- Speaker #1
Salut les internautes, mon oeil se penche sur le monde du colonel Jean-François Bianchi, consultant en communication, stratégie de communication et IES, membre de l'école de pensée sur la guerre économique. Jean-François Bianchi a enseigné pendant plus de 20 ans à l'école de guerre économique, entre autres l'IES, la diplomatie publique. et la diplomatie d'influence. Je suis Ghizlane Mathiau, vous écoutez Mon Oeil. Bonjour Jean-François Bianchi.
- Speaker #0
Bonjour, qu'allez-vous bien ?
- Speaker #1
Ça va très bien. Alors, en observant des figures telles que Trump, dont la cote de popularité augmente, Macron attale, dont la popularité en tant que Premier ministre surpasse celle de Macron, Poutine et Xi Jinping, comment évaluez-vous leur influence respective sur la scène internationale ? et intérieure. Quels éléments déterminent principalement cette influence ?
- Speaker #0
Alors, je dirais d'abord qu'il faut qu'on soit d'accord sur la notion d'influence, c'est-à-dire cette capacité de construire un environnement, cette capacité à organiser les choses autour de soi pour qu'elles fonctionnent à son avantage. Ce phénomène induit qu'au-delà du pouvoir, c'est-à-dire des attributions, légales ou constitutionnelles qui sont attribuées à une personne, celui-ci puisse, par sa nature, son charisme, ses compétences, arriver à faire jouer ensemble, mettre en résonance des intérêts, des envies, des besoins qui font qu'on va lui donner une écoute. L'image classique, la plus classique que j'utilise, est celle de M. Gandhi, qui était un obscur invo... d'Afrique du Sud et qui, habillé d'une manière extrêmement simple, sans avoir aucun pouvoir, a eu la capacité à rassembler le monde indien contre la colonisation britannique, qui était pourtant à son apogée, et qui à ce moment-là est arrivé à la faire shooter. Alors ces gens-là dont vous me citez, Trump, M. Trump, président Macron, Xi Jinping, sont d'abord des gens de pouvoir. Donc on peut déjà mesurer ce qu'ils sont capables de faire aux pouvoirs qui leur sont attribués. Si on regarde de près, par exemple, le président des États-Unis a infiniment moins de pouvoirs, au sens constitutionnel du terme, que quelqu'un comme Xi Jinping ou le président Macron, parce que la Constitution française est extrêmement favorable au président de la République en activité. Au-delà de ça, est-ce qu'on peut attribuer au président Macron, à M. Attal, une capacité d'influence, c'est-à-dire cette capacité particulière à transformer leur environnement, leur pays, le monde, d'une manière efficace ? Là, c'est plus difficile à dire, car ce sont des personnes, je le qualifierais sans être immodeste, jeunes, donc qui n'ont pas forcément tous les réseaux. Et le réseau, ça fait partie de la base de l'influence, c'est mettre en résonance des forces qu'on ne maîtrise pas toujours, mais dont on a besoin. Donc ont-ils de l'influence ? Sans doute. Font-ils des parties de réseau ? C'est une évidence. Ces réseaux se cachent à peine en disant qu'ils ont fait élire les uns, nommer les autres, qu'ils les changeront quand ils voudront, et que tout ça se fera à condition que ces personnes soient effectivement... dans la ligne du parti de Cérezo. Mais on peut en dire de la même chose du président Xi Jinping, qui certes est en fonction, certes a beaucoup de pouvoir, certes a une influence notable, mais il est tant que les forces qui divisent la Chine, le parti communiste ou les choses comme ça, lui permettent d'avoir de l'influence. Donc ont-ils de l'influence ? Oui. Ils ont du pouvoir ? Oui. Pas le même pouvoir et pas la même influence.
- Speaker #1
L'influence, c'est la capacité à changer délibérément l'état d'une chose. Et le pouvoir n'est rien seul contre l'influence. Ce sont deux citations d'Hérodote. Comment différenciez-vous l'influence de l'autorité ou de la force dans la pratique de la diplomatie publique ? Est-ce qu'on peut avoir un exemple qui illustre cette distinction ?
- Speaker #0
Eh bien, oui, il y a des différences. Dans tout acte de pouvoir, il y a une part d'autorité, il y a une part de force ou il y a une part d'influence. La part de pouvoir, c'est celle que vous donnent les textes. Un gendarme a du pouvoir, un policier a du pouvoir, parce qu'il est investi par l'État dans un certain nombre de droits, préservant l'État. Donc l'autorité, c'est un acte qui va en termes sociologiques et psychologiques. entraîner ce que l'on appelle une soumission consentie dans le contrat social des sociétés avec ses dirigeants. Il y a toujours implicitement l'accord que ce que l'on va interdire aux citoyens doit être géré par une force d'autorité supérieure à laquelle on se soumet, parce que si on ne s'y soumet pas, ça s'appelle l'anarchie et que chacun fait ce qu'il veut et nos sociétés deviendraient d'un grand manque de civilité et d'un grand manque d'efficacité. Alors ça, c'est l'autorité. La force, évidemment, quelqu'un qui a la force a un avantage concurrentiel sur quiconque. Il est évident que le rapport de force est quelque chose de tout à fait essentiel dans chacune de nos vies. Et on voit tous les jours des startups se retrouver face à Google. Et 99 fois sur 100, c'est Google qui va gagner d'une manière ou d'une autre, parce que Google a la force, la force intellectuelle, la force financière. la force de ses savoirs, la force de son travail sur les lois, que la start-up va devoir se soumettre quelque part, ou au mieux se vendre très cher, c'est généralement comme ça que ça se passe, pour le faire. Donc cette force-là va enduire ce qu'on appelle une soumission forcée, c'est-à-dire contrainte par un certain nombre d'éléments. Or, dans l'influence, il n'y a ni l'un ni l'autre, il n'y a pas d'autorité, puisqu'on peut être influence sans avoir d'autorité. d'autorité particulière pour exercer ce pouvoir ou cette puissance. Et puis, il n'y a pas non plus de force. Et je dirais, ça nous ramène à la simplicité des relations humaines. Quand on est avec ses proches, ses partenaires, ses amis, sa famille, on est dans une relation où, en toute logique, il y a peu de pouvoir et il y a peu de force. C'est une condition élémentaire des relations apaisées où ça... d'une communauté familiale ou sociale quelconque. À partir de là, effectivement, les relations humaines vont se baser essentiellement sur ce capacité d'influence. Et je veux bien mettre dans cette influence des techniques très éloignées qui techniquement ne reposent pas sur l'influence, mais qui in fine y arrivent, que sont communiquer, informer. influencer au sens des relations publiques, influencer au sens de la diplomatie publique, c'est-à-dire la diplomatie publique se mettre dans une position un peu d'opposition et d'influence dure par rapport à quelque chose qui va être plus relation publique, qui sera évidemment plus apaisée.
- Speaker #1
En prenant l'exemple du conflit frontalier entre la Chine et l'Union soviétique en 1969 et leur rapprochement actuel, Comment analysez-vous la durabilité de cette amitié sino-russe récente ? En tenant compte de leur histoire conflictuelle, quels facteurs clés influencent cette dynamique ?
- Speaker #0
Je vais d'abord citer cette phrase d'un Premier ministre britannique du milieu du XIXe siècle qui disait « L'Angleterre n'a pas d'ennemis, n'a pas d'amis, n'a que des intérêts » . Les relations internationales reposent de facto sur ce principe-là, quelle que soit la beauté et la capacité de nos diplomates. c'est-à-dire de gens spécialisés dans leur recherche du dialogue et de la négociation, il n'en reste pas moins que pour les uns comme pour les autres, ils défendent des intérêts. Et les intérêts des autres sont conceptuellement d'exactes mêmes valeurs et d'exactes mêmes poids que les intérêts des uns ou des autres. C'est évident. Donc dans l'histoire de la Chine et de la Russie... il y a eu effectivement un certain nombre d'avatars. La rupture de la Chine dans les années 50 avec l'Union soviétique de l'époque, c'est d'abord une rupture politique et idéologique, c'est-à-dire sur des courants de pensée où le marxisme-léninisme historiquement soviétique a été orienté vers des pensées plus chinoises et plus conformes à la société chinoise, ce qui n'était et de très loin... pas la même que la société russe ou la société certainement communiste. Donc cette réalité-là, c'était en fait deux pays qui défendaient l'intérêt d'une forme de leadership sur le marxisme-lédinisme, sur l'héritage. On peut dire quelque part que c'était une culture, c'était une confrontation pour un héritage. Historiquement, la Russie a perdu l'héritage soviétique à la chute du mur, pas les Chinois, qui sont toujours dedans. Je vous rappelle qu'en Chine, par exemple, l'armée, c'est l'armée du parti communiste chinois, ce n'est pas l'armée chinoise, comme on le dit trop souvent. Ce qui veut dire que la Chine a encore une vision très marxiste-léniniste de cette époque, même si, grâce aux docteurs du communisme chinois, qu'ont été Mao Tse-tung, Deng Xiaoping et maintenant le président Xi, On a revivifié cette pensée d'une manière différente. Ce qui s'est passé à partir de la chute du mur, c'est qu'après avoir abattu le communisme, s'est posé la question de la relation entre l'Occident et la Russie. Ce débat que je ne vais pas détailler ici a abouti depuis, je dirais, les années 95, au développement de la vision de Brzezinski sur le grand jeu, le grand échiquier, c'est-à-dire... Il ne faut pas que la Russie s'associe à l'Europe parce que la matière première des uns plus le savoir-faire des autres ferait un grand concurrent pour les États-Unis. Donc toute la politique, comme le disait Brzezinski, « keep the Russians out » , garder les Russes dehors de ce système-là. Et je dirais que la guerre en Ukraine n'en est qu'un avatar. Donc avoir repoussé le rapprochement entre l'Europe et l'Europe, c'est un avantage. Et la Russie, à l'avoir empêché ce que les Allemands voulaient, ce que d'une certaine manière les Français voulaient, on a donc empêché à la Russie de développer ses intérêts. À partir de là, comme dans tout pays qui est répudié par la communauté internationale, ce pays se cherche des alliés. Or, la Chine est bien trop contente d'avoir un allié de ce poids-là, même si quelque part, ça n'est pas son modèle, ça n'est pas son idée. Voilà, donc aujourd'hui, effectivement, il y a un jeu d'influence de la Chine pour avoir des bonnes relations avec la Russie. Je vous rappelle que pratiquement trois des cinq grandes voies de communication des routes de la soie moderne passent par la Russie. Donc la Chine a besoin de la Russie pour pouvoir commercer, pour pouvoir avoir des terrains de dégagement ou des choses comme ça. Et donc il est normal qu'ils se rapprochent. Donc voyons clairement les choses. Les relations internales sont faites de haut et de bas, d'amitié puis de rejet réciproque. La France et l'Angleterre ont connu ça pendant dix siècles. La France et l'Allemagne l'ont connu pendant deux siècles. Aujourd'hui, nous avons ce même phénomène avec la Chine et la Russie modernes.
- Speaker #1
Dans le contexte de résolution des conflits, comment évaluez-vous l'impact des attitudes par rapport à d'autres facteurs comme les perceptions, les croyances et les comportements ? Est-ce que vous pensez à un exemple concret ?
- Speaker #0
Alors, sans doute faut-il, pour que nous soyons tous d'accord, rappeler ce que sont les attitudes. L'attitude est un phénomène physiologique par lequel, dans notre cerveau, et par des raisonnements que l'on va appeler d'une certaine rationalité, d'une certaine honnêteté intellectuelle, on va se positionner par rapport à une problématique. Par exemple, on peut être pro-russe, on peut être pro-ukrainien, on peut être pro-ce que vous voulez. C'est-à-dire qu'on peut s'attacher par un raisonnement politique, économique, social, moral, philosophique, à un certain nombre de choses et se positionner par rapport à ça. La réalité, c'est que quand les scientifiques étudient ce phénomène dans les parts de décision que cela comporte, on s'aperçoit que l'attitude, c'est-à-dire la rationalité pure, n'est que très peu présente dans nos actes. On se plaît à se croire cartésien, éduqué et logique. Or, nous avons tous, en tant qu'hommes, en tant que femmes, parfois pris des décisions qui, à l'aune de l'expérience ou du recul, se sont avérées plus ou moins désastreuses. Mais pourtant, nous les avons prises parce qu'au moment de les prendre, nous avons pensé que c'était bien, rationnel et juste de le prendre. Ce qui nous trompe, c'est effectivement l'écart entre ce que nous percevons, c'est-à-dire ce que nous pensons. que nos organismes nous permettent de voir du réel et du concret autour de nous, et puis la représentation que l'on s'en fait. Et cette représentation pèse un poids énorme. Alors, appeler ça du préconçu, appeler ça d'une manière ou d'une autre, nous avons tous dans notre mode de fonctionnement un certain nombre de choses, soit qu'on nous les a apprises, soit qu'on les a acquises de l'expérience, qui font qu'on va considérer que, ah, bah tiens, dans ma représentation, une voiture allemande est de bonne qualité, une voiture américaine est polluante, une voiture chinoise... une voiture japonaise, pardon, est à la fois de bonne qualité et très durable, etc. Les voitures italiennes sont sportives. Ceci, ce ne sont que des représentations, car il y a forcément toujours des exemples contraires dans chacune des familles que je viens de vous citer. Alors, je peux effectivement illustrer ce propos de la différence entre les attitudes, les comportements plus loin et avant les représentations. En évoquant par exemple l'habitude de la société marocaine de s'afficher avec des 4x4 de préférence noire. Dans la société marocaine, l'image du pouvoir, l'image de l'accomplissement social, c'est de disposer d'un gros véhicule noir. Le noir, c'était l'image des autorités, traditionnellement, la couleur des voitures des ministres, etc. Et le 4x4, c'est l'accomplissement social, la capacité qu'on a à acheter de ce genre de choses. Or, étant moi-même méditerranéen, je sais d'expérience que dans les pays chauds, il vaut 100 fois mieux avoir une voiture blanche qu'une voiture noire. La voiture blanche va refléter la chaleur alors que la voiture noire va l'absorber. Autrement dit, en plein soleil, il peut y avoir parfois plusieurs dizaines de degrés d'écart entre l'une et l'autre. Donc si j'en crois à mes attitudes, c'est-à-dire la rationalité d'un choix de couleur de voiture, on devrait tous rouler en voiture blanche. Ça serait logique, ça serait la norme, et la norme est liée à la raison. Or, je constate qu'au Maroc, la majorité des gens qui peuvent se le permettre roulent en 4x4 noir. Parce que dans la représentation de cette couleur et de ce type de voiture dans la société marocaine, il apparaît que ça donne un élément, un supplément d'âme à ce véhicule, que ce soit sous forme d'autorité la couleur de l'État. ou que ce soit par rapport au coût de la du véhicule qui va être un marqueur social. Donc on a bien là un choix de société qui est fait par les acheteurs de voitures d'apparaître ou de paraître habillé d'une certaine croyance ou d'une certaine représentation sociale qui est en parfaite opposition avec toute logique rationnelle si elle devait être gérée autrement. Alors je ne gêne pas là. pierre sur les 4x4, on peut en avoir besoin dans un pays comme le Maroc, mais sur la couleur noire, ça n'a absolument aucun sens. Voilà le type d'exemple que l'on peut prendre pour illustrer la différence entre perception, croyance, représentation et de l'autre côté, l'attitude, c'est-à-dire la rationalité d'une décision quand elle est prise, je dirais, à tête reposée.
- Speaker #1
Les biais cognitifs les plus critiques englobent souvent la surévaluation des informations confirmant nos attentes. L'ignorance des données contradictoires et la tendance à prendre des décisions émotionnelles en période de crise plutôt que des décisions basées sur des faits. Comment pourriez-vous suggérer des approches visant à réduire ces biais pour optimiser les stratégies d'influence et d'intelligence économique ?
- Speaker #0
La prise de la décision émotionnelle, ce que d'aucuns essayent de nous vendre depuis quelques années comme ce qui s'appellerait de l'intelligence émotionnelle. Je veux bien accorder à ce phénomène-là une réalité, c'est-à-dire nous avons une pensée émotionnelle, une pensée qui est historiquement totalement archaïque, c'est-à-dire celle qui a perdu à nos ancêtres, bien avant notre ère, de survivre. Cette émotion, c'est la peur, la prudence, la survie, la crainte, c'est-à-dire autant de choses qui ont permis à l'espèce, ni plus ni moins, de survivre. Donc il y a bien une pensée émotionnelle. Est-elle intelligente pour autant ? Je n'en suis pas sûr parce qu'après tout, il a fallu près de 100 000 ans pour passer de quelques milliers d'êtres humains à 100 000, et donc ça a juste permis de survivre et pas de se développer, pas de progresser. Donc cette intelligence émotionnelle, pour ce qu'elle existe, est effectivement particulièrement dangereuse, parce qu'elle nous fait faire des choses d'instinct. Or, contrairement à ce que l'on dit, à part l'instinct primal archaïque, cet instinct, quand il s'agit de savoir si je dois acheter des actions à la bourse, ça monte, ça descend, et ça en quelques secondes, Ça, la génétique ne nous a pas appris à faire ça. Donc comment on se met à l'abri de ce genre de choses ? Il y a une dimension morale d'abord, comme toute chose, c'est-à-dire qu'une assaise, une pensée, une morale peut nous apprendre à avoir une réflexion et un détachement de l'émotion pour nous permettre d'avoir des raisonnements un petit peu plus raisonnés. Mais ça n'est qu'une partie, c'est-à-dire que quand il y a un événement Avoir le sang-froid au sens propre du terme, de prendre du recul par rapport à ces événements-là et de leur trouver une analyse et une cohérence qui n'est pas celle de l'instinct, ça demande effectivement une certaine aptitude émotionnelle, une certaine aptitude intellectuelle et tout le monde n'est pas toujours dans cette qualité-là. Maintenant, une autre façon de le faire, et vous parliez d'intelligence économique, Le meilleur moyen de lutter contre l'émotionnel, c'est d'acquérir de la connaissance, d'acquérir du savoir. Comprendre qu'un certain nombre de choses qui sont dites, entendues ou apparaissent, peuvent être par exemple de la fausse, de la désinformation. Et donc à partir de là, être capable simplement de démonter l'information pour épargner la cible d'une émotion. qui lui ferait prendre des décisions désagréables. Donc c'est des biais cognitifs, certes, mais la connaissance, la compétence, la sagesse, l'apprentissage sont autant d'éléments qui permettent de contourner ces avatars, sachant que ce doit être des attributs de tout cadre, de toute personne en phase de responsabilité, et encore plus de tout homme politique. Si la politique devait mener à une gestion de l'émotion, ce serait le pire des drames, c'est-à-dire qu'on jetterait des peuples entiers dans quelque chose d'assez radical et d'assez tragique. Or non, le monde n'est pas fait que d'émotion, il est fait d'un certain nombre de réalités, et seul le travail, l'assaise, la connaissance et le travail pour réunir les informations justes permettent. effectivement de s'éloigner de cette spontanéité dangereuse qui est l'intelligence émotionnelle, pour aller vers quelque chose de beaucoup plus rationnel et donc de beaucoup plus responsable. Voilà comment on peut lutter contre cette tendance que nous avons tous assez naturellement à l'émotionnel, plus ou moins évidemment.
- Speaker #1
En ce qui concerne les récentes manifestations d'agriculteurs en Allemagne, Quel est votre analyse de la situation ? Quels sont, selon vous, les principaux facteurs ayant conduit à cette gronde ? Et comment voyez-vous cette situation évoluer ?
- Speaker #0
L'Allemagne est dans une situation multifactorielle. D'abord, puisque je citais tout à l'heure la fin du mur de Berlin et la relation de l'Europe avec la Russie, il nous faut y revenir particulièrement en ce qui concerne l'Allemagne. L'Allemagne, au moment de la chute du mur de Berlin, a considéré qu'elle était désormais le centre de l'Europe. Et compte tenu de son développement économique, ce qui s'appelait autrefois le couple franco-allemand et qui était l'élément de stabilité de l'Europe, et je dirais même l'élément génétiquement formateur de l'Europe, c'est parce que ces deux nations, parce que le chancelier Adenauer et le président Charles de Gaulle, se sont réunis en disant « si on ne veut pas une... » prochaine guerre, il faut que l'on s'unisse et qu'on admette nos différences, etc. Ce qui est un formidable exemple pour le monde de ce que peut être un axe diplomatique entre deux peuples qui se sont haïs pendant deux siècles de la manière la plus délétère possible. Donc il y a eu un moment où cet axe franco-allemand s'est un peu délité pour un certain nombre de raisons. Et l'Allemagne a dit maintenant que je suis la puissance européenne avec la réunification, que je suis géographiquement au centre, et que pour développer mon industrie, j'ai besoin des matières premières russes, je vais me rapprocher de la Russie. Donc il y a eu ce grand mouvement. dont la partie plus tenante a été, on va dire, de 1998 à 2020, avec le départ de Mme Merkel. Pendant toute cette période-là, l'Allemagne s'est vue au centre de l'Europe, avec des avantages absolument énormes. Seulement, je vous citais le plan Brzezinski. Brzezinski disait « keep the Russians out » , c'est-à-dire ne pas permettre l'alliance avec l'Europe. Il y avait aussi une phrase qui suivait, c'est « Keep the Germans down » , surtout gardons les Allemands en bas, de telle manière qu'ils ne se développent pas et qu'ils ne deviennent pas à nouveau une grande puissance politique, économique, pour ne pas dire militaire. Cette relation à l'Allemagne des États-Unis a créé un certain nombre d'inconvénients pour l'Allemagne quand elle a voulu se rapprocher de la Russie. Je vous rappelle qu'il y a quelques années, le président Biden était... devant le chancelier allemand et qu'un journaliste lui a dit « Comment voyez-vous l'arrivée du gaz russe en Allemagne ? » Ce qui est un gaz important, une quantité d'énergie inépuisable, à bas prix, donc un avantage concurrentiel pour l'Allemagne. Et le président Biden a dit « Je peux bien vous promettre qu'il n'y aura jamais une goutte de gaz russe qui arrivera en Allemagne. » Et quand on lui dit « mais il y a deux pipelines qui existent » , il dit « je vous dis qu'il n'y aura pas de gaz russe en Allemagne » . Cette situation, on sait maintenant qu'ils n'ont plus de gaz, fait qu'aujourd'hui les Allemands n'ont plus d'énergie suffisante pour maintenir leurs activités économiques. L'énergie va être très chère. Or, il se trouve que dans le même temps, pour des raisons politiciennes, et je dis bien le mot à dessein, l'Allemagne a décidé... de réduire ou de fermer sa voilure nucléaire. L'Allemagne a fermé ses centrales nucléaires, pensant qu'elle remplaçait le nucléaire par le gaz, et veut réduire ce qu'elle a en très grande quantité, c'est-à-dire de la linite. Elle est troisième producteur mondial de charbon, et elle a autant de charbon qu'elle en a. Inconvénient, le charbon, c'est pollueur. L'Allemagne est le premier pollueur de l'Europe et de très long. Et donc ce phénomène de « je ne peux pas avoir de gaz » , « je ne veux plus avoir de nucléaire » , et il faut que j'évite le charbon, n'a pas été transformé ou corrigé par l'arrivée de l'éolien ou du solaire. Une étude allemande dit que pour faire l'équivalent, il faudrait aujourd'hui 200 milliards d'euros, très très vite, c'est-à-dire des sommes absolument phénoménales, pour arriver à avoir l'énergie suffisante pour l'Allemagne. Or les Allemands, le peuple allemand, vient de s'apercevoir que cette politique politicienne des 20 dernières années de l'énergie avait un coût. C'est-à-dire que l'Allemagne paye un prix de l'énergie phénoménal. Les manifestations à Berlin, c'est quoi ? C'est simplement les agriculteurs allemands qui sont déjà très maltraités par les gouvernements pour des raisons écologiques ou économiques que vous voulez et qui en plus se voient dire « Ah ben, vous savez, votre énergie, vous allez la payer deux fois plus cher l'année prochaine » . Et là, ils disent « Non, non, non, on ne peut pas » . C'est pas possible, on ne sera plus économe, on ne sera plus compétitif, on va mourir. Mais derrière les agriculteurs, il y a énormément d'autres. Il y a toute l'industrie qui s'inquiète. Parce que fabriquer des voitures avec une énergie qui double ou qui triple en 18 mois, c'est inconcevable. Donc la réalité de l'Allemagne d'aujourd'hui, c'est ce phénomène, le développement ou le sens de l'histoire qui a été dessiné dans les années 90 par le gouvernement allemand. est en train de se déliter devant, un, la volonté américaine d'empêcher que ça se passe, deux, devant les soubresauts de l'Europe qui, n'étant plus très démocratique, aujourd'hui ne sert plus les intérêts de l'Allemagne, et puis derrière, la prise de conscience du peuple allemand que leur situation économique, politique, d'une certaine manière démographique, est assez en défaveur des années qui viennent. Et donc, voilà, c'est l'expression d'une crainte, d'une crainte de déclassement, d'une crainte de recul. Et je vous rappelle que les années 1920 ont été un traumatisme pour l'Allemagne dont aucun peuple ne peut mesurer la nature. La crise économique du Reichsmark de l'époque avait été quelque chose d'absolument épouvantable. qui avait ruiné l'Allemagne. Et les Allemands le vivent encore comme ça. Donc cette crainte-là va être l'expression d'un certain nombre de... de colère et de réagencement. Et ça va être effectivement extrêmement compliqué pour la chancellerie allemande de gérer ce réel que 20 ou 25 ans de vision politique n'ont pas voulu voir ou ont voulu voir qu'ils ne voulaient pas voir et ont pensé que ça durerait. Eh bien non, ça ne durera pas. J'insiste beaucoup sur le fait que ce phénomène... n'est pas seulement liée aux décisions allemandes, mais qu'elles sont pour moi clairement liées à une volonté des États-Unis de mettre l'Europe en général et l'Allemagne en particulier sous une forme juridique qu'on appelle le protecteur. Aujourd'hui, l'Europe est un protectorat de la finance de Wall Street, ni plus ni moins.
- Speaker #1
Merci Jean-François Bianchi.
- Speaker #0
Merci à vous et je souhaite le bon vent à vos auditeurs et j'espère que nous aurons d'autres occasions d'échanger.
- Speaker #1
Merci à tous de nous avoir suivis. Si vous avez aimé ce podcast, n'oubliez pas de liker et de partager. À bientôt. Ciao, ciao.