver à vos fins. REM. A-RI comme Harry Potter. Et M comme la lettre. Voyez, c'est pas compliqué. Mais rassurez-vous, pour la suite, on va continuer de dire REM d'une manière bien franchouillarde, qui sent bon le pâté de campagne. et la grève surprise des trains une veille de départ en vacances. Et puisqu'on parle du nom du groupe, j'en profite pour faire une rapide digression. REM signifie Rapid Eye Movement, mouvement oculaire rapide. Du coup, MOOR, ce qui marche un petit peu moins bien en français, on ne va pas se mentir. Il faut aussi noter qu'en choisissant leur nom, le groupe n'avait pas l'intention de faire une référence particulière au rêve. Ils auraient, selon toute vraisemblance, et aussi selon Wikipédia, choisi le nom au hasard dans un dictionnaire. Ce qui, avec le recul, était un choix plutôt heureux quand on sait que dans les autres idées, il y avait aussi le nom « cans of peace » qui littéralement traduit « donnes canettes de peace » . Mais heureusement, c'est REM qui l'a emporté. « Losing my religion » donc. Même si le propos de ce podcast est de se consacrer aux paroles, il faut quand même dire qu'il y a trois ingrédients qui ont contribué à faire de cette chanson le tube incontournable qui hante les ondes radio depuis 1991. Une ligne mélodique imparable pour le chant. Un rythme plutôt enlevé pour des paroles qui, nous allons le voir juste après, ne sont pas très très joyeuses. Un clip à l'imagerie forte qui a marqué les esprits. Et cette diablerie d'accompagnement jouée à la mandoline qui donne à cette chanson son caractère si unique. Alors la mandoline, si vous ne voyez pas ce que c'est, imaginez une petite guitare qui ferait la taille d'un chat en gora et qui sonne relativement aigu genre comme ça.

  • Speaker #1

    C'est un peu moins chouette que ça.

  • Speaker #0

    Je vais te faire une oeuvre que tu ne pourras pas refuser. C'est en effet avec la mandoline que commence l'histoire de Losing My Religion. On est un beau soir de 1987 et Peter Buck, le guitariste en chef de REM, est assis dans son canapé à gratouiller distraitement la mandoline qu'il venait d'acheter. REM venait de finir une longue tournée pour le lancement de leur sixième album, Green. Et justement, notre ami Peter Buck ressentait le besoin de se mettre au vert. Il ressentait le besoin d'explorer autre chose que la guitare. Il attrape donc sa mandoline sur son canapé, gratouille, gratouille encore et le miracle. Ce petit début de motif mélodique lui tombe sous les doigts. Il enregistre le tout et garde son idéo show jusqu'à l'été 1990 où commence l'enregistrement de Out of Time. Notre ami Peter Buck présente son idée aux autres membres du groupe qui, sans presse d'ajouter les habituelles parties de batterie, guitare et basse. La démo finit à son tour sur la table de travail de Michael Stipe, le chanteur avec pour titre provisoire Sugarcane, canne à sucre. Ni une ni deux, Michael Stipe s'exécute. Il part avec la cassette sous le bras, passe et repasse la musique en boucle en faisant les 100 pas, et écrit les paroles en à peine quelques minutes. Il dira plus tard que l'écriture de Losing My Religion a été si rapide qu'il ne se rappelle à peine des détails de la séance d'écriture. Il se rappellera juste que les paroles sont sorties de lui naturellement comme une sorte d'épiphanie, ce qui ne manque pas de sel pour une chanson intitulée Losing My Religion. Une fois les paroles écrites, direction le studio pour l'enregistrement. Tout le monde s'exécute et au moment d'enregistrer le chant, Michael Stipe met tout le monde dehors et se met en tête d'enregistrer la voix en une seule prise. Ce qui est peu conventionnel puisqu'en général, un enregistrement de musique se fait en plusieurs prises dont on garde les meilleures parties ensuite. Quoi qu'il en soit, Stipe avait en tête de faire passer une émotion brute et sans artifice. Et c'est sous l'œil d'un ingé son en pleine digestion et pas tellement concerné par ce qu'il se passait dans la cabine d'enregistrement que Stipe va décider de se mettre à nu, au propre comme au figuré. En effet, le dilettantisme du technicien sonore va mettre notre chanteur de plutôt mauvaise humeur et combiné à la chaleur estivale en plus de l'émotion du moment, notre bon vieux Michael commence à avoir des bouffées de chaleur. Tant et si bien qu'il tombe la chemise, il tombe le pantalon et se lance dans l'enregistrement du titre légendaire avec son slip pour tout vêtement. Donc la prochaine fois que vous entendrez Losing My Religion, imaginez juste un Michael Stipe en slip, tout ronchonchon et en train de gesticuler derrière son micro par un soir d'été de 1990. Non, non, ne me remerciez pas, ça me fait vraiment plaisir, vraiment. D'ailleurs, peut-être que sans l'attitude pleine d'amateurisme de cet ingé son, « Losing my religion » n'aurait pas été ce qu'elle est devenue, et peut-être que le chant aurait été moins émotionnel. On ne le saura évidemment jamais, ça restera dans l'histoire non écrite de la musique, mais c'est une théorie qui a le mérite d'être amusante. Quoi qu'il en soit, il est temps pour nous de lire la traduction des paroles pour nous mettre dans l'ambiance. Pour les paroles en anglais, je vous invite à consulter votre moteur de recherche préféré. « Losing my religion » Oh la vie ! La vie est plus grande, plus grande que toi, et toi tu n'es pas à moi. Jusqu'où je suis prêt à aller ? La distance dans ton regard ? Ah non, j'en ai trop dit. J'ai tout déclenché. Me voilà dans le coin, me voilà sous les projecteurs, en train de perdre au pied, essayant de te suivre. Je ne sais pas si j'en suis capable. Ah non, j'en ai trop dit. J'en ai pas dit assez. Je croyais t'avoir entendu rire. Je croyais t'avoir entendu chanter. Je croyais t'avoir vu essayer. À chaque murmure, à chaque heure d'éveil, je choisis mes aveux. J'essaye de garder un œil sur toi, comme un idiot blessé, perdu et aveugle. Ah non, j'en ai trop dit, j'ai tout déclenché. Réfléchis à ça, prends ça comme l'indice du siècle, prends ça comme l'erreur qui m'a mis à genoux. Raté. Et si toutes ces illusions se mettaient à tourbillonner autour de moi ? Maintenant j'en ai trop dit. Je croyais t'avoir entendu rire, je croyais t'avoir entendu chanter. Je croyais t'avoir vu essayer, mais ce n'était qu'un rêve, ce n'était qu'un rêve. Me voilà dans le coin, me voilà sous les projecteurs, en train de perdre pied, essayant de te suivre. Je ne sais pas si j'en suis capable. Oh non, j'en ai trop dit, j'en ai pas dit assez. Je croyais t'avoir entendu rire, je croyais t'avoir entendu chanter, je croyais t'avoir vu essayer, mais ce n'était qu'un rêve. Essayer, pleurer, s'envoler, essayer. Ce n'était qu'un rêve, juste un rêve. Alors, commençons par le commencement. Il ne vous aura pas échappé qu'en fait la chanson ne parle pas du tout de religion. Et c'est probablement une des idées reçues les plus courantes auprès de ceux qui ont pris le titre au pied de la lettre. En fait, « Losing my religion » est une expression qui vient du sud des Etats-Unis. Cette expression n'a pas vraiment d'équivalent en français. Elle désigne un état de frustration, de perte de calme, un sentiment de désespoir. En gros, ce serait un peu un mélange de perdre pied, perdre la tête, toucher le fond et perdre la foi en même temps. Donc cette chanson relate une discussion imaginaire entre le narrateur et une autre personne dont l'identité n'est pas révélée. Et il commence par poser le décor. « Oh la vie, la vie est plus grande, plus grande que toi, et tu n'es pas moi. » La chanson commence par une sorte de complainte. « Oh la vie. » On sent bien que ce n'est pas un aspect positif de la vie qu'il va nous présenter ici. Ici, il tente de relativiser une douleur vécue au niveau personnel. Il rappelle que la vie est plus vaste que cette personne, plus vaste que cette obsession qui l'habite, comme pour essayer de se rassurer. Mais cette affirmation sonne un peu faux, comme une tentative d'autopersuasion fragile. Car ce qu'il ressent et ce qu'il vit sentent précisément tout engloutir. Le fait de dire « tu n'es pas moi » exprime une solitude radicale dans un état d'esprit que l'autre ne ressent pas. Et c'est aussi une façon de se rappeler à lui-même sa propre individualité tant il est captivé par cette autre personne. Ça sonne presque comme une tentative de se dire à lui-même « hé, arrête de penser à cette personne, parce que la vie est plus importante que ça » . Tu est plus important que ça. D'emblée, on peut sentir qu'il y a une distance entre le narrateur et l'objet de son attention. Distance clairement soulignée par le vers suivant, la distance dans ton regard, et jusqu'où je suis prêt à aller. Il est prêt à tout sacrifier, à s'éloigner de lui-même, à se transformer pour combler ce fossé. Mais en face, l'autre reste froid, inaccessible. C'est un contraste qui souligne la tension permanente qui traverse toute la chanson. Celle d'un sentiment non partagé. Et là, on se doit de lâcher le mot. Il s'agit probablement d'amour, peut-être de désir, et plus généralement d'obsession. Il termine ce premier couplet avec « Oh non, j'en ai trop dit, j'ai tout déclenché » , qui marque davantage l'ambiguïté de ses intentions. On sent d'un côté le désir ardent de se rapprocher de cette personne, et dans le même temps, la peur de se dévoiler. On arrive maintenant au refrain, où il dit « Me voilà dans le coin » . Me voilà sous les projecteurs en train de perdre pied. Losing my religion. C'est l'image centrale de la chanson. Il se sent exposé, vulnérable et observé. Le coin évoque l'exclusion, la honte et aussi la réticence du protagoniste à approcher l'objet de son obsession. C'est aussi le coin dans lequel il se cache pour ne pas être vu ou découvert. Les projecteurs, eux, montrent que cette douleur est visible, comme s'il était mis à nu devant tous. Et il perd pied. Ce n'est pas seulement une perte de contrôle, c'est un effondrement intérieur. Il perd ses repères, ses certitudes, son équilibre émotionnel. Malgré sa volonté de cacher ses sentiments, il se retrouve dans une espèce de paranoïa où lui et ses sentiments seraient vus et perçus de tous. L'une des phrases les plus marquantes reviendra comme un leitmotiv. « Oh non, j'en ai trop dit, j'en ai pas dit assez. » Cette contradiction résume parfaitement son état d'esprit. Il regrette d'avoir montré sa vulnérabilité, mais il sent aussi qu'il n'a pas réussi à dire l'essentiel, comme dans une tentative échouée d'approcher l'être tant désiré. Il est pris au piège de son propre silence et de ses paroles maladroites. Il revit des moments flous, je croyais avoir entendu rire, chanter, essayer. Ce sont peut-être des souvenirs réels, ou peut-être des projections. Il ne sait plus faire la différence entre ce qu'il a vu et ce qu'il a espéré. Il vit dans l'ombre du doute. Dans le couplet suivant, Le ton devient plus intériorisé, plus troublé. Le narrateur dit qu'il choisit ses confessions, qu'il garde un œil sur l'autre comme un idiot blessé, perdu et aveugle. Donc c'est l'image d'un homme qui tente de surveiller l'objet de son obsession, alors qu'il est lui-même incapable de voir clair. Il est dans une boucle d'attente et de surinterprétation. L'amour devient une sorte de prière silencieuse, presque religieuse, où chaque mot, chaque geste est pesé, retenu, puis regretté. Puis vient cette montée dramatique, prends ça comme l'indice du siècle, prends ça comme l'erreur qui m'a mis à genoux. Là, il parle d'un moment décisif, peut-être un mot dit trop tôt, une confession, un geste qui a tout changé, et malgré son incapacité à faire comprendre ses sentiments à l'autre, il s'est résolu à se dévoiler au travers d'un indice. Ici, on peut noter que l'expression « indice du siècle » est probablement utilisée de façon ironique, pour se moquer de sa propre timidité. Selon lui, cet indice qu'il a donné, c'est vraiment le maximum qu'il pouvait faire, et pourtant ça ne reste qu'une allusion maladroite qui sera vouée à rester incomprise de l'autre. Malheureusement cet indice du siècle ne porte pas ses fruits, et la tentative tourne à l'échec avec cette question qui revient, Et si toutes ces illusions se mettaient à tourner autour de moi ? C'est une prise de conscience douloureuse. Et si tout cela, en fait, cette relation, ces espoirs, ces gestes, si tout cela n'était que des fantasmes ou des rêveries issues de son imagination ? Donc, après avoir chanté le refrain de nouveau, la conclusion sans appel tombe. Ce n'était qu'un rêve. Il répète cette phrase comme une incantation, comme une résignation. Il réalise qu'il est seul avec son rêve. L'histoire n'a existé que dans sa tête. Les mots de la fin, essayer, pleurer, s'envoler, essayer, disent la boucle infinie de la souffrance, le va-et-vient entre l'espoir et l'abandon. Et les derniers mots viennent conclure l'histoire de façon définitive, ce n'était qu'un rêve, juste un rêve, c'était juste un rêve. Alors voilà, je suis désolé de vous apprendre que toutes les agitations de notre bon Michael ne connaîtront pas de fin heureuse, pas dans cette chanson-là en tout cas. Alors, qu'est-ce qu'on peut retenir de tout ça ? Bon, de façon évidente, on peut déjà commencer par dire de nouveau que « Losing my religion » n'est pas une chanson qui tourne autour des questions spirituelles. Loin de toute considération éthérée, la chanson traite d'un sujet on ne peut plus humain et universel. L'obsession et l'amour inavoués pour une personne qui ne partage pas les mêmes sentiments. Enfin, on peut supposer que ce n'est pas le cas, parce que si on regarde attentivement les paroles, on voit qu'il s'agit principalement d'un monologue ou d'une complainte solitaire du narrateur. La personne qui est l'objet de toutes ces attentions ne jouent en effet pas de rôle actif dans cette histoire. D'ailleurs, on peut aussi remarquer que le texte est écrit de telle façon que n'importe qui peut se l'approprier. Il s'agit juste d'une déclaration faite à la première personne qui peut fonctionner pour n'importe quel cas de figure, indépendamment du sexe des personnages, rendant de fait le texte accessible à tous. Alors pourquoi cette chanson qui parle d'un sujet plutôt triste est-elle certifiée platine dans plus d'une dizaine de pays ? Pourquoi cette chanson compte-t-elle plus de 1,6 milliard de streams sur Spotify ? et 1,3 milliard de vues sur YouTube. Probablement parce que les paroles ont su capturer un sentiment que tout le monde a vécu au moins une fois dans sa vie. Le sentiment de l'amour contrarié qui oscille entre la timidité enfantine qui consiste à ne pas oser et le désir ardent qui consime celui ou celle qui s'est épris d'une personne dont les sentiments ne sont pas forcément réciproques. Losing My Religion a su cristalliser cette fragilité juvénile prise en étau entre le manque de confiance en soi et la volonté de franchir le pas, d'oser. D'ailleurs, Stipe comparera le thème de la chanson à celle de The Police, Every Breath You Take, en disant « C'est juste une chanson pop classique sur l'obsession. J'ai toujours pensé que les meilleures chansons sont celles que n'importe qui peut écouter, s'y reconnaître et se dire « Ouais, ça c'est moi » . Eh ben mon bon Michael, je pense que c'est réussi. » Alors, il faut aussi ajouter que les paroles sont servies sur une musique au tempo plutôt rapide avec une instrumentation plutôt légère, voire solaire par certains aspects. Ici, REM a su éviter l'écueil de rendre la musique lourde et pleine de pathos, ce qui en aurait fait quelque chose de probablement trop dramatique et trop lourdingue. Pour terminer, vous permettrez au guitariste que je suis d'y aller de mon petit commentaire sur la musique en elle-même. Sans vous assommer de détails techniques, l'enchaînement d'accords passe rapidement tout au long de la chanson du majeur au mineur. Alors en bref, les accords majeurs sont souvent perçus comme plutôt gais et les accords mineurs comme plutôt tristes. Donc on a une musique au tempo rapide qui alterne entre accord majeur et accord mineur, le tout saupoudré de mandoline qui a une sonorité lumineuse en même temps qu'un peu mélancolique. Le tout combiné donne cette impression d'ambiguïté. Ambiguïté dans la musique, ambiguïté dans les paroles dont le but est finalement de souligner ce sentiment profond d'attraction, distance, qui est à la base de la dynamique de Losing My Religion. Enfin, il faut noter qu'en 1991, année bénie s'il en est, L'ambiance sur les ondes FM était plutôt à la tatane dans les gencives côté musique. Si vous n'y étiez pas ou si vous avez oublié, laissez-moi vous éclairer. Donc quand REM s'est pointé au milieu de la mitraille de guitare saturée avec son Losing My Religion, tout en subtilité et un sujet qui parlait au plus grand nombre, il y a fort à parier que les adolescents du monde entier n'ont pas eu trop de problèmes à s'identifier à la chanson. Alors ne me faites pas dire ce que je n'ai pas dit. La mitraille de guitare et les riffs massus qui vous arrivent en pleine mâchoire sans crier gare, je suis plutôt pour. Ici je dis juste que REM est sans doute arrivé à un moment avec un message qui a su parler au public différemment, en faisant résonner autre chose en eux, quelque chose de plus personnel, plus intime, quelque chose... qui dépasse l'usure du temps et qui reste d'actualité quelles que soient les générations qui posent leurs oreilles sur Losing My Religion. Voilà, j'espère que ce quatrième épisode vous aura permis d'en apprendre un peu plus sur Losing My Religion de REM. Si vous avez des remarques et des commentaires à me partager, n'hésitez surtout pas à m'écrire à l'adresse thelyricheunter.gmail.com que vous trouverez aussi en description et je vous lirai avec plaisir. Avant de vous laisser, je vous ai préparé une petite rubrique pour finir sur une note sucrée. Dans cette dernière rubrique, j'ai fait un petit mélange de trois émissions que je suis assidûment. Le podcast Le Bon, le Culte et le Navrant, qui parle de films cultes et des déclinaisons qu'ils ont inspirées. Super Cover Battle, qui classe les reprises de chansons animées par Maxime et Damien. Musique Déviante, qui parle de tout ce que la musique compte d'artistes originaux, pour qui sortir des sentiers battus est un devoir et ou une nécessité. Pour cette dernière rubrique, intitulée Le Bon, la Brute et le Truant, je vais vous proposer trois versions de la chanson. une version qu'on va dire magnifiée de l'original qui sera le bon, une version de la chanson qui se permet une revisite osée ou décalée pour la brute, et le truand, ça c'est mon goût pour les trucs déviants, il va s'agir d'une reprise malfagotée, feignante ou crapuleuse, car, comme dit le philosophe, si on n'a jamais connu le goût fade d'un vieux sandwich tiède, servi sans amour dans une station-service au bord de l'A7 un soir de décembre maussade, Comment pourrait-on savourer platement les joies de quelques soissons avec de la bonne soivre, un porcelet, une chèvre rôtie, quelques signes blancs bien poivrés ? Je vous le demande. Alors on va commencer par le truand, ou plutôt les truands, en la personne du groupe Cello et Luddy. Je vous confesse qu'ils auraient pu finir dans la catégorie brute, parce qu'ils m'ont l'air de boucre tout à fait sympathique et que la musique qu'ils font est plutôt faite pour donner la banane. Donc on ne peut pas les suspecter de penser à mal. Mais bon... Maintenant qu'on sait tout ce qu'il y a à savoir sur la chanson de REM, on est quand même dans un hors sujet assez flagrant. Un peu comme ce mauvais élève qui vient vous rendre une copie ratée et qu'on n'a pas envie de trop saquer parce qu'il est nul, certes, mais sympathique au fond. Pour la brute, j'ai eu un choix difficile à faire et je me suis finalement dit à moi-même « Oh la vie, la vie est plus grande que vous et vous n'êtes pas moi » . Dans le coin gauche du ring, j'avais une version assez marrante de la part du groupe Whiskey Shivers. Une version pleine de bluegrass, de banjo, de pancake et de sirop d'érable. Mais, mais, mais, mais, mais, dans le coin droit du ring, j'avais une version de Losing My Religion, comme vous ne l'avez jamais entendu, et je veux bien manger mon poids en pancake si ce n'est pas le cas. Alors certes, dans cette version, ils ont utilisé la voix de l'original avec le chant de Michael Stipe. C'est un petit détail que je trouve un peu dommage, mais pour le reste, vous allez être sacrément dépaysés avec cette version remixée et jouée par le Ali Farka Touré Band. Et enfin, avant d'arriver sur le bon, je dois vous dire que j'ai dû écumer des dizaines de reprises feignantes dans le style techno lounge. Reprises qui s'écoutent certainement très bien dans le contexte du sushi asia buda lounge barre d'à côté, mais qui n'apportent vraiment rien à part peut-être une meilleure digestion de vos rouleaux de printemps arrosés de sauce soja. Cette jolie version intimiste portée par trois chanteuses a le mérite de s'affranchir du petit motif à la mandoline, Absence qu'elles ont intelligemment compensée. en reprenant un autre motif joué au milieu du morceau original pour en faire un gimmick à leur façon. C'est joli, c'est doux et on retrouve un peu de cette fragilité présente partout en filigrane dans le Losing My Religion original. Voilà, c'était Lyric Hunter épisode 4 consacré à Losing My Religion de REM. Merci de m'avoir écouté et à très bientôt pour l'épisode 5. Maintenant, je vous laisse pour un moment de douceur en compagnie de Applewood Road.

  • Speaker #2

    Oh, la vie est plus grande, plus grande que toi, que tu n'es pas moi. Les longues que je vais aller, la distance dans tes yeux. Oh non, j'ai dit trop. J'ai fait ça. C'est moi dans le coin, c'est moi dans le endroit, en perdant ma religion. J'essaie de te garder, et je ne sais pas si je peux le faire. Oh non, j'ai dit trop de choses, je n'ai pas dit assez. Every whisper, every waking hour I'm choosing my confessions Trying to keep an eye on you Like I heard lots of lines before Oh no, I've said too much I've set it up

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Description

Dans cet épisode consacré à Losing My Religion on va analyser les paroles de la fameuse chanson de R.E.M. Mais on va aussi parler de Sandwich tiède, de Chat Angora , de digestion difficile , de Gin Tonic , et un peu de mandoline.

Si vous avez des remarques, des commentaires à me partager , n’hésitez surtout pas à m’écrire à l’adresse thelyrichunter@gmail.com

Bonne écoute.

Misha


Hébergé par Ausha. Visitez ausha.co/politique-de-confidentialite pour plus d'informations.

Transcription

  • Speaker #0

    parce que Odile est à chercher partout Bonjour à tous et bienvenue dans ce quatrième épisode de Lyric Hunter, le podcast qui explore les paroles des chansons anglaises mais en français. Moi c'est Misha. Je suis 50% français, 50% suisse, 100% guitariste amateur. En effet, pendant mes week-ends, je joue régulièrement dans un groupe qui anime les soirées du bar irlandais du coin. Qui dit bar irlandais dit répertoire anglophone et dit donc chanson en anglais. Et un beau jour, alors qu'un aimable client demandait de jouer Bonne Jolie pour la 15ème fois, avec une diction qui portait les stigmates de l'abus de gin tonic, Une question existentielle est née en moi. Nous jouons en effet beaucoup de chansons, mais je réalisais que dans la plupart des cas, je ne savais pas exactement de quoi parler ces chansons. Chemin faisant, je me suis dit que j'étais probablement pas seul dans ce cas, et j'ai décidé de commencer ce podcast pour inspecter, disséquer et éplucher les paroles des grands tubes anglais, mais dans la langue de Victor Hugo ou de Frank Ribéry, c'est selon. Et le tout dans un format court et j'espère divertissant. Dans notre dernier épisode, on s'était penché sur le cas d'un sacré candidat en la personne de Leonard Cohen et sa chanson Alléluia, un opus magnum de 45 minutes que je vous invite évidemment à aller écouter. Une histoire longue et compliquée, des paroles aussi riches que complexes, autant vous dire qu'en terminant le troisième épisode, j'avais vraiment l'impression d'avoir terminé un marathon. Je m'excuse d'avoir dû dépasser les 25 minutes d'émission que je m'étais promis de tenir initialement, mais avec un mastodonte comme Alléluia, c'était vraiment difficile de faire plus court. Quoi qu'il en soit, pour ce quatrième épisode, j'ai volontairement jeté mon dévolu sur une chanson dont l'histoire est sensiblement plus simple, voire carrément à l'opposé, jugez plutôt. Alléluia a pris plusieurs années d'écriture douloureuse. Les paroles de la chanson du jour ont pris littéralement 5 minutes de boulot. Alléluia a été un échec commercial au début et il aura fallu qu'il s'y mette à plusieurs pour la rendre célèbre, alors que notre chanson du jour a été un succès immédiat à sa sortie. Alléluia dans ses différentes versions propose des paroles allant de mystérieuses à carrément cryptiques, alors que notre chanson du jour propose des paroles claires et plutôt explicites. Et enfin, Alléluia a été jouée dans des églises quand le clip de la chanson du jour a été interdit pendant plusieurs années en Irlande à cause d'une utilisation de l'imagerie religieuse qui avait moyennement fait rire l'église catholique à l'époque. Donc aujourd'hui, nous allons regarder de plus près la chanson « Losing my religion » du groupe REM. REM, c'est si vous vous adressez à un français. Et si vous parlez à n'importe qui d'autre qu'un français, je vous conseille plutôt de prononcer REM. Et si vous n'êtes pas à l'aise avec la langue d'Emma Watson, voilà un petit moyen mnémotechnique pour arriver à vos fins. REM. A-RI comme Harry Potter. Et M comme la lettre. Voyez, c'est pas compliqué. Mais rassurez-vous, pour la suite, on va continuer de dire REM d'une manière bien franchouillarde, qui sent bon le pâté de campagne. et la grève surprise des trains une veille de départ en vacances. Et puisqu'on parle du nom du groupe, j'en profite pour faire une rapide digression. REM signifie Rapid Eye Movement, mouvement oculaire rapide. Du coup, MOOR, ce qui marche un petit peu moins bien en français, on ne va pas se mentir. Il faut aussi noter qu'en choisissant leur nom, le groupe n'avait pas l'intention de faire une référence particulière au rêve. Ils auraient, selon toute vraisemblance, et aussi selon Wikipédia, choisi le nom au hasard dans un dictionnaire. Ce qui, avec le recul, était un choix plutôt heureux quand on sait que dans les autres idées, il y avait aussi le nom « cans of peace » qui littéralement traduit « donnes canettes de peace » . Mais heureusement, c'est REM qui l'a emporté. « Losing my religion » donc. Même si le propos de ce podcast est de se consacrer aux paroles, il faut quand même dire qu'il y a trois ingrédients qui ont contribué à faire de cette chanson le tube incontournable qui hante les ondes radio depuis 1991. Une ligne mélodique imparable pour le chant. Un rythme plutôt enlevé pour des paroles qui, nous allons le voir juste après, ne sont pas très très joyeuses. Un clip à l'imagerie forte qui a marqué les esprits. Et cette diablerie d'accompagnement jouée à la mandoline qui donne à cette chanson son caractère si unique. Alors la mandoline, si vous ne voyez pas ce que c'est, imaginez une petite guitare qui ferait la taille d'un chat en gora et qui sonne relativement aigu genre comme ça.

  • Speaker #1

    C'est un peu moins chouette que ça.

  • Speaker #0

    Je vais te faire une oeuvre que tu ne pourras pas refuser. C'est en effet avec la mandoline que commence l'histoire de Losing My Religion. On est un beau soir de 1987 et Peter Buck, le guitariste en chef de REM, est assis dans son canapé à gratouiller distraitement la mandoline qu'il venait d'acheter. REM venait de finir une longue tournée pour le lancement de leur sixième album, Green. Et justement, notre ami Peter Buck ressentait le besoin de se mettre au vert. Il ressentait le besoin d'explorer autre chose que la guitare. Il attrape donc sa mandoline sur son canapé, gratouille, gratouille encore et le miracle. Ce petit début de motif mélodique lui tombe sous les doigts. Il enregistre le tout et garde son idéo show jusqu'à l'été 1990 où commence l'enregistrement de Out of Time. Notre ami Peter Buck présente son idée aux autres membres du groupe qui, sans presse d'ajouter les habituelles parties de batterie, guitare et basse. La démo finit à son tour sur la table de travail de Michael Stipe, le chanteur avec pour titre provisoire Sugarcane, canne à sucre. Ni une ni deux, Michael Stipe s'exécute. Il part avec la cassette sous le bras, passe et repasse la musique en boucle en faisant les 100 pas, et écrit les paroles en à peine quelques minutes. Il dira plus tard que l'écriture de Losing My Religion a été si rapide qu'il ne se rappelle à peine des détails de la séance d'écriture. Il se rappellera juste que les paroles sont sorties de lui naturellement comme une sorte d'épiphanie, ce qui ne manque pas de sel pour une chanson intitulée Losing My Religion. Une fois les paroles écrites, direction le studio pour l'enregistrement. Tout le monde s'exécute et au moment d'enregistrer le chant, Michael Stipe met tout le monde dehors et se met en tête d'enregistrer la voix en une seule prise. Ce qui est peu conventionnel puisqu'en général, un enregistrement de musique se fait en plusieurs prises dont on garde les meilleures parties ensuite. Quoi qu'il en soit, Stipe avait en tête de faire passer une émotion brute et sans artifice. Et c'est sous l'œil d'un ingé son en pleine digestion et pas tellement concerné par ce qu'il se passait dans la cabine d'enregistrement que Stipe va décider de se mettre à nu, au propre comme au figuré. En effet, le dilettantisme du technicien sonore va mettre notre chanteur de plutôt mauvaise humeur et combiné à la chaleur estivale en plus de l'émotion du moment, notre bon vieux Michael commence à avoir des bouffées de chaleur. Tant et si bien qu'il tombe la chemise, il tombe le pantalon et se lance dans l'enregistrement du titre légendaire avec son slip pour tout vêtement. Donc la prochaine fois que vous entendrez Losing My Religion, imaginez juste un Michael Stipe en slip, tout ronchonchon et en train de gesticuler derrière son micro par un soir d'été de 1990. Non, non, ne me remerciez pas, ça me fait vraiment plaisir, vraiment. D'ailleurs, peut-être que sans l'attitude pleine d'amateurisme de cet ingé son, « Losing my religion » n'aurait pas été ce qu'elle est devenue, et peut-être que le chant aurait été moins émotionnel. On ne le saura évidemment jamais, ça restera dans l'histoire non écrite de la musique, mais c'est une théorie qui a le mérite d'être amusante. Quoi qu'il en soit, il est temps pour nous de lire la traduction des paroles pour nous mettre dans l'ambiance. Pour les paroles en anglais, je vous invite à consulter votre moteur de recherche préféré. « Losing my religion » Oh la vie ! La vie est plus grande, plus grande que toi, et toi tu n'es pas à moi. Jusqu'où je suis prêt à aller ? La distance dans ton regard ? Ah non, j'en ai trop dit. J'ai tout déclenché. Me voilà dans le coin, me voilà sous les projecteurs, en train de perdre au pied, essayant de te suivre. Je ne sais pas si j'en suis capable. Ah non, j'en ai trop dit. J'en ai pas dit assez. Je croyais t'avoir entendu rire. Je croyais t'avoir entendu chanter. Je croyais t'avoir vu essayer. À chaque murmure, à chaque heure d'éveil, je choisis mes aveux. J'essaye de garder un œil sur toi, comme un idiot blessé, perdu et aveugle. Ah non, j'en ai trop dit, j'ai tout déclenché. Réfléchis à ça, prends ça comme l'indice du siècle, prends ça comme l'erreur qui m'a mis à genoux. Raté. Et si toutes ces illusions se mettaient à tourbillonner autour de moi ? Maintenant j'en ai trop dit. Je croyais t'avoir entendu rire, je croyais t'avoir entendu chanter. Je croyais t'avoir vu essayer, mais ce n'était qu'un rêve, ce n'était qu'un rêve. Me voilà dans le coin, me voilà sous les projecteurs, en train de perdre pied, essayant de te suivre. Je ne sais pas si j'en suis capable. Oh non, j'en ai trop dit, j'en ai pas dit assez. Je croyais t'avoir entendu rire, je croyais t'avoir entendu chanter, je croyais t'avoir vu essayer, mais ce n'était qu'un rêve. Essayer, pleurer, s'envoler, essayer. Ce n'était qu'un rêve, juste un rêve. Alors, commençons par le commencement. Il ne vous aura pas échappé qu'en fait la chanson ne parle pas du tout de religion. Et c'est probablement une des idées reçues les plus courantes auprès de ceux qui ont pris le titre au pied de la lettre. En fait, « Losing my religion » est une expression qui vient du sud des Etats-Unis. Cette expression n'a pas vraiment d'équivalent en français. Elle désigne un état de frustration, de perte de calme, un sentiment de désespoir. En gros, ce serait un peu un mélange de perdre pied, perdre la tête, toucher le fond et perdre la foi en même temps. Donc cette chanson relate une discussion imaginaire entre le narrateur et une autre personne dont l'identité n'est pas révélée. Et il commence par poser le décor. « Oh la vie, la vie est plus grande, plus grande que toi, et tu n'es pas moi. » La chanson commence par une sorte de complainte. « Oh la vie. » On sent bien que ce n'est pas un aspect positif de la vie qu'il va nous présenter ici. Ici, il tente de relativiser une douleur vécue au niveau personnel. Il rappelle que la vie est plus vaste que cette personne, plus vaste que cette obsession qui l'habite, comme pour essayer de se rassurer. Mais cette affirmation sonne un peu faux, comme une tentative d'autopersuasion fragile. Car ce qu'il ressent et ce qu'il vit sentent précisément tout engloutir. Le fait de dire « tu n'es pas moi » exprime une solitude radicale dans un état d'esprit que l'autre ne ressent pas. Et c'est aussi une façon de se rappeler à lui-même sa propre individualité tant il est captivé par cette autre personne. Ça sonne presque comme une tentative de se dire à lui-même « hé, arrête de penser à cette personne, parce que la vie est plus importante que ça » . Tu est plus important que ça. D'emblée, on peut sentir qu'il y a une distance entre le narrateur et l'objet de son attention. Distance clairement soulignée par le vers suivant, la distance dans ton regard, et jusqu'où je suis prêt à aller. Il est prêt à tout sacrifier, à s'éloigner de lui-même, à se transformer pour combler ce fossé. Mais en face, l'autre reste froid, inaccessible. C'est un contraste qui souligne la tension permanente qui traverse toute la chanson. Celle d'un sentiment non partagé. Et là, on se doit de lâcher le mot. Il s'agit probablement d'amour, peut-être de désir, et plus généralement d'obsession. Il termine ce premier couplet avec « Oh non, j'en ai trop dit, j'ai tout déclenché » , qui marque davantage l'ambiguïté de ses intentions. On sent d'un côté le désir ardent de se rapprocher de cette personne, et dans le même temps, la peur de se dévoiler. On arrive maintenant au refrain, où il dit « Me voilà dans le coin » . Me voilà sous les projecteurs en train de perdre pied. Losing my religion. C'est l'image centrale de la chanson. Il se sent exposé, vulnérable et observé. Le coin évoque l'exclusion, la honte et aussi la réticence du protagoniste à approcher l'objet de son obsession. C'est aussi le coin dans lequel il se cache pour ne pas être vu ou découvert. Les projecteurs, eux, montrent que cette douleur est visible, comme s'il était mis à nu devant tous. Et il perd pied. Ce n'est pas seulement une perte de contrôle, c'est un effondrement intérieur. Il perd ses repères, ses certitudes, son équilibre émotionnel. Malgré sa volonté de cacher ses sentiments, il se retrouve dans une espèce de paranoïa où lui et ses sentiments seraient vus et perçus de tous. L'une des phrases les plus marquantes reviendra comme un leitmotiv. « Oh non, j'en ai trop dit, j'en ai pas dit assez. » Cette contradiction résume parfaitement son état d'esprit. Il regrette d'avoir montré sa vulnérabilité, mais il sent aussi qu'il n'a pas réussi à dire l'essentiel, comme dans une tentative échouée d'approcher l'être tant désiré. Il est pris au piège de son propre silence et de ses paroles maladroites. Il revit des moments flous, je croyais avoir entendu rire, chanter, essayer. Ce sont peut-être des souvenirs réels, ou peut-être des projections. Il ne sait plus faire la différence entre ce qu'il a vu et ce qu'il a espéré. Il vit dans l'ombre du doute. Dans le couplet suivant, Le ton devient plus intériorisé, plus troublé. Le narrateur dit qu'il choisit ses confessions, qu'il garde un œil sur l'autre comme un idiot blessé, perdu et aveugle. Donc c'est l'image d'un homme qui tente de surveiller l'objet de son obsession, alors qu'il est lui-même incapable de voir clair. Il est dans une boucle d'attente et de surinterprétation. L'amour devient une sorte de prière silencieuse, presque religieuse, où chaque mot, chaque geste est pesé, retenu, puis regretté. Puis vient cette montée dramatique, prends ça comme l'indice du siècle, prends ça comme l'erreur qui m'a mis à genoux. Là, il parle d'un moment décisif, peut-être un mot dit trop tôt, une confession, un geste qui a tout changé, et malgré son incapacité à faire comprendre ses sentiments à l'autre, il s'est résolu à se dévoiler au travers d'un indice. Ici, on peut noter que l'expression « indice du siècle » est probablement utilisée de façon ironique, pour se moquer de sa propre timidité. Selon lui, cet indice qu'il a donné, c'est vraiment le maximum qu'il pouvait faire, et pourtant ça ne reste qu'une allusion maladroite qui sera vouée à rester incomprise de l'autre. Malheureusement cet indice du siècle ne porte pas ses fruits, et la tentative tourne à l'échec avec cette question qui revient, Et si toutes ces illusions se mettaient à tourner autour de moi ? C'est une prise de conscience douloureuse. Et si tout cela, en fait, cette relation, ces espoirs, ces gestes, si tout cela n'était que des fantasmes ou des rêveries issues de son imagination ? Donc, après avoir chanté le refrain de nouveau, la conclusion sans appel tombe. Ce n'était qu'un rêve. Il répète cette phrase comme une incantation, comme une résignation. Il réalise qu'il est seul avec son rêve. L'histoire n'a existé que dans sa tête. Les mots de la fin, essayer, pleurer, s'envoler, essayer, disent la boucle infinie de la souffrance, le va-et-vient entre l'espoir et l'abandon. Et les derniers mots viennent conclure l'histoire de façon définitive, ce n'était qu'un rêve, juste un rêve, c'était juste un rêve. Alors voilà, je suis désolé de vous apprendre que toutes les agitations de notre bon Michael ne connaîtront pas de fin heureuse, pas dans cette chanson-là en tout cas. Alors, qu'est-ce qu'on peut retenir de tout ça ? Bon, de façon évidente, on peut déjà commencer par dire de nouveau que « Losing my religion » n'est pas une chanson qui tourne autour des questions spirituelles. Loin de toute considération éthérée, la chanson traite d'un sujet on ne peut plus humain et universel. L'obsession et l'amour inavoués pour une personne qui ne partage pas les mêmes sentiments. Enfin, on peut supposer que ce n'est pas le cas, parce que si on regarde attentivement les paroles, on voit qu'il s'agit principalement d'un monologue ou d'une complainte solitaire du narrateur. La personne qui est l'objet de toutes ces attentions ne jouent en effet pas de rôle actif dans cette histoire. D'ailleurs, on peut aussi remarquer que le texte est écrit de telle façon que n'importe qui peut se l'approprier. Il s'agit juste d'une déclaration faite à la première personne qui peut fonctionner pour n'importe quel cas de figure, indépendamment du sexe des personnages, rendant de fait le texte accessible à tous. Alors pourquoi cette chanson qui parle d'un sujet plutôt triste est-elle certifiée platine dans plus d'une dizaine de pays ? Pourquoi cette chanson compte-t-elle plus de 1,6 milliard de streams sur Spotify ? et 1,3 milliard de vues sur YouTube. Probablement parce que les paroles ont su capturer un sentiment que tout le monde a vécu au moins une fois dans sa vie. Le sentiment de l'amour contrarié qui oscille entre la timidité enfantine qui consiste à ne pas oser et le désir ardent qui consime celui ou celle qui s'est épris d'une personne dont les sentiments ne sont pas forcément réciproques. Losing My Religion a su cristalliser cette fragilité juvénile prise en étau entre le manque de confiance en soi et la volonté de franchir le pas, d'oser. D'ailleurs, Stipe comparera le thème de la chanson à celle de The Police, Every Breath You Take, en disant « C'est juste une chanson pop classique sur l'obsession. J'ai toujours pensé que les meilleures chansons sont celles que n'importe qui peut écouter, s'y reconnaître et se dire « Ouais, ça c'est moi » . Eh ben mon bon Michael, je pense que c'est réussi. » Alors, il faut aussi ajouter que les paroles sont servies sur une musique au tempo plutôt rapide avec une instrumentation plutôt légère, voire solaire par certains aspects. Ici, REM a su éviter l'écueil de rendre la musique lourde et pleine de pathos, ce qui en aurait fait quelque chose de probablement trop dramatique et trop lourdingue. Pour terminer, vous permettrez au guitariste que je suis d'y aller de mon petit commentaire sur la musique en elle-même. Sans vous assommer de détails techniques, l'enchaînement d'accords passe rapidement tout au long de la chanson du majeur au mineur. Alors en bref, les accords majeurs sont souvent perçus comme plutôt gais et les accords mineurs comme plutôt tristes. Donc on a une musique au tempo rapide qui alterne entre accord majeur et accord mineur, le tout saupoudré de mandoline qui a une sonorité lumineuse en même temps qu'un peu mélancolique. Le tout combiné donne cette impression d'ambiguïté. Ambiguïté dans la musique, ambiguïté dans les paroles dont le but est finalement de souligner ce sentiment profond d'attraction, distance, qui est à la base de la dynamique de Losing My Religion. Enfin, il faut noter qu'en 1991, année bénie s'il en est, L'ambiance sur les ondes FM était plutôt à la tatane dans les gencives côté musique. Si vous n'y étiez pas ou si vous avez oublié, laissez-moi vous éclairer. Donc quand REM s'est pointé au milieu de la mitraille de guitare saturée avec son Losing My Religion, tout en subtilité et un sujet qui parlait au plus grand nombre, il y a fort à parier que les adolescents du monde entier n'ont pas eu trop de problèmes à s'identifier à la chanson. Alors ne me faites pas dire ce que je n'ai pas dit. La mitraille de guitare et les riffs massus qui vous arrivent en pleine mâchoire sans crier gare, je suis plutôt pour. Ici je dis juste que REM est sans doute arrivé à un moment avec un message qui a su parler au public différemment, en faisant résonner autre chose en eux, quelque chose de plus personnel, plus intime, quelque chose... qui dépasse l'usure du temps et qui reste d'actualité quelles que soient les générations qui posent leurs oreilles sur Losing My Religion. Voilà, j'espère que ce quatrième épisode vous aura permis d'en apprendre un peu plus sur Losing My Religion de REM. Si vous avez des remarques et des commentaires à me partager, n'hésitez surtout pas à m'écrire à l'adresse thelyricheunter.gmail.com que vous trouverez aussi en description et je vous lirai avec plaisir. Avant de vous laisser, je vous ai préparé une petite rubrique pour finir sur une note sucrée. Dans cette dernière rubrique, j'ai fait un petit mélange de trois émissions que je suis assidûment. Le podcast Le Bon, le Culte et le Navrant, qui parle de films cultes et des déclinaisons qu'ils ont inspirées. Super Cover Battle, qui classe les reprises de chansons animées par Maxime et Damien. Musique Déviante, qui parle de tout ce que la musique compte d'artistes originaux, pour qui sortir des sentiers battus est un devoir et ou une nécessité. Pour cette dernière rubrique, intitulée Le Bon, la Brute et le Truant, je vais vous proposer trois versions de la chanson. une version qu'on va dire magnifiée de l'original qui sera le bon, une version de la chanson qui se permet une revisite osée ou décalée pour la brute, et le truand, ça c'est mon goût pour les trucs déviants, il va s'agir d'une reprise malfagotée, feignante ou crapuleuse, car, comme dit le philosophe, si on n'a jamais connu le goût fade d'un vieux sandwich tiède, servi sans amour dans une station-service au bord de l'A7 un soir de décembre maussade, Comment pourrait-on savourer platement les joies de quelques soissons avec de la bonne soivre, un porcelet, une chèvre rôtie, quelques signes blancs bien poivrés ? Je vous le demande. Alors on va commencer par le truand, ou plutôt les truands, en la personne du groupe Cello et Luddy. Je vous confesse qu'ils auraient pu finir dans la catégorie brute, parce qu'ils m'ont l'air de boucre tout à fait sympathique et que la musique qu'ils font est plutôt faite pour donner la banane. Donc on ne peut pas les suspecter de penser à mal. Mais bon... Maintenant qu'on sait tout ce qu'il y a à savoir sur la chanson de REM, on est quand même dans un hors sujet assez flagrant. Un peu comme ce mauvais élève qui vient vous rendre une copie ratée et qu'on n'a pas envie de trop saquer parce qu'il est nul, certes, mais sympathique au fond. Pour la brute, j'ai eu un choix difficile à faire et je me suis finalement dit à moi-même « Oh la vie, la vie est plus grande que vous et vous n'êtes pas moi » . Dans le coin gauche du ring, j'avais une version assez marrante de la part du groupe Whiskey Shivers. Une version pleine de bluegrass, de banjo, de pancake et de sirop d'érable. Mais, mais, mais, mais, mais, dans le coin droit du ring, j'avais une version de Losing My Religion, comme vous ne l'avez jamais entendu, et je veux bien manger mon poids en pancake si ce n'est pas le cas. Alors certes, dans cette version, ils ont utilisé la voix de l'original avec le chant de Michael Stipe. C'est un petit détail que je trouve un peu dommage, mais pour le reste, vous allez être sacrément dépaysés avec cette version remixée et jouée par le Ali Farka Touré Band. Et enfin, avant d'arriver sur le bon, je dois vous dire que j'ai dû écumer des dizaines de reprises feignantes dans le style techno lounge. Reprises qui s'écoutent certainement très bien dans le contexte du sushi asia buda lounge barre d'à côté, mais qui n'apportent vraiment rien à part peut-être une meilleure digestion de vos rouleaux de printemps arrosés de sauce soja. Cette jolie version intimiste portée par trois chanteuses a le mérite de s'affranchir du petit motif à la mandoline, Absence qu'elles ont intelligemment compensée. en reprenant un autre motif joué au milieu du morceau original pour en faire un gimmick à leur façon. C'est joli, c'est doux et on retrouve un peu de cette fragilité présente partout en filigrane dans le Losing My Religion original. Voilà, c'était Lyric Hunter épisode 4 consacré à Losing My Religion de REM. Merci de m'avoir écouté et à très bientôt pour l'épisode 5. Maintenant, je vous laisse pour un moment de douceur en compagnie de Applewood Road.

  • Speaker #2

    Oh, la vie est plus grande, plus grande que toi, que tu n'es pas moi. Les longues que je vais aller, la distance dans tes yeux. Oh non, j'ai dit trop. J'ai fait ça. C'est moi dans le coin, c'est moi dans le endroit, en perdant ma religion. J'essaie de te garder, et je ne sais pas si je peux le faire. Oh non, j'ai dit trop de choses, je n'ai pas dit assez. Every whisper, every waking hour I'm choosing my confessions Trying to keep an eye on you Like I heard lots of lines before Oh no, I've said too much I've set it up

Description

Dans cet épisode consacré à Losing My Religion on va analyser les paroles de la fameuse chanson de R.E.M. Mais on va aussi parler de Sandwich tiède, de Chat Angora , de digestion difficile , de Gin Tonic , et un peu de mandoline.

Si vous avez des remarques, des commentaires à me partager , n’hésitez surtout pas à m’écrire à l’adresse thelyrichunter@gmail.com

Bonne écoute.

Misha


Hébergé par Ausha. Visitez ausha.co/politique-de-confidentialite pour plus d'informations.

Transcription

  • Speaker #0

    parce que Odile est à chercher partout Bonjour à tous et bienvenue dans ce quatrième épisode de Lyric Hunter, le podcast qui explore les paroles des chansons anglaises mais en français. Moi c'est Misha. Je suis 50% français, 50% suisse, 100% guitariste amateur. En effet, pendant mes week-ends, je joue régulièrement dans un groupe qui anime les soirées du bar irlandais du coin. Qui dit bar irlandais dit répertoire anglophone et dit donc chanson en anglais. Et un beau jour, alors qu'un aimable client demandait de jouer Bonne Jolie pour la 15ème fois, avec une diction qui portait les stigmates de l'abus de gin tonic, Une question existentielle est née en moi. Nous jouons en effet beaucoup de chansons, mais je réalisais que dans la plupart des cas, je ne savais pas exactement de quoi parler ces chansons. Chemin faisant, je me suis dit que j'étais probablement pas seul dans ce cas, et j'ai décidé de commencer ce podcast pour inspecter, disséquer et éplucher les paroles des grands tubes anglais, mais dans la langue de Victor Hugo ou de Frank Ribéry, c'est selon. Et le tout dans un format court et j'espère divertissant. Dans notre dernier épisode, on s'était penché sur le cas d'un sacré candidat en la personne de Leonard Cohen et sa chanson Alléluia, un opus magnum de 45 minutes que je vous invite évidemment à aller écouter. Une histoire longue et compliquée, des paroles aussi riches que complexes, autant vous dire qu'en terminant le troisième épisode, j'avais vraiment l'impression d'avoir terminé un marathon. Je m'excuse d'avoir dû dépasser les 25 minutes d'émission que je m'étais promis de tenir initialement, mais avec un mastodonte comme Alléluia, c'était vraiment difficile de faire plus court. Quoi qu'il en soit, pour ce quatrième épisode, j'ai volontairement jeté mon dévolu sur une chanson dont l'histoire est sensiblement plus simple, voire carrément à l'opposé, jugez plutôt. Alléluia a pris plusieurs années d'écriture douloureuse. Les paroles de la chanson du jour ont pris littéralement 5 minutes de boulot. Alléluia a été un échec commercial au début et il aura fallu qu'il s'y mette à plusieurs pour la rendre célèbre, alors que notre chanson du jour a été un succès immédiat à sa sortie. Alléluia dans ses différentes versions propose des paroles allant de mystérieuses à carrément cryptiques, alors que notre chanson du jour propose des paroles claires et plutôt explicites. Et enfin, Alléluia a été jouée dans des églises quand le clip de la chanson du jour a été interdit pendant plusieurs années en Irlande à cause d'une utilisation de l'imagerie religieuse qui avait moyennement fait rire l'église catholique à l'époque. Donc aujourd'hui, nous allons regarder de plus près la chanson « Losing my religion » du groupe REM. REM, c'est si vous vous adressez à un français. Et si vous parlez à n'importe qui d'autre qu'un français, je vous conseille plutôt de prononcer REM. Et si vous n'êtes pas à l'aise avec la langue d'Emma Watson, voilà un petit moyen mnémotechnique pour arriver à vos fins. REM. A-RI comme Harry Potter. Et M comme la lettre. Voyez, c'est pas compliqué. Mais rassurez-vous, pour la suite, on va continuer de dire REM d'une manière bien franchouillarde, qui sent bon le pâté de campagne. et la grève surprise des trains une veille de départ en vacances. Et puisqu'on parle du nom du groupe, j'en profite pour faire une rapide digression. REM signifie Rapid Eye Movement, mouvement oculaire rapide. Du coup, MOOR, ce qui marche un petit peu moins bien en français, on ne va pas se mentir. Il faut aussi noter qu'en choisissant leur nom, le groupe n'avait pas l'intention de faire une référence particulière au rêve. Ils auraient, selon toute vraisemblance, et aussi selon Wikipédia, choisi le nom au hasard dans un dictionnaire. Ce qui, avec le recul, était un choix plutôt heureux quand on sait que dans les autres idées, il y avait aussi le nom « cans of peace » qui littéralement traduit « donnes canettes de peace » . Mais heureusement, c'est REM qui l'a emporté. « Losing my religion » donc. Même si le propos de ce podcast est de se consacrer aux paroles, il faut quand même dire qu'il y a trois ingrédients qui ont contribué à faire de cette chanson le tube incontournable qui hante les ondes radio depuis 1991. Une ligne mélodique imparable pour le chant. Un rythme plutôt enlevé pour des paroles qui, nous allons le voir juste après, ne sont pas très très joyeuses. Un clip à l'imagerie forte qui a marqué les esprits. Et cette diablerie d'accompagnement jouée à la mandoline qui donne à cette chanson son caractère si unique. Alors la mandoline, si vous ne voyez pas ce que c'est, imaginez une petite guitare qui ferait la taille d'un chat en gora et qui sonne relativement aigu genre comme ça.

  • Speaker #1

    C'est un peu moins chouette que ça.

  • Speaker #0

    Je vais te faire une oeuvre que tu ne pourras pas refuser. C'est en effet avec la mandoline que commence l'histoire de Losing My Religion. On est un beau soir de 1987 et Peter Buck, le guitariste en chef de REM, est assis dans son canapé à gratouiller distraitement la mandoline qu'il venait d'acheter. REM venait de finir une longue tournée pour le lancement de leur sixième album, Green. Et justement, notre ami Peter Buck ressentait le besoin de se mettre au vert. Il ressentait le besoin d'explorer autre chose que la guitare. Il attrape donc sa mandoline sur son canapé, gratouille, gratouille encore et le miracle. Ce petit début de motif mélodique lui tombe sous les doigts. Il enregistre le tout et garde son idéo show jusqu'à l'été 1990 où commence l'enregistrement de Out of Time. Notre ami Peter Buck présente son idée aux autres membres du groupe qui, sans presse d'ajouter les habituelles parties de batterie, guitare et basse. La démo finit à son tour sur la table de travail de Michael Stipe, le chanteur avec pour titre provisoire Sugarcane, canne à sucre. Ni une ni deux, Michael Stipe s'exécute. Il part avec la cassette sous le bras, passe et repasse la musique en boucle en faisant les 100 pas, et écrit les paroles en à peine quelques minutes. Il dira plus tard que l'écriture de Losing My Religion a été si rapide qu'il ne se rappelle à peine des détails de la séance d'écriture. Il se rappellera juste que les paroles sont sorties de lui naturellement comme une sorte d'épiphanie, ce qui ne manque pas de sel pour une chanson intitulée Losing My Religion. Une fois les paroles écrites, direction le studio pour l'enregistrement. Tout le monde s'exécute et au moment d'enregistrer le chant, Michael Stipe met tout le monde dehors et se met en tête d'enregistrer la voix en une seule prise. Ce qui est peu conventionnel puisqu'en général, un enregistrement de musique se fait en plusieurs prises dont on garde les meilleures parties ensuite. Quoi qu'il en soit, Stipe avait en tête de faire passer une émotion brute et sans artifice. Et c'est sous l'œil d'un ingé son en pleine digestion et pas tellement concerné par ce qu'il se passait dans la cabine d'enregistrement que Stipe va décider de se mettre à nu, au propre comme au figuré. En effet, le dilettantisme du technicien sonore va mettre notre chanteur de plutôt mauvaise humeur et combiné à la chaleur estivale en plus de l'émotion du moment, notre bon vieux Michael commence à avoir des bouffées de chaleur. Tant et si bien qu'il tombe la chemise, il tombe le pantalon et se lance dans l'enregistrement du titre légendaire avec son slip pour tout vêtement. Donc la prochaine fois que vous entendrez Losing My Religion, imaginez juste un Michael Stipe en slip, tout ronchonchon et en train de gesticuler derrière son micro par un soir d'été de 1990. Non, non, ne me remerciez pas, ça me fait vraiment plaisir, vraiment. D'ailleurs, peut-être que sans l'attitude pleine d'amateurisme de cet ingé son, « Losing my religion » n'aurait pas été ce qu'elle est devenue, et peut-être que le chant aurait été moins émotionnel. On ne le saura évidemment jamais, ça restera dans l'histoire non écrite de la musique, mais c'est une théorie qui a le mérite d'être amusante. Quoi qu'il en soit, il est temps pour nous de lire la traduction des paroles pour nous mettre dans l'ambiance. Pour les paroles en anglais, je vous invite à consulter votre moteur de recherche préféré. « Losing my religion » Oh la vie ! La vie est plus grande, plus grande que toi, et toi tu n'es pas à moi. Jusqu'où je suis prêt à aller ? La distance dans ton regard ? Ah non, j'en ai trop dit. J'ai tout déclenché. Me voilà dans le coin, me voilà sous les projecteurs, en train de perdre au pied, essayant de te suivre. Je ne sais pas si j'en suis capable. Ah non, j'en ai trop dit. J'en ai pas dit assez. Je croyais t'avoir entendu rire. Je croyais t'avoir entendu chanter. Je croyais t'avoir vu essayer. À chaque murmure, à chaque heure d'éveil, je choisis mes aveux. J'essaye de garder un œil sur toi, comme un idiot blessé, perdu et aveugle. Ah non, j'en ai trop dit, j'ai tout déclenché. Réfléchis à ça, prends ça comme l'indice du siècle, prends ça comme l'erreur qui m'a mis à genoux. Raté. Et si toutes ces illusions se mettaient à tourbillonner autour de moi ? Maintenant j'en ai trop dit. Je croyais t'avoir entendu rire, je croyais t'avoir entendu chanter. Je croyais t'avoir vu essayer, mais ce n'était qu'un rêve, ce n'était qu'un rêve. Me voilà dans le coin, me voilà sous les projecteurs, en train de perdre pied, essayant de te suivre. Je ne sais pas si j'en suis capable. Oh non, j'en ai trop dit, j'en ai pas dit assez. Je croyais t'avoir entendu rire, je croyais t'avoir entendu chanter, je croyais t'avoir vu essayer, mais ce n'était qu'un rêve. Essayer, pleurer, s'envoler, essayer. Ce n'était qu'un rêve, juste un rêve. Alors, commençons par le commencement. Il ne vous aura pas échappé qu'en fait la chanson ne parle pas du tout de religion. Et c'est probablement une des idées reçues les plus courantes auprès de ceux qui ont pris le titre au pied de la lettre. En fait, « Losing my religion » est une expression qui vient du sud des Etats-Unis. Cette expression n'a pas vraiment d'équivalent en français. Elle désigne un état de frustration, de perte de calme, un sentiment de désespoir. En gros, ce serait un peu un mélange de perdre pied, perdre la tête, toucher le fond et perdre la foi en même temps. Donc cette chanson relate une discussion imaginaire entre le narrateur et une autre personne dont l'identité n'est pas révélée. Et il commence par poser le décor. « Oh la vie, la vie est plus grande, plus grande que toi, et tu n'es pas moi. » La chanson commence par une sorte de complainte. « Oh la vie. » On sent bien que ce n'est pas un aspect positif de la vie qu'il va nous présenter ici. Ici, il tente de relativiser une douleur vécue au niveau personnel. Il rappelle que la vie est plus vaste que cette personne, plus vaste que cette obsession qui l'habite, comme pour essayer de se rassurer. Mais cette affirmation sonne un peu faux, comme une tentative d'autopersuasion fragile. Car ce qu'il ressent et ce qu'il vit sentent précisément tout engloutir. Le fait de dire « tu n'es pas moi » exprime une solitude radicale dans un état d'esprit que l'autre ne ressent pas. Et c'est aussi une façon de se rappeler à lui-même sa propre individualité tant il est captivé par cette autre personne. Ça sonne presque comme une tentative de se dire à lui-même « hé, arrête de penser à cette personne, parce que la vie est plus importante que ça » . Tu est plus important que ça. D'emblée, on peut sentir qu'il y a une distance entre le narrateur et l'objet de son attention. Distance clairement soulignée par le vers suivant, la distance dans ton regard, et jusqu'où je suis prêt à aller. Il est prêt à tout sacrifier, à s'éloigner de lui-même, à se transformer pour combler ce fossé. Mais en face, l'autre reste froid, inaccessible. C'est un contraste qui souligne la tension permanente qui traverse toute la chanson. Celle d'un sentiment non partagé. Et là, on se doit de lâcher le mot. Il s'agit probablement d'amour, peut-être de désir, et plus généralement d'obsession. Il termine ce premier couplet avec « Oh non, j'en ai trop dit, j'ai tout déclenché » , qui marque davantage l'ambiguïté de ses intentions. On sent d'un côté le désir ardent de se rapprocher de cette personne, et dans le même temps, la peur de se dévoiler. On arrive maintenant au refrain, où il dit « Me voilà dans le coin » . Me voilà sous les projecteurs en train de perdre pied. Losing my religion. C'est l'image centrale de la chanson. Il se sent exposé, vulnérable et observé. Le coin évoque l'exclusion, la honte et aussi la réticence du protagoniste à approcher l'objet de son obsession. C'est aussi le coin dans lequel il se cache pour ne pas être vu ou découvert. Les projecteurs, eux, montrent que cette douleur est visible, comme s'il était mis à nu devant tous. Et il perd pied. Ce n'est pas seulement une perte de contrôle, c'est un effondrement intérieur. Il perd ses repères, ses certitudes, son équilibre émotionnel. Malgré sa volonté de cacher ses sentiments, il se retrouve dans une espèce de paranoïa où lui et ses sentiments seraient vus et perçus de tous. L'une des phrases les plus marquantes reviendra comme un leitmotiv. « Oh non, j'en ai trop dit, j'en ai pas dit assez. » Cette contradiction résume parfaitement son état d'esprit. Il regrette d'avoir montré sa vulnérabilité, mais il sent aussi qu'il n'a pas réussi à dire l'essentiel, comme dans une tentative échouée d'approcher l'être tant désiré. Il est pris au piège de son propre silence et de ses paroles maladroites. Il revit des moments flous, je croyais avoir entendu rire, chanter, essayer. Ce sont peut-être des souvenirs réels, ou peut-être des projections. Il ne sait plus faire la différence entre ce qu'il a vu et ce qu'il a espéré. Il vit dans l'ombre du doute. Dans le couplet suivant, Le ton devient plus intériorisé, plus troublé. Le narrateur dit qu'il choisit ses confessions, qu'il garde un œil sur l'autre comme un idiot blessé, perdu et aveugle. Donc c'est l'image d'un homme qui tente de surveiller l'objet de son obsession, alors qu'il est lui-même incapable de voir clair. Il est dans une boucle d'attente et de surinterprétation. L'amour devient une sorte de prière silencieuse, presque religieuse, où chaque mot, chaque geste est pesé, retenu, puis regretté. Puis vient cette montée dramatique, prends ça comme l'indice du siècle, prends ça comme l'erreur qui m'a mis à genoux. Là, il parle d'un moment décisif, peut-être un mot dit trop tôt, une confession, un geste qui a tout changé, et malgré son incapacité à faire comprendre ses sentiments à l'autre, il s'est résolu à se dévoiler au travers d'un indice. Ici, on peut noter que l'expression « indice du siècle » est probablement utilisée de façon ironique, pour se moquer de sa propre timidité. Selon lui, cet indice qu'il a donné, c'est vraiment le maximum qu'il pouvait faire, et pourtant ça ne reste qu'une allusion maladroite qui sera vouée à rester incomprise de l'autre. Malheureusement cet indice du siècle ne porte pas ses fruits, et la tentative tourne à l'échec avec cette question qui revient, Et si toutes ces illusions se mettaient à tourner autour de moi ? C'est une prise de conscience douloureuse. Et si tout cela, en fait, cette relation, ces espoirs, ces gestes, si tout cela n'était que des fantasmes ou des rêveries issues de son imagination ? Donc, après avoir chanté le refrain de nouveau, la conclusion sans appel tombe. Ce n'était qu'un rêve. Il répète cette phrase comme une incantation, comme une résignation. Il réalise qu'il est seul avec son rêve. L'histoire n'a existé que dans sa tête. Les mots de la fin, essayer, pleurer, s'envoler, essayer, disent la boucle infinie de la souffrance, le va-et-vient entre l'espoir et l'abandon. Et les derniers mots viennent conclure l'histoire de façon définitive, ce n'était qu'un rêve, juste un rêve, c'était juste un rêve. Alors voilà, je suis désolé de vous apprendre que toutes les agitations de notre bon Michael ne connaîtront pas de fin heureuse, pas dans cette chanson-là en tout cas. Alors, qu'est-ce qu'on peut retenir de tout ça ? Bon, de façon évidente, on peut déjà commencer par dire de nouveau que « Losing my religion » n'est pas une chanson qui tourne autour des questions spirituelles. Loin de toute considération éthérée, la chanson traite d'un sujet on ne peut plus humain et universel. L'obsession et l'amour inavoués pour une personne qui ne partage pas les mêmes sentiments. Enfin, on peut supposer que ce n'est pas le cas, parce que si on regarde attentivement les paroles, on voit qu'il s'agit principalement d'un monologue ou d'une complainte solitaire du narrateur. La personne qui est l'objet de toutes ces attentions ne jouent en effet pas de rôle actif dans cette histoire. D'ailleurs, on peut aussi remarquer que le texte est écrit de telle façon que n'importe qui peut se l'approprier. Il s'agit juste d'une déclaration faite à la première personne qui peut fonctionner pour n'importe quel cas de figure, indépendamment du sexe des personnages, rendant de fait le texte accessible à tous. Alors pourquoi cette chanson qui parle d'un sujet plutôt triste est-elle certifiée platine dans plus d'une dizaine de pays ? Pourquoi cette chanson compte-t-elle plus de 1,6 milliard de streams sur Spotify ? et 1,3 milliard de vues sur YouTube. Probablement parce que les paroles ont su capturer un sentiment que tout le monde a vécu au moins une fois dans sa vie. Le sentiment de l'amour contrarié qui oscille entre la timidité enfantine qui consiste à ne pas oser et le désir ardent qui consime celui ou celle qui s'est épris d'une personne dont les sentiments ne sont pas forcément réciproques. Losing My Religion a su cristalliser cette fragilité juvénile prise en étau entre le manque de confiance en soi et la volonté de franchir le pas, d'oser. D'ailleurs, Stipe comparera le thème de la chanson à celle de The Police, Every Breath You Take, en disant « C'est juste une chanson pop classique sur l'obsession. J'ai toujours pensé que les meilleures chansons sont celles que n'importe qui peut écouter, s'y reconnaître et se dire « Ouais, ça c'est moi » . Eh ben mon bon Michael, je pense que c'est réussi. » Alors, il faut aussi ajouter que les paroles sont servies sur une musique au tempo plutôt rapide avec une instrumentation plutôt légère, voire solaire par certains aspects. Ici, REM a su éviter l'écueil de rendre la musique lourde et pleine de pathos, ce qui en aurait fait quelque chose de probablement trop dramatique et trop lourdingue. Pour terminer, vous permettrez au guitariste que je suis d'y aller de mon petit commentaire sur la musique en elle-même. Sans vous assommer de détails techniques, l'enchaînement d'accords passe rapidement tout au long de la chanson du majeur au mineur. Alors en bref, les accords majeurs sont souvent perçus comme plutôt gais et les accords mineurs comme plutôt tristes. Donc on a une musique au tempo rapide qui alterne entre accord majeur et accord mineur, le tout saupoudré de mandoline qui a une sonorité lumineuse en même temps qu'un peu mélancolique. Le tout combiné donne cette impression d'ambiguïté. Ambiguïté dans la musique, ambiguïté dans les paroles dont le but est finalement de souligner ce sentiment profond d'attraction, distance, qui est à la base de la dynamique de Losing My Religion. Enfin, il faut noter qu'en 1991, année bénie s'il en est, L'ambiance sur les ondes FM était plutôt à la tatane dans les gencives côté musique. Si vous n'y étiez pas ou si vous avez oublié, laissez-moi vous éclairer. Donc quand REM s'est pointé au milieu de la mitraille de guitare saturée avec son Losing My Religion, tout en subtilité et un sujet qui parlait au plus grand nombre, il y a fort à parier que les adolescents du monde entier n'ont pas eu trop de problèmes à s'identifier à la chanson. Alors ne me faites pas dire ce que je n'ai pas dit. La mitraille de guitare et les riffs massus qui vous arrivent en pleine mâchoire sans crier gare, je suis plutôt pour. Ici je dis juste que REM est sans doute arrivé à un moment avec un message qui a su parler au public différemment, en faisant résonner autre chose en eux, quelque chose de plus personnel, plus intime, quelque chose... qui dépasse l'usure du temps et qui reste d'actualité quelles que soient les générations qui posent leurs oreilles sur Losing My Religion. Voilà, j'espère que ce quatrième épisode vous aura permis d'en apprendre un peu plus sur Losing My Religion de REM. Si vous avez des remarques et des commentaires à me partager, n'hésitez surtout pas à m'écrire à l'adresse thelyricheunter.gmail.com que vous trouverez aussi en description et je vous lirai avec plaisir. Avant de vous laisser, je vous ai préparé une petite rubrique pour finir sur une note sucrée. Dans cette dernière rubrique, j'ai fait un petit mélange de trois émissions que je suis assidûment. Le podcast Le Bon, le Culte et le Navrant, qui parle de films cultes et des déclinaisons qu'ils ont inspirées. Super Cover Battle, qui classe les reprises de chansons animées par Maxime et Damien. Musique Déviante, qui parle de tout ce que la musique compte d'artistes originaux, pour qui sortir des sentiers battus est un devoir et ou une nécessité. Pour cette dernière rubrique, intitulée Le Bon, la Brute et le Truant, je vais vous proposer trois versions de la chanson. une version qu'on va dire magnifiée de l'original qui sera le bon, une version de la chanson qui se permet une revisite osée ou décalée pour la brute, et le truand, ça c'est mon goût pour les trucs déviants, il va s'agir d'une reprise malfagotée, feignante ou crapuleuse, car, comme dit le philosophe, si on n'a jamais connu le goût fade d'un vieux sandwich tiède, servi sans amour dans une station-service au bord de l'A7 un soir de décembre maussade, Comment pourrait-on savourer platement les joies de quelques soissons avec de la bonne soivre, un porcelet, une chèvre rôtie, quelques signes blancs bien poivrés ? Je vous le demande. Alors on va commencer par le truand, ou plutôt les truands, en la personne du groupe Cello et Luddy. Je vous confesse qu'ils auraient pu finir dans la catégorie brute, parce qu'ils m'ont l'air de boucre tout à fait sympathique et que la musique qu'ils font est plutôt faite pour donner la banane. Donc on ne peut pas les suspecter de penser à mal. Mais bon... Maintenant qu'on sait tout ce qu'il y a à savoir sur la chanson de REM, on est quand même dans un hors sujet assez flagrant. Un peu comme ce mauvais élève qui vient vous rendre une copie ratée et qu'on n'a pas envie de trop saquer parce qu'il est nul, certes, mais sympathique au fond. Pour la brute, j'ai eu un choix difficile à faire et je me suis finalement dit à moi-même « Oh la vie, la vie est plus grande que vous et vous n'êtes pas moi » . Dans le coin gauche du ring, j'avais une version assez marrante de la part du groupe Whiskey Shivers. Une version pleine de bluegrass, de banjo, de pancake et de sirop d'érable. Mais, mais, mais, mais, mais, dans le coin droit du ring, j'avais une version de Losing My Religion, comme vous ne l'avez jamais entendu, et je veux bien manger mon poids en pancake si ce n'est pas le cas. Alors certes, dans cette version, ils ont utilisé la voix de l'original avec le chant de Michael Stipe. C'est un petit détail que je trouve un peu dommage, mais pour le reste, vous allez être sacrément dépaysés avec cette version remixée et jouée par le Ali Farka Touré Band. Et enfin, avant d'arriver sur le bon, je dois vous dire que j'ai dû écumer des dizaines de reprises feignantes dans le style techno lounge. Reprises qui s'écoutent certainement très bien dans le contexte du sushi asia buda lounge barre d'à côté, mais qui n'apportent vraiment rien à part peut-être une meilleure digestion de vos rouleaux de printemps arrosés de sauce soja. Cette jolie version intimiste portée par trois chanteuses a le mérite de s'affranchir du petit motif à la mandoline, Absence qu'elles ont intelligemment compensée. en reprenant un autre motif joué au milieu du morceau original pour en faire un gimmick à leur façon. C'est joli, c'est doux et on retrouve un peu de cette fragilité présente partout en filigrane dans le Losing My Religion original. Voilà, c'était Lyric Hunter épisode 4 consacré à Losing My Religion de REM. Merci de m'avoir écouté et à très bientôt pour l'épisode 5. Maintenant, je vous laisse pour un moment de douceur en compagnie de Applewood Road.

  • Speaker #2

    Oh, la vie est plus grande, plus grande que toi, que tu n'es pas moi. Les longues que je vais aller, la distance dans tes yeux. Oh non, j'ai dit trop. J'ai fait ça. C'est moi dans le coin, c'est moi dans le endroit, en perdant ma religion. J'essaie de te garder, et je ne sais pas si je peux le faire. Oh non, j'ai dit trop de choses, je n'ai pas dit assez. Every whisper, every waking hour I'm choosing my confessions Trying to keep an eye on you Like I heard lots of lines before Oh no, I've said too much I've set it up

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