- Manon
duBienvenue dans Mosaïque Salsa, le podcast qui t'emmène au cœur de la salsa portoricaine, en explorant sa danse, sa musique, son histoire et sa culture. Moi c'est Manon, et sur cet épisode, je t'emmène à la rencontre de Joao. Il partage avec authenticité son expérience dans l'organisation des festivals et la découverte de nouveaux talents, mais aussi ses connaissances sur ce qui rapproche ou différencie les salsas dites portoricaine et cubaines. J'étais ravie de partager cette discussion avec lui. Bonjour Joao.
- Joao
Bonjour.
- Manon
Avant qu'on entre un peu dans le vif du sujet, est-ce que tu veux bien te présenter ?
- Joao
Alors, le prénom bien prononcé, c'est Joao.
- Manon
Joao.
- Joao
Voilà, ça c'est en portugais. Ok. Après Joao, il n'y a pas de problème. Ou Jo, ça dépend, donc plusieurs appellations. J'ai grandi à Bordeaux, vie tranquille, je n'ai pas été en prison.
- Manon
C'est bien de le préciser. Toujours intéressant.
- Joao
Vie Bordelaise tranquille, j'ai découvert la salsa à Bordeaux en 1995. Première soirée, premier disque aussi. Je ne suis pas forcément plongé dedans de suite de suite. J'étais arrivé à partir de 1999, là où c'est vraiment resté. Et puis là, ça s'est installé, et là, c'est vraiment, vraiment resté. C'est aussi à peu près la période où j'ai commencé à beaucoup voyager dans ma vie en dehors de la danse. Et du coup, ça m'a permis de découvrir plein de choses. Donc, voyager entre autres en Amérique latine, mais pas que, en Europe aussi. Et premier festival de danse, anciennement appelé Congrès. Premier en 2002, à Barcelone. Et là, une grosse claque. Une grosse claque, et puis après, pas mal de choses un peu partout ailleurs dans le monde. Donc voilà, ça c'est par rapport au monde de la salsa. Après le reste, ça ne nous regarde pas.
- Manon
Ok, il y a quelque chose que tu n'as pas dit, c'est que tu es l'organisateur du Corazon Latino.
- Joao
Oui, aussi. Depuis 2012.
- Manon
2012. Ici, on est très fiers d'avoir le Corazon. On en a profité sur toutes les éditions qui sont passées.
- Joao
C'était un peu le but aussi au départ, parce que j'ai connu une époque où vraiment des festivals, il y en avait très très très peu. Festival, congrès, tout ça, on appelle ça comment on veut, peu importe. J'ai connu une époque où il y en avait un ou deux par pays. Et encore dans les pays où il y en avait. En France, il y en avait un, à Paris. Et puis après Paris a arrêté, il y a eu Marseille qui a enclenché. Mais encore jusqu'en 2005, 2006, 2007, dans ces eaux-là, il y en avait un ou deux ou guèe plus. Il y avait un truc à Besançon à un moment donné. Je ne suis jamais allé, mais je veux en parler, je crois que ça s'appelait la Copa Loca ou un truc comme ça. Et après, ils ont commencé à faire une année sur deux. Mais c'était vraiment... Voilà, ça restait vraiment très peu d'événements. Et puis à partir d'un moment donné, ça a explosé. Il y en a eu partout. Et je me suis dit aussi que, voilà, ce serait bien que les gens qui ne voyagent pas, qui n'ont pas l'occasion d'aller ailleurs, puissent profiter d'ici, à Bordeaux, d'un événement de ce type-là. Voilà. Et puis en essayant de faire... Du mieux possible. Et j'ai toujours pensé que ce n'était pas un événement conçu pour les gens qui viennent d'ailleurs. Alors les autres sont bienvenus. Je me rappelle au début, j'ai pas mal d'amis qui disaient Ah, il faut que tu viennes à Paris, il faut que tu fasses de la promo pour faire venir les Parisiens. Écoute, les Parisiens, ils sont les bienvenus, il n'y a pas de problème. Mais ce n'est pas un événement pour eux. Enfin, pas conçu pour eux. Pas plus qu'il est conçu pour des norvégiens ou des suisses, remplir aussi les événements. Donc merci Toulouse, merci Nantes, merci Marseille pour les premières années, pour nous avoir bien épaulés peut-être plus que certains bordelais. Mais bon, voilà. Et il n'y a pas de tacle. Donc oui, c'est vraiment un événement qui est conçu pour les locaux à la base. Justement, c'est pour ça qu'on fait du spectacle aussi. Du spectacle, et pas juste des shows.
- Manon
Du coup, ça me permet d'enchaîner. On a commencé à en parler tout à l'heure. Une des caractéristiques du Corazon, c'est qu'on a pu y découvrir des artistes qu'on n'avait pas encore vus ailleurs et qui, par la suite, et je pense à Jacopo et Linda, ont explosé. Ma question, c'était, comment on fait pour avoir le nez fin ou pour repérer ces artistes-là ? Comment toi, t'as fait ? Est-ce que tu sais ?
- Joao
Comme dans la vie, il n'y a jamais trop de secrets, c'est rarement par hasard. Déjà, je ne suis pas né en 2005, donc il n'y aura pas mon âge, mais j'ai eu la chance d'arriver dans ce milieu où les choses commençait. Alors ça existait déjà, je n'ai pas inventé le milieu non plus loin de là, même ni à Bordeaux, il y avait déjà des gens avant moi. Mais de cette époque-là, il n'y en reste plus beaucoup. Donc j'ai eu la chance de rencontrer des gens très tôt, quand le milieu était en pleine émulsion et commençait vraiment à prendre corps. Et du coup, ça permet d'avoir des contacts, un réseau. J'ai beaucoup voyagé. C'est sûr que si je n'étais pas allé ailleurs, je n'aurais pas rencontré les gens d'ailleurs. Voilà aussi. Et puis après, c'est aller dans des festivals. Je suis toujours présent au show. Même si l'événement est de moyenne importance et tout ça, même si je sais que les organisateurs de cet événement-là n'accordent pas forcément une importance particulière au show, je suis là, je suis là pour voir.
- Manon
À quel moment ou qu'est-ce qui se passe dans ta tête quand tu vois un show ? C'est à ce moment-là que tu as le déclic ou l'idée et tu te dis, je pense que je vais parier sur eux parce que je sens qu'ils sont prometteurs. Est-ce que ça se passe comme ça ou pas du tout ? Moi ça m'intéresse de savoir. C'est quoi ton secret?
- Joao
On commence à rentrer dans les secrets de fabrication.
- Manon
Est-ce qu'on peut avoir un bout de la recette ?
- Joao
Je ne suis pas tout seul. Je ne suis pas seul décideur, même si il y a souvent j'ai le mot final. J'ai un truc, moi, quand je vais voir le spectacle, pareil, je n'ai rien inventé. Il y a plein d'autres gens dans notre milieu qui font ça. Je regarde au moins autant le public que le show. Parce que t'as beau adorer quelque chose, et c'est souvent un problème dans ce milieu, ce n'est pas forcément un lieu pensé à arriver là-dessus, mais on est dans un milieu où plein de gens sont passionnés. C'est très bien d'être passionné. Mais il ne faut pas oublier que quand tu es organisateur, ce n'est pas pour toi, c'est pour le public. C'est pour les gens que tu organises quelque chose. Si c'est pour toi, fais un truc chez toi dans ton salon. Et beaucoup d'organisateurs ont beaucoup trop tendance à privilégier leur goût personnel. Alors il y a deux catégories. Il y a ceux qui privilégient leur goût personnel. Souvent, c'est des flops commerciaux. Sauf à moins que leur goût personnel soit en phase avec le public. Et voilà, ça peut arriver. Mais sinon, ça va être un flop parce que du coup, tu ne peux pas non plus attirer les mouches avec du vinaigre. On dit qu'elles sont pas des beaux chiens. C'est une expression.
- Manon
On comprend l'image.
- Joao
Voilà. Et t'as une autre catégorie d'organisateurs qui sont ceux qui ne prennent que des gens connus et qui marchent. Et alors, souvent, ça se repère à la longueur de la liste du line-up. Voilà. Tous les gens qui sont connus, machin, ils prennent. Et plus l'événement va être gros, plus il va y avoir tendance à faire ce genre de choses. Et du coup, ça ne se sent pas forcément sur la qualité et encore moins sur les futurs éventuels peut-être... et les gens qui vont amener quelque chose de différent. Et je trouve ça particulièrement dommage, parce que, de un c'est de la facilité, alors bien sûr ça a un coût, parce que forcément s'ils sont connus, ils sont plus chers. Mais c'est vraiment dommage parce que du coup ça lasse le public. Et combien de fois moi j'ai entendu des gens dire Ouais, c'est bon, je vais pas aux shows, parce que du coup, tous les shows qu'il va y avoir ce soir, je les ai déjà tous vus, quatre fois pour les gens qui en font vraiment pas mal. Et c'est vrai qu'à un moment donné, ça devient un petit monde où c'est tout le temps les mêmes. C'est la même pour les DJs. Et tu vas d'un événement à un autre, et tu vois tout le temps les mêmes personnes, les mêmes DJs, les mêmes artistes, les mêmes cours. Le même cours que t'as déjà fait exactement, presque au pas près, que t'as fait il y a six mois dans un autre événement. Et c'est dommage, parce que du coup, ça mène pas de nouveautés, ça mène pas de curiosités, et ça lasse les gens.
- Manon
Plus largement, le fait de donner ta confiance ou de parier, en fait, sur des artistes qui ne sont pas encore connus, soit parce qu'ils n'ont pas de visibilité en France, ou en tout cas parce qu'ils sont au début de leur carrière. C'est aussi une manière de garder les gens accrochés et d'attiser la curiosité.
- Joao
Bien sûr. Et puis après, on peut se tromper. On peut parier sur quelqu'un et ce n'était pas le bon pari.
- Manon
Ça t'est déjà arrivé ?
- Joao
J'ai pas en tête.
- Manon
T'as pas en tête ?
- Joao
Sûrement, oui. Sûrement. Mais là, comme ça, je sais pas. C'est naturel chez l'être humain, on a tendance à oublier le mauvais, garder le bon, c'est plutôt ça. Voilà, donc on va rester là-dessus. Mais oui, très certainement, j'ai fait des erreurs. Il y a des fois, c'est évident. Tu le vois la première fois, tu dis Ah ouais, ah ! Voilà, ça, je le veux. Puis après, des fois, tu le veux, mais ça ne peut pas se faire. Pour plein de raisons. Parce que tu peux avoir un... Bon, là, on va voir un truc. Ma vision en tant qu'organisateur, je dis bien, c'est vraiment personnel. Il y a l'artiste, ce qu'il produit artistiquement, et il y a la personne. Si la personne, ça ne colle pas, si l'événement, on l'a appelé Corazon Latino c'est pas complètement par hasard non plus. C'est qu'on tient à avoir quand même une dimension humaine d'échange. Il n'y a pas que ça, mais c'est important qu'il y ait un relationnel aussi. T'es le meilleur danseur du monde, t'es un gros con, tu m'intéresses pas. C'est super, on peut boire un verre ensemble, mais ça s'arrête là.
- Manon
Puis c'est beaucoup de travail, donc finalement c'est bien d'avoir aussi un retour, en tout cas quelque chose d'agréable dans le partage et dans cette relation de travail.
- Joao
Ça me paraît une évidence. Juste un petit point à ne pas déduire que si je ne t'ai pas fait travailler, je te considère comme un con. Attention, on ne peut pas faire travailler tout le monde.
- Manon
Pour les gens qui ont envie de créer un événement, que ce soit un festival ou plus petit, qu'est-ce qui donne l'élan ou qu'est-ce qui permet de passer de l'idée à la concrétisation ?
- Joao
Je pense que chaque cas est différent. Pas de recettes dans la matière. Déjà, tout le monde a le droit de faire.
- Manon
Donc, ne pas se mettre de barrière.
- Joao
Il n'y a pas de barrière. Tout le monde a le droit de faire. Après, il y a un minimum de respect de ce qui existe déjà. Tu ne viens pas te placer en même temps ou à une semaine d'un événement existant dans la même région. Il y a un minimum de savoir vivre. De savoir vivre ensemble. Il faut une équipe. De bien s'entourer. Tu ne peux pas aller à la bataille tout seul. Et ça, ça prend du temps. Les gens qui arrivent, et ça on a connu en 22 ans de festival, forcément j'ai connu des cas qui ont été des catastrophes, qui ont fait beaucoup de mal aussi à ce milieu. Il y a des événements qui font beaucoup de bien, mais il y a aussi des événements qui font du mal, parce que c'est mal fait, parce que c'est mal organisé, parce que ça n'a pas lieu dans la minute. Il y a pas de chose, pas mal d'exemples dans ce type-là. Et c'est souvent des gens qui arrivent et qui de suite veulent être en première division. Il y a des étapes.
- Manon
Prendre son temps.
- Joao
Prendre son temps, faire des choses. Être patient. C'est faire les choses à la mesure de ce que tu es capable de faire. Tu ne peux pas arriver sur un événement qui va générer des dizaines de milliers d'euros de coûts si tu n'as pas les reins solides pour le faire. Il y a eu une époque où, maintenant c'est moins le cas, mais parce qu'on est tous un peu vigilants par rapport à ça, les artistes arrivaient à la fin du week-end et ils ne s'étaient pas payés parce que l'organisateur avait les yeux plus gros que le ventre et pensaient que ça allait marcher comme ça et que ce n'est pas le cas. Donc nous, on a commencé avec des petites soirées. Donc on a commencé à réaliser des soirées en 2006. J'en avais fait plein d'autres avant, mais à la structure, c'est-à-dire République Latina, qui est la structure qui est derrière le festival. On a fait nos premières vraies soirées à partir de 2006 jusqu'en 2011, avant de commencer à faire le festival. Donc ça a créé aussi une team, une équipe derrière, il y a aussi une expérience par rapport à tout ça. Et les soirées, c'est une communauté localement, et pas que, et aussi un relationnel avec des artistes. Parce qu'on faisait des soirées qui étaient un petit peu plus plus que la simple soirée. On faisait venir des artistes, donc on a eu fait venir des Alafia, par exemple, à Bordeaux, bien avant qu'il y ait des festivals dans le coin. Juste pour la soirée, quelques stages. Des Nouno et Vanda, des Père et Cécile, Mike et Maureen, enfin pas mal de gens qui sont venus. Pour le week-end, où il y avait juste un ou deux artistes, un DJ ou deux qui devaient venir à l'extérieur aussi. Pour un événement aussi qui nous a permis de créer une expérience par rapport à ça.
- Manon
Donc si on résume, même s'il y a beaucoup d'autres choses, mais en fait c'est ne pas se mettre de limites, tout le monde peut organiser, bien s'entourer, faire les choses dans l'ordre.
- Joao
Surtout dans l'ordre.
- Manon
Dans l'ordre, et soigner ses relations avec le milieu, en fait.
- Joao
Déjà, si tu commences à être en guerre avec la moitié de tes collègues localement, ça va être compliqué de te faire entourer, voilà. Et te faire plus, quand même, dans un milieu où... En façade Très Bisounours, où en réalité les gens qui t'épaulent pour de vrai, ne sont pas tellement légion. Donc au début, franchement c'est difficile.
- Manon
Oui, de créer une équipe c'est difficile.
- Joao
Oui, mais pas que ça. Après il faut avoir les reins solides. Pour nous les commerçants, on a vraiment vraiment perdu de l'argent. Contrairement à ce que certaines personnes peuvent s'imaginer, on a vraiment perdu pas mal d'argent. Et on a cru en nous, on a cru un tout bout du projet et ça a fini par payer mais ça aurait pu...
- Manon
Et persévérer aussi.
- Joao
Et persévérer et avoir l'estomac accroché parce que c'est un truc dont je parle encore moins. Mais la première édition, on a eu un très beau plateau pour une première édition. On a eu un très beau concert la veille, samedi soir les shows. Je ne suis pas grand fan du micro, d'être en public, d'être mis en avant. On m'a dit, si mais c'est toi, il faut que tu sois devant. Et quand tu montes sur cette scène... Que tu as ces 650 places à peu près, quand tu es sur la scène, tu les vois vraiment, les places. Quand les lumières ne sont pas encore éteintes, et que tu vois la moitié des sièges vides, tu sais ce que tu as mis derrière, tu sais ce que tu as mis en place, tu sais ce qui existe ailleurs, tu prends quand même une claque. Et là, je vais bien, tout va bien. Show must go on. Et voilà continuer de croire en soi, donc la persévérence très importante.
- Manon
Ça donne matière à réfléchir à penser à tout ça. Une autre caractéristique du Corazon, il y a toujours eu, enfin en tout cas à ma connaissance une salle porto, une salle cubaine entre autres avec aussi la bachata, la kizomba et toi dans beaucoup d'événements que t'organises encore la semaine dernière et puis la grande poste c'est pareil, tu mélanges ces deux mondes. Pourquoi ? Parce que, pourquoi pas. Il y a toujours deux écoles. C'est quoi l'idée derrière ça ?
- Joao
C'est deux sujets différents parce que c'est deux offres différentes. Pour le festival, on va avoir une salle spécifique, dédiée, assez centrée sur un style. Et quand on parle plutôt de soirées locales, où j'ai tendance à avoir des mélanges de styles, en tout cas, ce qui concerne la salsa. Donc c'est deux approches différentes. Sur mes soirées, on va commencer là-dessus. Moi j'ai connu une époque où on se posait pas la question. Porto, Cubaine, machin, je... Je dis ces termes là, que tout le monde m'entendent, me comprennent mais c'est pas des termes que j'utilise pas, normalement pas dans ma vie. On va y revenir juste après. Éventuellement, si tu veux. J'ai connu une époque où les gens se posaient pas la question. Il y avait de la musique, tu dansais, tu prenais un verre. Le niveau de danse aussi était pas le même. C'était beaucoup plus accessible. C'était certainement moins prise de tête. aussi, peut-être plus joviale, même si après ça, c'est toujours difficile, on dit toujours, avant c'était mieux. En fait, en vrai, c'est difficile de réellement comparer objectivement. C'est une vision très occidentale, très européenne, de séparer. Voilà. Après, je reviendrai sur le festival, le pourquoi sur le festival. Oui. En Amérique latine, à Cuba, ou ailleurs, en Colombie, au Venezuela, aux États-Unis, à New York, entre autres, on ne se pose pas vraiment ces questions-là. Les gens, ils ont une manière de danser qui correspond à ce qui les entoure en général. D'ailleurs, à Cuba, en fonction de la partie de Cuba, les gens ne dansent pas forcément de la même manière. À Santiago, ils ont plus une culture seule, voilà, et danser sur le contre-temps, le vrai 2, qu'on appelle l'enseignement Palladium à New York,donc vraiment sur 2, 3, 4, 6, 7, 8. Et à la Havane ils ont plus une tendance à danser en casino, ce qu'on appelle salsa cubaine chez nous en général, et ils dansent, comment on leur a appris à danser, papa, maman, tonton.
- Manon
C'est beaucoup plus intuitif, en fait.
- Joao
Voilà, c'est clairement intuitif. Les New Yorkais, eux, ils ont un peu plus le côté danse, sans que ça n'ait rien de péjoratif, danse de salon, c'est-à-dire qu'ils ont vraiment pris des cours qui ont...
- Manon
C'est assez académisé.
- Joao
Voilà, qui sont académisés. Mais ce qui est le plus courant à New York, effectivement, c'est le break On2. Dans la communauté des New Yorkais, chez les Latinos, ça dépend. Et tu vas en soirée... C'est vrai qu'à New York, la musique est quand même assez, dans les soirées salsa, assez centrée. Mais il peut très bien avoir à un moment donné un morceau d'Alexandre Abreu ou d'Isaac Delgado, par exemple, qui sont cubains. Donc ils seraient plutôt classés chez nous, dans la case cubaine. Les gens ne se posent pas la question. Ils dansent en break On2, puisque c'est la seule manière qu'ils ont de danser. La question ne se pose pas. Inversement, tu vas à la Havane, dans une soirée Marc Anthony, parce que les Cubains adorent Marc Anthony, ils aiment leur musique contemporaine. Ils en ont de moins en moins d'ailleurs, parce qu'actuellement c'est le reggaeton qui prend de la place un petit peu partout en Amérique latine, ils adorent aussi des gens, des artistes comme Mark-Anthony. Ils veulent danser comme ils savent danser, comme tout le reste. Et c'est ici qu'on a tendance à vouloir absolument sectoriser. Et dire telle musique, il faut que tu la danses de telle manière, telle musique, il faut que tu la danses de telle manière. Oui, ok, pourquoi pas ? Mais il ne faut pas que ça devienne religieux. C'est-à-dire que si tu as la capacité de danser dans plusieurs styles, et que tu es capable de t'adapter à ton danseur ou à ta danseuse, très bien. Comme dans les festivals One One ou One Two. Oui, mais si tu gères les deux, en fonction, adapte-toi et fais l'un ou l'autre. Mais je trouve qu'on se prend vraiment beaucoup trop la tête là-dessus. Ce qui est important, c'est de savoir si la musique est dansante ou pas. Et c'est pas une question de drapeau. Après, c'est un sujet très vaste, mais juste pour faire très simple, ce qu'on appelle, en gros, la Porto en général, c'est de la musique cubaine des années 50, pour faire simple. C'est un peu plus large que ça. En gros, c'est du son montuno ou de la guaracha, qui est la musique cubaine d'avant la révolution castriste, pour faire simple, encore une fois. Parce que forcément, il y a plein de choses à développer là-dessus, et il y a peut-être des gens qui vont entendre ça et dire Ah non, tu ne peux pas dire ça !
- Manon
Tu as commencé à dire que la porto, c'est la musique cubaine des années 50.
- Joao
Pour faire simple.
- Manon
Pour faire simple, en simplifiant.
- Joao
Pour faire simple, parce que le tiroir est tellement vaste. En fait, la vision, parce qu'en France, les gens arrivent à peu près à définir ce qu'est la timba. Oui, qu'ils appellent salsa cubaine. Et Cuba, c'est beaucoup plus que ça. Ils ont à peu près, je dis bien, parce que c'est pas toujours le cas, parce que dès que ça rentre un petit peu mélodique et machin, truc bidule, du coup, ça peut éventuellement sortir de la dite case. Voilà. Pour les non-initiés. Et après, tout le reste rentre dans la case porto. C'est-à-dire que ça peut être du son cubain. Un pur son cubain des années 50. Moi, je sais pas, mais arriver en soirée, passer un son, et avoir des gens qui viennent me voir et dire, ouais, tu pourras me mettre de la cubaine après. Ouais, ok, j'ai compris ce que tu voulais dire. Mais bon, voilà.
- Manon
Tu ne te formalises pas...
- Joao
Ouais, non, si je passerais mon temps à mettre des coups de boule.
- Manon
Mais oui, bien sûr.
- Joao
Mais on met aussi dans la même case la musique vénézuélienne ou colombienne. On met aussi la musique new-yorkaise des années 70. Et je précise bien les années 70, qui n'est pas forcément la musique new-yorkaise d'aujourd'hui. Qui aujourd'hui est plus centrée vers les danseurs. Et qui l'était beaucoup moins dans les années 70. Parce qu'on ne dansait pas de la même manière non plus dans les années 70. Et puis après il y a eu des artistes qui sont devenus vraiment des superstars dans les années 70 comme les Eddie Palmieri ou les Ray Barreto qui à un moment donné se sont un peu éloignés du monde de la danse, de la musique dansante pour aller plus vers du jazz. Donc en fonction du public et de la période, tu ne conçois pas forcément ta musique en fonction de l'objectif que tu peux avoir. Et donc tu as ce truc, cette case timba, qui est à peu près défini, et tout le reste est jeté dans la même case. Et je trouve que c'est difficile de mettre dans la même case un son des années 50 avec un morceau de Willie Colon, certains morceaux de Willie Colon des années 70 qui sont à la limite pas dansables. Pas dansables dans la manière qu'on a de danser aujourd'hui.
- Manon
Pourquoi dans ces cas-là, il y a eu des simplifications ? Pourquoi on a choisi ou pourquoi on appelle ça cubaine, nous, ici en France, et portoricaine finalement ?
- Joao
Alors déjà, pourquoi on est obligé de mettre des mots sur tout ? En musique, d'une manière générale, c'est très difficile de mettre des tiroirs. Je fais partie d'une génération qui a connu des disquaires, des magasins de disques, ou des magasins comme La Fnac, où Virgin avait des rayons entiers de disques, et chaque rayon avait des cases avec rock, blues, funk, machin, bidule. Mais un musicien, quand il compose de la musique, il ne se dit pas j'ai un cadre précis qui fait que je ne peux pas déborder de ce cadre-là, Alors après tu commences à avoir du blues rock. Le musicien ne se prend pas la tête de savoir si il va définir sa musique. Il doit absolument avoir une étiquette dessus. S'il a envie dans le même album de faire 3 morceaux de rock et 4 morceaux de blues, c'est son choix. Je n'ai jamais entendu des musiciens me parler du Cubaine et de Porto. Jamais. Et je n'ai jamais entendu des musiciens médire sur l'un ou l'autre. Donc déjà on a un premier problème qui est l'utilisation du drapeau, pour définir. Je trouve que c'est compliqué de définir cette musique-là avec des drapeaux. C'est une question de couleur musicale et surtout une question d'époque. Ce qu'on appelle aujourd'hui cubaine en France, c'est surtout, essentiellement, même si après il y a des gens qui savent, mais c'est essentiellement la timba des années 90-2000. Il faut savoir qu'à ce moment-là, à la fin des années 90, quand ça marchait très fort pour Cuba, c'est le moment où il y a eu un revival du son cubain via le Buena Vista Social Club, pas que, mais qui a beaucoup aidé à ça. Et du coup, des musiciens cubains âgés et un style musical qui était plus ou moins oublié et dénigré à Cuba s'est retrouvé à faire des méga salles en Europe, aux Etats-Unis. Et du coup, ces vieux-là dénigrés se sont retrouvés à faire plus de public que les jeunes groupes cubains qui marchaient très fort à Cuba. Certains l'ont pris un peu en rage à l'époque, à la fin des années 90. Et donc des gens pour qui j'ai extrêmement de respect, qui ne sont plus là aujourd'hui, qui sont décédés comme Juan Formell ou José Luis Cortés, qui était le fondateur de NG la Banda. Ces gens-là ont créé un truc qui s'appelait Team Cuba, ou Cuba Team, je ne sais plus l'ordre. Qui était un espèce de all-Star. D'accord. De tous les groupes cubains du moment, jeunes, qui marchaient. Et pour dire, ben là, nous, on n'accepte pas, quand on va à l'extérieur, d'être moins bien payés, de faire moins de gens dans la salle que les vieux, là, que nous, les personnes, on veut écouter chez nous. Ça a été un flop monumental. Un flop monumental. Au point que même David Calzado, je crois, à l'époque, le fondateur de la Chavanga Habanera, est reparti à Cuba en laissant ses musiciens à Paris. Je dis ça avec aucune forme d'enthousiasme. C'est juste vraiment une question de plus de couleur musicale et d'époque. Et aujourd'hui, il y a des gens qui continuent à faire, grosso modo... Ce qui était la couleur musicale cubaine des années 50-60. Et un groupe phare, c'est la Sonora Matancera. Après, on quittait Cuba, ils sont partis aux Etats-Unis. Mais la Sonora Matancera, c'est pour moi le groupe vraiment phare là-dedans, dont a fait partie Célia Cruz, qui a été une des chanteuses emblématiques. Pas la seule, parce qu'il y en a eu des périodes où c'était plutôt des chanteurs aussi. Ça a été la chanteuse emblématique de ce groupe-là, la Sonora Matancera. Sur plein de morceaux sur lesquels aujourd'hui on danse encore, sur les pistes qui ont été reprises. "Idilio" Que beaucoup de gens pensent être un morceau de Willie Colon, absolument pas un morceau de Willie Colon, c'est une reprise d'un standard cubain des années 50. Donc on a comme ça de temps en temps des retours de morceaux qui avaient été plus ou moins oubliés, qui sont repris. Aujourd'hui, il y a un groupe Calle Vapor qui l'a repris dernièrement, une très très belle version, il y a plein de versions de ce morceau-là. Tu te promènes dans les rues de la Havane, tu ne peux pas faire trois rues sans qu'il y ait des musiciens de rue qui jouent ce morceau-là aussi. Et c'est ça qui est beau. C'est ça qui est beau justement, d'avoir chacun son approche différente par rapport à ça. Il y a juste un truc, un sujet tout à l'heure qu'on avait abordé, on n'est pas fini, c'était l'histoire de pourquoi les salles au Corazon latinon. Je ne me suis pas perdu. C'était du pur pragmatisme.
- Manon
D'accord.
- Joao
C'est-à-dire qu'il y a ce que j'aimerais, il y a le monde comme j'aimerais qu'il soit, il y a le monde tel qu'il est. Et à un moment donné, si je fais un événement, encore une fois, c'est pour le public, c'est pour que cet événement aussi là, il marche. Parce que s'il ne marche pas, s'il n'y a pas de public, tu ne peux pas le refaire. Et donc, je suis tout à fait conscient de l'état du marché tel qu'il est, des fragmentations qu'il peut y avoir. Et du coup, je m'adapte. Je suis conscient qu'il faut qu'il y ait une salle Porto, terme qui n'a pas grand chose à voir avec Porto Rico et une salle effectivement cubaine qui est plutôt la timba dansée en casino et juste un point important là dessus c'est quand les gens me posent la question le cubaine, Porto machin toujours le premier truc que je leur dis, ça dépend tu me parles de quoi ? Tu me parles de musique ou tu parles de danse ? Parce que c'est deux choses qu'il faut absolument dissocier. C'est ce que je disais tout à l'heure à l'exemple, quand tu vas à New York ou à La Havane, les gens ils dansent comme ça, dansaient, quelle que soit l'origine du morceau, ils ne se posent pas cette question-là. Et contrairement à ce que beaucoup de gens affirment, malheureusement beaucoup trop, il y a la danse et il y a la musique. Et ce sont deux choses indépendantes. Alors effectivement, il y a des endroits où la très grande majorité danse de cette manière-là, sur cette musique-là, mais il n'y a aucune règle pour la matière. C'est écrit nulle part. Ce n'est pas de la religion. On fait ce qu'on veut.
- Manon
Du coup, tout à l'heure, on parlait de qu'est-ce qu'on fait pour mettre en place un événement. Mais ce qui est très important aussi, là, dans ce que tu as décrit, finalement, c'est avoir des connaissances, mais savoir les adapter, en fait, aussi au public. Oui. Si on reste sur le côté plus puriste, tu n'aurais pas appelé tes salles...
- Joao
Ah oui, je leur ai donné des noms de villes, en l'occurrence. Là, je rentre clairement dans le cliché.
- Manon
Oui, mais enfin, dans le cliché.
- Joao
Dans le cliché et le pragmatisme qui va avec.
- Manon
C'est ça. C'est répondre aussi à s'adapter en fait à la culture du moment, ou à la connaissance générale.
- Joao
À l'air du temps.
- Manon
Mais c'est ça en fait aussi, c'est trouver l'équilibre en fait entre ce qui est juste et ce qui va parler aux gens.
- Joao
Oui, parce qu'en fait, derrière, c'est que... Alors, ce n'était pas forcément l'objectif premier, bien que ça permet aussi de se faire rencontrer des gens qui ne se rencontreraient pas. Si tu ne permets pas à certaines personnes de se rencontrer, du coup elles ne se rencontreraient peut-être jamais. Et il n'y a que les montagnes qui ne se rencontrent pas. Donc du coup, en faisant une salle spécifique, ceci, une salle spécifique, cela, pareil pour la bachata ou la kizomba, ça marche moins bien parce qu'aujourd'hui il y a vraiment des événements qui sont vraiment égo-centrés là-dessus. Et nous on n'a pas des salles de taille équivalente, et donc du coup on fait aussi des choix artistiques. Et on place essentiellement sur la salsa. Il faut qu'il y ai aussi des gens qui viennent pour un truc vraiment typique pour cette salle-là, limite ils ne vont jamais en bouger, ils vont être tout le week-end dans cette salle-là, mais il y a aussi des gens qui à un moment donné, bon, allez, jetez un petit coup d'oeil à côté. Ah, mais tiens, finalement, ça ne s'est pas si mal. Ah, mais ça, ça me donne envie. Et du coup, tu crées aussi, tu crées des envies, tu crées une émulsion. Ça permet aussi aux gens de faire d'autres choses et de ne pas rester juste dans ce qu'ils connaissent. Et les choses, c'est un bon... Sortir de leur zone de confort aussi.
- Manon
Les shows, c'est un bon vecteur aussi pour ça, parce que ça permet en fait, sur un temps donné, une heure, une heure et demie, deux heures, finalement, de découvrir aussi d'autres danses quand justement on a du mal à changer de salle. Parfois, je trouve que c'est aussi des coups de cœur sur des artistes et des shows et qui vont pouvoir aussi donner envie.
- Joao
Ouais, mais après, c'est pas forcément le... Ce qui centre notre vision des shows, même si après oui, à partir du moment où on prend la décision de faire 4 salles avec 4 ambiances différentes, il faut aussi que les shows soient un minimum en adéquation avec ça. Alors on est de moins en moins, on se sent de moins en moins prisonnier de ça. Au début, on essayait vraiment de respecter, d'avoir des shows, de bachata, de ça, de ça, de ça, de ça. Aujourd'hui, on veut du spectacle. Voilà, enfin aujourd'hui ça fait déjà quelques années, on est vraiment plus centré sur le spectacle. Le spectacle, et peu importe que ça rentre dans les cases ou pas dans les cases, il faut vraiment que du spectacle et que les gens en prennent plein la gueule. Il faut qu'ils repartent avec des étoiles dans les yeux et que ce soit beau. Et donc si à un moment donné on découvre un show de contemporaine, pur contemporaine, qui nous parle et qu'on a envie de mettre dedans, On le met devant. Sur la deuxième édition, on l'avait bouclé avec un show de contemporaine. On avait fini le spectacle, on a fini la soirée de show avec un spectacle pur contemporain sur une reprise brésilienne de "Ne me quitte pas" de Jacques Brel. Et ça a été une standing ovation absolue. En y Ilrepensant, j'en ai encore la chair de poule. Et donc oui, il faut sortir des sentiers battus, prendre des risques et ne pas se laisser enfermer.
- Manon
De marquer les esprits aussi et de se démarquer en fait. Et c'est ça aussi qui permet à un événement de durer ? Alors pas que ça.
- Joao
Je ne sais pas si c'est vraiment ça qui permet de durer, parce qu'il y a des événements qui sont vraiment très centrés, refermés sur leur petit milieu. Ça n'a un rien de péjoratif, c'est une simple constatation, et qui vivent très très bien depuis longtemps. Donc non, je ne sais pas si c'est sûr que ça permet de vivre longtemps, mais en tout cas, ça dépend de la vision du monde aussi que tu peux avoir. Et moi, je suis pour voilà la liberté. La liberté d'être, de s'exprimer. Et j'ai toujours refusé qu'on m'enferme dans un truc. Juste une petite anecdote. Il y a quelques années, il y a un site qui tournait pas mal qui s'appelait danse-bordeaux.com qui aujourd'hui, les réseaux sociaux faisant, est un petit peu moins connu. À un moment donné, le fondateur du site a refait tout son site et dans lequel il a fait un listing de toutes les écoles de danse avec leur style, machin, blablabla. Donc... C'était au sens large, c'est pas juste la salsa, des cours de rock, tout ça, qu'on nous a intégrés dedans et du coup, je vais regarder et je vois Republica Latina, salsa, porto. J'ai pris mon téléphone, je l'ai appelé directement, je lui ai tu m'enlèves ça. Il me dit ah bon, pourquoi ? Non, on fait des cours qui sont essentiellement dirigés vers des débutants. Si dès le départ, tu commences, les gens ils ont même pas commencé et tu commences déjà à sectoriser, bah après, faut pas s'étonner d'avoir le marché tel qu'il est. L'asso s'appelle Republica Latina, c'est pas pour rien. Il y a une histoire, c'est pareil, ça n'a pas été choisi au hasard. Ce n'est pas parce que je veux être président de la République, rien à voir, même si concrètement je suis président d'asso. C'est vraiment pour que c'était la vision bolivarienne latino-américaine, c'est-à-dire toute une Amérique latine ensemble, où il n'y a pas d'histoire de nations, de frontières. L'idée c'était déjà de réunir les gens. Force est de constater que c'est pas facile, que cette sectoralisation, elle est toujours là, et elle est bien là, peut-être même plus que jamais, mais en tout cas, je pourrais pas dire que j'ai pas essayé. Et donc pour le festival, oui, c'est une vision de liberté, j'ai pas envie de me laisser enfermer dans un truc, c'est-à-dire qu'à un moment donné, si demain on a envie de faire autre chose, d'intégrer, il y a des choses que j'aimerais, après on en peut pas tout faire, on a pas forcément l'espace aussi pour, moi j'aurais adoré intégrer une salle de tango argentin dans le festival, j'aurais vraiment adoré faire ça. Je ne suis vraiment pas un grand adepte de tango, mais je trouve que ça aurait eu de la gueule d'avoir une salle de tango là-dedans. On n'a pas l'espace pour, je ne vais pas me mettre à construire une salle à côté.
- Manon
J'ai une dernière question pour toi. Tu as commencé à en parler un petit peu, légèrement, quand tu t'es présenté. Mais j'aimerais que tu me dises qu'est-ce qui t'a accroché dans la salsa ? Qu'est-ce qui t'a embarqué ?
- Joao
C'est une bonne question, parce que la première soirée, ça fait presque 30 ans. Ce soir-là, je me rappelle très très bien. Autant, il y en a plein qui... Je les ai appelés, mais celle-là, je me rappelle vraiment très bien. C'était un lieu qui s'appelait La Perla, qui était au bout des Capus, des Capucins à Bordeaux. C'était un truc un petit peu underground. Un de ces clubs qui fait rester ouvert jusqu'à très tard dans le matinée. Et je suis rentré là-dedans, je ne connaissais pas du tout. Et j'ai l'impression, clairement, de me retrouver dans la scène du film Dirty Dancing, quand ils arrivent avec les pastèques à l'entrée de leur soirée privée. Une scène qui n'a rien à voir avec tout le reste du film. Et j'ai vraiment l'impression de me retrouver dans ce truc-là. Il se trouve que le film a été sorti quelques années avant, le film devait avoir 2-3 ans. Et j'ai vraiment l'impression de me retrouver dans cette ambiance-là, festive. Caliente mais respectueuse. Et je ne sais pas, ça m'a vraiment parlé. Mais ce n'est pas pour ça que je suis vraiment rentré complètement dedans. C'est resté marqué là. Et je ne suis revenu que quelques années après. Mais ça n'a rien à voir avec ce que c'est aujourd'hui. Enfin, ça n'a rien à voir. C'est différent de ce que ça peut être aujourd'hui. A l'époque, il y avait aussi beaucoup de latinos dans ce milieu. Aujourd'hui, force est de constater que les latinos ne sont pas très présents dans nos soirées. Ça, c'est un vrai questionnement d'ailleurs. C'est une question que beaucoup d'organisateurs, de profs, de DJs devraient se poser. Comment se fait-il que les latinos ne viennent pas ou plus dans nos soirées ? Après, on peut dire que c'est comme ça, c'est ainsi et qu'il n'y a rien à y faire. Mais ça, c'est une grande mutation à un moment donné. Parce que le milieu de la danse a évolué. et qu'eux n'ont pas forcément adhéré à cette manière de pratiquer. Voilà, tout simplement. Mais c'est une vraie différence entre l'époque et aujourd'hui.
- Manon
Merci Joao.
- Joao
Avec plaisir. Il y a plein d'autres sujets qu'on aurait pu éventuellement aborder, mais sur le sens des mots.
- Manon
Tu veux rajouter quelque chose sur le sens des mots ?
- Joao
C'est... T'as une heure de plus ? On essaie très rapidement. Je parlais tout à l'heure de la sectorisation, le fait que quand en vente, t'allais dans un disquaire et t'avais des cases. Encore aujourd'hui, on essaie toujours de classer les choses. Il y a des rayons pour ça. Et qu'à un moment donné, il y a des choses que... Moi, je mets à la place des gars qui, à l'époque, étaient dans les rayons et je me dis, putain, ça, je vais le mettre où, en fait ? Dans quelle case ? Et arbitrairement, à un moment donné, tu le mets dans cette case-là et parce que tu l'as mis dans cette case-là, éventuellement, ça va créer une vague. Tu vois, l'effet papillon. C'est-à-dire qu'à un moment donné, tu as un petit truc, et ce truc-là, il va être répété, répété, répété par d'autres gens. Et c'est comme ça qu'on en est arrivé aujourd'hui à utiliser des termes comme cubaine ou porto, machin, bidule. On a un problème de base dans ce milieu, qui est le terme salsa déjà. J'attrape juste un truc. Oui. J'ai rien préparé sauf un petit truc 5 minutes avant que t'arrives. Alors juste quelques vinyles. Alors ça, c'est une réédition qui date des années 70. Le morceau, la Guajira Guantanamera, a été composé en 1935. Et... Ça c'est une réédition qui date des années 70. Et du coup, derrière, quand tu retournes le disque, tu as les titres des chansons et le style. Un guajira, un bolero, encore un bolero, un guaganco, et ainsi de suite. C'est vraiment des styles musicaux, qui eux du coup correspondent à une certaine définition de la composition musicale. Oui, sont identifiables. Voilà ici un disque de Djokovic, celui-là date de 1964 je crois. Et là, 1964, là encore. Le genre musical qui vient s'appliquer à chacune des chansons. Tu achetais un disque là, tu savais que ce morceau là, le premier morceau, c'était un guaganco, là de l'autre côté, tu as une guajira, un son de montuno, et ainsi de suite. Eddie Palmieri, jeune, donc ça c'est 1966, si je m'abuse. Pareil, là on a encore le titre et le genre qui viennent derrière. Et au début des années 70, apparaît dans le temps de maison de disques, La Fania, qui se met à vendre des disques, se met à racheter des labels déjà existants. Et se retrouvent avec une problématique, c'est-à-dire qu'ils se sont mis à vendre des disques à des gens qui n'étaient pas forcément des initiés du genre musical. Et donc il fallait leur expliquer qu'est-ce qu'on fait comme musique, qu'est-ce qu'on vend. Et quand tu prends là-dessus, va expliquer à un non-musicien, je parle même pas à un non-initié, aujourd'hui il prend n'importe quel danseur et demande lui de te faire la différence entre une guaracha et un guaganco. Commercialement parlant, c'était impossible. C'était mission impossible. Donc il fallait un terme qui aurait pu être un autre, ils auraient pu choisir un autre nom. ils se trouvent qu'ils ont choisi salsa pas parce que ça veut dire sauce parce que ça aussi j'ai souvent entendu ça oui parce que c'est un mélange non c'est pas un mélange même si après il y a des gens qui font des mélanges une guaracha ça reste une guaracha, un son montuno ça reste un son montuno, un son ça reste un son et ainsi de suite et après il y a des gens qui vont intégrer des choses de jazz dans New York beaucoup dans les années 70 la force jazz a été très forte ce qu'on appelle salsa ça correspond à tout ça et donc à partir des années 70 donc là 1972 où il est Colon avec Hector Lavoe, et là on a le titre des chansons, et on n'a plus le style. Les styles ont disparu. Les styles ont disparu, et donc tout ça c'est devenu de la salsa. Personne n'est capable de dire où commence, où s'arrête la salsa. Donc tu mets ce que tu veux, c'est une case fourre-tout, où tu mets ce que tu veux, et quand tu mets trop ce que tu veux, mais en fait c'est difficile de se comprendre. Donc on a notre problème de base déjà, c'est de dire c'est quoi la salsa. Et donc ici on a un petit disque de Charlie Palmieri, donc le frère de Eddie Palmieri son grand frère et donc là 1977 pareil plus rien. C'est super intéressant de voir cette évolution. Ce changement en fait qui s'est traduit jusqu'aux pochettes jusqu'aux pochettes de disques surtout aux pochettes de disques et pas que La Fania parce que du coup là ici le label c'est Cotic parce qu'il n'y avait pas que La Fania à New York même si après ils ont racheté plein de labels et tout ça parce qu'ils avaient le pognon mais il y avait plein d'autres labels qui eux ont été obligés de suivre la vague enfin obligés Ils y trouvaient aussi leur intérêt financier parce que du coup les disques sont mis à se vendre très très fort. Et juste pour finir sur le choix de Salsa, tous les genres musicaux ont une appellation courte. C'est toujours 4 ou 5 lettres et facile à retenir, prononçable dans quasiment toutes les langues. Rock, funk, disco, ainsi de suite. À chaque fois, ce sont des mots courts. Et même quand tu te retrouves avec un genre musical qui est long, on en fait une abréviation. Ce qui est le contenu musical de la salsa était beaucoup trop compliqué pour marcher commercialement. D'où cette histoire de salsa.
- Manon
Et c'est les indices, en fait, qui restent de l'histoire sur les vinyles.
- Joao
Oui qui tournent toujours.
- Manon
J'ai appris plein de choses. Écoute, avec grand plaisir. Merci beaucoup. Merci pour ton écoute, j'espère que cet épisode t'a plu. On garde donc bien en tête que derrière tous ces festivals qui nous font passer des week-ends mémorables, se cachent beaucoup d'organisation, des prises de risques, de beaux paris, mais surtout des équipes qui se donnent à fond. Mais que seraient ces festivals sans les DJs ? Justement, sur le prochain épisode, Julien, DJ69, viendra parler de son activité de DJ, et surtout de comment il fait pour mettre le feu sur la piste de danse. En attendant, n'hésite pas à partager cet épisode, et à rejoindre Mosaïque Salsa sur Instagram. A lundi prochain !