- Manon.
Bienvenue dans Mosaïque Salsa, le podcast qui t'emmène au cœur de la salsa portoricaine, en explorant sa danse, sa musique, son histoire et sa culture. Moi c'est Manon, et sur cet épisode, je t'invite à découvrir ce qui se cache derrière les paroles des chansons sur lesquelles on danse. Cette semaine, c'est Mercedes, qui vient en discuter avec moi. Hispanophone bien sûr, mais également danseuse de salsa depuis plusieurs années. J'étais ravie d'en discuter avec elle.
- Manon
Bonjour Mercedes.
- Mercedes
Bonjour Manon.
- Manon
Est-ce que tu peux te présenter ?
- Mercedes
Me présenter. Alors, je m'appelle Mercedes, facile à retenir. Je suis espagnole, j'habite ici depuis 11 ans, je suis passionnée de salsa et c'est l'une des choses qui m'a beaucoup marquée quand je suis arrivée à Paris, la scène de la salsa à Paris qui est incroyable, voilà.
- Manon
Tu es espagnole et j'avais envie qu'on fasse un épisode ensemble qui parle des chansons et que tu me racontes un peu ce que ça dit.
- Mercedes
D'accord.
- Manon
Quelle chanson tu as choisi en premier ?
- Mercedes
Alors, j'ai choisi une chanson qui me fait rêver à chaque fois qu'elle est mis en soirée. C'est Oiga, Mire, Vea de l'Orquesta Gayacán. Pour moi, c'est trop joli, je ne m'en lasse pas de cette chanson. Et la deuxième, c'est un son de Benny More que j'ai découvert lors d'un voyage à Cuba.
- Manon
Donc la première, Oiga, Mire, Vea. Je le prononce mal ?
- Mercedes
Non, non, non, très bien.
- Manon
La première, de quoi elle parle ? Qu'est-ce qui te fait rêver ?
- Mercedes
Alors, c'est un hommage de la ville de Cali et surtout à la Feria de Cali, qui est la capitale de la Salsa. L'une des capitales de la Salsa, on ne va pas dire la capitale de la Salsa parce qu'il y a des désaccords. Et juste la façon dont ils parlent de la Feria, ça donne trop envie d'y aller. D'ailleurs, je n'y suis jamais allée, mais c'est l'un de mes rêves d'y aller, à cette Feria de Cali.
- Manon
Et c'est quoi justement les Ferias de Cali ?
- Mercedes
La Feria de Cali, c'est une fête où toute la ville se décore et se prépare pour que ça soit juste une expérience incroyable de salsa. C'est une semaine, fin décembre, et ça a été initié, ça a commencé comme une authentique Feria Taurina avec des corridas de toros. Je ne sais pas où ça en est aujourd'hui, mais c'était le début. Et les activités proposées se sont un peu diversifiées pour attirer le public. Il y a des concerts, des parades, des défilés, des gens qui dansent partout. Voilà, donc ça me donne trop envie d'y aller, c'est un de mes rêves.
- Manon
Et si on repart sur la chanson, il y a des phrases qui te marquent ? Est-ce que tu saurais me dire ?
- Mercedes
Déjà, rien que le début de la chanson, il parle de comment la ville se prépare. Il parle de l'hospitalité, des précautions même à prendre si tu bois trop, de comment les filles sont belles. Voilà, il décrit toute cette hospitalité, ces joies qui donnent juste trop envie d'y aller. Il dit, si vous êtes à Cali... Et que "si huele la cana, tabaco y brea". Donc si ça sent la canne à sucre, le tabac et les rues récemment faites, vous êtes à Cali, observez. Si les femmes sont jolies et hermosas, c'est une autre façon de dire jolie, ici il n'y a pas de moches, voyez-vous. "Se sabe gozar", c'est quoi ? C'est on sait s'amuser ? Oui, gozar, c'est s'amuser, mais c'est un mot qu'on ne va pas utiliser en Espagne. En Espagne, on ne dit pas a gozar, on va dire passarselo bien, on va dire d'autres mots, mais voilà, parfois moi-même, j'ai du mal à comprendre certains termes. Voilà, même si on se comprend, il y a des termes qu'on n'utilise pas.
- Manon
On sent vraiment la fierté du pays, de la ville, des habitants. Il n'y a personne qui est moche ici, c'est drôle.
- Mercedes
C'est joli. Je ne sais pas si en Espagne on dirait ça. "Mi Cali", Mon Cali, est en train de s'habiller pour vivre sa fête la plus populaire avec la canne à sucre, l'herbe et la paella. Jusqu'au petit matin, il y aura des corridas de toros. Encore une fois, vu qu'on est en 2024, je ne sais pas où ça en est ça. Et à la nuit, fête et rumba. Regarder à Cali, on sait gozar, on sait bien s'amuser. Voilà. Et là, il dit en journée, avec le soleil qui brûle, Cali se réchauffe. La nuit, les petites rues, avec l'éclairage, se font jolies. Préparez bien l'orchestre. Cette année, on va… comment dire ? On va mettre le feu. On va mettre le feu. Là il dit "Oiga, mire,vea" écoutez, regardez, observez, je sais pas. Venez à Cali pour voir, profitez de la feria. Si vous arrivez, "vayáse entonando", j'imagine qu'il veut dire, parce que même le chanteur il fait un geste avec la main pour boire, genre mettez-vous dans l'ambiance avec un verre. De danse en danse, vous allez vous sentir de plus en plus à l'aise. Un journée à la plaza avec les corridas de toros. La nuit, dans les petites maisonnettes il y a la fête. Donc, "si va uste' a Juanchito, la pasa bonito". Si vous allez a Juanchito, on devine que c'est un quartier. "Si va al barrio obrero", si vous allez au quartier des ouvriers, vous allez devenir "rumbero". "Si se me alcalora, no mire la hora". Si vous commencez à avoir chaud, j'imagine à vous amuser, ne regardez pas l'heure passer, buvez un coup et tout ira bien. Voilà, et j'aime particulièrement un passage où il dit quelque chose de beau. Comme on disait beaucoup à Cuba aussi, on n'arrêtait pas de nous dire dans les rues, à Cuba, no hay violencia. Il dit, venez à Cali pour voir, ici il n'y a pas de problème, il n'y a pas d'embrouille. Les gens de Cali s'amusent et rumbéan. Demandez une bouteille dans ma ville de Cali, les gens respectent. Ça c'est un sujet qui revient souvent aussi. Ça j'aime beaucoup et j'aime beaucoup aussi quand il fait une petite allusion à faire attention à la route.
- Manon
Ah, donc il parle plusieurs fois d'alcool ?
- Mercedes
Oui,
- Manon
Mais aussi de prévention routière.
- Mercedes
Donc, il dit Allez doucement, si vous êtes déjà prendido j'imagine, pareil, un terme qu'on n'utilise pas en espagnol, mais on devine qu'il dit si vous avez déjà bu un peu, si vous conduisez, vous allez vous mettre dans un lío, dans un embrouille, vous allez avoir des problèmes donc, restez là où vous êtes, il fait déjà jour, reposez-vous dans la bagnole et après vous partirez. Je trouve ça très très drôle et très mignon à la fois. Incroyable ! Là il dit "querían que te cantara" donc on dirait que la ville de Cali ou quelqu'un a demandé à l'orquesta Guayacán de leur faire une chanson ou un hommage ou quelque chose. Et là ils disent vous voulez que je chante ? Cali, je te chante et je te chanterai même après la feria, la rumba reste là. Ici on démontre que les femmes de Cali ont sabrosura parce qu'elles bougent là... les hanches, la taille, les femmes de Cali ont sabrosura parce qu'elles savent bouger la taille.
- Manon
Sabrosura, c'est quoi ? C'est de la sensualité ?
- Mercedes
Sabrosura, c'est avoir sabor, avoir de la grâce. Je trouve ça trop beau. Parfois, je me met à chanter pendant que je danse, tellement je suis dans le truc. Parfois, je dis au leader, désolé, je vais faire un peu de karaoké parce que là, j'adore.
- Manon
Et la deuxième chanson, Bonito y Sabroso, qu'est-ce qu'elle raconte ?
- Mercedes
Alors, déjà, pour Benny More, moi, j'ai un historique... Enfin, il y a un historique... qui m'a particulièrement marquée avec ce chanteur, que je ne connaissais pas. Je l'ai connu en 2019, honte à moi. Je pars à Cuba, et sur place, je n'arrête pas de voir Benny More, Benny More. Ça faisait 100 ans qu'il était né. Il est né en 1919, ce monsieur. Et partout, il y avait Benny More, Benny More. Et à un moment, je suis rentrée dans une librairie, et il y a un monsieur, enfin le libraire, à qui j'avais du mal à comprendre parce qu'il avait un accent très très fort, qui me parlait aussi de Benny More. Il y avait des livres de Benny More. Et là, je lui ai dit à un moment, mais c'est qui Benny More ? Et il m'a ouvert grand les yeux et il m'a dit, c'est el mejor sonero de Cuba. D'accord. Donc, je me suis intéressée à Benny More. Je me suis dit, il faut absolument que je connaisse Benny More. Donc, en partant à l'aéroport, j'achète le CD de Benny More. Et en fait, grosse découverte, je n'arrête pas de l'écouter à la maison, dans la voiture. Et ça rejoint la simplicité des paroles de juste honorer une ville, le peuple. Et tout le CD est comme ça. Il n'y a pas une terre comme la mienne. Santa Isabel de las Lajas, c'est la ville où il est né, où il fait un hommage. Cienfuegos, une autre ville de Cuba. Me voy al pueblo, je vais au village. Guantanamo, Santiago de Cuba, je viens del monte. Voilà, à la bahia de Manzanillo, tout c'est autour des villes et du peuple et c'est juste d'une simplicité unique qui te fait rêver et parfois les francophones ou les anglophones quand ils ne comprennent pas, ils me demandent mais qu'est-ce que ça raconte cette chanson ? et que je traduis, parfois les gens me disent mais c'est tout ? Bah oui, c'est juste une simplicité unique parfois les paroles, ça parle aussi beaucoup des femmes bien sûr, des histoires d'amour mais il y a quand même beaucoup d'hommages au pays, à la ville,à la nourriture.
- Manon
Tu dirais que dans les chansons de Salsa est-ce qu'il y a ces deux grands thèmes là ? il y a un peu l'hommage à la culture, aux villes, à la communauté et les histoires d'amour ? Ou est-ce qu'il y a d'autres thèmes qui reviennent ?
- Mercedes
Oui, bien sûr qu'il y a d'autres thèmes. Il y a même un peu des messages politiques cachés avec des messages. Oui, ce n'est pas le seul thème, mais ça revient quand même très souvent.
- Manon
Et pourquoi, à ton avis ? C'est un thème qui est important et qui revient comme ça dans les chansons ?
- Mercedes
Je pense qu'il y a une fierté. Ils sont quand même conscients que... en Espagne on dit que c'est la perle des Caraïbes, c'est d'une beauté unique et je pense que les gens sont conscients de ça. En fait on parle de chansons d'avant la révolution, ce qui est beau c'est qu'on danse presque 100 ans après, on danse encore sur des sons de Benny More, c'est extraordinaire pour moi ça. Cette beauté, cet héritage de la salsa... C'est hyper pur. Exactement. Donc dans cette chanson, Benny More fait un hommage aux Mexicains et à la façon de danser qu'ils ont presque comme les Cubains. Voilà. Je ne sais pas comment le message passerait aujourd'hui mais en tout cas ça va l'air très beau et très...
- Manon
C'est un compliment de sa part.
- Mercedes
C'est un compliment.
- Manon
Il faut le prendre comme ça. Oui. Il faut le prendre comme un compliment.
- Mercedes
Voilà, parce qu'on parle d'une chanson qui a peut-être 80 ans. Donc il dit, mais qu'est-ce qu'il danse joliment et avec du sabor. Il y a quand même des termes qu'on ne peut pas traduire.
- Manon
Je dirais passion.
- Mercedes
Oui.
- Manon
Danse avec passion.
- Mercedes
Bah, des Mexicains, ils dansent, enfin, ils bougent les bassins, enfin, la cintura encore, la taille et les épaules. Comme les Cubains. Presque comme les Cubains. Donc, "Pero qué bonito y sabroso bailan el mambo los mexicanos", il commence de parler des les hommes, parce qu'après il bascule aux femmes. Donc, l'hommage est à tout le monde. Là, il dit avec un sens du rythme pour danser et s'amuser. Encore, gozar et sabor deux termes qu'on a du mal à traduire. On dirait que je suis à la Havane, q uand je vois danser une Mexicaine, il ne faut pas oublier que le Mexique et la Havane, ce sont deux villes qui sont comme soeurs pour rigoler et chanter. Voilà, et maintenant il revient avec le même refrain, mais sur les femmes. "Pero que bonito y sabroso, bailan el mambo las mexicanas, mueven la cintura y los hombros" comme les cubaines.
- Manon
Et tu sais si en fait il a habité là-bas ?
- Mercedes
Je ne sais pas, je ne pense pas.
- Manon
Parce que tu m'as dit tout à l'heure que c'est un cubain.
- Mercedes
Oui.
- Manon
Et donc finalement, il a fait un hommage à une autre ville, à un pays. Ou alors peut-être qu'il y a été en voyage.
- Mercedes
Ça m'échappe, mais peut-être qu'il y a un lien entre lui et le Mexique que je ne connais pas. Ça me donne envie de chercher ça après. Mais en tout cas, il fait un beau hommage là. Un bel hommage. Et après, il y a le chœur qui chante. Voilà, encore la simplicité musicale des paroles.
- Manon
Dans sa chanson, il n'y a pas tant de paroles que ça.
- Mercedes
Non, non. Voilà, parfois quand les gens me demandent "Mais qu'est-ce que ça veut dire ?" Ça veut dire ça, tout simplement.
- Manon
C'est-à-dire qu'il y a beaucoup de chansons où en fait un salsa où il n'y a pas tant de paroles que ça ?
- Mercedes
Oui, il n'y a pas...
- Manon
Souvent c'est simple ?
- Mercedes
Oui, très souvent. Très très souvent c'est simple, oui.
- Manon
Tu as choisi ces deux chansons ensemble. Pourquoi ? C'est quoi le lien entre les deux pour toi ?
- Mercedes
L'hommage aux gens, aux villes, aux fêtes, à la simplicité, à la beauté, la beauté des femmes, la façon dont elles bougent. Quand on dit, il n'y a pas de moches ici, les Mexicaines peuvent bouger comme les gens de la Havane. Voilà, ça reste des choses très simples.
- Manon
C'est très positif.
- Mercedes
Exactement. Il n'y a pas d'embrouille ici, tout est beau, tout est bien, il n'y aura pas de problème. Y a pas de violence ici, on peut gozar ensemble.
- Manon
C'est idyllique, c'est pour ça que ça donne envie d'y aller.
- Mercedes
Exactement.
- Manon
Bon, j'ai une dernière question pour toi. Est-ce que tu peux me raconter qui t'a accroché dans la salsa ? Quand tu as commencé, qu'est-ce qui a fait que tu es restée ?
- Mercedes
Vaste question parce qu'il y a tellement de choses positives dans cette communauté. J'ai commencé quand j'avais 20 ans. J'étais étudiante dans une petite ville en Espagne. Il y avait un bar tenu par un cubain qui était un joueur de handball aussi. Et rien que, je me rappelle d'entendre la musique de l'extérieur, je disais déjà mais qu'est-ce que c'est beau ça. Et d'ouvrir la porte et d'entendre la salsa comme ça, bah c'est le fait de pouvoir aller toute seule. Tu peux sortir toute seule. Si tu t'es pointée toute seule en soirée, tu ne seras jamais seule. La danse, c'est une façon de communiquer. Donc, il y a des gens qui vont venir communiquer avec toi, qu'ils te connaissent, qu'ils ne te connaissent pas. Donc, ça, pour moi, c'est ce qui m'a fait rester et danser dans plusieurs pays. Enfin, à tout le monde, je pense. Cet aspect-là, de pouvoir sortir toute seule, parce que quand j'étais étudiante, mes potes, personne n'aimait la salsa. Il y en avait parfois, il y en avait quelques-uns qui m'accompagnaient mais voilà,je pouvais sortir toute seule.
- Manon
Moi la sensation que j'avais, c'est que à un moment donné je me suis dit si je dois déménager quelque part tant qu'il y a de la salsa dans cette ville je sais que je vais m'intégrer et que je vais me faire des amis facilement, que je vais faire des rencontres que je vais nouer des liens parce que... Mais la condition, ma condition si je devais déménager ce serait d'aller quelque part où je sais qu'il y a au moins une petite soirée pour connecter. Cette belle communauté... C'est rassurant mais pas que c'est vraiment chouette de se dire qu'un peu partout dans le monde s'il y a de la salsa, effectivement on ne sera pas seul.
- Mercedes
Voilà c'est très beau et c'est l'une des choses qui m'a vraiment attachée à Paris, cette scène salsa incroyable.
- Manon.
Merci Mercé.Merci pour ton écoute j'espère que cet épisode t'a plu Mercedes nous a donné son éclairage sur deux chansons qu'elle aime et grâce à elle nous en savons davantage sur le message porté. Cet épisode est le 10ème et dernier de la saison 1, mais la saison 2 est déjà en cours d'enregistrement. Elle promet de nouveaux invités passionnants, de nouveaux thèmes captivants et quelques surprises. Pour être sûr de ne pas rater le lancement de la saison 2, abonne-toi et rejoins Mosaïque Salsa sur Instagram. A très vite !