- Speaker #1
Salut les internautes. Mon œil se penche sur le monde de Ram Divedi, CEO de Pravec Dynamics et co-founder de Kutminti Foundation. On va parler de l'Inde, de la dernière visite d'Emmanuel Macron en Inde, des rapports de force de l'Inde avec le Pakistan et de sa rivalité avec la Chine. La question est comment l'Inde... peut utiliser sa position pour influencer la compétition technologique mondiale. Je suis Ghizlane Mathiau, vous écoutez Mon Oeil. Bonjour Ram Divedi, bienvenue dans Mon Oeil depuis New Delhi.
- Speaker #0
Bonjour à vous.
- Speaker #1
Pouvez-vous vous présenter ?
- Speaker #0
Avec plaisir. Ram Divedi, je suis franco-indien, j'habite à Delhi. J'ai fait toutes mes études en France, notamment à l'école de guerre économique, donc j'ai une formation en intelligence économique. Je suis rentré en Inde après mes études. Ma famille vient de Benares, donc je ne suis pas allé à Benares, je suis allé à Delhi où j'habite toujours actuellement. Et j'ai trois grandes activités, on va dire. Deux activités business, une je gère un fonds d'investissement dans la décarbonisation. Ensuite j'ai une société industrielle, on fabrique des voitures électriques, on fabrique des voitures pour d'autres marques, en marque blanche. On a une grosse usine de batterie, on fait beaucoup de batterie pour des fermes solaires, pour pas mal de choses. On a un assez gros laboratoire. intelligence artificielle aussi dans la boîte. Donc on a à peu près 6 000 m² de centres de R&D, plus une grosse usine, on a aussi des bureaux aux Etats-Unis, au Canada, au Singapour, un peu partout en Inde. Donc c'est une boîte de taille intermédiaire, on va dire, mais qui me donne une bonne visibilité de l'écosystème d'affaires en Inde, et j'ai cette boîte avec deux amis à moi. J'ai une dernière activité qui n'est pas du tout business, on va dire. J'ai une fondation qui s'appelle Quintinity Foundation. Et en fait, j'interviens, je connais assez bien le gouvernement indien, les principales autres fondations en Inde. En Inde, les fondations ont un énorme poids dans la stratégie du pays. Les think tanks sont ultra, ultra puissants. Je pourrais y revenir si vous voulez. Et donc moi, j'interviens que sur des sujets pas liés à l'Inde en interne. J'interviens sur des sujets liés au soft power, au renseignement, à la projection de puissance, à la perception du pays, à travers le monde. Notamment, je suis connu pour avoir un outil qui mesure... tous les jours la perception de l'Inde et comment l'Inde est perçue par les médias étrangers.
- Speaker #1
Justement, comment le reste du monde perçoit l'Inde ?
- Speaker #0
Très mal, globalement. C'est pour ça que j'ai fait cette séance, il n'y aurait pas vraiment d'intérêt de faire cet exercice de manière quotidienne. Donc globalement, c'est disponible en ligne. Le site s'appelle kutniti.watch K-U-T-N-I-T-I.watch Et ça vous donne tous les jours la perception de l'Inde par pays. Alors il y a des pays, on s'y attendait, qui ont une assez mauvaise image, comme le Pakistan. Parce qu'il y a un conflit frontalier depuis la partition du pays. Mais la plupart des pays occidentaux ont une très mauvaise image de l'Inde. La France est moyenne, mais des pays comme le Canada, les Etats-Unis, l'Australie ont une très mauvaise image de l'Inde. Et l'Inde est un pays qui est absolument long, qui est très loin d'être parfait, il y a plein de problèmes. J'ai aucun problème à ce que les journalistes m'expliquent que Delhi est très pollué. J'habite à Delhi, c'est très pollué. Pour autant, quand on est à 80-90% d'articles négatifs... un peu neutre et 2% d'articles positifs, sur des années et des années, il y a un problème, en fait. Il y a une réalité qui n'est pas montrée dans les médias étrangers. Et globalement, c'est pas des fake news. Il y a beaucoup d'Indiens qui sont très complotistes et qui disent, ouais, les médias étrangers vont diffuser des informations fausses sur l'Inde et tout. Globalement, c'est pas faux. Ce qu'ils disent, c'est tout à fait réel. C'est juste le choix des articles, en fait. C'est-à-dire que vous avez un accident de train au fin fond du pays avec 5 morts, les gens vont en parler. Vous avez un fait divers, un peu bizarre, dont même les Indiens n'ont pas entendu parler, ça va être relayé dans le New York Times. Mais par contre, les choses fondamentales du pays, sur la croissance économique, sur le combat contre la pauvreté, on n'en parle pratiquement jamais. Et l'Inde reste quand même, de manière objective, la plus grosse croissance du monde. C'est le pays qui a le plus sorti de gens de la pauvreté ces 20 dernières années. La Chine l'avait fait juste avant. Il y a quand même des tonnes de trucs qui marchent bien en Inde, c'est un pays qui est très positif. où tous les ans on est un peu dans une meilleure situation, qui a un programme spatial, qui a une armée ultra technologique, qui a pas mal de choses assez intéressantes et on n'en parle à peu près jamais. Et globalement l'Inde a à peu près la même image que des pays en guerre ou des pays très peu développés, ce qui est assez particulier.
- Speaker #1
Quelles sont les forces de l'Inde ?
- Speaker #0
L'Inde c'est un pays qui a beaucoup de forces, beaucoup de faiblesses. L'Inde est connue pour un truc en général, c'est sa démographie. C'est le pays le plus peuplé du monde depuis à peu près un an, donc on est à 1,4 milliard... et des poussières. Même s'il faut voir que c'est une population qui va beaucoup baisser durant ce siècle, le nombre d'enfants par femme en Inde est de 1,9 actuellement. Donc, on est sous le seuil de renouvellement. Donc, on sait que la population va baisser, même si en parallèle, l'espérance de vie augmente énormément. Donc, là, on est dans une sorte de plateau. En gros, il y a de moins en moins de naissances, mais l'espérance de vie augmente. Donc, on est dans une zone de plateau, mais la population va beaucoup baisser, ce qui n'est pas un grand problème. Honnêtement, en Inde, on peut avouer qu'on est un peu trop nombreux. Je pense qu'à un milliard pile, ce serait plus intéressant. Donc là, on a une population jeune avec un âge médian sous les 30 ans. En France, on est à 40 et quelques années. Donc c'est une population qui arrive maintenant sur le marché du travail. C'est un peu similaire à ce que l'Europe a eu après la Seconde Guerre mondiale avec les 30 Glorieuses. Vous avez un pic de naissance en 45-50 et puis 20 ans après, vous avez des gens qui arrivent sur le marché du travail et ça crée pas mal de business. Donc, économiquement, c'est un pays qui marche bien, c'est une économie qui est très soutenue par le gouvernement, mais qui est très libérale en même temps. C'est la plus grosse croissance du monde, l'Inde actuellement, dans les grands pays. Donc, il y a forcément une force économique. Ensuite, quand vous avez une grande population, vous êtes un grand marché de consommateurs. Donc, l'Inde attire toutes les convoitises des marques étrangères pour vendre tout et n'importe quoi. Et ça, c'est une énorme force de l'Inde, et c'est, je pense, sous-évalué par le gouvernement. d'utiliser ça en tant que tout type de négociation. parce que pour énormément de marques, c'est un marché intéressant. Je travaille par exemple dans ma fondation sur les Jeux Olympiques en 2036, comment aider l'Inde à gagner les Jeux Olympiques en 2036. Et un des principaux atouts de l'Inde, c'est que pour les sponsors des Jeux Olympiques, que sont Mastercard, Airbnb, Omega et ainsi de suite, donc des marques internationales, faire des Jeux Olympiques dans un pays où tout le monde connaît déjà ces marques-là, il y a peu d'intérêt. En Inde, c'est des marques qui ont encore beaucoup de visibilité à gagner. Et du coup ça peut être très intéressant pour les sponsors de faire les Jeux Olympiques en Inde plutôt que dans un autre pays. Ensuite c'est un pays qui a une... Alors elle est peu connue mais l'armée indienne c'est le troisième budget militaire au monde, l'Inde. Après les Etats-Unis de très très loin et la Chine d'aussi assez loin. Mais donc c'est une énorme force militaire. C'est un pays qui a à peu près tous les équipements modernes militaires. Donc c'est un pays qui a l'arme nucléaire depuis longtemps. C'est un pays qui fait partie de déraper, avoir des missiles intercontinentaux ultra rapides. Qui a des missiles anti-satellites. Je crois qu'il n'y a que 4 pays sur Terre avec l'Inde. comprise qui est en démission de l'Union Européenne. Donc c'est un pays qui a une grosse armée, puis avec une masse de soldats qui est sur regard, on compte avec tous les sous-divisions de l'armée indienne et des autres ministères, il n'y a pas loin de 2 millions de soldats. Donc c'est une énorme armée. Mais encore une fois, l'Inde n'en fait pas grand-chose, à part protéger ses frontières, ce qui est très bien, participer à beaucoup d'opérations de maintien de la paix de l'ONU. L'Inde est un pays qui n'est pas belliqueux, donc c'est peu visi. Il y a aussi quelque chose dont on parle peu, c'est tout ce qui est finance, start-up. Donc c'est un énorme marché des start-up, c'est le troisième marché au monde. des startups après les Etats-Unis et la Chine encore une fois. Il y a plus de startups en Inde que dans toute l'Europe réunie. Il y a plus d'investissements dans les startups en Inde que dans toute l'Europe réunie. Il y a plus de licornes en Inde que dans toute l'Europe réunie. Donc c'est un énorme énorme marché de startups. Il y a des tonnes de startups en Inde qui valent plus de 5, 10 milliards d'euros. Énormément d'informaticiens, énormément d'ingénieurs. Et c'est devenu un gros marché de la finance aussi. C'est le quatrième marché financier mondial. Pourtant c'est un truc qui est peu culturel en Inde la finance. Mais c'est un gros marché. financier en général. Mais globalement, ce qui sous-tend tout ça, c'est que je pense que c'est un pays qui a une grosse population jeune et qui a un bon système éducatif. Qui a plein de défauts aussi, mais qui globalement, les gens font des études. Et du coup, quand vous générez tous les ans des millions de professionnels, ingénieurs, avocats, financiers, ainsi de suite, vous avez une économie qui marche bien et donc l'Inde dans une période assez positive, on va dire.
- Speaker #1
Parlons maintenant de la rivalité entre l'Inde et la Chine. Comment elle se manifeste concrètement en Inde ?
- Speaker #0
Alors, Déjà, ce qu'il faut savoir avec la Chine, c'est que ça fait 10 000 ans qu'on vit les uns à côté des autres. On est un peu les deux grandes en termes de taille, ainsi de suite, civilisation asiatique. On a encore actuellement 4000 km de frontière avec la Chine. Une immense frontière, même si elle est dans une zone dure d'accès, c'est l'Himalaya. L'Inde et la Chine ont toujours été dans l'histoire de l'humanité les deux premières puissances économiques mondiales. L'Inde a toujours été le pays le plus riche du monde. à part avec une petite période pendant les moghols et après à partir de l'arrivée des anglais. Mais avant le XVIIIe siècle, on a toujours été le pays le plus riche sur Terre. Et la Chine a toujours été le deuxième pays le plus riche sur Terre. Pendant Rome, je crois que Rome avait dépassé la Chine. L'Inde était première, l'Empire romain était deuxième. Mais globalement, ça a toujours été les deux pays les plus peuplés au monde et les deux pays les plus riches au monde. Donc, ces deux pays qui n'ont jamais eu un gros intérêt à se battre. Et si on regarde, contrairement à la France et l'Angleterre, ou la France et l'Allemagne qui sont toujours un peu tapés dessus, Les Indiens et les Chinois, globalement, déjà c'est des peuples peu combattants, peu guerriers et ainsi de suite. C'est des peuples qui ont une armée, mais pour se protéger. Et c'est des pays qui en fait n'ont pas eu beaucoup de conflits si on regarde l'histoire et la proximité de ces deux pays-là. Actuellement, en fait, l'Inde est tiraillée entre deux choses. Il y a deux mondes un peu sur Terre qui se dessinent, le monde occidental dirigé par les Etats-Unis, et puis la Chine, qui est un monde en soi en fait. La Chine n'a pas vraiment d'écosystème autour, c'est la Chine en soi. Et l'Inde ne veut être ni dans le camp de l'un ni dans le camp de l'autre. L'Inde ne veut pas rejoindre l'OTAN, ne veut pas devenir une puissance aveuglément alliée des États-Unis, mais ne veut pas non plus être un bassal de la Chine. Et il y a eu cette tentative, en 2018, de la Chine d'intégrer un peu l'Inde à son écosystème géopolitique, on va dire, et l'Inde avait refusé. Les États-Unis ont proposé à l'Inde de rentrer dans l'OTAN, ce qui est très bizarre, mais l'Inde a refusé aussi. Enfin, pas le fait qu'elle ait refusé, le fait que les États-Unis aient proposé à l'Inde de rejoindre l'OTAN. Et donc cette rivalité, actuellement, l'Inde n'en veut pas en fait. L'Inde a rien à gagner à combattre la Chine, et donc cherche à avoir une autre voie, une voie neutre, une voie non alignée, on va dire, qui a toujours été le grand principe géopolitique de l'Inde, et être un État indépendant qui ne dépend pas... des deux mégapuissances que sont les États-Unis et la Chine.
- Speaker #1
Quel rapport de force entre l'Inde et le Pakistan ?
- Speaker #0
Alors ça a été quelque chose qui a été... Moi quand j'ai grandi, dans les 80-90, c'était exceptionnel. À l'époque on parlait toujours du Pakistan, c'était un grand problème et ainsi de suite. Aujourd'hui il n'en reste plus grand chose, pour une raison assez simple, c'est que l'Inde a une énorme croissance économique, donc aujourd'hui l'Inde est un pays qui est infiniment plus riche que le Pakistan, qui est un pays qui au quotidien se pose des questions sur... des régulations internationales et qu'est-ce qu'ils vont envoyer dans l'espace, alors que le Pakistan est empêtré dans des problématiques de coups d'État perpétuels, de séparatisme et ainsi de suite. Donc aujourd'hui, le Pakistan n'a plus du tout les moyens d'avoir une attitude belliqueuse vis-à-vis de l'Inde. Donc aujourd'hui, c'est plus vraiment un sujet. Et en fait, on est rentré dans le problème opposé, c'est que le Pakistan est tellement déstabilisé et tellement instable. Alors les Indiens l'ont peut-être un peu souhaité dans leur fort intérieur dans les décennies précédentes. Mais là, ça commence à faire un peu peur d'avoir un pays à sa frontière ultra peuplée, on parle de plus de 200 millions d'habitants, qui a l'arme nucléaire, qui est aussi instable avec des zones entières du pays, contrôlées soit par les talibans, soit par les balouches, avec les iraniens qui pressent de l'autre côté. Donc ça devient assez problématique d'avoir ce pays-là, mais pas pour des raisons de guerre ouverte, mais pour des raisons d'instabilité politique du Pakistan. Mais globalement, dans les dix dernières années, la population n'en parle plus vraiment du Pakistan. Les services de renseignement sont toujours en alerte, l'armée est toujours à la frontière, mais ce n'est plus vraiment un problème comme ça l'avait été jusqu'au début des années 2000, on va dire.
- Speaker #1
Quelles sont les implications géopolitiques de la course à la suprématie en matière d'intelligence artificielle entre les États-Unis et la Chine ? Et en quoi d'autres acteurs, tels que l'Inde, permettraient d'avoir un équilibre ?
- Speaker #0
C'est une question très intéressante. Et moi, je fais beaucoup de tech. J'ai des centaines d'ingénieurs dans mes laboratoires de recherche qui font de la tech, donc beaucoup qui font de l'Inde. de l'IA, donc c'est un truc que je connais assez bien. Ce qu'il faut voir, je vais faire un pas en arrière pour répondre à votre question, l'Inde a un plan, en fait, il y a des pays sur Terre qui n'ont pas de plan, qui en fait avancent au fur et à mesure, au fil du vent, on va dire, et des pays qui ont un énorme plan sur des décennies, et l'Inde a ce plan-là. C'est peu connu du reste du monde, ce plan s'appelle Atmanirbal, et ça veut dire en fait le fait d'avoir une Inde self-reliant en anglais, une Inde indépendante, on va dire. Et donc en fait, la volonté du gouvernement, et c'est né... pendant le Covid, en fait, d'une double peur. Une peur d'un cas de force majeure, type une pandémie, ou d'une guerre, une guerre entre la Chine et les Etats-Unis, entre la Russie et les Etats-Unis, on ne sait pas. Un cas, en fait, où l'Inde se retrouverait dans une situation peu confortable. Et donc, l'Inde veut être en capacité de tout faire en interne. C'est-à-dire, c'est un immense pays qui n'a pas vraiment de frontières, puisqu'on a l'Himalaya au nord et de l'eau. autour du reste du pays. Et l'Himalaya, c'est pas une petite montagne, ce sont les plus grandes montagnes du monde. Et donc l'Inde cherche à devenir indépendant sur tout ce qui est stratégique. Ça veut pas dire que l'Inde continuera pas à acheter du champagne à la France, mais en gros, si un sujet est stratégique, il doit être fait en Inde du début à la fin. Qu'est-ce que ça veut dire ? Moi, par exemple, j'ai des voitures électriques, donc l'Inde cherche à faire des voitures en interne, cherche à ce que les batteries, moi j'ai une usine de batterie, soient faites en Inde. à ce que l'électronique qu'on met dans les voitures soit faite en Inde, que les semi-conducteurs soient faits en Inde, que les cellules de batterie avec toute la chimie qui en découle soient faites en Inde et que tout soit fait en Inde. Que ce soit par une boîte indienne ou par une boîte étrangère, ça c'est pas un problème. Mais il faut que ce soit géographiquement fait dans le pays. Et donc l'IA pose aussi cette question. Alors c'est pas qu'un objet tangible l'IA, mais tout ce qui est autour des données et des algorithmes, c'est aussi quelque chose que l'Inde cherche à faire en interne. Donc il y a d'énormes budgets pour ça. Et contrairement à la Russie et la Chine, l'Inde n'a jamais réussi à... à avoir un écosystème software propre. Les Indiens utilisent Google, ils utilisent Facebook, Instagram, Twitter, ils utilisent les mêmes outils qu'il y a dans le monde occidental. Ce qui a quelques avantages, c'est que les Indiens sont très connectés au reste du monde, ils ont les mêmes plateformes de communication que non pas les Russes ou les Chinois, par exemple. Mais par contre, ça veut dire que ces États-Unis ne sont pas indiennes, ce sont des sociétés américaines pour la plupart. Donc ces données-là sont hébergées à l'étranger et l'Inde n'est pas souverain actuellement de ces données. Et l'IA pose encore plus de problèmes. Il y a quand même une exception en Inde. c'est que TikTok depuis le clash qu'il y a eu avec la Chine en 2020 est banni en Inde. Donc TikTok n'existe pas en Inde et qui est pour le coup un logiciel chinois. Donc sur l'IA, je pense que ce qui va arriver dans les prochaines années, c'est ce qu'on appelle des PLI. En Inde, c'est des Product Link Incentive. C'est des investissements faits par le pays pour développer un secteur. Donc tous les ans, l'Inde émet ses investissements. Ce ne sont pas des petits investissements, c'est des dizaines de milliards de dollars à chaque fois. Donc on l'a eu dans les semi-conducteurs, on l'a eu dans les cellules de batterie, et ainsi de suite. Et propose à tous les acteurs de dire, voilà, moi je vais être en capacité de développer telle ou telle technologie, et en échange l'État vous donne de l'argent pour pouvoir développer. Il y a des conditions bien sûr, mais il y a une volonté politique par l'argent de développer tout cela. Et après la force de l'Inde, c'est que l'Inde a la masse d'ingénieurs importantes pour le faire. Et une autre chose que l'Inde a, c'est qu'en fait dans la Silicon Valley, il y a énormément d'Indiens. Le patron de Google est indien, le patron de Microsoft est indien. Il y a énormément de patrons indiens. Et du coup, il y a toujours cette porosité où on commence à voir énormément de mouvements de ce qu'on appelle en Inde, moi je l'appelle comme ça le reverse brain drain des indiens qui reviennent au pays. Et moi je suis connu notamment en Inde pour avoir débauché beaucoup d'ingénieurs de chez Tesla, qui bossaient en Californie à Fremont. En fait, il y a eu une époque où j'allais tous les ans, presque un mois en Californie, pour débaucher des gars de chez cette société-là. Cano, Lucid, Rivian, Tesla et ainsi de suite, pour qu'ils reviennent en Inde. Alors c'est des Indiens de naissance, mais qui travaillent là-bas depuis des fois 10 ans. Et donc l'Inde, avec un peu de push, peut récupérer ces gens-là, qui ont un niveau technologique très fort aussi dans la vallée, et les faire revenir en Inde. Surtout que maintenant, le gap en fait, en termes de qualité de vie et de niveau de vie, entre les Etats-Unis et l'Inde, quand vous gagnez bien votre vie, et très réduit, ce qui n'était pas le cas il y a 20 ans, vous n'aviez pas du tout la même vie aux Etats-Unis et en Inde il y a 20 ans. Aujourd'hui... On peut en débattre, on va dire.
- Speaker #1
L'Inde, en se positionnant entre la Chine et les États-Unis, peut-elle devenir un acteur géopolitique majeur ? Et comment peut-elle utiliser cette position pour influencer la compétition technologique mondiale ? Ah oui,
- Speaker #0
sur un point de vue technologique, oui. Parce que quand vous avez une masse d'ingénieurs énormes, quand vous avez énormément de brevets, énormément de capacités de faire de la tech, à ce niveau-là, oui. Mais ce n'est pas un niveau géopolitique, c'est un niveau, je dirais, plus technologique, on va dire. Vous m'avez entendu très positif sur l'économie indienne, sur sa capacité technologique et ainsi de suite. Je ne pense pas que l'Inde a les moyens de devenir un acteur géopolitique du même niveau que la Chine ou les Etats-Unis, voire même que la Russie. C'est un acteur important, mais c'est un acteur important parce qu'il ne représente pas par sa géopolitique intrinsèque, on va dire. Forcément, quand vous vous asseyez à une table, vous avez l'arme nucléaire, une grosse armée, une grosse économie, les gens vous écoutent. Mais c'est tout, en fait. L'Inde est par rapport à sa puissance un indien géopolitique. Quand il se passe quelque chose sur Terre, il y a des conflits actuellement en Ukraine, au Proche-Orient, ainsi de suite. La vie de l'Inde, tout le monde s'en fiche. Soyons honnêtes, les gens n'ont rien à faire de ce que pensent les Indiens au même niveau que les Sud-Coréens, les Mexicains ou les Brésiliens. C'est un assez gros pays, mais c'est tout. Et l'Inde, je connais bien ce secteur-là, on dit plus. pas en train de performer énormément pour devenir l'acteur géopolitique international. Déjà, quand vous n'avez pas la volonté, vous n'avez pas d'impérialisme qu'il soit culturel, économique, et ainsi de suite, il n'y a pas vraiment de pouche derrière. Et si vous écoutez ce que je vous ai dit tout à l'heure, le plan de l'Inde, c'est pas de conquérir le monde, c'est d'être indépendant, c'est de se refermer sur soi-même. Et je vois ça, je dis pas ça de manière négative, c'est juste le fait d'être complètement indépendant des aléas du reste de la planète. Donc ça vous met pas en position de force.
- Speaker #1
Dans le contexte de la compétition mondiale et face à sa crise systémique, comment l'Union européenne peut-elle élaborer et mettre en œuvre une stratégie pour renforcer sa position sur la scène mondiale ? On a vu Emmanuel Macron en Inde dernièrement.
- Speaker #0
Macron est quelqu'un qui est assez apprécié en Inde. Les Indiens ne connaissent pas du tout sa politique, enfin la politique qu'il peut effectuer en France. Mais c'est quelqu'un qui a eu toujours un discours ouvert vis-à-vis de l'Inde. Le fait que le Prémice indien était invité... Au 14 juillet, l'année précédente a été très appréciée. Et du coup, le premier ministre indien lui a rendu l'appareil. Et c'est pour ça qu'il est venu. C'était pour le défilé militaire indien pour la fête nationale. Et en Inde, on a un truc qu'on interdit. Alors, ce n'est pas un truc public, mais on appelle ça les Big 8. C'est les 8 pays qui comptent pour la diplomatie indienne. Et l'Inde a ce problème de mettre 80% de ses efforts diplomatiques sur 8 pays et 20% sur les 186 autres, on va dire. Et la France est dans les 8. Et en ce moment, la France est même en train de rentrer dans les quatre, on va dire, dans les quatre gros pays. Et je dirais qu'avec le Japon, par exemple, qui est l'allié absolu de l'Inde, on va dire, la France est en train de se faire une place assez intéressante. Le discours de Macron était assez bien ficelé aussi. Il a parlé notamment des Jeux Olympiques, qui est un des sujets sur lesquels je travaille. Et on le sent en creux qu'il supporte un peu la candidature indienne en 2036 pour les Jeux Olympiques. Maintenant, il y a quand même un problème que, à la France et la plupart des pays européens en général, C'est que quand ils discutent avec l'Inde, ils parlent toujours avec un drapeau français et un drapeau européen. Et ça, pour les Indiens, c'est incompréhensible. Alors, les gens éduqués du ministère des Affaires étrangères le comprennent intellectuellement, mais pas dans leur chair. C'est quelque chose de très bizarre, en fait, de toujours ramener sa diplomatie avec une entité externe qui est l'Union européenne. La France, pour un Indien, c'est la définition même de l'état-nation. C'est le pays même qui a peut-être inventé l'État-nation. L'Inde n'est pas un État-nation, mais donc la France est vue comme telle. Et pourquoi en fait la France vient avec une union, c'est toujours un peu délicat. Et l'Inde souhaite un monde très multipolaire. Le vœu pieux de l'Inde, c'est d'avoir un monde très multipolaire. Et le fait que la France soit un de ses nœuds, une de ses polarités, est très intéressant. C'est pas pour que la France vienne avec l'Europe. Est-ce que quand je parle à la France de secrets militaires, est-ce que la France les communique ? à ses alliés militaires de l'OTAN et à l'Union européenne, on ne sait pas en fait. C'est toujours un peu délicat et je pense que c'est le plus gros frein de la diplomatie de la France, mais même en général les autres pays européens.
- Speaker #1
Vous parliez tout à l'heure de la puissance des fondations et des think tanks en Inde. Pouvez-vous développer ?
- Speaker #0
En fait, l'Inde a ce système assez intéressant. Le gouvernement indien se base beaucoup sur des think tanks, dans le sens premier du terme, d'avoir des réservoirs d'idées. Et donc il existe en Inde des grandes fondations. La plus grosse c'est India Foundation, il y a aussi ORF, CEO, BV Canada Foundation, il y en a pas mal des importantes. Et globalement, la plupart des grands plans de l'Inde viennent de ces fondations-là. L'inverse n'est pas vrai, c'est-à-dire que quand une fondation publie une recommandation, 99% du temps ça atterrit sur un bureau et personne n'en fait rien. Les fondations ne sont pas tout puissantes, elles n'imposent rien au gouvernement indien. Mais par contre, la plupart des grandes idées qui sont développées en Inde viennent à un moment d'une fondation. Et du coup, elles ont un rôle très important dans la stratégie de l'Inde sur les sujets diplomatiques, géopolitiques, économiques, financiers, etc. Puisqu'elles sont capables de développer beaucoup de choses. Je vous parlais tout à l'heure du plan Atman-Yelba. C'était développé par une personne, Didier Fondation, que je connais bien, qui était assise sur le canapé en face de moi il y a 2-3 semaines. Et qui est quelqu'un qui est inconnu au bataillon. Enfin, dans le résumé, il n'est pas connu du tout, il marche dans la rue, personne ne sait qui c'est. Mais c'est lui, en fait, qui a théorisé ce plan-là, et c'est pas quelqu'un de très visible, mais il était capable, par sa fondation, en fait, de faire atterrir ce papier sur le bureau du Prime Minister Office, qui est le bureau central du chef de l'État, et jusqu'à ce que ce plan soit appliqué en Inde, et soit le plan, la pièce maîtresse de la stratégie indienne, on va dire, sur ce siècle. Ça, je pense que c'est une grande force de l'Inde d'être capable d'écouter un peu tout le monde là-dessus. Et moi, j'en fais partie à mon modeste niveau sur des sujets que j'évoquais tout à l'heure. Et ces fondations-là ont un poids... très très important.
- Speaker #1
Je vous remercie
- Speaker #0
Merci pour ce super podcast. C'était un plaisir.
- Speaker #1
Merci à tous de nous avoir suivis. Si vous avez aimé ce podcast, n'oubliez pas de liker et de le partager. À bientôt. Ciao,