- Speaker #0
Bang Bang, Double Bang Company.
- Speaker #1
Salut les internautes, mon œil se penche sur le monde de Philippe Clerc. Philippe Clerc est président de l'Académie de l'intelligence économique et de l'Association internationale francophone d'intelligence économique. Je suis Ghizlane Mathiau, vous écoutez mon œil. Bonjour Philippe.
- Speaker #0
Bonjour.
- Speaker #1
Ravi de vous accueillir dans mon œil.
- Speaker #0
Merci de m'accueillir.
- Speaker #1
Pourriez-vous me parler des changements les plus significatifs dans la perception et l'application de l'IE au sein du gouvernement français et des entreprises au fil du temps ?
- Speaker #0
Je vais partir, si vous voulez bien, depuis l'avènement de l'intelligence économique, à savoir en France, à savoir le fameux rapport Marte, qui est un rapport du commissariat général du plan qui date de 1994 et qui a... ont su définir, inventer le concept d'intelligence économique, qu'il a fallu ensuite, bien évidemment, diffuser pour appropriation aux entreprises et au gouvernement. Si je prends les entreprises, la perception de l'intelligence économique dans les entreprises a été pendant très longtemps, jusqu'à des périodes assez récentes, jusqu'au XXIe siècle, une perception que j'appellerais fonctionnelle. Les aspects fonctionnels de l'information, qui est essentiel pour la démarche d'intelligence économique, à savoir la documentation, la veille... les brevets, l'analyse des risques pays. C'est ce que j'appelle le fonctionnel et on a tardé dans les entreprises. Les entreprises, par déficit culturel d'une certaine façon, difficulté à appréhender le concept, ont pris du temps pour intégrer ce qu'on appellerait aujourd'hui la partie géopolitique, l'aspect géopolitique et notamment des rapports de force qui se gèrent à partir d'une maîtrise de l'information et que l'intelligence économique, aujourd'hui, analyse et développe. C'est à partir... Du début du XXIe siècle, une affaire qui s'appelle « J'aime plus » , très rapidement le rachat par un fonds d'investissement américain, TPG, Texas Pacific Group, qui rachète un fleuron industriel de la France, un fleuron industriel dans les hautes technologies, cryptologie, cartes à puces. Et là, on découvre les réalités des rapports de force à l'échelle internationale. Et dans les entreprises, y compris à l'échelle des petites entreprises, on commence à intégrer cette dimension. de l'intelligence économique qui est la gestion des rapports de force par la maîtrise de l'information pour prendre du pouvoir de marché. Aujourd'hui, avec aussi l'affaire Alstom, qui est le rachat de la division des turbines de la grande entreprise Alstom par General Electrics, période 2015-2017, cette opération a augmenté dans les entreprises la perception et aussi, bien sûr, la nécessité de mettre en œuvre des outils d'intelligence économique. permettant de gérer ces menaces et ces risques considérables qui sont liés à des rapports de force, des déstabilisations et en l'occurrence l'application extraterritoriale des droits américains pour déstabiliser les entreprises et ensuite les racheter. Et donc jusqu'à des périodes, on le voit récentes, on a dans les entreprises, je dirais, une perception très fonctionnelle de l'échange économique et c'est assez récemment que la géopolitique est intervenue. Au niveau de l'État, ce qui est intéressant, c'est qu'à partir toujours du rapport Martou, dans une organisation de l'État reliée au Premier ministre, le commissariat général du plan, on formalise la démarche d'intelligence économique. Là, la perception vient tout de suite, c'est le Premier ministre, la dure, s'inquiète de cette rupture géopolitique comme on s'inquiète dans le monde, qui est la fin de la guerre froide. Et il faut imaginer de nouvelles boussoles stratégiques, il faut inventer de nouvelles démarches d'intelligence des situations, car nos intelligences sont aveugles. Et c'est ça qui est intéressant, et c'est C'est l'État qui mobilise l'expertise des entreprises, toute une série d'experts, de l'administration, autour d'un haut fonctionnaire, un grand patron de l'industrie, patron d'aérospatiale, Henri Martre. On réfléchit, on invente le concept d'intelligence économique. Et là, la perception, c'est une perception des conflits. À l'époque, on parlait des conflits qu'avaient formalisés les Japonais selon les trois C, qui étaient concurrence, conflit et coopération. Il faut savoir, quand on est en concurrence, déclencher des conflits commerciaux. mais aussi trouver des coopérations pour rééquilibrer les rapports de force commerciaux. Et là, on commence à s'intéresser à ce nouveau concept d'intelligence économique et on va questionner au Japon, aux États-Unis, en Chine, en Allemagne et en Suède, on va questionner les cultures de l'information. Et là, entre dans la perception de l'intelligence économique par les pouvoirs publics, de certaine façon le gouvernement, on va s'intéresser aux cultures de l'information. Et progressivement... on monte en puissance vers une prise en compte aussi par l'information des rapports de force et surtout de cette question essentielle. Comment les nations qui gagnent à l'échelle ou qui sont puissantes ou qui dominent le commerce international ont des stratégies d'accroissement de puissance par la maîtrise de l'information et bien sûr de l'économique. Deuxième dans la perception, deuxième bien sûr événement, c'est toujours cette affaire J'aime Plus où là le gouvernement, c'est M. Raffarin, Premier ministre, qui va demander à M. Carayon, député, d'écrire un rapport sur l'état des lieux. de nos capacités d'intelligence par rapport aux grandes transformations, aux grandes ruptures mondiales. Là, c'est la deuxième perception de l'intelligence économique, où avec M. Carillon, l'intelligence économique doit devenir une grande politique publique. Et M. Carillon nous démontre dans son rapport, continue à nous démontrer, mais là, de façon encore plus précise, que les relations économiques mondiales se sont arsenalisées et que dans l'arsenal de nos rivaux à l'échelle internationale, de nos concurrents, l'intelligence économique joue un rôle. un rôle majeur et il en décrit les conséquences. La troisième prise de conscience, la troisième perception, c'est celle de M. Macron, président, avec la Revue Nationale Stratégique, où là on découvre en 2022, enfin, que nos rivaux ne jouent pas les mêmes règles du jeu que nous et que l'influence est devenue la tête de diamant de la démarche d'intelligence économique. Et là, dans l'application, les pouvoirs publics, et on est en France, c'est ça qui est intéressant, l'État joue un rôle important, l'État français invente... la politique publique d'intelligence économique. Celle du Comité pour la compétitivité et la sécurité économique, en 1995. Celle, suite au rapport de M. Carillon, celle de M. Raffarin, qui installe, crée la fonction du haut fonctionnaire à l'intelligence économique, qui va piloter, comme le faisait avec le préfet Ausha, le Comité pour la compétitivité et la sécurité économique, va piloter une stratégie nationale d'intelligence économique. Et puis, elle va se décliner à travers différents avatars, des délégations interministérielles à l'intelligence économique, mais... On arrive aujourd'hui avec un rapport sénatorial, qui est le rapport des sénateurs Lemoyne et Lineman, qui écrivent un rapport d'information en 2023 sur l'intelligence économique, vers une proposition de loi qu'ils ont déposée en septembre 2023, sur la question de l'intelligence économique au service d'une nouvelle souveraineté, d'une nouvelle maîtrise de nos marges d'action stratégique en France, et qui réinstalle l'intelligence économique comme un élément essentiel du pilotage, j'y reviendrai certainement, des stratégies industrielles.
- Speaker #1
Quels ont été, selon vous, les plus grands défis auxquels la France a été confrontée pour stabiliser et rendre efficace sa politique d'yeux ?
- Speaker #0
Alors les grands défis, le premier que je vois, c'est d'avoir, en France, a été de dépasser, comme dans tous les pays, dépasser les blocages culturels vis-à-vis de ce qu'on appelle la réalité de la guerre économique et de pouvoir reconnaître, dès les années 90, nous sommes dans ce déploiement de la mondialisation selon des règles de libre-échange. et de concurrence absolue. Et donc, dès qu'on parle de politique industrielle, de stratégie, de gouvernance stratégique dans le domaine commercial, on va rencontrer ce problème culturel de refus des réalités qui sont liées aux affrontements économiques. Et ça, dans la haute administration française, dans les entreprises, jusqu'à l'échelle des petites entreprises, c'est un blocage tout à fait essentiel. D'où le grand défi qui a été rencontré, celui de l'enseignement. Et dès l'origine, quand on a monté la première politique publique, 1995, la politique... par le préfet Pautral avec l'autorité du premier ministre Balladur et du président Mitterrand, il faut le dire, à l'époque, eh bien on monte, on propose dans les dix priorités de l'époque, du plan national stratégique de l'époque, 1995, d'installer deux enseignements en matière d'intelligence économique, diffuser cette culture partout le plus profondément possible. Intelligence économique et géopolitique, les aspects internationaux des relations internationales. Le deuxième défi, c'est celui, je reprends l'expression de Philippe Ausha, c'est de dépasser le vide stratégique. Qu'est-ce que le vide stratégique ? Ce n'est pas l'absence de stratégie, c'est à la place d'une stratégie d'avoir toute une série de tactiques et surtout de se contenter face à de nouvelles situations, face à la nécessité d'intelligence de ces nouvelles situations, d'aller chercher les vieux outils, les vieilles méthodes, les fonctions que j'évoquais tout à l'heure, de veille technologique, etc., qui ne sont plus suffisantes, voire qui rendent nos intelligences aveugles. Et donc dépasser ce vide stratégique a été tout à fait essentiel. Et ce vide stratégique s'est traduit aussi à l'époque, je parle de 1995 jusqu'à 2015, jusqu'à pratiquement nos jours. Un élément essentiel, ça a été de dépasser, ça a été un grand défi, de dépasser la désindustrialisation, de remettre de l'industrie dans la clepside nationale. Ça a été un défi considérable. Et donc d'ajuster une stratégie d'intelligence économique sur cette réindustrialisation. Et bien sûr... de développer de nouveaux outils de sécurité économique. C'est le défi de la rédaction qui nous a fait défaut pendant tant d'années en matière de notre chance économique, la rédaction d'une doctrine d'emploi et d'application de l'intelligence économique, mais bien sûr appliquée ou orientée sur un accroissement de puissance par l'économique. Point essentiel. Et enfin, je dirais, au XXIe siècle de nos jours, on a réussi à réenchasser la démarche d'intelligence économique sur une stratégie industrielle. Car sans stratégie industrielle, la démarche d'intelligence économique n'a que peu d'efficacité. Et pendant très longtemps, chose troublante, l'intelligence économique s'est développée dans les outils, les méthodes, dans les régions, les chambres de commerce ont fait un travail incroyable et considérable partout, ou des bassins d'activité présents auprès des petites entreprises. sans que ce soit lié à la stratégie industrielle. Ça, c'est un sujet troublant. Et aujourd'hui, on a une revue nationale stratégique, je l'ai évoquée tout à l'heure, qui est un document de doctrine tout à fait essentiel qui prend en compte la réalité aujourd'hui, qui réenchasse les outils, les méthodes, la doctrine d'intelligence stratégique dans la problématique de l'arsenalisation des relations commerciales, de l'hyper-concurrence que nous vivons. Et donc, enfin, on a... dépasser ce défi. Troisième défi, c'est la gouvernance. La gouvernance de la politique nationale, politique publique d'intelligence économique a été un sujet considérable. La gouvernance est allée selon les avatars depuis 1994, publication du rapport Marthe, première politique publique 1995 en France. On est au SGDN, servé du Premier ministre. On bascule à Bercy, dans un ministère. On rebascule ensuite avec que Alain Juillet au SGDN auprès du Premier ministre, avec M. Buchene, délégué interministériel à l'intelligence économique, entre l'Élysée et à nouveau le ministère de l'économie. On revient avec Mme Revelle à la délégation interministérielle à l'intelligence économique auprès du Premier ministre et on retourne avec le commissaire à l'information stratégique et à la sécurité économique à Bercy. Or, et je conclurai là-dessus, une démarche d'intelligence économique ne peut pas être ministérielle. Elle est pluridisciplinaire, elle va concerner le champ. interministériel, la stratégie nationale, qu'on lit très bien dans la nouvelle revue stratégique de 2022. Dernier défi, c'est celui du partenariat public-privé. Nous avons un mal considérable en France à ajuster nos stratégies public-privées, à aller, comme on dit, je n'aime pas trop cette expression, mais aller à l'international, chasser en meute, d'avoir des stratégies collectives. Alors de plus en plus dans les territoires, dans les écosystèmes d'innovation, on retrouve à travers les plateformes, à travers les outils d'Internet, de veille stratégique, d'intelligence économique partagée, collaborative. On va vers cet ajustement public-privé. Et l'État, de plus en plus, on le voit à travers le travail considérable et remarquable que fait le CIC, le Service à l'information stratégique et la sécurité économique, on va vers un État qui aide, qui pilote, qui rassure et qui surtout sécurise à travers le contrôle des investissements internationaux toute une série d'outils, sécurise la relation publique-privé et va aider les entreprises.
- Speaker #1
Comment l'IE peut-elle concrètement contribuer à améliorer la compétitivité des entreprises françaises sur la scène internationale ?
- Speaker #0
L'intelligence économique aujourd'hui va nous aider à rentrer dans une intelligence des situations complexes à l'international. Elle va nous permettre de construire des stratégies offensives à l'international à travers la maîtrise du droit, la maîtrise des normes, la maîtrise aussi de ce que j'appelle l'intelligence culturelle, l'intelligence de l'autre. Les observateurs averses des relations internationales, y compris commerciales, nous disent aujourd'hui combien il est important de prendre en compte l'autre, de sortir de notre vieil Occident et de nos bonnes vieilles habitudes, pratiques d'intelligence économique, de veille stratégique, marché, d'évaluation des risques marchés, pour prendre en compte l'autre, celui qui est différent, le Sud global qui est en train de prendre le pouvoir et de déstabiliser l'entièreté des relations internationales et de l'économie mondiale. Et puis l'intelligence économique va aider aussi les entreprises à renforcer leur compétitivité, leur permettre de survivre sur les marchés à travers des outils et des méthodes, mais à nouveau qui vont être adaptés à ces nouvelles situations où le risque majeur est la désinformation, les cyberattaques, où les menaces et les risques sont celles de rivaux, de concurrents qui ne jouent pas les règles du jeu et qui déstabilisent et qui mettent en place des stratagèmes au-delà de l'éthique du bon et du... commerce, nous sommes en guerre économique et donc les outils doivent être adaptés aux nouvelles conflictualités qui sont décrites rapidement par l'hyper-compétition, la contestation sur les marchés et bien sûr les logiques d'affrontement. Je prends un exemple, l'intelligence économique va devoir aider les entreprises aujourd'hui à faire des audits de leur chaîne de valeur mondiale, du choix de leur positionnement sur des marchés sécurisés, dérisqués. Dit-on, sortir des dépendances. Aujourd'hui, les entreprises, c'est un des risques majeurs à l'échelle internationale. Vu que le monde se rationalise, l'économie mondiale se fracture en bloc. Il va falloir, pour les approvisionnements, que ce soit en semi-conducteurs ou en terres rares, en matériaux essentiels dans la chaîne de valeur et de production et de fourniture des entreprises, il va falloir faire des audits, des intelligences de chaîne de valeur tout à fait précises. Et puis, il faut sécuriser. De plus en plus, les risques sont les cyberattaques, la désinformation bien sûr, les risques informationnels, mais aussi l'application extraterritoriale du droit par les Américains, les Chinois et de plus en plus fréquents. Il va falloir s'outiller dans ce qu'on appelle le lawfare en anglais, c'est-à-dire la guerre par le droit. Et puis aussi, on n'en a pas assez parlé, c'est de doter les entreprises d'une intelligence prospective, c'est-à-dire face à ce monde fracturé. et ces chaînes de mal en fracturer, il faut que les entreprises anticipent sur des nouveaux marchés et fassent œuvre collectivement aussi à partir de leur territoire de projection, fassent œuvre de prospective, anticipent sur les nouveaux risques, les nouvelles menaces. Je n'ai pas parlé du risque climatique qui est fondamental et essentiel pour choisir de nouveaux marchés. Et donc là, on est bien au-delà de la compétitivité simple, on est dans une compétitivité de crise. une compétitivité de survie, de réorientation des marchés, de vigilance extrême et considérable.
- Speaker #1
Pouvez-vous expliquer comment l'IEU façonne la stratégie de la France en matière de politique étrangère et de défense ?
- Speaker #0
Je l'évoquais tout à l'heure, une démarche d'intelligence économique a très peu d'efficience ou d'efficacité si elle n'est pas arrimée, si elle n'irrigue pas, elle n'aide pas à piloter une stratégie. Ce qui est essentiel aujourd'hui, c'est le pouvoir d'industrie sur les marchés, c'est le pouvoir d'innovation. C'est la stratégie industrielle. Regardez les Américains, comment ils déploient à travers l'IRA, l'Inflation Reduction Act, une véritable politique industrielle pour attirer les investissements internationaux, pour financer les technologies essentielles aux nouveaux modes de production décarbonés et numériques. Et donc, attention, l'intelligence économique, elle n'aura de sens que s'il y a stratégie. Alors ce qui est intéressant, c'est qu'en politique étrangère, si je regarde... se déployer la politique étrangère à partir toujours de cette doctrine aujourd'hui écrite depuis 2022 de sécurité nationale que nous appelons la revue nationale stratégique avec ses dix objectifs. On s'aperçoit qu'effectivement la France prend conscience en 2024, là c'est en 2022, que l'influence joue un rôle essentiel notamment dans les politiques du ministère des Affaires étrangères et que cette influence doit renforcer le pouvoir. les dynamiques d'accroissement du pouvoir économique de la France. Je crains que nous ne soyons pas encore tout à fait au niveau, et si l'on suit des séminaires sur l'influence par le droit, on est quand même assez loin du résultat. Par contre, dans le domaine, et j'y reviendrai après, dans le domaine de la défense, peut-être qu'on évolue plus vite. Ce qui est essentiel, c'est que l'intelligence économique va permettre de répondre à ce constat que Graham Allison conseiller aujourd'hui âgé mais remarquable des gouvernements américains, a dans un article de Foreign Affairs de 2020 écrit « Nous rentrons dans un monde où, à nouveau, nous allons découvrir une multitude de sphères d'influence. » La guerre froide s'opérait à travers deux sphères d'influence, l'Est et l'Ouest. Aujourd'hui, c'est une multitude de sphères d'influence. Celle des faibles, celle des forts, celle des moyens, des puissances moyennes. Et ces sphères d'influence, Il faut que nous intégrions, et grâce à l'intelligence économique, une lecture, les décrypter, de comprendre comment elles fonctionnent, comment elles sont structurées, quels sont leurs objectifs, etc. Et là, l'intelligence économique va servir la politique des affaires étrangères. Elle va servir aussi, dans ce que, dans les chambres de commerce, nous avions écrit dès 2008, les nouveaux territoires de l'intelligence économique, l'intelligence culturelle. Comprendre l'autre, celui qui vient du Sud et qu'on a tellement oublié, et qui se révolte, et qui... conteste le pouvoir, qui ne s'aligne plus et qui rejoint la Russie, qui rejoint les routes de la soie. Il faut le comprendre, celui-là. Et là, l'intelligence culturelle va jouer un rôle essentiel. L'intelligence juridique, bien sûr, va servir les relations internationales du MAE, parce qu'il faut comprendre les applications considérables, les turpitudes qui sont liées à l'application extraterritoriale du droit américain. On a vu combien, je citais l'affaire Alstom, combien les Américains sont redoutables dans l'utilisation du droit, cette fameuse guerre par le droit. Et aujourd'hui, c'est très intéressant, la France est en avance sur les analyses de ce qu'on appelle les guerres atypiques. Les guerres atypiques, ce sont des guerres qui ne sont plus quasiment militaires, mais qui sont économiques, culturelles, juridiques, etc. Des guerres sur les ressources, des guerres financières, qui se distinguent des guerres hybrides, que les Chinois ont appelées la guerre hors limite, où le champ militaire a de moins en moins d'importance. Et tout ce qui est fondamental, ce sont les guerres informationnelles, les guerres économiques, les guerres technologiques, les cyberattaques, les guerres de déstabilisation par l'information. Dans le domaine de la défense, je prendrai... des éléments très simples. Aujourd'hui, nous avons la restructuration de la délégation générale à l'armement, du fait que la France, comme beaucoup de pays européens maintenant, et que l'Europe, l'Union européenne entrent dans une économie de guerre. La direction générale de l'armement a fait ce travail considérable de se réorganiser autour d'un service d'intelligence économique, appuyé à des stratégies d'innovation et créer une dynamique d'influence. Se servir de l'influence, pourquoi faire ? Pour projeter en offensive. Les forces vivent de recueils d'informations, de partenariats technologiques et scientifiques. Et l'intelligence économique dans la nouvelle Direction générale de l'armement qui est présentée est très intéressante parce qu'elle va jouer dans la chaîne de valeur, ce que j'appelle la chaîne de valeur ou d'action non linéaire de l'intelligence économique. On a d'abord l'anticipation, on a l'intervention, on a la compréhension, on a l'analyse, on a l'influence, l'action et l'influence. Et là, la Direction générale de l'armement insiste beaucoup. beaucoup sur l'anticipation. Et l'anticipation, l'intelligence économique va permettre de décrypter suffisamment à l'avance des menaces, des opportunités, mais surtout, et là on entre en stratégie, éviter la surprise stratégique scientifique ou technologique. Être toujours vigilant pour rester en innovation et en développement industriel, dans une maîtrise de la frontière technologique et scientifique. Et donc aussi d'anticiper sur les risques et les menaces que les technologies critiques vont apporter sur, bien sûr, le terrain militaire, en termes d'innovation dans l'armement. Et pour cela, pour développer cette stratégie, on crée aussi une stratégie d'influence. Et la DGA nous l'a présentée lors d'un colloque récent à l'école militaire organisé par l'école de guerre économique, qui était très intéressant, où le délégué général de l'armement a conclu les travaux et nous a expliqué aussi qu'ils étaient en train d'écrire la doctrine d'influence. Et je conclurai sur le travail que le Minarme, le ministère des Armées, fait à travers Red Team. Le travail de prospective, ce qu'il nous faut de plus en plus, c'est arrimer les outils et les méthodes de l'adjacence stratégique, de l'adjacence économique à ceux de la prospective. Et puis dernier point, pardon de le citer en dernier, c'est la sécurité, c'est-à-dire le travail qui est fait avec le soutien éminent du service à l'information stratégique et à la sécurité économique pour préserver, si je prends la base industrielle et technologique de défense, C'est, je crois, 4 500 entreprises, PME, PMI, grands groupes, mais c'est 10 %, dans ces 4 500 entreprises, il y a 10 % d'entreprises à caractère stratégique qu'il faut protéger vis-à-vis de prédateurs étrangers. Et le travail est fait entre la DGA, en coordination interministérielle avec Bercy, sur le contrôle des investissements étrangers et la sécurisation de ces actifs essentiels à notre base industrielle et de défense.
- Speaker #1
Au regard des défis contemporains tels que la cybercriminalité, l'espionnage économique et les tensions géopolitiques. Quelle direction pensez-vous que la politique publique, dit-eux en France, devrait prendre pour rester pertinente et efficace dans les années à venir ?
- Speaker #0
Je pense à trois orientations, trois directions, trois défis. Le premier, c'est de prendre le chemin de l'innovation en matière d'administration économique, sortir du vide stratégique, de la répétition à l'envie des vieux outils et des méthodes. En particulier, si je regarde ce que nous apprenons En matière d'intelligence économique, dans nos écoles de commerce, dans nos universités, et ce qu'on pratique dans les entreprises, vous me parliez tout à l'heure des applications de l'intelligence économique, c'est beaucoup des outils conçus par les anglo-saxons, par les américains, les matrice-wot, tous ces dispositifs. Et donc il faut accentuer notre travail d'innovation méthodologique. mais aussi conceptuelle, et en particulier aujourd'hui, on entre dans un champ formidable et considérable, en opportunité bien sûr de développement, d'intelligence des situations, mais aussi de menaces et de risques, c'est l'intelligence artificielle, c'est l'intelligence augmentée, c'est le capitalisme de plateforme, c'est ces outils d'intelligence artificielle qui nous donnent une capacité prédictive d'analyse de masse considérable de données, et que je relierai bien sûr directement à ce qu'on... réinvente aujourd'hui, c'est l'OSINT. On le réinvente, cette utilisation des sources ouvertes, des démarches d'intelligence des sources ouvertes, de tout ce qui est accessible sur Internet et dans les publications et les bases de données. Aujourd'hui, ça prend une dimension considérable grâce aux algorithmes d'analyse. Et en particulier, si je regarde les Chinois, dans des rapports récents, les Chinois mettent en place des stratégies d'OSINT pour y repérer sur toute une série de cibles qui intéressent la stratégie du gouvernement chinois et des entreprises chinoises pour prendre le pouvoir, installer le pouvoir des entreprises chinoises en industrie et en innovation sur le monde. Ils développent des outils d'analyse par l'intelligence artificielle de l'activité de toute une série de cibles universitaires, gouvernements, militaires et académiques. Ensuite, il y a un chemin, le chemin stratégique, je dirais, c'est celui de l'offensif. La lisibilité de notre stratégie nationale d'intelligence économique, qui est... donné à travers le service, le commissaire à l'information stratégique, à la direction générale des entreprises de notre ministère d'économie et des finances et de l'industrie, le service de l'information stratégique et de la sécurité économique est donc sous un nom très défensif. Il faut réarticuler tout cela sur une dimension définitivement offensive, car je le disais tout à l'heure, nous sommes entrés dans une ère, et pour longtemps, de confrontation géoéconomique, dit le World Economic Forum. Confrontation géoéconomique qui se traduit par une arsenalisation, une instrumentalisation du droit dans les stratégies d'intelligence économique et les stratégies commerciales de prise de pouvoir sur le marché. L'influence par le droit dans cette arsenalisation et puis l'influence par ce que j'appelle le pouvoir d'industrie, c'est-à-dire cette montée en puissance de nos capacités industrielles pour basculer dans le nouveau mode productif ou modèle productif. tiré par le digital et le numérique et qui va permettre, dans la grande transition énergétique, écologique et digitale, de survivre ou d'entrer dans un nouveau monde. Il faut que ce pouvoir d'industrie devienne une véritable influence. Dernier point, c'est l'intelligence prospective. Les professionnels américains d'intelligence économique et compétitive viennent de redéfinir la démarche d'intelligence économique aux États-Unis. Je parle... viennent d'eux, je parle du mois de novembre, de publier leur nouvelle doctrine, qui est une doctrine d'intelligence compétitive prospective, de se projeter en anticipation, d'utiliser nos capacités d'intelligence des situations quand nous sommes aveugles, parce que trop de changements, parce que nous sommes face à un régime de polycrise, crise de toutes sortes qui s'enchaîne et se télescope, pour rendre le monde illisible et très dangereux, et donc se mettre en... en capacité de prospective pour se projeter. Voilà, et puis, piloter peut-être au plus haut niveau de l'État, coordonner, comme le propose le rapport des sénateurs Lindemann et Lemoyne, d'avoir une stratégie nationale, piloter au plus haut niveau de l'État, coordonner pour répondre à tous ces défis.
- Speaker #1
Merci Philippe, à bientôt. Merci. Merci à tous de nous avoir suivis. Si vous avez aimé ce podcast, n'oubliez pas de liker et de le partager. À bientôt. Ciao, ciao.