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Mon Oeil, le podcast de l'intelligence économique

Comment les plateformes nous rendent-elles addicts ? Captologie, addiction, manipulation avec Thibault Renard

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34min |13/07/2024
Play
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Description

Mon Oeil jette un oeil sur le monde de Thibault Renard, expert en intelligence économique et influence. Senior Advisor du CyberCercle. Expert au Comptoir Prospectiviste. Comment les plateformes nous rendent-elles addicts ? Captologie, économie de l'addiction, manipulation. La captologie est l'étude de l'informatique et des technologies numériques comme outil d'influence, de persuasion des individus. Et la captologie est partout : Netflix, Tinder, et toutes vos plateformes préférées.

Business, podcast intelligence économique


Hébergé par Ausha. Visitez ausha.co/politique-de-confidentialite pour plus d'informations.

Transcription

  • Speaker #0

    Mon œil, le podcast de l'intelligence économique. Présenté par Ghizlane Mathiau.

  • Speaker #1

    Salut les internautes, Mon œil jette un coup d'œil sur le monde de Thibaut Renard, Senior Advisor au CyberCircle, expert au comptoir prospectiviste, spécialiste en intelligence économique et influence. Dans Mon œil, aujourd'hui, on va parler de captologie, l'informatique... appliquée aux technologies persuasives. Ça peut paraître compliqué, dit comme ça, mais en fait, c'est simple. Je suis Ghizlane Mathiau, vous écoutez Mon Oeil. Bonjour Thibault, comment ça va ?

  • Speaker #0

    Bonjour !

  • Speaker #1

    Alors dans Mon Oeil, aujourd'hui, on va parler de captologie, l'informatique appliquée aux technologies persuasives. Ça peut paraître compliqué, dit comme ça, mais en fait,

  • Speaker #0

    c'est simple. En fait, c'est un... terme qui nous vient des Etats-Unis. En français, on l'a traduit « captologie » . Donc, ce qui fait qu'on a plutôt eu tendance à dire que c'est un peu la science ou les techniques de captation de l'attention. Alors que non, en anglais, c'est « computers as persuasive technology » . C'est ça, le terme « captologie » . Ça veut dire quoi ? Ça veut dire qu'on va utiliser les technologies informatiques, les ordinateurs. Les ordinateurs, aujourd'hui, c'est les smartphones, etc. Mais à l'époque, puisque le terme est inventé au début des années 2000, à l'époque, on dit « on va utiliser les technologies » . informatique pour persuader les gens à faire quelque chose, changer leur comportement. Et c'est vrai que souvent en France, quand on dit « captologie » , on a tendance à dire « Ah, c'est tout ce qui consiste à capter l'attention » , alors qu'en anglais, non. En gros, c'est « qu'est-ce qu'on en fait ? » . Alors effectivement, il y a un point de départ qui est capter l'attention de la personne, mais qu'est-ce qu'on lui fait faire ? Quelle technique on va utiliser ? Qu'est-ce qu'on va utiliser grâce à l'informatique pour faire faire quelque chose à quelqu'un ? Généralement, c'est utilisé par les GAFAM, le plus connu de tous. Ce qui l'a utilisé, c'est Facebook évidemment, mais c'est aussi Google, c'est aussi Microsoft, c'est aussi Twitter. Mais ça ne s'arrête pas aux entreprises de l'informatique. C'est aussi utilisé par exemple par Netflix. Typiquement, les plateformes aujourd'hui numériques, Apple, Amazon, Netflix, Disney+, tout ce que tu veux, utilisent aussi des méthodes liées aux technologies persuasives. En gros, c'est quasiment toute application que tu as sur ton smartphone potentiellement utilise des technologies persuasives. Son but est quand même... Il y a des applications, on va dire open source, etc., qui ont vocation à faire œuvre utile. Mais globalement, ça reste des acteurs qui sont là pour gagner de l'argent, avoir un business model. Et donc, évidemment, ces technologies persuasives pour renforcer, alimenter le business model. Donc au début, c'était les acteurs du numérique. Mais aujourd'hui, ça concerne aussi des acteurs du divertissement qui s'appuient toujours sur le numérique via les plateformes. Typiquement, Netflix est un acteur connu de la captologie puisque soit le design de sa plateforme soit la façon dont sont écrits les contenus sur Netflix, soit l'algorithme lui-même de Netflix utilise des technologies persuasives pour te faire rester le plus longtemps possible devant Netflix.

  • Speaker #1

    Donc, capter l'attention pour gagner de l'argent, c'est leur business model ?

  • Speaker #0

    Non, en fait, le principe, c'est capter l'attention pour te faire faire quelque chose, pour changer ton comportement. Donc, effectivement, le point de départ, c'est gagner de l'argent. C'est gagner de l'argent, soit parce que tu vas rester longtemps sur ton application et donc tu vas avoir des pubs, soit tu vas produire quelque chose, tu vas produire des... contenus tu vas t'engager là dedans pour apporter du contenu à la plateforme qu'elle n'a pas envie de produire elle-même je sais pas instagram voilà les gens qui sont sur instagram produisent du contenu la plateforme n'a pas besoin de s'embêter à produire son propre contenu puisque tu le fais donc voilà donc ça peut être oui gagner de l'argent grâce à autant que tu passes devant via de la pub ça peut être gagner de l'argent parce qu'ils vont revendre des données personnelles ça peut être gagner de l'argent ou leur faire gagner de l'argent parce que tu produis des contenus à leur place évidemment comme tu produis des contenus pas y avoir des gens qui vont venir apporter de l'audience à la plateforme voilà sur youtube tu produis des contenus et d'autres personnes viennent les voir. YouTube est gagnant, ils n'ont rien à produire. C'est un peu comme si une chaîne de télé n'avait même pas besoin d'acquérir des contenus, puisque c'est ses propres utilisateurs qui produisent les contenus, c'est génial.

  • Speaker #1

    Tu t'es entendu parler de l'économie de l'attention. C'est quoi cette économie de l'attention ?

  • Speaker #0

    L'économie de l'attention, c'est en gros, on va monétiser le temps que tu passes, on va générer de l'argent grâce au temps que tu passes devant ton écran. C'est pas nouveau, ça date pas de l'économie de l'attention, ça date pas des technologies persuasives. Avant, quand tu regardais la télé, il y avait une économie de l'attention au sens, si j'ai un million de spectateurs devant un film, potentiellement ça fait un million de personnes qui vont regarder les pubs avant, après, pendant le film. Donc c'était à l'époque ce que Patrick Lelay, l'ancien responsable, enfin dirigeant de TF1 disait, nous on n'est pas là pour en soi divertir les gens ou leur apporter du contenu, on est là pour apporter du temps de cerveau disponible à nos annonceurs. Un annonceur, lui, ce qu'il veut, c'est 10 millions de personnes qui accordent 30 secondes de leur attention à leur pub. Donc voilà, l'économie de l'attention, ça existait déjà à l'époque des journaux papiers, puisque il y a des journaux papiers qui fonctionnent qu'avec les abonnements, mais il y a aussi les journaux papiers. qui fonctionne avec de la pub. Donc en gros, si tu passes 30 minutes à lire ton magazine et que tu lis les pubs, tu lui as accordé de l'attention. Et puis après, cette économie s'est développée via la télévision. Tu restes devant ta télévision. Mais jusqu'à présent, si tu veux, ce qui se passait, c'était je parcellise, on va dire, mon attention. Mais voilà, je ne suis qu'au cinéma ou je ne suis que devant ma télé, mais j'arrête quand je veux. Et ce qu'a changé la captologie, ce qu'ont changé les technologies persuasives, ça a été assez bien résumé par Reed Hastings, le fondateur de Netflix. La légende veut que, alors est-ce que c'est vrai, est-ce que c'est pas vrai, on sait pas, mais c'est lui qui l'a raconté comme ça, la légende veut que il a eu l'idée de créer Netflix parce qu'un jour il a eu une pénalité parce qu'il a rendu trop tard un DVD qu'il avait loué au vidéoclub. Il était tellement énervé de cette pénalité qu'il a décidé que puisque c'est comme ça, il n'y aurait plus jamais au vidéoclub et qu'il a créé une plateforme qui permette d'éviter d'aller au vidéoclub. Est-ce que c'est vrai, est-ce que c'est pas vrai, en tout cas c'est lui qui le raconte. En tout cas il a réussi, en tout cas. Aujourd'hui il n'y a plus de vidéoclub qui existe dans les rues. Mais ce qui est intéressant, c'est que Rita Skintz, il a résumé, en fait, quand on lui a demandé c'est qui les concurrents de Netflix, il n'a pas dit c'est les autres chaînes de télé ou c'est YouTube. En gros, il n'a pas dit c'est d'autres écrans. Il a répondu le principal concurrent de Netflix, c'est le sommeil.

  • Speaker #1

    Oui, d'ailleurs, si on regarde beaucoup d'épisodes à la suite sur Netflix sans intervenir sur la télécommande, on te demande si tu es toujours là.

  • Speaker #0

    Exactement, parce qu'en fait, si tu veux maintenant... Alors Netflix, dans son modèle, c'est pas comme par exemple YouTube qui va compter le nombre de vues ou TF1 qui va compter le nombre de spectateurs. Netflix mesure le succès de ses contenus par le temps passé devant. Pour eux, la question n'est pas de savoir combien il y a eu de spectateurs, c'est combien tu es resté devant la série.

  • Speaker #1

    Il faut binger le maximum d'épisodes, le maximum de saisons.

  • Speaker #0

    C'est exactement ça, c'est en gros, ils s'en foutent qu'il y a eu un succès critique, ils s'en foutent qu'il y a eu un succès d'estime, ils s'en foutent que... Il y a eu 10 millions de personnes qui ont regardé le premier épisode. La seule question qui vaille, c'est combien il y a eu d'heures passées, combien il y a de gens qui sont allés jusqu'au bout, et combien il y a eu d'heures passées à regarder cette série. L'enjeu, c'est un, est-ce que tu restes longtemps devant ta série ? Et puis aussi, est-ce que tu vas, après que tu as fini ta série, est-ce que tu vas quand même rester devant Netflix ? Seul le sommeil, à la rigueur, peut t'arrêter. Et c'est pour ça que typiquement, dans Netflix, quand tu finis un épisode et que si tu ne fais rien, l'épisode suivant se déclenche. c'est de la technologie persuasive. C'est-à-dire, en gros, si tu ne fais rien, l'outil décide à ta place que si tu ne fais rien, ça veut dire que tu acceptes qu'un nouvel épisode soit lancé. Et ça structure aussi la façon dont on produit les contenus, puisque ce n'est pas pour rien que les séries Netflix, très souvent, il y a un cliffhanger, tu vois.

  • Speaker #1

    Et tu passes l'intro, tu zappes le générique.

  • Speaker #0

    Ouais, tu passes l'intro, mais ça, il ne t'en veut pas de passer l'intro. Et puis, il ne t'en veut pas non plus de passer le générique à la fin, par exemple. Typiquement, dans cette économie-là de l'attention, le générique est un ennemi. T'imagines, trois minutes de générique, tu vas te barrer en fait, tu vas partir faire autre chose. Donc souvent, pareil, sur ta plateforme, il va te dire, je te propose des appels génériques.

  • Speaker #1

    Est-ce que les gens comprennent qu'ils sont manipulés ?

  • Speaker #0

    Ce qu'il faut, c'est comprendre en fait, comment est-ce qu'on en est arrivé à manipuler les gens grâce à ça. On va faire un bond de 20 ans en arrière, début des années 2000. Donc le début des années 2000, c'est vraiment le tout début, entre guillemets, d'Internet. Et donc, tu as un type qui s'appelle B.J. Fogg, qui a un laboratoire sur le comportement, sur le design comportemental à Stanford. Et justement, il fonde cette discipline qui dit qu'on va utiliser les technologies informatiques pour changer un comportement. Alors, il a écrit un bouquin qui s'appelle Persuasif Technologie, qui a plutôt bien vieilli. Il va énoncer toute une série de principes assez intéressants. Mais en gros, la première chose qu'il dit, c'est que la clé, c'est le design. Le design, si tu veux, de ta plateforme, de ton site informatique, le design de ton outil est primordial. Si tu foires ton design... Si ton outil paraît compliqué, c'est foutu. Donc déjà, règle numéro un, le design des outils doit primer sur tout le reste. Donc ça, ça va donner déjà lieu à quelques dérives, puisque ça va donner ce qu'on appelle les dark patterns, où en fait le design est volontairement fait pour tromper les gens. Donc il faut changer les comportements ou forcer les comportements. C'est typiquement si tu vas, je ne sais pas, sur Ryanair, ou pour acheter ton billet, tu vas avoir, tu vois, ils vont toujours te proposer une assurance, toujours te proposer, et vous ne voulez pas aussi un taxi à la sortie de l'hôtel. Et en fait... Pour vraiment valider ton billet, il y a genre 8 séries de validation où à chaque fois, on t'incite à prendre quelque chose en plus. Le design, l'ergonomie du site internet ou de l'application te force à faire quelque chose que tu n'as pas envie de faire. Le design, c'est vachement bien quand on simplifie tout. Il faut que ton application, tu puisses t'en servir en quelques fractions de secondes. Donc voilà, ça a été le premier fondement. C'est que si tu veux designer le comportement de quelqu'un, ton outil, ton application doit être designé de manière à être super simple, super intuitive, pas compliqué. Et si on peut te forcer à faire des trucs que tu n'as pas envie de faire, ça peut être encore mieux. Première chose qu'apporte BGFox, c'est que le design est primordial. On assimile la crédibilité d'une source, la crédibilité d'un site internet à son design. Si son design est génial, on va lui accorder plus de crédibilité que si c'est un site limite gouvernemental tout pourri. Première chose, ils disent, et c'est normal, on est au début des années 2000, donc le design des sites internet c'est super important. Et BG Fogg va dire, maintenant on va utiliser des technologies, des technologies persuadives pour changer le comportement des gens. On va leur faire faire cette fois-ci des choses qu'ils n'ont pas envie de faire normalement. Ce que Fogg va rajouter, et là par contre... Tout le monde va s'en emparer. Ça va être le modèle comportemental de Fogg. Et il va dire, en gros, que le comportement d'une personne, qu'il est dicté par trois choses. Sa motivation. Est-ce que tu as envie de faire ou pas ce que je te propose ? Un signal, c'est-à-dire un trigger. En gros, un déclencheur. Je ne vais pas te faire faire quelque chose. Spontanément, tu ne vas pas faire un truc. Donc, il faut que je déclenche. C'est là qu'on arrive dans l'économie de l'attention. Au sens, il faut que je capte ton attention parce que je vais capter ton attention par un déclencheur. Et enfin, et c'est le plus important, il faut que ce soit facile et ce que va décréter Fogg c'est qu'il va dire c'est même plus subtil que ça c'est que il faut pas se fatiguer à essayer de motiver les gens faire quelque chose à quelqu'un de compliqué si ça lui demande beaucoup de motivation c'est une perte de temps plutôt que motiver les gens à faire une chose compliquée mieux vaut leur faire faire même s'ils sont pas motivés du tout leur faire faire faire des trucs très très très faciles et en fait la clé du changement de comportement d'une personne ne réside pas dans la persuasion c'est marrant parce qu'on dit technologie persuasive Mais en réalité, d'une certaine manière, elle ne te persuade pas, elle te facilite à outrance. C'est-à-dire, en gros, pour te donner un exemple, si je te dis, je te propose pendant deux heures de regarder, ou même une heure de regarder 400 vidéos dont 390 sont parfaitement inutiles, et à la fin, tu te souviendras plus que tu as regardé, mais tu vas voir, c'est super quand même, tu vas m'envoyer pêtre. Par contre, si je te dis, non, non, mais regarde cette vidéo-là, et que je te fais 400 fois de suite, une petite vidéo facile à regarder t'as pas besoin d'être motivé, y'a qu'une vidéo et t'as pas besoin non plus de te fatiguer non plus, il suffit de scroller, de faire un petit geste qui demande pas une grosse tâche pour lancer la suivante et c'est comme ça que tu te retrouves en fait pendant une heure à avoir fait 400 petites actions, t'as maté 400 vidéos pendant une heure en scrollant sur Instagram ou Facebook ou Youtube avec des shorts etc ça c'est vraiment révolutionnaire c'est ce que va apporter Fock, Fock dit n'essayez pas de motiver les gens n'essayez pas de motiver les gens, ce que vous allez faire ... vous allez leur faire faire des trucs très très très faciles. Et l'avantage, c'est que quand tu fais faire un truc très très très facile à quelqu'un, il a beaucoup de mal à dire non. C'est une technique de manipulation classique, mais si tu proposes à quelqu'un quelque chose de très facile à faire, c'est compliqué pour lui de dire non. Et en plus, si tu lui fais faire plusieurs fois, tu vas l'habituer, et en plus ça va être de moins en moins compliqué à faire. Donc ce que dit Fogg, c'est que ce qu'il faut faire, c'est faire faire, cumuler, cumuler, cumuler, des dizaines, des centaines, des milliers de choses très très très faciles à faire. Plus ça va s'accumuler, plus ça va être facile. Donc, c'est un espèce de cercle virtueux où tu te retrouves avec des gens qui passent leur vie sur leur smartphone, en fait.

  • Speaker #1

    OK, on a compris. Mais est-ce que tout ça, c'est de l'influence positive ?

  • Speaker #0

    Ah, bonne question. Alors, ça ressemble un peu... Alors, ce qui est rigolo, c'est que B.J. Fogg, il a quitté aujourd'hui un peu ce milieu du numérique et il est devenu un peu coach de vie. Et donc, il a théorisé son modèle en ce qui s'appelle les petites habitudes. Je vais te lire, c'est très rigolo, je vais te lire son bouquin, il est en français, ça s'appelle « Changer sa vie grâce aux petites habitudes » . C'est assez proche du nudge, c'est-à-dire effectivement tu vas changer le comportement d'une personne de manière positive. Et donc je te lis un peu la promo du bouquin, c'est « Vous voulez progresser, avoir une meilleure hygiène de vie, mieux vous organiser, vous consacrer à un projet personnel. Commencez par oublier la volonté, contrairement à ce qu'elle prétend, elle est impuissante. » Donc ça c'est le fondement de Fogg qui est… Pour changer un comportement, ce n'est pas la motivation qui compte. La motivation finit toujours par s'éteindre. C'est comme du carburant, la motivation finit toujours par s'épuiser. Donc il dit, la volonté, contrairement à ce qu'elle prétend, elle est impuissante. Elle fait l'illusion à un temps, puis tout s'effondre. La seule façon efficace de vaincre l'inertie et de se mettre sur la bonne voie consiste à modifier ses petites habitudes du quotidien. Ce sont en effet les petits changements qui changent tout. Donc en gros, lui, sa théorie, c'est de dire effectivement, un peu comme pour le nudge, où tu vas faire des petits changements positifs pour que globalement... la société aille mieux, grâce au nudge tu vas peut-être faire des petits dons, tu vas être plus propre, tu vas être mieux organisé, etc. Et bien effectivement, Fogg a adapté son modèle à te faire changer ton comportement en positif. Donc tu as ce premier grand principe, on peut appeler ça de la manipulation, mais en tout cas de changement des comportements que va créer BG Fogg. La clé c'est, on oublie la motivation, il faut que tout soit facile à faire. En gros, s'il faut que tu sois motivé pour arrêter, tu vois le cercle vicieux. En gros, il faut être motivé pour arrêter, alors que si tu n'es pas motivé, tu continues. Donc c'est vachement pratique d'enfermer quelqu'un dans un espèce de... un peu comme un rat qui court sur une roulette, là. C'est comme ça que ça marche. Premier principe, celui de Fogg. Et deuxième principe, et là ça va nous intéresser par rapport à cette autre grande famille de manipulation des réseaux sociaux, ça s'appelle le modèle de Hook. Le modèle de Hook, il dit quoi ? Il dit « Ok, c'est d'accord, c'est bien, il faut que les choses soient faciles à faire. » Ça c'est BG Fogg. Il faut des choses faciles à faire, comme ça on embarque tous les gens, même celles qui ne sont pas motivées. Mais il faut qu'elles s'investissent, les personnes. Il faut qu'elles s'apportent quelque chose. Et puis il faut qu'elles reviennent aussi, tant qu'à faire. Donc qu'est-ce qu'il dit Hook ? Il dit « Bah ouais, il faut toujours un trigger. » n'importe quoi, une notification, ton téléphone qui vibre, une sonnerie, tout ce que tu veux. Mais il faut un trigger. Et après, ce qu'il faut, c'est que ce trigger, il enclenche une action chez toi. Poster une photo, liker quelque chose, partager, tout ce que tu veux. Mais ça doit déclencher une action chez toi. Et là où ça devient très important, c'est que cette action que tu as fait déclenche une récompense. Tu dois être récompensé de ce que tu as fait. Donc typiquement, tu postes une photo sur Instagram, tu vas avoir des likes. Tu mets un commentaire. Tu vas avoir un nombre de vues où ton commentaire va être partagé, etc. Donc, un trigger, une action, une récompense. Et cette récompense te donne envie de t'investir dans la plateforme. Soit tu vas te mettre toi-même à poster des ressources, soit tu vas partager d'autres ressources, soit tu vas faire des commentaires, etc. L'idée, c'est que comme on est heureux, on a une espèce de petit shoot de dopamine, on s'investit. Et c'est ça aussi qui crée les phénomènes d'addiction. C'est que d'un côté, tu as le principe de Fock qui dit que c'est ultra facile, donc on se fatigue. pas d'une certaine manière, on s'épuise d'une certaine manière à ne pas dormir, à être dessus, mais on ne ressent pas l'effort à utiliser ces applications-là. Donc ça ne demande pas d'effort et en plus, ça te récompense. Donc c'est génial. Tu vois, tu expliques moi une fake news, souvent on se dit, ah, une fake news, c'est une forme de mensonge, on trompe la personne. Donc si j'explique à la personne d'en face, imagine, tu reçois une fake news, donc t'es trigué, t'as le trigger. Toi, tu vois la fake news, imagine, je ne sais pas, tu y crois. Donc tu la partages, c'est ton action. Bim, t'as tout. toute ta communauté qui soit repartage à nouveau ta fake news, soit te met plein de likes, donc tu es récompensé. En plus, tu as gagné de la visibilité, tu es contente, les gens s'intéressent à toi, etc. Donc, tu as ta récompense. Donc, tu vas t'investir plus sur la plateforme, soit pour poster toi-même d'autres nouvelles ou trouver d'autres nouvelles à partager sur quelqu'un que tu n'aimes pas ou que tu aimes bien, etc. Et puis, tu vas recevoir une notification et ainsi de suite. Donc, c'est génial, entre guillemets, partager des fake news parce que tu es récompensé. Toi, en tant qu'utilisateur... Partager une fake news, pour toi, c'est tout bénef. Tu gagnes de la visibilité, de l'amour, de l'amitié, de la récompense. Mais si toi, t'arrives après que tu lui expliques à la personne que... Ben non, c'est faux. Tu te rends compte de ce que ça implique par la personne d'en face ? Tu remets en cause son investissement. Déjà, elle va moyennement apprécier de cette fée Bernay, d'avoir partagé... Donc toi, tu remets en cause son action. Zut, elle a partagé une fake news fausse. Tu la prives de sa récompense. Parce que maintenant, si je partage plus des fake news, je serais plus récompensé. Ou même... je vais passer pour un con. Et puis en plus, tu as remis son investissement, en cause, son investissement dans la plateforme. Donc en gros, sous cet angle-là, lutter contre les fake news, par exemple, en rétablissant la vérité, ça équivaut à une punition. On est encore beaucoup sur cette problématique d'influence, fake news, désinformation, etc. On est encore beaucoup dans un paradigme de dire qu'il faut rétablir la vérité. Mais ce n'est pas comme ça que ça marche, en fait. Tu peux avoir une satisfaction intellectuelle à connaître la vérité ou à voir la vérité rétablie. Sauf que dans un écosystème où... Le paradigme principal, c'est la récompense. Et bien là, la vérité, elle est vachement désavantagée par rapport aux mensonges, à la fake news, au sensationnalisme, etc. Et donc, il faut faire très attention parce que rétablir la vérité, ça ne veut pas dire un partout, balle au centre. Et c'est quelque chose qui est difficile encore à assimiler, de dire non mais voilà, si mon but c'est de lutter contre la désinformation, si mon but c'est de lutter contre la manipulation d'une personne, il faut faire attention, il ne faut pas lui dire, en gros, tu es dans l'erreur. Parce que ça veut dire quand même que tu... Tu remets en cause son investissement, tu vas la priver de récompense. Ce n'est pas anodin, tu vois. Ce n'est pas juste rétablir, on va dire, un équilibre informationnel où la vérité est plus intéressante que le mensonge. Donc,

  • Speaker #1

    ce que tu es en train de me dire, c'est que les réseaux sociaux favorisent les fake news et pas la vérité parce que pour les fake news, on a besoin de moins d'attention.

  • Speaker #0

    En fait, l'attention, ça ne se partage pas. Essaye de conduire une voiture tout en étant sur ton téléphone mobile.

  • Speaker #1

    Ah non, pas ça.

  • Speaker #0

    Voilà. à vélo, essaie d'être à vélo et d'être sur ton smartphone, tu vas très vite te rendre compte que ce n'est pas possible. Tu peux marcher en écoutant de la musique. Ça, tu peux le faire. Tu peux mettre ta télé en fond sonore et puis faire autre chose. Par contre, sur ton smartphone, il est conçu pour capter ton attention. Donc, tu ne vas pas pouvoir conduire. Il y a des milliards de choses que tu ne vas pas pouvoir faire. Alors inversement, si tu écoutes un podcast ou un audiobook, c'est très compliqué de maintenir une attention auditive, par exemple. Donc, si tu te mets à faire autre chose pendant que tu écoutes ton podcast ou ton audiobook, tu vas te rendre compte que tu es un chapitre plus loin.

  • Speaker #1

    C'est comme le poisson rouge qui fait un tour du bocal et qui ne se souvient de rien.

  • Speaker #0

    En fait, ce n'est pas vrai l'histoire du poisson rouge. La légende dit que ce sont les vendeurs d'aquariums de bocal de poisson rouge qui ont inventé cette histoire-là pour dire que les poissons rouges avaient 6 secondes et que vous ne vous inquiétez pas, ils ne se sentent pas enfermés, etc. Donc, en réalité, ce n'est pas vrai. Les poissons rouges ont une mémoire. Ils ont une mémoire. C'est une super belle image. C'est pour ça que j'aime bien le titre du livre de Bruno Patino, La civilisation du poisson rouge. Mais hélas, c'est une fake news, le fait que les poissons rouges ont six secondes d'attention. En réalité, ils dépriment bien quand on les maltraite. Ils se souviennent très bien de qui leur donne à manger et de qui les maltraite, les poissons rouges. il ne t'oublie pas six secondes après. Ce qui est vrai, par contre, dans la métaphore du poisson rouge, c'est que l'attention, effectivement, ça ne se partage pas. Donc ça, c'est vachement important. C'est pour ça que Trump, il est très fort. C'est que, n'empêche que Trump, il peut raconter toutes les conneries qu'il veut. Pendant qu'il les raconte, on l'écoute. Et on ne s'intéresse pas à ce que vont raconter les autres. Donc c'est un peu une logique de publicitaire qui consiste à dire, à la rigueur, en bien ou en mal, peu importe, vous avez capté l'attention. Ça veut dire que si vous avez capté l'attention des gens, au moins... qui vous aiment ou qui vous détestent, ils ne s'intéressent pas à ce que vos détracteurs ou les autres ont à dire. Donc, il y a au moins là où tu es gagnant. C'est-à-dire que le temps que tu as pris d'attention pour toi, les autres ne l'auront pas. Donc, dans ces guerres de l'attention, c'est effectivement important. Et puis, effectivement, il y a ces histoires de récompenses. Et donc, le rapport quand même avec le poisson rouge, c'est qu'on estime, justement, à une dizaine de secondes, le temps. le temps où il faut justement que les applis, pour te maintenir sous tension, se tendent entre les triggers, avec mes fameux triggers pour enclencher mon cycle ou enclencher mon truc facile, mon changement de comportement. C'est à peu près une dizaine de secondes où les applis, de manière optimale, devraient te stimuler tout le temps. Dans les guerres informationnelles, il y a capter l'attention des gens, parce que quand on l'a, l'adversaire... manque de cette attention-là. Il faut récompenser les gens, les récompenser, de préférence en les confortant dans certains avis, les enfermer dans des bulles. Il y a un documentaire très sympa qui s'appelle Facebook, la fabrique de l'opinion, où ils ont fait... Parce qu'il y a un grand débat, par exemple, sur les bulles de filtre. Parce que si tu veux, tu as un grand débat sur ces fameuses technologies persuasives. Il y a des gens qui disent qu'en fait, elles ne font qu'amplifier des choses qu'il y avait déjà chez toi. Il y avait les bulles de filtres, ça a toujours existé. Les comportements, voilà, propager des fausses informations, ça a toujours existé. Bref, tout ceci ne fait qu'amplifier quelque chose qui, de toute manière, existe. Et puis, il y a d'autres gens qui disent que non, on est carrément basculé dans un autre truc. Et en fait, ces applications te font véritablement faire des choses que tu n'aurais pas fait en temps normal. Donc, par exemple, typiquement, sur le cas des bulles de filtres, il y a un documentaire sympa qui s'appelle Facebook, la nouvelle fabrique de l'opinion, où ils se sont amusés, ils ont pris six étudiants d'école de journalisme. Et puis, en fait, il y a un étudiant qui jouait le rôle de quelqu'un de La République en marche. C'était en France, donc quelqu'un de La République en marche. Un qui jouait le rôle de LFI, un qui jouait le rôle, etc. Et ils les ont fait aller se promener sur Facebook, chacun en jouant un peu son rôle. Et en fait, c'était très, très, très impressionnant. On voyait véritablement les bulles de filtres de chacun se créer, au point qu'ils n'avaient plus d'informations communes, en fait. C'est que sur la fin, je ne me souviens plus, je crois que c'était 5% ou même 2%, une information que tout le monde aurait eue, c'était quasiment l'exception, en fait. chaque personne avait eu des informations propres à son profil et exclusivement à son profil. Donc c'est d'ailleurs ce qui s'appelle un peu les quatre piliers de l'addiction, on y reviendra après si tu veux. Et là c'est clair que non, on est quand même passé dans autre chose, c'est qu'aujourd'hui ces technologies elles sont prescriptives, elles ne se contentent pas d'amplifier des biais cognitifs qu'on aurait, des comportements qu'on aurait, elles ne font pas qu'amplifier quelque chose qui était en germe en nous, elles créent véritablement des comportements. Alors tu vois typiquement, je vais te donner un exemple assez rigolo. Les applis de rencontre, les applications de rencontre, Tinder par exemple était très facilité, tu ne sois pas droite, tu ne sois pas gauche, si tu matches tu as ta récompense, donc on va dire que Tinder est vraiment l'archétype de ce genre de modèle qui fonctionne par la récompense, et puis si tu veux avoir plus de matchs ou si tu veux plus, il faut donner des sous, etc. Il y a une autre appli par exemple, est-ce que tu connais le test IMBT, les 4 lettres ?

  • Speaker #1

    MBTI MBTI

  • Speaker #0

    Voilà, c'est un test scientifiquement, il n'est pas très solide. Il n'a pas encore été très, mais bon, il est très utilisé dans les entreprises, etc. Maintenant,

  • Speaker #1

    moi, je serais une INFJ.

  • Speaker #0

    Alors moi, je suis, je ne sais plus quoi, un innovateur. Je crois que je suis un ENTP, si je me souviens bien. Ou INTP, enfin bref, peu importe. Mais là où ça devient problématique, c'est que typiquement, il y a une application qui s'appelle Boo, qui se fait se rencontrer des personnes. Même principe que Tinder, tu vois. Il faut regarder les photos, il faut soit dire oui, non, etc. Sauf que dans ton profil d'application, il y a ton profil MBTI. Donc tu es, je n'en sais rien, ENTP par exemple. Alors tu vas me dire, ouais, et alors, t'as plein d'applis de rencontre où par exemple t'as ton signe astrologique. Donc voilà, il y a des gens qui vont dire, ah bah tiens, je suis verso, je veux aller avec une balance. Et donc, je croyais déjà en l'astrologie.

  • Speaker #1

    Et t'es de qu'est-ce signe en fait ?

  • Speaker #0

    Ah, je suis sagitaire, tu vois, donc je suis de la fin de l'année. Donc typiquement, imaginons, voilà, si moi je dis je suis sagitaire et je cherche une verso, effectivement l'application n'a fait que renforcer quelque chose qui existait déjà chez moi. Le problème, c'est par exemple chez vous, c'est qu'en gros ils vont dire... « Ah, ben tu es ENTP, tu irais bien avec INSJ, j'ai raconté n'importe quoi. » Mais ça va plus loin. Ça te dit cette personne qui est INSJ, elle se comporte comme ça. Donc si tu veux lui plaire, il faudrait plutôt que tu fasses ça. Il faudrait plutôt que tu fasses ci. Et en gros, tu as un mode d'emploi qui t'est fourni sur comment la personne fonctionne, selon ce truc, et surtout comment tu dois te comporter vis-à-vis de cette personne. Et ça, clairement, c'est pas comme si je crois en astrologie et je décide que je suis sagittaire et je voudrais trouver une balance. Là, on est sur des applis qui te disent quoi faire et qui vraiment te font faire des choses, te font adopter des comportements quand en normal, tu ne le ferais jamais.

  • Speaker #1

    Et la liberté alors ?

  • Speaker #0

    La liberté, on va même aller plus loin, c'est la question du consentement. C'est toute la différence entre la persuasion et la manipulation. Si moi, je te convainc par des arguments, alors évidemment, je ne vais pas être 100% honnête si j'attends quelque chose de toi. Donc, si je suis dans une logique de persuasion ou de communication par rapport à toi, évidemment, dans ma tête, j'ai envie que tu dises oui. Mais... je vais te dire oui en essayant de te convaincre. Mais je te laisse le choix entre dire oui ou dire non. Alors que quand tu utilises une technique de manipulation, là je te laisse pas le choix. Tu vas dire oui, et tu ne le sais pas encore, mais tu vas dire oui. Je vais pas te laisser l'opportunité de dire non. Je vais créer un environnement cognitif où en fait le non n'existe pas. Ton seul chemin ça va être le oui. C'est un peu comme les spectacles de mentalisme. Tu sais quand tu regardes un spectacle de mentalisme et que le mentaliste il t'explique, il devine ce qu'il y a dans les pensées des gens. Et effectivement tu regardes le spectacle, tu fais wow, extraordinaire. Sauf que non, l'astuce c'est qu'il connaît déjà la fin de l'histoire et il fait aller la personne d'un point A à un point B sans que cette personne-là en ait conscience. Ça veut dire que dans un spectacle de mentalisme, tu fais faire des choses à quelqu'un que normalement il ne ferait pas. Et donc la manipulation, les techniques de manipulation c'est ça, c'est faire faire quelque chose à quelqu'un mais tu ne lui laisses pas l'opportunité, tu ne lui laisses plus l'opportunité en fait de dire non. Tu lui choisis son chemin à sa place. Donc évidemment ça pose des questions éthiques, notamment celle du consentement. Comment convaincre une personne de dire oui ? « Ok, on le fait tous. Depuis la nuit des temps, depuis le premier homme des cavernes qui a essayé de séduire une jeune femme des cavernes, depuis la nuit des temps, il a essayé de convaincre quelqu'un de le choisir comme partenaire, etc. » Là, on est sur un autre paradigme. C'est « Je ne te laisse pas le choix. Tu vas faire quelque chose. Tu peux considérer que c'est pour ton bien. » Mais ça pose effectivement des questions éthiques. Toutes ces techniques de manipulation, quand bien même ce serait pour le bien des gens, il n'empêche que... ça postule que la notion de consentement, on s'en passe dans certaines circonstances.

  • Speaker #1

    Est-ce qu'on peut revenir sur les quatre piliers de l'addiction ?

  • Speaker #0

    Oui. Alors, les quatre piliers de l'addiction, parce qu'on en parle beaucoup de l'addiction, parce que c'est la grosse problématique. Tu vois, les gens sont embarqués dans des trucs qui leur manipulent le cerveau à leur insu, parce qu'en fait, ils n'en ont pas conscience de ces mécaniques. La matrice, le modèle de Fogg, le modèle de Hook, tous ces trucs-là. Une fois que tu comprends comment ça marche, Tu comprends mieux ton comportement et le comportement de certains de tes interlocuteurs. C'est quand même important de les connaître. Mais fondamentalement, la mécanique, les gens ne les connaissent pas. Et la conséquence de tout ça, effectivement, c'est de l'addiction. Et donc, il y a un collectif qui s'appelle le collectif Time Well Spent, qui a défini les quatre piliers de l'addiction. Alors, pas l'addiction au sens de la nicotine ou l'alcool. Enfin, tu vois... ... pas de l'addiction entre guillemets physique, mais l'addiction numérique. Et donc, c'est quoi pour elles, pour eux, les quatre piliers de l'addiction numérique ? Un, c'est l'immersion. Il faut que tu sois 24 heures sur 24, 7 jours sur 7, en contact avec ton objet numérique. Donc, il faut que, déjà, pour être addict, que tu aies en permanence ton smartphone, que tu aies en permanence cet objet numérique avec toi. Donc, ça, c'est fait. Voilà, et c'est pour ça qu'il va sans doute de plus en plus y avoir des espaces, comme pour le tabac ou comme pour le silence, tout ce que tu veux, des espaces sans smartphone qui vont se développer parce que les gens ne s'en sépareront pas, en fait, parce que c'est le principe. Donc, le pilier 1, c'est ça. Il faut que tu te sois H24. Pilier 2, c'est ce qu'on appelle le contrôle social. Il ne suffit pas d'être avec ton smartphone et regarder des vidéos YouTube tout seul dans ton coin. Il faut que tu sois dans un environnement où... Tu observes ce que font les autres et les autres observent ce que tu fais. Tu sais, c'est la panoptique. En fait, c'est un mec aux Etats-Unis qui a, pour que les gens se tiennent à carreau dans les prisons, il a créé un concept qui s'appelle la panoptique. Et en gros, pour que les prisonniers respectent les règles, il faut que 1, ils soient observés en permanence par des gardiens, mais qui sont derrière des glaces sans teint, donc en gros tu vois pas. Tu sais que t'es observé, mais tu sais pas quand. Et il faut que tout le monde observe ce que fait tout le monde. En gros, c'est un concept, la panoptique, où dans les prisons... t'as une espèce de contrôle, une autorégulation qui se fait parce que tous les prisonniers s'observent entre eux et ils savent en plus qu'ils sont observés par les gardiens mais ils savent pas ni où ni quand. Bah c'est pareil en fait ce qui renforce l'addiction à un outil numérique c'est le contrôle social. C'est à dire en gros tu sais que ce que tu fais est observé par des dizaines, des centaines, des milliers de personnes et donc à la fois t'y gagnes de la visibilité, t'y gagnes des récompenses mais en même temps tu deviens addict à ça parce que tu as besoin du regard des autres tu as besoin ... En gros, si tu es tout seul avec ton appli, tu n'as pas de raison d'être là. Donc, tu as un contrôle social de la foule sur toi et tu as ce besoin d'être évalué. On est des animaux sociaux. Donc, ton application va créer cet environnement de contrôle social où des milliards de gens vont interagir avec toi, soit pour te harceler, soit pour te récompenser. Mais en tout cas, tu vas devenir, même si c'est des gens qui te détestent, les gens qui sont victimes de harcèlement, On pourrait leur dire, c'est pas grave, coupe ton appli en fait, ou appelle un community manager, qu'est-ce que ça peut te foutre ? Mais non, ça ne marche pas comme ça en fait, parce que quand tu sais que des dizaines, des centaines, des milliers de personnes, soit t'écrivent, soit sont en train de dire des trucs sur toi, tu as besoin d'aller voir ce qui se passe. Et ça, c'est ce deuxième pilier, donc le contrôle social, on te crée un environnement social qui interagit avec toi, qui dit des choses sur toi, et donc tu as besoin de le savoir. Donc c'est le deuxième pilier. Le troisième pilier, il est très à la mode en ce moment, c'est l'intelligence artificielle. C'est qu'en gros, sur la base de tes données, de tes données personnelles, ou sur la base de ce qu'on te demande, les plateformes vont s'adapter à toi. Les algorithmes, typiquement la bulle de filtre, c'est ça. C'est en gros l'algorithme va analyser ton comportement en permanence. Tu vois, avant, tu étais dans des catégories. Tu étais dans des catégories de population, etc. Non, maintenant, grâce à l'intelligence artificielle, les algorithmes reconstituent, on va dire, ton profil. Google te connaît, c'est pareil, il y a un autre documentaire qui est bien, qui est sur les algorithmes, mais en gros qui disait que moi, typiquement moi, pour t'évaluer, l'être humain, pour évaluer un autre être humain, il a à peu près 5 critères. Une IA, un algorithme qui traite des données personnelles, il peut aller jusqu'à 500 critères. Donc ça veut dire que c'est ça. Donc en gros, le troisième pilier de l'addiction numérique, c'est que ta plateforme doit te connaître mieux que toi, tu ne te connais toi-même. Et donc, elle va agréger, agréger, agréger des données sur toi pour, en gros, mieux s'adapter à ton comportement. Et ça va aboutir au dernier pilier de l'addiction, qui est la personnalisation. Il faut que tu aies une expérience personnalisée, qui est propre à toi, en fait. Donc, il faut que ton fil d'actualité Facebook, ton fil Twitter, tes vidéos TikTok, tu aies vraiment l'impression que ça matche à chaque fois. Tu vois, c'est exactement ce qui te plaît. Et donc effectivement, si c'était comme les pubs à la télé, honnêtement, les pubs à la télé, on en profite pour aller faire autre chose. C'est pas du tout personnalisé, c'est adapté à un certain type de public. Si tu regardes une série à 2h de l'après-midi, Les Feux de l'Amour, tu sais que le public va plutôt être les retraités, donc tu vas pas avoir des pubs pour, je sais pas, des consoles de jeux. Et puis si tu regardes un match de foot, t'auras des pubs pour des rasoirs masculins. Enfin voilà, bien sûr que les... Ils essayent d'adapter un peu, mais fondamentalement, tu n'as pas l'impression que la page de pub, elle t'est dédiée. Donc, tu te barres. Là, c'est l'inverse. Il faut que ce qui t'est proposé, tu aies vraiment l'impression que ça colle exactement avec tes désirs. Donc, tu vois les quatre piliers de l'addiction, c'est ça. C'est l'immersion 24 heures sur 24, le contrôle social, une intelligence artificielle qui analyse ton comportement en permanence et enfin, une expérience personnalisée qui te donne l'impression qu'en fait, il vaut mieux que tu sois là parce que ça te correspond parfaitement plutôt que tu fasses autre chose.

  • Speaker #1

    Merci Thibaut de nous avoir confirmé qu'on était tous addicts et tous manipulés.

  • Speaker #0

    Tout le plaisir était pour moi.

  • Speaker #1

    Merci à tous de nous avoir suivis. Si vous avez aimé ce podcast, n'oubliez pas de liker et de le partager. À bientôt. Ciao, ciao.

  • Speaker #0

    Mon œil, le podcast de l'intelligence économique présenté par Ghizlane Mathiau.

Description

Mon Oeil jette un oeil sur le monde de Thibault Renard, expert en intelligence économique et influence. Senior Advisor du CyberCercle. Expert au Comptoir Prospectiviste. Comment les plateformes nous rendent-elles addicts ? Captologie, économie de l'addiction, manipulation. La captologie est l'étude de l'informatique et des technologies numériques comme outil d'influence, de persuasion des individus. Et la captologie est partout : Netflix, Tinder, et toutes vos plateformes préférées.

Business, podcast intelligence économique


Hébergé par Ausha. Visitez ausha.co/politique-de-confidentialite pour plus d'informations.

Transcription

  • Speaker #0

    Mon œil, le podcast de l'intelligence économique. Présenté par Ghizlane Mathiau.

  • Speaker #1

    Salut les internautes, Mon œil jette un coup d'œil sur le monde de Thibaut Renard, Senior Advisor au CyberCircle, expert au comptoir prospectiviste, spécialiste en intelligence économique et influence. Dans Mon œil, aujourd'hui, on va parler de captologie, l'informatique... appliquée aux technologies persuasives. Ça peut paraître compliqué, dit comme ça, mais en fait, c'est simple. Je suis Ghizlane Mathiau, vous écoutez Mon Oeil. Bonjour Thibault, comment ça va ?

  • Speaker #0

    Bonjour !

  • Speaker #1

    Alors dans Mon Oeil, aujourd'hui, on va parler de captologie, l'informatique appliquée aux technologies persuasives. Ça peut paraître compliqué, dit comme ça, mais en fait,

  • Speaker #0

    c'est simple. En fait, c'est un... terme qui nous vient des Etats-Unis. En français, on l'a traduit « captologie » . Donc, ce qui fait qu'on a plutôt eu tendance à dire que c'est un peu la science ou les techniques de captation de l'attention. Alors que non, en anglais, c'est « computers as persuasive technology » . C'est ça, le terme « captologie » . Ça veut dire quoi ? Ça veut dire qu'on va utiliser les technologies informatiques, les ordinateurs. Les ordinateurs, aujourd'hui, c'est les smartphones, etc. Mais à l'époque, puisque le terme est inventé au début des années 2000, à l'époque, on dit « on va utiliser les technologies » . informatique pour persuader les gens à faire quelque chose, changer leur comportement. Et c'est vrai que souvent en France, quand on dit « captologie » , on a tendance à dire « Ah, c'est tout ce qui consiste à capter l'attention » , alors qu'en anglais, non. En gros, c'est « qu'est-ce qu'on en fait ? » . Alors effectivement, il y a un point de départ qui est capter l'attention de la personne, mais qu'est-ce qu'on lui fait faire ? Quelle technique on va utiliser ? Qu'est-ce qu'on va utiliser grâce à l'informatique pour faire faire quelque chose à quelqu'un ? Généralement, c'est utilisé par les GAFAM, le plus connu de tous. Ce qui l'a utilisé, c'est Facebook évidemment, mais c'est aussi Google, c'est aussi Microsoft, c'est aussi Twitter. Mais ça ne s'arrête pas aux entreprises de l'informatique. C'est aussi utilisé par exemple par Netflix. Typiquement, les plateformes aujourd'hui numériques, Apple, Amazon, Netflix, Disney+, tout ce que tu veux, utilisent aussi des méthodes liées aux technologies persuasives. En gros, c'est quasiment toute application que tu as sur ton smartphone potentiellement utilise des technologies persuasives. Son but est quand même... Il y a des applications, on va dire open source, etc., qui ont vocation à faire œuvre utile. Mais globalement, ça reste des acteurs qui sont là pour gagner de l'argent, avoir un business model. Et donc, évidemment, ces technologies persuasives pour renforcer, alimenter le business model. Donc au début, c'était les acteurs du numérique. Mais aujourd'hui, ça concerne aussi des acteurs du divertissement qui s'appuient toujours sur le numérique via les plateformes. Typiquement, Netflix est un acteur connu de la captologie puisque soit le design de sa plateforme soit la façon dont sont écrits les contenus sur Netflix, soit l'algorithme lui-même de Netflix utilise des technologies persuasives pour te faire rester le plus longtemps possible devant Netflix.

  • Speaker #1

    Donc, capter l'attention pour gagner de l'argent, c'est leur business model ?

  • Speaker #0

    Non, en fait, le principe, c'est capter l'attention pour te faire faire quelque chose, pour changer ton comportement. Donc, effectivement, le point de départ, c'est gagner de l'argent. C'est gagner de l'argent, soit parce que tu vas rester longtemps sur ton application et donc tu vas avoir des pubs, soit tu vas produire quelque chose, tu vas produire des... contenus tu vas t'engager là dedans pour apporter du contenu à la plateforme qu'elle n'a pas envie de produire elle-même je sais pas instagram voilà les gens qui sont sur instagram produisent du contenu la plateforme n'a pas besoin de s'embêter à produire son propre contenu puisque tu le fais donc voilà donc ça peut être oui gagner de l'argent grâce à autant que tu passes devant via de la pub ça peut être gagner de l'argent parce qu'ils vont revendre des données personnelles ça peut être gagner de l'argent ou leur faire gagner de l'argent parce que tu produis des contenus à leur place évidemment comme tu produis des contenus pas y avoir des gens qui vont venir apporter de l'audience à la plateforme voilà sur youtube tu produis des contenus et d'autres personnes viennent les voir. YouTube est gagnant, ils n'ont rien à produire. C'est un peu comme si une chaîne de télé n'avait même pas besoin d'acquérir des contenus, puisque c'est ses propres utilisateurs qui produisent les contenus, c'est génial.

  • Speaker #1

    Tu t'es entendu parler de l'économie de l'attention. C'est quoi cette économie de l'attention ?

  • Speaker #0

    L'économie de l'attention, c'est en gros, on va monétiser le temps que tu passes, on va générer de l'argent grâce au temps que tu passes devant ton écran. C'est pas nouveau, ça date pas de l'économie de l'attention, ça date pas des technologies persuasives. Avant, quand tu regardais la télé, il y avait une économie de l'attention au sens, si j'ai un million de spectateurs devant un film, potentiellement ça fait un million de personnes qui vont regarder les pubs avant, après, pendant le film. Donc c'était à l'époque ce que Patrick Lelay, l'ancien responsable, enfin dirigeant de TF1 disait, nous on n'est pas là pour en soi divertir les gens ou leur apporter du contenu, on est là pour apporter du temps de cerveau disponible à nos annonceurs. Un annonceur, lui, ce qu'il veut, c'est 10 millions de personnes qui accordent 30 secondes de leur attention à leur pub. Donc voilà, l'économie de l'attention, ça existait déjà à l'époque des journaux papiers, puisque il y a des journaux papiers qui fonctionnent qu'avec les abonnements, mais il y a aussi les journaux papiers. qui fonctionne avec de la pub. Donc en gros, si tu passes 30 minutes à lire ton magazine et que tu lis les pubs, tu lui as accordé de l'attention. Et puis après, cette économie s'est développée via la télévision. Tu restes devant ta télévision. Mais jusqu'à présent, si tu veux, ce qui se passait, c'était je parcellise, on va dire, mon attention. Mais voilà, je ne suis qu'au cinéma ou je ne suis que devant ma télé, mais j'arrête quand je veux. Et ce qu'a changé la captologie, ce qu'ont changé les technologies persuasives, ça a été assez bien résumé par Reed Hastings, le fondateur de Netflix. La légende veut que, alors est-ce que c'est vrai, est-ce que c'est pas vrai, on sait pas, mais c'est lui qui l'a raconté comme ça, la légende veut que il a eu l'idée de créer Netflix parce qu'un jour il a eu une pénalité parce qu'il a rendu trop tard un DVD qu'il avait loué au vidéoclub. Il était tellement énervé de cette pénalité qu'il a décidé que puisque c'est comme ça, il n'y aurait plus jamais au vidéoclub et qu'il a créé une plateforme qui permette d'éviter d'aller au vidéoclub. Est-ce que c'est vrai, est-ce que c'est pas vrai, en tout cas c'est lui qui le raconte. En tout cas il a réussi, en tout cas. Aujourd'hui il n'y a plus de vidéoclub qui existe dans les rues. Mais ce qui est intéressant, c'est que Rita Skintz, il a résumé, en fait, quand on lui a demandé c'est qui les concurrents de Netflix, il n'a pas dit c'est les autres chaînes de télé ou c'est YouTube. En gros, il n'a pas dit c'est d'autres écrans. Il a répondu le principal concurrent de Netflix, c'est le sommeil.

  • Speaker #1

    Oui, d'ailleurs, si on regarde beaucoup d'épisodes à la suite sur Netflix sans intervenir sur la télécommande, on te demande si tu es toujours là.

  • Speaker #0

    Exactement, parce qu'en fait, si tu veux maintenant... Alors Netflix, dans son modèle, c'est pas comme par exemple YouTube qui va compter le nombre de vues ou TF1 qui va compter le nombre de spectateurs. Netflix mesure le succès de ses contenus par le temps passé devant. Pour eux, la question n'est pas de savoir combien il y a eu de spectateurs, c'est combien tu es resté devant la série.

  • Speaker #1

    Il faut binger le maximum d'épisodes, le maximum de saisons.

  • Speaker #0

    C'est exactement ça, c'est en gros, ils s'en foutent qu'il y a eu un succès critique, ils s'en foutent qu'il y a eu un succès d'estime, ils s'en foutent que... Il y a eu 10 millions de personnes qui ont regardé le premier épisode. La seule question qui vaille, c'est combien il y a eu d'heures passées, combien il y a de gens qui sont allés jusqu'au bout, et combien il y a eu d'heures passées à regarder cette série. L'enjeu, c'est un, est-ce que tu restes longtemps devant ta série ? Et puis aussi, est-ce que tu vas, après que tu as fini ta série, est-ce que tu vas quand même rester devant Netflix ? Seul le sommeil, à la rigueur, peut t'arrêter. Et c'est pour ça que typiquement, dans Netflix, quand tu finis un épisode et que si tu ne fais rien, l'épisode suivant se déclenche. c'est de la technologie persuasive. C'est-à-dire, en gros, si tu ne fais rien, l'outil décide à ta place que si tu ne fais rien, ça veut dire que tu acceptes qu'un nouvel épisode soit lancé. Et ça structure aussi la façon dont on produit les contenus, puisque ce n'est pas pour rien que les séries Netflix, très souvent, il y a un cliffhanger, tu vois.

  • Speaker #1

    Et tu passes l'intro, tu zappes le générique.

  • Speaker #0

    Ouais, tu passes l'intro, mais ça, il ne t'en veut pas de passer l'intro. Et puis, il ne t'en veut pas non plus de passer le générique à la fin, par exemple. Typiquement, dans cette économie-là de l'attention, le générique est un ennemi. T'imagines, trois minutes de générique, tu vas te barrer en fait, tu vas partir faire autre chose. Donc souvent, pareil, sur ta plateforme, il va te dire, je te propose des appels génériques.

  • Speaker #1

    Est-ce que les gens comprennent qu'ils sont manipulés ?

  • Speaker #0

    Ce qu'il faut, c'est comprendre en fait, comment est-ce qu'on en est arrivé à manipuler les gens grâce à ça. On va faire un bond de 20 ans en arrière, début des années 2000. Donc le début des années 2000, c'est vraiment le tout début, entre guillemets, d'Internet. Et donc, tu as un type qui s'appelle B.J. Fogg, qui a un laboratoire sur le comportement, sur le design comportemental à Stanford. Et justement, il fonde cette discipline qui dit qu'on va utiliser les technologies informatiques pour changer un comportement. Alors, il a écrit un bouquin qui s'appelle Persuasif Technologie, qui a plutôt bien vieilli. Il va énoncer toute une série de principes assez intéressants. Mais en gros, la première chose qu'il dit, c'est que la clé, c'est le design. Le design, si tu veux, de ta plateforme, de ton site informatique, le design de ton outil est primordial. Si tu foires ton design... Si ton outil paraît compliqué, c'est foutu. Donc déjà, règle numéro un, le design des outils doit primer sur tout le reste. Donc ça, ça va donner déjà lieu à quelques dérives, puisque ça va donner ce qu'on appelle les dark patterns, où en fait le design est volontairement fait pour tromper les gens. Donc il faut changer les comportements ou forcer les comportements. C'est typiquement si tu vas, je ne sais pas, sur Ryanair, ou pour acheter ton billet, tu vas avoir, tu vois, ils vont toujours te proposer une assurance, toujours te proposer, et vous ne voulez pas aussi un taxi à la sortie de l'hôtel. Et en fait... Pour vraiment valider ton billet, il y a genre 8 séries de validation où à chaque fois, on t'incite à prendre quelque chose en plus. Le design, l'ergonomie du site internet ou de l'application te force à faire quelque chose que tu n'as pas envie de faire. Le design, c'est vachement bien quand on simplifie tout. Il faut que ton application, tu puisses t'en servir en quelques fractions de secondes. Donc voilà, ça a été le premier fondement. C'est que si tu veux designer le comportement de quelqu'un, ton outil, ton application doit être designé de manière à être super simple, super intuitive, pas compliqué. Et si on peut te forcer à faire des trucs que tu n'as pas envie de faire, ça peut être encore mieux. Première chose qu'apporte BGFox, c'est que le design est primordial. On assimile la crédibilité d'une source, la crédibilité d'un site internet à son design. Si son design est génial, on va lui accorder plus de crédibilité que si c'est un site limite gouvernemental tout pourri. Première chose, ils disent, et c'est normal, on est au début des années 2000, donc le design des sites internet c'est super important. Et BG Fogg va dire, maintenant on va utiliser des technologies, des technologies persuadives pour changer le comportement des gens. On va leur faire faire cette fois-ci des choses qu'ils n'ont pas envie de faire normalement. Ce que Fogg va rajouter, et là par contre... Tout le monde va s'en emparer. Ça va être le modèle comportemental de Fogg. Et il va dire, en gros, que le comportement d'une personne, qu'il est dicté par trois choses. Sa motivation. Est-ce que tu as envie de faire ou pas ce que je te propose ? Un signal, c'est-à-dire un trigger. En gros, un déclencheur. Je ne vais pas te faire faire quelque chose. Spontanément, tu ne vas pas faire un truc. Donc, il faut que je déclenche. C'est là qu'on arrive dans l'économie de l'attention. Au sens, il faut que je capte ton attention parce que je vais capter ton attention par un déclencheur. Et enfin, et c'est le plus important, il faut que ce soit facile et ce que va décréter Fogg c'est qu'il va dire c'est même plus subtil que ça c'est que il faut pas se fatiguer à essayer de motiver les gens faire quelque chose à quelqu'un de compliqué si ça lui demande beaucoup de motivation c'est une perte de temps plutôt que motiver les gens à faire une chose compliquée mieux vaut leur faire faire même s'ils sont pas motivés du tout leur faire faire faire des trucs très très très faciles et en fait la clé du changement de comportement d'une personne ne réside pas dans la persuasion c'est marrant parce qu'on dit technologie persuasive Mais en réalité, d'une certaine manière, elle ne te persuade pas, elle te facilite à outrance. C'est-à-dire, en gros, pour te donner un exemple, si je te dis, je te propose pendant deux heures de regarder, ou même une heure de regarder 400 vidéos dont 390 sont parfaitement inutiles, et à la fin, tu te souviendras plus que tu as regardé, mais tu vas voir, c'est super quand même, tu vas m'envoyer pêtre. Par contre, si je te dis, non, non, mais regarde cette vidéo-là, et que je te fais 400 fois de suite, une petite vidéo facile à regarder t'as pas besoin d'être motivé, y'a qu'une vidéo et t'as pas besoin non plus de te fatiguer non plus, il suffit de scroller, de faire un petit geste qui demande pas une grosse tâche pour lancer la suivante et c'est comme ça que tu te retrouves en fait pendant une heure à avoir fait 400 petites actions, t'as maté 400 vidéos pendant une heure en scrollant sur Instagram ou Facebook ou Youtube avec des shorts etc ça c'est vraiment révolutionnaire c'est ce que va apporter Fock, Fock dit n'essayez pas de motiver les gens n'essayez pas de motiver les gens, ce que vous allez faire ... vous allez leur faire faire des trucs très très très faciles. Et l'avantage, c'est que quand tu fais faire un truc très très très facile à quelqu'un, il a beaucoup de mal à dire non. C'est une technique de manipulation classique, mais si tu proposes à quelqu'un quelque chose de très facile à faire, c'est compliqué pour lui de dire non. Et en plus, si tu lui fais faire plusieurs fois, tu vas l'habituer, et en plus ça va être de moins en moins compliqué à faire. Donc ce que dit Fogg, c'est que ce qu'il faut faire, c'est faire faire, cumuler, cumuler, cumuler, des dizaines, des centaines, des milliers de choses très très très faciles à faire. Plus ça va s'accumuler, plus ça va être facile. Donc, c'est un espèce de cercle virtueux où tu te retrouves avec des gens qui passent leur vie sur leur smartphone, en fait.

  • Speaker #1

    OK, on a compris. Mais est-ce que tout ça, c'est de l'influence positive ?

  • Speaker #0

    Ah, bonne question. Alors, ça ressemble un peu... Alors, ce qui est rigolo, c'est que B.J. Fogg, il a quitté aujourd'hui un peu ce milieu du numérique et il est devenu un peu coach de vie. Et donc, il a théorisé son modèle en ce qui s'appelle les petites habitudes. Je vais te lire, c'est très rigolo, je vais te lire son bouquin, il est en français, ça s'appelle « Changer sa vie grâce aux petites habitudes » . C'est assez proche du nudge, c'est-à-dire effectivement tu vas changer le comportement d'une personne de manière positive. Et donc je te lis un peu la promo du bouquin, c'est « Vous voulez progresser, avoir une meilleure hygiène de vie, mieux vous organiser, vous consacrer à un projet personnel. Commencez par oublier la volonté, contrairement à ce qu'elle prétend, elle est impuissante. » Donc ça c'est le fondement de Fogg qui est… Pour changer un comportement, ce n'est pas la motivation qui compte. La motivation finit toujours par s'éteindre. C'est comme du carburant, la motivation finit toujours par s'épuiser. Donc il dit, la volonté, contrairement à ce qu'elle prétend, elle est impuissante. Elle fait l'illusion à un temps, puis tout s'effondre. La seule façon efficace de vaincre l'inertie et de se mettre sur la bonne voie consiste à modifier ses petites habitudes du quotidien. Ce sont en effet les petits changements qui changent tout. Donc en gros, lui, sa théorie, c'est de dire effectivement, un peu comme pour le nudge, où tu vas faire des petits changements positifs pour que globalement... la société aille mieux, grâce au nudge tu vas peut-être faire des petits dons, tu vas être plus propre, tu vas être mieux organisé, etc. Et bien effectivement, Fogg a adapté son modèle à te faire changer ton comportement en positif. Donc tu as ce premier grand principe, on peut appeler ça de la manipulation, mais en tout cas de changement des comportements que va créer BG Fogg. La clé c'est, on oublie la motivation, il faut que tout soit facile à faire. En gros, s'il faut que tu sois motivé pour arrêter, tu vois le cercle vicieux. En gros, il faut être motivé pour arrêter, alors que si tu n'es pas motivé, tu continues. Donc c'est vachement pratique d'enfermer quelqu'un dans un espèce de... un peu comme un rat qui court sur une roulette, là. C'est comme ça que ça marche. Premier principe, celui de Fogg. Et deuxième principe, et là ça va nous intéresser par rapport à cette autre grande famille de manipulation des réseaux sociaux, ça s'appelle le modèle de Hook. Le modèle de Hook, il dit quoi ? Il dit « Ok, c'est d'accord, c'est bien, il faut que les choses soient faciles à faire. » Ça c'est BG Fogg. Il faut des choses faciles à faire, comme ça on embarque tous les gens, même celles qui ne sont pas motivées. Mais il faut qu'elles s'investissent, les personnes. Il faut qu'elles s'apportent quelque chose. Et puis il faut qu'elles reviennent aussi, tant qu'à faire. Donc qu'est-ce qu'il dit Hook ? Il dit « Bah ouais, il faut toujours un trigger. » n'importe quoi, une notification, ton téléphone qui vibre, une sonnerie, tout ce que tu veux. Mais il faut un trigger. Et après, ce qu'il faut, c'est que ce trigger, il enclenche une action chez toi. Poster une photo, liker quelque chose, partager, tout ce que tu veux. Mais ça doit déclencher une action chez toi. Et là où ça devient très important, c'est que cette action que tu as fait déclenche une récompense. Tu dois être récompensé de ce que tu as fait. Donc typiquement, tu postes une photo sur Instagram, tu vas avoir des likes. Tu mets un commentaire. Tu vas avoir un nombre de vues où ton commentaire va être partagé, etc. Donc, un trigger, une action, une récompense. Et cette récompense te donne envie de t'investir dans la plateforme. Soit tu vas te mettre toi-même à poster des ressources, soit tu vas partager d'autres ressources, soit tu vas faire des commentaires, etc. L'idée, c'est que comme on est heureux, on a une espèce de petit shoot de dopamine, on s'investit. Et c'est ça aussi qui crée les phénomènes d'addiction. C'est que d'un côté, tu as le principe de Fock qui dit que c'est ultra facile, donc on se fatigue. pas d'une certaine manière, on s'épuise d'une certaine manière à ne pas dormir, à être dessus, mais on ne ressent pas l'effort à utiliser ces applications-là. Donc ça ne demande pas d'effort et en plus, ça te récompense. Donc c'est génial. Tu vois, tu expliques moi une fake news, souvent on se dit, ah, une fake news, c'est une forme de mensonge, on trompe la personne. Donc si j'explique à la personne d'en face, imagine, tu reçois une fake news, donc t'es trigué, t'as le trigger. Toi, tu vois la fake news, imagine, je ne sais pas, tu y crois. Donc tu la partages, c'est ton action. Bim, t'as tout. toute ta communauté qui soit repartage à nouveau ta fake news, soit te met plein de likes, donc tu es récompensé. En plus, tu as gagné de la visibilité, tu es contente, les gens s'intéressent à toi, etc. Donc, tu as ta récompense. Donc, tu vas t'investir plus sur la plateforme, soit pour poster toi-même d'autres nouvelles ou trouver d'autres nouvelles à partager sur quelqu'un que tu n'aimes pas ou que tu aimes bien, etc. Et puis, tu vas recevoir une notification et ainsi de suite. Donc, c'est génial, entre guillemets, partager des fake news parce que tu es récompensé. Toi, en tant qu'utilisateur... Partager une fake news, pour toi, c'est tout bénef. Tu gagnes de la visibilité, de l'amour, de l'amitié, de la récompense. Mais si toi, t'arrives après que tu lui expliques à la personne que... Ben non, c'est faux. Tu te rends compte de ce que ça implique par la personne d'en face ? Tu remets en cause son investissement. Déjà, elle va moyennement apprécier de cette fée Bernay, d'avoir partagé... Donc toi, tu remets en cause son action. Zut, elle a partagé une fake news fausse. Tu la prives de sa récompense. Parce que maintenant, si je partage plus des fake news, je serais plus récompensé. Ou même... je vais passer pour un con. Et puis en plus, tu as remis son investissement, en cause, son investissement dans la plateforme. Donc en gros, sous cet angle-là, lutter contre les fake news, par exemple, en rétablissant la vérité, ça équivaut à une punition. On est encore beaucoup sur cette problématique d'influence, fake news, désinformation, etc. On est encore beaucoup dans un paradigme de dire qu'il faut rétablir la vérité. Mais ce n'est pas comme ça que ça marche, en fait. Tu peux avoir une satisfaction intellectuelle à connaître la vérité ou à voir la vérité rétablie. Sauf que dans un écosystème où... Le paradigme principal, c'est la récompense. Et bien là, la vérité, elle est vachement désavantagée par rapport aux mensonges, à la fake news, au sensationnalisme, etc. Et donc, il faut faire très attention parce que rétablir la vérité, ça ne veut pas dire un partout, balle au centre. Et c'est quelque chose qui est difficile encore à assimiler, de dire non mais voilà, si mon but c'est de lutter contre la désinformation, si mon but c'est de lutter contre la manipulation d'une personne, il faut faire attention, il ne faut pas lui dire, en gros, tu es dans l'erreur. Parce que ça veut dire quand même que tu... Tu remets en cause son investissement, tu vas la priver de récompense. Ce n'est pas anodin, tu vois. Ce n'est pas juste rétablir, on va dire, un équilibre informationnel où la vérité est plus intéressante que le mensonge. Donc,

  • Speaker #1

    ce que tu es en train de me dire, c'est que les réseaux sociaux favorisent les fake news et pas la vérité parce que pour les fake news, on a besoin de moins d'attention.

  • Speaker #0

    En fait, l'attention, ça ne se partage pas. Essaye de conduire une voiture tout en étant sur ton téléphone mobile.

  • Speaker #1

    Ah non, pas ça.

  • Speaker #0

    Voilà. à vélo, essaie d'être à vélo et d'être sur ton smartphone, tu vas très vite te rendre compte que ce n'est pas possible. Tu peux marcher en écoutant de la musique. Ça, tu peux le faire. Tu peux mettre ta télé en fond sonore et puis faire autre chose. Par contre, sur ton smartphone, il est conçu pour capter ton attention. Donc, tu ne vas pas pouvoir conduire. Il y a des milliards de choses que tu ne vas pas pouvoir faire. Alors inversement, si tu écoutes un podcast ou un audiobook, c'est très compliqué de maintenir une attention auditive, par exemple. Donc, si tu te mets à faire autre chose pendant que tu écoutes ton podcast ou ton audiobook, tu vas te rendre compte que tu es un chapitre plus loin.

  • Speaker #1

    C'est comme le poisson rouge qui fait un tour du bocal et qui ne se souvient de rien.

  • Speaker #0

    En fait, ce n'est pas vrai l'histoire du poisson rouge. La légende dit que ce sont les vendeurs d'aquariums de bocal de poisson rouge qui ont inventé cette histoire-là pour dire que les poissons rouges avaient 6 secondes et que vous ne vous inquiétez pas, ils ne se sentent pas enfermés, etc. Donc, en réalité, ce n'est pas vrai. Les poissons rouges ont une mémoire. Ils ont une mémoire. C'est une super belle image. C'est pour ça que j'aime bien le titre du livre de Bruno Patino, La civilisation du poisson rouge. Mais hélas, c'est une fake news, le fait que les poissons rouges ont six secondes d'attention. En réalité, ils dépriment bien quand on les maltraite. Ils se souviennent très bien de qui leur donne à manger et de qui les maltraite, les poissons rouges. il ne t'oublie pas six secondes après. Ce qui est vrai, par contre, dans la métaphore du poisson rouge, c'est que l'attention, effectivement, ça ne se partage pas. Donc ça, c'est vachement important. C'est pour ça que Trump, il est très fort. C'est que, n'empêche que Trump, il peut raconter toutes les conneries qu'il veut. Pendant qu'il les raconte, on l'écoute. Et on ne s'intéresse pas à ce que vont raconter les autres. Donc c'est un peu une logique de publicitaire qui consiste à dire, à la rigueur, en bien ou en mal, peu importe, vous avez capté l'attention. Ça veut dire que si vous avez capté l'attention des gens, au moins... qui vous aiment ou qui vous détestent, ils ne s'intéressent pas à ce que vos détracteurs ou les autres ont à dire. Donc, il y a au moins là où tu es gagnant. C'est-à-dire que le temps que tu as pris d'attention pour toi, les autres ne l'auront pas. Donc, dans ces guerres de l'attention, c'est effectivement important. Et puis, effectivement, il y a ces histoires de récompenses. Et donc, le rapport quand même avec le poisson rouge, c'est qu'on estime, justement, à une dizaine de secondes, le temps. le temps où il faut justement que les applis, pour te maintenir sous tension, se tendent entre les triggers, avec mes fameux triggers pour enclencher mon cycle ou enclencher mon truc facile, mon changement de comportement. C'est à peu près une dizaine de secondes où les applis, de manière optimale, devraient te stimuler tout le temps. Dans les guerres informationnelles, il y a capter l'attention des gens, parce que quand on l'a, l'adversaire... manque de cette attention-là. Il faut récompenser les gens, les récompenser, de préférence en les confortant dans certains avis, les enfermer dans des bulles. Il y a un documentaire très sympa qui s'appelle Facebook, la fabrique de l'opinion, où ils ont fait... Parce qu'il y a un grand débat, par exemple, sur les bulles de filtre. Parce que si tu veux, tu as un grand débat sur ces fameuses technologies persuasives. Il y a des gens qui disent qu'en fait, elles ne font qu'amplifier des choses qu'il y avait déjà chez toi. Il y avait les bulles de filtres, ça a toujours existé. Les comportements, voilà, propager des fausses informations, ça a toujours existé. Bref, tout ceci ne fait qu'amplifier quelque chose qui, de toute manière, existe. Et puis, il y a d'autres gens qui disent que non, on est carrément basculé dans un autre truc. Et en fait, ces applications te font véritablement faire des choses que tu n'aurais pas fait en temps normal. Donc, par exemple, typiquement, sur le cas des bulles de filtres, il y a un documentaire sympa qui s'appelle Facebook, la nouvelle fabrique de l'opinion, où ils se sont amusés, ils ont pris six étudiants d'école de journalisme. Et puis, en fait, il y a un étudiant qui jouait le rôle de quelqu'un de La République en marche. C'était en France, donc quelqu'un de La République en marche. Un qui jouait le rôle de LFI, un qui jouait le rôle, etc. Et ils les ont fait aller se promener sur Facebook, chacun en jouant un peu son rôle. Et en fait, c'était très, très, très impressionnant. On voyait véritablement les bulles de filtres de chacun se créer, au point qu'ils n'avaient plus d'informations communes, en fait. C'est que sur la fin, je ne me souviens plus, je crois que c'était 5% ou même 2%, une information que tout le monde aurait eue, c'était quasiment l'exception, en fait. chaque personne avait eu des informations propres à son profil et exclusivement à son profil. Donc c'est d'ailleurs ce qui s'appelle un peu les quatre piliers de l'addiction, on y reviendra après si tu veux. Et là c'est clair que non, on est quand même passé dans autre chose, c'est qu'aujourd'hui ces technologies elles sont prescriptives, elles ne se contentent pas d'amplifier des biais cognitifs qu'on aurait, des comportements qu'on aurait, elles ne font pas qu'amplifier quelque chose qui était en germe en nous, elles créent véritablement des comportements. Alors tu vois typiquement, je vais te donner un exemple assez rigolo. Les applis de rencontre, les applications de rencontre, Tinder par exemple était très facilité, tu ne sois pas droite, tu ne sois pas gauche, si tu matches tu as ta récompense, donc on va dire que Tinder est vraiment l'archétype de ce genre de modèle qui fonctionne par la récompense, et puis si tu veux avoir plus de matchs ou si tu veux plus, il faut donner des sous, etc. Il y a une autre appli par exemple, est-ce que tu connais le test IMBT, les 4 lettres ?

  • Speaker #1

    MBTI MBTI

  • Speaker #0

    Voilà, c'est un test scientifiquement, il n'est pas très solide. Il n'a pas encore été très, mais bon, il est très utilisé dans les entreprises, etc. Maintenant,

  • Speaker #1

    moi, je serais une INFJ.

  • Speaker #0

    Alors moi, je suis, je ne sais plus quoi, un innovateur. Je crois que je suis un ENTP, si je me souviens bien. Ou INTP, enfin bref, peu importe. Mais là où ça devient problématique, c'est que typiquement, il y a une application qui s'appelle Boo, qui se fait se rencontrer des personnes. Même principe que Tinder, tu vois. Il faut regarder les photos, il faut soit dire oui, non, etc. Sauf que dans ton profil d'application, il y a ton profil MBTI. Donc tu es, je n'en sais rien, ENTP par exemple. Alors tu vas me dire, ouais, et alors, t'as plein d'applis de rencontre où par exemple t'as ton signe astrologique. Donc voilà, il y a des gens qui vont dire, ah bah tiens, je suis verso, je veux aller avec une balance. Et donc, je croyais déjà en l'astrologie.

  • Speaker #1

    Et t'es de qu'est-ce signe en fait ?

  • Speaker #0

    Ah, je suis sagitaire, tu vois, donc je suis de la fin de l'année. Donc typiquement, imaginons, voilà, si moi je dis je suis sagitaire et je cherche une verso, effectivement l'application n'a fait que renforcer quelque chose qui existait déjà chez moi. Le problème, c'est par exemple chez vous, c'est qu'en gros ils vont dire... « Ah, ben tu es ENTP, tu irais bien avec INSJ, j'ai raconté n'importe quoi. » Mais ça va plus loin. Ça te dit cette personne qui est INSJ, elle se comporte comme ça. Donc si tu veux lui plaire, il faudrait plutôt que tu fasses ça. Il faudrait plutôt que tu fasses ci. Et en gros, tu as un mode d'emploi qui t'est fourni sur comment la personne fonctionne, selon ce truc, et surtout comment tu dois te comporter vis-à-vis de cette personne. Et ça, clairement, c'est pas comme si je crois en astrologie et je décide que je suis sagittaire et je voudrais trouver une balance. Là, on est sur des applis qui te disent quoi faire et qui vraiment te font faire des choses, te font adopter des comportements quand en normal, tu ne le ferais jamais.

  • Speaker #1

    Et la liberté alors ?

  • Speaker #0

    La liberté, on va même aller plus loin, c'est la question du consentement. C'est toute la différence entre la persuasion et la manipulation. Si moi, je te convainc par des arguments, alors évidemment, je ne vais pas être 100% honnête si j'attends quelque chose de toi. Donc, si je suis dans une logique de persuasion ou de communication par rapport à toi, évidemment, dans ma tête, j'ai envie que tu dises oui. Mais... je vais te dire oui en essayant de te convaincre. Mais je te laisse le choix entre dire oui ou dire non. Alors que quand tu utilises une technique de manipulation, là je te laisse pas le choix. Tu vas dire oui, et tu ne le sais pas encore, mais tu vas dire oui. Je vais pas te laisser l'opportunité de dire non. Je vais créer un environnement cognitif où en fait le non n'existe pas. Ton seul chemin ça va être le oui. C'est un peu comme les spectacles de mentalisme. Tu sais quand tu regardes un spectacle de mentalisme et que le mentaliste il t'explique, il devine ce qu'il y a dans les pensées des gens. Et effectivement tu regardes le spectacle, tu fais wow, extraordinaire. Sauf que non, l'astuce c'est qu'il connaît déjà la fin de l'histoire et il fait aller la personne d'un point A à un point B sans que cette personne-là en ait conscience. Ça veut dire que dans un spectacle de mentalisme, tu fais faire des choses à quelqu'un que normalement il ne ferait pas. Et donc la manipulation, les techniques de manipulation c'est ça, c'est faire faire quelque chose à quelqu'un mais tu ne lui laisses pas l'opportunité, tu ne lui laisses plus l'opportunité en fait de dire non. Tu lui choisis son chemin à sa place. Donc évidemment ça pose des questions éthiques, notamment celle du consentement. Comment convaincre une personne de dire oui ? « Ok, on le fait tous. Depuis la nuit des temps, depuis le premier homme des cavernes qui a essayé de séduire une jeune femme des cavernes, depuis la nuit des temps, il a essayé de convaincre quelqu'un de le choisir comme partenaire, etc. » Là, on est sur un autre paradigme. C'est « Je ne te laisse pas le choix. Tu vas faire quelque chose. Tu peux considérer que c'est pour ton bien. » Mais ça pose effectivement des questions éthiques. Toutes ces techniques de manipulation, quand bien même ce serait pour le bien des gens, il n'empêche que... ça postule que la notion de consentement, on s'en passe dans certaines circonstances.

  • Speaker #1

    Est-ce qu'on peut revenir sur les quatre piliers de l'addiction ?

  • Speaker #0

    Oui. Alors, les quatre piliers de l'addiction, parce qu'on en parle beaucoup de l'addiction, parce que c'est la grosse problématique. Tu vois, les gens sont embarqués dans des trucs qui leur manipulent le cerveau à leur insu, parce qu'en fait, ils n'en ont pas conscience de ces mécaniques. La matrice, le modèle de Fogg, le modèle de Hook, tous ces trucs-là. Une fois que tu comprends comment ça marche, Tu comprends mieux ton comportement et le comportement de certains de tes interlocuteurs. C'est quand même important de les connaître. Mais fondamentalement, la mécanique, les gens ne les connaissent pas. Et la conséquence de tout ça, effectivement, c'est de l'addiction. Et donc, il y a un collectif qui s'appelle le collectif Time Well Spent, qui a défini les quatre piliers de l'addiction. Alors, pas l'addiction au sens de la nicotine ou l'alcool. Enfin, tu vois... ... pas de l'addiction entre guillemets physique, mais l'addiction numérique. Et donc, c'est quoi pour elles, pour eux, les quatre piliers de l'addiction numérique ? Un, c'est l'immersion. Il faut que tu sois 24 heures sur 24, 7 jours sur 7, en contact avec ton objet numérique. Donc, il faut que, déjà, pour être addict, que tu aies en permanence ton smartphone, que tu aies en permanence cet objet numérique avec toi. Donc, ça, c'est fait. Voilà, et c'est pour ça qu'il va sans doute de plus en plus y avoir des espaces, comme pour le tabac ou comme pour le silence, tout ce que tu veux, des espaces sans smartphone qui vont se développer parce que les gens ne s'en sépareront pas, en fait, parce que c'est le principe. Donc, le pilier 1, c'est ça. Il faut que tu te sois H24. Pilier 2, c'est ce qu'on appelle le contrôle social. Il ne suffit pas d'être avec ton smartphone et regarder des vidéos YouTube tout seul dans ton coin. Il faut que tu sois dans un environnement où... Tu observes ce que font les autres et les autres observent ce que tu fais. Tu sais, c'est la panoptique. En fait, c'est un mec aux Etats-Unis qui a, pour que les gens se tiennent à carreau dans les prisons, il a créé un concept qui s'appelle la panoptique. Et en gros, pour que les prisonniers respectent les règles, il faut que 1, ils soient observés en permanence par des gardiens, mais qui sont derrière des glaces sans teint, donc en gros tu vois pas. Tu sais que t'es observé, mais tu sais pas quand. Et il faut que tout le monde observe ce que fait tout le monde. En gros, c'est un concept, la panoptique, où dans les prisons... t'as une espèce de contrôle, une autorégulation qui se fait parce que tous les prisonniers s'observent entre eux et ils savent en plus qu'ils sont observés par les gardiens mais ils savent pas ni où ni quand. Bah c'est pareil en fait ce qui renforce l'addiction à un outil numérique c'est le contrôle social. C'est à dire en gros tu sais que ce que tu fais est observé par des dizaines, des centaines, des milliers de personnes et donc à la fois t'y gagnes de la visibilité, t'y gagnes des récompenses mais en même temps tu deviens addict à ça parce que tu as besoin du regard des autres tu as besoin ... En gros, si tu es tout seul avec ton appli, tu n'as pas de raison d'être là. Donc, tu as un contrôle social de la foule sur toi et tu as ce besoin d'être évalué. On est des animaux sociaux. Donc, ton application va créer cet environnement de contrôle social où des milliards de gens vont interagir avec toi, soit pour te harceler, soit pour te récompenser. Mais en tout cas, tu vas devenir, même si c'est des gens qui te détestent, les gens qui sont victimes de harcèlement, On pourrait leur dire, c'est pas grave, coupe ton appli en fait, ou appelle un community manager, qu'est-ce que ça peut te foutre ? Mais non, ça ne marche pas comme ça en fait, parce que quand tu sais que des dizaines, des centaines, des milliers de personnes, soit t'écrivent, soit sont en train de dire des trucs sur toi, tu as besoin d'aller voir ce qui se passe. Et ça, c'est ce deuxième pilier, donc le contrôle social, on te crée un environnement social qui interagit avec toi, qui dit des choses sur toi, et donc tu as besoin de le savoir. Donc c'est le deuxième pilier. Le troisième pilier, il est très à la mode en ce moment, c'est l'intelligence artificielle. C'est qu'en gros, sur la base de tes données, de tes données personnelles, ou sur la base de ce qu'on te demande, les plateformes vont s'adapter à toi. Les algorithmes, typiquement la bulle de filtre, c'est ça. C'est en gros l'algorithme va analyser ton comportement en permanence. Tu vois, avant, tu étais dans des catégories. Tu étais dans des catégories de population, etc. Non, maintenant, grâce à l'intelligence artificielle, les algorithmes reconstituent, on va dire, ton profil. Google te connaît, c'est pareil, il y a un autre documentaire qui est bien, qui est sur les algorithmes, mais en gros qui disait que moi, typiquement moi, pour t'évaluer, l'être humain, pour évaluer un autre être humain, il a à peu près 5 critères. Une IA, un algorithme qui traite des données personnelles, il peut aller jusqu'à 500 critères. Donc ça veut dire que c'est ça. Donc en gros, le troisième pilier de l'addiction numérique, c'est que ta plateforme doit te connaître mieux que toi, tu ne te connais toi-même. Et donc, elle va agréger, agréger, agréger des données sur toi pour, en gros, mieux s'adapter à ton comportement. Et ça va aboutir au dernier pilier de l'addiction, qui est la personnalisation. Il faut que tu aies une expérience personnalisée, qui est propre à toi, en fait. Donc, il faut que ton fil d'actualité Facebook, ton fil Twitter, tes vidéos TikTok, tu aies vraiment l'impression que ça matche à chaque fois. Tu vois, c'est exactement ce qui te plaît. Et donc effectivement, si c'était comme les pubs à la télé, honnêtement, les pubs à la télé, on en profite pour aller faire autre chose. C'est pas du tout personnalisé, c'est adapté à un certain type de public. Si tu regardes une série à 2h de l'après-midi, Les Feux de l'Amour, tu sais que le public va plutôt être les retraités, donc tu vas pas avoir des pubs pour, je sais pas, des consoles de jeux. Et puis si tu regardes un match de foot, t'auras des pubs pour des rasoirs masculins. Enfin voilà, bien sûr que les... Ils essayent d'adapter un peu, mais fondamentalement, tu n'as pas l'impression que la page de pub, elle t'est dédiée. Donc, tu te barres. Là, c'est l'inverse. Il faut que ce qui t'est proposé, tu aies vraiment l'impression que ça colle exactement avec tes désirs. Donc, tu vois les quatre piliers de l'addiction, c'est ça. C'est l'immersion 24 heures sur 24, le contrôle social, une intelligence artificielle qui analyse ton comportement en permanence et enfin, une expérience personnalisée qui te donne l'impression qu'en fait, il vaut mieux que tu sois là parce que ça te correspond parfaitement plutôt que tu fasses autre chose.

  • Speaker #1

    Merci Thibaut de nous avoir confirmé qu'on était tous addicts et tous manipulés.

  • Speaker #0

    Tout le plaisir était pour moi.

  • Speaker #1

    Merci à tous de nous avoir suivis. Si vous avez aimé ce podcast, n'oubliez pas de liker et de le partager. À bientôt. Ciao, ciao.

  • Speaker #0

    Mon œil, le podcast de l'intelligence économique présenté par Ghizlane Mathiau.

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Description

Mon Oeil jette un oeil sur le monde de Thibault Renard, expert en intelligence économique et influence. Senior Advisor du CyberCercle. Expert au Comptoir Prospectiviste. Comment les plateformes nous rendent-elles addicts ? Captologie, économie de l'addiction, manipulation. La captologie est l'étude de l'informatique et des technologies numériques comme outil d'influence, de persuasion des individus. Et la captologie est partout : Netflix, Tinder, et toutes vos plateformes préférées.

Business, podcast intelligence économique


Hébergé par Ausha. Visitez ausha.co/politique-de-confidentialite pour plus d'informations.

Transcription

  • Speaker #0

    Mon œil, le podcast de l'intelligence économique. Présenté par Ghizlane Mathiau.

  • Speaker #1

    Salut les internautes, Mon œil jette un coup d'œil sur le monde de Thibaut Renard, Senior Advisor au CyberCircle, expert au comptoir prospectiviste, spécialiste en intelligence économique et influence. Dans Mon œil, aujourd'hui, on va parler de captologie, l'informatique... appliquée aux technologies persuasives. Ça peut paraître compliqué, dit comme ça, mais en fait, c'est simple. Je suis Ghizlane Mathiau, vous écoutez Mon Oeil. Bonjour Thibault, comment ça va ?

  • Speaker #0

    Bonjour !

  • Speaker #1

    Alors dans Mon Oeil, aujourd'hui, on va parler de captologie, l'informatique appliquée aux technologies persuasives. Ça peut paraître compliqué, dit comme ça, mais en fait,

  • Speaker #0

    c'est simple. En fait, c'est un... terme qui nous vient des Etats-Unis. En français, on l'a traduit « captologie » . Donc, ce qui fait qu'on a plutôt eu tendance à dire que c'est un peu la science ou les techniques de captation de l'attention. Alors que non, en anglais, c'est « computers as persuasive technology » . C'est ça, le terme « captologie » . Ça veut dire quoi ? Ça veut dire qu'on va utiliser les technologies informatiques, les ordinateurs. Les ordinateurs, aujourd'hui, c'est les smartphones, etc. Mais à l'époque, puisque le terme est inventé au début des années 2000, à l'époque, on dit « on va utiliser les technologies » . informatique pour persuader les gens à faire quelque chose, changer leur comportement. Et c'est vrai que souvent en France, quand on dit « captologie » , on a tendance à dire « Ah, c'est tout ce qui consiste à capter l'attention » , alors qu'en anglais, non. En gros, c'est « qu'est-ce qu'on en fait ? » . Alors effectivement, il y a un point de départ qui est capter l'attention de la personne, mais qu'est-ce qu'on lui fait faire ? Quelle technique on va utiliser ? Qu'est-ce qu'on va utiliser grâce à l'informatique pour faire faire quelque chose à quelqu'un ? Généralement, c'est utilisé par les GAFAM, le plus connu de tous. Ce qui l'a utilisé, c'est Facebook évidemment, mais c'est aussi Google, c'est aussi Microsoft, c'est aussi Twitter. Mais ça ne s'arrête pas aux entreprises de l'informatique. C'est aussi utilisé par exemple par Netflix. Typiquement, les plateformes aujourd'hui numériques, Apple, Amazon, Netflix, Disney+, tout ce que tu veux, utilisent aussi des méthodes liées aux technologies persuasives. En gros, c'est quasiment toute application que tu as sur ton smartphone potentiellement utilise des technologies persuasives. Son but est quand même... Il y a des applications, on va dire open source, etc., qui ont vocation à faire œuvre utile. Mais globalement, ça reste des acteurs qui sont là pour gagner de l'argent, avoir un business model. Et donc, évidemment, ces technologies persuasives pour renforcer, alimenter le business model. Donc au début, c'était les acteurs du numérique. Mais aujourd'hui, ça concerne aussi des acteurs du divertissement qui s'appuient toujours sur le numérique via les plateformes. Typiquement, Netflix est un acteur connu de la captologie puisque soit le design de sa plateforme soit la façon dont sont écrits les contenus sur Netflix, soit l'algorithme lui-même de Netflix utilise des technologies persuasives pour te faire rester le plus longtemps possible devant Netflix.

  • Speaker #1

    Donc, capter l'attention pour gagner de l'argent, c'est leur business model ?

  • Speaker #0

    Non, en fait, le principe, c'est capter l'attention pour te faire faire quelque chose, pour changer ton comportement. Donc, effectivement, le point de départ, c'est gagner de l'argent. C'est gagner de l'argent, soit parce que tu vas rester longtemps sur ton application et donc tu vas avoir des pubs, soit tu vas produire quelque chose, tu vas produire des... contenus tu vas t'engager là dedans pour apporter du contenu à la plateforme qu'elle n'a pas envie de produire elle-même je sais pas instagram voilà les gens qui sont sur instagram produisent du contenu la plateforme n'a pas besoin de s'embêter à produire son propre contenu puisque tu le fais donc voilà donc ça peut être oui gagner de l'argent grâce à autant que tu passes devant via de la pub ça peut être gagner de l'argent parce qu'ils vont revendre des données personnelles ça peut être gagner de l'argent ou leur faire gagner de l'argent parce que tu produis des contenus à leur place évidemment comme tu produis des contenus pas y avoir des gens qui vont venir apporter de l'audience à la plateforme voilà sur youtube tu produis des contenus et d'autres personnes viennent les voir. YouTube est gagnant, ils n'ont rien à produire. C'est un peu comme si une chaîne de télé n'avait même pas besoin d'acquérir des contenus, puisque c'est ses propres utilisateurs qui produisent les contenus, c'est génial.

  • Speaker #1

    Tu t'es entendu parler de l'économie de l'attention. C'est quoi cette économie de l'attention ?

  • Speaker #0

    L'économie de l'attention, c'est en gros, on va monétiser le temps que tu passes, on va générer de l'argent grâce au temps que tu passes devant ton écran. C'est pas nouveau, ça date pas de l'économie de l'attention, ça date pas des technologies persuasives. Avant, quand tu regardais la télé, il y avait une économie de l'attention au sens, si j'ai un million de spectateurs devant un film, potentiellement ça fait un million de personnes qui vont regarder les pubs avant, après, pendant le film. Donc c'était à l'époque ce que Patrick Lelay, l'ancien responsable, enfin dirigeant de TF1 disait, nous on n'est pas là pour en soi divertir les gens ou leur apporter du contenu, on est là pour apporter du temps de cerveau disponible à nos annonceurs. Un annonceur, lui, ce qu'il veut, c'est 10 millions de personnes qui accordent 30 secondes de leur attention à leur pub. Donc voilà, l'économie de l'attention, ça existait déjà à l'époque des journaux papiers, puisque il y a des journaux papiers qui fonctionnent qu'avec les abonnements, mais il y a aussi les journaux papiers. qui fonctionne avec de la pub. Donc en gros, si tu passes 30 minutes à lire ton magazine et que tu lis les pubs, tu lui as accordé de l'attention. Et puis après, cette économie s'est développée via la télévision. Tu restes devant ta télévision. Mais jusqu'à présent, si tu veux, ce qui se passait, c'était je parcellise, on va dire, mon attention. Mais voilà, je ne suis qu'au cinéma ou je ne suis que devant ma télé, mais j'arrête quand je veux. Et ce qu'a changé la captologie, ce qu'ont changé les technologies persuasives, ça a été assez bien résumé par Reed Hastings, le fondateur de Netflix. La légende veut que, alors est-ce que c'est vrai, est-ce que c'est pas vrai, on sait pas, mais c'est lui qui l'a raconté comme ça, la légende veut que il a eu l'idée de créer Netflix parce qu'un jour il a eu une pénalité parce qu'il a rendu trop tard un DVD qu'il avait loué au vidéoclub. Il était tellement énervé de cette pénalité qu'il a décidé que puisque c'est comme ça, il n'y aurait plus jamais au vidéoclub et qu'il a créé une plateforme qui permette d'éviter d'aller au vidéoclub. Est-ce que c'est vrai, est-ce que c'est pas vrai, en tout cas c'est lui qui le raconte. En tout cas il a réussi, en tout cas. Aujourd'hui il n'y a plus de vidéoclub qui existe dans les rues. Mais ce qui est intéressant, c'est que Rita Skintz, il a résumé, en fait, quand on lui a demandé c'est qui les concurrents de Netflix, il n'a pas dit c'est les autres chaînes de télé ou c'est YouTube. En gros, il n'a pas dit c'est d'autres écrans. Il a répondu le principal concurrent de Netflix, c'est le sommeil.

  • Speaker #1

    Oui, d'ailleurs, si on regarde beaucoup d'épisodes à la suite sur Netflix sans intervenir sur la télécommande, on te demande si tu es toujours là.

  • Speaker #0

    Exactement, parce qu'en fait, si tu veux maintenant... Alors Netflix, dans son modèle, c'est pas comme par exemple YouTube qui va compter le nombre de vues ou TF1 qui va compter le nombre de spectateurs. Netflix mesure le succès de ses contenus par le temps passé devant. Pour eux, la question n'est pas de savoir combien il y a eu de spectateurs, c'est combien tu es resté devant la série.

  • Speaker #1

    Il faut binger le maximum d'épisodes, le maximum de saisons.

  • Speaker #0

    C'est exactement ça, c'est en gros, ils s'en foutent qu'il y a eu un succès critique, ils s'en foutent qu'il y a eu un succès d'estime, ils s'en foutent que... Il y a eu 10 millions de personnes qui ont regardé le premier épisode. La seule question qui vaille, c'est combien il y a eu d'heures passées, combien il y a de gens qui sont allés jusqu'au bout, et combien il y a eu d'heures passées à regarder cette série. L'enjeu, c'est un, est-ce que tu restes longtemps devant ta série ? Et puis aussi, est-ce que tu vas, après que tu as fini ta série, est-ce que tu vas quand même rester devant Netflix ? Seul le sommeil, à la rigueur, peut t'arrêter. Et c'est pour ça que typiquement, dans Netflix, quand tu finis un épisode et que si tu ne fais rien, l'épisode suivant se déclenche. c'est de la technologie persuasive. C'est-à-dire, en gros, si tu ne fais rien, l'outil décide à ta place que si tu ne fais rien, ça veut dire que tu acceptes qu'un nouvel épisode soit lancé. Et ça structure aussi la façon dont on produit les contenus, puisque ce n'est pas pour rien que les séries Netflix, très souvent, il y a un cliffhanger, tu vois.

  • Speaker #1

    Et tu passes l'intro, tu zappes le générique.

  • Speaker #0

    Ouais, tu passes l'intro, mais ça, il ne t'en veut pas de passer l'intro. Et puis, il ne t'en veut pas non plus de passer le générique à la fin, par exemple. Typiquement, dans cette économie-là de l'attention, le générique est un ennemi. T'imagines, trois minutes de générique, tu vas te barrer en fait, tu vas partir faire autre chose. Donc souvent, pareil, sur ta plateforme, il va te dire, je te propose des appels génériques.

  • Speaker #1

    Est-ce que les gens comprennent qu'ils sont manipulés ?

  • Speaker #0

    Ce qu'il faut, c'est comprendre en fait, comment est-ce qu'on en est arrivé à manipuler les gens grâce à ça. On va faire un bond de 20 ans en arrière, début des années 2000. Donc le début des années 2000, c'est vraiment le tout début, entre guillemets, d'Internet. Et donc, tu as un type qui s'appelle B.J. Fogg, qui a un laboratoire sur le comportement, sur le design comportemental à Stanford. Et justement, il fonde cette discipline qui dit qu'on va utiliser les technologies informatiques pour changer un comportement. Alors, il a écrit un bouquin qui s'appelle Persuasif Technologie, qui a plutôt bien vieilli. Il va énoncer toute une série de principes assez intéressants. Mais en gros, la première chose qu'il dit, c'est que la clé, c'est le design. Le design, si tu veux, de ta plateforme, de ton site informatique, le design de ton outil est primordial. Si tu foires ton design... Si ton outil paraît compliqué, c'est foutu. Donc déjà, règle numéro un, le design des outils doit primer sur tout le reste. Donc ça, ça va donner déjà lieu à quelques dérives, puisque ça va donner ce qu'on appelle les dark patterns, où en fait le design est volontairement fait pour tromper les gens. Donc il faut changer les comportements ou forcer les comportements. C'est typiquement si tu vas, je ne sais pas, sur Ryanair, ou pour acheter ton billet, tu vas avoir, tu vois, ils vont toujours te proposer une assurance, toujours te proposer, et vous ne voulez pas aussi un taxi à la sortie de l'hôtel. Et en fait... Pour vraiment valider ton billet, il y a genre 8 séries de validation où à chaque fois, on t'incite à prendre quelque chose en plus. Le design, l'ergonomie du site internet ou de l'application te force à faire quelque chose que tu n'as pas envie de faire. Le design, c'est vachement bien quand on simplifie tout. Il faut que ton application, tu puisses t'en servir en quelques fractions de secondes. Donc voilà, ça a été le premier fondement. C'est que si tu veux designer le comportement de quelqu'un, ton outil, ton application doit être designé de manière à être super simple, super intuitive, pas compliqué. Et si on peut te forcer à faire des trucs que tu n'as pas envie de faire, ça peut être encore mieux. Première chose qu'apporte BGFox, c'est que le design est primordial. On assimile la crédibilité d'une source, la crédibilité d'un site internet à son design. Si son design est génial, on va lui accorder plus de crédibilité que si c'est un site limite gouvernemental tout pourri. Première chose, ils disent, et c'est normal, on est au début des années 2000, donc le design des sites internet c'est super important. Et BG Fogg va dire, maintenant on va utiliser des technologies, des technologies persuadives pour changer le comportement des gens. On va leur faire faire cette fois-ci des choses qu'ils n'ont pas envie de faire normalement. Ce que Fogg va rajouter, et là par contre... Tout le monde va s'en emparer. Ça va être le modèle comportemental de Fogg. Et il va dire, en gros, que le comportement d'une personne, qu'il est dicté par trois choses. Sa motivation. Est-ce que tu as envie de faire ou pas ce que je te propose ? Un signal, c'est-à-dire un trigger. En gros, un déclencheur. Je ne vais pas te faire faire quelque chose. Spontanément, tu ne vas pas faire un truc. Donc, il faut que je déclenche. C'est là qu'on arrive dans l'économie de l'attention. Au sens, il faut que je capte ton attention parce que je vais capter ton attention par un déclencheur. Et enfin, et c'est le plus important, il faut que ce soit facile et ce que va décréter Fogg c'est qu'il va dire c'est même plus subtil que ça c'est que il faut pas se fatiguer à essayer de motiver les gens faire quelque chose à quelqu'un de compliqué si ça lui demande beaucoup de motivation c'est une perte de temps plutôt que motiver les gens à faire une chose compliquée mieux vaut leur faire faire même s'ils sont pas motivés du tout leur faire faire faire des trucs très très très faciles et en fait la clé du changement de comportement d'une personne ne réside pas dans la persuasion c'est marrant parce qu'on dit technologie persuasive Mais en réalité, d'une certaine manière, elle ne te persuade pas, elle te facilite à outrance. C'est-à-dire, en gros, pour te donner un exemple, si je te dis, je te propose pendant deux heures de regarder, ou même une heure de regarder 400 vidéos dont 390 sont parfaitement inutiles, et à la fin, tu te souviendras plus que tu as regardé, mais tu vas voir, c'est super quand même, tu vas m'envoyer pêtre. Par contre, si je te dis, non, non, mais regarde cette vidéo-là, et que je te fais 400 fois de suite, une petite vidéo facile à regarder t'as pas besoin d'être motivé, y'a qu'une vidéo et t'as pas besoin non plus de te fatiguer non plus, il suffit de scroller, de faire un petit geste qui demande pas une grosse tâche pour lancer la suivante et c'est comme ça que tu te retrouves en fait pendant une heure à avoir fait 400 petites actions, t'as maté 400 vidéos pendant une heure en scrollant sur Instagram ou Facebook ou Youtube avec des shorts etc ça c'est vraiment révolutionnaire c'est ce que va apporter Fock, Fock dit n'essayez pas de motiver les gens n'essayez pas de motiver les gens, ce que vous allez faire ... vous allez leur faire faire des trucs très très très faciles. Et l'avantage, c'est que quand tu fais faire un truc très très très facile à quelqu'un, il a beaucoup de mal à dire non. C'est une technique de manipulation classique, mais si tu proposes à quelqu'un quelque chose de très facile à faire, c'est compliqué pour lui de dire non. Et en plus, si tu lui fais faire plusieurs fois, tu vas l'habituer, et en plus ça va être de moins en moins compliqué à faire. Donc ce que dit Fogg, c'est que ce qu'il faut faire, c'est faire faire, cumuler, cumuler, cumuler, des dizaines, des centaines, des milliers de choses très très très faciles à faire. Plus ça va s'accumuler, plus ça va être facile. Donc, c'est un espèce de cercle virtueux où tu te retrouves avec des gens qui passent leur vie sur leur smartphone, en fait.

  • Speaker #1

    OK, on a compris. Mais est-ce que tout ça, c'est de l'influence positive ?

  • Speaker #0

    Ah, bonne question. Alors, ça ressemble un peu... Alors, ce qui est rigolo, c'est que B.J. Fogg, il a quitté aujourd'hui un peu ce milieu du numérique et il est devenu un peu coach de vie. Et donc, il a théorisé son modèle en ce qui s'appelle les petites habitudes. Je vais te lire, c'est très rigolo, je vais te lire son bouquin, il est en français, ça s'appelle « Changer sa vie grâce aux petites habitudes » . C'est assez proche du nudge, c'est-à-dire effectivement tu vas changer le comportement d'une personne de manière positive. Et donc je te lis un peu la promo du bouquin, c'est « Vous voulez progresser, avoir une meilleure hygiène de vie, mieux vous organiser, vous consacrer à un projet personnel. Commencez par oublier la volonté, contrairement à ce qu'elle prétend, elle est impuissante. » Donc ça c'est le fondement de Fogg qui est… Pour changer un comportement, ce n'est pas la motivation qui compte. La motivation finit toujours par s'éteindre. C'est comme du carburant, la motivation finit toujours par s'épuiser. Donc il dit, la volonté, contrairement à ce qu'elle prétend, elle est impuissante. Elle fait l'illusion à un temps, puis tout s'effondre. La seule façon efficace de vaincre l'inertie et de se mettre sur la bonne voie consiste à modifier ses petites habitudes du quotidien. Ce sont en effet les petits changements qui changent tout. Donc en gros, lui, sa théorie, c'est de dire effectivement, un peu comme pour le nudge, où tu vas faire des petits changements positifs pour que globalement... la société aille mieux, grâce au nudge tu vas peut-être faire des petits dons, tu vas être plus propre, tu vas être mieux organisé, etc. Et bien effectivement, Fogg a adapté son modèle à te faire changer ton comportement en positif. Donc tu as ce premier grand principe, on peut appeler ça de la manipulation, mais en tout cas de changement des comportements que va créer BG Fogg. La clé c'est, on oublie la motivation, il faut que tout soit facile à faire. En gros, s'il faut que tu sois motivé pour arrêter, tu vois le cercle vicieux. En gros, il faut être motivé pour arrêter, alors que si tu n'es pas motivé, tu continues. Donc c'est vachement pratique d'enfermer quelqu'un dans un espèce de... un peu comme un rat qui court sur une roulette, là. C'est comme ça que ça marche. Premier principe, celui de Fogg. Et deuxième principe, et là ça va nous intéresser par rapport à cette autre grande famille de manipulation des réseaux sociaux, ça s'appelle le modèle de Hook. Le modèle de Hook, il dit quoi ? Il dit « Ok, c'est d'accord, c'est bien, il faut que les choses soient faciles à faire. » Ça c'est BG Fogg. Il faut des choses faciles à faire, comme ça on embarque tous les gens, même celles qui ne sont pas motivées. Mais il faut qu'elles s'investissent, les personnes. Il faut qu'elles s'apportent quelque chose. Et puis il faut qu'elles reviennent aussi, tant qu'à faire. Donc qu'est-ce qu'il dit Hook ? Il dit « Bah ouais, il faut toujours un trigger. » n'importe quoi, une notification, ton téléphone qui vibre, une sonnerie, tout ce que tu veux. Mais il faut un trigger. Et après, ce qu'il faut, c'est que ce trigger, il enclenche une action chez toi. Poster une photo, liker quelque chose, partager, tout ce que tu veux. Mais ça doit déclencher une action chez toi. Et là où ça devient très important, c'est que cette action que tu as fait déclenche une récompense. Tu dois être récompensé de ce que tu as fait. Donc typiquement, tu postes une photo sur Instagram, tu vas avoir des likes. Tu mets un commentaire. Tu vas avoir un nombre de vues où ton commentaire va être partagé, etc. Donc, un trigger, une action, une récompense. Et cette récompense te donne envie de t'investir dans la plateforme. Soit tu vas te mettre toi-même à poster des ressources, soit tu vas partager d'autres ressources, soit tu vas faire des commentaires, etc. L'idée, c'est que comme on est heureux, on a une espèce de petit shoot de dopamine, on s'investit. Et c'est ça aussi qui crée les phénomènes d'addiction. C'est que d'un côté, tu as le principe de Fock qui dit que c'est ultra facile, donc on se fatigue. pas d'une certaine manière, on s'épuise d'une certaine manière à ne pas dormir, à être dessus, mais on ne ressent pas l'effort à utiliser ces applications-là. Donc ça ne demande pas d'effort et en plus, ça te récompense. Donc c'est génial. Tu vois, tu expliques moi une fake news, souvent on se dit, ah, une fake news, c'est une forme de mensonge, on trompe la personne. Donc si j'explique à la personne d'en face, imagine, tu reçois une fake news, donc t'es trigué, t'as le trigger. Toi, tu vois la fake news, imagine, je ne sais pas, tu y crois. Donc tu la partages, c'est ton action. Bim, t'as tout. toute ta communauté qui soit repartage à nouveau ta fake news, soit te met plein de likes, donc tu es récompensé. En plus, tu as gagné de la visibilité, tu es contente, les gens s'intéressent à toi, etc. Donc, tu as ta récompense. Donc, tu vas t'investir plus sur la plateforme, soit pour poster toi-même d'autres nouvelles ou trouver d'autres nouvelles à partager sur quelqu'un que tu n'aimes pas ou que tu aimes bien, etc. Et puis, tu vas recevoir une notification et ainsi de suite. Donc, c'est génial, entre guillemets, partager des fake news parce que tu es récompensé. Toi, en tant qu'utilisateur... Partager une fake news, pour toi, c'est tout bénef. Tu gagnes de la visibilité, de l'amour, de l'amitié, de la récompense. Mais si toi, t'arrives après que tu lui expliques à la personne que... Ben non, c'est faux. Tu te rends compte de ce que ça implique par la personne d'en face ? Tu remets en cause son investissement. Déjà, elle va moyennement apprécier de cette fée Bernay, d'avoir partagé... Donc toi, tu remets en cause son action. Zut, elle a partagé une fake news fausse. Tu la prives de sa récompense. Parce que maintenant, si je partage plus des fake news, je serais plus récompensé. Ou même... je vais passer pour un con. Et puis en plus, tu as remis son investissement, en cause, son investissement dans la plateforme. Donc en gros, sous cet angle-là, lutter contre les fake news, par exemple, en rétablissant la vérité, ça équivaut à une punition. On est encore beaucoup sur cette problématique d'influence, fake news, désinformation, etc. On est encore beaucoup dans un paradigme de dire qu'il faut rétablir la vérité. Mais ce n'est pas comme ça que ça marche, en fait. Tu peux avoir une satisfaction intellectuelle à connaître la vérité ou à voir la vérité rétablie. Sauf que dans un écosystème où... Le paradigme principal, c'est la récompense. Et bien là, la vérité, elle est vachement désavantagée par rapport aux mensonges, à la fake news, au sensationnalisme, etc. Et donc, il faut faire très attention parce que rétablir la vérité, ça ne veut pas dire un partout, balle au centre. Et c'est quelque chose qui est difficile encore à assimiler, de dire non mais voilà, si mon but c'est de lutter contre la désinformation, si mon but c'est de lutter contre la manipulation d'une personne, il faut faire attention, il ne faut pas lui dire, en gros, tu es dans l'erreur. Parce que ça veut dire quand même que tu... Tu remets en cause son investissement, tu vas la priver de récompense. Ce n'est pas anodin, tu vois. Ce n'est pas juste rétablir, on va dire, un équilibre informationnel où la vérité est plus intéressante que le mensonge. Donc,

  • Speaker #1

    ce que tu es en train de me dire, c'est que les réseaux sociaux favorisent les fake news et pas la vérité parce que pour les fake news, on a besoin de moins d'attention.

  • Speaker #0

    En fait, l'attention, ça ne se partage pas. Essaye de conduire une voiture tout en étant sur ton téléphone mobile.

  • Speaker #1

    Ah non, pas ça.

  • Speaker #0

    Voilà. à vélo, essaie d'être à vélo et d'être sur ton smartphone, tu vas très vite te rendre compte que ce n'est pas possible. Tu peux marcher en écoutant de la musique. Ça, tu peux le faire. Tu peux mettre ta télé en fond sonore et puis faire autre chose. Par contre, sur ton smartphone, il est conçu pour capter ton attention. Donc, tu ne vas pas pouvoir conduire. Il y a des milliards de choses que tu ne vas pas pouvoir faire. Alors inversement, si tu écoutes un podcast ou un audiobook, c'est très compliqué de maintenir une attention auditive, par exemple. Donc, si tu te mets à faire autre chose pendant que tu écoutes ton podcast ou ton audiobook, tu vas te rendre compte que tu es un chapitre plus loin.

  • Speaker #1

    C'est comme le poisson rouge qui fait un tour du bocal et qui ne se souvient de rien.

  • Speaker #0

    En fait, ce n'est pas vrai l'histoire du poisson rouge. La légende dit que ce sont les vendeurs d'aquariums de bocal de poisson rouge qui ont inventé cette histoire-là pour dire que les poissons rouges avaient 6 secondes et que vous ne vous inquiétez pas, ils ne se sentent pas enfermés, etc. Donc, en réalité, ce n'est pas vrai. Les poissons rouges ont une mémoire. Ils ont une mémoire. C'est une super belle image. C'est pour ça que j'aime bien le titre du livre de Bruno Patino, La civilisation du poisson rouge. Mais hélas, c'est une fake news, le fait que les poissons rouges ont six secondes d'attention. En réalité, ils dépriment bien quand on les maltraite. Ils se souviennent très bien de qui leur donne à manger et de qui les maltraite, les poissons rouges. il ne t'oublie pas six secondes après. Ce qui est vrai, par contre, dans la métaphore du poisson rouge, c'est que l'attention, effectivement, ça ne se partage pas. Donc ça, c'est vachement important. C'est pour ça que Trump, il est très fort. C'est que, n'empêche que Trump, il peut raconter toutes les conneries qu'il veut. Pendant qu'il les raconte, on l'écoute. Et on ne s'intéresse pas à ce que vont raconter les autres. Donc c'est un peu une logique de publicitaire qui consiste à dire, à la rigueur, en bien ou en mal, peu importe, vous avez capté l'attention. Ça veut dire que si vous avez capté l'attention des gens, au moins... qui vous aiment ou qui vous détestent, ils ne s'intéressent pas à ce que vos détracteurs ou les autres ont à dire. Donc, il y a au moins là où tu es gagnant. C'est-à-dire que le temps que tu as pris d'attention pour toi, les autres ne l'auront pas. Donc, dans ces guerres de l'attention, c'est effectivement important. Et puis, effectivement, il y a ces histoires de récompenses. Et donc, le rapport quand même avec le poisson rouge, c'est qu'on estime, justement, à une dizaine de secondes, le temps. le temps où il faut justement que les applis, pour te maintenir sous tension, se tendent entre les triggers, avec mes fameux triggers pour enclencher mon cycle ou enclencher mon truc facile, mon changement de comportement. C'est à peu près une dizaine de secondes où les applis, de manière optimale, devraient te stimuler tout le temps. Dans les guerres informationnelles, il y a capter l'attention des gens, parce que quand on l'a, l'adversaire... manque de cette attention-là. Il faut récompenser les gens, les récompenser, de préférence en les confortant dans certains avis, les enfermer dans des bulles. Il y a un documentaire très sympa qui s'appelle Facebook, la fabrique de l'opinion, où ils ont fait... Parce qu'il y a un grand débat, par exemple, sur les bulles de filtre. Parce que si tu veux, tu as un grand débat sur ces fameuses technologies persuasives. Il y a des gens qui disent qu'en fait, elles ne font qu'amplifier des choses qu'il y avait déjà chez toi. Il y avait les bulles de filtres, ça a toujours existé. Les comportements, voilà, propager des fausses informations, ça a toujours existé. Bref, tout ceci ne fait qu'amplifier quelque chose qui, de toute manière, existe. Et puis, il y a d'autres gens qui disent que non, on est carrément basculé dans un autre truc. Et en fait, ces applications te font véritablement faire des choses que tu n'aurais pas fait en temps normal. Donc, par exemple, typiquement, sur le cas des bulles de filtres, il y a un documentaire sympa qui s'appelle Facebook, la nouvelle fabrique de l'opinion, où ils se sont amusés, ils ont pris six étudiants d'école de journalisme. Et puis, en fait, il y a un étudiant qui jouait le rôle de quelqu'un de La République en marche. C'était en France, donc quelqu'un de La République en marche. Un qui jouait le rôle de LFI, un qui jouait le rôle, etc. Et ils les ont fait aller se promener sur Facebook, chacun en jouant un peu son rôle. Et en fait, c'était très, très, très impressionnant. On voyait véritablement les bulles de filtres de chacun se créer, au point qu'ils n'avaient plus d'informations communes, en fait. C'est que sur la fin, je ne me souviens plus, je crois que c'était 5% ou même 2%, une information que tout le monde aurait eue, c'était quasiment l'exception, en fait. chaque personne avait eu des informations propres à son profil et exclusivement à son profil. Donc c'est d'ailleurs ce qui s'appelle un peu les quatre piliers de l'addiction, on y reviendra après si tu veux. Et là c'est clair que non, on est quand même passé dans autre chose, c'est qu'aujourd'hui ces technologies elles sont prescriptives, elles ne se contentent pas d'amplifier des biais cognitifs qu'on aurait, des comportements qu'on aurait, elles ne font pas qu'amplifier quelque chose qui était en germe en nous, elles créent véritablement des comportements. Alors tu vois typiquement, je vais te donner un exemple assez rigolo. Les applis de rencontre, les applications de rencontre, Tinder par exemple était très facilité, tu ne sois pas droite, tu ne sois pas gauche, si tu matches tu as ta récompense, donc on va dire que Tinder est vraiment l'archétype de ce genre de modèle qui fonctionne par la récompense, et puis si tu veux avoir plus de matchs ou si tu veux plus, il faut donner des sous, etc. Il y a une autre appli par exemple, est-ce que tu connais le test IMBT, les 4 lettres ?

  • Speaker #1

    MBTI MBTI

  • Speaker #0

    Voilà, c'est un test scientifiquement, il n'est pas très solide. Il n'a pas encore été très, mais bon, il est très utilisé dans les entreprises, etc. Maintenant,

  • Speaker #1

    moi, je serais une INFJ.

  • Speaker #0

    Alors moi, je suis, je ne sais plus quoi, un innovateur. Je crois que je suis un ENTP, si je me souviens bien. Ou INTP, enfin bref, peu importe. Mais là où ça devient problématique, c'est que typiquement, il y a une application qui s'appelle Boo, qui se fait se rencontrer des personnes. Même principe que Tinder, tu vois. Il faut regarder les photos, il faut soit dire oui, non, etc. Sauf que dans ton profil d'application, il y a ton profil MBTI. Donc tu es, je n'en sais rien, ENTP par exemple. Alors tu vas me dire, ouais, et alors, t'as plein d'applis de rencontre où par exemple t'as ton signe astrologique. Donc voilà, il y a des gens qui vont dire, ah bah tiens, je suis verso, je veux aller avec une balance. Et donc, je croyais déjà en l'astrologie.

  • Speaker #1

    Et t'es de qu'est-ce signe en fait ?

  • Speaker #0

    Ah, je suis sagitaire, tu vois, donc je suis de la fin de l'année. Donc typiquement, imaginons, voilà, si moi je dis je suis sagitaire et je cherche une verso, effectivement l'application n'a fait que renforcer quelque chose qui existait déjà chez moi. Le problème, c'est par exemple chez vous, c'est qu'en gros ils vont dire... « Ah, ben tu es ENTP, tu irais bien avec INSJ, j'ai raconté n'importe quoi. » Mais ça va plus loin. Ça te dit cette personne qui est INSJ, elle se comporte comme ça. Donc si tu veux lui plaire, il faudrait plutôt que tu fasses ça. Il faudrait plutôt que tu fasses ci. Et en gros, tu as un mode d'emploi qui t'est fourni sur comment la personne fonctionne, selon ce truc, et surtout comment tu dois te comporter vis-à-vis de cette personne. Et ça, clairement, c'est pas comme si je crois en astrologie et je décide que je suis sagittaire et je voudrais trouver une balance. Là, on est sur des applis qui te disent quoi faire et qui vraiment te font faire des choses, te font adopter des comportements quand en normal, tu ne le ferais jamais.

  • Speaker #1

    Et la liberté alors ?

  • Speaker #0

    La liberté, on va même aller plus loin, c'est la question du consentement. C'est toute la différence entre la persuasion et la manipulation. Si moi, je te convainc par des arguments, alors évidemment, je ne vais pas être 100% honnête si j'attends quelque chose de toi. Donc, si je suis dans une logique de persuasion ou de communication par rapport à toi, évidemment, dans ma tête, j'ai envie que tu dises oui. Mais... je vais te dire oui en essayant de te convaincre. Mais je te laisse le choix entre dire oui ou dire non. Alors que quand tu utilises une technique de manipulation, là je te laisse pas le choix. Tu vas dire oui, et tu ne le sais pas encore, mais tu vas dire oui. Je vais pas te laisser l'opportunité de dire non. Je vais créer un environnement cognitif où en fait le non n'existe pas. Ton seul chemin ça va être le oui. C'est un peu comme les spectacles de mentalisme. Tu sais quand tu regardes un spectacle de mentalisme et que le mentaliste il t'explique, il devine ce qu'il y a dans les pensées des gens. Et effectivement tu regardes le spectacle, tu fais wow, extraordinaire. Sauf que non, l'astuce c'est qu'il connaît déjà la fin de l'histoire et il fait aller la personne d'un point A à un point B sans que cette personne-là en ait conscience. Ça veut dire que dans un spectacle de mentalisme, tu fais faire des choses à quelqu'un que normalement il ne ferait pas. Et donc la manipulation, les techniques de manipulation c'est ça, c'est faire faire quelque chose à quelqu'un mais tu ne lui laisses pas l'opportunité, tu ne lui laisses plus l'opportunité en fait de dire non. Tu lui choisis son chemin à sa place. Donc évidemment ça pose des questions éthiques, notamment celle du consentement. Comment convaincre une personne de dire oui ? « Ok, on le fait tous. Depuis la nuit des temps, depuis le premier homme des cavernes qui a essayé de séduire une jeune femme des cavernes, depuis la nuit des temps, il a essayé de convaincre quelqu'un de le choisir comme partenaire, etc. » Là, on est sur un autre paradigme. C'est « Je ne te laisse pas le choix. Tu vas faire quelque chose. Tu peux considérer que c'est pour ton bien. » Mais ça pose effectivement des questions éthiques. Toutes ces techniques de manipulation, quand bien même ce serait pour le bien des gens, il n'empêche que... ça postule que la notion de consentement, on s'en passe dans certaines circonstances.

  • Speaker #1

    Est-ce qu'on peut revenir sur les quatre piliers de l'addiction ?

  • Speaker #0

    Oui. Alors, les quatre piliers de l'addiction, parce qu'on en parle beaucoup de l'addiction, parce que c'est la grosse problématique. Tu vois, les gens sont embarqués dans des trucs qui leur manipulent le cerveau à leur insu, parce qu'en fait, ils n'en ont pas conscience de ces mécaniques. La matrice, le modèle de Fogg, le modèle de Hook, tous ces trucs-là. Une fois que tu comprends comment ça marche, Tu comprends mieux ton comportement et le comportement de certains de tes interlocuteurs. C'est quand même important de les connaître. Mais fondamentalement, la mécanique, les gens ne les connaissent pas. Et la conséquence de tout ça, effectivement, c'est de l'addiction. Et donc, il y a un collectif qui s'appelle le collectif Time Well Spent, qui a défini les quatre piliers de l'addiction. Alors, pas l'addiction au sens de la nicotine ou l'alcool. Enfin, tu vois... ... pas de l'addiction entre guillemets physique, mais l'addiction numérique. Et donc, c'est quoi pour elles, pour eux, les quatre piliers de l'addiction numérique ? Un, c'est l'immersion. Il faut que tu sois 24 heures sur 24, 7 jours sur 7, en contact avec ton objet numérique. Donc, il faut que, déjà, pour être addict, que tu aies en permanence ton smartphone, que tu aies en permanence cet objet numérique avec toi. Donc, ça, c'est fait. Voilà, et c'est pour ça qu'il va sans doute de plus en plus y avoir des espaces, comme pour le tabac ou comme pour le silence, tout ce que tu veux, des espaces sans smartphone qui vont se développer parce que les gens ne s'en sépareront pas, en fait, parce que c'est le principe. Donc, le pilier 1, c'est ça. Il faut que tu te sois H24. Pilier 2, c'est ce qu'on appelle le contrôle social. Il ne suffit pas d'être avec ton smartphone et regarder des vidéos YouTube tout seul dans ton coin. Il faut que tu sois dans un environnement où... Tu observes ce que font les autres et les autres observent ce que tu fais. Tu sais, c'est la panoptique. En fait, c'est un mec aux Etats-Unis qui a, pour que les gens se tiennent à carreau dans les prisons, il a créé un concept qui s'appelle la panoptique. Et en gros, pour que les prisonniers respectent les règles, il faut que 1, ils soient observés en permanence par des gardiens, mais qui sont derrière des glaces sans teint, donc en gros tu vois pas. Tu sais que t'es observé, mais tu sais pas quand. Et il faut que tout le monde observe ce que fait tout le monde. En gros, c'est un concept, la panoptique, où dans les prisons... t'as une espèce de contrôle, une autorégulation qui se fait parce que tous les prisonniers s'observent entre eux et ils savent en plus qu'ils sont observés par les gardiens mais ils savent pas ni où ni quand. Bah c'est pareil en fait ce qui renforce l'addiction à un outil numérique c'est le contrôle social. C'est à dire en gros tu sais que ce que tu fais est observé par des dizaines, des centaines, des milliers de personnes et donc à la fois t'y gagnes de la visibilité, t'y gagnes des récompenses mais en même temps tu deviens addict à ça parce que tu as besoin du regard des autres tu as besoin ... En gros, si tu es tout seul avec ton appli, tu n'as pas de raison d'être là. Donc, tu as un contrôle social de la foule sur toi et tu as ce besoin d'être évalué. On est des animaux sociaux. Donc, ton application va créer cet environnement de contrôle social où des milliards de gens vont interagir avec toi, soit pour te harceler, soit pour te récompenser. Mais en tout cas, tu vas devenir, même si c'est des gens qui te détestent, les gens qui sont victimes de harcèlement, On pourrait leur dire, c'est pas grave, coupe ton appli en fait, ou appelle un community manager, qu'est-ce que ça peut te foutre ? Mais non, ça ne marche pas comme ça en fait, parce que quand tu sais que des dizaines, des centaines, des milliers de personnes, soit t'écrivent, soit sont en train de dire des trucs sur toi, tu as besoin d'aller voir ce qui se passe. Et ça, c'est ce deuxième pilier, donc le contrôle social, on te crée un environnement social qui interagit avec toi, qui dit des choses sur toi, et donc tu as besoin de le savoir. Donc c'est le deuxième pilier. Le troisième pilier, il est très à la mode en ce moment, c'est l'intelligence artificielle. C'est qu'en gros, sur la base de tes données, de tes données personnelles, ou sur la base de ce qu'on te demande, les plateformes vont s'adapter à toi. Les algorithmes, typiquement la bulle de filtre, c'est ça. C'est en gros l'algorithme va analyser ton comportement en permanence. Tu vois, avant, tu étais dans des catégories. Tu étais dans des catégories de population, etc. Non, maintenant, grâce à l'intelligence artificielle, les algorithmes reconstituent, on va dire, ton profil. Google te connaît, c'est pareil, il y a un autre documentaire qui est bien, qui est sur les algorithmes, mais en gros qui disait que moi, typiquement moi, pour t'évaluer, l'être humain, pour évaluer un autre être humain, il a à peu près 5 critères. Une IA, un algorithme qui traite des données personnelles, il peut aller jusqu'à 500 critères. Donc ça veut dire que c'est ça. Donc en gros, le troisième pilier de l'addiction numérique, c'est que ta plateforme doit te connaître mieux que toi, tu ne te connais toi-même. Et donc, elle va agréger, agréger, agréger des données sur toi pour, en gros, mieux s'adapter à ton comportement. Et ça va aboutir au dernier pilier de l'addiction, qui est la personnalisation. Il faut que tu aies une expérience personnalisée, qui est propre à toi, en fait. Donc, il faut que ton fil d'actualité Facebook, ton fil Twitter, tes vidéos TikTok, tu aies vraiment l'impression que ça matche à chaque fois. Tu vois, c'est exactement ce qui te plaît. Et donc effectivement, si c'était comme les pubs à la télé, honnêtement, les pubs à la télé, on en profite pour aller faire autre chose. C'est pas du tout personnalisé, c'est adapté à un certain type de public. Si tu regardes une série à 2h de l'après-midi, Les Feux de l'Amour, tu sais que le public va plutôt être les retraités, donc tu vas pas avoir des pubs pour, je sais pas, des consoles de jeux. Et puis si tu regardes un match de foot, t'auras des pubs pour des rasoirs masculins. Enfin voilà, bien sûr que les... Ils essayent d'adapter un peu, mais fondamentalement, tu n'as pas l'impression que la page de pub, elle t'est dédiée. Donc, tu te barres. Là, c'est l'inverse. Il faut que ce qui t'est proposé, tu aies vraiment l'impression que ça colle exactement avec tes désirs. Donc, tu vois les quatre piliers de l'addiction, c'est ça. C'est l'immersion 24 heures sur 24, le contrôle social, une intelligence artificielle qui analyse ton comportement en permanence et enfin, une expérience personnalisée qui te donne l'impression qu'en fait, il vaut mieux que tu sois là parce que ça te correspond parfaitement plutôt que tu fasses autre chose.

  • Speaker #1

    Merci Thibaut de nous avoir confirmé qu'on était tous addicts et tous manipulés.

  • Speaker #0

    Tout le plaisir était pour moi.

  • Speaker #1

    Merci à tous de nous avoir suivis. Si vous avez aimé ce podcast, n'oubliez pas de liker et de le partager. À bientôt. Ciao, ciao.

  • Speaker #0

    Mon œil, le podcast de l'intelligence économique présenté par Ghizlane Mathiau.

Description

Mon Oeil jette un oeil sur le monde de Thibault Renard, expert en intelligence économique et influence. Senior Advisor du CyberCercle. Expert au Comptoir Prospectiviste. Comment les plateformes nous rendent-elles addicts ? Captologie, économie de l'addiction, manipulation. La captologie est l'étude de l'informatique et des technologies numériques comme outil d'influence, de persuasion des individus. Et la captologie est partout : Netflix, Tinder, et toutes vos plateformes préférées.

Business, podcast intelligence économique


Hébergé par Ausha. Visitez ausha.co/politique-de-confidentialite pour plus d'informations.

Transcription

  • Speaker #0

    Mon œil, le podcast de l'intelligence économique. Présenté par Ghizlane Mathiau.

  • Speaker #1

    Salut les internautes, Mon œil jette un coup d'œil sur le monde de Thibaut Renard, Senior Advisor au CyberCircle, expert au comptoir prospectiviste, spécialiste en intelligence économique et influence. Dans Mon œil, aujourd'hui, on va parler de captologie, l'informatique... appliquée aux technologies persuasives. Ça peut paraître compliqué, dit comme ça, mais en fait, c'est simple. Je suis Ghizlane Mathiau, vous écoutez Mon Oeil. Bonjour Thibault, comment ça va ?

  • Speaker #0

    Bonjour !

  • Speaker #1

    Alors dans Mon Oeil, aujourd'hui, on va parler de captologie, l'informatique appliquée aux technologies persuasives. Ça peut paraître compliqué, dit comme ça, mais en fait,

  • Speaker #0

    c'est simple. En fait, c'est un... terme qui nous vient des Etats-Unis. En français, on l'a traduit « captologie » . Donc, ce qui fait qu'on a plutôt eu tendance à dire que c'est un peu la science ou les techniques de captation de l'attention. Alors que non, en anglais, c'est « computers as persuasive technology » . C'est ça, le terme « captologie » . Ça veut dire quoi ? Ça veut dire qu'on va utiliser les technologies informatiques, les ordinateurs. Les ordinateurs, aujourd'hui, c'est les smartphones, etc. Mais à l'époque, puisque le terme est inventé au début des années 2000, à l'époque, on dit « on va utiliser les technologies » . informatique pour persuader les gens à faire quelque chose, changer leur comportement. Et c'est vrai que souvent en France, quand on dit « captologie » , on a tendance à dire « Ah, c'est tout ce qui consiste à capter l'attention » , alors qu'en anglais, non. En gros, c'est « qu'est-ce qu'on en fait ? » . Alors effectivement, il y a un point de départ qui est capter l'attention de la personne, mais qu'est-ce qu'on lui fait faire ? Quelle technique on va utiliser ? Qu'est-ce qu'on va utiliser grâce à l'informatique pour faire faire quelque chose à quelqu'un ? Généralement, c'est utilisé par les GAFAM, le plus connu de tous. Ce qui l'a utilisé, c'est Facebook évidemment, mais c'est aussi Google, c'est aussi Microsoft, c'est aussi Twitter. Mais ça ne s'arrête pas aux entreprises de l'informatique. C'est aussi utilisé par exemple par Netflix. Typiquement, les plateformes aujourd'hui numériques, Apple, Amazon, Netflix, Disney+, tout ce que tu veux, utilisent aussi des méthodes liées aux technologies persuasives. En gros, c'est quasiment toute application que tu as sur ton smartphone potentiellement utilise des technologies persuasives. Son but est quand même... Il y a des applications, on va dire open source, etc., qui ont vocation à faire œuvre utile. Mais globalement, ça reste des acteurs qui sont là pour gagner de l'argent, avoir un business model. Et donc, évidemment, ces technologies persuasives pour renforcer, alimenter le business model. Donc au début, c'était les acteurs du numérique. Mais aujourd'hui, ça concerne aussi des acteurs du divertissement qui s'appuient toujours sur le numérique via les plateformes. Typiquement, Netflix est un acteur connu de la captologie puisque soit le design de sa plateforme soit la façon dont sont écrits les contenus sur Netflix, soit l'algorithme lui-même de Netflix utilise des technologies persuasives pour te faire rester le plus longtemps possible devant Netflix.

  • Speaker #1

    Donc, capter l'attention pour gagner de l'argent, c'est leur business model ?

  • Speaker #0

    Non, en fait, le principe, c'est capter l'attention pour te faire faire quelque chose, pour changer ton comportement. Donc, effectivement, le point de départ, c'est gagner de l'argent. C'est gagner de l'argent, soit parce que tu vas rester longtemps sur ton application et donc tu vas avoir des pubs, soit tu vas produire quelque chose, tu vas produire des... contenus tu vas t'engager là dedans pour apporter du contenu à la plateforme qu'elle n'a pas envie de produire elle-même je sais pas instagram voilà les gens qui sont sur instagram produisent du contenu la plateforme n'a pas besoin de s'embêter à produire son propre contenu puisque tu le fais donc voilà donc ça peut être oui gagner de l'argent grâce à autant que tu passes devant via de la pub ça peut être gagner de l'argent parce qu'ils vont revendre des données personnelles ça peut être gagner de l'argent ou leur faire gagner de l'argent parce que tu produis des contenus à leur place évidemment comme tu produis des contenus pas y avoir des gens qui vont venir apporter de l'audience à la plateforme voilà sur youtube tu produis des contenus et d'autres personnes viennent les voir. YouTube est gagnant, ils n'ont rien à produire. C'est un peu comme si une chaîne de télé n'avait même pas besoin d'acquérir des contenus, puisque c'est ses propres utilisateurs qui produisent les contenus, c'est génial.

  • Speaker #1

    Tu t'es entendu parler de l'économie de l'attention. C'est quoi cette économie de l'attention ?

  • Speaker #0

    L'économie de l'attention, c'est en gros, on va monétiser le temps que tu passes, on va générer de l'argent grâce au temps que tu passes devant ton écran. C'est pas nouveau, ça date pas de l'économie de l'attention, ça date pas des technologies persuasives. Avant, quand tu regardais la télé, il y avait une économie de l'attention au sens, si j'ai un million de spectateurs devant un film, potentiellement ça fait un million de personnes qui vont regarder les pubs avant, après, pendant le film. Donc c'était à l'époque ce que Patrick Lelay, l'ancien responsable, enfin dirigeant de TF1 disait, nous on n'est pas là pour en soi divertir les gens ou leur apporter du contenu, on est là pour apporter du temps de cerveau disponible à nos annonceurs. Un annonceur, lui, ce qu'il veut, c'est 10 millions de personnes qui accordent 30 secondes de leur attention à leur pub. Donc voilà, l'économie de l'attention, ça existait déjà à l'époque des journaux papiers, puisque il y a des journaux papiers qui fonctionnent qu'avec les abonnements, mais il y a aussi les journaux papiers. qui fonctionne avec de la pub. Donc en gros, si tu passes 30 minutes à lire ton magazine et que tu lis les pubs, tu lui as accordé de l'attention. Et puis après, cette économie s'est développée via la télévision. Tu restes devant ta télévision. Mais jusqu'à présent, si tu veux, ce qui se passait, c'était je parcellise, on va dire, mon attention. Mais voilà, je ne suis qu'au cinéma ou je ne suis que devant ma télé, mais j'arrête quand je veux. Et ce qu'a changé la captologie, ce qu'ont changé les technologies persuasives, ça a été assez bien résumé par Reed Hastings, le fondateur de Netflix. La légende veut que, alors est-ce que c'est vrai, est-ce que c'est pas vrai, on sait pas, mais c'est lui qui l'a raconté comme ça, la légende veut que il a eu l'idée de créer Netflix parce qu'un jour il a eu une pénalité parce qu'il a rendu trop tard un DVD qu'il avait loué au vidéoclub. Il était tellement énervé de cette pénalité qu'il a décidé que puisque c'est comme ça, il n'y aurait plus jamais au vidéoclub et qu'il a créé une plateforme qui permette d'éviter d'aller au vidéoclub. Est-ce que c'est vrai, est-ce que c'est pas vrai, en tout cas c'est lui qui le raconte. En tout cas il a réussi, en tout cas. Aujourd'hui il n'y a plus de vidéoclub qui existe dans les rues. Mais ce qui est intéressant, c'est que Rita Skintz, il a résumé, en fait, quand on lui a demandé c'est qui les concurrents de Netflix, il n'a pas dit c'est les autres chaînes de télé ou c'est YouTube. En gros, il n'a pas dit c'est d'autres écrans. Il a répondu le principal concurrent de Netflix, c'est le sommeil.

  • Speaker #1

    Oui, d'ailleurs, si on regarde beaucoup d'épisodes à la suite sur Netflix sans intervenir sur la télécommande, on te demande si tu es toujours là.

  • Speaker #0

    Exactement, parce qu'en fait, si tu veux maintenant... Alors Netflix, dans son modèle, c'est pas comme par exemple YouTube qui va compter le nombre de vues ou TF1 qui va compter le nombre de spectateurs. Netflix mesure le succès de ses contenus par le temps passé devant. Pour eux, la question n'est pas de savoir combien il y a eu de spectateurs, c'est combien tu es resté devant la série.

  • Speaker #1

    Il faut binger le maximum d'épisodes, le maximum de saisons.

  • Speaker #0

    C'est exactement ça, c'est en gros, ils s'en foutent qu'il y a eu un succès critique, ils s'en foutent qu'il y a eu un succès d'estime, ils s'en foutent que... Il y a eu 10 millions de personnes qui ont regardé le premier épisode. La seule question qui vaille, c'est combien il y a eu d'heures passées, combien il y a de gens qui sont allés jusqu'au bout, et combien il y a eu d'heures passées à regarder cette série. L'enjeu, c'est un, est-ce que tu restes longtemps devant ta série ? Et puis aussi, est-ce que tu vas, après que tu as fini ta série, est-ce que tu vas quand même rester devant Netflix ? Seul le sommeil, à la rigueur, peut t'arrêter. Et c'est pour ça que typiquement, dans Netflix, quand tu finis un épisode et que si tu ne fais rien, l'épisode suivant se déclenche. c'est de la technologie persuasive. C'est-à-dire, en gros, si tu ne fais rien, l'outil décide à ta place que si tu ne fais rien, ça veut dire que tu acceptes qu'un nouvel épisode soit lancé. Et ça structure aussi la façon dont on produit les contenus, puisque ce n'est pas pour rien que les séries Netflix, très souvent, il y a un cliffhanger, tu vois.

  • Speaker #1

    Et tu passes l'intro, tu zappes le générique.

  • Speaker #0

    Ouais, tu passes l'intro, mais ça, il ne t'en veut pas de passer l'intro. Et puis, il ne t'en veut pas non plus de passer le générique à la fin, par exemple. Typiquement, dans cette économie-là de l'attention, le générique est un ennemi. T'imagines, trois minutes de générique, tu vas te barrer en fait, tu vas partir faire autre chose. Donc souvent, pareil, sur ta plateforme, il va te dire, je te propose des appels génériques.

  • Speaker #1

    Est-ce que les gens comprennent qu'ils sont manipulés ?

  • Speaker #0

    Ce qu'il faut, c'est comprendre en fait, comment est-ce qu'on en est arrivé à manipuler les gens grâce à ça. On va faire un bond de 20 ans en arrière, début des années 2000. Donc le début des années 2000, c'est vraiment le tout début, entre guillemets, d'Internet. Et donc, tu as un type qui s'appelle B.J. Fogg, qui a un laboratoire sur le comportement, sur le design comportemental à Stanford. Et justement, il fonde cette discipline qui dit qu'on va utiliser les technologies informatiques pour changer un comportement. Alors, il a écrit un bouquin qui s'appelle Persuasif Technologie, qui a plutôt bien vieilli. Il va énoncer toute une série de principes assez intéressants. Mais en gros, la première chose qu'il dit, c'est que la clé, c'est le design. Le design, si tu veux, de ta plateforme, de ton site informatique, le design de ton outil est primordial. Si tu foires ton design... Si ton outil paraît compliqué, c'est foutu. Donc déjà, règle numéro un, le design des outils doit primer sur tout le reste. Donc ça, ça va donner déjà lieu à quelques dérives, puisque ça va donner ce qu'on appelle les dark patterns, où en fait le design est volontairement fait pour tromper les gens. Donc il faut changer les comportements ou forcer les comportements. C'est typiquement si tu vas, je ne sais pas, sur Ryanair, ou pour acheter ton billet, tu vas avoir, tu vois, ils vont toujours te proposer une assurance, toujours te proposer, et vous ne voulez pas aussi un taxi à la sortie de l'hôtel. Et en fait... Pour vraiment valider ton billet, il y a genre 8 séries de validation où à chaque fois, on t'incite à prendre quelque chose en plus. Le design, l'ergonomie du site internet ou de l'application te force à faire quelque chose que tu n'as pas envie de faire. Le design, c'est vachement bien quand on simplifie tout. Il faut que ton application, tu puisses t'en servir en quelques fractions de secondes. Donc voilà, ça a été le premier fondement. C'est que si tu veux designer le comportement de quelqu'un, ton outil, ton application doit être designé de manière à être super simple, super intuitive, pas compliqué. Et si on peut te forcer à faire des trucs que tu n'as pas envie de faire, ça peut être encore mieux. Première chose qu'apporte BGFox, c'est que le design est primordial. On assimile la crédibilité d'une source, la crédibilité d'un site internet à son design. Si son design est génial, on va lui accorder plus de crédibilité que si c'est un site limite gouvernemental tout pourri. Première chose, ils disent, et c'est normal, on est au début des années 2000, donc le design des sites internet c'est super important. Et BG Fogg va dire, maintenant on va utiliser des technologies, des technologies persuadives pour changer le comportement des gens. On va leur faire faire cette fois-ci des choses qu'ils n'ont pas envie de faire normalement. Ce que Fogg va rajouter, et là par contre... Tout le monde va s'en emparer. Ça va être le modèle comportemental de Fogg. Et il va dire, en gros, que le comportement d'une personne, qu'il est dicté par trois choses. Sa motivation. Est-ce que tu as envie de faire ou pas ce que je te propose ? Un signal, c'est-à-dire un trigger. En gros, un déclencheur. Je ne vais pas te faire faire quelque chose. Spontanément, tu ne vas pas faire un truc. Donc, il faut que je déclenche. C'est là qu'on arrive dans l'économie de l'attention. Au sens, il faut que je capte ton attention parce que je vais capter ton attention par un déclencheur. Et enfin, et c'est le plus important, il faut que ce soit facile et ce que va décréter Fogg c'est qu'il va dire c'est même plus subtil que ça c'est que il faut pas se fatiguer à essayer de motiver les gens faire quelque chose à quelqu'un de compliqué si ça lui demande beaucoup de motivation c'est une perte de temps plutôt que motiver les gens à faire une chose compliquée mieux vaut leur faire faire même s'ils sont pas motivés du tout leur faire faire faire des trucs très très très faciles et en fait la clé du changement de comportement d'une personne ne réside pas dans la persuasion c'est marrant parce qu'on dit technologie persuasive Mais en réalité, d'une certaine manière, elle ne te persuade pas, elle te facilite à outrance. C'est-à-dire, en gros, pour te donner un exemple, si je te dis, je te propose pendant deux heures de regarder, ou même une heure de regarder 400 vidéos dont 390 sont parfaitement inutiles, et à la fin, tu te souviendras plus que tu as regardé, mais tu vas voir, c'est super quand même, tu vas m'envoyer pêtre. Par contre, si je te dis, non, non, mais regarde cette vidéo-là, et que je te fais 400 fois de suite, une petite vidéo facile à regarder t'as pas besoin d'être motivé, y'a qu'une vidéo et t'as pas besoin non plus de te fatiguer non plus, il suffit de scroller, de faire un petit geste qui demande pas une grosse tâche pour lancer la suivante et c'est comme ça que tu te retrouves en fait pendant une heure à avoir fait 400 petites actions, t'as maté 400 vidéos pendant une heure en scrollant sur Instagram ou Facebook ou Youtube avec des shorts etc ça c'est vraiment révolutionnaire c'est ce que va apporter Fock, Fock dit n'essayez pas de motiver les gens n'essayez pas de motiver les gens, ce que vous allez faire ... vous allez leur faire faire des trucs très très très faciles. Et l'avantage, c'est que quand tu fais faire un truc très très très facile à quelqu'un, il a beaucoup de mal à dire non. C'est une technique de manipulation classique, mais si tu proposes à quelqu'un quelque chose de très facile à faire, c'est compliqué pour lui de dire non. Et en plus, si tu lui fais faire plusieurs fois, tu vas l'habituer, et en plus ça va être de moins en moins compliqué à faire. Donc ce que dit Fogg, c'est que ce qu'il faut faire, c'est faire faire, cumuler, cumuler, cumuler, des dizaines, des centaines, des milliers de choses très très très faciles à faire. Plus ça va s'accumuler, plus ça va être facile. Donc, c'est un espèce de cercle virtueux où tu te retrouves avec des gens qui passent leur vie sur leur smartphone, en fait.

  • Speaker #1

    OK, on a compris. Mais est-ce que tout ça, c'est de l'influence positive ?

  • Speaker #0

    Ah, bonne question. Alors, ça ressemble un peu... Alors, ce qui est rigolo, c'est que B.J. Fogg, il a quitté aujourd'hui un peu ce milieu du numérique et il est devenu un peu coach de vie. Et donc, il a théorisé son modèle en ce qui s'appelle les petites habitudes. Je vais te lire, c'est très rigolo, je vais te lire son bouquin, il est en français, ça s'appelle « Changer sa vie grâce aux petites habitudes » . C'est assez proche du nudge, c'est-à-dire effectivement tu vas changer le comportement d'une personne de manière positive. Et donc je te lis un peu la promo du bouquin, c'est « Vous voulez progresser, avoir une meilleure hygiène de vie, mieux vous organiser, vous consacrer à un projet personnel. Commencez par oublier la volonté, contrairement à ce qu'elle prétend, elle est impuissante. » Donc ça c'est le fondement de Fogg qui est… Pour changer un comportement, ce n'est pas la motivation qui compte. La motivation finit toujours par s'éteindre. C'est comme du carburant, la motivation finit toujours par s'épuiser. Donc il dit, la volonté, contrairement à ce qu'elle prétend, elle est impuissante. Elle fait l'illusion à un temps, puis tout s'effondre. La seule façon efficace de vaincre l'inertie et de se mettre sur la bonne voie consiste à modifier ses petites habitudes du quotidien. Ce sont en effet les petits changements qui changent tout. Donc en gros, lui, sa théorie, c'est de dire effectivement, un peu comme pour le nudge, où tu vas faire des petits changements positifs pour que globalement... la société aille mieux, grâce au nudge tu vas peut-être faire des petits dons, tu vas être plus propre, tu vas être mieux organisé, etc. Et bien effectivement, Fogg a adapté son modèle à te faire changer ton comportement en positif. Donc tu as ce premier grand principe, on peut appeler ça de la manipulation, mais en tout cas de changement des comportements que va créer BG Fogg. La clé c'est, on oublie la motivation, il faut que tout soit facile à faire. En gros, s'il faut que tu sois motivé pour arrêter, tu vois le cercle vicieux. En gros, il faut être motivé pour arrêter, alors que si tu n'es pas motivé, tu continues. Donc c'est vachement pratique d'enfermer quelqu'un dans un espèce de... un peu comme un rat qui court sur une roulette, là. C'est comme ça que ça marche. Premier principe, celui de Fogg. Et deuxième principe, et là ça va nous intéresser par rapport à cette autre grande famille de manipulation des réseaux sociaux, ça s'appelle le modèle de Hook. Le modèle de Hook, il dit quoi ? Il dit « Ok, c'est d'accord, c'est bien, il faut que les choses soient faciles à faire. » Ça c'est BG Fogg. Il faut des choses faciles à faire, comme ça on embarque tous les gens, même celles qui ne sont pas motivées. Mais il faut qu'elles s'investissent, les personnes. Il faut qu'elles s'apportent quelque chose. Et puis il faut qu'elles reviennent aussi, tant qu'à faire. Donc qu'est-ce qu'il dit Hook ? Il dit « Bah ouais, il faut toujours un trigger. » n'importe quoi, une notification, ton téléphone qui vibre, une sonnerie, tout ce que tu veux. Mais il faut un trigger. Et après, ce qu'il faut, c'est que ce trigger, il enclenche une action chez toi. Poster une photo, liker quelque chose, partager, tout ce que tu veux. Mais ça doit déclencher une action chez toi. Et là où ça devient très important, c'est que cette action que tu as fait déclenche une récompense. Tu dois être récompensé de ce que tu as fait. Donc typiquement, tu postes une photo sur Instagram, tu vas avoir des likes. Tu mets un commentaire. Tu vas avoir un nombre de vues où ton commentaire va être partagé, etc. Donc, un trigger, une action, une récompense. Et cette récompense te donne envie de t'investir dans la plateforme. Soit tu vas te mettre toi-même à poster des ressources, soit tu vas partager d'autres ressources, soit tu vas faire des commentaires, etc. L'idée, c'est que comme on est heureux, on a une espèce de petit shoot de dopamine, on s'investit. Et c'est ça aussi qui crée les phénomènes d'addiction. C'est que d'un côté, tu as le principe de Fock qui dit que c'est ultra facile, donc on se fatigue. pas d'une certaine manière, on s'épuise d'une certaine manière à ne pas dormir, à être dessus, mais on ne ressent pas l'effort à utiliser ces applications-là. Donc ça ne demande pas d'effort et en plus, ça te récompense. Donc c'est génial. Tu vois, tu expliques moi une fake news, souvent on se dit, ah, une fake news, c'est une forme de mensonge, on trompe la personne. Donc si j'explique à la personne d'en face, imagine, tu reçois une fake news, donc t'es trigué, t'as le trigger. Toi, tu vois la fake news, imagine, je ne sais pas, tu y crois. Donc tu la partages, c'est ton action. Bim, t'as tout. toute ta communauté qui soit repartage à nouveau ta fake news, soit te met plein de likes, donc tu es récompensé. En plus, tu as gagné de la visibilité, tu es contente, les gens s'intéressent à toi, etc. Donc, tu as ta récompense. Donc, tu vas t'investir plus sur la plateforme, soit pour poster toi-même d'autres nouvelles ou trouver d'autres nouvelles à partager sur quelqu'un que tu n'aimes pas ou que tu aimes bien, etc. Et puis, tu vas recevoir une notification et ainsi de suite. Donc, c'est génial, entre guillemets, partager des fake news parce que tu es récompensé. Toi, en tant qu'utilisateur... Partager une fake news, pour toi, c'est tout bénef. Tu gagnes de la visibilité, de l'amour, de l'amitié, de la récompense. Mais si toi, t'arrives après que tu lui expliques à la personne que... Ben non, c'est faux. Tu te rends compte de ce que ça implique par la personne d'en face ? Tu remets en cause son investissement. Déjà, elle va moyennement apprécier de cette fée Bernay, d'avoir partagé... Donc toi, tu remets en cause son action. Zut, elle a partagé une fake news fausse. Tu la prives de sa récompense. Parce que maintenant, si je partage plus des fake news, je serais plus récompensé. Ou même... je vais passer pour un con. Et puis en plus, tu as remis son investissement, en cause, son investissement dans la plateforme. Donc en gros, sous cet angle-là, lutter contre les fake news, par exemple, en rétablissant la vérité, ça équivaut à une punition. On est encore beaucoup sur cette problématique d'influence, fake news, désinformation, etc. On est encore beaucoup dans un paradigme de dire qu'il faut rétablir la vérité. Mais ce n'est pas comme ça que ça marche, en fait. Tu peux avoir une satisfaction intellectuelle à connaître la vérité ou à voir la vérité rétablie. Sauf que dans un écosystème où... Le paradigme principal, c'est la récompense. Et bien là, la vérité, elle est vachement désavantagée par rapport aux mensonges, à la fake news, au sensationnalisme, etc. Et donc, il faut faire très attention parce que rétablir la vérité, ça ne veut pas dire un partout, balle au centre. Et c'est quelque chose qui est difficile encore à assimiler, de dire non mais voilà, si mon but c'est de lutter contre la désinformation, si mon but c'est de lutter contre la manipulation d'une personne, il faut faire attention, il ne faut pas lui dire, en gros, tu es dans l'erreur. Parce que ça veut dire quand même que tu... Tu remets en cause son investissement, tu vas la priver de récompense. Ce n'est pas anodin, tu vois. Ce n'est pas juste rétablir, on va dire, un équilibre informationnel où la vérité est plus intéressante que le mensonge. Donc,

  • Speaker #1

    ce que tu es en train de me dire, c'est que les réseaux sociaux favorisent les fake news et pas la vérité parce que pour les fake news, on a besoin de moins d'attention.

  • Speaker #0

    En fait, l'attention, ça ne se partage pas. Essaye de conduire une voiture tout en étant sur ton téléphone mobile.

  • Speaker #1

    Ah non, pas ça.

  • Speaker #0

    Voilà. à vélo, essaie d'être à vélo et d'être sur ton smartphone, tu vas très vite te rendre compte que ce n'est pas possible. Tu peux marcher en écoutant de la musique. Ça, tu peux le faire. Tu peux mettre ta télé en fond sonore et puis faire autre chose. Par contre, sur ton smartphone, il est conçu pour capter ton attention. Donc, tu ne vas pas pouvoir conduire. Il y a des milliards de choses que tu ne vas pas pouvoir faire. Alors inversement, si tu écoutes un podcast ou un audiobook, c'est très compliqué de maintenir une attention auditive, par exemple. Donc, si tu te mets à faire autre chose pendant que tu écoutes ton podcast ou ton audiobook, tu vas te rendre compte que tu es un chapitre plus loin.

  • Speaker #1

    C'est comme le poisson rouge qui fait un tour du bocal et qui ne se souvient de rien.

  • Speaker #0

    En fait, ce n'est pas vrai l'histoire du poisson rouge. La légende dit que ce sont les vendeurs d'aquariums de bocal de poisson rouge qui ont inventé cette histoire-là pour dire que les poissons rouges avaient 6 secondes et que vous ne vous inquiétez pas, ils ne se sentent pas enfermés, etc. Donc, en réalité, ce n'est pas vrai. Les poissons rouges ont une mémoire. Ils ont une mémoire. C'est une super belle image. C'est pour ça que j'aime bien le titre du livre de Bruno Patino, La civilisation du poisson rouge. Mais hélas, c'est une fake news, le fait que les poissons rouges ont six secondes d'attention. En réalité, ils dépriment bien quand on les maltraite. Ils se souviennent très bien de qui leur donne à manger et de qui les maltraite, les poissons rouges. il ne t'oublie pas six secondes après. Ce qui est vrai, par contre, dans la métaphore du poisson rouge, c'est que l'attention, effectivement, ça ne se partage pas. Donc ça, c'est vachement important. C'est pour ça que Trump, il est très fort. C'est que, n'empêche que Trump, il peut raconter toutes les conneries qu'il veut. Pendant qu'il les raconte, on l'écoute. Et on ne s'intéresse pas à ce que vont raconter les autres. Donc c'est un peu une logique de publicitaire qui consiste à dire, à la rigueur, en bien ou en mal, peu importe, vous avez capté l'attention. Ça veut dire que si vous avez capté l'attention des gens, au moins... qui vous aiment ou qui vous détestent, ils ne s'intéressent pas à ce que vos détracteurs ou les autres ont à dire. Donc, il y a au moins là où tu es gagnant. C'est-à-dire que le temps que tu as pris d'attention pour toi, les autres ne l'auront pas. Donc, dans ces guerres de l'attention, c'est effectivement important. Et puis, effectivement, il y a ces histoires de récompenses. Et donc, le rapport quand même avec le poisson rouge, c'est qu'on estime, justement, à une dizaine de secondes, le temps. le temps où il faut justement que les applis, pour te maintenir sous tension, se tendent entre les triggers, avec mes fameux triggers pour enclencher mon cycle ou enclencher mon truc facile, mon changement de comportement. C'est à peu près une dizaine de secondes où les applis, de manière optimale, devraient te stimuler tout le temps. Dans les guerres informationnelles, il y a capter l'attention des gens, parce que quand on l'a, l'adversaire... manque de cette attention-là. Il faut récompenser les gens, les récompenser, de préférence en les confortant dans certains avis, les enfermer dans des bulles. Il y a un documentaire très sympa qui s'appelle Facebook, la fabrique de l'opinion, où ils ont fait... Parce qu'il y a un grand débat, par exemple, sur les bulles de filtre. Parce que si tu veux, tu as un grand débat sur ces fameuses technologies persuasives. Il y a des gens qui disent qu'en fait, elles ne font qu'amplifier des choses qu'il y avait déjà chez toi. Il y avait les bulles de filtres, ça a toujours existé. Les comportements, voilà, propager des fausses informations, ça a toujours existé. Bref, tout ceci ne fait qu'amplifier quelque chose qui, de toute manière, existe. Et puis, il y a d'autres gens qui disent que non, on est carrément basculé dans un autre truc. Et en fait, ces applications te font véritablement faire des choses que tu n'aurais pas fait en temps normal. Donc, par exemple, typiquement, sur le cas des bulles de filtres, il y a un documentaire sympa qui s'appelle Facebook, la nouvelle fabrique de l'opinion, où ils se sont amusés, ils ont pris six étudiants d'école de journalisme. Et puis, en fait, il y a un étudiant qui jouait le rôle de quelqu'un de La République en marche. C'était en France, donc quelqu'un de La République en marche. Un qui jouait le rôle de LFI, un qui jouait le rôle, etc. Et ils les ont fait aller se promener sur Facebook, chacun en jouant un peu son rôle. Et en fait, c'était très, très, très impressionnant. On voyait véritablement les bulles de filtres de chacun se créer, au point qu'ils n'avaient plus d'informations communes, en fait. C'est que sur la fin, je ne me souviens plus, je crois que c'était 5% ou même 2%, une information que tout le monde aurait eue, c'était quasiment l'exception, en fait. chaque personne avait eu des informations propres à son profil et exclusivement à son profil. Donc c'est d'ailleurs ce qui s'appelle un peu les quatre piliers de l'addiction, on y reviendra après si tu veux. Et là c'est clair que non, on est quand même passé dans autre chose, c'est qu'aujourd'hui ces technologies elles sont prescriptives, elles ne se contentent pas d'amplifier des biais cognitifs qu'on aurait, des comportements qu'on aurait, elles ne font pas qu'amplifier quelque chose qui était en germe en nous, elles créent véritablement des comportements. Alors tu vois typiquement, je vais te donner un exemple assez rigolo. Les applis de rencontre, les applications de rencontre, Tinder par exemple était très facilité, tu ne sois pas droite, tu ne sois pas gauche, si tu matches tu as ta récompense, donc on va dire que Tinder est vraiment l'archétype de ce genre de modèle qui fonctionne par la récompense, et puis si tu veux avoir plus de matchs ou si tu veux plus, il faut donner des sous, etc. Il y a une autre appli par exemple, est-ce que tu connais le test IMBT, les 4 lettres ?

  • Speaker #1

    MBTI MBTI

  • Speaker #0

    Voilà, c'est un test scientifiquement, il n'est pas très solide. Il n'a pas encore été très, mais bon, il est très utilisé dans les entreprises, etc. Maintenant,

  • Speaker #1

    moi, je serais une INFJ.

  • Speaker #0

    Alors moi, je suis, je ne sais plus quoi, un innovateur. Je crois que je suis un ENTP, si je me souviens bien. Ou INTP, enfin bref, peu importe. Mais là où ça devient problématique, c'est que typiquement, il y a une application qui s'appelle Boo, qui se fait se rencontrer des personnes. Même principe que Tinder, tu vois. Il faut regarder les photos, il faut soit dire oui, non, etc. Sauf que dans ton profil d'application, il y a ton profil MBTI. Donc tu es, je n'en sais rien, ENTP par exemple. Alors tu vas me dire, ouais, et alors, t'as plein d'applis de rencontre où par exemple t'as ton signe astrologique. Donc voilà, il y a des gens qui vont dire, ah bah tiens, je suis verso, je veux aller avec une balance. Et donc, je croyais déjà en l'astrologie.

  • Speaker #1

    Et t'es de qu'est-ce signe en fait ?

  • Speaker #0

    Ah, je suis sagitaire, tu vois, donc je suis de la fin de l'année. Donc typiquement, imaginons, voilà, si moi je dis je suis sagitaire et je cherche une verso, effectivement l'application n'a fait que renforcer quelque chose qui existait déjà chez moi. Le problème, c'est par exemple chez vous, c'est qu'en gros ils vont dire... « Ah, ben tu es ENTP, tu irais bien avec INSJ, j'ai raconté n'importe quoi. » Mais ça va plus loin. Ça te dit cette personne qui est INSJ, elle se comporte comme ça. Donc si tu veux lui plaire, il faudrait plutôt que tu fasses ça. Il faudrait plutôt que tu fasses ci. Et en gros, tu as un mode d'emploi qui t'est fourni sur comment la personne fonctionne, selon ce truc, et surtout comment tu dois te comporter vis-à-vis de cette personne. Et ça, clairement, c'est pas comme si je crois en astrologie et je décide que je suis sagittaire et je voudrais trouver une balance. Là, on est sur des applis qui te disent quoi faire et qui vraiment te font faire des choses, te font adopter des comportements quand en normal, tu ne le ferais jamais.

  • Speaker #1

    Et la liberté alors ?

  • Speaker #0

    La liberté, on va même aller plus loin, c'est la question du consentement. C'est toute la différence entre la persuasion et la manipulation. Si moi, je te convainc par des arguments, alors évidemment, je ne vais pas être 100% honnête si j'attends quelque chose de toi. Donc, si je suis dans une logique de persuasion ou de communication par rapport à toi, évidemment, dans ma tête, j'ai envie que tu dises oui. Mais... je vais te dire oui en essayant de te convaincre. Mais je te laisse le choix entre dire oui ou dire non. Alors que quand tu utilises une technique de manipulation, là je te laisse pas le choix. Tu vas dire oui, et tu ne le sais pas encore, mais tu vas dire oui. Je vais pas te laisser l'opportunité de dire non. Je vais créer un environnement cognitif où en fait le non n'existe pas. Ton seul chemin ça va être le oui. C'est un peu comme les spectacles de mentalisme. Tu sais quand tu regardes un spectacle de mentalisme et que le mentaliste il t'explique, il devine ce qu'il y a dans les pensées des gens. Et effectivement tu regardes le spectacle, tu fais wow, extraordinaire. Sauf que non, l'astuce c'est qu'il connaît déjà la fin de l'histoire et il fait aller la personne d'un point A à un point B sans que cette personne-là en ait conscience. Ça veut dire que dans un spectacle de mentalisme, tu fais faire des choses à quelqu'un que normalement il ne ferait pas. Et donc la manipulation, les techniques de manipulation c'est ça, c'est faire faire quelque chose à quelqu'un mais tu ne lui laisses pas l'opportunité, tu ne lui laisses plus l'opportunité en fait de dire non. Tu lui choisis son chemin à sa place. Donc évidemment ça pose des questions éthiques, notamment celle du consentement. Comment convaincre une personne de dire oui ? « Ok, on le fait tous. Depuis la nuit des temps, depuis le premier homme des cavernes qui a essayé de séduire une jeune femme des cavernes, depuis la nuit des temps, il a essayé de convaincre quelqu'un de le choisir comme partenaire, etc. » Là, on est sur un autre paradigme. C'est « Je ne te laisse pas le choix. Tu vas faire quelque chose. Tu peux considérer que c'est pour ton bien. » Mais ça pose effectivement des questions éthiques. Toutes ces techniques de manipulation, quand bien même ce serait pour le bien des gens, il n'empêche que... ça postule que la notion de consentement, on s'en passe dans certaines circonstances.

  • Speaker #1

    Est-ce qu'on peut revenir sur les quatre piliers de l'addiction ?

  • Speaker #0

    Oui. Alors, les quatre piliers de l'addiction, parce qu'on en parle beaucoup de l'addiction, parce que c'est la grosse problématique. Tu vois, les gens sont embarqués dans des trucs qui leur manipulent le cerveau à leur insu, parce qu'en fait, ils n'en ont pas conscience de ces mécaniques. La matrice, le modèle de Fogg, le modèle de Hook, tous ces trucs-là. Une fois que tu comprends comment ça marche, Tu comprends mieux ton comportement et le comportement de certains de tes interlocuteurs. C'est quand même important de les connaître. Mais fondamentalement, la mécanique, les gens ne les connaissent pas. Et la conséquence de tout ça, effectivement, c'est de l'addiction. Et donc, il y a un collectif qui s'appelle le collectif Time Well Spent, qui a défini les quatre piliers de l'addiction. Alors, pas l'addiction au sens de la nicotine ou l'alcool. Enfin, tu vois... ... pas de l'addiction entre guillemets physique, mais l'addiction numérique. Et donc, c'est quoi pour elles, pour eux, les quatre piliers de l'addiction numérique ? Un, c'est l'immersion. Il faut que tu sois 24 heures sur 24, 7 jours sur 7, en contact avec ton objet numérique. Donc, il faut que, déjà, pour être addict, que tu aies en permanence ton smartphone, que tu aies en permanence cet objet numérique avec toi. Donc, ça, c'est fait. Voilà, et c'est pour ça qu'il va sans doute de plus en plus y avoir des espaces, comme pour le tabac ou comme pour le silence, tout ce que tu veux, des espaces sans smartphone qui vont se développer parce que les gens ne s'en sépareront pas, en fait, parce que c'est le principe. Donc, le pilier 1, c'est ça. Il faut que tu te sois H24. Pilier 2, c'est ce qu'on appelle le contrôle social. Il ne suffit pas d'être avec ton smartphone et regarder des vidéos YouTube tout seul dans ton coin. Il faut que tu sois dans un environnement où... Tu observes ce que font les autres et les autres observent ce que tu fais. Tu sais, c'est la panoptique. En fait, c'est un mec aux Etats-Unis qui a, pour que les gens se tiennent à carreau dans les prisons, il a créé un concept qui s'appelle la panoptique. Et en gros, pour que les prisonniers respectent les règles, il faut que 1, ils soient observés en permanence par des gardiens, mais qui sont derrière des glaces sans teint, donc en gros tu vois pas. Tu sais que t'es observé, mais tu sais pas quand. Et il faut que tout le monde observe ce que fait tout le monde. En gros, c'est un concept, la panoptique, où dans les prisons... t'as une espèce de contrôle, une autorégulation qui se fait parce que tous les prisonniers s'observent entre eux et ils savent en plus qu'ils sont observés par les gardiens mais ils savent pas ni où ni quand. Bah c'est pareil en fait ce qui renforce l'addiction à un outil numérique c'est le contrôle social. C'est à dire en gros tu sais que ce que tu fais est observé par des dizaines, des centaines, des milliers de personnes et donc à la fois t'y gagnes de la visibilité, t'y gagnes des récompenses mais en même temps tu deviens addict à ça parce que tu as besoin du regard des autres tu as besoin ... En gros, si tu es tout seul avec ton appli, tu n'as pas de raison d'être là. Donc, tu as un contrôle social de la foule sur toi et tu as ce besoin d'être évalué. On est des animaux sociaux. Donc, ton application va créer cet environnement de contrôle social où des milliards de gens vont interagir avec toi, soit pour te harceler, soit pour te récompenser. Mais en tout cas, tu vas devenir, même si c'est des gens qui te détestent, les gens qui sont victimes de harcèlement, On pourrait leur dire, c'est pas grave, coupe ton appli en fait, ou appelle un community manager, qu'est-ce que ça peut te foutre ? Mais non, ça ne marche pas comme ça en fait, parce que quand tu sais que des dizaines, des centaines, des milliers de personnes, soit t'écrivent, soit sont en train de dire des trucs sur toi, tu as besoin d'aller voir ce qui se passe. Et ça, c'est ce deuxième pilier, donc le contrôle social, on te crée un environnement social qui interagit avec toi, qui dit des choses sur toi, et donc tu as besoin de le savoir. Donc c'est le deuxième pilier. Le troisième pilier, il est très à la mode en ce moment, c'est l'intelligence artificielle. C'est qu'en gros, sur la base de tes données, de tes données personnelles, ou sur la base de ce qu'on te demande, les plateformes vont s'adapter à toi. Les algorithmes, typiquement la bulle de filtre, c'est ça. C'est en gros l'algorithme va analyser ton comportement en permanence. Tu vois, avant, tu étais dans des catégories. Tu étais dans des catégories de population, etc. Non, maintenant, grâce à l'intelligence artificielle, les algorithmes reconstituent, on va dire, ton profil. Google te connaît, c'est pareil, il y a un autre documentaire qui est bien, qui est sur les algorithmes, mais en gros qui disait que moi, typiquement moi, pour t'évaluer, l'être humain, pour évaluer un autre être humain, il a à peu près 5 critères. Une IA, un algorithme qui traite des données personnelles, il peut aller jusqu'à 500 critères. Donc ça veut dire que c'est ça. Donc en gros, le troisième pilier de l'addiction numérique, c'est que ta plateforme doit te connaître mieux que toi, tu ne te connais toi-même. Et donc, elle va agréger, agréger, agréger des données sur toi pour, en gros, mieux s'adapter à ton comportement. Et ça va aboutir au dernier pilier de l'addiction, qui est la personnalisation. Il faut que tu aies une expérience personnalisée, qui est propre à toi, en fait. Donc, il faut que ton fil d'actualité Facebook, ton fil Twitter, tes vidéos TikTok, tu aies vraiment l'impression que ça matche à chaque fois. Tu vois, c'est exactement ce qui te plaît. Et donc effectivement, si c'était comme les pubs à la télé, honnêtement, les pubs à la télé, on en profite pour aller faire autre chose. C'est pas du tout personnalisé, c'est adapté à un certain type de public. Si tu regardes une série à 2h de l'après-midi, Les Feux de l'Amour, tu sais que le public va plutôt être les retraités, donc tu vas pas avoir des pubs pour, je sais pas, des consoles de jeux. Et puis si tu regardes un match de foot, t'auras des pubs pour des rasoirs masculins. Enfin voilà, bien sûr que les... Ils essayent d'adapter un peu, mais fondamentalement, tu n'as pas l'impression que la page de pub, elle t'est dédiée. Donc, tu te barres. Là, c'est l'inverse. Il faut que ce qui t'est proposé, tu aies vraiment l'impression que ça colle exactement avec tes désirs. Donc, tu vois les quatre piliers de l'addiction, c'est ça. C'est l'immersion 24 heures sur 24, le contrôle social, une intelligence artificielle qui analyse ton comportement en permanence et enfin, une expérience personnalisée qui te donne l'impression qu'en fait, il vaut mieux que tu sois là parce que ça te correspond parfaitement plutôt que tu fasses autre chose.

  • Speaker #1

    Merci Thibaut de nous avoir confirmé qu'on était tous addicts et tous manipulés.

  • Speaker #0

    Tout le plaisir était pour moi.

  • Speaker #1

    Merci à tous de nous avoir suivis. Si vous avez aimé ce podcast, n'oubliez pas de liker et de le partager. À bientôt. Ciao, ciao.

  • Speaker #0

    Mon œil, le podcast de l'intelligence économique présenté par Ghizlane Mathiau.

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