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Expert #10 - Prendre des décisions stratégiques en conditions extrêmes - Avec Fabrice Legrand, ancien commandant de Sous-marin nucléaire

Expert #10 - Prendre des décisions stratégiques en conditions extrêmes - Avec Fabrice Legrand, ancien commandant de Sous-marin nucléaire

52min |13/10/2025
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Expert #10 - Prendre des décisions stratégiques en conditions extrêmes - Avec Fabrice Legrand, ancien commandant de Sous-marin nucléaire

Expert #10 - Prendre des décisions stratégiques en conditions extrêmes - Avec Fabrice Legrand, ancien commandant de Sous-marin nucléaire

52min |13/10/2025
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Description

Plonger à 300 mètres sous la mer, dans un silence absolu. Vivre pendant 80 jours sans prononcer un mot. Prendre des décisions vitales avec zéro marge d’erreur. Commander des équipes réduites mais ultra-compétentes, dans un environnement où chaque geste est une question de vie ou de mort. Voilà le quotidien de notre invité du jour.


Dans cet épisode expert, on reçoit Fabrice Legrand, vice-amiral et ancien commandant de sous-marins nucléaires dans la Marine nationale française. Issu de l’École navale, il a dédié sa carrière à la lutte sous la mer, en enchaînant les missions critiques et les plongées longues durées — jusqu’à 27 000 heures passées sous l’eau à bord des fleurons de la flotte, comme le sous-marin nucléaire d’attaque La Perle.


🎯 Dans ce numéro spécial, on va plonger au cœur de deux grands sujets :

  • Comment prendre des décisions dans des situations complexes, sans repères, sans retour immédiat, parfois sans communication.

  • Ce que cela signifie vraiment de “commander”, dans des environnements extrêmes — bien au-delà du management classique


On espère que cet épisode vous inspirera autant qu'il nous a inspiré !



Hébergé par Ausha. Visitez ausha.co/politique-de-confidentialite pour plus d'informations.

Transcription

  • Speaker #0

    On t'appelle, on dit le président débarque.

  • Speaker #1

    Tu reçois un message, trois semaines avant. On ne parle pas d'ascenseur social, on parle d'escalier social dans la marine. Recevoir une fois par semaine ce qu'on appelle un familiste, un petit message de 40 mots de sa femme, de sa copine, de sa maman. 40 mots qui ont été filtrés.

  • Speaker #2

    Tu ne peux pas dire « Papa est mort » . Non.

  • Speaker #0

    En fait, on a tous ce parallèle où, évidemment, quand on est stressé, c'est pas forcément là où on prend les bonnes décisions. Toi, t'es sous contrainte maximum, t'es sous l'eau, y'a de la pression. Comment tu te prépares à ça ?

  • Speaker #3

    Bonsoir à toutes et à tous et bienvenue dans ce numéro spécial, spécial de chez spécial, parce que nous recevons l'amiral Fabrice Legrand, commandant de sous-marins nucléaires. Bienvenue, amiral.

  • Speaker #1

    Bienvenue, merci, bonjour.

  • Speaker #0

    Bonjour Fabrice.

  • Speaker #1

    Merci de m'accueillir.

  • Speaker #0

    C'est un numéro expert.

  • Speaker #3

    Voilà, numéro expert, et malgré nos demandes express au haut commandement pour tourner cet épisode dans un sous-marin... nous sommes bien au bureau de Théodore. On a essayé. Donc, pour poser le décor, qui est Fabrice et pourquoi c'est un épisode qui est important, pourquoi ? Alors, je vais essayer de présenter Fabrice, qui peut me corriger si je dis des bêtises. Fabrice, officier de marine, commandant de sous-marins nucléaires, spécialiste de la lutte sous la mer.

  • Speaker #1

    J'ai été commandant de sous-marins nucléaires.

  • Speaker #3

    Vous avez été commandant. C'est pour ça qu'on a le droit de vous parler, sinon on aurait eu quelques difficultés. Donc, il faut imaginer qu'un sous-marin, et je pense que tout le monde le ressent, c'est quand même un... univers mythique, c'est un environnement extrême avec de l'isolement total, beaucoup de pression, des décisions vitales. Sachant qu'un sous-marin nucléaire comme il porte son nom, détient des missiles nucléaires. Donc la responsabilité de Fabrice est de recevoir un coup de fil du président qui peut lui demander de éventuellement actionner ce bouton. Schématiquement.

  • Speaker #2

    Peut-être plusieurs boutons, je sais pas.

  • Speaker #3

    Quelques expériences personnelles marquantes qui peuvent nous parler, notamment la première pour Julien Masson, notre cher Julien Masson. 80 jours sans parler soutien humain de sa femme mariée à distance et ça c'est important de le dire parce que c'est très important je pense dans ce métier là l'épouse fait partie du sac comme on dit chez nous et on peut faire ce métier là dans la durée parce que ça dure 20 ans parce que derrière on a une épouse une famille qui suit qui est derrière vous d'autant plus que c'est aussi dans une expérience internationale l'Espagne, la Malaisie, l'Arabie Saoudite donc c'est des longs trajets des longs chemins des longues. longue absence. Et pour rappel de la mission du SNLE, c'est de la dissuasion nucléaire et ce qu'on appelle de la continuité stratégique, en fonction de ce qui peut se passer sur le terrain de guerre, le sous-marin se déplace et est en support d'opérations partout dans le monde.

  • Speaker #2

    Peut-être d'ailleurs on peut commencer par expliquer ce que c'est cette notion de dissuasion nucléaire.

  • Speaker #3

    J'allais y venir. Peut-être quelques questions pour introduire, peut-être nous expliquer la mission en quelques mots simples du SNLE. Comment aussi on se retrouve à être commandant d'un sous-marin nucléaire ? Je pense que... Est-ce que quand on est petit, on se rêve de commander un sous-marin nucléaire ? Peut-être. Quel était le parcours personnel et qu'est-ce qui vous a marqué dans votre carrière ?

  • Speaker #1

    Très bien. Je vais d'abord peut-être compléter la présentation.

  • Speaker #3

    Et me corriger.

  • Speaker #1

    Personnellement, non.

  • Speaker #2

    Je sais qu'il a préparé Fabrice là. On n'est pas à la porte déconnée.

  • Speaker #1

    Il n'y a pas de correction. Donc moi, j'ai fait 38 ans dans la marine, notamment dans des postes tournés vers les opérations, c'est-à-dire la conduite. de mobile de la marine, 25 ans aux forces sous-marines et j'ai 27 000 heures de plongée, soit 3 ans sous l'eau. Comme la mobilité fait partie de la marine, j'ai servi dans les 4 ports métropolitains, Toulon, Lorient, Brest, Cherbourg et également Outre-mer avec La Réunion, Mayotte et Tahiti. Mais pas en sous-marin. J'ai eu l'honneur de me voir confier 5 commandements, dont 3 à la mer. Donc un commandement de bâtiment de surface, qui était un bâtiment hydrographique à l'Arago, un sous-marin nucléaire d'attaque, la PER, et un sous-marin nucléaire de lancement d'engin, le Terrible. J'ai commandé ensuite l'escadrille des sous-marins nucléaires de lancement d'engin, c'est-à-dire au commandement des 4 sous-marins, en charge de la gestion des équipages, de leur entraînement, de leur qualification, du soutien logistique des bateaux. Donc ça fait à peu près 1000 hommes. Et j'ai commandé la base de défense de Chambourg. Alors j'étais en lien numéro 2 des forces sous-marines et de la force océanique stratégique. Alors tu me posais la question, le parcours d'un commandant.

  • Speaker #2

    Déjà c'est quoi le parcours et la diffusion nucléaire ?

  • Speaker #1

    Qu'est-ce que c'est qu'un SNLE ? Schématiquement, SNLE, c'est la base de Kourou propulsée par une chaufferie nucléaire qui lance une salve de 16 Ariane. Sous l'eau, en avançant.

  • Speaker #2

    Donc c'est une bonne image. Pour Kourou, pour ceux qui ne savent pas, c'est la base de lancement des fusées.

  • Speaker #1

    Des fusées aériennes. C'est l'engin le plus complexe que l'homme ait conçu. Beaucoup plus complexe, par exemple, que la navette spatiale. Parce que derrière, on a quand même plus de 30 barres à l'extérieur.

  • Speaker #0

    On n'a pas ça en tête du tout. On pense que renvoyer SpaceX, c'est compliqué.

  • Speaker #1

    Non, non, c'est plus simple. Le milieu sous-marin est beaucoup plus complexe et beaucoup plus... en termes de technologie et de contraintes. Alors le sous-marin c'est 14 000 tonnes, c'est à peu près 140 mètres de long, donc presque un terrain de foot et demi, c'est 21 mètres de haut, donc un immeuble de 6 étages. Et ça emporte l'arme stratégique, c'est-à-dire 16 missiles balistiques, chacun pouvant être équipé jusqu'à 6 têtes nucléaires, chaque tête ayant 5 fois la puissance de Little Boy, la bombe qui est allée sur Hiroshima, qui a été lancée sur Hiroshima. C'est des responsabilités. C'est un peu de responsabilité.

  • Speaker #0

    Donc t'as 16 fois 6, et chacune a 5, tu dis derrière.

  • Speaker #1

    T'as 16, et tu peux avoir jusqu'à 6 têtes. 6 têtes. Tu peux avoir jusqu'à 96 têtes. Ouais, d'accord.

  • Speaker #2

    Ça c'est un chiffre que tu veux donner ?

  • Speaker #1

    C'est un chiffre jusqu'à 96 têtes, oui je peux le donner, ouais.

  • Speaker #2

    Ça vaut combien d'ailleurs un SNLE ?

  • Speaker #1

    Ça je peux pas le donner. Ça vaut cher. Mais la mission, ça a un coût. Je peux pas dire que ça a un prix. Ça a un coût. Mais la sécurité du pays, ça a un coût.

  • Speaker #2

    D'ailleurs, tu parlais de la mission du SNLE, la dissuasion nucléaire. Ça veut dire quoi ?

  • Speaker #1

    Oui. Alors dans le SNLE, il y a le SNLE, mais il y a aussi son équipage. Il faut quand même le dire. Les armes, c'est bien, mais tu peux faire cette mission parce que tu as un équipage de 115 hommes et femmes, parce que maintenant il y a des femmes sur les sous-marins, sur sous-marins nucléaires en sanguin et sur sous-marins nucléaires d'attaque, avec des métiers différents, du boulanger jusqu'à l'atomicien, de l'oreille d'or jusqu'au mécanicien, le médecin, l'infirme anesthésiste, donc des experts de très très haut niveau qui partent en mer sur ces sous-marins.

  • Speaker #0

    J'ai aucune idée. Quand tu pars en mer, tu pars à peu près pour combien de temps ? C'est très variable.

  • Speaker #1

    80 jours à peu près. 75,

  • Speaker #0

    80.

  • Speaker #1

    On peut rester plus longtemps, mais c'est à peu près 80 jours. Alors la mission du SNLE, c'est la permanence de la dissuasion de la mer. La dissuasion, c'est, on va dire, la clé de voûte. C'est ce que dit le président de la République. Il s'exprime tous les cinq ans sur la dissuasion à peu près. C'est la clé de voûte de la sécurité du pays. et la garantie ultime de nos intérêts vitaux, intérêts vitaux qui sont définis par le président de la République. La décision est défensive en France. Et donc on est capable de produire, d'envoyer des dommages inacceptables, quelle que soit la situation, sur un pays, une menace étatique. qui viendraient menacer les intérêts vitaux de la France.

  • Speaker #2

    Les intérêts vitaux de la France,

  • Speaker #1

    ça va fracasser. C'est les intérêts vitaux de la France. Alors, dommages inacceptables, on en parlait du nombre de têtes nucléaires et de la puissance, donc tu peux imaginer. Alors, les dommages inacceptables, c'est sur les centres de pouvoir, c'est-à-dire tout ce qui est politique, industriel, économique. L'idée, c'est de bien dissuader, de ne pas avancer. Alors, la dissuasion, elle est portée par la marine, avec les sous-marins nucléaires en sort d'engin, les SNLE, par également le porte-avions, la force aéronavale nucléaire. Le porte-avions peut embarquer des armes nucléaires qui sont portées par les rafales, et bien évidemment par l'armée de l'air et de l'espace avec les forces aériennes stratégiques.

  • Speaker #2

    Je ne sais pas que les rafales marines, maintenant, ils pouvaient embarquer des missiles.

  • Speaker #1

    Depuis, non. Tout le temps, avant, oui.

  • Speaker #0

    Mais ce n'est pas la même proportion. Forcément, si on compare...

  • Speaker #1

    Non, c'est différent. D'abord, ce sont des missiles qui ne sont pas des missiles balistiques. Ce sont des missiles hypersoniques, mais qui n'ont pas la même trajectoire. Un missile balistique, il va jusqu'à dans l'espace, puis il y en a deux. Là, ce sont des missiles plus traditionnels, mais qui vont très très vite. Donc très difficile à intercepter. Donc si tu veux, c'est une... Une manière de pénétrer différente et donc ça donne au président de la République des options différentes. Le président de la République, il faut lui donner toutes les options si possible. Donc depuis 1972, il y a en permanence, il y a eu en 1972, en permanence un SNLE en patrouille à la mer.

  • Speaker #2

    Combien de pays auront ça ?

  • Speaker #1

    À un certain nombre, les États-Unis, les grandes puissances, regarde qui, le droit de veto au Conseil de sécurité de l'ONU, donc tu as la Grande-Bretagne, les États-Unis, la Russie, la Chine, depuis peu l'Inde a deux SNLE. On entend parler de la Corée du Nord qui développe un SNLE classique, si j'ose dire, qui ne sera pas propulsé par une centrale nucléaire.

  • Speaker #3

    Donc c'est un club fermé de pays dont fait partie la France ?

  • Speaker #1

    Oui, parce que l'engin, il faut une technologie qui est quand même extraordinaire derrière. Il y a quand même une puissance industrielle et d'ingénieurs, d'ingénierie qui est extraordinaire. Parce que concevoir une tête nucléaire de manière sûre... On a eu des essais à l'époque, mais maintenant ça se fait par simulation. Ouais.

  • Speaker #0

    Et ça veut dire... Attends, parce que là, c'est des pays qui ont des sous-marins nucléaires. Est-ce qu'il y a d'autres puissances qui ont du nucléaire, notamment qui pourraient avoir juste un porte-avions ou des têtes nucléaires, mais qui n'ont pas la technologie, si tu veux, de tout ce que l'embarquer des sous-marins ?

  • Speaker #1

    Alors il y a le Pakistan, qui est un pays qui a les armes nucléaires. On pense qu'il y a aussi Israël. Israël. Même si Israël n'a jamais déclaré qu'il avait l'arme nucléaire.

  • Speaker #0

    Et il y a toutes les questions autour de l'Iran en ce moment qui travaillent dessus.

  • Speaker #1

    Qui travaillent dessus, qui restent au seuil.

  • Speaker #0

    Mais pour que nos auditeurs comprennent, il y a quand même plusieurs marches. C'est-à-dire qu'il y a avoir la technologie nucléaire en labo, la sécuriser, faire des essais, comme tu disais, de simulateurs. Et puis derrière, aller plus loin, c'est-à-dire tu peux la voir sur un porte-avions, mais après tu l'as en sous-marin. Et là, tu es encore une étape encore plus loin. C'est un niveau de complexité, de technicité embarqué.

  • Speaker #2

    Pourquoi c'est si complexe un sous-marin ? Peut-être comme on a des geeks de technologie qui nous écoutent ?

  • Speaker #1

    Un sous-marin, c'est une ville qui vit sous l'eau. Donc il faut produire son oxygène, il faut filtrer l'atmosphère, il faut faire vivre ce sous-marin. Il y a des armes tactiques, il y a des torpilles, des missiles Exocet. Il y a tout ce qu'il faut pour vivre. Tu ne vois rien. Tu ne vois rien, mais tu entends, tu écoutes. C'est par le son que tu vas élaborer la situation tactique qui est autour de toi. Mais le fait de descendre largement au-delà de 300 mètres, il faut éprouver les circuits hauts de mer. La mer, c'est un peu abrasif. C'est beaucoup plus abrasif, beaucoup plus corrosif que l'espace. Et puis il y a une chaufferie nucléaire, incidemment. Donc c'est une petite centrale nucléaire qui est embarquée.

  • Speaker #0

    T'habites à côté de la centrale.

  • Speaker #1

    Oui. Mais on s'en porte pas plus mal. Il a eu le bras. Personne ne le voit,

  • Speaker #2

    mais il a eu le bras.

  • Speaker #1

    Ce qui est intéressant, c'est la chaîne de commandement, parce qu'il y a un lien direct entre le président de la République et le commandant du sous-marin. Quand le président de la République donne l'ordre, schématiquement, ça arrive dans la cabine du commandant.

  • Speaker #3

    Sans intermédiaire.

  • Speaker #1

    Sans intermédiaire. Alors que ce lien direct, moi, j'ai eu. Justement, j'ai eu l'honneur d'embarquer le président Hollande un mois après qu'il ait été élu, donc en 2012. Et j'ai pu lui montrer, lui faire vivre ce que faisait un commandant de tout marin, un commandant de SNLE.

  • Speaker #0

    On t'appelle, on dit le président des barques.

  • Speaker #1

    Tu reçois un message, trois semaines avant, on te dit, il vient. Je savais qu'il avait été élu parce que j'étais parti sous le mandat de Nicolas Sarkozy. Il avait été élu pendant la patrouille, bien sûr, je le savais.

  • Speaker #0

    Tu as fait une cérémonie dans le bateau ?

  • Speaker #1

    J'ai fait une cérémonie républicaine. Et alors, parce que chaque commandant de bateau dans la Marine Nationale, comme les maires, ils ont le portrait du président de la République dans son bureau. Donc j'ai fait une cérémonie en grande tenue. J'avais finalement enlevé la photo du président Sarkozy et j'ai découpé dans le Figaro, parce que j'avais le Figaro à bord, que j'avais embarqué au départ, une photo de campagne si j'ose dire, et donc je lui ai montré qu'il était venu à bord. Et donc au président, vous êtes surpris de l'arrivée ? Oui, j'avais pas le portrait officiel, on ne me l'avait pas livré, mais on m'a dit dans trois semaines, écoute, tu te débrouilles, tu fais vif ta patrouille. ce qui était intéressant c'est que avant Avant de le recevoir, j'ai embarqué le chef d'état-major des armées, le chef d'état-major de la marine, le commandant des forces sous-marines, et puis quand même...

  • Speaker #2

    Et Julien Lort,

  • Speaker #1

    c'est le truc qui n'a rien à voir. Ils ont quand même voulu vérifier si j'avais pas dit trop de bêtises au président. Donc c'était un grand oral intéressant. Et alors j'ai eu une remarque du chef d'état-major des armées, qui était l'amiral Guillot, qui m'a dit... Le Grand... On ne parle pas d'ascenseur social, on parle d'escalier social dans la marine. Parce qu'un escalier, on met un petit peu d'énergie avec ses mollets. Et j'ai retenu...

  • Speaker #0

    T'as gardé ça en mémoire.

  • Speaker #1

    Ça en mémoire parce que c'est vrai. C'est exactement ça.

  • Speaker #0

    On parle toujours d'ascenseur social.

  • Speaker #1

    Et c'est ça, quand on dit la marine, elle va prendre un quartimètre et 15 ans plus tard, il sera aux commandes d'une chaufferie nucléaire. C'est ça l'ascenseur social, enfin l'escalier social. Vous voyez ce que je veux dire ? Et c'est pareil pour un commandant.

  • Speaker #2

    Justement, on va peut-être rentrer dans les points que t'avais relevés.

  • Speaker #0

    t'avais une bonne question qui est comment on en arrive là ? Quand t'étais petit, tu voulais...

  • Speaker #2

    C'est ça que le juju !

  • Speaker #0

    Comment t'arrives à vraiment te dire, tiens,

  • Speaker #1

    j'ai le bouton rouge à côté de moi ? Moi, j'étais passionné d'aéronautique, je voulais être pilote de chasse, et j'ai passé mon temps à l'école navale, j'ai passé mon brevet de pilote. Ah,

  • Speaker #0

    tu voulais être dans l'aéronaval ?

  • Speaker #1

    Je voulais être dans l'aéronaval. Et les médecins ont détecté très vite ma myopilatante. Donc, en fait, comme j'avais embarqué sur sous-marin pendant l'école navale, finalement... J'avais été impressionné par l'ambiance, par le collectif, par l'esprit d'équipage et par la vision du commandant sur son siège périscope. Et tout lui remontait, j'étais ébahi. Et donc je suis allé chercher cet esprit chasse que j'imaginais sur les sous-marins. Parce que les sous-marins du Caratac, ce sont des chasseurs. Et la troisième dimension. Donc finalement, il y a pas mal de parallélisme.

  • Speaker #0

    Et pour arriver à diriger un bâtiment comme ça, c'est combien d'années ?

  • Speaker #2

    T'as peu d'élus là ?

  • Speaker #1

    Alors, chaque année, pour répondre directement à ta question, c'est 20 ans pour former un commandant de SNLE. Chaque année, la marine recrute environ 18 officiers pour les opérations. Et au bout de 12 ans, il va y avoir 6 commandants de SNL, sous marée de clair d'attaque. Et au bout de 20 ans... à peu près 5 commandants de SNLE.

  • Speaker #2

    C'est des maths quoi.

  • Speaker #1

    Comment ?

  • Speaker #2

    C'est une pyramide.

  • Speaker #1

    C'est une pyramide parce qu'il y a des accidents de la vie, parce qu'il y a des gens qui ne sont pas faits pour ce métier-là et qui vont s'épanouir parce qu'ils ont des grandes qualités ailleurs. Il y a des gens... On a dans nos parcours, on a des passages un peu obligés. Le premier, c'est le commandement d'un petit bateau de surface. Moi, j'ai commandé un Tahiti, un bateau en hydro, pour avoir cette première expérience du commandement. C'est leur seul à décider en mer.

  • Speaker #2

    Tu t'étais pas fait peur, tu m'as pas dit une fois en Méditerranée ?

  • Speaker #1

    C'était dans le Pacifique, Tahiti, tu sais, tu te souviens ?

  • Speaker #2

    C'est pareil, c'est à côté.

  • Speaker #1

    Merci de le faire je... C'était à Lisbonne en Espagne. Et il y a un deuxième point important, c'est ce qu'on appelle le cours de commandement, qui est d'une sélection fin qu'était. A la fois un stage de formation et de sélection, qui est aussi utilisé dans les autres marines. Les Anglais ont le Pericheur, il est très connu. Donc c'est quelque chose de... assez dur, assez physique où on met les futurs commandants, ceux qui sont déjà commandants secondes, donc numéro 2, qui ont déjà 10 ans de sous-marin, on les met dans une situation extrême, complexe, avec un officier entraîneur derrière, le commandant en charge derrière, pour non pas voir s'ils sont très bons tactiquement au bout de dix ans, la technique c'est plus vraiment ça qu'on va regarder les savoir-être. On va regarder le leadership, on va regarder cette capacité à entraîner, à écouter ces hommes, à prendre la bonne décision au bon moment, en sécurité. Est-ce qu'on peut confier à cet homme-là un sous-marin nucléaire ? Un sous-marin nucléaire, c'est complexe, mais il y a aussi des impacts potentiels, on va dire, sur la politique.

  • Speaker #0

    C'est un truc justement que j'avais très envie de creuser avec toi, qui est un peu plus générique. mais qui est liée à ton expérience. Comment on se prépare à prendre des décisions dans des conditions de stress ? En fait, on a tous ce parallèle où, évidemment, quand on est stressé, c'est pas forcément là où on prend les bonnes décisions. Toi, t'es sous contrainte maximum, t'es sous l'eau, il y a de la pression dans un univers fermé, j'imagine qu'en plus il peut y avoir de la tension. Évidemment, si on t'appelle et que c'est une situation critique, comment tu te prépares à ça ? Et c'est quoi la méthodologie derrière pour se dire en fait, je suis rodé et je suis serein, si on peut l'être ?

  • Speaker #1

    Alors la première des choses, c'est la mise en situation. Donc on entraîne nos équipages tout le long de notre carrière en simulateur, avant chaque cycle, pendant 6 ou 7 semaines, où on va conduire des drills, on va se former. Alors un drill, un exercice, pendant 4 heures, il y aura une séance de simulateur, comme tu peux le voir pour les pilotes d'Airbus. Tu joues aux jeux vidéo là. Mais là, tu es en simulateur sur vérin. avec un entraîneur derrière, parce qu'on est évalué par le commandant et par une équipe d'entraînement indépendante, avec un œil externe, donc avec beaucoup de pression. Et on va conduire des exercices de plus en plus complexes pour acquérir notamment des réflexes, des bons de procédure, en cas d'incident grave. S'il y a une avarie de barque et mon sous-marin descend, je ne veux pas me prendre le fond, donc on a des parades. Et voilà, on entraîne ces gens-là dans le domaine de la conduite du sous-marin, dans le domaine du nucléaire. On va mettre aussi les opérateurs dans des situations un peu compliquées.

  • Speaker #0

    Oui, tout le monde sous stress.

  • Speaker #1

    Et on met tout le monde sous stress et on apprend à travailler collectivement. C'est-à-dire que ce qui est à penser, c'est qu'ils comprennent bien que l'erreur de l'un peut être rattrapée par l'équipe. Et ça, c'est très fort. La force de l'équipe, la force de l'équipage.

  • Speaker #0

    Donc, les drills, d'accord. Donc, ça,

  • Speaker #1

    c'est la mise en situation. Le deuxième point, c'est, on va dire, l'analyse. Pour le commandant de SNLE, c'est l'analyse de sa mission. moi je faisais ma Je réfléchissais stratégiquement à ma stratégie de ma patrouille. Parce qu'une fois à terre, avant de partir, avec les éléments qu'il m'avait, les ordres qui m'ont été donnés par l'amiral, en fonction de l'effet final recherché, je préparais mon idée de manœuvre et je la faisais vivre à la mer. Parce qu'évidemment, ça...

  • Speaker #0

    Tu peux nous donner un exemple ? Par exemple, on t'a donné une mission d'aller...

  • Speaker #2

    On va inventer un nom de pays,

  • Speaker #1

    on s'en fout. Non, c'est pas ça. On va me dire, tu peux faire ça pendant ta patrouille, tu vas peut-être essayer de passer là, si tu peux. Parce qu'on peut me dire, deux mois avant, est-ce que tu peux passer à cet endroit-là ? Et peut-être qu'un mois plus tard, il y aura à ce moment-là un soumrain russe. Donc à ce moment-là, je n'irai peut-être pas. Donc c'est pour ça qu'on fait son idée de manœuvre à froid. On la remet en cause en permanence.

  • Speaker #2

    Ce que tu appelles l'idée de manœuvre ?

  • Speaker #1

    C'est-à-dire ma stratégie. Ton plan de départ. Et après, tu revisites ton plan de départ. Et après, on le remet en cause systématiquement. Et cette capacité de remise en cause, elle est importante. Toutes les semaines, en fonction de l'état de ton bateau. Tu peux avoir une pompe qui est tombée en avarie. Et quel impact ça a en fonction de l'état de ton personnel. Tu peux avoir quelqu'un qui est malade ou quelqu'un qui va se faire opérer par le médecin. Donc, tu vas prendre des décisions. Peut-être te rapprocher de la terre. enfin je suis en plein. Tu prends ça en compte dans ton meuble et tu la remets en cause systématiquement.

  • Speaker #0

    D'accord. Et dans les outils que tu as développés là-dessus ?

  • Speaker #1

    Alors, moi je prends en compte les facteurs déterminants, c'est-à-dire l'environnement, la météo, la bâtie thermique, l'environnement tactique, la menace, où est-ce qu'elles sont. Je me pose la question, d'ailleurs, est-ce que les renseignements qu'on me donne, parce que je ne peux pas admettre, mais je reçois énormément d'informations, est-ce que les renseignements qu'on me donne sont fiables, comme j'imagine, parce qu'on a beaucoup de renseignements nationaux, mais on a aussi du renseignement avec nos alliés. Alors, est-ce qu'ils sont bons ? Est-ce que les Américains nous disent tout ? Comme, j'imagine, un dirigeant d'entreprise se dit, est-ce que mon partenaire est fiable ? Est-ce que mon concurrent, il a vraiment dévoilé sa stratégie ? Donc, ce doute constructif... Il est permanent. Alors après, on est obligé de se préparer, parce qu'on ne peut rien prévoir à 100%, à ce qui peut se passer. Et donc là, on va utiliser ce qu'on appelle des Wattifs. Donc qu'est-ce qui se passe si je suis dans cette situation ? La température de l'eau est importante. Je perds une pompe de refroidissement. Dans quelle situation je suis ? Quel est l'impact sur la mission ? Et donc on va faire des préplans. Pour, justement, ne pas réagir sous stress, et déjà avoir anticipé, réduit effectivement le risque, parce que peut-être que pour qu'elle ne tombe pas en panne, je vais peut-être la faire tourner moins vite. On va anticiper pour diminuer les facteurs de risque.

  • Speaker #2

    Ça prend quelle forme, ces Wattifs ? C'est quoi ?

  • Speaker #1

    C'est un papier ? On peut faire une réunion de crise, et puis après, on fait un plan d'action, un papier, oui.

  • Speaker #2

    Et là,

  • Speaker #0

    tu essaies de tout lister, tout ce qui peut t'arriver.

  • Speaker #1

    En fonction des fragilités potentielles que tu peux sentir, sachant que le commandant, lui, il va regarder la suravarie. Donc le chef de service va dire, si je perds ça, je vais me débrouiller parce que j'ai une redondance, je vais changer mon circuit. Il va trouver une solution. Le commandant, lui, il voit plus loin. Lui, il voit sa mission. Donc il dit, si je perds la deuxième. Si je perds la deuxième, là c'est grave. Je ne vais peut-être pas aller dans ce coin-là, je vais peut-être aller ailleurs. Mais ça, ils ne l'auront pas vu. Oui. Tu comprends ?

  • Speaker #0

    D'accord.

  • Speaker #1

    Donc tu anticipes encore plus.

  • Speaker #0

    Donc préparation et anticipation.

  • Speaker #1

    Alors, un autre point, c'est important, c'est la culture du point d'arrêt, qu'on utilise tout le temps, à terre, lorsqu'on est en période d'entretien et qu'on fait des interventions sur la chaufferie, à la mer également. Dès qu'on sort du modèle, dès qu'il y a un paramètre qui n'est pas normal, si on n'est pas dans une urgence avec une parade qui est déjà prédéfinie, si j'ose dire, à ce moment-là, on fait un point d'arrêt. On regarde les paramètres qui s'offrent à nous et on va prendre la bonne décision. Il faut éviter de faire une erreur de modèle et pas rester dans le même schéma initial.

  • Speaker #2

    C'est quoi un point d'arrêt alors si tu dois expliquer ?

  • Speaker #1

    Tu réunis les... Tu réunis les gens qui sont concernés, tu dis voilà qu'est-ce qui se passe, dans quelle situation on est. Tu prends du recul. Tu prends du recul. Tu vas geler, mais tu ne réagis pas à chaud. Et ça, c'est une culture que tout le monde a. Et même, par exemple, au sein d'un poste de conduite, le commandant n'est pas là, ils ont un truc qui apparaît et qui n'est pas normal. Je me mets une minute à réfléchir.

  • Speaker #0

    Mais alors, du coup, c'est intéressant. C'est un truc qui est rare, occasionnel, très fréquent, où tu prends à chaque fois, par exemple, que tu as ton plan de départ, et à chaque fois que tu as un truc qui... qui potentiellement modifie ton plan de départ, une information d'un allié qui t'arrive, etc. Culture du point d'arrêt, tu dis, c'est quoi mes impacts ? Alors ça,

  • Speaker #1

    c'est sur la manœuvre. Moi, je remets en cause, effectivement, chaque fois qu'il y a une information, on a un briefing tout quotidien, donc je peux la remettre en cause tous les jours, deux fois par jour. En tout cas, au moins une fois par semaine, où je prends aussi le pouls du bateau. C'est important. Ça,

  • Speaker #0

    c'est le rôle du commandant ?

  • Speaker #1

    Oui. le moral de l'équipage, je vois mon docteur qui va me dire « Bon, commandant, il faut peut-être un peu lever le pied, les mecs, ils sont un peu fatigués. »

  • Speaker #0

    D'accord. Donc ça, c'est ton rôle. Et moi, j'aimerais bien qu'on revienne sur un autre rôle. Dans notre échange, tu m'as beaucoup parlé du binôme et du rôle, en fait, parce qu'il y a forcément un commandant, mais tu as son second, et tu fais un ping-pong en parallèle tout le temps avec lui, parce que j'imagine aussi que tu es seul à prendre les décisions, et donc du coup... C'est ton intérêt. Tu peux nous parler de ce binôme ? Tu peux nous parler de l'importance de ce binôme dans la télévision ?

  • Speaker #2

    On parle beaucoup de co-CEO. C'est genre de deux niveaux équivalents. Toi,

  • Speaker #0

    ce n'est pas le cas.

  • Speaker #1

    Le commandant, il porte seul la responsabilité. Quand on part en patrouille devant le président, sur les épaules, c'est le commandant qui a les responsabilités. Mais il n'est pas seul. Il a son équipage, mais il a aussi son second. Et il ne doit pas être seul. Si on est seul, on peut aller vers l'erreur de modèle. et prendre des mauvaises décisions. Donc le second, c'est quelqu'un qui va devenir commandant.

  • Speaker #0

    Oui. Qui est en route pour vous.

  • Speaker #2

    C'était le cas pour toi quand tu étais sur le Terrible ? Il est devenu commandant ?

  • Speaker #1

    Oui. Mes deux seconds que j'ai formés, ils sont amiraux. Il y en a un qui est d'ailleurs au ministère des Armées. Donc ils ont bien réussi. D'accord.

  • Speaker #2

    Vas-y alors, on te l'a dit.

  • Speaker #1

    Ils ont bien formé. Ils sont mieux que moi.

  • Speaker #0

    Mais voilà,

  • Speaker #1

    le second. Alors typiquement, ce second, moi je lui disais tout. Le commandant, c'est le reste énoncé, il reçoit beaucoup de messages réservés au commandant, parce qu'il n'y a que lui qui a la picture.

  • Speaker #2

    C'est ce que je veux dire,

  • Speaker #1

    là. On va filtrer toutes les informations. Et ça,

  • Speaker #0

    c'est-à-dire que c'est l'État-major. L'État-major t'envoie et te dit que c'est des informations confidentielles qui sont arrivées, qui arrivent dans ton poste.

  • Speaker #1

    Voilà. Si, par exemple, il y a un attentat quelque part, on va pas dire à l'équipage qu'il y a eu un attentat. Tu peux pas savoir si la femme de Pierre-Paul Oujac, elle est pas là-bas. Voilà. Donc tout ce qui se passe dans le monde est filtré. Même la presse est filtrée. Mais tout ce qui est opérationnel, le commandant reçoit des messages réservés. Moi, je partageais tout avec mon second. Mon second, quand je le recevais, je disais Si on passe l'expression, ton rôle, c'est que tu me dis si je fais une connerie. C'est ça ton rôle. Tu le disais-tu ? Bien sûr.

  • Speaker #0

    Tu développes des liens super forts.

  • Speaker #1

    Oui. Oui, oui, oui. C'est évident.

  • Speaker #0

    Mais comment il fait pour te critiquer s'il n'est pas d'accord et qu'il te dit « je pense que tu fais une connerie » .

  • Speaker #1

    Il me dit « il faut argumenter quand même » . Oui,

  • Speaker #0

    mais ce n'est pas facile. Tu es le commandant.

  • Speaker #1

    Oui, mais... Je suis un homme aussi. Donc il arrive... Alors, il peut avoir un schéma de pensée qui est différent du mien. Il peut avoir vu un paramètre que moi j'ai pas bien vu ou j'ai pas bien analysé.

  • Speaker #0

    Et puis, s'il a tort, il va me dire « Ok, moi je vais le former » . Je lui dis « Non, ta proposition, elle ne tient pas la route parce que… » Et moi, mon rôle, c'est de le former aussi pour qu'il soit commandant après.

  • Speaker #1

    Tu m'as dit aussi un truc qui m'a marqué. Tu m'as dit « Dans les numéros 2, on essaye souvent de faire des binômes avec des compétences ou des appétences ou des façons de faire très différentes. » Pour être complémentaire. Il y en a qui paient très dur, l'autre tu fais ça.

  • Speaker #0

    Alors c'est vrai, exactement. Si en termes de RH, on le peut, parce que c'est quand même une loi des petits nombres. Alors le commandant, on lui demande, tiens, on va te mettre ce second, ça te va ou ça te va pas ? On peut dire, écoute, si c'est quelqu'un de ma promotion, ça me gêne un peu. Ou si on ne s'entend pas avec telle ou telle personne, c'est connu parce qu'au bout de 20 ans... Maintenant, on nous connaît bien. Mais c'est vrai qu'on essaye, s'il y a un commandant qui est peut-être un peu dur, un peu raide, on va plutôt lui mettre quelqu'un qui est...

  • Speaker #2

    C'était déjà arrivé de refuser quelqu'un, toi ?

  • Speaker #0

    Non. Non, parce que ça ne s'est jamais présenté. Mais je sais que, comme second, pour le coup, j'ai refusé d'aller avec un commandant.

  • Speaker #1

    J'ai dit non, ça va pas faire. Oui, mais ça peut se comprendre aussi, parce que c'était quand même un enjeu. Tu passes 80 jours en dessous.

  • Speaker #0

    Le binôme, il est crucial. Il est crucial. Donc, si le commandant et le second ne s'entendent pas, ça ne se passe pas bien en dessous.

  • Speaker #1

    Ah oui. Oui. Et rappelle-nous, parce que du coup, tu faisais le parallèle avec les entreprises. J'aime bien ce niveau-là, ce binôme, la façon dont tu fonctionnes. Qu'est-ce que tu lui délègues ? Qu'est-ce que tu attends de lui ? Évidemment, tu le formes. comment ça s'imbrique au jour le jour ? Tu dis que tu partageais vachement.

  • Speaker #2

    Tu vas parler du rôle du commandant déjà, tout à l'heure ?

  • Speaker #1

    Je pense que...

  • Speaker #0

    Le commandant second, c'est la tour de contrôle du bateau. Tout lui remonte. C'est le numéro deux. Tout lui remonte dans les détails, les détails qui n'ont pas remonté jusqu'au commandant. Il filtre tout ça. Il est au courant parfaitement de ce qui se passe sur le bateau. Il est au courant par moi d'où je veux aller et quelle est l'idée de manœuvre. Donc, si je veux...

  • Speaker #2

    Lui, c'est ta navigation et tout.

  • Speaker #0

    Si je veux... Exactement. si je veux qu'il soit un garde-fou pour moi. Il faut qu'il ait tous les éléments en tête, sinon ça ne sert à rien. D'accord ?

  • Speaker #3

    Je suis pour faire un parallèle. Ce qui est super intéressant, c'est que parfois le dirigeant, le CEO, il n'a pas quelqu'un qui fait ce travail-là. Toi, de filtre, de se dire, en fait, il y a une tête qui pense, qui regarde la direction, et celui du dessous qui filtre tout, qui remonte les informations essentielles.

  • Speaker #2

    C'est pas le rôle d'un DG, non ?

  • Speaker #3

    Ce n'est pas toujours ce qui se passe, en fait. Et du coup, je trouve que c'est intéressant parce que c'est... Ça offre aux commandants la possibilité de faire des... peut-être d'avoir une vision plus lointaine et d'avoir un débat contradictoire avec les éléments opérationnels nécessairement... nécessaires d'être connus.

  • Speaker #0

    Ah oui. Alors c'est une structure qu'on a, nous, dans nos états-majeurs. On a un chef d'état-major qui, justement, lui, filtre toutes les informations qui arrivent et va présenter les plus importantes qui sont du niveau stratégique à l'amiral.

  • Speaker #3

    Je pense que c'est un savoir-faire qui n'est pas renseigné, je veux dire, dans les entreprises. C'est ça que je veux dire.

  • Speaker #0

    le second moi j'avais une Parfaite confiance en lui, il faut que cette confiance soit réciproque. Et donc, de temps en temps, moi je lui donnais la suppléance à la mère. Je lui disais, tiens, tu prends la clé, moi je vais aller faire du sport, je vais prendre un peu de recul, je vais penser peut-être à ma stratégie, et cette nuit c'est toi qui conduis le bateau. Donc c'est toi qu'on va réveiller s'il y a un problème. Et là on le forme aussi.

  • Speaker #1

    Et peut-être pour finir cette partie-là, une anecdote un peu où tu as dû gérer, parce qu'on le rappelle, tu l'as dit, tu as quand même le bouton rouge, je ne sais pas si c'est un bouton rouge, mais dans l'image d'Epinal, c'est un gros... Non mais si on t'appelle et qu'il y a vraiment besoin, c'est toi qui décides d'appuyer. On est à deux, on est seul, c'est toi, c'est ta décision. Tu as eu un moment de tension comme ça, un souvenir j'imagine en 20 ans, 30 ans ?

  • Speaker #0

    Non, parce qu'à la mer par contre, on fait des exercices. On nous envoie des ordres fictifs, bien sûr. L'équipage ne sait pas si c'est fictif ou pas. L'équipage ne sait pas si c'est fictif ou pas. Le commandant le sait. Oui. Le second aussi. Donc là, il y a une petite tension.

  • Speaker #1

    Une petite tension.

  • Speaker #0

    Pour ce que je vous engage, vous avez peut-être vu le film, le chant de loup d'Antonin Baudry. Donc comment ça se passe, c'est bien rendu. C'est assez bien rendu quand le commandant reçoit l'ordre. Alors après, la responsabilité de l'engagement, ce n'est pas le commandant qui la prend, d'accord ? C'est le président de la République.

  • Speaker #2

    C'est juste son bras armé,

  • Speaker #1

    quoi. Mais il appellerait vraiment directement un souverain ?

  • Speaker #0

    Non, il n'appelle pas.

  • Speaker #1

    Non,

  • Speaker #0

    mais il envoie l'ordre.

  • Speaker #1

    Et l'ordre, il t'enlève directement. Oui.

  • Speaker #0

    Mais ce n'est pas un appel. Au sein de la force socialiste stratégique, il y a des éléments qu'on ne connaît pas trop, ce sont les stations de transmission. Ils sont intégrés à la force stratégique et donc il y en a en France plusieurs qui émettent en très très basse fréquence, ça va un petit peu sous l'eau, ou quel que soit l'endroit de sous-marin, il va recevoir l'ordre. Ça participe de la crédibilité de la dispensation.

  • Speaker #3

    Ça permet d'ouvrir la deuxième partie sur tout ce qui est autour de la réflexion sur le commandement, on l'a un petit peu abordé, mais on a parlé des processus de décision, là on aimerait aborder la partie leadership, la vision, l'humain. Avoir justement ce qu'on se disait autour de cette question-là qu'on peut aborder ensemble, c'est le fait que commander, il y a peut-être une différence à ce que nous on entend comme manager, l'exigence, la justesse, les choses qu'on se dit là parce qu'il n'y a pas le droit à l'erreur. Ce qu'on se disait aussi tout à l'heure, c'est qu'il y a une formation, c'est très sélectif, c'est très lent. Leadership par exemple, la mission, le sens. Est-ce qu'on peut aborder cette thématique-là ? Je trouve ça intéressant parce qu'il y a beaucoup d'auditeurs qui vont peut-être s'y retrouver.

  • Speaker #2

    Ouais, mais déjà, qu'est-ce qu'on entend par « commandant » ?

  • Speaker #1

    Le commandant,

  • Speaker #2

    il est commandé.

  • Speaker #0

    Alors le commandant, il t'étient... Alors il y a deux mots importants. C'est « autorité » et « leadership » .

  • Speaker #1

    Autorité. On n'entend plus beaucoup parler de ça.

  • Speaker #0

    Ah bon ? Et en fait, il a une autorité légitime qui lui est donnée par le président de la République, puisque les commandants sont nommés par un arrêté du président de la République. Donc le commandant, il a une légitimité pour commander. D'ailleurs, on a une cérémonie. Vous reconnaîtrez pour votre commandant Pierre Poulujac. Et vous lui obéirez de par le président de la République. Donc il y a une autorité légitime. Ça claque. Mais ça suffit pas. Ça suffit pas. Il faut que le commandant, eh bien il fasse preuve de crédibilité. Il faut preuve de leadership. cheap. d'exemplarité, il suscite la confiance, il entraîne ses hommes, il est une force morale pour aller au combat. Parce qu'on n'oublie pas que c'est un bateau de combat. On est là pour délivrer une arme. Donc ce n'est pas comme une entreprise derrière, ce n'est pas un gain. Derrière, les conséquences sont plus importantes qu'on soit sur un bateau de surface, dans un rafale ou sur un sous-marin. C'est quand même donner le mot. Donc l'autorité, elle se construit également. On est légitime, mais derrière l'équipage, il faut qu'il se vive son chef pour aller au combat. On a tous eu des commandants, on se dit, ben ouais, et il y en a, lui, il veut au combat, les yeux fermés avec lui. C'est ça qu'il faut viser.

  • Speaker #1

    Ça nous rappelle quand Xavier Fontanel nous parlait de Napoléon et de sa capacité à embarquer les équipes en leur expliquant la stratégie, etc. C'était un moment assez amusant pour avoir...

  • Speaker #0

    Alors ce leadership, il sous-tend aussi un devoir d'exigence vis-à-vis de son équipage pour le tirer vers le haut et pour être sûr de remplir la mission. Ça grandit l'équipage. Un commandant qui laisse tout faire, c'est comme un dirigeant qui... Voilà, ça ne va pas bien se passer. Donc il est là pour faire grandir son équipage, pour le tirer vers le haut. C'est un acteur majeur de l'escalier social.

  • Speaker #2

    Comment tu t'y prends pour ça ?

  • Speaker #0

    Alors d'abord, exercer sa responsabilité, c'est la connaissance de ses hommes déjà, de son équipage.

  • Speaker #2

    Un commandant n'égale pas quelqu'un de froid ?

  • Speaker #0

    Non, tu peux être distant sans être froid. On peut avoir une distance, je vais y revenir, une distance, on va dire, raisonnable, sans être froid.

  • Speaker #2

    Donc tu connais bien ton...

  • Speaker #0

    Alors il faut connaître intimement. Moi, je recevais chacun de mes hommes, connaître un peu sa famille, quelles sont ses préoccupations,

  • Speaker #2

    quelles sont ses difficultés. Dans l'entreprise, on nous interdit ce genre de questions.

  • Speaker #0

    Ah bon ?

  • Speaker #3

    Je ne sais pas si on peut...

  • Speaker #2

    Non, mais c'est juste pour dire dans le principe,

  • Speaker #0

    tu vois... Tu ne vas pas lui poser des questions intimes, mais il est important de... connaître son homme. Alors sur SNL, c'est encore différent, puisque avant chaque patrouille, chaque homme va voir le second et va lui dire, pendant la patrouille, j'ai peut-être peur de ma grand-mère, j'ai ma femme qui va accoucher, la dernière fois, elle a fait une fausse couche, ma grand-mère, je sais qu'elle va mourir. Je veux le savoir. Donc là, on va dans l'intime. Je me bats avec mon voisin.

  • Speaker #2

    Il fait plusieurs dépressions.

  • Speaker #1

    C'est très intéressant, parce que ce n'est pas du tout l'image qu'on peut en avoir. Tu prends la caricature, on dit que l'armée, c'est très intense, c'est très droit, c'est très ferme, c'est très dur. Est-ce que tu nous dis... C'est que c'est pas parce que, tu vois je fais un parallèle avec la culture d'entreprise où au contraire les gens sont tous, il n'y a quasiment plus de hiérarchie, c'est très facile, etc. Mais toi ce que tu dis c'est que c'est pas parce qu'on met de la distance, c'est pas parce qu'on est un peu autoritaire que quelque part on n'a pas toute cette énorme proximité. Oui,

  • Speaker #0

    c'est pas parce qu'on a de l'autorité. Autoritaire c'est autre chose.

  • Speaker #2

    L'autorité c'est ta légitimité.

  • Speaker #0

    Oui, mais si tu veux tu vas pas... Un bon leader, il n'a pas besoin de donner un ordre. Il suffit de parler et ça suit. On n'est pas... C'est pas au bâton. Mais il faut garder cette distance. Alors, connaît-on activement, il ne faut pas que ce soit de la démagogie, il ne faut pas que ce soit du copinage, parce que quand il va falloir sinon lui passer les fesses ou lui donner un coup de pied aux fesses, ça va être plus difficile. Dans le fil de l'épée, le général de Gaulle disait qu'il ne fallait pas trop s'approcher de ses subordonnés. Et il fallait garder une certaine distance, qui était un ressort de l'autorité. Bon, on n'est plus à cette époque-là, mais voilà, il faut avoir un équilibre intelligent. Il faut avoir un équilibre intelligent. Alors, commander, c'est aussi, à mon avis, c'est une des choses les plus importantes, c'est donner du sens à sa mission. Alors nous... La chance, finalement, parce qu'on a une mission sur SNLE qui nous dépasse complètement, c'est la défense de la France. Et du quartier maître au commandant, tout le monde est imprégné par cette culture, par cette mission. Et ce qui fait que quand on embarque à bord des hommes politiques, des députés, des sénateurs, pour leur faire toucher du dos à ce que c'est que la dissuasion, c'est important qu'ils le vivent, qu'ils le comprennent, qu'ils connaissent, mais qu'ils le vivent. On fait une petite réunion souvent avec... Les représentants de catégorie du personnel, officiers, officiers mariniers, équipage, il ressort de là, mais comment ça se fait ? Un jeune de 20 ans, il a tout compris et il est à fond dans sa mission. Ça c'est important. Alors on a des missions opérationnelles, et c'est bien le côté opérationnel de la mission qui fait qu'on arrive aussi à accepter les contraintes, les sacrifices. Parce que faire 80 jours sous l'eau, dans la solitude, même s'il y a une promixuité forte dans la solitude, ne pas pouvoir parler avec sa famille, comme ça peut le faire, on peut le faire sur un bateau de surface, ils ont internet. Recevoir une fois par semaine ce qu'on appelle un familiste, un petit message de 40 mots de sa femme, de sa copine ou de sa maman, 40 mots qui ont été filtrés ou il n'y aura... On va dire que des bonnes nouvelles. On ne va pas dire « j'ai rayé la voiture » . Donc ça veut dire que la femme, elle va faire le message, elle sera obligée de le faire. Et ce n'est pas simple de faire passer de l'amour, de la sensibilité, des nouvelles des enfants en 40 mots. En 40 mots.

  • Speaker #1

    Et tu n'as pas de retour.

  • Speaker #0

    Ah non, t'as pas de retour. Et puis s'il n'y a que 39 mots, il y en a qui ne vont pas être contents. Tu vois, la psychologie, c'est un des éléments... Toi,

  • Speaker #2

    tu les dis tous, tes familles,

  • Speaker #0

    quand ils arrivent ? Alors, c'est le second, on les dit tous, mais ils ont déjà été relus deux ou trois fois.

  • Speaker #2

    Tu ne peux pas dire que papa est mort.

  • Speaker #0

    Non.

  • Speaker #2

    Oui, c'est filtré.

  • Speaker #0

    Non, parce que qu'est-ce qu'il va en faire de cette information de marin à bord ?

  • Speaker #2

    Il va ruminer.

  • Speaker #0

    Il est hors de question qu'il y ait un impact sur la mission. Et le commandant ne le saura pas non plus parce qu'il ne va pas porter sur ses épaules. Je ne pourrai pas tous les jours le croiser 20 fois. Donc quand il y a des mauvaises nouvelles inattendues, on le sait deux jours avant de rentrer. Moi, ma femme, typiquement, j'étais sur ce parrain, elle s'est cassé le... Elle s'est cassé le bras, elle n'est pas partie en vacances, elle m'a fait des faux messages pendant 70 jours, et puis quand je suis arrivé à qui, elle m'a dit « Quoi ? » Donc donner du sens à la mission, c'est important. Il faut savoir encourager, il faut savoir remercier ces hommes. Ça c'est quelque chose de très important, ça peut se faire par un mot. Je passais dans le bord, même à minuit ou lors du matin, des têtes à tête. C'est super ce que tu as fait aujourd'hui. On peut, devant l'équipage, à l'appel ou par diffusion générale à la mer, dire, voilà, là, il s'est passé un truc super. Pierre, il a été génial. On peut faire une lettre de félicitation, signer du commandant, une lettre officielle. On peut faire signer une lettre par l'amiral.

  • Speaker #2

    C'est simple, mais c'est hyper efficace.

  • Speaker #0

    Oui, parce que nous, on ne peut pas donner de primes ni de tickets.

  • Speaker #2

    Oui,

  • Speaker #0

    mais ça vaut plus qu'une prime des fois. Et donc, je pense que c'est un devoir, la reconnaissance qu'on a vis-à-vis de notre équipe, ou vis-à-vis de nos équipes au sens large, parce qu'ils se battent tous les jours pour la mission.

  • Speaker #3

    Ça, c'est un parallèle avec l'entreprise qui se fait très facilement. Mais pareil, c'est quelque chose qui...

  • Speaker #0

    Non,

  • Speaker #2

    mais tu as déjà reçu une lettre du PDG. Enfin, je trouve ça stylé.

  • Speaker #3

    Oui, mais c'est ce que je te dis.

  • Speaker #2

    Ça ne ferait plus plaisir.

  • Speaker #3

    Mais c'est quelque chose qui se faisait dans le temps, dans les entreprises. Tu recevais une lettre du patron de... ta boîte.

  • Speaker #2

    Emric va m'en envoyer une pour ma qualité.

  • Speaker #3

    Aujourd'hui, la plupart des choses sont transactionnelles. On peut réaliser beaucoup de choses, comme vous dites.

  • Speaker #0

    Dans la dernière interview, il a dit qu'il allait voir les équipes sur le terrain. C'est là qu'on peut passer. Et puis, c'est au manager local de dire au chef, tiens, lui, il est super, il faut que tu le félicites. Donc, ça se...

  • Speaker #1

    Tu trouves des vraies compensations. La mission, tu la trouves, tu sais, dans tout ce podcast qu'on a fait avant, sur les batteries, sur... tout le sens qu'il a donné à son groupe, Electra, bien sûr, sur la transition énergétique, etc. Toi, c'est pareil, tu as quelque chose de plus grand pour embarquer les équipes.

  • Speaker #0

    Alors après, il faut savoir récompenser, il faut aussi savoir dire quand c'est pas bien. Moi, j'ai quand même constaté que beaucoup de jeunes officiers avaient du mal avec cette notion de dire à mon ami, c'est pas bien. Et moi, chaque année, je recevais individuellement tout mon personnel. à la notation, il y en a qui disent « j'ai une mauvaise note, on ne m'a rien dit » . Ça c'est inacceptable, parce que là on démotive. C'est la crispation, on démotive les gens. Donc dire « c'est pas bien et voilà comment on va faire pour t'aider, on va te coacher, on va te donner des cours supplémentaires, on va te faire faire des sciences de simulateur en plus, mais tu vas y arriver, on va lui donner une deuxième chance » , ça c'est important.

  • Speaker #1

    Mille points. qu'on n'a pas beaucoup abordé, mais tu l'avais introduit. Il y a tellement de sélection, sélectivité dans votre process, parce qu'en fait, à la fin, tu n'as qu'un commandant. Comment tu gères dans une carrière, et tu as ça en entreprise, tout le monde ne deviendra pas commandant. Comment tu gères cette notion un peu de plafond de verre de carrière pour que les gens s'épanouissent quand même ? Mais vraiment, il faut dire à un gars, bon, écoute, en fait, tu ne le seras pas. C'est pas facile ça. C'est pas moi qui gère,

  • Speaker #0

    c'est l'état-major de la marine, c'est la division RH, direction du personnel militaire de la marine.

  • Speaker #1

    Mais c'est toi qui fais remonter, c'est-à-dire qu'à la fin tu dis le gars était compétent, il était pas compétent.

  • Speaker #0

    Typiquement, quand j'étais officier entraîneur, c'est moi qui proposais ou non à l'amiral le succès ou non au cours de commandement. Bon ben j'ai un second qui est arrivé dans 11 ans de sous-marin, qui était... Un intellectuellement beaucoup plus brillant que moi, un mec très intelligent, mais pas fait pour ce métier-là. Ce type-là, il n'écoutait pas ses hommes. Ces hommes disaient non, ils disaient oui. Bon, c'est dur. Et quand tu reçois un officier comme ça, qui a passé 12 ans au sous-marin, et que tu lui dis c'est fini. Bon, alors après, donc il a des compétences et il va s'épanouir ailleurs. Il va s'épanouir sur un bateau de surface, il va s'épanouir dans les relations internationales, dans l'enseignement. Dans la marine, il y a énormément de voies qui permettent de s'épanouir. Si on n'arrive pas, c'est comme pour un pilote de chasse. Derrière, ça se paye cash si il y a une erreur. Donc on ne va pas prendre ce risque-là.

  • Speaker #2

    Peut-être une question, justement, pour le dernier point qu'on voulait avoir ensemble. C'est quoi ta vision du commandement dans les dix ans qui viennent ? Est-ce que c'est un rôle qui va évoluer ? C'est un standard tel qu'il est aujourd'hui, où tu vois des évolutions majeures, toi ?

  • Speaker #0

    Non, ce sont des fondamentaux. Je pense que le commandement au sens large, il n'évolue pas. Les valeurs humaines qu'il faut avoir pour commander, elles restent.

  • Speaker #2

    Parce que tu n'as pas expliqué juste ta vision commandement versus management. C'est quoi la nuance que tu fais entre les deux ?

  • Speaker #0

    Je dirais que le commandant, il voit loin. Il se pose toujours la question, pourquoi, quel effet final rechercher ? C'est celui qui donne le cap, qui a la vision, qui sait où il va. Le manager, je pense qu'il est plus dans le... Mais je maîtrise moins cette notion dans la gestion des process. C'est pas un dirigeant. Un dirigeant, c'est comme un commandant, moi je pense.

  • Speaker #1

    Si on peut finir, j'ai vraiment une question perso. Quand t'es embarqué comme ça pour 80 jours, t'as la pression qui monte, t'es dans un... d'endroits confinés, fermés. Comment toi, t'arrives à... C'est quoi ta bouffée d'oxygène ? Comment tu arrives à prendre du recul par rapport à toute cette pression qui monte ? J'imagine qu'en plus, t'as à la fois des pressions de l'équipage, etc., des problèmes que tu peux avoir sur l'équipage, et puis de la mission qu'on t'a fixée. Tu rencontres un sous-marin russe en face.

  • Speaker #2

    C'est l'octobre rouge.

  • Speaker #1

    Ça peut être un peu tendu. Comment toi, qu'est-ce que tu fais pour prendre du recul ?

  • Speaker #0

    D'abord...

  • Speaker #2

    Quand en mission, là, tu veux dire.

  • Speaker #0

    D'abord, en mission, il y a des moments de forte tension, de forte pression opérationnelle, où là, on peut être au poste de combat. Ce n'est pas tout le temps. Alors d'abord, on s'habitue à la pression. Quand on vit un commandant de SNLE, même quand il est en vacances, il est responsable d'une chaufferie nucléaire qui est taquée. Tu es obligé de vivre. Tu vois ce que je veux dire ? Tu es obligé de vivre avec ça. Donc tu t'habitues à l'impression. Après à la mer, moi c'était du sport pour me défouler un petit peu.

  • Speaker #2

    C'est vrai qu'il y a des salles de sport installées un peu en SD.

  • Speaker #0

    Oui, il y a des vélos, il y a des rameurs là où on peut les placer. Et les jeunes font de plus en plus maintenant cette hygiène de vie et rentrer dans les mœurs plus qu'il y a 20 ans. quand je suis rentré dans la marine.

  • Speaker #2

    Il faut peut-être m'installer chez Théodore.

  • Speaker #0

    Tu faisais du sport ?

  • Speaker #1

    Oui,

  • Speaker #0

    musique. Tu écris ? La lecture. Alors, j'écrivais à ma femme, mais je ne pouvais pas poster.

  • Speaker #3

    C'est génial.

  • Speaker #2

    Tu les as gardés ?

  • Speaker #0

    Joker. Non,

  • Speaker #1

    mais tu écrivais. D'accord. C'est marrant, ça, d'écrire. Je sais que ça ne va pas partir. OK. Ah non.

  • Speaker #3

    Peut-être, alors c'est une question qu'on pose toujours à la fin du podcast, qui est la recommandation du prochain invité. Alors, on a noté que tu allais nous inviter François Hollande, mais peut-être que quelqu'un d'autre éventuellement...

  • Speaker #0

    Moi, je verrais deux personnes. Un marin, c'est l'amiral Vendier, qui est l'ancien chef d'état-major de la Marine, qui est actuellement à l'OTAN, à Norfolk, à Sakti, qui est un de mes petits-fils, au sens promo du terme, que je quitte en fait. Pilote de chasse qui m'avait fait découvrir le Rafale quand j'étais sur le porte-avions.

  • Speaker #2

    Tu n'avais pas dit que tu avais déployé les premiers sous-marins sur le Charles de Gaulle ? Tu avais eu un petit pin,

  • Speaker #0

    c'est pour ça. Une puissance intellectuelle, quelqu'un qui voit loin, qui est innovant. À chaque prise de parole, j'étais bluffé.

  • Speaker #1

    Tu l'avais repéré.

  • Speaker #0

    Oui, je l'ai repéré. La marine l'a repéré aussi avant moi, je pense. Et on se sent petit en face de gens comme ça, en plus d'une grande humilité, d'une grande accessibilité. Et puis, il y a Thomas Pesquet, moi, qui m'impressionne par toutes ses compétences, son énergie, son savoir-être.

  • Speaker #3

    Mais tu l'as rencontré ?

  • Speaker #0

    Non, je ne l'ai jamais rencontré, mais je suis passionné d'astronautique. Donc, je suis... Thomas Pesquet,

  • Speaker #2

    ça serait très cool de l'avoir.

  • Speaker #3

    Mais comme Thomas nous écoute, manifesto toi, on te trouvera une place où que tu sois.

  • Speaker #1

    C'était un amiral qui t'admire.

  • Speaker #3

    C'était très intéressant, il y a beaucoup de parallèles à faire dans le monde des affaires qu'on n'étudie plus habituellement. J'espère que les auditeurs ont apprécié. Une dernière chose, n'hésitez pas à noter cet épisode, mettez 5 étoiles, commentez, ça fait remonter le podcast dans les algorithmes et ça nous fait connaître un petit peu plus. Ça nous aide, on sera ravis. Merci beaucoup, à bientôt, bye bye.

  • Speaker #2

    Merci Fabrice.

Description

Plonger à 300 mètres sous la mer, dans un silence absolu. Vivre pendant 80 jours sans prononcer un mot. Prendre des décisions vitales avec zéro marge d’erreur. Commander des équipes réduites mais ultra-compétentes, dans un environnement où chaque geste est une question de vie ou de mort. Voilà le quotidien de notre invité du jour.


Dans cet épisode expert, on reçoit Fabrice Legrand, vice-amiral et ancien commandant de sous-marins nucléaires dans la Marine nationale française. Issu de l’École navale, il a dédié sa carrière à la lutte sous la mer, en enchaînant les missions critiques et les plongées longues durées — jusqu’à 27 000 heures passées sous l’eau à bord des fleurons de la flotte, comme le sous-marin nucléaire d’attaque La Perle.


🎯 Dans ce numéro spécial, on va plonger au cœur de deux grands sujets :

  • Comment prendre des décisions dans des situations complexes, sans repères, sans retour immédiat, parfois sans communication.

  • Ce que cela signifie vraiment de “commander”, dans des environnements extrêmes — bien au-delà du management classique


On espère que cet épisode vous inspirera autant qu'il nous a inspiré !



Hébergé par Ausha. Visitez ausha.co/politique-de-confidentialite pour plus d'informations.

Transcription

  • Speaker #0

    On t'appelle, on dit le président débarque.

  • Speaker #1

    Tu reçois un message, trois semaines avant. On ne parle pas d'ascenseur social, on parle d'escalier social dans la marine. Recevoir une fois par semaine ce qu'on appelle un familiste, un petit message de 40 mots de sa femme, de sa copine, de sa maman. 40 mots qui ont été filtrés.

  • Speaker #2

    Tu ne peux pas dire « Papa est mort » . Non.

  • Speaker #0

    En fait, on a tous ce parallèle où, évidemment, quand on est stressé, c'est pas forcément là où on prend les bonnes décisions. Toi, t'es sous contrainte maximum, t'es sous l'eau, y'a de la pression. Comment tu te prépares à ça ?

  • Speaker #3

    Bonsoir à toutes et à tous et bienvenue dans ce numéro spécial, spécial de chez spécial, parce que nous recevons l'amiral Fabrice Legrand, commandant de sous-marins nucléaires. Bienvenue, amiral.

  • Speaker #1

    Bienvenue, merci, bonjour.

  • Speaker #0

    Bonjour Fabrice.

  • Speaker #1

    Merci de m'accueillir.

  • Speaker #0

    C'est un numéro expert.

  • Speaker #3

    Voilà, numéro expert, et malgré nos demandes express au haut commandement pour tourner cet épisode dans un sous-marin... nous sommes bien au bureau de Théodore. On a essayé. Donc, pour poser le décor, qui est Fabrice et pourquoi c'est un épisode qui est important, pourquoi ? Alors, je vais essayer de présenter Fabrice, qui peut me corriger si je dis des bêtises. Fabrice, officier de marine, commandant de sous-marins nucléaires, spécialiste de la lutte sous la mer.

  • Speaker #1

    J'ai été commandant de sous-marins nucléaires.

  • Speaker #3

    Vous avez été commandant. C'est pour ça qu'on a le droit de vous parler, sinon on aurait eu quelques difficultés. Donc, il faut imaginer qu'un sous-marin, et je pense que tout le monde le ressent, c'est quand même un... univers mythique, c'est un environnement extrême avec de l'isolement total, beaucoup de pression, des décisions vitales. Sachant qu'un sous-marin nucléaire comme il porte son nom, détient des missiles nucléaires. Donc la responsabilité de Fabrice est de recevoir un coup de fil du président qui peut lui demander de éventuellement actionner ce bouton. Schématiquement.

  • Speaker #2

    Peut-être plusieurs boutons, je sais pas.

  • Speaker #3

    Quelques expériences personnelles marquantes qui peuvent nous parler, notamment la première pour Julien Masson, notre cher Julien Masson. 80 jours sans parler soutien humain de sa femme mariée à distance et ça c'est important de le dire parce que c'est très important je pense dans ce métier là l'épouse fait partie du sac comme on dit chez nous et on peut faire ce métier là dans la durée parce que ça dure 20 ans parce que derrière on a une épouse une famille qui suit qui est derrière vous d'autant plus que c'est aussi dans une expérience internationale l'Espagne, la Malaisie, l'Arabie Saoudite donc c'est des longs trajets des longs chemins des longues. longue absence. Et pour rappel de la mission du SNLE, c'est de la dissuasion nucléaire et ce qu'on appelle de la continuité stratégique, en fonction de ce qui peut se passer sur le terrain de guerre, le sous-marin se déplace et est en support d'opérations partout dans le monde.

  • Speaker #2

    Peut-être d'ailleurs on peut commencer par expliquer ce que c'est cette notion de dissuasion nucléaire.

  • Speaker #3

    J'allais y venir. Peut-être quelques questions pour introduire, peut-être nous expliquer la mission en quelques mots simples du SNLE. Comment aussi on se retrouve à être commandant d'un sous-marin nucléaire ? Je pense que... Est-ce que quand on est petit, on se rêve de commander un sous-marin nucléaire ? Peut-être. Quel était le parcours personnel et qu'est-ce qui vous a marqué dans votre carrière ?

  • Speaker #1

    Très bien. Je vais d'abord peut-être compléter la présentation.

  • Speaker #3

    Et me corriger.

  • Speaker #1

    Personnellement, non.

  • Speaker #2

    Je sais qu'il a préparé Fabrice là. On n'est pas à la porte déconnée.

  • Speaker #1

    Il n'y a pas de correction. Donc moi, j'ai fait 38 ans dans la marine, notamment dans des postes tournés vers les opérations, c'est-à-dire la conduite. de mobile de la marine, 25 ans aux forces sous-marines et j'ai 27 000 heures de plongée, soit 3 ans sous l'eau. Comme la mobilité fait partie de la marine, j'ai servi dans les 4 ports métropolitains, Toulon, Lorient, Brest, Cherbourg et également Outre-mer avec La Réunion, Mayotte et Tahiti. Mais pas en sous-marin. J'ai eu l'honneur de me voir confier 5 commandements, dont 3 à la mer. Donc un commandement de bâtiment de surface, qui était un bâtiment hydrographique à l'Arago, un sous-marin nucléaire d'attaque, la PER, et un sous-marin nucléaire de lancement d'engin, le Terrible. J'ai commandé ensuite l'escadrille des sous-marins nucléaires de lancement d'engin, c'est-à-dire au commandement des 4 sous-marins, en charge de la gestion des équipages, de leur entraînement, de leur qualification, du soutien logistique des bateaux. Donc ça fait à peu près 1000 hommes. Et j'ai commandé la base de défense de Chambourg. Alors j'étais en lien numéro 2 des forces sous-marines et de la force océanique stratégique. Alors tu me posais la question, le parcours d'un commandant.

  • Speaker #2

    Déjà c'est quoi le parcours et la diffusion nucléaire ?

  • Speaker #1

    Qu'est-ce que c'est qu'un SNLE ? Schématiquement, SNLE, c'est la base de Kourou propulsée par une chaufferie nucléaire qui lance une salve de 16 Ariane. Sous l'eau, en avançant.

  • Speaker #2

    Donc c'est une bonne image. Pour Kourou, pour ceux qui ne savent pas, c'est la base de lancement des fusées.

  • Speaker #1

    Des fusées aériennes. C'est l'engin le plus complexe que l'homme ait conçu. Beaucoup plus complexe, par exemple, que la navette spatiale. Parce que derrière, on a quand même plus de 30 barres à l'extérieur.

  • Speaker #0

    On n'a pas ça en tête du tout. On pense que renvoyer SpaceX, c'est compliqué.

  • Speaker #1

    Non, non, c'est plus simple. Le milieu sous-marin est beaucoup plus complexe et beaucoup plus... en termes de technologie et de contraintes. Alors le sous-marin c'est 14 000 tonnes, c'est à peu près 140 mètres de long, donc presque un terrain de foot et demi, c'est 21 mètres de haut, donc un immeuble de 6 étages. Et ça emporte l'arme stratégique, c'est-à-dire 16 missiles balistiques, chacun pouvant être équipé jusqu'à 6 têtes nucléaires, chaque tête ayant 5 fois la puissance de Little Boy, la bombe qui est allée sur Hiroshima, qui a été lancée sur Hiroshima. C'est des responsabilités. C'est un peu de responsabilité.

  • Speaker #0

    Donc t'as 16 fois 6, et chacune a 5, tu dis derrière.

  • Speaker #1

    T'as 16, et tu peux avoir jusqu'à 6 têtes. 6 têtes. Tu peux avoir jusqu'à 96 têtes. Ouais, d'accord.

  • Speaker #2

    Ça c'est un chiffre que tu veux donner ?

  • Speaker #1

    C'est un chiffre jusqu'à 96 têtes, oui je peux le donner, ouais.

  • Speaker #2

    Ça vaut combien d'ailleurs un SNLE ?

  • Speaker #1

    Ça je peux pas le donner. Ça vaut cher. Mais la mission, ça a un coût. Je peux pas dire que ça a un prix. Ça a un coût. Mais la sécurité du pays, ça a un coût.

  • Speaker #2

    D'ailleurs, tu parlais de la mission du SNLE, la dissuasion nucléaire. Ça veut dire quoi ?

  • Speaker #1

    Oui. Alors dans le SNLE, il y a le SNLE, mais il y a aussi son équipage. Il faut quand même le dire. Les armes, c'est bien, mais tu peux faire cette mission parce que tu as un équipage de 115 hommes et femmes, parce que maintenant il y a des femmes sur les sous-marins, sur sous-marins nucléaires en sanguin et sur sous-marins nucléaires d'attaque, avec des métiers différents, du boulanger jusqu'à l'atomicien, de l'oreille d'or jusqu'au mécanicien, le médecin, l'infirme anesthésiste, donc des experts de très très haut niveau qui partent en mer sur ces sous-marins.

  • Speaker #0

    J'ai aucune idée. Quand tu pars en mer, tu pars à peu près pour combien de temps ? C'est très variable.

  • Speaker #1

    80 jours à peu près. 75,

  • Speaker #0

    80.

  • Speaker #1

    On peut rester plus longtemps, mais c'est à peu près 80 jours. Alors la mission du SNLE, c'est la permanence de la dissuasion de la mer. La dissuasion, c'est, on va dire, la clé de voûte. C'est ce que dit le président de la République. Il s'exprime tous les cinq ans sur la dissuasion à peu près. C'est la clé de voûte de la sécurité du pays. et la garantie ultime de nos intérêts vitaux, intérêts vitaux qui sont définis par le président de la République. La décision est défensive en France. Et donc on est capable de produire, d'envoyer des dommages inacceptables, quelle que soit la situation, sur un pays, une menace étatique. qui viendraient menacer les intérêts vitaux de la France.

  • Speaker #2

    Les intérêts vitaux de la France,

  • Speaker #1

    ça va fracasser. C'est les intérêts vitaux de la France. Alors, dommages inacceptables, on en parlait du nombre de têtes nucléaires et de la puissance, donc tu peux imaginer. Alors, les dommages inacceptables, c'est sur les centres de pouvoir, c'est-à-dire tout ce qui est politique, industriel, économique. L'idée, c'est de bien dissuader, de ne pas avancer. Alors, la dissuasion, elle est portée par la marine, avec les sous-marins nucléaires en sort d'engin, les SNLE, par également le porte-avions, la force aéronavale nucléaire. Le porte-avions peut embarquer des armes nucléaires qui sont portées par les rafales, et bien évidemment par l'armée de l'air et de l'espace avec les forces aériennes stratégiques.

  • Speaker #2

    Je ne sais pas que les rafales marines, maintenant, ils pouvaient embarquer des missiles.

  • Speaker #1

    Depuis, non. Tout le temps, avant, oui.

  • Speaker #0

    Mais ce n'est pas la même proportion. Forcément, si on compare...

  • Speaker #1

    Non, c'est différent. D'abord, ce sont des missiles qui ne sont pas des missiles balistiques. Ce sont des missiles hypersoniques, mais qui n'ont pas la même trajectoire. Un missile balistique, il va jusqu'à dans l'espace, puis il y en a deux. Là, ce sont des missiles plus traditionnels, mais qui vont très très vite. Donc très difficile à intercepter. Donc si tu veux, c'est une... Une manière de pénétrer différente et donc ça donne au président de la République des options différentes. Le président de la République, il faut lui donner toutes les options si possible. Donc depuis 1972, il y a en permanence, il y a eu en 1972, en permanence un SNLE en patrouille à la mer.

  • Speaker #2

    Combien de pays auront ça ?

  • Speaker #1

    À un certain nombre, les États-Unis, les grandes puissances, regarde qui, le droit de veto au Conseil de sécurité de l'ONU, donc tu as la Grande-Bretagne, les États-Unis, la Russie, la Chine, depuis peu l'Inde a deux SNLE. On entend parler de la Corée du Nord qui développe un SNLE classique, si j'ose dire, qui ne sera pas propulsé par une centrale nucléaire.

  • Speaker #3

    Donc c'est un club fermé de pays dont fait partie la France ?

  • Speaker #1

    Oui, parce que l'engin, il faut une technologie qui est quand même extraordinaire derrière. Il y a quand même une puissance industrielle et d'ingénieurs, d'ingénierie qui est extraordinaire. Parce que concevoir une tête nucléaire de manière sûre... On a eu des essais à l'époque, mais maintenant ça se fait par simulation. Ouais.

  • Speaker #0

    Et ça veut dire... Attends, parce que là, c'est des pays qui ont des sous-marins nucléaires. Est-ce qu'il y a d'autres puissances qui ont du nucléaire, notamment qui pourraient avoir juste un porte-avions ou des têtes nucléaires, mais qui n'ont pas la technologie, si tu veux, de tout ce que l'embarquer des sous-marins ?

  • Speaker #1

    Alors il y a le Pakistan, qui est un pays qui a les armes nucléaires. On pense qu'il y a aussi Israël. Israël. Même si Israël n'a jamais déclaré qu'il avait l'arme nucléaire.

  • Speaker #0

    Et il y a toutes les questions autour de l'Iran en ce moment qui travaillent dessus.

  • Speaker #1

    Qui travaillent dessus, qui restent au seuil.

  • Speaker #0

    Mais pour que nos auditeurs comprennent, il y a quand même plusieurs marches. C'est-à-dire qu'il y a avoir la technologie nucléaire en labo, la sécuriser, faire des essais, comme tu disais, de simulateurs. Et puis derrière, aller plus loin, c'est-à-dire tu peux la voir sur un porte-avions, mais après tu l'as en sous-marin. Et là, tu es encore une étape encore plus loin. C'est un niveau de complexité, de technicité embarqué.

  • Speaker #2

    Pourquoi c'est si complexe un sous-marin ? Peut-être comme on a des geeks de technologie qui nous écoutent ?

  • Speaker #1

    Un sous-marin, c'est une ville qui vit sous l'eau. Donc il faut produire son oxygène, il faut filtrer l'atmosphère, il faut faire vivre ce sous-marin. Il y a des armes tactiques, il y a des torpilles, des missiles Exocet. Il y a tout ce qu'il faut pour vivre. Tu ne vois rien. Tu ne vois rien, mais tu entends, tu écoutes. C'est par le son que tu vas élaborer la situation tactique qui est autour de toi. Mais le fait de descendre largement au-delà de 300 mètres, il faut éprouver les circuits hauts de mer. La mer, c'est un peu abrasif. C'est beaucoup plus abrasif, beaucoup plus corrosif que l'espace. Et puis il y a une chaufferie nucléaire, incidemment. Donc c'est une petite centrale nucléaire qui est embarquée.

  • Speaker #0

    T'habites à côté de la centrale.

  • Speaker #1

    Oui. Mais on s'en porte pas plus mal. Il a eu le bras. Personne ne le voit,

  • Speaker #2

    mais il a eu le bras.

  • Speaker #1

    Ce qui est intéressant, c'est la chaîne de commandement, parce qu'il y a un lien direct entre le président de la République et le commandant du sous-marin. Quand le président de la République donne l'ordre, schématiquement, ça arrive dans la cabine du commandant.

  • Speaker #3

    Sans intermédiaire.

  • Speaker #1

    Sans intermédiaire. Alors que ce lien direct, moi, j'ai eu. Justement, j'ai eu l'honneur d'embarquer le président Hollande un mois après qu'il ait été élu, donc en 2012. Et j'ai pu lui montrer, lui faire vivre ce que faisait un commandant de tout marin, un commandant de SNLE.

  • Speaker #0

    On t'appelle, on dit le président des barques.

  • Speaker #1

    Tu reçois un message, trois semaines avant, on te dit, il vient. Je savais qu'il avait été élu parce que j'étais parti sous le mandat de Nicolas Sarkozy. Il avait été élu pendant la patrouille, bien sûr, je le savais.

  • Speaker #0

    Tu as fait une cérémonie dans le bateau ?

  • Speaker #1

    J'ai fait une cérémonie républicaine. Et alors, parce que chaque commandant de bateau dans la Marine Nationale, comme les maires, ils ont le portrait du président de la République dans son bureau. Donc j'ai fait une cérémonie en grande tenue. J'avais finalement enlevé la photo du président Sarkozy et j'ai découpé dans le Figaro, parce que j'avais le Figaro à bord, que j'avais embarqué au départ, une photo de campagne si j'ose dire, et donc je lui ai montré qu'il était venu à bord. Et donc au président, vous êtes surpris de l'arrivée ? Oui, j'avais pas le portrait officiel, on ne me l'avait pas livré, mais on m'a dit dans trois semaines, écoute, tu te débrouilles, tu fais vif ta patrouille. ce qui était intéressant c'est que avant Avant de le recevoir, j'ai embarqué le chef d'état-major des armées, le chef d'état-major de la marine, le commandant des forces sous-marines, et puis quand même...

  • Speaker #2

    Et Julien Lort,

  • Speaker #1

    c'est le truc qui n'a rien à voir. Ils ont quand même voulu vérifier si j'avais pas dit trop de bêtises au président. Donc c'était un grand oral intéressant. Et alors j'ai eu une remarque du chef d'état-major des armées, qui était l'amiral Guillot, qui m'a dit... Le Grand... On ne parle pas d'ascenseur social, on parle d'escalier social dans la marine. Parce qu'un escalier, on met un petit peu d'énergie avec ses mollets. Et j'ai retenu...

  • Speaker #0

    T'as gardé ça en mémoire.

  • Speaker #1

    Ça en mémoire parce que c'est vrai. C'est exactement ça.

  • Speaker #0

    On parle toujours d'ascenseur social.

  • Speaker #1

    Et c'est ça, quand on dit la marine, elle va prendre un quartimètre et 15 ans plus tard, il sera aux commandes d'une chaufferie nucléaire. C'est ça l'ascenseur social, enfin l'escalier social. Vous voyez ce que je veux dire ? Et c'est pareil pour un commandant.

  • Speaker #2

    Justement, on va peut-être rentrer dans les points que t'avais relevés.

  • Speaker #0

    t'avais une bonne question qui est comment on en arrive là ? Quand t'étais petit, tu voulais...

  • Speaker #2

    C'est ça que le juju !

  • Speaker #0

    Comment t'arrives à vraiment te dire, tiens,

  • Speaker #1

    j'ai le bouton rouge à côté de moi ? Moi, j'étais passionné d'aéronautique, je voulais être pilote de chasse, et j'ai passé mon temps à l'école navale, j'ai passé mon brevet de pilote. Ah,

  • Speaker #0

    tu voulais être dans l'aéronaval ?

  • Speaker #1

    Je voulais être dans l'aéronaval. Et les médecins ont détecté très vite ma myopilatante. Donc, en fait, comme j'avais embarqué sur sous-marin pendant l'école navale, finalement... J'avais été impressionné par l'ambiance, par le collectif, par l'esprit d'équipage et par la vision du commandant sur son siège périscope. Et tout lui remontait, j'étais ébahi. Et donc je suis allé chercher cet esprit chasse que j'imaginais sur les sous-marins. Parce que les sous-marins du Caratac, ce sont des chasseurs. Et la troisième dimension. Donc finalement, il y a pas mal de parallélisme.

  • Speaker #0

    Et pour arriver à diriger un bâtiment comme ça, c'est combien d'années ?

  • Speaker #2

    T'as peu d'élus là ?

  • Speaker #1

    Alors, chaque année, pour répondre directement à ta question, c'est 20 ans pour former un commandant de SNLE. Chaque année, la marine recrute environ 18 officiers pour les opérations. Et au bout de 12 ans, il va y avoir 6 commandants de SNL, sous marée de clair d'attaque. Et au bout de 20 ans... à peu près 5 commandants de SNLE.

  • Speaker #2

    C'est des maths quoi.

  • Speaker #1

    Comment ?

  • Speaker #2

    C'est une pyramide.

  • Speaker #1

    C'est une pyramide parce qu'il y a des accidents de la vie, parce qu'il y a des gens qui ne sont pas faits pour ce métier-là et qui vont s'épanouir parce qu'ils ont des grandes qualités ailleurs. Il y a des gens... On a dans nos parcours, on a des passages un peu obligés. Le premier, c'est le commandement d'un petit bateau de surface. Moi, j'ai commandé un Tahiti, un bateau en hydro, pour avoir cette première expérience du commandement. C'est leur seul à décider en mer.

  • Speaker #2

    Tu t'étais pas fait peur, tu m'as pas dit une fois en Méditerranée ?

  • Speaker #1

    C'était dans le Pacifique, Tahiti, tu sais, tu te souviens ?

  • Speaker #2

    C'est pareil, c'est à côté.

  • Speaker #1

    Merci de le faire je... C'était à Lisbonne en Espagne. Et il y a un deuxième point important, c'est ce qu'on appelle le cours de commandement, qui est d'une sélection fin qu'était. A la fois un stage de formation et de sélection, qui est aussi utilisé dans les autres marines. Les Anglais ont le Pericheur, il est très connu. Donc c'est quelque chose de... assez dur, assez physique où on met les futurs commandants, ceux qui sont déjà commandants secondes, donc numéro 2, qui ont déjà 10 ans de sous-marin, on les met dans une situation extrême, complexe, avec un officier entraîneur derrière, le commandant en charge derrière, pour non pas voir s'ils sont très bons tactiquement au bout de dix ans, la technique c'est plus vraiment ça qu'on va regarder les savoir-être. On va regarder le leadership, on va regarder cette capacité à entraîner, à écouter ces hommes, à prendre la bonne décision au bon moment, en sécurité. Est-ce qu'on peut confier à cet homme-là un sous-marin nucléaire ? Un sous-marin nucléaire, c'est complexe, mais il y a aussi des impacts potentiels, on va dire, sur la politique.

  • Speaker #0

    C'est un truc justement que j'avais très envie de creuser avec toi, qui est un peu plus générique. mais qui est liée à ton expérience. Comment on se prépare à prendre des décisions dans des conditions de stress ? En fait, on a tous ce parallèle où, évidemment, quand on est stressé, c'est pas forcément là où on prend les bonnes décisions. Toi, t'es sous contrainte maximum, t'es sous l'eau, il y a de la pression dans un univers fermé, j'imagine qu'en plus il peut y avoir de la tension. Évidemment, si on t'appelle et que c'est une situation critique, comment tu te prépares à ça ? Et c'est quoi la méthodologie derrière pour se dire en fait, je suis rodé et je suis serein, si on peut l'être ?

  • Speaker #1

    Alors la première des choses, c'est la mise en situation. Donc on entraîne nos équipages tout le long de notre carrière en simulateur, avant chaque cycle, pendant 6 ou 7 semaines, où on va conduire des drills, on va se former. Alors un drill, un exercice, pendant 4 heures, il y aura une séance de simulateur, comme tu peux le voir pour les pilotes d'Airbus. Tu joues aux jeux vidéo là. Mais là, tu es en simulateur sur vérin. avec un entraîneur derrière, parce qu'on est évalué par le commandant et par une équipe d'entraînement indépendante, avec un œil externe, donc avec beaucoup de pression. Et on va conduire des exercices de plus en plus complexes pour acquérir notamment des réflexes, des bons de procédure, en cas d'incident grave. S'il y a une avarie de barque et mon sous-marin descend, je ne veux pas me prendre le fond, donc on a des parades. Et voilà, on entraîne ces gens-là dans le domaine de la conduite du sous-marin, dans le domaine du nucléaire. On va mettre aussi les opérateurs dans des situations un peu compliquées.

  • Speaker #0

    Oui, tout le monde sous stress.

  • Speaker #1

    Et on met tout le monde sous stress et on apprend à travailler collectivement. C'est-à-dire que ce qui est à penser, c'est qu'ils comprennent bien que l'erreur de l'un peut être rattrapée par l'équipe. Et ça, c'est très fort. La force de l'équipe, la force de l'équipage.

  • Speaker #0

    Donc, les drills, d'accord. Donc, ça,

  • Speaker #1

    c'est la mise en situation. Le deuxième point, c'est, on va dire, l'analyse. Pour le commandant de SNLE, c'est l'analyse de sa mission. moi je faisais ma Je réfléchissais stratégiquement à ma stratégie de ma patrouille. Parce qu'une fois à terre, avant de partir, avec les éléments qu'il m'avait, les ordres qui m'ont été donnés par l'amiral, en fonction de l'effet final recherché, je préparais mon idée de manœuvre et je la faisais vivre à la mer. Parce qu'évidemment, ça...

  • Speaker #0

    Tu peux nous donner un exemple ? Par exemple, on t'a donné une mission d'aller...

  • Speaker #2

    On va inventer un nom de pays,

  • Speaker #1

    on s'en fout. Non, c'est pas ça. On va me dire, tu peux faire ça pendant ta patrouille, tu vas peut-être essayer de passer là, si tu peux. Parce qu'on peut me dire, deux mois avant, est-ce que tu peux passer à cet endroit-là ? Et peut-être qu'un mois plus tard, il y aura à ce moment-là un soumrain russe. Donc à ce moment-là, je n'irai peut-être pas. Donc c'est pour ça qu'on fait son idée de manœuvre à froid. On la remet en cause en permanence.

  • Speaker #2

    Ce que tu appelles l'idée de manœuvre ?

  • Speaker #1

    C'est-à-dire ma stratégie. Ton plan de départ. Et après, tu revisites ton plan de départ. Et après, on le remet en cause systématiquement. Et cette capacité de remise en cause, elle est importante. Toutes les semaines, en fonction de l'état de ton bateau. Tu peux avoir une pompe qui est tombée en avarie. Et quel impact ça a en fonction de l'état de ton personnel. Tu peux avoir quelqu'un qui est malade ou quelqu'un qui va se faire opérer par le médecin. Donc, tu vas prendre des décisions. Peut-être te rapprocher de la terre. enfin je suis en plein. Tu prends ça en compte dans ton meuble et tu la remets en cause systématiquement.

  • Speaker #0

    D'accord. Et dans les outils que tu as développés là-dessus ?

  • Speaker #1

    Alors, moi je prends en compte les facteurs déterminants, c'est-à-dire l'environnement, la météo, la bâtie thermique, l'environnement tactique, la menace, où est-ce qu'elles sont. Je me pose la question, d'ailleurs, est-ce que les renseignements qu'on me donne, parce que je ne peux pas admettre, mais je reçois énormément d'informations, est-ce que les renseignements qu'on me donne sont fiables, comme j'imagine, parce qu'on a beaucoup de renseignements nationaux, mais on a aussi du renseignement avec nos alliés. Alors, est-ce qu'ils sont bons ? Est-ce que les Américains nous disent tout ? Comme, j'imagine, un dirigeant d'entreprise se dit, est-ce que mon partenaire est fiable ? Est-ce que mon concurrent, il a vraiment dévoilé sa stratégie ? Donc, ce doute constructif... Il est permanent. Alors après, on est obligé de se préparer, parce qu'on ne peut rien prévoir à 100%, à ce qui peut se passer. Et donc là, on va utiliser ce qu'on appelle des Wattifs. Donc qu'est-ce qui se passe si je suis dans cette situation ? La température de l'eau est importante. Je perds une pompe de refroidissement. Dans quelle situation je suis ? Quel est l'impact sur la mission ? Et donc on va faire des préplans. Pour, justement, ne pas réagir sous stress, et déjà avoir anticipé, réduit effectivement le risque, parce que peut-être que pour qu'elle ne tombe pas en panne, je vais peut-être la faire tourner moins vite. On va anticiper pour diminuer les facteurs de risque.

  • Speaker #2

    Ça prend quelle forme, ces Wattifs ? C'est quoi ?

  • Speaker #1

    C'est un papier ? On peut faire une réunion de crise, et puis après, on fait un plan d'action, un papier, oui.

  • Speaker #2

    Et là,

  • Speaker #0

    tu essaies de tout lister, tout ce qui peut t'arriver.

  • Speaker #1

    En fonction des fragilités potentielles que tu peux sentir, sachant que le commandant, lui, il va regarder la suravarie. Donc le chef de service va dire, si je perds ça, je vais me débrouiller parce que j'ai une redondance, je vais changer mon circuit. Il va trouver une solution. Le commandant, lui, il voit plus loin. Lui, il voit sa mission. Donc il dit, si je perds la deuxième. Si je perds la deuxième, là c'est grave. Je ne vais peut-être pas aller dans ce coin-là, je vais peut-être aller ailleurs. Mais ça, ils ne l'auront pas vu. Oui. Tu comprends ?

  • Speaker #0

    D'accord.

  • Speaker #1

    Donc tu anticipes encore plus.

  • Speaker #0

    Donc préparation et anticipation.

  • Speaker #1

    Alors, un autre point, c'est important, c'est la culture du point d'arrêt, qu'on utilise tout le temps, à terre, lorsqu'on est en période d'entretien et qu'on fait des interventions sur la chaufferie, à la mer également. Dès qu'on sort du modèle, dès qu'il y a un paramètre qui n'est pas normal, si on n'est pas dans une urgence avec une parade qui est déjà prédéfinie, si j'ose dire, à ce moment-là, on fait un point d'arrêt. On regarde les paramètres qui s'offrent à nous et on va prendre la bonne décision. Il faut éviter de faire une erreur de modèle et pas rester dans le même schéma initial.

  • Speaker #2

    C'est quoi un point d'arrêt alors si tu dois expliquer ?

  • Speaker #1

    Tu réunis les... Tu réunis les gens qui sont concernés, tu dis voilà qu'est-ce qui se passe, dans quelle situation on est. Tu prends du recul. Tu prends du recul. Tu vas geler, mais tu ne réagis pas à chaud. Et ça, c'est une culture que tout le monde a. Et même, par exemple, au sein d'un poste de conduite, le commandant n'est pas là, ils ont un truc qui apparaît et qui n'est pas normal. Je me mets une minute à réfléchir.

  • Speaker #0

    Mais alors, du coup, c'est intéressant. C'est un truc qui est rare, occasionnel, très fréquent, où tu prends à chaque fois, par exemple, que tu as ton plan de départ, et à chaque fois que tu as un truc qui... qui potentiellement modifie ton plan de départ, une information d'un allié qui t'arrive, etc. Culture du point d'arrêt, tu dis, c'est quoi mes impacts ? Alors ça,

  • Speaker #1

    c'est sur la manœuvre. Moi, je remets en cause, effectivement, chaque fois qu'il y a une information, on a un briefing tout quotidien, donc je peux la remettre en cause tous les jours, deux fois par jour. En tout cas, au moins une fois par semaine, où je prends aussi le pouls du bateau. C'est important. Ça,

  • Speaker #0

    c'est le rôle du commandant ?

  • Speaker #1

    Oui. le moral de l'équipage, je vois mon docteur qui va me dire « Bon, commandant, il faut peut-être un peu lever le pied, les mecs, ils sont un peu fatigués. »

  • Speaker #0

    D'accord. Donc ça, c'est ton rôle. Et moi, j'aimerais bien qu'on revienne sur un autre rôle. Dans notre échange, tu m'as beaucoup parlé du binôme et du rôle, en fait, parce qu'il y a forcément un commandant, mais tu as son second, et tu fais un ping-pong en parallèle tout le temps avec lui, parce que j'imagine aussi que tu es seul à prendre les décisions, et donc du coup... C'est ton intérêt. Tu peux nous parler de ce binôme ? Tu peux nous parler de l'importance de ce binôme dans la télévision ?

  • Speaker #2

    On parle beaucoup de co-CEO. C'est genre de deux niveaux équivalents. Toi,

  • Speaker #0

    ce n'est pas le cas.

  • Speaker #1

    Le commandant, il porte seul la responsabilité. Quand on part en patrouille devant le président, sur les épaules, c'est le commandant qui a les responsabilités. Mais il n'est pas seul. Il a son équipage, mais il a aussi son second. Et il ne doit pas être seul. Si on est seul, on peut aller vers l'erreur de modèle. et prendre des mauvaises décisions. Donc le second, c'est quelqu'un qui va devenir commandant.

  • Speaker #0

    Oui. Qui est en route pour vous.

  • Speaker #2

    C'était le cas pour toi quand tu étais sur le Terrible ? Il est devenu commandant ?

  • Speaker #1

    Oui. Mes deux seconds que j'ai formés, ils sont amiraux. Il y en a un qui est d'ailleurs au ministère des Armées. Donc ils ont bien réussi. D'accord.

  • Speaker #2

    Vas-y alors, on te l'a dit.

  • Speaker #1

    Ils ont bien formé. Ils sont mieux que moi.

  • Speaker #0

    Mais voilà,

  • Speaker #1

    le second. Alors typiquement, ce second, moi je lui disais tout. Le commandant, c'est le reste énoncé, il reçoit beaucoup de messages réservés au commandant, parce qu'il n'y a que lui qui a la picture.

  • Speaker #2

    C'est ce que je veux dire,

  • Speaker #1

    là. On va filtrer toutes les informations. Et ça,

  • Speaker #0

    c'est-à-dire que c'est l'État-major. L'État-major t'envoie et te dit que c'est des informations confidentielles qui sont arrivées, qui arrivent dans ton poste.

  • Speaker #1

    Voilà. Si, par exemple, il y a un attentat quelque part, on va pas dire à l'équipage qu'il y a eu un attentat. Tu peux pas savoir si la femme de Pierre-Paul Oujac, elle est pas là-bas. Voilà. Donc tout ce qui se passe dans le monde est filtré. Même la presse est filtrée. Mais tout ce qui est opérationnel, le commandant reçoit des messages réservés. Moi, je partageais tout avec mon second. Mon second, quand je le recevais, je disais Si on passe l'expression, ton rôle, c'est que tu me dis si je fais une connerie. C'est ça ton rôle. Tu le disais-tu ? Bien sûr.

  • Speaker #0

    Tu développes des liens super forts.

  • Speaker #1

    Oui. Oui, oui, oui. C'est évident.

  • Speaker #0

    Mais comment il fait pour te critiquer s'il n'est pas d'accord et qu'il te dit « je pense que tu fais une connerie » .

  • Speaker #1

    Il me dit « il faut argumenter quand même » . Oui,

  • Speaker #0

    mais ce n'est pas facile. Tu es le commandant.

  • Speaker #1

    Oui, mais... Je suis un homme aussi. Donc il arrive... Alors, il peut avoir un schéma de pensée qui est différent du mien. Il peut avoir vu un paramètre que moi j'ai pas bien vu ou j'ai pas bien analysé.

  • Speaker #0

    Et puis, s'il a tort, il va me dire « Ok, moi je vais le former » . Je lui dis « Non, ta proposition, elle ne tient pas la route parce que… » Et moi, mon rôle, c'est de le former aussi pour qu'il soit commandant après.

  • Speaker #1

    Tu m'as dit aussi un truc qui m'a marqué. Tu m'as dit « Dans les numéros 2, on essaye souvent de faire des binômes avec des compétences ou des appétences ou des façons de faire très différentes. » Pour être complémentaire. Il y en a qui paient très dur, l'autre tu fais ça.

  • Speaker #0

    Alors c'est vrai, exactement. Si en termes de RH, on le peut, parce que c'est quand même une loi des petits nombres. Alors le commandant, on lui demande, tiens, on va te mettre ce second, ça te va ou ça te va pas ? On peut dire, écoute, si c'est quelqu'un de ma promotion, ça me gêne un peu. Ou si on ne s'entend pas avec telle ou telle personne, c'est connu parce qu'au bout de 20 ans... Maintenant, on nous connaît bien. Mais c'est vrai qu'on essaye, s'il y a un commandant qui est peut-être un peu dur, un peu raide, on va plutôt lui mettre quelqu'un qui est...

  • Speaker #2

    C'était déjà arrivé de refuser quelqu'un, toi ?

  • Speaker #0

    Non. Non, parce que ça ne s'est jamais présenté. Mais je sais que, comme second, pour le coup, j'ai refusé d'aller avec un commandant.

  • Speaker #1

    J'ai dit non, ça va pas faire. Oui, mais ça peut se comprendre aussi, parce que c'était quand même un enjeu. Tu passes 80 jours en dessous.

  • Speaker #0

    Le binôme, il est crucial. Il est crucial. Donc, si le commandant et le second ne s'entendent pas, ça ne se passe pas bien en dessous.

  • Speaker #1

    Ah oui. Oui. Et rappelle-nous, parce que du coup, tu faisais le parallèle avec les entreprises. J'aime bien ce niveau-là, ce binôme, la façon dont tu fonctionnes. Qu'est-ce que tu lui délègues ? Qu'est-ce que tu attends de lui ? Évidemment, tu le formes. comment ça s'imbrique au jour le jour ? Tu dis que tu partageais vachement.

  • Speaker #2

    Tu vas parler du rôle du commandant déjà, tout à l'heure ?

  • Speaker #1

    Je pense que...

  • Speaker #0

    Le commandant second, c'est la tour de contrôle du bateau. Tout lui remonte. C'est le numéro deux. Tout lui remonte dans les détails, les détails qui n'ont pas remonté jusqu'au commandant. Il filtre tout ça. Il est au courant parfaitement de ce qui se passe sur le bateau. Il est au courant par moi d'où je veux aller et quelle est l'idée de manœuvre. Donc, si je veux...

  • Speaker #2

    Lui, c'est ta navigation et tout.

  • Speaker #0

    Si je veux... Exactement. si je veux qu'il soit un garde-fou pour moi. Il faut qu'il ait tous les éléments en tête, sinon ça ne sert à rien. D'accord ?

  • Speaker #3

    Je suis pour faire un parallèle. Ce qui est super intéressant, c'est que parfois le dirigeant, le CEO, il n'a pas quelqu'un qui fait ce travail-là. Toi, de filtre, de se dire, en fait, il y a une tête qui pense, qui regarde la direction, et celui du dessous qui filtre tout, qui remonte les informations essentielles.

  • Speaker #2

    C'est pas le rôle d'un DG, non ?

  • Speaker #3

    Ce n'est pas toujours ce qui se passe, en fait. Et du coup, je trouve que c'est intéressant parce que c'est... Ça offre aux commandants la possibilité de faire des... peut-être d'avoir une vision plus lointaine et d'avoir un débat contradictoire avec les éléments opérationnels nécessairement... nécessaires d'être connus.

  • Speaker #0

    Ah oui. Alors c'est une structure qu'on a, nous, dans nos états-majeurs. On a un chef d'état-major qui, justement, lui, filtre toutes les informations qui arrivent et va présenter les plus importantes qui sont du niveau stratégique à l'amiral.

  • Speaker #3

    Je pense que c'est un savoir-faire qui n'est pas renseigné, je veux dire, dans les entreprises. C'est ça que je veux dire.

  • Speaker #0

    le second moi j'avais une Parfaite confiance en lui, il faut que cette confiance soit réciproque. Et donc, de temps en temps, moi je lui donnais la suppléance à la mère. Je lui disais, tiens, tu prends la clé, moi je vais aller faire du sport, je vais prendre un peu de recul, je vais penser peut-être à ma stratégie, et cette nuit c'est toi qui conduis le bateau. Donc c'est toi qu'on va réveiller s'il y a un problème. Et là on le forme aussi.

  • Speaker #1

    Et peut-être pour finir cette partie-là, une anecdote un peu où tu as dû gérer, parce qu'on le rappelle, tu l'as dit, tu as quand même le bouton rouge, je ne sais pas si c'est un bouton rouge, mais dans l'image d'Epinal, c'est un gros... Non mais si on t'appelle et qu'il y a vraiment besoin, c'est toi qui décides d'appuyer. On est à deux, on est seul, c'est toi, c'est ta décision. Tu as eu un moment de tension comme ça, un souvenir j'imagine en 20 ans, 30 ans ?

  • Speaker #0

    Non, parce qu'à la mer par contre, on fait des exercices. On nous envoie des ordres fictifs, bien sûr. L'équipage ne sait pas si c'est fictif ou pas. L'équipage ne sait pas si c'est fictif ou pas. Le commandant le sait. Oui. Le second aussi. Donc là, il y a une petite tension.

  • Speaker #1

    Une petite tension.

  • Speaker #0

    Pour ce que je vous engage, vous avez peut-être vu le film, le chant de loup d'Antonin Baudry. Donc comment ça se passe, c'est bien rendu. C'est assez bien rendu quand le commandant reçoit l'ordre. Alors après, la responsabilité de l'engagement, ce n'est pas le commandant qui la prend, d'accord ? C'est le président de la République.

  • Speaker #2

    C'est juste son bras armé,

  • Speaker #1

    quoi. Mais il appellerait vraiment directement un souverain ?

  • Speaker #0

    Non, il n'appelle pas.

  • Speaker #1

    Non,

  • Speaker #0

    mais il envoie l'ordre.

  • Speaker #1

    Et l'ordre, il t'enlève directement. Oui.

  • Speaker #0

    Mais ce n'est pas un appel. Au sein de la force socialiste stratégique, il y a des éléments qu'on ne connaît pas trop, ce sont les stations de transmission. Ils sont intégrés à la force stratégique et donc il y en a en France plusieurs qui émettent en très très basse fréquence, ça va un petit peu sous l'eau, ou quel que soit l'endroit de sous-marin, il va recevoir l'ordre. Ça participe de la crédibilité de la dispensation.

  • Speaker #3

    Ça permet d'ouvrir la deuxième partie sur tout ce qui est autour de la réflexion sur le commandement, on l'a un petit peu abordé, mais on a parlé des processus de décision, là on aimerait aborder la partie leadership, la vision, l'humain. Avoir justement ce qu'on se disait autour de cette question-là qu'on peut aborder ensemble, c'est le fait que commander, il y a peut-être une différence à ce que nous on entend comme manager, l'exigence, la justesse, les choses qu'on se dit là parce qu'il n'y a pas le droit à l'erreur. Ce qu'on se disait aussi tout à l'heure, c'est qu'il y a une formation, c'est très sélectif, c'est très lent. Leadership par exemple, la mission, le sens. Est-ce qu'on peut aborder cette thématique-là ? Je trouve ça intéressant parce qu'il y a beaucoup d'auditeurs qui vont peut-être s'y retrouver.

  • Speaker #2

    Ouais, mais déjà, qu'est-ce qu'on entend par « commandant » ?

  • Speaker #1

    Le commandant,

  • Speaker #2

    il est commandé.

  • Speaker #0

    Alors le commandant, il t'étient... Alors il y a deux mots importants. C'est « autorité » et « leadership » .

  • Speaker #1

    Autorité. On n'entend plus beaucoup parler de ça.

  • Speaker #0

    Ah bon ? Et en fait, il a une autorité légitime qui lui est donnée par le président de la République, puisque les commandants sont nommés par un arrêté du président de la République. Donc le commandant, il a une légitimité pour commander. D'ailleurs, on a une cérémonie. Vous reconnaîtrez pour votre commandant Pierre Poulujac. Et vous lui obéirez de par le président de la République. Donc il y a une autorité légitime. Ça claque. Mais ça suffit pas. Ça suffit pas. Il faut que le commandant, eh bien il fasse preuve de crédibilité. Il faut preuve de leadership. cheap. d'exemplarité, il suscite la confiance, il entraîne ses hommes, il est une force morale pour aller au combat. Parce qu'on n'oublie pas que c'est un bateau de combat. On est là pour délivrer une arme. Donc ce n'est pas comme une entreprise derrière, ce n'est pas un gain. Derrière, les conséquences sont plus importantes qu'on soit sur un bateau de surface, dans un rafale ou sur un sous-marin. C'est quand même donner le mot. Donc l'autorité, elle se construit également. On est légitime, mais derrière l'équipage, il faut qu'il se vive son chef pour aller au combat. On a tous eu des commandants, on se dit, ben ouais, et il y en a, lui, il veut au combat, les yeux fermés avec lui. C'est ça qu'il faut viser.

  • Speaker #1

    Ça nous rappelle quand Xavier Fontanel nous parlait de Napoléon et de sa capacité à embarquer les équipes en leur expliquant la stratégie, etc. C'était un moment assez amusant pour avoir...

  • Speaker #0

    Alors ce leadership, il sous-tend aussi un devoir d'exigence vis-à-vis de son équipage pour le tirer vers le haut et pour être sûr de remplir la mission. Ça grandit l'équipage. Un commandant qui laisse tout faire, c'est comme un dirigeant qui... Voilà, ça ne va pas bien se passer. Donc il est là pour faire grandir son équipage, pour le tirer vers le haut. C'est un acteur majeur de l'escalier social.

  • Speaker #2

    Comment tu t'y prends pour ça ?

  • Speaker #0

    Alors d'abord, exercer sa responsabilité, c'est la connaissance de ses hommes déjà, de son équipage.

  • Speaker #2

    Un commandant n'égale pas quelqu'un de froid ?

  • Speaker #0

    Non, tu peux être distant sans être froid. On peut avoir une distance, je vais y revenir, une distance, on va dire, raisonnable, sans être froid.

  • Speaker #2

    Donc tu connais bien ton...

  • Speaker #0

    Alors il faut connaître intimement. Moi, je recevais chacun de mes hommes, connaître un peu sa famille, quelles sont ses préoccupations,

  • Speaker #2

    quelles sont ses difficultés. Dans l'entreprise, on nous interdit ce genre de questions.

  • Speaker #0

    Ah bon ?

  • Speaker #3

    Je ne sais pas si on peut...

  • Speaker #2

    Non, mais c'est juste pour dire dans le principe,

  • Speaker #0

    tu vois... Tu ne vas pas lui poser des questions intimes, mais il est important de... connaître son homme. Alors sur SNL, c'est encore différent, puisque avant chaque patrouille, chaque homme va voir le second et va lui dire, pendant la patrouille, j'ai peut-être peur de ma grand-mère, j'ai ma femme qui va accoucher, la dernière fois, elle a fait une fausse couche, ma grand-mère, je sais qu'elle va mourir. Je veux le savoir. Donc là, on va dans l'intime. Je me bats avec mon voisin.

  • Speaker #2

    Il fait plusieurs dépressions.

  • Speaker #1

    C'est très intéressant, parce que ce n'est pas du tout l'image qu'on peut en avoir. Tu prends la caricature, on dit que l'armée, c'est très intense, c'est très droit, c'est très ferme, c'est très dur. Est-ce que tu nous dis... C'est que c'est pas parce que, tu vois je fais un parallèle avec la culture d'entreprise où au contraire les gens sont tous, il n'y a quasiment plus de hiérarchie, c'est très facile, etc. Mais toi ce que tu dis c'est que c'est pas parce qu'on met de la distance, c'est pas parce qu'on est un peu autoritaire que quelque part on n'a pas toute cette énorme proximité. Oui,

  • Speaker #0

    c'est pas parce qu'on a de l'autorité. Autoritaire c'est autre chose.

  • Speaker #2

    L'autorité c'est ta légitimité.

  • Speaker #0

    Oui, mais si tu veux tu vas pas... Un bon leader, il n'a pas besoin de donner un ordre. Il suffit de parler et ça suit. On n'est pas... C'est pas au bâton. Mais il faut garder cette distance. Alors, connaît-on activement, il ne faut pas que ce soit de la démagogie, il ne faut pas que ce soit du copinage, parce que quand il va falloir sinon lui passer les fesses ou lui donner un coup de pied aux fesses, ça va être plus difficile. Dans le fil de l'épée, le général de Gaulle disait qu'il ne fallait pas trop s'approcher de ses subordonnés. Et il fallait garder une certaine distance, qui était un ressort de l'autorité. Bon, on n'est plus à cette époque-là, mais voilà, il faut avoir un équilibre intelligent. Il faut avoir un équilibre intelligent. Alors, commander, c'est aussi, à mon avis, c'est une des choses les plus importantes, c'est donner du sens à sa mission. Alors nous... La chance, finalement, parce qu'on a une mission sur SNLE qui nous dépasse complètement, c'est la défense de la France. Et du quartier maître au commandant, tout le monde est imprégné par cette culture, par cette mission. Et ce qui fait que quand on embarque à bord des hommes politiques, des députés, des sénateurs, pour leur faire toucher du dos à ce que c'est que la dissuasion, c'est important qu'ils le vivent, qu'ils le comprennent, qu'ils connaissent, mais qu'ils le vivent. On fait une petite réunion souvent avec... Les représentants de catégorie du personnel, officiers, officiers mariniers, équipage, il ressort de là, mais comment ça se fait ? Un jeune de 20 ans, il a tout compris et il est à fond dans sa mission. Ça c'est important. Alors on a des missions opérationnelles, et c'est bien le côté opérationnel de la mission qui fait qu'on arrive aussi à accepter les contraintes, les sacrifices. Parce que faire 80 jours sous l'eau, dans la solitude, même s'il y a une promixuité forte dans la solitude, ne pas pouvoir parler avec sa famille, comme ça peut le faire, on peut le faire sur un bateau de surface, ils ont internet. Recevoir une fois par semaine ce qu'on appelle un familiste, un petit message de 40 mots de sa femme, de sa copine ou de sa maman, 40 mots qui ont été filtrés ou il n'y aura... On va dire que des bonnes nouvelles. On ne va pas dire « j'ai rayé la voiture » . Donc ça veut dire que la femme, elle va faire le message, elle sera obligée de le faire. Et ce n'est pas simple de faire passer de l'amour, de la sensibilité, des nouvelles des enfants en 40 mots. En 40 mots.

  • Speaker #1

    Et tu n'as pas de retour.

  • Speaker #0

    Ah non, t'as pas de retour. Et puis s'il n'y a que 39 mots, il y en a qui ne vont pas être contents. Tu vois, la psychologie, c'est un des éléments... Toi,

  • Speaker #2

    tu les dis tous, tes familles,

  • Speaker #0

    quand ils arrivent ? Alors, c'est le second, on les dit tous, mais ils ont déjà été relus deux ou trois fois.

  • Speaker #2

    Tu ne peux pas dire que papa est mort.

  • Speaker #0

    Non.

  • Speaker #2

    Oui, c'est filtré.

  • Speaker #0

    Non, parce que qu'est-ce qu'il va en faire de cette information de marin à bord ?

  • Speaker #2

    Il va ruminer.

  • Speaker #0

    Il est hors de question qu'il y ait un impact sur la mission. Et le commandant ne le saura pas non plus parce qu'il ne va pas porter sur ses épaules. Je ne pourrai pas tous les jours le croiser 20 fois. Donc quand il y a des mauvaises nouvelles inattendues, on le sait deux jours avant de rentrer. Moi, ma femme, typiquement, j'étais sur ce parrain, elle s'est cassé le... Elle s'est cassé le bras, elle n'est pas partie en vacances, elle m'a fait des faux messages pendant 70 jours, et puis quand je suis arrivé à qui, elle m'a dit « Quoi ? » Donc donner du sens à la mission, c'est important. Il faut savoir encourager, il faut savoir remercier ces hommes. Ça c'est quelque chose de très important, ça peut se faire par un mot. Je passais dans le bord, même à minuit ou lors du matin, des têtes à tête. C'est super ce que tu as fait aujourd'hui. On peut, devant l'équipage, à l'appel ou par diffusion générale à la mer, dire, voilà, là, il s'est passé un truc super. Pierre, il a été génial. On peut faire une lettre de félicitation, signer du commandant, une lettre officielle. On peut faire signer une lettre par l'amiral.

  • Speaker #2

    C'est simple, mais c'est hyper efficace.

  • Speaker #0

    Oui, parce que nous, on ne peut pas donner de primes ni de tickets.

  • Speaker #2

    Oui,

  • Speaker #0

    mais ça vaut plus qu'une prime des fois. Et donc, je pense que c'est un devoir, la reconnaissance qu'on a vis-à-vis de notre équipe, ou vis-à-vis de nos équipes au sens large, parce qu'ils se battent tous les jours pour la mission.

  • Speaker #3

    Ça, c'est un parallèle avec l'entreprise qui se fait très facilement. Mais pareil, c'est quelque chose qui...

  • Speaker #0

    Non,

  • Speaker #2

    mais tu as déjà reçu une lettre du PDG. Enfin, je trouve ça stylé.

  • Speaker #3

    Oui, mais c'est ce que je te dis.

  • Speaker #2

    Ça ne ferait plus plaisir.

  • Speaker #3

    Mais c'est quelque chose qui se faisait dans le temps, dans les entreprises. Tu recevais une lettre du patron de... ta boîte.

  • Speaker #2

    Emric va m'en envoyer une pour ma qualité.

  • Speaker #3

    Aujourd'hui, la plupart des choses sont transactionnelles. On peut réaliser beaucoup de choses, comme vous dites.

  • Speaker #0

    Dans la dernière interview, il a dit qu'il allait voir les équipes sur le terrain. C'est là qu'on peut passer. Et puis, c'est au manager local de dire au chef, tiens, lui, il est super, il faut que tu le félicites. Donc, ça se...

  • Speaker #1

    Tu trouves des vraies compensations. La mission, tu la trouves, tu sais, dans tout ce podcast qu'on a fait avant, sur les batteries, sur... tout le sens qu'il a donné à son groupe, Electra, bien sûr, sur la transition énergétique, etc. Toi, c'est pareil, tu as quelque chose de plus grand pour embarquer les équipes.

  • Speaker #0

    Alors après, il faut savoir récompenser, il faut aussi savoir dire quand c'est pas bien. Moi, j'ai quand même constaté que beaucoup de jeunes officiers avaient du mal avec cette notion de dire à mon ami, c'est pas bien. Et moi, chaque année, je recevais individuellement tout mon personnel. à la notation, il y en a qui disent « j'ai une mauvaise note, on ne m'a rien dit » . Ça c'est inacceptable, parce que là on démotive. C'est la crispation, on démotive les gens. Donc dire « c'est pas bien et voilà comment on va faire pour t'aider, on va te coacher, on va te donner des cours supplémentaires, on va te faire faire des sciences de simulateur en plus, mais tu vas y arriver, on va lui donner une deuxième chance » , ça c'est important.

  • Speaker #1

    Mille points. qu'on n'a pas beaucoup abordé, mais tu l'avais introduit. Il y a tellement de sélection, sélectivité dans votre process, parce qu'en fait, à la fin, tu n'as qu'un commandant. Comment tu gères dans une carrière, et tu as ça en entreprise, tout le monde ne deviendra pas commandant. Comment tu gères cette notion un peu de plafond de verre de carrière pour que les gens s'épanouissent quand même ? Mais vraiment, il faut dire à un gars, bon, écoute, en fait, tu ne le seras pas. C'est pas facile ça. C'est pas moi qui gère,

  • Speaker #0

    c'est l'état-major de la marine, c'est la division RH, direction du personnel militaire de la marine.

  • Speaker #1

    Mais c'est toi qui fais remonter, c'est-à-dire qu'à la fin tu dis le gars était compétent, il était pas compétent.

  • Speaker #0

    Typiquement, quand j'étais officier entraîneur, c'est moi qui proposais ou non à l'amiral le succès ou non au cours de commandement. Bon ben j'ai un second qui est arrivé dans 11 ans de sous-marin, qui était... Un intellectuellement beaucoup plus brillant que moi, un mec très intelligent, mais pas fait pour ce métier-là. Ce type-là, il n'écoutait pas ses hommes. Ces hommes disaient non, ils disaient oui. Bon, c'est dur. Et quand tu reçois un officier comme ça, qui a passé 12 ans au sous-marin, et que tu lui dis c'est fini. Bon, alors après, donc il a des compétences et il va s'épanouir ailleurs. Il va s'épanouir sur un bateau de surface, il va s'épanouir dans les relations internationales, dans l'enseignement. Dans la marine, il y a énormément de voies qui permettent de s'épanouir. Si on n'arrive pas, c'est comme pour un pilote de chasse. Derrière, ça se paye cash si il y a une erreur. Donc on ne va pas prendre ce risque-là.

  • Speaker #2

    Peut-être une question, justement, pour le dernier point qu'on voulait avoir ensemble. C'est quoi ta vision du commandement dans les dix ans qui viennent ? Est-ce que c'est un rôle qui va évoluer ? C'est un standard tel qu'il est aujourd'hui, où tu vois des évolutions majeures, toi ?

  • Speaker #0

    Non, ce sont des fondamentaux. Je pense que le commandement au sens large, il n'évolue pas. Les valeurs humaines qu'il faut avoir pour commander, elles restent.

  • Speaker #2

    Parce que tu n'as pas expliqué juste ta vision commandement versus management. C'est quoi la nuance que tu fais entre les deux ?

  • Speaker #0

    Je dirais que le commandant, il voit loin. Il se pose toujours la question, pourquoi, quel effet final rechercher ? C'est celui qui donne le cap, qui a la vision, qui sait où il va. Le manager, je pense qu'il est plus dans le... Mais je maîtrise moins cette notion dans la gestion des process. C'est pas un dirigeant. Un dirigeant, c'est comme un commandant, moi je pense.

  • Speaker #1

    Si on peut finir, j'ai vraiment une question perso. Quand t'es embarqué comme ça pour 80 jours, t'as la pression qui monte, t'es dans un... d'endroits confinés, fermés. Comment toi, t'arrives à... C'est quoi ta bouffée d'oxygène ? Comment tu arrives à prendre du recul par rapport à toute cette pression qui monte ? J'imagine qu'en plus, t'as à la fois des pressions de l'équipage, etc., des problèmes que tu peux avoir sur l'équipage, et puis de la mission qu'on t'a fixée. Tu rencontres un sous-marin russe en face.

  • Speaker #2

    C'est l'octobre rouge.

  • Speaker #1

    Ça peut être un peu tendu. Comment toi, qu'est-ce que tu fais pour prendre du recul ?

  • Speaker #0

    D'abord...

  • Speaker #2

    Quand en mission, là, tu veux dire.

  • Speaker #0

    D'abord, en mission, il y a des moments de forte tension, de forte pression opérationnelle, où là, on peut être au poste de combat. Ce n'est pas tout le temps. Alors d'abord, on s'habitue à la pression. Quand on vit un commandant de SNLE, même quand il est en vacances, il est responsable d'une chaufferie nucléaire qui est taquée. Tu es obligé de vivre. Tu vois ce que je veux dire ? Tu es obligé de vivre avec ça. Donc tu t'habitues à l'impression. Après à la mer, moi c'était du sport pour me défouler un petit peu.

  • Speaker #2

    C'est vrai qu'il y a des salles de sport installées un peu en SD.

  • Speaker #0

    Oui, il y a des vélos, il y a des rameurs là où on peut les placer. Et les jeunes font de plus en plus maintenant cette hygiène de vie et rentrer dans les mœurs plus qu'il y a 20 ans. quand je suis rentré dans la marine.

  • Speaker #2

    Il faut peut-être m'installer chez Théodore.

  • Speaker #0

    Tu faisais du sport ?

  • Speaker #1

    Oui,

  • Speaker #0

    musique. Tu écris ? La lecture. Alors, j'écrivais à ma femme, mais je ne pouvais pas poster.

  • Speaker #3

    C'est génial.

  • Speaker #2

    Tu les as gardés ?

  • Speaker #0

    Joker. Non,

  • Speaker #1

    mais tu écrivais. D'accord. C'est marrant, ça, d'écrire. Je sais que ça ne va pas partir. OK. Ah non.

  • Speaker #3

    Peut-être, alors c'est une question qu'on pose toujours à la fin du podcast, qui est la recommandation du prochain invité. Alors, on a noté que tu allais nous inviter François Hollande, mais peut-être que quelqu'un d'autre éventuellement...

  • Speaker #0

    Moi, je verrais deux personnes. Un marin, c'est l'amiral Vendier, qui est l'ancien chef d'état-major de la Marine, qui est actuellement à l'OTAN, à Norfolk, à Sakti, qui est un de mes petits-fils, au sens promo du terme, que je quitte en fait. Pilote de chasse qui m'avait fait découvrir le Rafale quand j'étais sur le porte-avions.

  • Speaker #2

    Tu n'avais pas dit que tu avais déployé les premiers sous-marins sur le Charles de Gaulle ? Tu avais eu un petit pin,

  • Speaker #0

    c'est pour ça. Une puissance intellectuelle, quelqu'un qui voit loin, qui est innovant. À chaque prise de parole, j'étais bluffé.

  • Speaker #1

    Tu l'avais repéré.

  • Speaker #0

    Oui, je l'ai repéré. La marine l'a repéré aussi avant moi, je pense. Et on se sent petit en face de gens comme ça, en plus d'une grande humilité, d'une grande accessibilité. Et puis, il y a Thomas Pesquet, moi, qui m'impressionne par toutes ses compétences, son énergie, son savoir-être.

  • Speaker #3

    Mais tu l'as rencontré ?

  • Speaker #0

    Non, je ne l'ai jamais rencontré, mais je suis passionné d'astronautique. Donc, je suis... Thomas Pesquet,

  • Speaker #2

    ça serait très cool de l'avoir.

  • Speaker #3

    Mais comme Thomas nous écoute, manifesto toi, on te trouvera une place où que tu sois.

  • Speaker #1

    C'était un amiral qui t'admire.

  • Speaker #3

    C'était très intéressant, il y a beaucoup de parallèles à faire dans le monde des affaires qu'on n'étudie plus habituellement. J'espère que les auditeurs ont apprécié. Une dernière chose, n'hésitez pas à noter cet épisode, mettez 5 étoiles, commentez, ça fait remonter le podcast dans les algorithmes et ça nous fait connaître un petit peu plus. Ça nous aide, on sera ravis. Merci beaucoup, à bientôt, bye bye.

  • Speaker #2

    Merci Fabrice.

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Description

Plonger à 300 mètres sous la mer, dans un silence absolu. Vivre pendant 80 jours sans prononcer un mot. Prendre des décisions vitales avec zéro marge d’erreur. Commander des équipes réduites mais ultra-compétentes, dans un environnement où chaque geste est une question de vie ou de mort. Voilà le quotidien de notre invité du jour.


Dans cet épisode expert, on reçoit Fabrice Legrand, vice-amiral et ancien commandant de sous-marins nucléaires dans la Marine nationale française. Issu de l’École navale, il a dédié sa carrière à la lutte sous la mer, en enchaînant les missions critiques et les plongées longues durées — jusqu’à 27 000 heures passées sous l’eau à bord des fleurons de la flotte, comme le sous-marin nucléaire d’attaque La Perle.


🎯 Dans ce numéro spécial, on va plonger au cœur de deux grands sujets :

  • Comment prendre des décisions dans des situations complexes, sans repères, sans retour immédiat, parfois sans communication.

  • Ce que cela signifie vraiment de “commander”, dans des environnements extrêmes — bien au-delà du management classique


On espère que cet épisode vous inspirera autant qu'il nous a inspiré !



Hébergé par Ausha. Visitez ausha.co/politique-de-confidentialite pour plus d'informations.

Transcription

  • Speaker #0

    On t'appelle, on dit le président débarque.

  • Speaker #1

    Tu reçois un message, trois semaines avant. On ne parle pas d'ascenseur social, on parle d'escalier social dans la marine. Recevoir une fois par semaine ce qu'on appelle un familiste, un petit message de 40 mots de sa femme, de sa copine, de sa maman. 40 mots qui ont été filtrés.

  • Speaker #2

    Tu ne peux pas dire « Papa est mort » . Non.

  • Speaker #0

    En fait, on a tous ce parallèle où, évidemment, quand on est stressé, c'est pas forcément là où on prend les bonnes décisions. Toi, t'es sous contrainte maximum, t'es sous l'eau, y'a de la pression. Comment tu te prépares à ça ?

  • Speaker #3

    Bonsoir à toutes et à tous et bienvenue dans ce numéro spécial, spécial de chez spécial, parce que nous recevons l'amiral Fabrice Legrand, commandant de sous-marins nucléaires. Bienvenue, amiral.

  • Speaker #1

    Bienvenue, merci, bonjour.

  • Speaker #0

    Bonjour Fabrice.

  • Speaker #1

    Merci de m'accueillir.

  • Speaker #0

    C'est un numéro expert.

  • Speaker #3

    Voilà, numéro expert, et malgré nos demandes express au haut commandement pour tourner cet épisode dans un sous-marin... nous sommes bien au bureau de Théodore. On a essayé. Donc, pour poser le décor, qui est Fabrice et pourquoi c'est un épisode qui est important, pourquoi ? Alors, je vais essayer de présenter Fabrice, qui peut me corriger si je dis des bêtises. Fabrice, officier de marine, commandant de sous-marins nucléaires, spécialiste de la lutte sous la mer.

  • Speaker #1

    J'ai été commandant de sous-marins nucléaires.

  • Speaker #3

    Vous avez été commandant. C'est pour ça qu'on a le droit de vous parler, sinon on aurait eu quelques difficultés. Donc, il faut imaginer qu'un sous-marin, et je pense que tout le monde le ressent, c'est quand même un... univers mythique, c'est un environnement extrême avec de l'isolement total, beaucoup de pression, des décisions vitales. Sachant qu'un sous-marin nucléaire comme il porte son nom, détient des missiles nucléaires. Donc la responsabilité de Fabrice est de recevoir un coup de fil du président qui peut lui demander de éventuellement actionner ce bouton. Schématiquement.

  • Speaker #2

    Peut-être plusieurs boutons, je sais pas.

  • Speaker #3

    Quelques expériences personnelles marquantes qui peuvent nous parler, notamment la première pour Julien Masson, notre cher Julien Masson. 80 jours sans parler soutien humain de sa femme mariée à distance et ça c'est important de le dire parce que c'est très important je pense dans ce métier là l'épouse fait partie du sac comme on dit chez nous et on peut faire ce métier là dans la durée parce que ça dure 20 ans parce que derrière on a une épouse une famille qui suit qui est derrière vous d'autant plus que c'est aussi dans une expérience internationale l'Espagne, la Malaisie, l'Arabie Saoudite donc c'est des longs trajets des longs chemins des longues. longue absence. Et pour rappel de la mission du SNLE, c'est de la dissuasion nucléaire et ce qu'on appelle de la continuité stratégique, en fonction de ce qui peut se passer sur le terrain de guerre, le sous-marin se déplace et est en support d'opérations partout dans le monde.

  • Speaker #2

    Peut-être d'ailleurs on peut commencer par expliquer ce que c'est cette notion de dissuasion nucléaire.

  • Speaker #3

    J'allais y venir. Peut-être quelques questions pour introduire, peut-être nous expliquer la mission en quelques mots simples du SNLE. Comment aussi on se retrouve à être commandant d'un sous-marin nucléaire ? Je pense que... Est-ce que quand on est petit, on se rêve de commander un sous-marin nucléaire ? Peut-être. Quel était le parcours personnel et qu'est-ce qui vous a marqué dans votre carrière ?

  • Speaker #1

    Très bien. Je vais d'abord peut-être compléter la présentation.

  • Speaker #3

    Et me corriger.

  • Speaker #1

    Personnellement, non.

  • Speaker #2

    Je sais qu'il a préparé Fabrice là. On n'est pas à la porte déconnée.

  • Speaker #1

    Il n'y a pas de correction. Donc moi, j'ai fait 38 ans dans la marine, notamment dans des postes tournés vers les opérations, c'est-à-dire la conduite. de mobile de la marine, 25 ans aux forces sous-marines et j'ai 27 000 heures de plongée, soit 3 ans sous l'eau. Comme la mobilité fait partie de la marine, j'ai servi dans les 4 ports métropolitains, Toulon, Lorient, Brest, Cherbourg et également Outre-mer avec La Réunion, Mayotte et Tahiti. Mais pas en sous-marin. J'ai eu l'honneur de me voir confier 5 commandements, dont 3 à la mer. Donc un commandement de bâtiment de surface, qui était un bâtiment hydrographique à l'Arago, un sous-marin nucléaire d'attaque, la PER, et un sous-marin nucléaire de lancement d'engin, le Terrible. J'ai commandé ensuite l'escadrille des sous-marins nucléaires de lancement d'engin, c'est-à-dire au commandement des 4 sous-marins, en charge de la gestion des équipages, de leur entraînement, de leur qualification, du soutien logistique des bateaux. Donc ça fait à peu près 1000 hommes. Et j'ai commandé la base de défense de Chambourg. Alors j'étais en lien numéro 2 des forces sous-marines et de la force océanique stratégique. Alors tu me posais la question, le parcours d'un commandant.

  • Speaker #2

    Déjà c'est quoi le parcours et la diffusion nucléaire ?

  • Speaker #1

    Qu'est-ce que c'est qu'un SNLE ? Schématiquement, SNLE, c'est la base de Kourou propulsée par une chaufferie nucléaire qui lance une salve de 16 Ariane. Sous l'eau, en avançant.

  • Speaker #2

    Donc c'est une bonne image. Pour Kourou, pour ceux qui ne savent pas, c'est la base de lancement des fusées.

  • Speaker #1

    Des fusées aériennes. C'est l'engin le plus complexe que l'homme ait conçu. Beaucoup plus complexe, par exemple, que la navette spatiale. Parce que derrière, on a quand même plus de 30 barres à l'extérieur.

  • Speaker #0

    On n'a pas ça en tête du tout. On pense que renvoyer SpaceX, c'est compliqué.

  • Speaker #1

    Non, non, c'est plus simple. Le milieu sous-marin est beaucoup plus complexe et beaucoup plus... en termes de technologie et de contraintes. Alors le sous-marin c'est 14 000 tonnes, c'est à peu près 140 mètres de long, donc presque un terrain de foot et demi, c'est 21 mètres de haut, donc un immeuble de 6 étages. Et ça emporte l'arme stratégique, c'est-à-dire 16 missiles balistiques, chacun pouvant être équipé jusqu'à 6 têtes nucléaires, chaque tête ayant 5 fois la puissance de Little Boy, la bombe qui est allée sur Hiroshima, qui a été lancée sur Hiroshima. C'est des responsabilités. C'est un peu de responsabilité.

  • Speaker #0

    Donc t'as 16 fois 6, et chacune a 5, tu dis derrière.

  • Speaker #1

    T'as 16, et tu peux avoir jusqu'à 6 têtes. 6 têtes. Tu peux avoir jusqu'à 96 têtes. Ouais, d'accord.

  • Speaker #2

    Ça c'est un chiffre que tu veux donner ?

  • Speaker #1

    C'est un chiffre jusqu'à 96 têtes, oui je peux le donner, ouais.

  • Speaker #2

    Ça vaut combien d'ailleurs un SNLE ?

  • Speaker #1

    Ça je peux pas le donner. Ça vaut cher. Mais la mission, ça a un coût. Je peux pas dire que ça a un prix. Ça a un coût. Mais la sécurité du pays, ça a un coût.

  • Speaker #2

    D'ailleurs, tu parlais de la mission du SNLE, la dissuasion nucléaire. Ça veut dire quoi ?

  • Speaker #1

    Oui. Alors dans le SNLE, il y a le SNLE, mais il y a aussi son équipage. Il faut quand même le dire. Les armes, c'est bien, mais tu peux faire cette mission parce que tu as un équipage de 115 hommes et femmes, parce que maintenant il y a des femmes sur les sous-marins, sur sous-marins nucléaires en sanguin et sur sous-marins nucléaires d'attaque, avec des métiers différents, du boulanger jusqu'à l'atomicien, de l'oreille d'or jusqu'au mécanicien, le médecin, l'infirme anesthésiste, donc des experts de très très haut niveau qui partent en mer sur ces sous-marins.

  • Speaker #0

    J'ai aucune idée. Quand tu pars en mer, tu pars à peu près pour combien de temps ? C'est très variable.

  • Speaker #1

    80 jours à peu près. 75,

  • Speaker #0

    80.

  • Speaker #1

    On peut rester plus longtemps, mais c'est à peu près 80 jours. Alors la mission du SNLE, c'est la permanence de la dissuasion de la mer. La dissuasion, c'est, on va dire, la clé de voûte. C'est ce que dit le président de la République. Il s'exprime tous les cinq ans sur la dissuasion à peu près. C'est la clé de voûte de la sécurité du pays. et la garantie ultime de nos intérêts vitaux, intérêts vitaux qui sont définis par le président de la République. La décision est défensive en France. Et donc on est capable de produire, d'envoyer des dommages inacceptables, quelle que soit la situation, sur un pays, une menace étatique. qui viendraient menacer les intérêts vitaux de la France.

  • Speaker #2

    Les intérêts vitaux de la France,

  • Speaker #1

    ça va fracasser. C'est les intérêts vitaux de la France. Alors, dommages inacceptables, on en parlait du nombre de têtes nucléaires et de la puissance, donc tu peux imaginer. Alors, les dommages inacceptables, c'est sur les centres de pouvoir, c'est-à-dire tout ce qui est politique, industriel, économique. L'idée, c'est de bien dissuader, de ne pas avancer. Alors, la dissuasion, elle est portée par la marine, avec les sous-marins nucléaires en sort d'engin, les SNLE, par également le porte-avions, la force aéronavale nucléaire. Le porte-avions peut embarquer des armes nucléaires qui sont portées par les rafales, et bien évidemment par l'armée de l'air et de l'espace avec les forces aériennes stratégiques.

  • Speaker #2

    Je ne sais pas que les rafales marines, maintenant, ils pouvaient embarquer des missiles.

  • Speaker #1

    Depuis, non. Tout le temps, avant, oui.

  • Speaker #0

    Mais ce n'est pas la même proportion. Forcément, si on compare...

  • Speaker #1

    Non, c'est différent. D'abord, ce sont des missiles qui ne sont pas des missiles balistiques. Ce sont des missiles hypersoniques, mais qui n'ont pas la même trajectoire. Un missile balistique, il va jusqu'à dans l'espace, puis il y en a deux. Là, ce sont des missiles plus traditionnels, mais qui vont très très vite. Donc très difficile à intercepter. Donc si tu veux, c'est une... Une manière de pénétrer différente et donc ça donne au président de la République des options différentes. Le président de la République, il faut lui donner toutes les options si possible. Donc depuis 1972, il y a en permanence, il y a eu en 1972, en permanence un SNLE en patrouille à la mer.

  • Speaker #2

    Combien de pays auront ça ?

  • Speaker #1

    À un certain nombre, les États-Unis, les grandes puissances, regarde qui, le droit de veto au Conseil de sécurité de l'ONU, donc tu as la Grande-Bretagne, les États-Unis, la Russie, la Chine, depuis peu l'Inde a deux SNLE. On entend parler de la Corée du Nord qui développe un SNLE classique, si j'ose dire, qui ne sera pas propulsé par une centrale nucléaire.

  • Speaker #3

    Donc c'est un club fermé de pays dont fait partie la France ?

  • Speaker #1

    Oui, parce que l'engin, il faut une technologie qui est quand même extraordinaire derrière. Il y a quand même une puissance industrielle et d'ingénieurs, d'ingénierie qui est extraordinaire. Parce que concevoir une tête nucléaire de manière sûre... On a eu des essais à l'époque, mais maintenant ça se fait par simulation. Ouais.

  • Speaker #0

    Et ça veut dire... Attends, parce que là, c'est des pays qui ont des sous-marins nucléaires. Est-ce qu'il y a d'autres puissances qui ont du nucléaire, notamment qui pourraient avoir juste un porte-avions ou des têtes nucléaires, mais qui n'ont pas la technologie, si tu veux, de tout ce que l'embarquer des sous-marins ?

  • Speaker #1

    Alors il y a le Pakistan, qui est un pays qui a les armes nucléaires. On pense qu'il y a aussi Israël. Israël. Même si Israël n'a jamais déclaré qu'il avait l'arme nucléaire.

  • Speaker #0

    Et il y a toutes les questions autour de l'Iran en ce moment qui travaillent dessus.

  • Speaker #1

    Qui travaillent dessus, qui restent au seuil.

  • Speaker #0

    Mais pour que nos auditeurs comprennent, il y a quand même plusieurs marches. C'est-à-dire qu'il y a avoir la technologie nucléaire en labo, la sécuriser, faire des essais, comme tu disais, de simulateurs. Et puis derrière, aller plus loin, c'est-à-dire tu peux la voir sur un porte-avions, mais après tu l'as en sous-marin. Et là, tu es encore une étape encore plus loin. C'est un niveau de complexité, de technicité embarqué.

  • Speaker #2

    Pourquoi c'est si complexe un sous-marin ? Peut-être comme on a des geeks de technologie qui nous écoutent ?

  • Speaker #1

    Un sous-marin, c'est une ville qui vit sous l'eau. Donc il faut produire son oxygène, il faut filtrer l'atmosphère, il faut faire vivre ce sous-marin. Il y a des armes tactiques, il y a des torpilles, des missiles Exocet. Il y a tout ce qu'il faut pour vivre. Tu ne vois rien. Tu ne vois rien, mais tu entends, tu écoutes. C'est par le son que tu vas élaborer la situation tactique qui est autour de toi. Mais le fait de descendre largement au-delà de 300 mètres, il faut éprouver les circuits hauts de mer. La mer, c'est un peu abrasif. C'est beaucoup plus abrasif, beaucoup plus corrosif que l'espace. Et puis il y a une chaufferie nucléaire, incidemment. Donc c'est une petite centrale nucléaire qui est embarquée.

  • Speaker #0

    T'habites à côté de la centrale.

  • Speaker #1

    Oui. Mais on s'en porte pas plus mal. Il a eu le bras. Personne ne le voit,

  • Speaker #2

    mais il a eu le bras.

  • Speaker #1

    Ce qui est intéressant, c'est la chaîne de commandement, parce qu'il y a un lien direct entre le président de la République et le commandant du sous-marin. Quand le président de la République donne l'ordre, schématiquement, ça arrive dans la cabine du commandant.

  • Speaker #3

    Sans intermédiaire.

  • Speaker #1

    Sans intermédiaire. Alors que ce lien direct, moi, j'ai eu. Justement, j'ai eu l'honneur d'embarquer le président Hollande un mois après qu'il ait été élu, donc en 2012. Et j'ai pu lui montrer, lui faire vivre ce que faisait un commandant de tout marin, un commandant de SNLE.

  • Speaker #0

    On t'appelle, on dit le président des barques.

  • Speaker #1

    Tu reçois un message, trois semaines avant, on te dit, il vient. Je savais qu'il avait été élu parce que j'étais parti sous le mandat de Nicolas Sarkozy. Il avait été élu pendant la patrouille, bien sûr, je le savais.

  • Speaker #0

    Tu as fait une cérémonie dans le bateau ?

  • Speaker #1

    J'ai fait une cérémonie républicaine. Et alors, parce que chaque commandant de bateau dans la Marine Nationale, comme les maires, ils ont le portrait du président de la République dans son bureau. Donc j'ai fait une cérémonie en grande tenue. J'avais finalement enlevé la photo du président Sarkozy et j'ai découpé dans le Figaro, parce que j'avais le Figaro à bord, que j'avais embarqué au départ, une photo de campagne si j'ose dire, et donc je lui ai montré qu'il était venu à bord. Et donc au président, vous êtes surpris de l'arrivée ? Oui, j'avais pas le portrait officiel, on ne me l'avait pas livré, mais on m'a dit dans trois semaines, écoute, tu te débrouilles, tu fais vif ta patrouille. ce qui était intéressant c'est que avant Avant de le recevoir, j'ai embarqué le chef d'état-major des armées, le chef d'état-major de la marine, le commandant des forces sous-marines, et puis quand même...

  • Speaker #2

    Et Julien Lort,

  • Speaker #1

    c'est le truc qui n'a rien à voir. Ils ont quand même voulu vérifier si j'avais pas dit trop de bêtises au président. Donc c'était un grand oral intéressant. Et alors j'ai eu une remarque du chef d'état-major des armées, qui était l'amiral Guillot, qui m'a dit... Le Grand... On ne parle pas d'ascenseur social, on parle d'escalier social dans la marine. Parce qu'un escalier, on met un petit peu d'énergie avec ses mollets. Et j'ai retenu...

  • Speaker #0

    T'as gardé ça en mémoire.

  • Speaker #1

    Ça en mémoire parce que c'est vrai. C'est exactement ça.

  • Speaker #0

    On parle toujours d'ascenseur social.

  • Speaker #1

    Et c'est ça, quand on dit la marine, elle va prendre un quartimètre et 15 ans plus tard, il sera aux commandes d'une chaufferie nucléaire. C'est ça l'ascenseur social, enfin l'escalier social. Vous voyez ce que je veux dire ? Et c'est pareil pour un commandant.

  • Speaker #2

    Justement, on va peut-être rentrer dans les points que t'avais relevés.

  • Speaker #0

    t'avais une bonne question qui est comment on en arrive là ? Quand t'étais petit, tu voulais...

  • Speaker #2

    C'est ça que le juju !

  • Speaker #0

    Comment t'arrives à vraiment te dire, tiens,

  • Speaker #1

    j'ai le bouton rouge à côté de moi ? Moi, j'étais passionné d'aéronautique, je voulais être pilote de chasse, et j'ai passé mon temps à l'école navale, j'ai passé mon brevet de pilote. Ah,

  • Speaker #0

    tu voulais être dans l'aéronaval ?

  • Speaker #1

    Je voulais être dans l'aéronaval. Et les médecins ont détecté très vite ma myopilatante. Donc, en fait, comme j'avais embarqué sur sous-marin pendant l'école navale, finalement... J'avais été impressionné par l'ambiance, par le collectif, par l'esprit d'équipage et par la vision du commandant sur son siège périscope. Et tout lui remontait, j'étais ébahi. Et donc je suis allé chercher cet esprit chasse que j'imaginais sur les sous-marins. Parce que les sous-marins du Caratac, ce sont des chasseurs. Et la troisième dimension. Donc finalement, il y a pas mal de parallélisme.

  • Speaker #0

    Et pour arriver à diriger un bâtiment comme ça, c'est combien d'années ?

  • Speaker #2

    T'as peu d'élus là ?

  • Speaker #1

    Alors, chaque année, pour répondre directement à ta question, c'est 20 ans pour former un commandant de SNLE. Chaque année, la marine recrute environ 18 officiers pour les opérations. Et au bout de 12 ans, il va y avoir 6 commandants de SNL, sous marée de clair d'attaque. Et au bout de 20 ans... à peu près 5 commandants de SNLE.

  • Speaker #2

    C'est des maths quoi.

  • Speaker #1

    Comment ?

  • Speaker #2

    C'est une pyramide.

  • Speaker #1

    C'est une pyramide parce qu'il y a des accidents de la vie, parce qu'il y a des gens qui ne sont pas faits pour ce métier-là et qui vont s'épanouir parce qu'ils ont des grandes qualités ailleurs. Il y a des gens... On a dans nos parcours, on a des passages un peu obligés. Le premier, c'est le commandement d'un petit bateau de surface. Moi, j'ai commandé un Tahiti, un bateau en hydro, pour avoir cette première expérience du commandement. C'est leur seul à décider en mer.

  • Speaker #2

    Tu t'étais pas fait peur, tu m'as pas dit une fois en Méditerranée ?

  • Speaker #1

    C'était dans le Pacifique, Tahiti, tu sais, tu te souviens ?

  • Speaker #2

    C'est pareil, c'est à côté.

  • Speaker #1

    Merci de le faire je... C'était à Lisbonne en Espagne. Et il y a un deuxième point important, c'est ce qu'on appelle le cours de commandement, qui est d'une sélection fin qu'était. A la fois un stage de formation et de sélection, qui est aussi utilisé dans les autres marines. Les Anglais ont le Pericheur, il est très connu. Donc c'est quelque chose de... assez dur, assez physique où on met les futurs commandants, ceux qui sont déjà commandants secondes, donc numéro 2, qui ont déjà 10 ans de sous-marin, on les met dans une situation extrême, complexe, avec un officier entraîneur derrière, le commandant en charge derrière, pour non pas voir s'ils sont très bons tactiquement au bout de dix ans, la technique c'est plus vraiment ça qu'on va regarder les savoir-être. On va regarder le leadership, on va regarder cette capacité à entraîner, à écouter ces hommes, à prendre la bonne décision au bon moment, en sécurité. Est-ce qu'on peut confier à cet homme-là un sous-marin nucléaire ? Un sous-marin nucléaire, c'est complexe, mais il y a aussi des impacts potentiels, on va dire, sur la politique.

  • Speaker #0

    C'est un truc justement que j'avais très envie de creuser avec toi, qui est un peu plus générique. mais qui est liée à ton expérience. Comment on se prépare à prendre des décisions dans des conditions de stress ? En fait, on a tous ce parallèle où, évidemment, quand on est stressé, c'est pas forcément là où on prend les bonnes décisions. Toi, t'es sous contrainte maximum, t'es sous l'eau, il y a de la pression dans un univers fermé, j'imagine qu'en plus il peut y avoir de la tension. Évidemment, si on t'appelle et que c'est une situation critique, comment tu te prépares à ça ? Et c'est quoi la méthodologie derrière pour se dire en fait, je suis rodé et je suis serein, si on peut l'être ?

  • Speaker #1

    Alors la première des choses, c'est la mise en situation. Donc on entraîne nos équipages tout le long de notre carrière en simulateur, avant chaque cycle, pendant 6 ou 7 semaines, où on va conduire des drills, on va se former. Alors un drill, un exercice, pendant 4 heures, il y aura une séance de simulateur, comme tu peux le voir pour les pilotes d'Airbus. Tu joues aux jeux vidéo là. Mais là, tu es en simulateur sur vérin. avec un entraîneur derrière, parce qu'on est évalué par le commandant et par une équipe d'entraînement indépendante, avec un œil externe, donc avec beaucoup de pression. Et on va conduire des exercices de plus en plus complexes pour acquérir notamment des réflexes, des bons de procédure, en cas d'incident grave. S'il y a une avarie de barque et mon sous-marin descend, je ne veux pas me prendre le fond, donc on a des parades. Et voilà, on entraîne ces gens-là dans le domaine de la conduite du sous-marin, dans le domaine du nucléaire. On va mettre aussi les opérateurs dans des situations un peu compliquées.

  • Speaker #0

    Oui, tout le monde sous stress.

  • Speaker #1

    Et on met tout le monde sous stress et on apprend à travailler collectivement. C'est-à-dire que ce qui est à penser, c'est qu'ils comprennent bien que l'erreur de l'un peut être rattrapée par l'équipe. Et ça, c'est très fort. La force de l'équipe, la force de l'équipage.

  • Speaker #0

    Donc, les drills, d'accord. Donc, ça,

  • Speaker #1

    c'est la mise en situation. Le deuxième point, c'est, on va dire, l'analyse. Pour le commandant de SNLE, c'est l'analyse de sa mission. moi je faisais ma Je réfléchissais stratégiquement à ma stratégie de ma patrouille. Parce qu'une fois à terre, avant de partir, avec les éléments qu'il m'avait, les ordres qui m'ont été donnés par l'amiral, en fonction de l'effet final recherché, je préparais mon idée de manœuvre et je la faisais vivre à la mer. Parce qu'évidemment, ça...

  • Speaker #0

    Tu peux nous donner un exemple ? Par exemple, on t'a donné une mission d'aller...

  • Speaker #2

    On va inventer un nom de pays,

  • Speaker #1

    on s'en fout. Non, c'est pas ça. On va me dire, tu peux faire ça pendant ta patrouille, tu vas peut-être essayer de passer là, si tu peux. Parce qu'on peut me dire, deux mois avant, est-ce que tu peux passer à cet endroit-là ? Et peut-être qu'un mois plus tard, il y aura à ce moment-là un soumrain russe. Donc à ce moment-là, je n'irai peut-être pas. Donc c'est pour ça qu'on fait son idée de manœuvre à froid. On la remet en cause en permanence.

  • Speaker #2

    Ce que tu appelles l'idée de manœuvre ?

  • Speaker #1

    C'est-à-dire ma stratégie. Ton plan de départ. Et après, tu revisites ton plan de départ. Et après, on le remet en cause systématiquement. Et cette capacité de remise en cause, elle est importante. Toutes les semaines, en fonction de l'état de ton bateau. Tu peux avoir une pompe qui est tombée en avarie. Et quel impact ça a en fonction de l'état de ton personnel. Tu peux avoir quelqu'un qui est malade ou quelqu'un qui va se faire opérer par le médecin. Donc, tu vas prendre des décisions. Peut-être te rapprocher de la terre. enfin je suis en plein. Tu prends ça en compte dans ton meuble et tu la remets en cause systématiquement.

  • Speaker #0

    D'accord. Et dans les outils que tu as développés là-dessus ?

  • Speaker #1

    Alors, moi je prends en compte les facteurs déterminants, c'est-à-dire l'environnement, la météo, la bâtie thermique, l'environnement tactique, la menace, où est-ce qu'elles sont. Je me pose la question, d'ailleurs, est-ce que les renseignements qu'on me donne, parce que je ne peux pas admettre, mais je reçois énormément d'informations, est-ce que les renseignements qu'on me donne sont fiables, comme j'imagine, parce qu'on a beaucoup de renseignements nationaux, mais on a aussi du renseignement avec nos alliés. Alors, est-ce qu'ils sont bons ? Est-ce que les Américains nous disent tout ? Comme, j'imagine, un dirigeant d'entreprise se dit, est-ce que mon partenaire est fiable ? Est-ce que mon concurrent, il a vraiment dévoilé sa stratégie ? Donc, ce doute constructif... Il est permanent. Alors après, on est obligé de se préparer, parce qu'on ne peut rien prévoir à 100%, à ce qui peut se passer. Et donc là, on va utiliser ce qu'on appelle des Wattifs. Donc qu'est-ce qui se passe si je suis dans cette situation ? La température de l'eau est importante. Je perds une pompe de refroidissement. Dans quelle situation je suis ? Quel est l'impact sur la mission ? Et donc on va faire des préplans. Pour, justement, ne pas réagir sous stress, et déjà avoir anticipé, réduit effectivement le risque, parce que peut-être que pour qu'elle ne tombe pas en panne, je vais peut-être la faire tourner moins vite. On va anticiper pour diminuer les facteurs de risque.

  • Speaker #2

    Ça prend quelle forme, ces Wattifs ? C'est quoi ?

  • Speaker #1

    C'est un papier ? On peut faire une réunion de crise, et puis après, on fait un plan d'action, un papier, oui.

  • Speaker #2

    Et là,

  • Speaker #0

    tu essaies de tout lister, tout ce qui peut t'arriver.

  • Speaker #1

    En fonction des fragilités potentielles que tu peux sentir, sachant que le commandant, lui, il va regarder la suravarie. Donc le chef de service va dire, si je perds ça, je vais me débrouiller parce que j'ai une redondance, je vais changer mon circuit. Il va trouver une solution. Le commandant, lui, il voit plus loin. Lui, il voit sa mission. Donc il dit, si je perds la deuxième. Si je perds la deuxième, là c'est grave. Je ne vais peut-être pas aller dans ce coin-là, je vais peut-être aller ailleurs. Mais ça, ils ne l'auront pas vu. Oui. Tu comprends ?

  • Speaker #0

    D'accord.

  • Speaker #1

    Donc tu anticipes encore plus.

  • Speaker #0

    Donc préparation et anticipation.

  • Speaker #1

    Alors, un autre point, c'est important, c'est la culture du point d'arrêt, qu'on utilise tout le temps, à terre, lorsqu'on est en période d'entretien et qu'on fait des interventions sur la chaufferie, à la mer également. Dès qu'on sort du modèle, dès qu'il y a un paramètre qui n'est pas normal, si on n'est pas dans une urgence avec une parade qui est déjà prédéfinie, si j'ose dire, à ce moment-là, on fait un point d'arrêt. On regarde les paramètres qui s'offrent à nous et on va prendre la bonne décision. Il faut éviter de faire une erreur de modèle et pas rester dans le même schéma initial.

  • Speaker #2

    C'est quoi un point d'arrêt alors si tu dois expliquer ?

  • Speaker #1

    Tu réunis les... Tu réunis les gens qui sont concernés, tu dis voilà qu'est-ce qui se passe, dans quelle situation on est. Tu prends du recul. Tu prends du recul. Tu vas geler, mais tu ne réagis pas à chaud. Et ça, c'est une culture que tout le monde a. Et même, par exemple, au sein d'un poste de conduite, le commandant n'est pas là, ils ont un truc qui apparaît et qui n'est pas normal. Je me mets une minute à réfléchir.

  • Speaker #0

    Mais alors, du coup, c'est intéressant. C'est un truc qui est rare, occasionnel, très fréquent, où tu prends à chaque fois, par exemple, que tu as ton plan de départ, et à chaque fois que tu as un truc qui... qui potentiellement modifie ton plan de départ, une information d'un allié qui t'arrive, etc. Culture du point d'arrêt, tu dis, c'est quoi mes impacts ? Alors ça,

  • Speaker #1

    c'est sur la manœuvre. Moi, je remets en cause, effectivement, chaque fois qu'il y a une information, on a un briefing tout quotidien, donc je peux la remettre en cause tous les jours, deux fois par jour. En tout cas, au moins une fois par semaine, où je prends aussi le pouls du bateau. C'est important. Ça,

  • Speaker #0

    c'est le rôle du commandant ?

  • Speaker #1

    Oui. le moral de l'équipage, je vois mon docteur qui va me dire « Bon, commandant, il faut peut-être un peu lever le pied, les mecs, ils sont un peu fatigués. »

  • Speaker #0

    D'accord. Donc ça, c'est ton rôle. Et moi, j'aimerais bien qu'on revienne sur un autre rôle. Dans notre échange, tu m'as beaucoup parlé du binôme et du rôle, en fait, parce qu'il y a forcément un commandant, mais tu as son second, et tu fais un ping-pong en parallèle tout le temps avec lui, parce que j'imagine aussi que tu es seul à prendre les décisions, et donc du coup... C'est ton intérêt. Tu peux nous parler de ce binôme ? Tu peux nous parler de l'importance de ce binôme dans la télévision ?

  • Speaker #2

    On parle beaucoup de co-CEO. C'est genre de deux niveaux équivalents. Toi,

  • Speaker #0

    ce n'est pas le cas.

  • Speaker #1

    Le commandant, il porte seul la responsabilité. Quand on part en patrouille devant le président, sur les épaules, c'est le commandant qui a les responsabilités. Mais il n'est pas seul. Il a son équipage, mais il a aussi son second. Et il ne doit pas être seul. Si on est seul, on peut aller vers l'erreur de modèle. et prendre des mauvaises décisions. Donc le second, c'est quelqu'un qui va devenir commandant.

  • Speaker #0

    Oui. Qui est en route pour vous.

  • Speaker #2

    C'était le cas pour toi quand tu étais sur le Terrible ? Il est devenu commandant ?

  • Speaker #1

    Oui. Mes deux seconds que j'ai formés, ils sont amiraux. Il y en a un qui est d'ailleurs au ministère des Armées. Donc ils ont bien réussi. D'accord.

  • Speaker #2

    Vas-y alors, on te l'a dit.

  • Speaker #1

    Ils ont bien formé. Ils sont mieux que moi.

  • Speaker #0

    Mais voilà,

  • Speaker #1

    le second. Alors typiquement, ce second, moi je lui disais tout. Le commandant, c'est le reste énoncé, il reçoit beaucoup de messages réservés au commandant, parce qu'il n'y a que lui qui a la picture.

  • Speaker #2

    C'est ce que je veux dire,

  • Speaker #1

    là. On va filtrer toutes les informations. Et ça,

  • Speaker #0

    c'est-à-dire que c'est l'État-major. L'État-major t'envoie et te dit que c'est des informations confidentielles qui sont arrivées, qui arrivent dans ton poste.

  • Speaker #1

    Voilà. Si, par exemple, il y a un attentat quelque part, on va pas dire à l'équipage qu'il y a eu un attentat. Tu peux pas savoir si la femme de Pierre-Paul Oujac, elle est pas là-bas. Voilà. Donc tout ce qui se passe dans le monde est filtré. Même la presse est filtrée. Mais tout ce qui est opérationnel, le commandant reçoit des messages réservés. Moi, je partageais tout avec mon second. Mon second, quand je le recevais, je disais Si on passe l'expression, ton rôle, c'est que tu me dis si je fais une connerie. C'est ça ton rôle. Tu le disais-tu ? Bien sûr.

  • Speaker #0

    Tu développes des liens super forts.

  • Speaker #1

    Oui. Oui, oui, oui. C'est évident.

  • Speaker #0

    Mais comment il fait pour te critiquer s'il n'est pas d'accord et qu'il te dit « je pense que tu fais une connerie » .

  • Speaker #1

    Il me dit « il faut argumenter quand même » . Oui,

  • Speaker #0

    mais ce n'est pas facile. Tu es le commandant.

  • Speaker #1

    Oui, mais... Je suis un homme aussi. Donc il arrive... Alors, il peut avoir un schéma de pensée qui est différent du mien. Il peut avoir vu un paramètre que moi j'ai pas bien vu ou j'ai pas bien analysé.

  • Speaker #0

    Et puis, s'il a tort, il va me dire « Ok, moi je vais le former » . Je lui dis « Non, ta proposition, elle ne tient pas la route parce que… » Et moi, mon rôle, c'est de le former aussi pour qu'il soit commandant après.

  • Speaker #1

    Tu m'as dit aussi un truc qui m'a marqué. Tu m'as dit « Dans les numéros 2, on essaye souvent de faire des binômes avec des compétences ou des appétences ou des façons de faire très différentes. » Pour être complémentaire. Il y en a qui paient très dur, l'autre tu fais ça.

  • Speaker #0

    Alors c'est vrai, exactement. Si en termes de RH, on le peut, parce que c'est quand même une loi des petits nombres. Alors le commandant, on lui demande, tiens, on va te mettre ce second, ça te va ou ça te va pas ? On peut dire, écoute, si c'est quelqu'un de ma promotion, ça me gêne un peu. Ou si on ne s'entend pas avec telle ou telle personne, c'est connu parce qu'au bout de 20 ans... Maintenant, on nous connaît bien. Mais c'est vrai qu'on essaye, s'il y a un commandant qui est peut-être un peu dur, un peu raide, on va plutôt lui mettre quelqu'un qui est...

  • Speaker #2

    C'était déjà arrivé de refuser quelqu'un, toi ?

  • Speaker #0

    Non. Non, parce que ça ne s'est jamais présenté. Mais je sais que, comme second, pour le coup, j'ai refusé d'aller avec un commandant.

  • Speaker #1

    J'ai dit non, ça va pas faire. Oui, mais ça peut se comprendre aussi, parce que c'était quand même un enjeu. Tu passes 80 jours en dessous.

  • Speaker #0

    Le binôme, il est crucial. Il est crucial. Donc, si le commandant et le second ne s'entendent pas, ça ne se passe pas bien en dessous.

  • Speaker #1

    Ah oui. Oui. Et rappelle-nous, parce que du coup, tu faisais le parallèle avec les entreprises. J'aime bien ce niveau-là, ce binôme, la façon dont tu fonctionnes. Qu'est-ce que tu lui délègues ? Qu'est-ce que tu attends de lui ? Évidemment, tu le formes. comment ça s'imbrique au jour le jour ? Tu dis que tu partageais vachement.

  • Speaker #2

    Tu vas parler du rôle du commandant déjà, tout à l'heure ?

  • Speaker #1

    Je pense que...

  • Speaker #0

    Le commandant second, c'est la tour de contrôle du bateau. Tout lui remonte. C'est le numéro deux. Tout lui remonte dans les détails, les détails qui n'ont pas remonté jusqu'au commandant. Il filtre tout ça. Il est au courant parfaitement de ce qui se passe sur le bateau. Il est au courant par moi d'où je veux aller et quelle est l'idée de manœuvre. Donc, si je veux...

  • Speaker #2

    Lui, c'est ta navigation et tout.

  • Speaker #0

    Si je veux... Exactement. si je veux qu'il soit un garde-fou pour moi. Il faut qu'il ait tous les éléments en tête, sinon ça ne sert à rien. D'accord ?

  • Speaker #3

    Je suis pour faire un parallèle. Ce qui est super intéressant, c'est que parfois le dirigeant, le CEO, il n'a pas quelqu'un qui fait ce travail-là. Toi, de filtre, de se dire, en fait, il y a une tête qui pense, qui regarde la direction, et celui du dessous qui filtre tout, qui remonte les informations essentielles.

  • Speaker #2

    C'est pas le rôle d'un DG, non ?

  • Speaker #3

    Ce n'est pas toujours ce qui se passe, en fait. Et du coup, je trouve que c'est intéressant parce que c'est... Ça offre aux commandants la possibilité de faire des... peut-être d'avoir une vision plus lointaine et d'avoir un débat contradictoire avec les éléments opérationnels nécessairement... nécessaires d'être connus.

  • Speaker #0

    Ah oui. Alors c'est une structure qu'on a, nous, dans nos états-majeurs. On a un chef d'état-major qui, justement, lui, filtre toutes les informations qui arrivent et va présenter les plus importantes qui sont du niveau stratégique à l'amiral.

  • Speaker #3

    Je pense que c'est un savoir-faire qui n'est pas renseigné, je veux dire, dans les entreprises. C'est ça que je veux dire.

  • Speaker #0

    le second moi j'avais une Parfaite confiance en lui, il faut que cette confiance soit réciproque. Et donc, de temps en temps, moi je lui donnais la suppléance à la mère. Je lui disais, tiens, tu prends la clé, moi je vais aller faire du sport, je vais prendre un peu de recul, je vais penser peut-être à ma stratégie, et cette nuit c'est toi qui conduis le bateau. Donc c'est toi qu'on va réveiller s'il y a un problème. Et là on le forme aussi.

  • Speaker #1

    Et peut-être pour finir cette partie-là, une anecdote un peu où tu as dû gérer, parce qu'on le rappelle, tu l'as dit, tu as quand même le bouton rouge, je ne sais pas si c'est un bouton rouge, mais dans l'image d'Epinal, c'est un gros... Non mais si on t'appelle et qu'il y a vraiment besoin, c'est toi qui décides d'appuyer. On est à deux, on est seul, c'est toi, c'est ta décision. Tu as eu un moment de tension comme ça, un souvenir j'imagine en 20 ans, 30 ans ?

  • Speaker #0

    Non, parce qu'à la mer par contre, on fait des exercices. On nous envoie des ordres fictifs, bien sûr. L'équipage ne sait pas si c'est fictif ou pas. L'équipage ne sait pas si c'est fictif ou pas. Le commandant le sait. Oui. Le second aussi. Donc là, il y a une petite tension.

  • Speaker #1

    Une petite tension.

  • Speaker #0

    Pour ce que je vous engage, vous avez peut-être vu le film, le chant de loup d'Antonin Baudry. Donc comment ça se passe, c'est bien rendu. C'est assez bien rendu quand le commandant reçoit l'ordre. Alors après, la responsabilité de l'engagement, ce n'est pas le commandant qui la prend, d'accord ? C'est le président de la République.

  • Speaker #2

    C'est juste son bras armé,

  • Speaker #1

    quoi. Mais il appellerait vraiment directement un souverain ?

  • Speaker #0

    Non, il n'appelle pas.

  • Speaker #1

    Non,

  • Speaker #0

    mais il envoie l'ordre.

  • Speaker #1

    Et l'ordre, il t'enlève directement. Oui.

  • Speaker #0

    Mais ce n'est pas un appel. Au sein de la force socialiste stratégique, il y a des éléments qu'on ne connaît pas trop, ce sont les stations de transmission. Ils sont intégrés à la force stratégique et donc il y en a en France plusieurs qui émettent en très très basse fréquence, ça va un petit peu sous l'eau, ou quel que soit l'endroit de sous-marin, il va recevoir l'ordre. Ça participe de la crédibilité de la dispensation.

  • Speaker #3

    Ça permet d'ouvrir la deuxième partie sur tout ce qui est autour de la réflexion sur le commandement, on l'a un petit peu abordé, mais on a parlé des processus de décision, là on aimerait aborder la partie leadership, la vision, l'humain. Avoir justement ce qu'on se disait autour de cette question-là qu'on peut aborder ensemble, c'est le fait que commander, il y a peut-être une différence à ce que nous on entend comme manager, l'exigence, la justesse, les choses qu'on se dit là parce qu'il n'y a pas le droit à l'erreur. Ce qu'on se disait aussi tout à l'heure, c'est qu'il y a une formation, c'est très sélectif, c'est très lent. Leadership par exemple, la mission, le sens. Est-ce qu'on peut aborder cette thématique-là ? Je trouve ça intéressant parce qu'il y a beaucoup d'auditeurs qui vont peut-être s'y retrouver.

  • Speaker #2

    Ouais, mais déjà, qu'est-ce qu'on entend par « commandant » ?

  • Speaker #1

    Le commandant,

  • Speaker #2

    il est commandé.

  • Speaker #0

    Alors le commandant, il t'étient... Alors il y a deux mots importants. C'est « autorité » et « leadership » .

  • Speaker #1

    Autorité. On n'entend plus beaucoup parler de ça.

  • Speaker #0

    Ah bon ? Et en fait, il a une autorité légitime qui lui est donnée par le président de la République, puisque les commandants sont nommés par un arrêté du président de la République. Donc le commandant, il a une légitimité pour commander. D'ailleurs, on a une cérémonie. Vous reconnaîtrez pour votre commandant Pierre Poulujac. Et vous lui obéirez de par le président de la République. Donc il y a une autorité légitime. Ça claque. Mais ça suffit pas. Ça suffit pas. Il faut que le commandant, eh bien il fasse preuve de crédibilité. Il faut preuve de leadership. cheap. d'exemplarité, il suscite la confiance, il entraîne ses hommes, il est une force morale pour aller au combat. Parce qu'on n'oublie pas que c'est un bateau de combat. On est là pour délivrer une arme. Donc ce n'est pas comme une entreprise derrière, ce n'est pas un gain. Derrière, les conséquences sont plus importantes qu'on soit sur un bateau de surface, dans un rafale ou sur un sous-marin. C'est quand même donner le mot. Donc l'autorité, elle se construit également. On est légitime, mais derrière l'équipage, il faut qu'il se vive son chef pour aller au combat. On a tous eu des commandants, on se dit, ben ouais, et il y en a, lui, il veut au combat, les yeux fermés avec lui. C'est ça qu'il faut viser.

  • Speaker #1

    Ça nous rappelle quand Xavier Fontanel nous parlait de Napoléon et de sa capacité à embarquer les équipes en leur expliquant la stratégie, etc. C'était un moment assez amusant pour avoir...

  • Speaker #0

    Alors ce leadership, il sous-tend aussi un devoir d'exigence vis-à-vis de son équipage pour le tirer vers le haut et pour être sûr de remplir la mission. Ça grandit l'équipage. Un commandant qui laisse tout faire, c'est comme un dirigeant qui... Voilà, ça ne va pas bien se passer. Donc il est là pour faire grandir son équipage, pour le tirer vers le haut. C'est un acteur majeur de l'escalier social.

  • Speaker #2

    Comment tu t'y prends pour ça ?

  • Speaker #0

    Alors d'abord, exercer sa responsabilité, c'est la connaissance de ses hommes déjà, de son équipage.

  • Speaker #2

    Un commandant n'égale pas quelqu'un de froid ?

  • Speaker #0

    Non, tu peux être distant sans être froid. On peut avoir une distance, je vais y revenir, une distance, on va dire, raisonnable, sans être froid.

  • Speaker #2

    Donc tu connais bien ton...

  • Speaker #0

    Alors il faut connaître intimement. Moi, je recevais chacun de mes hommes, connaître un peu sa famille, quelles sont ses préoccupations,

  • Speaker #2

    quelles sont ses difficultés. Dans l'entreprise, on nous interdit ce genre de questions.

  • Speaker #0

    Ah bon ?

  • Speaker #3

    Je ne sais pas si on peut...

  • Speaker #2

    Non, mais c'est juste pour dire dans le principe,

  • Speaker #0

    tu vois... Tu ne vas pas lui poser des questions intimes, mais il est important de... connaître son homme. Alors sur SNL, c'est encore différent, puisque avant chaque patrouille, chaque homme va voir le second et va lui dire, pendant la patrouille, j'ai peut-être peur de ma grand-mère, j'ai ma femme qui va accoucher, la dernière fois, elle a fait une fausse couche, ma grand-mère, je sais qu'elle va mourir. Je veux le savoir. Donc là, on va dans l'intime. Je me bats avec mon voisin.

  • Speaker #2

    Il fait plusieurs dépressions.

  • Speaker #1

    C'est très intéressant, parce que ce n'est pas du tout l'image qu'on peut en avoir. Tu prends la caricature, on dit que l'armée, c'est très intense, c'est très droit, c'est très ferme, c'est très dur. Est-ce que tu nous dis... C'est que c'est pas parce que, tu vois je fais un parallèle avec la culture d'entreprise où au contraire les gens sont tous, il n'y a quasiment plus de hiérarchie, c'est très facile, etc. Mais toi ce que tu dis c'est que c'est pas parce qu'on met de la distance, c'est pas parce qu'on est un peu autoritaire que quelque part on n'a pas toute cette énorme proximité. Oui,

  • Speaker #0

    c'est pas parce qu'on a de l'autorité. Autoritaire c'est autre chose.

  • Speaker #2

    L'autorité c'est ta légitimité.

  • Speaker #0

    Oui, mais si tu veux tu vas pas... Un bon leader, il n'a pas besoin de donner un ordre. Il suffit de parler et ça suit. On n'est pas... C'est pas au bâton. Mais il faut garder cette distance. Alors, connaît-on activement, il ne faut pas que ce soit de la démagogie, il ne faut pas que ce soit du copinage, parce que quand il va falloir sinon lui passer les fesses ou lui donner un coup de pied aux fesses, ça va être plus difficile. Dans le fil de l'épée, le général de Gaulle disait qu'il ne fallait pas trop s'approcher de ses subordonnés. Et il fallait garder une certaine distance, qui était un ressort de l'autorité. Bon, on n'est plus à cette époque-là, mais voilà, il faut avoir un équilibre intelligent. Il faut avoir un équilibre intelligent. Alors, commander, c'est aussi, à mon avis, c'est une des choses les plus importantes, c'est donner du sens à sa mission. Alors nous... La chance, finalement, parce qu'on a une mission sur SNLE qui nous dépasse complètement, c'est la défense de la France. Et du quartier maître au commandant, tout le monde est imprégné par cette culture, par cette mission. Et ce qui fait que quand on embarque à bord des hommes politiques, des députés, des sénateurs, pour leur faire toucher du dos à ce que c'est que la dissuasion, c'est important qu'ils le vivent, qu'ils le comprennent, qu'ils connaissent, mais qu'ils le vivent. On fait une petite réunion souvent avec... Les représentants de catégorie du personnel, officiers, officiers mariniers, équipage, il ressort de là, mais comment ça se fait ? Un jeune de 20 ans, il a tout compris et il est à fond dans sa mission. Ça c'est important. Alors on a des missions opérationnelles, et c'est bien le côté opérationnel de la mission qui fait qu'on arrive aussi à accepter les contraintes, les sacrifices. Parce que faire 80 jours sous l'eau, dans la solitude, même s'il y a une promixuité forte dans la solitude, ne pas pouvoir parler avec sa famille, comme ça peut le faire, on peut le faire sur un bateau de surface, ils ont internet. Recevoir une fois par semaine ce qu'on appelle un familiste, un petit message de 40 mots de sa femme, de sa copine ou de sa maman, 40 mots qui ont été filtrés ou il n'y aura... On va dire que des bonnes nouvelles. On ne va pas dire « j'ai rayé la voiture » . Donc ça veut dire que la femme, elle va faire le message, elle sera obligée de le faire. Et ce n'est pas simple de faire passer de l'amour, de la sensibilité, des nouvelles des enfants en 40 mots. En 40 mots.

  • Speaker #1

    Et tu n'as pas de retour.

  • Speaker #0

    Ah non, t'as pas de retour. Et puis s'il n'y a que 39 mots, il y en a qui ne vont pas être contents. Tu vois, la psychologie, c'est un des éléments... Toi,

  • Speaker #2

    tu les dis tous, tes familles,

  • Speaker #0

    quand ils arrivent ? Alors, c'est le second, on les dit tous, mais ils ont déjà été relus deux ou trois fois.

  • Speaker #2

    Tu ne peux pas dire que papa est mort.

  • Speaker #0

    Non.

  • Speaker #2

    Oui, c'est filtré.

  • Speaker #0

    Non, parce que qu'est-ce qu'il va en faire de cette information de marin à bord ?

  • Speaker #2

    Il va ruminer.

  • Speaker #0

    Il est hors de question qu'il y ait un impact sur la mission. Et le commandant ne le saura pas non plus parce qu'il ne va pas porter sur ses épaules. Je ne pourrai pas tous les jours le croiser 20 fois. Donc quand il y a des mauvaises nouvelles inattendues, on le sait deux jours avant de rentrer. Moi, ma femme, typiquement, j'étais sur ce parrain, elle s'est cassé le... Elle s'est cassé le bras, elle n'est pas partie en vacances, elle m'a fait des faux messages pendant 70 jours, et puis quand je suis arrivé à qui, elle m'a dit « Quoi ? » Donc donner du sens à la mission, c'est important. Il faut savoir encourager, il faut savoir remercier ces hommes. Ça c'est quelque chose de très important, ça peut se faire par un mot. Je passais dans le bord, même à minuit ou lors du matin, des têtes à tête. C'est super ce que tu as fait aujourd'hui. On peut, devant l'équipage, à l'appel ou par diffusion générale à la mer, dire, voilà, là, il s'est passé un truc super. Pierre, il a été génial. On peut faire une lettre de félicitation, signer du commandant, une lettre officielle. On peut faire signer une lettre par l'amiral.

  • Speaker #2

    C'est simple, mais c'est hyper efficace.

  • Speaker #0

    Oui, parce que nous, on ne peut pas donner de primes ni de tickets.

  • Speaker #2

    Oui,

  • Speaker #0

    mais ça vaut plus qu'une prime des fois. Et donc, je pense que c'est un devoir, la reconnaissance qu'on a vis-à-vis de notre équipe, ou vis-à-vis de nos équipes au sens large, parce qu'ils se battent tous les jours pour la mission.

  • Speaker #3

    Ça, c'est un parallèle avec l'entreprise qui se fait très facilement. Mais pareil, c'est quelque chose qui...

  • Speaker #0

    Non,

  • Speaker #2

    mais tu as déjà reçu une lettre du PDG. Enfin, je trouve ça stylé.

  • Speaker #3

    Oui, mais c'est ce que je te dis.

  • Speaker #2

    Ça ne ferait plus plaisir.

  • Speaker #3

    Mais c'est quelque chose qui se faisait dans le temps, dans les entreprises. Tu recevais une lettre du patron de... ta boîte.

  • Speaker #2

    Emric va m'en envoyer une pour ma qualité.

  • Speaker #3

    Aujourd'hui, la plupart des choses sont transactionnelles. On peut réaliser beaucoup de choses, comme vous dites.

  • Speaker #0

    Dans la dernière interview, il a dit qu'il allait voir les équipes sur le terrain. C'est là qu'on peut passer. Et puis, c'est au manager local de dire au chef, tiens, lui, il est super, il faut que tu le félicites. Donc, ça se...

  • Speaker #1

    Tu trouves des vraies compensations. La mission, tu la trouves, tu sais, dans tout ce podcast qu'on a fait avant, sur les batteries, sur... tout le sens qu'il a donné à son groupe, Electra, bien sûr, sur la transition énergétique, etc. Toi, c'est pareil, tu as quelque chose de plus grand pour embarquer les équipes.

  • Speaker #0

    Alors après, il faut savoir récompenser, il faut aussi savoir dire quand c'est pas bien. Moi, j'ai quand même constaté que beaucoup de jeunes officiers avaient du mal avec cette notion de dire à mon ami, c'est pas bien. Et moi, chaque année, je recevais individuellement tout mon personnel. à la notation, il y en a qui disent « j'ai une mauvaise note, on ne m'a rien dit » . Ça c'est inacceptable, parce que là on démotive. C'est la crispation, on démotive les gens. Donc dire « c'est pas bien et voilà comment on va faire pour t'aider, on va te coacher, on va te donner des cours supplémentaires, on va te faire faire des sciences de simulateur en plus, mais tu vas y arriver, on va lui donner une deuxième chance » , ça c'est important.

  • Speaker #1

    Mille points. qu'on n'a pas beaucoup abordé, mais tu l'avais introduit. Il y a tellement de sélection, sélectivité dans votre process, parce qu'en fait, à la fin, tu n'as qu'un commandant. Comment tu gères dans une carrière, et tu as ça en entreprise, tout le monde ne deviendra pas commandant. Comment tu gères cette notion un peu de plafond de verre de carrière pour que les gens s'épanouissent quand même ? Mais vraiment, il faut dire à un gars, bon, écoute, en fait, tu ne le seras pas. C'est pas facile ça. C'est pas moi qui gère,

  • Speaker #0

    c'est l'état-major de la marine, c'est la division RH, direction du personnel militaire de la marine.

  • Speaker #1

    Mais c'est toi qui fais remonter, c'est-à-dire qu'à la fin tu dis le gars était compétent, il était pas compétent.

  • Speaker #0

    Typiquement, quand j'étais officier entraîneur, c'est moi qui proposais ou non à l'amiral le succès ou non au cours de commandement. Bon ben j'ai un second qui est arrivé dans 11 ans de sous-marin, qui était... Un intellectuellement beaucoup plus brillant que moi, un mec très intelligent, mais pas fait pour ce métier-là. Ce type-là, il n'écoutait pas ses hommes. Ces hommes disaient non, ils disaient oui. Bon, c'est dur. Et quand tu reçois un officier comme ça, qui a passé 12 ans au sous-marin, et que tu lui dis c'est fini. Bon, alors après, donc il a des compétences et il va s'épanouir ailleurs. Il va s'épanouir sur un bateau de surface, il va s'épanouir dans les relations internationales, dans l'enseignement. Dans la marine, il y a énormément de voies qui permettent de s'épanouir. Si on n'arrive pas, c'est comme pour un pilote de chasse. Derrière, ça se paye cash si il y a une erreur. Donc on ne va pas prendre ce risque-là.

  • Speaker #2

    Peut-être une question, justement, pour le dernier point qu'on voulait avoir ensemble. C'est quoi ta vision du commandement dans les dix ans qui viennent ? Est-ce que c'est un rôle qui va évoluer ? C'est un standard tel qu'il est aujourd'hui, où tu vois des évolutions majeures, toi ?

  • Speaker #0

    Non, ce sont des fondamentaux. Je pense que le commandement au sens large, il n'évolue pas. Les valeurs humaines qu'il faut avoir pour commander, elles restent.

  • Speaker #2

    Parce que tu n'as pas expliqué juste ta vision commandement versus management. C'est quoi la nuance que tu fais entre les deux ?

  • Speaker #0

    Je dirais que le commandant, il voit loin. Il se pose toujours la question, pourquoi, quel effet final rechercher ? C'est celui qui donne le cap, qui a la vision, qui sait où il va. Le manager, je pense qu'il est plus dans le... Mais je maîtrise moins cette notion dans la gestion des process. C'est pas un dirigeant. Un dirigeant, c'est comme un commandant, moi je pense.

  • Speaker #1

    Si on peut finir, j'ai vraiment une question perso. Quand t'es embarqué comme ça pour 80 jours, t'as la pression qui monte, t'es dans un... d'endroits confinés, fermés. Comment toi, t'arrives à... C'est quoi ta bouffée d'oxygène ? Comment tu arrives à prendre du recul par rapport à toute cette pression qui monte ? J'imagine qu'en plus, t'as à la fois des pressions de l'équipage, etc., des problèmes que tu peux avoir sur l'équipage, et puis de la mission qu'on t'a fixée. Tu rencontres un sous-marin russe en face.

  • Speaker #2

    C'est l'octobre rouge.

  • Speaker #1

    Ça peut être un peu tendu. Comment toi, qu'est-ce que tu fais pour prendre du recul ?

  • Speaker #0

    D'abord...

  • Speaker #2

    Quand en mission, là, tu veux dire.

  • Speaker #0

    D'abord, en mission, il y a des moments de forte tension, de forte pression opérationnelle, où là, on peut être au poste de combat. Ce n'est pas tout le temps. Alors d'abord, on s'habitue à la pression. Quand on vit un commandant de SNLE, même quand il est en vacances, il est responsable d'une chaufferie nucléaire qui est taquée. Tu es obligé de vivre. Tu vois ce que je veux dire ? Tu es obligé de vivre avec ça. Donc tu t'habitues à l'impression. Après à la mer, moi c'était du sport pour me défouler un petit peu.

  • Speaker #2

    C'est vrai qu'il y a des salles de sport installées un peu en SD.

  • Speaker #0

    Oui, il y a des vélos, il y a des rameurs là où on peut les placer. Et les jeunes font de plus en plus maintenant cette hygiène de vie et rentrer dans les mœurs plus qu'il y a 20 ans. quand je suis rentré dans la marine.

  • Speaker #2

    Il faut peut-être m'installer chez Théodore.

  • Speaker #0

    Tu faisais du sport ?

  • Speaker #1

    Oui,

  • Speaker #0

    musique. Tu écris ? La lecture. Alors, j'écrivais à ma femme, mais je ne pouvais pas poster.

  • Speaker #3

    C'est génial.

  • Speaker #2

    Tu les as gardés ?

  • Speaker #0

    Joker. Non,

  • Speaker #1

    mais tu écrivais. D'accord. C'est marrant, ça, d'écrire. Je sais que ça ne va pas partir. OK. Ah non.

  • Speaker #3

    Peut-être, alors c'est une question qu'on pose toujours à la fin du podcast, qui est la recommandation du prochain invité. Alors, on a noté que tu allais nous inviter François Hollande, mais peut-être que quelqu'un d'autre éventuellement...

  • Speaker #0

    Moi, je verrais deux personnes. Un marin, c'est l'amiral Vendier, qui est l'ancien chef d'état-major de la Marine, qui est actuellement à l'OTAN, à Norfolk, à Sakti, qui est un de mes petits-fils, au sens promo du terme, que je quitte en fait. Pilote de chasse qui m'avait fait découvrir le Rafale quand j'étais sur le porte-avions.

  • Speaker #2

    Tu n'avais pas dit que tu avais déployé les premiers sous-marins sur le Charles de Gaulle ? Tu avais eu un petit pin,

  • Speaker #0

    c'est pour ça. Une puissance intellectuelle, quelqu'un qui voit loin, qui est innovant. À chaque prise de parole, j'étais bluffé.

  • Speaker #1

    Tu l'avais repéré.

  • Speaker #0

    Oui, je l'ai repéré. La marine l'a repéré aussi avant moi, je pense. Et on se sent petit en face de gens comme ça, en plus d'une grande humilité, d'une grande accessibilité. Et puis, il y a Thomas Pesquet, moi, qui m'impressionne par toutes ses compétences, son énergie, son savoir-être.

  • Speaker #3

    Mais tu l'as rencontré ?

  • Speaker #0

    Non, je ne l'ai jamais rencontré, mais je suis passionné d'astronautique. Donc, je suis... Thomas Pesquet,

  • Speaker #2

    ça serait très cool de l'avoir.

  • Speaker #3

    Mais comme Thomas nous écoute, manifesto toi, on te trouvera une place où que tu sois.

  • Speaker #1

    C'était un amiral qui t'admire.

  • Speaker #3

    C'était très intéressant, il y a beaucoup de parallèles à faire dans le monde des affaires qu'on n'étudie plus habituellement. J'espère que les auditeurs ont apprécié. Une dernière chose, n'hésitez pas à noter cet épisode, mettez 5 étoiles, commentez, ça fait remonter le podcast dans les algorithmes et ça nous fait connaître un petit peu plus. Ça nous aide, on sera ravis. Merci beaucoup, à bientôt, bye bye.

  • Speaker #2

    Merci Fabrice.

Description

Plonger à 300 mètres sous la mer, dans un silence absolu. Vivre pendant 80 jours sans prononcer un mot. Prendre des décisions vitales avec zéro marge d’erreur. Commander des équipes réduites mais ultra-compétentes, dans un environnement où chaque geste est une question de vie ou de mort. Voilà le quotidien de notre invité du jour.


Dans cet épisode expert, on reçoit Fabrice Legrand, vice-amiral et ancien commandant de sous-marins nucléaires dans la Marine nationale française. Issu de l’École navale, il a dédié sa carrière à la lutte sous la mer, en enchaînant les missions critiques et les plongées longues durées — jusqu’à 27 000 heures passées sous l’eau à bord des fleurons de la flotte, comme le sous-marin nucléaire d’attaque La Perle.


🎯 Dans ce numéro spécial, on va plonger au cœur de deux grands sujets :

  • Comment prendre des décisions dans des situations complexes, sans repères, sans retour immédiat, parfois sans communication.

  • Ce que cela signifie vraiment de “commander”, dans des environnements extrêmes — bien au-delà du management classique


On espère que cet épisode vous inspirera autant qu'il nous a inspiré !



Hébergé par Ausha. Visitez ausha.co/politique-de-confidentialite pour plus d'informations.

Transcription

  • Speaker #0

    On t'appelle, on dit le président débarque.

  • Speaker #1

    Tu reçois un message, trois semaines avant. On ne parle pas d'ascenseur social, on parle d'escalier social dans la marine. Recevoir une fois par semaine ce qu'on appelle un familiste, un petit message de 40 mots de sa femme, de sa copine, de sa maman. 40 mots qui ont été filtrés.

  • Speaker #2

    Tu ne peux pas dire « Papa est mort » . Non.

  • Speaker #0

    En fait, on a tous ce parallèle où, évidemment, quand on est stressé, c'est pas forcément là où on prend les bonnes décisions. Toi, t'es sous contrainte maximum, t'es sous l'eau, y'a de la pression. Comment tu te prépares à ça ?

  • Speaker #3

    Bonsoir à toutes et à tous et bienvenue dans ce numéro spécial, spécial de chez spécial, parce que nous recevons l'amiral Fabrice Legrand, commandant de sous-marins nucléaires. Bienvenue, amiral.

  • Speaker #1

    Bienvenue, merci, bonjour.

  • Speaker #0

    Bonjour Fabrice.

  • Speaker #1

    Merci de m'accueillir.

  • Speaker #0

    C'est un numéro expert.

  • Speaker #3

    Voilà, numéro expert, et malgré nos demandes express au haut commandement pour tourner cet épisode dans un sous-marin... nous sommes bien au bureau de Théodore. On a essayé. Donc, pour poser le décor, qui est Fabrice et pourquoi c'est un épisode qui est important, pourquoi ? Alors, je vais essayer de présenter Fabrice, qui peut me corriger si je dis des bêtises. Fabrice, officier de marine, commandant de sous-marins nucléaires, spécialiste de la lutte sous la mer.

  • Speaker #1

    J'ai été commandant de sous-marins nucléaires.

  • Speaker #3

    Vous avez été commandant. C'est pour ça qu'on a le droit de vous parler, sinon on aurait eu quelques difficultés. Donc, il faut imaginer qu'un sous-marin, et je pense que tout le monde le ressent, c'est quand même un... univers mythique, c'est un environnement extrême avec de l'isolement total, beaucoup de pression, des décisions vitales. Sachant qu'un sous-marin nucléaire comme il porte son nom, détient des missiles nucléaires. Donc la responsabilité de Fabrice est de recevoir un coup de fil du président qui peut lui demander de éventuellement actionner ce bouton. Schématiquement.

  • Speaker #2

    Peut-être plusieurs boutons, je sais pas.

  • Speaker #3

    Quelques expériences personnelles marquantes qui peuvent nous parler, notamment la première pour Julien Masson, notre cher Julien Masson. 80 jours sans parler soutien humain de sa femme mariée à distance et ça c'est important de le dire parce que c'est très important je pense dans ce métier là l'épouse fait partie du sac comme on dit chez nous et on peut faire ce métier là dans la durée parce que ça dure 20 ans parce que derrière on a une épouse une famille qui suit qui est derrière vous d'autant plus que c'est aussi dans une expérience internationale l'Espagne, la Malaisie, l'Arabie Saoudite donc c'est des longs trajets des longs chemins des longues. longue absence. Et pour rappel de la mission du SNLE, c'est de la dissuasion nucléaire et ce qu'on appelle de la continuité stratégique, en fonction de ce qui peut se passer sur le terrain de guerre, le sous-marin se déplace et est en support d'opérations partout dans le monde.

  • Speaker #2

    Peut-être d'ailleurs on peut commencer par expliquer ce que c'est cette notion de dissuasion nucléaire.

  • Speaker #3

    J'allais y venir. Peut-être quelques questions pour introduire, peut-être nous expliquer la mission en quelques mots simples du SNLE. Comment aussi on se retrouve à être commandant d'un sous-marin nucléaire ? Je pense que... Est-ce que quand on est petit, on se rêve de commander un sous-marin nucléaire ? Peut-être. Quel était le parcours personnel et qu'est-ce qui vous a marqué dans votre carrière ?

  • Speaker #1

    Très bien. Je vais d'abord peut-être compléter la présentation.

  • Speaker #3

    Et me corriger.

  • Speaker #1

    Personnellement, non.

  • Speaker #2

    Je sais qu'il a préparé Fabrice là. On n'est pas à la porte déconnée.

  • Speaker #1

    Il n'y a pas de correction. Donc moi, j'ai fait 38 ans dans la marine, notamment dans des postes tournés vers les opérations, c'est-à-dire la conduite. de mobile de la marine, 25 ans aux forces sous-marines et j'ai 27 000 heures de plongée, soit 3 ans sous l'eau. Comme la mobilité fait partie de la marine, j'ai servi dans les 4 ports métropolitains, Toulon, Lorient, Brest, Cherbourg et également Outre-mer avec La Réunion, Mayotte et Tahiti. Mais pas en sous-marin. J'ai eu l'honneur de me voir confier 5 commandements, dont 3 à la mer. Donc un commandement de bâtiment de surface, qui était un bâtiment hydrographique à l'Arago, un sous-marin nucléaire d'attaque, la PER, et un sous-marin nucléaire de lancement d'engin, le Terrible. J'ai commandé ensuite l'escadrille des sous-marins nucléaires de lancement d'engin, c'est-à-dire au commandement des 4 sous-marins, en charge de la gestion des équipages, de leur entraînement, de leur qualification, du soutien logistique des bateaux. Donc ça fait à peu près 1000 hommes. Et j'ai commandé la base de défense de Chambourg. Alors j'étais en lien numéro 2 des forces sous-marines et de la force océanique stratégique. Alors tu me posais la question, le parcours d'un commandant.

  • Speaker #2

    Déjà c'est quoi le parcours et la diffusion nucléaire ?

  • Speaker #1

    Qu'est-ce que c'est qu'un SNLE ? Schématiquement, SNLE, c'est la base de Kourou propulsée par une chaufferie nucléaire qui lance une salve de 16 Ariane. Sous l'eau, en avançant.

  • Speaker #2

    Donc c'est une bonne image. Pour Kourou, pour ceux qui ne savent pas, c'est la base de lancement des fusées.

  • Speaker #1

    Des fusées aériennes. C'est l'engin le plus complexe que l'homme ait conçu. Beaucoup plus complexe, par exemple, que la navette spatiale. Parce que derrière, on a quand même plus de 30 barres à l'extérieur.

  • Speaker #0

    On n'a pas ça en tête du tout. On pense que renvoyer SpaceX, c'est compliqué.

  • Speaker #1

    Non, non, c'est plus simple. Le milieu sous-marin est beaucoup plus complexe et beaucoup plus... en termes de technologie et de contraintes. Alors le sous-marin c'est 14 000 tonnes, c'est à peu près 140 mètres de long, donc presque un terrain de foot et demi, c'est 21 mètres de haut, donc un immeuble de 6 étages. Et ça emporte l'arme stratégique, c'est-à-dire 16 missiles balistiques, chacun pouvant être équipé jusqu'à 6 têtes nucléaires, chaque tête ayant 5 fois la puissance de Little Boy, la bombe qui est allée sur Hiroshima, qui a été lancée sur Hiroshima. C'est des responsabilités. C'est un peu de responsabilité.

  • Speaker #0

    Donc t'as 16 fois 6, et chacune a 5, tu dis derrière.

  • Speaker #1

    T'as 16, et tu peux avoir jusqu'à 6 têtes. 6 têtes. Tu peux avoir jusqu'à 96 têtes. Ouais, d'accord.

  • Speaker #2

    Ça c'est un chiffre que tu veux donner ?

  • Speaker #1

    C'est un chiffre jusqu'à 96 têtes, oui je peux le donner, ouais.

  • Speaker #2

    Ça vaut combien d'ailleurs un SNLE ?

  • Speaker #1

    Ça je peux pas le donner. Ça vaut cher. Mais la mission, ça a un coût. Je peux pas dire que ça a un prix. Ça a un coût. Mais la sécurité du pays, ça a un coût.

  • Speaker #2

    D'ailleurs, tu parlais de la mission du SNLE, la dissuasion nucléaire. Ça veut dire quoi ?

  • Speaker #1

    Oui. Alors dans le SNLE, il y a le SNLE, mais il y a aussi son équipage. Il faut quand même le dire. Les armes, c'est bien, mais tu peux faire cette mission parce que tu as un équipage de 115 hommes et femmes, parce que maintenant il y a des femmes sur les sous-marins, sur sous-marins nucléaires en sanguin et sur sous-marins nucléaires d'attaque, avec des métiers différents, du boulanger jusqu'à l'atomicien, de l'oreille d'or jusqu'au mécanicien, le médecin, l'infirme anesthésiste, donc des experts de très très haut niveau qui partent en mer sur ces sous-marins.

  • Speaker #0

    J'ai aucune idée. Quand tu pars en mer, tu pars à peu près pour combien de temps ? C'est très variable.

  • Speaker #1

    80 jours à peu près. 75,

  • Speaker #0

    80.

  • Speaker #1

    On peut rester plus longtemps, mais c'est à peu près 80 jours. Alors la mission du SNLE, c'est la permanence de la dissuasion de la mer. La dissuasion, c'est, on va dire, la clé de voûte. C'est ce que dit le président de la République. Il s'exprime tous les cinq ans sur la dissuasion à peu près. C'est la clé de voûte de la sécurité du pays. et la garantie ultime de nos intérêts vitaux, intérêts vitaux qui sont définis par le président de la République. La décision est défensive en France. Et donc on est capable de produire, d'envoyer des dommages inacceptables, quelle que soit la situation, sur un pays, une menace étatique. qui viendraient menacer les intérêts vitaux de la France.

  • Speaker #2

    Les intérêts vitaux de la France,

  • Speaker #1

    ça va fracasser. C'est les intérêts vitaux de la France. Alors, dommages inacceptables, on en parlait du nombre de têtes nucléaires et de la puissance, donc tu peux imaginer. Alors, les dommages inacceptables, c'est sur les centres de pouvoir, c'est-à-dire tout ce qui est politique, industriel, économique. L'idée, c'est de bien dissuader, de ne pas avancer. Alors, la dissuasion, elle est portée par la marine, avec les sous-marins nucléaires en sort d'engin, les SNLE, par également le porte-avions, la force aéronavale nucléaire. Le porte-avions peut embarquer des armes nucléaires qui sont portées par les rafales, et bien évidemment par l'armée de l'air et de l'espace avec les forces aériennes stratégiques.

  • Speaker #2

    Je ne sais pas que les rafales marines, maintenant, ils pouvaient embarquer des missiles.

  • Speaker #1

    Depuis, non. Tout le temps, avant, oui.

  • Speaker #0

    Mais ce n'est pas la même proportion. Forcément, si on compare...

  • Speaker #1

    Non, c'est différent. D'abord, ce sont des missiles qui ne sont pas des missiles balistiques. Ce sont des missiles hypersoniques, mais qui n'ont pas la même trajectoire. Un missile balistique, il va jusqu'à dans l'espace, puis il y en a deux. Là, ce sont des missiles plus traditionnels, mais qui vont très très vite. Donc très difficile à intercepter. Donc si tu veux, c'est une... Une manière de pénétrer différente et donc ça donne au président de la République des options différentes. Le président de la République, il faut lui donner toutes les options si possible. Donc depuis 1972, il y a en permanence, il y a eu en 1972, en permanence un SNLE en patrouille à la mer.

  • Speaker #2

    Combien de pays auront ça ?

  • Speaker #1

    À un certain nombre, les États-Unis, les grandes puissances, regarde qui, le droit de veto au Conseil de sécurité de l'ONU, donc tu as la Grande-Bretagne, les États-Unis, la Russie, la Chine, depuis peu l'Inde a deux SNLE. On entend parler de la Corée du Nord qui développe un SNLE classique, si j'ose dire, qui ne sera pas propulsé par une centrale nucléaire.

  • Speaker #3

    Donc c'est un club fermé de pays dont fait partie la France ?

  • Speaker #1

    Oui, parce que l'engin, il faut une technologie qui est quand même extraordinaire derrière. Il y a quand même une puissance industrielle et d'ingénieurs, d'ingénierie qui est extraordinaire. Parce que concevoir une tête nucléaire de manière sûre... On a eu des essais à l'époque, mais maintenant ça se fait par simulation. Ouais.

  • Speaker #0

    Et ça veut dire... Attends, parce que là, c'est des pays qui ont des sous-marins nucléaires. Est-ce qu'il y a d'autres puissances qui ont du nucléaire, notamment qui pourraient avoir juste un porte-avions ou des têtes nucléaires, mais qui n'ont pas la technologie, si tu veux, de tout ce que l'embarquer des sous-marins ?

  • Speaker #1

    Alors il y a le Pakistan, qui est un pays qui a les armes nucléaires. On pense qu'il y a aussi Israël. Israël. Même si Israël n'a jamais déclaré qu'il avait l'arme nucléaire.

  • Speaker #0

    Et il y a toutes les questions autour de l'Iran en ce moment qui travaillent dessus.

  • Speaker #1

    Qui travaillent dessus, qui restent au seuil.

  • Speaker #0

    Mais pour que nos auditeurs comprennent, il y a quand même plusieurs marches. C'est-à-dire qu'il y a avoir la technologie nucléaire en labo, la sécuriser, faire des essais, comme tu disais, de simulateurs. Et puis derrière, aller plus loin, c'est-à-dire tu peux la voir sur un porte-avions, mais après tu l'as en sous-marin. Et là, tu es encore une étape encore plus loin. C'est un niveau de complexité, de technicité embarqué.

  • Speaker #2

    Pourquoi c'est si complexe un sous-marin ? Peut-être comme on a des geeks de technologie qui nous écoutent ?

  • Speaker #1

    Un sous-marin, c'est une ville qui vit sous l'eau. Donc il faut produire son oxygène, il faut filtrer l'atmosphère, il faut faire vivre ce sous-marin. Il y a des armes tactiques, il y a des torpilles, des missiles Exocet. Il y a tout ce qu'il faut pour vivre. Tu ne vois rien. Tu ne vois rien, mais tu entends, tu écoutes. C'est par le son que tu vas élaborer la situation tactique qui est autour de toi. Mais le fait de descendre largement au-delà de 300 mètres, il faut éprouver les circuits hauts de mer. La mer, c'est un peu abrasif. C'est beaucoup plus abrasif, beaucoup plus corrosif que l'espace. Et puis il y a une chaufferie nucléaire, incidemment. Donc c'est une petite centrale nucléaire qui est embarquée.

  • Speaker #0

    T'habites à côté de la centrale.

  • Speaker #1

    Oui. Mais on s'en porte pas plus mal. Il a eu le bras. Personne ne le voit,

  • Speaker #2

    mais il a eu le bras.

  • Speaker #1

    Ce qui est intéressant, c'est la chaîne de commandement, parce qu'il y a un lien direct entre le président de la République et le commandant du sous-marin. Quand le président de la République donne l'ordre, schématiquement, ça arrive dans la cabine du commandant.

  • Speaker #3

    Sans intermédiaire.

  • Speaker #1

    Sans intermédiaire. Alors que ce lien direct, moi, j'ai eu. Justement, j'ai eu l'honneur d'embarquer le président Hollande un mois après qu'il ait été élu, donc en 2012. Et j'ai pu lui montrer, lui faire vivre ce que faisait un commandant de tout marin, un commandant de SNLE.

  • Speaker #0

    On t'appelle, on dit le président des barques.

  • Speaker #1

    Tu reçois un message, trois semaines avant, on te dit, il vient. Je savais qu'il avait été élu parce que j'étais parti sous le mandat de Nicolas Sarkozy. Il avait été élu pendant la patrouille, bien sûr, je le savais.

  • Speaker #0

    Tu as fait une cérémonie dans le bateau ?

  • Speaker #1

    J'ai fait une cérémonie républicaine. Et alors, parce que chaque commandant de bateau dans la Marine Nationale, comme les maires, ils ont le portrait du président de la République dans son bureau. Donc j'ai fait une cérémonie en grande tenue. J'avais finalement enlevé la photo du président Sarkozy et j'ai découpé dans le Figaro, parce que j'avais le Figaro à bord, que j'avais embarqué au départ, une photo de campagne si j'ose dire, et donc je lui ai montré qu'il était venu à bord. Et donc au président, vous êtes surpris de l'arrivée ? Oui, j'avais pas le portrait officiel, on ne me l'avait pas livré, mais on m'a dit dans trois semaines, écoute, tu te débrouilles, tu fais vif ta patrouille. ce qui était intéressant c'est que avant Avant de le recevoir, j'ai embarqué le chef d'état-major des armées, le chef d'état-major de la marine, le commandant des forces sous-marines, et puis quand même...

  • Speaker #2

    Et Julien Lort,

  • Speaker #1

    c'est le truc qui n'a rien à voir. Ils ont quand même voulu vérifier si j'avais pas dit trop de bêtises au président. Donc c'était un grand oral intéressant. Et alors j'ai eu une remarque du chef d'état-major des armées, qui était l'amiral Guillot, qui m'a dit... Le Grand... On ne parle pas d'ascenseur social, on parle d'escalier social dans la marine. Parce qu'un escalier, on met un petit peu d'énergie avec ses mollets. Et j'ai retenu...

  • Speaker #0

    T'as gardé ça en mémoire.

  • Speaker #1

    Ça en mémoire parce que c'est vrai. C'est exactement ça.

  • Speaker #0

    On parle toujours d'ascenseur social.

  • Speaker #1

    Et c'est ça, quand on dit la marine, elle va prendre un quartimètre et 15 ans plus tard, il sera aux commandes d'une chaufferie nucléaire. C'est ça l'ascenseur social, enfin l'escalier social. Vous voyez ce que je veux dire ? Et c'est pareil pour un commandant.

  • Speaker #2

    Justement, on va peut-être rentrer dans les points que t'avais relevés.

  • Speaker #0

    t'avais une bonne question qui est comment on en arrive là ? Quand t'étais petit, tu voulais...

  • Speaker #2

    C'est ça que le juju !

  • Speaker #0

    Comment t'arrives à vraiment te dire, tiens,

  • Speaker #1

    j'ai le bouton rouge à côté de moi ? Moi, j'étais passionné d'aéronautique, je voulais être pilote de chasse, et j'ai passé mon temps à l'école navale, j'ai passé mon brevet de pilote. Ah,

  • Speaker #0

    tu voulais être dans l'aéronaval ?

  • Speaker #1

    Je voulais être dans l'aéronaval. Et les médecins ont détecté très vite ma myopilatante. Donc, en fait, comme j'avais embarqué sur sous-marin pendant l'école navale, finalement... J'avais été impressionné par l'ambiance, par le collectif, par l'esprit d'équipage et par la vision du commandant sur son siège périscope. Et tout lui remontait, j'étais ébahi. Et donc je suis allé chercher cet esprit chasse que j'imaginais sur les sous-marins. Parce que les sous-marins du Caratac, ce sont des chasseurs. Et la troisième dimension. Donc finalement, il y a pas mal de parallélisme.

  • Speaker #0

    Et pour arriver à diriger un bâtiment comme ça, c'est combien d'années ?

  • Speaker #2

    T'as peu d'élus là ?

  • Speaker #1

    Alors, chaque année, pour répondre directement à ta question, c'est 20 ans pour former un commandant de SNLE. Chaque année, la marine recrute environ 18 officiers pour les opérations. Et au bout de 12 ans, il va y avoir 6 commandants de SNL, sous marée de clair d'attaque. Et au bout de 20 ans... à peu près 5 commandants de SNLE.

  • Speaker #2

    C'est des maths quoi.

  • Speaker #1

    Comment ?

  • Speaker #2

    C'est une pyramide.

  • Speaker #1

    C'est une pyramide parce qu'il y a des accidents de la vie, parce qu'il y a des gens qui ne sont pas faits pour ce métier-là et qui vont s'épanouir parce qu'ils ont des grandes qualités ailleurs. Il y a des gens... On a dans nos parcours, on a des passages un peu obligés. Le premier, c'est le commandement d'un petit bateau de surface. Moi, j'ai commandé un Tahiti, un bateau en hydro, pour avoir cette première expérience du commandement. C'est leur seul à décider en mer.

  • Speaker #2

    Tu t'étais pas fait peur, tu m'as pas dit une fois en Méditerranée ?

  • Speaker #1

    C'était dans le Pacifique, Tahiti, tu sais, tu te souviens ?

  • Speaker #2

    C'est pareil, c'est à côté.

  • Speaker #1

    Merci de le faire je... C'était à Lisbonne en Espagne. Et il y a un deuxième point important, c'est ce qu'on appelle le cours de commandement, qui est d'une sélection fin qu'était. A la fois un stage de formation et de sélection, qui est aussi utilisé dans les autres marines. Les Anglais ont le Pericheur, il est très connu. Donc c'est quelque chose de... assez dur, assez physique où on met les futurs commandants, ceux qui sont déjà commandants secondes, donc numéro 2, qui ont déjà 10 ans de sous-marin, on les met dans une situation extrême, complexe, avec un officier entraîneur derrière, le commandant en charge derrière, pour non pas voir s'ils sont très bons tactiquement au bout de dix ans, la technique c'est plus vraiment ça qu'on va regarder les savoir-être. On va regarder le leadership, on va regarder cette capacité à entraîner, à écouter ces hommes, à prendre la bonne décision au bon moment, en sécurité. Est-ce qu'on peut confier à cet homme-là un sous-marin nucléaire ? Un sous-marin nucléaire, c'est complexe, mais il y a aussi des impacts potentiels, on va dire, sur la politique.

  • Speaker #0

    C'est un truc justement que j'avais très envie de creuser avec toi, qui est un peu plus générique. mais qui est liée à ton expérience. Comment on se prépare à prendre des décisions dans des conditions de stress ? En fait, on a tous ce parallèle où, évidemment, quand on est stressé, c'est pas forcément là où on prend les bonnes décisions. Toi, t'es sous contrainte maximum, t'es sous l'eau, il y a de la pression dans un univers fermé, j'imagine qu'en plus il peut y avoir de la tension. Évidemment, si on t'appelle et que c'est une situation critique, comment tu te prépares à ça ? Et c'est quoi la méthodologie derrière pour se dire en fait, je suis rodé et je suis serein, si on peut l'être ?

  • Speaker #1

    Alors la première des choses, c'est la mise en situation. Donc on entraîne nos équipages tout le long de notre carrière en simulateur, avant chaque cycle, pendant 6 ou 7 semaines, où on va conduire des drills, on va se former. Alors un drill, un exercice, pendant 4 heures, il y aura une séance de simulateur, comme tu peux le voir pour les pilotes d'Airbus. Tu joues aux jeux vidéo là. Mais là, tu es en simulateur sur vérin. avec un entraîneur derrière, parce qu'on est évalué par le commandant et par une équipe d'entraînement indépendante, avec un œil externe, donc avec beaucoup de pression. Et on va conduire des exercices de plus en plus complexes pour acquérir notamment des réflexes, des bons de procédure, en cas d'incident grave. S'il y a une avarie de barque et mon sous-marin descend, je ne veux pas me prendre le fond, donc on a des parades. Et voilà, on entraîne ces gens-là dans le domaine de la conduite du sous-marin, dans le domaine du nucléaire. On va mettre aussi les opérateurs dans des situations un peu compliquées.

  • Speaker #0

    Oui, tout le monde sous stress.

  • Speaker #1

    Et on met tout le monde sous stress et on apprend à travailler collectivement. C'est-à-dire que ce qui est à penser, c'est qu'ils comprennent bien que l'erreur de l'un peut être rattrapée par l'équipe. Et ça, c'est très fort. La force de l'équipe, la force de l'équipage.

  • Speaker #0

    Donc, les drills, d'accord. Donc, ça,

  • Speaker #1

    c'est la mise en situation. Le deuxième point, c'est, on va dire, l'analyse. Pour le commandant de SNLE, c'est l'analyse de sa mission. moi je faisais ma Je réfléchissais stratégiquement à ma stratégie de ma patrouille. Parce qu'une fois à terre, avant de partir, avec les éléments qu'il m'avait, les ordres qui m'ont été donnés par l'amiral, en fonction de l'effet final recherché, je préparais mon idée de manœuvre et je la faisais vivre à la mer. Parce qu'évidemment, ça...

  • Speaker #0

    Tu peux nous donner un exemple ? Par exemple, on t'a donné une mission d'aller...

  • Speaker #2

    On va inventer un nom de pays,

  • Speaker #1

    on s'en fout. Non, c'est pas ça. On va me dire, tu peux faire ça pendant ta patrouille, tu vas peut-être essayer de passer là, si tu peux. Parce qu'on peut me dire, deux mois avant, est-ce que tu peux passer à cet endroit-là ? Et peut-être qu'un mois plus tard, il y aura à ce moment-là un soumrain russe. Donc à ce moment-là, je n'irai peut-être pas. Donc c'est pour ça qu'on fait son idée de manœuvre à froid. On la remet en cause en permanence.

  • Speaker #2

    Ce que tu appelles l'idée de manœuvre ?

  • Speaker #1

    C'est-à-dire ma stratégie. Ton plan de départ. Et après, tu revisites ton plan de départ. Et après, on le remet en cause systématiquement. Et cette capacité de remise en cause, elle est importante. Toutes les semaines, en fonction de l'état de ton bateau. Tu peux avoir une pompe qui est tombée en avarie. Et quel impact ça a en fonction de l'état de ton personnel. Tu peux avoir quelqu'un qui est malade ou quelqu'un qui va se faire opérer par le médecin. Donc, tu vas prendre des décisions. Peut-être te rapprocher de la terre. enfin je suis en plein. Tu prends ça en compte dans ton meuble et tu la remets en cause systématiquement.

  • Speaker #0

    D'accord. Et dans les outils que tu as développés là-dessus ?

  • Speaker #1

    Alors, moi je prends en compte les facteurs déterminants, c'est-à-dire l'environnement, la météo, la bâtie thermique, l'environnement tactique, la menace, où est-ce qu'elles sont. Je me pose la question, d'ailleurs, est-ce que les renseignements qu'on me donne, parce que je ne peux pas admettre, mais je reçois énormément d'informations, est-ce que les renseignements qu'on me donne sont fiables, comme j'imagine, parce qu'on a beaucoup de renseignements nationaux, mais on a aussi du renseignement avec nos alliés. Alors, est-ce qu'ils sont bons ? Est-ce que les Américains nous disent tout ? Comme, j'imagine, un dirigeant d'entreprise se dit, est-ce que mon partenaire est fiable ? Est-ce que mon concurrent, il a vraiment dévoilé sa stratégie ? Donc, ce doute constructif... Il est permanent. Alors après, on est obligé de se préparer, parce qu'on ne peut rien prévoir à 100%, à ce qui peut se passer. Et donc là, on va utiliser ce qu'on appelle des Wattifs. Donc qu'est-ce qui se passe si je suis dans cette situation ? La température de l'eau est importante. Je perds une pompe de refroidissement. Dans quelle situation je suis ? Quel est l'impact sur la mission ? Et donc on va faire des préplans. Pour, justement, ne pas réagir sous stress, et déjà avoir anticipé, réduit effectivement le risque, parce que peut-être que pour qu'elle ne tombe pas en panne, je vais peut-être la faire tourner moins vite. On va anticiper pour diminuer les facteurs de risque.

  • Speaker #2

    Ça prend quelle forme, ces Wattifs ? C'est quoi ?

  • Speaker #1

    C'est un papier ? On peut faire une réunion de crise, et puis après, on fait un plan d'action, un papier, oui.

  • Speaker #2

    Et là,

  • Speaker #0

    tu essaies de tout lister, tout ce qui peut t'arriver.

  • Speaker #1

    En fonction des fragilités potentielles que tu peux sentir, sachant que le commandant, lui, il va regarder la suravarie. Donc le chef de service va dire, si je perds ça, je vais me débrouiller parce que j'ai une redondance, je vais changer mon circuit. Il va trouver une solution. Le commandant, lui, il voit plus loin. Lui, il voit sa mission. Donc il dit, si je perds la deuxième. Si je perds la deuxième, là c'est grave. Je ne vais peut-être pas aller dans ce coin-là, je vais peut-être aller ailleurs. Mais ça, ils ne l'auront pas vu. Oui. Tu comprends ?

  • Speaker #0

    D'accord.

  • Speaker #1

    Donc tu anticipes encore plus.

  • Speaker #0

    Donc préparation et anticipation.

  • Speaker #1

    Alors, un autre point, c'est important, c'est la culture du point d'arrêt, qu'on utilise tout le temps, à terre, lorsqu'on est en période d'entretien et qu'on fait des interventions sur la chaufferie, à la mer également. Dès qu'on sort du modèle, dès qu'il y a un paramètre qui n'est pas normal, si on n'est pas dans une urgence avec une parade qui est déjà prédéfinie, si j'ose dire, à ce moment-là, on fait un point d'arrêt. On regarde les paramètres qui s'offrent à nous et on va prendre la bonne décision. Il faut éviter de faire une erreur de modèle et pas rester dans le même schéma initial.

  • Speaker #2

    C'est quoi un point d'arrêt alors si tu dois expliquer ?

  • Speaker #1

    Tu réunis les... Tu réunis les gens qui sont concernés, tu dis voilà qu'est-ce qui se passe, dans quelle situation on est. Tu prends du recul. Tu prends du recul. Tu vas geler, mais tu ne réagis pas à chaud. Et ça, c'est une culture que tout le monde a. Et même, par exemple, au sein d'un poste de conduite, le commandant n'est pas là, ils ont un truc qui apparaît et qui n'est pas normal. Je me mets une minute à réfléchir.

  • Speaker #0

    Mais alors, du coup, c'est intéressant. C'est un truc qui est rare, occasionnel, très fréquent, où tu prends à chaque fois, par exemple, que tu as ton plan de départ, et à chaque fois que tu as un truc qui... qui potentiellement modifie ton plan de départ, une information d'un allié qui t'arrive, etc. Culture du point d'arrêt, tu dis, c'est quoi mes impacts ? Alors ça,

  • Speaker #1

    c'est sur la manœuvre. Moi, je remets en cause, effectivement, chaque fois qu'il y a une information, on a un briefing tout quotidien, donc je peux la remettre en cause tous les jours, deux fois par jour. En tout cas, au moins une fois par semaine, où je prends aussi le pouls du bateau. C'est important. Ça,

  • Speaker #0

    c'est le rôle du commandant ?

  • Speaker #1

    Oui. le moral de l'équipage, je vois mon docteur qui va me dire « Bon, commandant, il faut peut-être un peu lever le pied, les mecs, ils sont un peu fatigués. »

  • Speaker #0

    D'accord. Donc ça, c'est ton rôle. Et moi, j'aimerais bien qu'on revienne sur un autre rôle. Dans notre échange, tu m'as beaucoup parlé du binôme et du rôle, en fait, parce qu'il y a forcément un commandant, mais tu as son second, et tu fais un ping-pong en parallèle tout le temps avec lui, parce que j'imagine aussi que tu es seul à prendre les décisions, et donc du coup... C'est ton intérêt. Tu peux nous parler de ce binôme ? Tu peux nous parler de l'importance de ce binôme dans la télévision ?

  • Speaker #2

    On parle beaucoup de co-CEO. C'est genre de deux niveaux équivalents. Toi,

  • Speaker #0

    ce n'est pas le cas.

  • Speaker #1

    Le commandant, il porte seul la responsabilité. Quand on part en patrouille devant le président, sur les épaules, c'est le commandant qui a les responsabilités. Mais il n'est pas seul. Il a son équipage, mais il a aussi son second. Et il ne doit pas être seul. Si on est seul, on peut aller vers l'erreur de modèle. et prendre des mauvaises décisions. Donc le second, c'est quelqu'un qui va devenir commandant.

  • Speaker #0

    Oui. Qui est en route pour vous.

  • Speaker #2

    C'était le cas pour toi quand tu étais sur le Terrible ? Il est devenu commandant ?

  • Speaker #1

    Oui. Mes deux seconds que j'ai formés, ils sont amiraux. Il y en a un qui est d'ailleurs au ministère des Armées. Donc ils ont bien réussi. D'accord.

  • Speaker #2

    Vas-y alors, on te l'a dit.

  • Speaker #1

    Ils ont bien formé. Ils sont mieux que moi.

  • Speaker #0

    Mais voilà,

  • Speaker #1

    le second. Alors typiquement, ce second, moi je lui disais tout. Le commandant, c'est le reste énoncé, il reçoit beaucoup de messages réservés au commandant, parce qu'il n'y a que lui qui a la picture.

  • Speaker #2

    C'est ce que je veux dire,

  • Speaker #1

    là. On va filtrer toutes les informations. Et ça,

  • Speaker #0

    c'est-à-dire que c'est l'État-major. L'État-major t'envoie et te dit que c'est des informations confidentielles qui sont arrivées, qui arrivent dans ton poste.

  • Speaker #1

    Voilà. Si, par exemple, il y a un attentat quelque part, on va pas dire à l'équipage qu'il y a eu un attentat. Tu peux pas savoir si la femme de Pierre-Paul Oujac, elle est pas là-bas. Voilà. Donc tout ce qui se passe dans le monde est filtré. Même la presse est filtrée. Mais tout ce qui est opérationnel, le commandant reçoit des messages réservés. Moi, je partageais tout avec mon second. Mon second, quand je le recevais, je disais Si on passe l'expression, ton rôle, c'est que tu me dis si je fais une connerie. C'est ça ton rôle. Tu le disais-tu ? Bien sûr.

  • Speaker #0

    Tu développes des liens super forts.

  • Speaker #1

    Oui. Oui, oui, oui. C'est évident.

  • Speaker #0

    Mais comment il fait pour te critiquer s'il n'est pas d'accord et qu'il te dit « je pense que tu fais une connerie » .

  • Speaker #1

    Il me dit « il faut argumenter quand même » . Oui,

  • Speaker #0

    mais ce n'est pas facile. Tu es le commandant.

  • Speaker #1

    Oui, mais... Je suis un homme aussi. Donc il arrive... Alors, il peut avoir un schéma de pensée qui est différent du mien. Il peut avoir vu un paramètre que moi j'ai pas bien vu ou j'ai pas bien analysé.

  • Speaker #0

    Et puis, s'il a tort, il va me dire « Ok, moi je vais le former » . Je lui dis « Non, ta proposition, elle ne tient pas la route parce que… » Et moi, mon rôle, c'est de le former aussi pour qu'il soit commandant après.

  • Speaker #1

    Tu m'as dit aussi un truc qui m'a marqué. Tu m'as dit « Dans les numéros 2, on essaye souvent de faire des binômes avec des compétences ou des appétences ou des façons de faire très différentes. » Pour être complémentaire. Il y en a qui paient très dur, l'autre tu fais ça.

  • Speaker #0

    Alors c'est vrai, exactement. Si en termes de RH, on le peut, parce que c'est quand même une loi des petits nombres. Alors le commandant, on lui demande, tiens, on va te mettre ce second, ça te va ou ça te va pas ? On peut dire, écoute, si c'est quelqu'un de ma promotion, ça me gêne un peu. Ou si on ne s'entend pas avec telle ou telle personne, c'est connu parce qu'au bout de 20 ans... Maintenant, on nous connaît bien. Mais c'est vrai qu'on essaye, s'il y a un commandant qui est peut-être un peu dur, un peu raide, on va plutôt lui mettre quelqu'un qui est...

  • Speaker #2

    C'était déjà arrivé de refuser quelqu'un, toi ?

  • Speaker #0

    Non. Non, parce que ça ne s'est jamais présenté. Mais je sais que, comme second, pour le coup, j'ai refusé d'aller avec un commandant.

  • Speaker #1

    J'ai dit non, ça va pas faire. Oui, mais ça peut se comprendre aussi, parce que c'était quand même un enjeu. Tu passes 80 jours en dessous.

  • Speaker #0

    Le binôme, il est crucial. Il est crucial. Donc, si le commandant et le second ne s'entendent pas, ça ne se passe pas bien en dessous.

  • Speaker #1

    Ah oui. Oui. Et rappelle-nous, parce que du coup, tu faisais le parallèle avec les entreprises. J'aime bien ce niveau-là, ce binôme, la façon dont tu fonctionnes. Qu'est-ce que tu lui délègues ? Qu'est-ce que tu attends de lui ? Évidemment, tu le formes. comment ça s'imbrique au jour le jour ? Tu dis que tu partageais vachement.

  • Speaker #2

    Tu vas parler du rôle du commandant déjà, tout à l'heure ?

  • Speaker #1

    Je pense que...

  • Speaker #0

    Le commandant second, c'est la tour de contrôle du bateau. Tout lui remonte. C'est le numéro deux. Tout lui remonte dans les détails, les détails qui n'ont pas remonté jusqu'au commandant. Il filtre tout ça. Il est au courant parfaitement de ce qui se passe sur le bateau. Il est au courant par moi d'où je veux aller et quelle est l'idée de manœuvre. Donc, si je veux...

  • Speaker #2

    Lui, c'est ta navigation et tout.

  • Speaker #0

    Si je veux... Exactement. si je veux qu'il soit un garde-fou pour moi. Il faut qu'il ait tous les éléments en tête, sinon ça ne sert à rien. D'accord ?

  • Speaker #3

    Je suis pour faire un parallèle. Ce qui est super intéressant, c'est que parfois le dirigeant, le CEO, il n'a pas quelqu'un qui fait ce travail-là. Toi, de filtre, de se dire, en fait, il y a une tête qui pense, qui regarde la direction, et celui du dessous qui filtre tout, qui remonte les informations essentielles.

  • Speaker #2

    C'est pas le rôle d'un DG, non ?

  • Speaker #3

    Ce n'est pas toujours ce qui se passe, en fait. Et du coup, je trouve que c'est intéressant parce que c'est... Ça offre aux commandants la possibilité de faire des... peut-être d'avoir une vision plus lointaine et d'avoir un débat contradictoire avec les éléments opérationnels nécessairement... nécessaires d'être connus.

  • Speaker #0

    Ah oui. Alors c'est une structure qu'on a, nous, dans nos états-majeurs. On a un chef d'état-major qui, justement, lui, filtre toutes les informations qui arrivent et va présenter les plus importantes qui sont du niveau stratégique à l'amiral.

  • Speaker #3

    Je pense que c'est un savoir-faire qui n'est pas renseigné, je veux dire, dans les entreprises. C'est ça que je veux dire.

  • Speaker #0

    le second moi j'avais une Parfaite confiance en lui, il faut que cette confiance soit réciproque. Et donc, de temps en temps, moi je lui donnais la suppléance à la mère. Je lui disais, tiens, tu prends la clé, moi je vais aller faire du sport, je vais prendre un peu de recul, je vais penser peut-être à ma stratégie, et cette nuit c'est toi qui conduis le bateau. Donc c'est toi qu'on va réveiller s'il y a un problème. Et là on le forme aussi.

  • Speaker #1

    Et peut-être pour finir cette partie-là, une anecdote un peu où tu as dû gérer, parce qu'on le rappelle, tu l'as dit, tu as quand même le bouton rouge, je ne sais pas si c'est un bouton rouge, mais dans l'image d'Epinal, c'est un gros... Non mais si on t'appelle et qu'il y a vraiment besoin, c'est toi qui décides d'appuyer. On est à deux, on est seul, c'est toi, c'est ta décision. Tu as eu un moment de tension comme ça, un souvenir j'imagine en 20 ans, 30 ans ?

  • Speaker #0

    Non, parce qu'à la mer par contre, on fait des exercices. On nous envoie des ordres fictifs, bien sûr. L'équipage ne sait pas si c'est fictif ou pas. L'équipage ne sait pas si c'est fictif ou pas. Le commandant le sait. Oui. Le second aussi. Donc là, il y a une petite tension.

  • Speaker #1

    Une petite tension.

  • Speaker #0

    Pour ce que je vous engage, vous avez peut-être vu le film, le chant de loup d'Antonin Baudry. Donc comment ça se passe, c'est bien rendu. C'est assez bien rendu quand le commandant reçoit l'ordre. Alors après, la responsabilité de l'engagement, ce n'est pas le commandant qui la prend, d'accord ? C'est le président de la République.

  • Speaker #2

    C'est juste son bras armé,

  • Speaker #1

    quoi. Mais il appellerait vraiment directement un souverain ?

  • Speaker #0

    Non, il n'appelle pas.

  • Speaker #1

    Non,

  • Speaker #0

    mais il envoie l'ordre.

  • Speaker #1

    Et l'ordre, il t'enlève directement. Oui.

  • Speaker #0

    Mais ce n'est pas un appel. Au sein de la force socialiste stratégique, il y a des éléments qu'on ne connaît pas trop, ce sont les stations de transmission. Ils sont intégrés à la force stratégique et donc il y en a en France plusieurs qui émettent en très très basse fréquence, ça va un petit peu sous l'eau, ou quel que soit l'endroit de sous-marin, il va recevoir l'ordre. Ça participe de la crédibilité de la dispensation.

  • Speaker #3

    Ça permet d'ouvrir la deuxième partie sur tout ce qui est autour de la réflexion sur le commandement, on l'a un petit peu abordé, mais on a parlé des processus de décision, là on aimerait aborder la partie leadership, la vision, l'humain. Avoir justement ce qu'on se disait autour de cette question-là qu'on peut aborder ensemble, c'est le fait que commander, il y a peut-être une différence à ce que nous on entend comme manager, l'exigence, la justesse, les choses qu'on se dit là parce qu'il n'y a pas le droit à l'erreur. Ce qu'on se disait aussi tout à l'heure, c'est qu'il y a une formation, c'est très sélectif, c'est très lent. Leadership par exemple, la mission, le sens. Est-ce qu'on peut aborder cette thématique-là ? Je trouve ça intéressant parce qu'il y a beaucoup d'auditeurs qui vont peut-être s'y retrouver.

  • Speaker #2

    Ouais, mais déjà, qu'est-ce qu'on entend par « commandant » ?

  • Speaker #1

    Le commandant,

  • Speaker #2

    il est commandé.

  • Speaker #0

    Alors le commandant, il t'étient... Alors il y a deux mots importants. C'est « autorité » et « leadership » .

  • Speaker #1

    Autorité. On n'entend plus beaucoup parler de ça.

  • Speaker #0

    Ah bon ? Et en fait, il a une autorité légitime qui lui est donnée par le président de la République, puisque les commandants sont nommés par un arrêté du président de la République. Donc le commandant, il a une légitimité pour commander. D'ailleurs, on a une cérémonie. Vous reconnaîtrez pour votre commandant Pierre Poulujac. Et vous lui obéirez de par le président de la République. Donc il y a une autorité légitime. Ça claque. Mais ça suffit pas. Ça suffit pas. Il faut que le commandant, eh bien il fasse preuve de crédibilité. Il faut preuve de leadership. cheap. d'exemplarité, il suscite la confiance, il entraîne ses hommes, il est une force morale pour aller au combat. Parce qu'on n'oublie pas que c'est un bateau de combat. On est là pour délivrer une arme. Donc ce n'est pas comme une entreprise derrière, ce n'est pas un gain. Derrière, les conséquences sont plus importantes qu'on soit sur un bateau de surface, dans un rafale ou sur un sous-marin. C'est quand même donner le mot. Donc l'autorité, elle se construit également. On est légitime, mais derrière l'équipage, il faut qu'il se vive son chef pour aller au combat. On a tous eu des commandants, on se dit, ben ouais, et il y en a, lui, il veut au combat, les yeux fermés avec lui. C'est ça qu'il faut viser.

  • Speaker #1

    Ça nous rappelle quand Xavier Fontanel nous parlait de Napoléon et de sa capacité à embarquer les équipes en leur expliquant la stratégie, etc. C'était un moment assez amusant pour avoir...

  • Speaker #0

    Alors ce leadership, il sous-tend aussi un devoir d'exigence vis-à-vis de son équipage pour le tirer vers le haut et pour être sûr de remplir la mission. Ça grandit l'équipage. Un commandant qui laisse tout faire, c'est comme un dirigeant qui... Voilà, ça ne va pas bien se passer. Donc il est là pour faire grandir son équipage, pour le tirer vers le haut. C'est un acteur majeur de l'escalier social.

  • Speaker #2

    Comment tu t'y prends pour ça ?

  • Speaker #0

    Alors d'abord, exercer sa responsabilité, c'est la connaissance de ses hommes déjà, de son équipage.

  • Speaker #2

    Un commandant n'égale pas quelqu'un de froid ?

  • Speaker #0

    Non, tu peux être distant sans être froid. On peut avoir une distance, je vais y revenir, une distance, on va dire, raisonnable, sans être froid.

  • Speaker #2

    Donc tu connais bien ton...

  • Speaker #0

    Alors il faut connaître intimement. Moi, je recevais chacun de mes hommes, connaître un peu sa famille, quelles sont ses préoccupations,

  • Speaker #2

    quelles sont ses difficultés. Dans l'entreprise, on nous interdit ce genre de questions.

  • Speaker #0

    Ah bon ?

  • Speaker #3

    Je ne sais pas si on peut...

  • Speaker #2

    Non, mais c'est juste pour dire dans le principe,

  • Speaker #0

    tu vois... Tu ne vas pas lui poser des questions intimes, mais il est important de... connaître son homme. Alors sur SNL, c'est encore différent, puisque avant chaque patrouille, chaque homme va voir le second et va lui dire, pendant la patrouille, j'ai peut-être peur de ma grand-mère, j'ai ma femme qui va accoucher, la dernière fois, elle a fait une fausse couche, ma grand-mère, je sais qu'elle va mourir. Je veux le savoir. Donc là, on va dans l'intime. Je me bats avec mon voisin.

  • Speaker #2

    Il fait plusieurs dépressions.

  • Speaker #1

    C'est très intéressant, parce que ce n'est pas du tout l'image qu'on peut en avoir. Tu prends la caricature, on dit que l'armée, c'est très intense, c'est très droit, c'est très ferme, c'est très dur. Est-ce que tu nous dis... C'est que c'est pas parce que, tu vois je fais un parallèle avec la culture d'entreprise où au contraire les gens sont tous, il n'y a quasiment plus de hiérarchie, c'est très facile, etc. Mais toi ce que tu dis c'est que c'est pas parce qu'on met de la distance, c'est pas parce qu'on est un peu autoritaire que quelque part on n'a pas toute cette énorme proximité. Oui,

  • Speaker #0

    c'est pas parce qu'on a de l'autorité. Autoritaire c'est autre chose.

  • Speaker #2

    L'autorité c'est ta légitimité.

  • Speaker #0

    Oui, mais si tu veux tu vas pas... Un bon leader, il n'a pas besoin de donner un ordre. Il suffit de parler et ça suit. On n'est pas... C'est pas au bâton. Mais il faut garder cette distance. Alors, connaît-on activement, il ne faut pas que ce soit de la démagogie, il ne faut pas que ce soit du copinage, parce que quand il va falloir sinon lui passer les fesses ou lui donner un coup de pied aux fesses, ça va être plus difficile. Dans le fil de l'épée, le général de Gaulle disait qu'il ne fallait pas trop s'approcher de ses subordonnés. Et il fallait garder une certaine distance, qui était un ressort de l'autorité. Bon, on n'est plus à cette époque-là, mais voilà, il faut avoir un équilibre intelligent. Il faut avoir un équilibre intelligent. Alors, commander, c'est aussi, à mon avis, c'est une des choses les plus importantes, c'est donner du sens à sa mission. Alors nous... La chance, finalement, parce qu'on a une mission sur SNLE qui nous dépasse complètement, c'est la défense de la France. Et du quartier maître au commandant, tout le monde est imprégné par cette culture, par cette mission. Et ce qui fait que quand on embarque à bord des hommes politiques, des députés, des sénateurs, pour leur faire toucher du dos à ce que c'est que la dissuasion, c'est important qu'ils le vivent, qu'ils le comprennent, qu'ils connaissent, mais qu'ils le vivent. On fait une petite réunion souvent avec... Les représentants de catégorie du personnel, officiers, officiers mariniers, équipage, il ressort de là, mais comment ça se fait ? Un jeune de 20 ans, il a tout compris et il est à fond dans sa mission. Ça c'est important. Alors on a des missions opérationnelles, et c'est bien le côté opérationnel de la mission qui fait qu'on arrive aussi à accepter les contraintes, les sacrifices. Parce que faire 80 jours sous l'eau, dans la solitude, même s'il y a une promixuité forte dans la solitude, ne pas pouvoir parler avec sa famille, comme ça peut le faire, on peut le faire sur un bateau de surface, ils ont internet. Recevoir une fois par semaine ce qu'on appelle un familiste, un petit message de 40 mots de sa femme, de sa copine ou de sa maman, 40 mots qui ont été filtrés ou il n'y aura... On va dire que des bonnes nouvelles. On ne va pas dire « j'ai rayé la voiture » . Donc ça veut dire que la femme, elle va faire le message, elle sera obligée de le faire. Et ce n'est pas simple de faire passer de l'amour, de la sensibilité, des nouvelles des enfants en 40 mots. En 40 mots.

  • Speaker #1

    Et tu n'as pas de retour.

  • Speaker #0

    Ah non, t'as pas de retour. Et puis s'il n'y a que 39 mots, il y en a qui ne vont pas être contents. Tu vois, la psychologie, c'est un des éléments... Toi,

  • Speaker #2

    tu les dis tous, tes familles,

  • Speaker #0

    quand ils arrivent ? Alors, c'est le second, on les dit tous, mais ils ont déjà été relus deux ou trois fois.

  • Speaker #2

    Tu ne peux pas dire que papa est mort.

  • Speaker #0

    Non.

  • Speaker #2

    Oui, c'est filtré.

  • Speaker #0

    Non, parce que qu'est-ce qu'il va en faire de cette information de marin à bord ?

  • Speaker #2

    Il va ruminer.

  • Speaker #0

    Il est hors de question qu'il y ait un impact sur la mission. Et le commandant ne le saura pas non plus parce qu'il ne va pas porter sur ses épaules. Je ne pourrai pas tous les jours le croiser 20 fois. Donc quand il y a des mauvaises nouvelles inattendues, on le sait deux jours avant de rentrer. Moi, ma femme, typiquement, j'étais sur ce parrain, elle s'est cassé le... Elle s'est cassé le bras, elle n'est pas partie en vacances, elle m'a fait des faux messages pendant 70 jours, et puis quand je suis arrivé à qui, elle m'a dit « Quoi ? » Donc donner du sens à la mission, c'est important. Il faut savoir encourager, il faut savoir remercier ces hommes. Ça c'est quelque chose de très important, ça peut se faire par un mot. Je passais dans le bord, même à minuit ou lors du matin, des têtes à tête. C'est super ce que tu as fait aujourd'hui. On peut, devant l'équipage, à l'appel ou par diffusion générale à la mer, dire, voilà, là, il s'est passé un truc super. Pierre, il a été génial. On peut faire une lettre de félicitation, signer du commandant, une lettre officielle. On peut faire signer une lettre par l'amiral.

  • Speaker #2

    C'est simple, mais c'est hyper efficace.

  • Speaker #0

    Oui, parce que nous, on ne peut pas donner de primes ni de tickets.

  • Speaker #2

    Oui,

  • Speaker #0

    mais ça vaut plus qu'une prime des fois. Et donc, je pense que c'est un devoir, la reconnaissance qu'on a vis-à-vis de notre équipe, ou vis-à-vis de nos équipes au sens large, parce qu'ils se battent tous les jours pour la mission.

  • Speaker #3

    Ça, c'est un parallèle avec l'entreprise qui se fait très facilement. Mais pareil, c'est quelque chose qui...

  • Speaker #0

    Non,

  • Speaker #2

    mais tu as déjà reçu une lettre du PDG. Enfin, je trouve ça stylé.

  • Speaker #3

    Oui, mais c'est ce que je te dis.

  • Speaker #2

    Ça ne ferait plus plaisir.

  • Speaker #3

    Mais c'est quelque chose qui se faisait dans le temps, dans les entreprises. Tu recevais une lettre du patron de... ta boîte.

  • Speaker #2

    Emric va m'en envoyer une pour ma qualité.

  • Speaker #3

    Aujourd'hui, la plupart des choses sont transactionnelles. On peut réaliser beaucoup de choses, comme vous dites.

  • Speaker #0

    Dans la dernière interview, il a dit qu'il allait voir les équipes sur le terrain. C'est là qu'on peut passer. Et puis, c'est au manager local de dire au chef, tiens, lui, il est super, il faut que tu le félicites. Donc, ça se...

  • Speaker #1

    Tu trouves des vraies compensations. La mission, tu la trouves, tu sais, dans tout ce podcast qu'on a fait avant, sur les batteries, sur... tout le sens qu'il a donné à son groupe, Electra, bien sûr, sur la transition énergétique, etc. Toi, c'est pareil, tu as quelque chose de plus grand pour embarquer les équipes.

  • Speaker #0

    Alors après, il faut savoir récompenser, il faut aussi savoir dire quand c'est pas bien. Moi, j'ai quand même constaté que beaucoup de jeunes officiers avaient du mal avec cette notion de dire à mon ami, c'est pas bien. Et moi, chaque année, je recevais individuellement tout mon personnel. à la notation, il y en a qui disent « j'ai une mauvaise note, on ne m'a rien dit » . Ça c'est inacceptable, parce que là on démotive. C'est la crispation, on démotive les gens. Donc dire « c'est pas bien et voilà comment on va faire pour t'aider, on va te coacher, on va te donner des cours supplémentaires, on va te faire faire des sciences de simulateur en plus, mais tu vas y arriver, on va lui donner une deuxième chance » , ça c'est important.

  • Speaker #1

    Mille points. qu'on n'a pas beaucoup abordé, mais tu l'avais introduit. Il y a tellement de sélection, sélectivité dans votre process, parce qu'en fait, à la fin, tu n'as qu'un commandant. Comment tu gères dans une carrière, et tu as ça en entreprise, tout le monde ne deviendra pas commandant. Comment tu gères cette notion un peu de plafond de verre de carrière pour que les gens s'épanouissent quand même ? Mais vraiment, il faut dire à un gars, bon, écoute, en fait, tu ne le seras pas. C'est pas facile ça. C'est pas moi qui gère,

  • Speaker #0

    c'est l'état-major de la marine, c'est la division RH, direction du personnel militaire de la marine.

  • Speaker #1

    Mais c'est toi qui fais remonter, c'est-à-dire qu'à la fin tu dis le gars était compétent, il était pas compétent.

  • Speaker #0

    Typiquement, quand j'étais officier entraîneur, c'est moi qui proposais ou non à l'amiral le succès ou non au cours de commandement. Bon ben j'ai un second qui est arrivé dans 11 ans de sous-marin, qui était... Un intellectuellement beaucoup plus brillant que moi, un mec très intelligent, mais pas fait pour ce métier-là. Ce type-là, il n'écoutait pas ses hommes. Ces hommes disaient non, ils disaient oui. Bon, c'est dur. Et quand tu reçois un officier comme ça, qui a passé 12 ans au sous-marin, et que tu lui dis c'est fini. Bon, alors après, donc il a des compétences et il va s'épanouir ailleurs. Il va s'épanouir sur un bateau de surface, il va s'épanouir dans les relations internationales, dans l'enseignement. Dans la marine, il y a énormément de voies qui permettent de s'épanouir. Si on n'arrive pas, c'est comme pour un pilote de chasse. Derrière, ça se paye cash si il y a une erreur. Donc on ne va pas prendre ce risque-là.

  • Speaker #2

    Peut-être une question, justement, pour le dernier point qu'on voulait avoir ensemble. C'est quoi ta vision du commandement dans les dix ans qui viennent ? Est-ce que c'est un rôle qui va évoluer ? C'est un standard tel qu'il est aujourd'hui, où tu vois des évolutions majeures, toi ?

  • Speaker #0

    Non, ce sont des fondamentaux. Je pense que le commandement au sens large, il n'évolue pas. Les valeurs humaines qu'il faut avoir pour commander, elles restent.

  • Speaker #2

    Parce que tu n'as pas expliqué juste ta vision commandement versus management. C'est quoi la nuance que tu fais entre les deux ?

  • Speaker #0

    Je dirais que le commandant, il voit loin. Il se pose toujours la question, pourquoi, quel effet final rechercher ? C'est celui qui donne le cap, qui a la vision, qui sait où il va. Le manager, je pense qu'il est plus dans le... Mais je maîtrise moins cette notion dans la gestion des process. C'est pas un dirigeant. Un dirigeant, c'est comme un commandant, moi je pense.

  • Speaker #1

    Si on peut finir, j'ai vraiment une question perso. Quand t'es embarqué comme ça pour 80 jours, t'as la pression qui monte, t'es dans un... d'endroits confinés, fermés. Comment toi, t'arrives à... C'est quoi ta bouffée d'oxygène ? Comment tu arrives à prendre du recul par rapport à toute cette pression qui monte ? J'imagine qu'en plus, t'as à la fois des pressions de l'équipage, etc., des problèmes que tu peux avoir sur l'équipage, et puis de la mission qu'on t'a fixée. Tu rencontres un sous-marin russe en face.

  • Speaker #2

    C'est l'octobre rouge.

  • Speaker #1

    Ça peut être un peu tendu. Comment toi, qu'est-ce que tu fais pour prendre du recul ?

  • Speaker #0

    D'abord...

  • Speaker #2

    Quand en mission, là, tu veux dire.

  • Speaker #0

    D'abord, en mission, il y a des moments de forte tension, de forte pression opérationnelle, où là, on peut être au poste de combat. Ce n'est pas tout le temps. Alors d'abord, on s'habitue à la pression. Quand on vit un commandant de SNLE, même quand il est en vacances, il est responsable d'une chaufferie nucléaire qui est taquée. Tu es obligé de vivre. Tu vois ce que je veux dire ? Tu es obligé de vivre avec ça. Donc tu t'habitues à l'impression. Après à la mer, moi c'était du sport pour me défouler un petit peu.

  • Speaker #2

    C'est vrai qu'il y a des salles de sport installées un peu en SD.

  • Speaker #0

    Oui, il y a des vélos, il y a des rameurs là où on peut les placer. Et les jeunes font de plus en plus maintenant cette hygiène de vie et rentrer dans les mœurs plus qu'il y a 20 ans. quand je suis rentré dans la marine.

  • Speaker #2

    Il faut peut-être m'installer chez Théodore.

  • Speaker #0

    Tu faisais du sport ?

  • Speaker #1

    Oui,

  • Speaker #0

    musique. Tu écris ? La lecture. Alors, j'écrivais à ma femme, mais je ne pouvais pas poster.

  • Speaker #3

    C'est génial.

  • Speaker #2

    Tu les as gardés ?

  • Speaker #0

    Joker. Non,

  • Speaker #1

    mais tu écrivais. D'accord. C'est marrant, ça, d'écrire. Je sais que ça ne va pas partir. OK. Ah non.

  • Speaker #3

    Peut-être, alors c'est une question qu'on pose toujours à la fin du podcast, qui est la recommandation du prochain invité. Alors, on a noté que tu allais nous inviter François Hollande, mais peut-être que quelqu'un d'autre éventuellement...

  • Speaker #0

    Moi, je verrais deux personnes. Un marin, c'est l'amiral Vendier, qui est l'ancien chef d'état-major de la Marine, qui est actuellement à l'OTAN, à Norfolk, à Sakti, qui est un de mes petits-fils, au sens promo du terme, que je quitte en fait. Pilote de chasse qui m'avait fait découvrir le Rafale quand j'étais sur le porte-avions.

  • Speaker #2

    Tu n'avais pas dit que tu avais déployé les premiers sous-marins sur le Charles de Gaulle ? Tu avais eu un petit pin,

  • Speaker #0

    c'est pour ça. Une puissance intellectuelle, quelqu'un qui voit loin, qui est innovant. À chaque prise de parole, j'étais bluffé.

  • Speaker #1

    Tu l'avais repéré.

  • Speaker #0

    Oui, je l'ai repéré. La marine l'a repéré aussi avant moi, je pense. Et on se sent petit en face de gens comme ça, en plus d'une grande humilité, d'une grande accessibilité. Et puis, il y a Thomas Pesquet, moi, qui m'impressionne par toutes ses compétences, son énergie, son savoir-être.

  • Speaker #3

    Mais tu l'as rencontré ?

  • Speaker #0

    Non, je ne l'ai jamais rencontré, mais je suis passionné d'astronautique. Donc, je suis... Thomas Pesquet,

  • Speaker #2

    ça serait très cool de l'avoir.

  • Speaker #3

    Mais comme Thomas nous écoute, manifesto toi, on te trouvera une place où que tu sois.

  • Speaker #1

    C'était un amiral qui t'admire.

  • Speaker #3

    C'était très intéressant, il y a beaucoup de parallèles à faire dans le monde des affaires qu'on n'étudie plus habituellement. J'espère que les auditeurs ont apprécié. Une dernière chose, n'hésitez pas à noter cet épisode, mettez 5 étoiles, commentez, ça fait remonter le podcast dans les algorithmes et ça nous fait connaître un petit peu plus. Ça nous aide, on sera ravis. Merci beaucoup, à bientôt, bye bye.

  • Speaker #2

    Merci Fabrice.

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