- Speaker #0
Sous-titrage Société Radio-Canada
- Speaker #1
Moi,
- Speaker #0
c'est Clémence, la petite voix de Previa. Tous les mois, je tends mon micro à un ou une experte Previa et à un ou une invitée pour échanger autour de problématiques rencontrées en entreprise. Ensemble, ils et elles nous partagent leurs conseils, leurs expériences et leurs solutions pour apprendre à gérer des situations complexes tout en améliorant la santé des équipes au travail. Vous êtes prêts ? Alors partons à leur rencontre ! Sous-titrage Société Radio-Can
- Speaker #1
On est en train de déguster nos cafés chez Bibou, un nouveau bistrot du quartier de l'île de Nantes. L'équipe de Bibou associe ce lieu à une grande histoire d'amour qu'on ressent dans nos chaises avec notre duo du jour. Bonjour Véronique.
- Speaker #2
Bonjour Clémence.
- Speaker #1
Tu es coach professionnel pour accompagner les managers désireux de transformer leurs émotions en un atout dans leur posture managériale. Bonjour Clémentine.
- Speaker #3
Bonjour Clémence.
- Speaker #1
Bon tu es psych... Écologue du travail chez Previa, et ça y est tu deviens une habituée de l'émission, Memo Duo, et merci d'être toujours présente pour partager avec nous les sujets. Et en parlant de sujets, je vous ai sollicité toutes les deux pour mettre en lumière aujourd'hui les émotions au travail. Le monde du travail c'est quand même un univers où la raison règne en maître. Mais c'est pas si simple, et entre les deadlines serrés, les réunions humeuses, les challenges quotidiens, les émotions s'invitent souvent dans la partie. Colère, frustration, joie, gratitude. Faut-il les exprimer ou les taire ? Et on remarque que la frontière est parfois peureuse et il faut trouver le juste milieu. Mais comment ? Est-ce que toutes les émotions sont bonnes à exprimer ? Est-ce que certaines émotions saoulent le collectif alors que d'autres les fragilisent ? La bienveillance est-elle compatible avec l'ambition ? Exprimons-nous nos émotions de la même manière et quelles sont les conséquences ? de terre s'est ressentie. Alors on va découvrir avec nos deux invités, donc Véronique et Clémentine, la place des émotions dans la sphère professionnelle. Avec leur regard d'expert et leurs expériences, on va briser des tabous et apporter des astuces concrètes pour mieux gérer les émotions au travail. Est-ce que vous êtes prêtes, mesdames, à surfer sur la vague émotionnelle ?
- Speaker #3
C'est parti ?
- Speaker #1
Alors on y va. Moi je voulais commencer l'émission avec une première question, un peu les clichés à la fin. qu'on va avoir. Certaines personnes estiment que les émotions n'ont pas leur place en entreprise. Pouvez-vous nous parler, toutes les deux, de l'importance de la gestion des émotions en entreprise et comment cela peut influencer le bien-être des employés ? En fait, quelle est votre perspective sur ce point ?
- Speaker #3
Alors c'est vrai que on est plutôt invité à aller gérer nos émotions quand on est en entreprise, à les taire, à les travestir. On dit qu'il y a parfois Les émotions sont normées socialement, surtout quand on est en entreprise. Faire une colère au travail, c'est souvent mal vu. Donc on va plutôt avoir tendance à réprimer nos émotions. Et d'ailleurs, la DARES a fait une étude en 2019, et il y a 65% des salariés qui déclarent cacher leurs émotions au travail. Donc il y a quand même beaucoup de personnes pour qui, aujourd'hui encore, ce n'est pas naturel d'exprimer ses émotions au travail, et surtout les émotions plutôt désagréables. On parle d'émotions négatives, je crois qu'avec Véronique, on est plutôt d'accord pour dire qu'une émotion n'est pas... négative ou positive, elle est plutôt agréable ou désagréable et c'est encore mal vu aujourd'hui, parfois, de montrer ses émotions quand elles sont dites désagréables. Donc je pense que c'était important de le dire en préambule. Donc est-ce que les émotions ont leur place en entreprise et est-ce qu'elles peuvent influencer bien l'aide des employés ? Je pense que oui, elles ont leur place, mais c'est encore un sujet qui est assez tabou et qui n'est pas naturel dans toutes les entreprises aujourd'hui.
- Speaker #2
Oui, et pour compléter ce que tu dis Clémentine, je dirais que... Pour moi c'est une utopie de se dire que les émotions n'ont pas leur place en entreprise parce que les émotions font partie de nous en fait. C'est une énergie qui nous traverse dès qu'on a quelque chose qui vient nous stimuler et ça vient nous renseigner sur un besoin, une valeur qui est challengée pour nous ou alors qui est nourrie. Donc en fait c'est vraiment une boussole qu'on a sur nous sauf qu'on ne nous a pas appris à la lire cette boussole et encore plus on nous a convaincu que tout ça c'était de l'ordre du privé et que les émotions ça restait au vert. ça passait pas à la porte de l'entreprise c'est une utopie parce que je suis une personne donc quand j'arrive dans une entreprise j'ai ma fonction mais j'ai aussi moi tout ce que je suis toute mon humanité donc c'est forcément mes émotions donc pour moi c'est une utopie de dire qu'il n'y a pas de place maintenant c'est quelle est la place que je donne aux émotions dans l'entreprise Et clairement, en tant que manager, en tant que dirigeant, si on ne fait pas de la place aux émotions, on se coupe de plein d'informations qui sont vraiment importantes pour pouvoir accompagner les collaborateurs à bien s'accomplir et à continuer à contribuer et à collaborer.
- Speaker #3
On dit que les émotions, c'est un messager, donc ça transmet une information. Et donc, pour qu'il y ait de la cohésion d'équipe, pour faire une équipe, forcément, il y a des émotions, elles sont nécessaires. Et justement, elles contribuent au bien-être et à la performance aussi. Il y a donc terre les émotions. C'est aussi risqué que finalement elles ressurgissent plus tard et au mauvais moment et donc que ce soit plutôt pénalisant pour l'équipe qu'au service de l'équipe et du collectif.
- Speaker #2
J'ai pas mal de managers que la compagne qui disent Non mais ça finalement je ne vais pas dire, il y a un petit désagrément, un petit mécontentement, je ne vais pas le dire parce que je ne vais pas en faire toute une histoire. Et en fait plus je tais quelque chose, finalement je le cumule, je le cumule, je le cumule, tout ça pour au final ça va venir exploser. à un moment donné où peut-être ce sera complètement disproportionné par rapport à la situation donnée. Pour moi, le conseil, c'est de se dire comment j'apprends à accueillir mon émotion, comment j'apprends à dire mon émotion plutôt que de la subir, pour justement être dans une qualité relationnelle qui est à la fois saine et constructive. Il y a des trucs qui ne sont pas agréables. C'est sûr que ce n'est pas agréable de sentir de la frustration, ce n'est pas agréable de sentir de la tristesse, ce n'est pas agréable d'avoir de la peur, mais elles sont là. Ça fait partie de la vie. D'ailleurs... Étymologiquement, je crois que l'émotion ça vient de imovere donc i pour énergie, c'est une énergie qui nous traverse, et movere pour mouvement. Donc en fait c'est quelque chose qui nous met en action, et clairement c'est ce qui nous a permis de nous adapter et de survivre. On est là aujourd'hui, là où on est, grâce aux émotions.
- Speaker #1
Oui mais c'est ça en plus, moi quand je vous entends parler, et puis je le vois aussi avec tous les autres épisodes qu'on a réalisés, en fait les émotions c'est ce qui constitue l'humain, enfin c'est ce qui nous constitue, c'est ce qui fait... Enfin un fois on dit... Cette personne n'a pas d'émotions. Si, au final, on a tous des émotions, on ressent tous quelque chose. Et c'est ce qui nous constitue en tant qu'individu et en tant qu'humain.
- Speaker #3
C'est ça. Est-ce qu'on les vit, nos émotions, ou est-ce qu'on les cache ? Et en entreprise, on cache quand même une grosse partie de nos émotions. Surtout quand on est dans des métiers où on est en contact avec le public. Et finalement, on va devoir aussi réprimer certaines de nos émotions. Parce que si on est face à une personne qui est en difficulté, qui est en fragilité, nos émotions ne vont pas forcément s'inviter. Et donc on va plutôt être à accueillir l'émotion de l'autre et puis pas exprimer la nôtre. Mais... Ça a un impact aussi sur notre vécu, sur notre ressenti, sur notre stress au travail de réprimer en continu nos émotions.
- Speaker #2
Et en préparation, j'ai souvenir Clémentine, on se disait, il y a un concept en psycho qui est la notion d'amplification, c'est-à-dire que plus je cache ou plus je réprime mon émotion, plus en fait elle va être amplifiée. Donc elle va me revenir en boomerang de toute façon. Donc il vaut mieux s'en occuper quand c'est encore quelque chose dont l'intensité n'est pas trop forte. beaucoup plus simple de s'en occuper plutôt que d'attendre et d'attendre que ça ait pris des proportions qui sont beaucoup plus difficiles à gérer, enfin relationnellement.
- Speaker #1
Oui complètement. Moi je vais quand même revenir sur un petit point avant d'aborder tout ce qui impacte au sein d'une entreprise, positif ou négatif. Tu m'avais fait sourire Véronique quand je t'ai parlé de gestion d'émotions. Est-ce qu'on gère des émotions comme on gère une équipe ?
- Speaker #2
Bah non et moi c'est vrai que c'est une expression qu'on entend tout le temps mais qui qui me irise le poil un peu parce qu'en fait quand on s'intéresse aux émotions on se rend compte On ne peut pas gérer, on n'a pas la main sur les émotions. La réaction émotionnelle a lieu bien avant qu'on en ait conscience. Les jeux sont faits, les cartes sont jouées. Quand je me rends compte que je ressens de la peur, de toute façon tout mon corps est déjà à déclencher. Plein de réactions chimiques et autres qui font que mon cœur va battre plus fort ou alors je vais avoir la température de mon corps qui va être différente. Il y a des études scandinaves qui ont été faites, il y a une cartographie corporelle qui est super intéressante. Ça permet de voir qu'en fonction des émotions ressenties, on a du froid et du chaud, on a des parties du corps qui sont activées différemment. Et c'est normal, c'est parce que ça nous amène à être dans l'action. Donc la tristesse, elle va m'amener à être sur un repli sur moi, donc je vais être beaucoup dans du bleu, dans du froid. La colère, je vais être dans du rouge au niveau des mains, au niveau du cœur, ça va être rouge. Oui, parce que la colère, elle m'invite à dire qu'il y a un truc qui ne me va pas, il y a un truc qui ne me va pas, qui me dérange dans ce qui se passe là. Et donc si je ne le dis pas, je cumule, je cumule, je cumule et padaboum !
- Speaker #3
On préfère parler en psychologie de régulation des émotions que de gestion parce que c'est vrai que gestion il y a un peu cette notion de maîtrise. Et donc c'est aussi ce qu'on veut éviter d'être dans le total contrôle, la totale maîtrise qui ne sert à rien finalement, qui va plutôt avoir tendance à amplifier qu'à réguler.
- Speaker #0
Donc aussi c'est très les apprivoiser également.
- Speaker #2
En tout cas c'est devenir un petit peu plus ami, être curieux, développer une curiosité vis-à-vis de ses émotions, avoir le courage de se... On est au contact de ce qui n'est pas confortable. Et du coup être sympa avec soi-même, avec un peu d'autocompassion en se disant voilà des fois on peut traverser certaines émotions qui sont pas agréables. Et pour autant, comme disait Clémentine, c'est un messager, c'est une boussole, cette émotion si je la ressens, donc si j'ai réussi à détecter qu'elle était là, elle vient me donner un message, elle vient me dire un truc sur un besoin qui n'a pas été nourri chez moi. Et donc ça me permet de pouvoir du coup naviguer ma vie et prendre des décisions qui vont être beaucoup plus alignées. Et donc dans les entreprises, forcément c'est un... Parce qu'aujourd'hui, on a besoin de collaboration, c'est le côté humain qui va primer sur une équipe qui performe bien.
- Speaker #1
Là, vous venez poser un gros contexte sur les émotions, comprendre comment on ne les gère pas, comment on apprend à vivre avec et à les utiliser. Et du coup, ça vient faire des impacts positifs comme négatifs. Comment ça se passe, du coup, un manager qui doit comprendre les émotions de ses équipes, L'équipe, quels impacts cela peut avoir en entreprise ? Est-ce que ça a des impacts positifs, négatifs ? Au final, on ne parle même pas d'impact.
- Speaker #3
On disait émotion égale message égale besoin. Donc en tant que manager, on a tout intérêt à essayer de comprendre les besoins de nos collaborateurs pour être au service d'eux, au service du collectif et du coup de la performance. Et donc finalement, si on ne s'intéresse pas aux émotions de nos collaborateurs, on passe à côté de messages importants. Et donc on peut louper certaines choses qui vont ensuite ressurgir et avoir des résultats. avoir un impact négatif sur l'équipe. Donc je pense que c'est important d'être à l'écoute des émotions de ses collègues. Encore faut-il aussi comprendre leur style émotionnel, comment leurs émotions fonctionnent. Parce que finalement, on a tous une façon d'exprimer nos émotions, de les vivre, de les réguler. Et donc encore faut-il connaître ses collaborateurs pour pouvoir les accompagner dans la régulation de leurs émotions. Parce que si on ne connaît pas un collaborateur, on va avoir du mal à comprendre leur style émotionnel. Et ça peut être aussi conflictuel si finalement on a deux styles émotionnels qui sont assez différents. C'est opposé, donc quelqu'un qui va plutôt être expansif, exprimer ses joies, et puis en face on va avoir quelqu'un qui est très peu résilient, qui va plutôt exprimer ses affects négatifs. Et donc si on n'a pas le même registre, et qu'on ne comprend pas le registre de l'autre, ça va être compliqué aussi d'accompagner. Donc c'est d'abord comprendre comment fonctionne l'autre avant de l'accompagner, pour comprendre quels besoins il y a en fait derrière justement l'expression de ses émotions.
- Speaker #2
Ouais, et en complément de ce que tu dis Clémentine, pour moi une des clés pour un manager c'est... Ça va être compliqué d'aller comprendre les émotions des autres et le style émotionnel de l'autre si je ne sais pas moi, si en tout cas je ne suis pas en capacité d'accueillir mes propres émotions. Donc il y a d'abord un premier travail à faire sur soi pour être capable de reconnaître ses propres émotions et qu'est-ce que ça vient nous dire et du coup ça me permet d'accueillir les émotions des autres plus facilement. Si je ne suis pas en capacité d'accueillir les miennes, j'aurais du mal à accueillir celles des autres et donc je vais les mettre de côté, je vais repousser, je vais éviter tout échange, toute situation où il y a certains managers, s'il y a une personne qui arrive. dans leur bureau et qui se met à pleurer ou qui se met à exprimer du colère, ça les déstabilise complètement. Donc si je ne suis pas à l'aise moi-même avec ces émotions-là, j'ai un premier travail à faire pour pouvoir créer un écrin pour accueillir ces émotions-là dans l'entreprise.
- Speaker #3
Il y avait aussi une culture émotionnelle finalement dans l'entreprise. Toutes les entreprises ne sont pas égales quand on parle d'émotions, ça va varier en fonction des secteurs. Il y a Patrick Légeron qui est un psychiatre et fondateur du cabinet Stimulus qui en parle et qui dit qu'il y a des entreprises... qui vont plutôt être sur un style un peu froid, c'est-à-dire qu'on va plutôt taire les émotions, rien n'est exprimé. Il y a les entreprises où c'est les émotions agréables qui vont être valorisées et puis on ne va pas pouvoir exprimer, il n'y a pas d'espace en fait pour exprimer les émotions désagréables. Et puis il y a les entreprises qui sont plutôt douées d'intelligence émotionnelle où les émotions, toutes émotions sont bonnes à prendre, qu'elles soient agréables ou désagréables. Donc c'est important aussi d'avoir en tête quelle est finalement la culture émotionnelle de mon entreprise, est-ce que finalement je suis racontée ? avec la culture émotionnelle de mon entreprise ou est-ce qu'il va falloir aussi adapter ma façon d'exprimer mes émotions à celle de l'entreprise parce que sinon je risque de me mettre aussi en difficulté.
- Speaker #2
Et là où c'est complexe c'est que c'est la culture de l'entreprise et c'est aussi ma propre culture à moi en tant qu'individu qui vient de mon éducation donc on a certains managers qui arrivent avec des croyances et une culture qui est tout ça, ça n'a pas sa place à l'entreprise. Donc pour eux il y a un chemin un peu plus grand à faire et qui est un petit peu plus compliqué d'aller se dire ok dans quelle proportion je laisse de la... place à ces entreprises et jusqu'où je vais au contact ou je vais pas au contact et ça c'est quelque chose d'assez personnel du coup qui se tricote au fil de l'eau pour chacun d'entre eux en fait.
- Speaker #1
C'est comme un grand puzzle géant au final. On a sa propre expérience, sa culture personnelle, professionnelle et on vient assembler, on essaie de trouver les bonnes pièces qui vont s'assembler les unes aux autres. Justement pour assembler toutes ces pièces, tout à l'heure on parlait du manager, qu'il va d'abord faire un travail sur lui pour pouvoir accompagner. Quels outils on lui donne à ce manager du coup pour apprendre ? Est-ce que c'est on fait une formation et on a la clé tout de suite ? Est-ce que c'est un travail sur un très long terme ?
- Speaker #3
Alors déjà ça s'apprend, c'est la bonne nouvelle, c'est-à-dire qu'on n'est pas tous égaux mais on peut tous s'améliorer, ça s'apprend la régulation des émotions. Donc comme disait Véronique, c'est important déjà de faire un travail sur soi, d'expérimenter sur soi avant d'expérimenter finalement sur les autres et donc de se connaître avant d'apprendre à connaître les autres. Merci. Après, pour accompagner les autres, en effet, il y a des techniques, il y a des stratégies, la verbalisation déjà aussi. Je vois que tu es en colère, est-ce que tu peux m'expliquer ce qui te met en colère ? Déjà, aide-moi à comprendre l'émotion que tu es en train de traverser, parce que finalement, moi, je ne suis pas à ta place et il risque d'y avoir des biais. Si j'essaye de me mettre à la place de l'autre en disant qu'il est en colère, je ne comprends pas, il n'y a pas de raison de se mettre en colère pour ça.
- Speaker #2
Et si ça se trouve, il n'est pas en colère, il nous montre de la colère, alors qu'en fait, derrière, c'est de la peur, par exemple. Donc, d'où l'intérêt ? d'aller se dire, ok, moi avec mon prisme à moi, tiens j'ai l'impression, j'aurais l'impression que tu exprimes de la colère, mais c'est peut-être pas ça, qu'est-ce qui se passe pour toi ? Ce qui permet à l'autre de venir dire, non je suis pas en colère, où on entend aussi, il y a des prismes un peu genrés dans les entreprises, où une femme qui va exprimer sa colère, on va lui dire, j'ai eu des personnes qui me racontaient qu'elles ont exprimé leur colère en codis, et en fait les autres membres qui étaient plutôt masculins m'ont dit, oh bah t'as l'air fatiguée, dis donc, il faut que tu te... La colère est moins acceptée de la part d'une femme, là où ce sera accepté de la part d'un homme, et un homme ce ne sera pas trop acceptable qu'il montre de la peur ou de la tristesse en entreprise, alors qu'en fait toutes ces émotions-là, elles nous traversent tous qu'on soit homme-femme. Donc il y a aussi cette difficulté-là pour un manager, d'où la nécessité d'être curieux pour aller s'interroger sur ce qui se passe pour l'autre.
- Speaker #1
Oui c'est ça, et puis j'allais aussi revendiquer sur le fait, je suppose qu'il faut être un peu sensible aussi à tout ce qui est autour de l'humain, De toute façon je pense que quand on est manager des RH, RH on aime la relation humaine etc. Mais je pense qu'il faut avoir aussi ce petit côté curieux et intéressé. Et est-ce que par exemple toi Véronique c'est déjà arrivé que tu avais quelqu'un de complètement hermétique aux émotions de ses équipes et que tu as réussi à accompagner, qui a réussi à s'ouvrir finalement ?
- Speaker #2
C'est un chemin qui se fait au rythme de chacun mais en effet il y a la notion d'être prêt ou pas prêt parce qu'on peut en tant qu'entreprise... Je peux donner à tous mes managers une formation en développement d'intelligence émotionnelle, je peux créer plein de situations. Si la personne n'est pas prête, elle n'est pas prête. Donc il faut accueillir ça aussi. Et en même temps, est-ce que ça m'est arrivé d'avoir des managers ? Oui, ça m'est arrivé des managers qui étaient assez loin et qui au fil de l'eau, en fait petit à petit, alors l'idée c'est de créer des espaces, ce qui fonctionne bien en entreprise, c'est aussi de créer des espaces qui sont sécurisés et sécurisants pour la personne. Donc ça peut être des cercles de supervision de pratique managériale dans lesquels on va pouvoir venir parler de nos difficultés managériales et quand on parle de ça on vient aussi parler des émotions qui nous traversent. On se rend compte que l'autre qui est de l'autre côté du cercle, dans le cercle, il est traversé par les mêmes émotions. Et donc en faisant ça, ça permet de venir s'entraîner dans un espace qui est sécurisé, sécurisant avant d'aller se mettre dans le grand bain avec son équipe. C'est hyper important de le faire de manière sécurisée. Ça peut être en coaching individuel, ça peut être en des espaces collectifs, mais encore une fois, on n'amènera pas quelqu'un à un endroit s'il n'est pas prêt, et donc ça demande cette souplesse-là aussi.
- Speaker #1
Clémentine, toi, avec les personnes qu'on accompagne après un long arrêt maladie, pour faire le retour au travail, qu'est-ce qui se passe ici par rapport à leurs émotions ?
- Speaker #3
Une émotion qu'on va retrouver fréquemment... C'est la peur. Finalement, j'ai été arrêtée, j'ai quitté le monde du travail pendant un, deux ans, voire trois ans. J'ai peur. Quelle entreprise je vais retrouver ? Qu'est-ce qu'il va y avoir eu comme changement ? Donc c'est déjà, en effet, pour un manager, être à l'écoute des émotions de la personne. Qu'est-ce qui se joue pour elle lors de la reprise ? J'ai peur parce que j'ai peur de ne pas retrouver l'espace, le bureau, les collègues que j'avais quittés lorsque je suis partie de l'entreprise. Ok, d'accord. Donc quel est ton besoin derrière ? J'ai besoin d'être... rassurée sur le fait que je vais retrouver des choses qui étaient identiques à ce que j'ai quitté avant, que je vais pas me retrouver confrontée à un monde complètement nouveau donc j'ai besoin de retrouver aussi du réconfort par rapport à des choses que j'ai quitté quand j'ai parti en arrêt maladie. Donc c'est écouter ce qui se joue pour la personne devant sa reprise voilà qu'est ce que tu ressens, il y a des personnes à l'inverse qui vont être très enthousiastes de reprendre, ça va être je suis super content de reprendre, mes collègues vont manquer, ok d'accord donc comment on va cultiver cet enthousiasme et puis si la personne a peur comment on va faire, quels sont tes besoins et comment je vais faire pour créer un environnement sécurisant parce que souvent quand il y a de la peur c'est qu'il y a de l'insécurité donc qu'est-ce qui te met en insécurité ? et donc voilà on va remonter le film, on va faire verbaliser mais je pense que c'est important encore plus lors d'une reprise de ne pas nier les émotions, de ne pas mettre un mouchoir dessus parce que sinon la personne elle peut dire en fait ils n'ont rien compris de ce que je vivais ils n'ont pas compris de ce qui s'est passé pour moi pendant ma période d'arrêt et donc du coup je me sens incompris et donc je vais me refermer et puis frustration et puis du coup...
- Speaker #1
Un risque d'absentéisme aussi je suppose, de s'effacer, de ne plus se réintégrer et puis on repère cette personne.
- Speaker #2
Quand on revient il y a une notion de comment je reprends une place, ça ne sera pas la même place exactement qu'il y a un an ou deux parce que l'entreprise elle a continué à bouger et en même temps quelle va être ma place ? J'ai souvenir d'une RH qui me partageait son histoire personnelle et qui m'avait beaucoup touchée. Elle expliquait qu'elle avait été arrêtée pour maladie pendant un an et demi. Elle était revenue et son manager l'avait reçue. On en a un, ils avaient une chouette conversation et son manager lui avait dit En tout cas, ma porte est ouverte, donc tu viens quand tu veux, ma porte est ouverte. Et en fait, elle expliquait que finalement, même si ça partait d'une super intention de la part du manager, ce n'était pas suffisant pour elle parce qu'elle revenait avec 1. l'appréhension, 2. se dire Est-ce que je vais être à la hauteur ? Et il faut que je sois à la hauteur, je n'ai pas envie d'être à la ramasse et que je sois à la traîne par le boulet de l'équipe. Au final dans son entreprise, son bâton de pèlerin qu'elle a pris après ça a été de dire ok ben moi je vais accompagner les managers pour leur faire prendre conscience que c'est à eux de venir au contact de la personne donc en fait c'est pas suffisant de dire ma porte est ouverte il faut mieux se dire ok ben je vais aller organiser régulièrement des un à un et puis on va peut-être parler du boulot de l'opérationnel mais je vais aussi demander et sinon comment ça va et dans le et sinon comment ça va ça ouvre la porte à plein de choses qui permet à l'interlocuteur de voilà de dire voilà Peut-être que la reprise, j'étais très enthousiaste de reprendre, mais en fait c'est beaucoup plus compliqué que je pensais. Parfois après certaines maladies, ou même quand on est arrêté par exemple pour maternité, quand on revient, des fois le cerveau, le temps qu'il se remette à fonctionner de la même vitesse, il y a un petit décalage. Et donc c'est comment le manager peut prendre ça en compte. Et à mon avis c'est créer des échanges réguliers.
- Speaker #1
Je vais vous poser une petite dernière question pour conclure l'émission. Donc évidemment on a encore une fois parlé des managers, des DRH, voilà, mais quel conseil clé donneriez-vous à une entreprise ou aux entreprises pour créer un environnement de travail qui prend en compte et du coup ne gère pas mais apprend efficacement à vivre avec les émotions des employés et des managers,
- Speaker #3
ce que eux aussi ont des émotions ? Sur le sujet des émotions, avant de vouloir s'engager, parce qu'on l'a dit, il y a plusieurs cultures émotionnelles, donc quelle est notre culture ? Parce que finalement, si on est dans une culture très froide et qu'on a envie de travailler sur les émotions, de plus les accueillir, et bien c'est comment ? Je m'en pars du sujet, comment aussi je diffuse cette nouvelle culture, ce changement de culture auprès de l'équipe managériale ? Donc déjà, il faut savoir d'où on part et vers quoi on veut aller. Et donc c'est important de se poser cette question-là, et je pense que quand on commence à... s'intéresser aussi aux émotions pour être bien alignées justement.
- Speaker #2
Oui, et pour moi, comme pour tout changement, il faut que ça parte du haut, c'est-à-dire qu'il faut que ce soit exemplaire. Si ce n'est pas incarné par le haut, ça restera juste une bonne intention. Donc il faut que ce soit incarné. Mais si l'équipe dirigeante n'est pas emparée du sujet pleinement, ce sera compliqué à déployer en fait.
- Speaker #1
Eh bien merci beaucoup Véronique, merci Clémentine pour nous avoir aiguillées sur le sujet des émotions. Et puis nous on va peut-être aller se reprendre un café au bar.
- Speaker #0
C'est la fin de cet épisode. Merci à nos invités du jour pour leur regard bienveillant et à notre équipe qui rend cette émission possible. Mais surtout, merci à vous de nous avoir écoutés. N'hésitez pas à nous partager des sujets qui vous tiennent à cœur et sur lesquels vous cherchez des réponses. N'oubliez pas, si cela vous intéresse, vous piquerez à coup sûr la curiosité d'autres personnes. Retrouvez l'adresse à laquelle nous écrire dans notre description et si vous aimez MemoDuo, mettez-le en commentaire. des étoiles sur les plateformes d'écoute. Je vous donne rendez-vous le mois prochain pour un nouvel épisode. Notre mission, apporter des solutions aux entreprises et aux salariés pour améliorer la santé et la qualité de vie au travail.
- Speaker #1
A bientôt dans MemoDuo !