- Speaker #0
Le musée SACEM présente Regarde cinéaste, un podcast imaginé et animé par Stéphane Lerouge. Bonjour à tous. Notre nouvelle invitée du podcast Regards de cinéaste est une impératrice de l'humour, révélée à 25 ans par la série Palace de Jean-Michel Ribes. Immédiatement, l'interprète s'est prise en main en signant ou co-signant ses premiers One Women Show, en découvrant l'écriture de Paroles de chansons, en enregistrant en 1996 un album entier produit et composé par Bertrand Burgala. Dans ce premier podcast, nous allons évoquer ses débuts comme autrice, son itinéraire de cinéaste, étrenné avec Cadry, itinéraire où elle a dû apprendre à dialoguer avec un autre créateur, le compositeur, qui parfois a utilisé des œuvres préexistantes. Bonjour Valérie Lemercier.
- Speaker #1
Bonjour Stéphane Lerouge. Est-ce que vous pourriez nous raconter quelle était la place de la musique dans votre enfance ? Qu'est-ce que vous écoutiez ? Nous avions encore un 78 tours qui était Petite fleur, Sidney Béchette, que mon père écoutait très souvent, les yeux fermés. Et mon père aimait beaucoup la musique et aimait beaucoup danser. Donc, nous apprenait des danses de salon, la valse, le tango, le rock. Mais on écoutait aussi des chansons, de la chanson traditionnelle. Georges Brassens, certains disques étaient cachés. Pourquoi ? Parce qu'il y avait A, A, A, P de toi. avec trois petites étoiles après. Et on avait un disque, Georges Brassens chante pour toutes les oreilles. Donc, on avait des livres, des livres-disques sur Brahms, sur Litz, sur Beethoven, sur les grands musiciens. Et on avait évidemment Pierre et Leloup, Piccolo, Saxo et compagnie, et de la chanson francophone, Félix Leclerc, Moustaki, Maxime Le Forestier, Graham Allwright, qui reprenait les chansons de Cohen en français, Anne Sylvestre. Et après, moi, je ne sais pas comment je suis parvenue jusqu'à eux. Parce que moi, je m'intéressais plus les gens de Music Hall. Donc, je ne sais pas comment je me suis procuré un disque de George Milton, ni comment j'ai entendu parler de lui. Le petit pyjama, c'est pour mon papa. Les plus beaux vêtements, c'est pour ma maman. J'aimais ça, j'aimais Miss Tinguette, j'aimais Bourville et j'aimais les choses de Music Hall. À quel âge ça ? Mais très jeune, très très jeune. Donc, nous, on nous faisait écouter des trucs un peu plus sérieux. et moi j'aimais bien un peu de paillettes, un peu de musical, un peu de gaieté. C'est anachronique pour une petite fille des années 60-70. Je ne peux pas vous dire comment George Milton est arrivé jusqu'à mes oreilles. J'ai voulu m'acheter ce disque. Je crois que j'ai entendu Le Petit Pyjama. Je me suis dit, qui a fait cette chanson ? Et puis Miss Tinguette. Je sais que mon grand-père maternel l'aimait beaucoup, mais que c'était un peu interdit parce qu'il y avait un peu de jambes. Donc voilà, moi, j'ai été attirée par ça, de musical. Et puis, moi, j'ai travaillé aux pommes de terre. Mes parents étaient agriculteurs. avec mes 400francs je me suis acheté un truc qui s'ouvre comme ça, où le couvercle était une enceinte. Mon premier disque, c'était Harvest de Nelly Young. Je ne sais pas dans quel ordre c'était avec le musical, mais en tout cas, ça, c'était dans ma chambre. Sinon, le reste, on l'écoutait dans la pièce. C'était familial. C'était familial. Et Hélène, ma grande sœur, avait Amanda Lear, Follow Me, qui est, je crois aussi, un de mes disques préférés. celui probablement que j'ai le plus écouté, avec la face Follow Me, qui fait 30 minutes, avec Home Other Look, What They've Done To Me, tout ça. C'est pour moi une grande chanson. J'aime les chansons qui durent longtemps. C'est pour ça que j'aime Lindbergh de Charles Bois. J'aime les chansons qui durent très longtemps. Qui cassent le format devant 2.30. Oui, Xavier Enrose de Grace Jones. J'aime bien les grandes chansons longues et Follow Me, ça dure une face de 33 tours. Est-ce que ça m'a donné, vous avez réfléchi à basculer vers L'apprentissage de la musique. Oui, nous devions toutes jouer d'un instrument. Donc moi, j'ai commencé par la clarinette et mon père me la volait pour essayer. Ça ne me plaisait pas du tout. Je voulais être la seule à souffler dedans. Donc j'ai changé d'instrument pour le violon, parce qu'avec ses gros doigts, il n'aurait pas été capable d'en jouer. Et j'en ai fait quatre ans et j'ai demandé pour mes douze ans d'arrêter. C'était mon cadeau d'anniversaire, d'arrêter le violon. Parce qu'au bout de quatre ans, on n'est toujours pas capable de jouer un morceau qui fait plaisir à tout le monde. Alors que si on joue du piano, en deux ans, on peut déjà satisfaire l'oreille de ses convives. Je me suis tournée assez vite vers l'art dramatique quand j'ai vu que ça existait. Comme au conservatoire, il n'y avait pas que des instruments, il y avait aussi du jeu d'actrice. J'ai vu qu'il y avait un département art dramatique que j'ignorais. Je ne connaissais pas du tout ça. Et on dansait beaucoup. On avait une grande pièce, c'était finalement une salle de danse, et avec un piano, et notre père tenait absolument à ce qu'on sache danser toutes les danses, donc la valsche, le tango, le rock. Il pensait que tu étais vraiment partie intégrante, comme du savoir-vivre, d'une éducation ? Parce que lui, il adore danser, il a connu ma mère en dansant, dans une surpâte, on appelait ça une surpâte dans sa jeunesse, et c'était le meilleur danseur de la région. On l'invitait pour qu'il fasse danser des filles. Il était beau, il est toujours, mais je veux dire, c'était le danseur et il était infatigable. C'est-à-dire qu'il était connu pour, dans les fêtes, dans les deux danser jusqu'au bout de la nuit. Il aime beaucoup danser. Donc voilà, il nous apprenait à danser. Et nous, malheureusement, on n'avait pas beaucoup de partenaires qui savaient danser ces danses-là.
- Speaker #0
Là où les deux rails se rejoignent, c'est que dans votre premier film en vedette, Sexe faible, Vous chantez. Oui. Avec Alexandre Desplat. Aux arrangements. Voilà. Et que, assez vite, vous allez être l'interprète d'un album que vous écrivez comme auteur, avec Bertrand Burgala. Est-ce que vous pouvez nous raconter la genèse de ce projet ? Oui. Et surtout, quelle est la différence entre, pour vous, l'écriture de sketch et l'écriture de scénario et l'écriture de chanson ? Quel exercice c'est d'être auteur de chanson ? Alors, les sketchs, moi, dans mon cas, je joue des personnages. Voilà, je joue des gens, des personnages que souvent je connais, que j'ai vus. Donc, c'est très, très, très différent. Et la première chanson qu'on a écrite, c'était au téléphone. Ça s'appelle « Dans mon nombril » pour Kaimi Kari. Bertrand avait cinq chansons à fournir et on était tous les deux au téléphone et on a écrit la chanson en deux heures. Mais qu'y a-t-il dans mon nombril qui me rend si féminine ? Une petite bête sans son papa qui me dit le regard là, ne me manque pas, ne me tue pas, garde-moi auprès de toi. Quand je pense à mon nombril, je suis très optimiste. Enfin bon bref, au Saint-Esprit, au Sac Kelly, moi je préfère mes petits amis qui vivent dans mon nombril en harmonie. Donc il y avait quelque chose d'un peu marrant, mais je sais bien que c'est pas comme des sketchs, c'est pas trash, que ça doit être Enfin voilà, j'ai bien compris que c'était pas la même chose, mais pour autant je suis pas sûre d'avoir réussi à écrire une bonne chanson. Je pense que ça doit être encore plus mystérieux que ça, une bonne chanson. Je pense qu'il y a des touches ne pas comprendre, qui doivent être mystérieuses, ça doit être plus de la poésie. Moi, c'était un peu réaliste, peut-être un peu trop, enfin, je ne sais pas, en tout cas. Il faut davantage imager ou avoir des formules qui restent énigmatiques. Oui, je crois. Je crois que si je refaisais des chansons, je ferais attention à ça. En tout cas, l'album qu'on a fait C'est un malentendu, c'est-à-dire que c'est Vanessa Demouy qui devait faire un album. C'était une commande qu'on avait faite à Bertrand. On a fait les paroles, c'est pour ça que j'ai fait 95C, parce que Vanessa Demouy a un corps magnifique, elle faisait des publicités pour les sous-vêtements. Et elle faisait du 95C, je crois. Et donc, on était en 95. Donc j'ai fait 95C d'abord, pour elle. Et puis j'ai fait les maquettes des chansons. Et puis Bertrand m'a dit, mais en fait, tu vas les chanter toi. Ce que je n'aurais jamais osé demander, ni faire, ni D'ailleurs, j'étais très intimidée de chanter avec.Je l'aurais été moins de chanter les chansons des autres. C'était un peu intimidant de chanter mes propres mots. J'ai pris des cours de chant avec Madame Charlot. Quel souvenir vous en avez d'ailleurs ? Parce qu'Anette Charlot a été à l'époque la prof de chant de tout le showbiz. C'était une grande pédagogue.
- Speaker #1
J'ai adoré apprendre quelque chose parce que finalement Quand on joue d'un instrument, on fait tous les jours 3-4 heures de Voilà, quand on fait de la danse, on fait Et quand on est acteur, bah... Ce que je veux dire, c'est qu'on ne s'entraîne plus quelque part. On ne prend plus de cours, on n'apprend pas. Alors on vit, on se sert de sa vie, peut-être qu'on voit des acteurs et que ça nous aide, mais ce que je veux dire, c'est qu'il n'y a pas le petit training. Et donc j'ai adoré apprendre quelque chose. Elle allait toutes les semaines, elle était en 18e, et puis elle tapait du pied avec ses petites tennis. Donc elle m'a expliqué comment placer ma voix, la position. C'est d'ailleurs souvent quand on est assis, comme ça c'est plus facile de chanter, parce que quand on est dans la bonne position de corps, j'ai appris quelque chose et ça faisait tellement longtemps que je n'avais rien appris, parce qu'on ne prend plus de cours, parce que je ne faisais jamais appel à un coach pour préparer mes films. Donc voilà, j'ai aimé apprendre avec elle, et je me moquais tout le temps des actrices qui prenaient des cours de chant, je trouvais ça ridicule. Et en fait, je me suis dit, mais en fait c'est super ! d'apprendre quelque chose et de progresser surtout. Et ça m'a décomplexée parce que moi, ces chansons-là, j'osais à peine les chanter. Donc le fait que ça soit quelque chose de technique, quelque chose de purement sportif, on va dire, je me posais un peu moins de questions existentielles. Est-ce que j'ai le droit de chanter des chansons d'amour, par exemple ? Parce que c'était quand même, il y en avait quelques-unes, des chansons d'amour, des chansons un peu plus tendres, des chansons... Ce n'était pas que de la parodie, de la comédie. Moi, je n'aime pas tellement les chansons comiques. Et s'il y avait aujourd'hui une chanson qu'on pourrait écouter de cet album avec Borgala, ce serait laquelle ? Ce serait « Quand je l'ai vue ».
Comment est-ce que vous avez vécu le marathon promotionnel de la sortie de ce disque ? On se souvient de cette barraque à frites. Au Virgin Megastore. Il ne faut pas exagérer. En fait, je me retrouve avec une baraque avec des frites Haribo au Virgin Megastore le matin, un samedi matin, avant deux représentations, avec pas forcément la bonne chanson. C'était un goût de mes frites. Ce n'était pas forcément la meilleure chanson du disque. Mais comme elle était un peu marrante, c'était celle-ci qu'on me faisait chanter. C'est celle-ci sur laquelle La promo était axée. Voilà. Et... On aurait dû attendre que le spectacle soit terminé. C'était un espèce de mélange. Ils étaient contents parce que les portes s'ouvraient pour aller à la télé, mais en même temps, les gens ne comprenaient plus rien, si je chantais, si je jouais. Pour moi, j'étais un peu tiraillée parce que je peux faire plusieurs choses, mais pas en même temps. Vous pensez qu'il y a une sorte de malentendu sur la perception de l'album entre cette chanson qui était un peu l'emblème de l'album et la réalité ? peut-être plus douce, amère, réelle du disque. Un petit peu plus mélancolique, un peu plus premier degré. Voilà. Et d'ailleurs, les gens me disent très souvent l'album Goutte mes frites. Alors, il ne s'appelle pas Goutte mes frites, cet album. Et c'est vrai qu'ils citent plus, évidemment, Goutte mes frites que Le cheval en savon, justement, quand je l'ai vu. Ou Bungalow. Voilà, ça n'est pas ma chanson préférée, mais c'est celle, peut-être, qu'il... la plus amusante. Et c'est vrai que par la suite, vous avez pris part assez régulièrement comme invité à des projets d'autres chanteurs. Vous avez écrit des chansons pour d'autres interprètes, toujours avec Burgala, par exemple, pour Christophe Willem. Mais vous n'avez plus jamais depuis fait d'album comme interprète. Est-ce que l'idée, quand même, vous chatouille de temps en temps ? Oui, j'aimerais bien. Après, je trouve... Presque, mais je n'ai pas une voix suffisamment J'ai chanté avec Victoria quand on a fait ce petit duo sur Je ne sais pas, pour Aline, mais je trouve ça plus facile de chanter les chansons des autres et peut-être d'écrire des chansons pour d'autres, j'aimerais bien. Mais pas de nouvel album comme interprète ? Pas, pas, c'est pas... Voilà, par contre, j'ai très envie de faire des films musicaux. Donc oui, je suis quand même J'ai envie de continuer ces histoires de chansons, ça c'est sûr.
- Speaker #0
Vous parliez à l'instant de l'année 96, donc une année importante, puisque l'album sort, il y a le Théâtre de Paris. Et puis en même temps, cette année-là, vous allez accepter de traverser le miroir de comédienne, vous allez devenir cinéaste, à l'invitation. de Toscan du Plantier, qui à l'époque a décidé de, pas de moderniser, mais en tout cas de réactiver l'image de Guitry au fait d'une nouvelle génération, en faisant ce que personne n'a fait, c'est-à-dire remaker Guitry. Oui, et il m'a demandé de choisir entre plusieurs pièces que j'ai toutes lues, sans voir les films. C'est-à-dire que Cadry, je n'ai pas vu le film avant d'avoir fait le mien. J'ai lu les pièces et c'était la pièce que j'ai préférée, donc j'ai dit, moi je voudrais faire Cadry, voilà. Mais ça n'est pas arrivé comme ça. C'est-à-dire que j'avais fait 40 publicités. Et probablement... Comme réalisatrice. Oui, comme réalisatrice. Et donc, j'avais passé deux ans de ma vie quand même à faire des choses. C'est-à-dire efficaces et une publicité. C'est comme un film en miniature, mais il faut faire du casting, choisir des décors, faire du montage. On apprend toutes les phases d'un film. Sauf que c'est des films qui durent 30 secondes. Mais j'ai appris mon métier, moi, en faisant des pubs. Et avec quand même, puisque c'est des pubs, on est obligé d'une certaine efficacité, que ça fasse son effet Il y a un cahier des charges en tout cas. Ah bah oui, et avec beaucoup de contraintes. J'ai fait des pubs Bic avec les frères Cantona, j'ai fait des pubs pour le Tacotec, j'ai fait 42 pubs. Est-ce que c'était ou non une frustration finalement de devenir cinéaste sur un sujet qui n'est pas de soi, quand on est par ailleurs pour la scène, pour le moteur ? C'est inhibé totalement. à l'idée de l'écrire. Et finalement, le fait que ce soit une commande, que ce soit ça, j'avais quand même le choix des pièces, mais que ce ne soit pas mon texte, que ce soit être au service d'un auteur, eh bien, je pense que ça a été moins inhibant que si c'était mon propre sujet, que si j'avais écrit moi-même, j'étais quand même assez jeune. J'aurais peut-être pas osé me lancer dans un film avant d'avoir fait celui-là. Et là, j'avais C'était du théâtre. J'avais un texte, je ne voulais pas par contre rajouter de poussière, je ne voulais pas de napron en dentelle, je voulais rendre ça un petit peu intemporel. C'est pour ça que j'ai fait appel à Pierre Letanne pour faire les décors, Vincent Daré au costume, et que c'était un peu hors temps, que je n'ai pas voulu rajouter de poussière. Et je n'ai pas non plus voulu changer le texte et le moderniser. Mais c'est que du jeu, ce film. Et de la musique. Je veux dire, c'est des acteurs, un téléphone et un canapé. Je veux dire, il n'y a rien. C'est juste du jeu.
Vous parliez de la publicité, c'est apprendre à dialoguer avec des collaborateurs de disciplines différentes. On dit toujours qu'au cinéma, il faut avoir du talent à plusieurs. Là, justement, c'est forcément Burgala qui écrit la musique. à quel moment vous avez commencé à rêver ou à imaginer la musique du film avec lui et est-ce que c'était difficile ? d'envisager comment allait fonctionner son écriture avec une autre musique qui est celle des dialogues de Guitry, qui en soit ont une musicalité. Ah oui, c'est lui. Moi, j'avoue, il a vu les images, il a commencé à monter, il y avait une danse à faire. Mais je n'ai pas de souvenir de lui avoir donné des idératas. Je n'ai pas émis de souhaits. il a vu les images, il a tout de suite trouvé le ton et j'adore cette musique, je la trouve vraiment très réussie. Il n'y a jamais eu de danse dans les films de Sacha Guitry, encore moins dans Kadri, l'original, des années 30. Comment est-ce que vous avez eu cette idée d'injecter de la chorégraphie au sujet ? Parce que je danse dans à peu près tous mes films. Il y a toujours au moins un petit peu de danse dans tous mes spectacles aussi. Ça, vraiment, la danse, c'est très, très important. Mais même mon premier spectacle, je faisais sans rien faire, enfin si, en dansant, comme une fille chez elle qui écoute de la musique et qui danse toute seule, très concentrée. Mais pour moi, être une petite souris, voir des gens tout seuls danser chez eux en slip, c'est quand même le truc le plus réjouissant. Donc, je veux donner ce plaisir-là que j'aurais si j'étais cette petite souris, je veux le donner au spectateur. Donc, je trouvais ça... Bien que ce couple se mette à danser, soudain, ça ne termine pas un baiser. Mais je veux dire, deux corps qui dansent ensemble, la danse, c'est aussi un art que j'adore. Et ça fait quoi quand on démarre soi-même comme cinéaste, en tout cas sur un long métrage, avec son compositeur ? parce que c'est une impression et en plus votre compositeur Bertrand et Borgala et votre compagnon dans la vie c'est une impression de démarrer ensemble sur un même projet c'est un baptême collégial voilà mais on ne pensait pas dans ces cas là on ne se dit pas ça comme on dirait une chanson de Bertrand on était heureux, on ne le savait pas mais c'est un peu vrai on était finalement assez libre on n'avait pas trop de ... On n'a pas dû être validé à tous les stades. Ce n'était pas non plus un film très cher. On faisait partie d'une collection. Mais il est très différent des autres films qui ont été faits par Toscan à cette époque. Votre premier film, dont vous êtes vraiment l'auteur à 100%, co-écrit avec votre sœur Aude, c'est Le Derrière. C'est le premier film aussi à traiter du thème de la famille, qui est quasiment le fil rouge majeur.
- Speaker #1
Je suis ses papa quand même au début, le film. Et pourquoi vous l'avez-vous réprisé ? Ma mère m'a dit, non, ça va, c'est pas possible. Et là, moi, j'avais été au Japon avec Bertrand pour la sortie du disque, qui avait très bien marché au Japon, et j'avais acheté une compile de Mancini, de musique de Mancini, que vous connaissez évidemment, qui a fait notamment La Panthère Rose. Je tombe sur ce morceau, The Sound of Italy, et je suis... Je me dis, un jour, je ferai un film et ce sera la musique de ce film.
- Speaker #0
Mais qu'est-ce qui vous a accroché dans ce thème de Mancini ? Je ne sais pas, la mélodie. Je trouvais ça parfait pour de la musique de film. Avant même d'écrire une phrase du derrière, je me disais déjà, ce sera le générique, ce sera une partie de la musique du film. C'est-à-dire que vous avez vu relativement récemment... la séquence pour laquelle elle a été créée. Vous n'avez jamais vu que vous m'avez montré Angoulême. Oui, et qui est en fait un thème qui correspond aux versants presque tristes, à la solitude finalement du personnage de Peter Seller. Oui, mais derrière, c'est quand même une fille qui ne connaît pas son père, qui vient de perdre sa mère et qui ne sait même pas, qui pense un peu naïvement que c'est en se déguisant en garçon qu'elle va accéder à son père parce qu'il est homosexuel. Donc... Il y a une grande solitude dans cette histoire. En tout cas, quelqu'un qui ne sait pas comment atteindre son père. Et puis qui se trompe complètement en faisant ça. Et donc, c'est vrai qu'on est sur une voie un peu médiane. C'est-à-dire qu'il y a à la fois une musique originale de Tcherkinsky. Et il y a aussi le thème qu'il a déployé. C'est-à-dire qu'il a fait aussi des adaptations de ce thème-là. qu'il a rangé pour qu'il soit raccord avec le reste de la partition originale. Merci. Mancini avait d'ailleurs une théorie par la suite reprise en France par Vladimir Kosma, qui est d'ailleurs un des cousins franco-roumains de Mancini, c'est que dans une comédie, la musique ne doit pas chercher à être drôle. Ce qui est drôle doit être l'affaire des auteurs, du metteur en scène, des comédiens, mais que la musique doit peut-être... plutôt une sorte d'état supplémentaire. Est-ce que dans le derrière, pour vous, c'est ça ? C'est un fondement de cynique ? Ah oui, il y a quelque chose d'un peu triste dans la musique. Bien sûr, de toute façon... Mais même quand on entend les... C'est pas forcément Dans les grandes comédies, avec le grand blond et tout ça, toutes ces choses-là, le jouet, c'est pas spécialement... Les musiques ne sont pas spécialement drôles. Non, elles sont souvent en mode mineur, d'ailleurs. La musique n'est pas... C'est pas ça que ça fait. Ça ne fait pas rire. À ce niveau-là, vous vous sentez presque comme une descendante d'une démarche qui vient de Chaplin, qui passe par Jacques Tati, par exemple, aussi, où les musiques ne sont jamais drôles. Elles ont un caractère populaire, mais pas drôle. Non, ça ne doit pas l'être. Et une chanson non plus. Ça peut être entraînant, ça peut être dansant, ça peut être joyeux, mais drôle. Après, quand c'est très... Voilà, il y a des... Par exemple, dans les chansons de Gainsbourg, il y a beaucoup de choses drôles. Mais c'est drôle parce que c'est pas comique. Alors, on a évoqué ces collaborations réussies, abouties avec Borgala sur Cadry, avec Tcherkinsky, partagées avec Mantini sur le derrière. Mais il y a aussi des collaborations avec une part de déception, de petites défaites ou de frustration. Sur Palais Royal, par exemple, c'était un film plus compliqué musicalement. Parce que là, c'était les retrouvailles avec Burgala, qui devait au départ écrire toute la musique du film. Et puis plein de choses ont bougé. C'est-à-dire que son générique début, finalement, la musique du générique début est passée à la fin. Si vous voulez, je fais un film qui parle de Diana, on va dire, donc avec une cathédrale énorme et machin. Moi, je fais ça en Belgique. Je fais ça avec... Évidemment qu'il y a un peu de décor, évidemment qu'il y a des costumes et tout ça, mais on n'est pas non plus... C'était tellement flamboyant ce début, c'est qu'après, quand on arrivait dans la cathédrale, on était un peu déçus. Donc, il ne faut jamais décevoir, il vaut mieux monter. Enfin, voilà, donc, on avait un générique flamboyant, sublime, fait par Kunzel et Degas, avec une musique extraordinaire. Puis après, ma petite cathédrale, elle se faisait un peu cheap, et donc, ça a été un peu douloureux, parce que, et pour Kunzel et Degas, et pour Bertrand, le générique début devenait un générique de fin, où on sait très bien que tous les gens se... ne sont plus tous là, à ce moment-là, en tout cas au cinéma. Mais moi, après ce sublime générique, on se retrouvait dans ma cathédrale, on a l'impression d'être dans une petite église de province. Le côté royal, le côté... Magnificence. Faisait un peu cheap. Et il y avait quelques tubes que j'ai mis comme Donna Hightower, comme Amoureux de ma femme. Enfin, voilà. et euh Et un thème russe, un thème de cours de danse aussi, qui est presque le vrai fil rouge du film. Voilà, un thème de piano, de cours de danse qui revient très souvent. et c'est vrai que c'est un petit peu hybride, c'est un peu un mélange de ces deux choses et qu'évidemment il y a quand même toujours ce truc c'est que quand on fait un montage sur de la musique après on est compliqué de passer à une autre, c'est très compliqué d'après d'en changer. Je suis d'accord que rien ne vaut de la musique originale, qu'évidemment qu'un grand film, c'est avec de la musique originale, mais pour autant, pour l'instant, à part Cadry, je suis restée avec des musiques existantes pour lesquelles parfois j'ai essayé d'en faire d'autres et j'ai remis les musiques du montage et j'ai remis les musiques de comme dans Marie-Francine, où j'ai remis les musiques de Moustaki, où j'ai remis Des choses comme ça qui me touchaient. Que parfois, le problème, c'est que je n'ai pas les outils. Je ne sais pas faire. Je ne sais pas composer. Je ne dis pas que je voudrais. Mais quand ce n'est pas exactement ce qu'on a dans la tête ou l'émotion qu'on... C'est compliqué, quoi. C'est... Voilà.
- Speaker #1
Vous sentez que vous avez plus de difficultés à communiquer ou à dialoguer avec un compositeur qu'avec un chef opérateur ? Bien sûr. Par exemple, quand on a fait Aline, je... Je pense avoir réussi à parler à la chanteuse, vraiment, j'étais avec elle tout le temps. Là où je me suis sentie moyen, c'est quand il a fallu mixer ses musiques. Je n'ai pas le langage, j'entends un son, comment vous dire, je ne sais même pas dire. Il y a un truc qui ne me plaît pas, je ne sais pas si c'est une guitare, je ne sais pas, je dis ce machin-là. Je n'ai pas les codes, je n'ai pas le langage, j'ai appris un peu un métier. mais c'était il y a aussi Quand on est avec les monteurs son, ce n'est pas du tout pareil de faire un disque et de faire de la musique de film. Ce n'est pas la même chose qu'on veut entendre. Nous, on avait nos préférences. Eux avaient les leurs. Il a fallu faire un mélange. Il a fallu faire ce que nous, on voulait aussi pour le film. Ce n'est pas pareil. Quand c'est trop fort, on n'est plus du tout avec le personnage. Il y a beaucoup de choses à doser. J'ai quelque part, avec Aline, un peu appris. à mixer de la musique. Comment expliquer à quelqu'un ce qu'on veut entendre ? À part dire, voilà, je te fais écouter dix chansons et c'est un peu dans ce goût-là que j'aimerais. Là, oui, on peut montrer des choses. Par exemple, quand on fait un décor, je peux montrer un truc. Je dis, voilà, je voudrais que ça ressemble à ça. Ou un costume, je voudrais que ça ressemble à ça. Ou un jeu. J'ai les mots pour lui parler. J'ai les mots pour parler aux acteurs. J'ai les mots pour parler aux chanteurs. Mais parler aux compositeurs, aux arrangeurs, à part dire je préfère ça, il y a une note que j'aime pas et je pense avoir un peu d'oreille quand même sur Aline des fois j'entendais quand c'était pas tout à fait parce que des fois les gens veulent changer les notes pour s'approprier les mélodies ou quelque chose qui me plaît pas beaucoup je l'entendais ça donc j'entends à peu près même si je peux chanter un peu faux au moins mais j'ai un peu d'oreille mais j'aimerais avoir oui j'aimerais pouvoir parler avec un compositeur. Justement, vous parlez des films qui ont suivi Palais Royal, c'est-à-dire 100% Cachemire et Marie Francine, et ce sont des films, là, pour le coup, complètement éclatés au niveau des choix musicaux. Ce sont des films très hybrides, nourris d'oeuvres préexistantes qui vont à 100% Cachemire, j'ai voulu de la musique russe tout le temps. En fait, j'ai regardé la date. À l'âge de 2 ans, à 2 ans, je suis allée à Dieppe, au casino. J'ai eu la chance d'entendre les chœurs de l'armée rouge et donc j'ai toujours aimé ces chants. Et comme c'est l'adoption d'un enfant russe, j'ai mis énormément de musique russe dans ce film. Et Marie-Francine, j'ai mis les musiques de mon enfance, donc de Moustaki. Asnavour. Voilà. Le Grand. Le Grand. Le grand, bah oui. Mais dans Marie Francine, vous faites quelque chose qui est assez étonnant. Vous allez chercher un thème instrumental composé par Georges Moustaki, qui s'appelle Rue des Fautés Saint-Jacques, qui vient du fameux album Le Métèque, et qui est une sorte d'interlude instrumental arrangé par Alain Goraguer. Et comme c'est un morceau que très peu de gens connaissent, finalement, ce morceau instrumental de Moustaki passe quasiment comme une composition originale dans Marie Francine. J'ai toujours aimé ce morceau. J'ai toujours pensé aussi que ce serait un très bon morceau pour un film. Il y a quelques morceaux de Moustaki où il n'y a pas de parole. Et donc, évidemment, c'est plus simple pour mettre ça dans un film. Et là, c'est d'une grande mélancolie. C'est aussi un film où ça se finit bien pour une histoire d'amour. Mais ce que je veux dire, c'est que la pauvre Marie-Francine n'est pas géniale, sa vie au début. Donc, c'est rempli de... Et puis, c'est tellement... C'est même l'endroit. C'est-à-dire que, OK, ça se passe dans le 16e, mais elle habite dans le 5e. Enfin, il y a un côté 5e arrondissement. Enfin, voilà, il y a cette bourgeoisie-là. Ça parle de ces gens-là, en fait. Donc, c'est parfait, quoi, pour... La rue des Fossés-Saint-Jacques, 75-005. Il y a quelque chose de... Voilà, c'est un quartier que je connais peu, mais ça me rappelle... c'est ce monde-là, un monde à part. mais quand justement vous parliez tout à l'heure de cette difficulté à communiquer avec le compositeur est-ce que vous ne croyez pas aussi que l'enrichissement que peut apporter un créateur qui va apporter une oeuvre originale c'est qu'il peut aussi parfois vous bouscule vous apportez un recul sur le montage, sur la construction du film que vous n'avez plus à force de voir le film tous les jours au montage, et parfois vous faire remonter à la surface de l'image des éléments que vous-même, cinéaste, auteur et interprète, vous ne voyez plus, ou pas. Probablement, probablement. Mais oui, je pense que la prochaine étape, ce sera ça. Mais se faire comprendre, ce n'est pas si simple. Se faire comprendre, c'est-à-dire que si tout à coup, la musique qu'on fabrique n'a pas l'effet émotionnel qu'on souhaite, c'est compliqué. Alors, peut-être qu'on est un petit peu... influencée parce qu'on l'a toute la journée dans l'oreille au montage, mais quand on fait écouter à d'autres, et voilà, de temps en temps... Mais ça n'est pas pour mettre des tubes, c'est juste pour que l'effet produit, pour que l'émotion qu'on cherche, on puisse la voir. Et c'est compliqué parce que si on vous dit « Voilà, c'est ça ou rien » , et ça m'est arrivé sur Marie-Francine de faire composer de la musique. Et même de faire adapter ce thème-là avec des instruments et des violons. On est allé en studio, on a fait un orchestre de, je ne sais pas, il y avait 60 musiciens. Sur le thème de Moustaki ? Oui, et je ne m'en suis pas servie. C'est-à-dire que vous ne retrouviez pas la simplicité et l'émotion de la version dirigée par Goragher ? Oui, ça me faisait moins d'effet que juste ce thème. Tout simple, avec quatre instruments. Est-ce que vous ne croyez pas que c'est un effet aussi d'accoutumance qui vient de l'enfance ? Ce disque, vous avez dû l'écouter, pareil. Mais ça me faisait Moi, ce que je veux dire, c'est que la multitude d'instruments qui étaient déployés, le truc et tout, me faisait moins d'effet qu'un truc plus simple. C'est pas forcément la... Voilà, c'est... C'est pareil si vous avez quelqu'un qui vous le joue au piano, un thème et que vous le préférez. même avec un son un peu moins bon. Ce que je veux dire, c'est que le son, moi, par exemple, quand je fais des films, je fabrique plein de sons avec mon téléphone. Même sur Aline, avec, où on a, où c'est grand, voilà, où il y a des grands, il y a plein de sons, et ça marche, et on s'en fout. Mais des petites conneries, quand je parle en morse avec ma mère, c'est un briquet sur une boîte en fer, sur ma table de nuit, avec mon téléphone, et ils ont essayé au bruitage de faire mieux. Et là, c'est exactement pareil. C'est exactement pareil, quand je suis bébé dans mon tiroir, c'est moi sur mon téléphone, dans les toilettes du montage. Et dans Marie-Francine, quand mes parents font pipi les uns après les autres dans la loge, c'est une bouteille d'eau dans les toilettes de ma loge, dans mon camion, qu'on a gardée, parce qu'après on peut faire mieux avec un très bon micro, et même les chiens, c'est moi qui les fais. J'adore le bruitage, j'adore... Et de temps en temps, il y a des choses, c'est comme, je ne sais pas, j'imagine que si vous avez des enfants, vous préférez entendre le bruit de votre enfant qu'une dame de 50 ans qui fait un bébé. Voilà, c'est bon, c'est des choses. Et pour moi, le son est quasiment plus important que l'image dans les films. Je privilégie le son. Et d'ailleurs, quand on fait du montage, mon monteur, il me dit, on s'en fout, ça, on le fera au son. Et tu dis, non, je ne peux pas montrer le film. même à mon producteur, comme ça, dans une version, une copie de travail, s'il y a un son qui ne me plaît pas, s'il y a une phrase, un mot qui n'est pas juste, donc je les change. Parfois, même, je fais venir des acteurs pour changer les sons des acteurs au montage avant de les faire venir, pour faire de la post-synchro. Mais ce que je veux dire, c'est que le son, oui, le son est plus important que l'image. Je suis sûre de ça, surtout dans les comédies. Mais est-ce que vous croyez qu'après la jubilation, d'avoir revécu des séances avec orchestre, notamment sur Aline, avec les arrangements et la direction d'orchestre de Galichet. Est-ce que ça ne vous a pas redonné envie d'avoir ce bonheur-là, de replonger en studio avec une musique qui sera vraiment fabriquée sur mesure ? Ah oui, c'est mon rêve. C'est pour moi le rêve ultime que je n'ai pas réussi à... Mais c'est bien d'avoir des rêves, mais je l'ai celui-là, d'avoir de la... Par exemple, quand j'entends la chanson de piano, c'est tout, on entend trois notes et on sait que c'est ce film-là. Et c'est ça un grand film, c'est un film qui imprime. aussi avec la musique qui va avec. C'est sûr, en l'occurrence, Aline, c'est une chanteuse qu'on connaît, donc voilà. Mais bien que j'ai mis aussi d'autres choses. Mais en tout cas, mon rêve, c'est d'arriver à faire un film avec de la musique originale. C'est le Graal. Il y a des projets en route qui permettent de... Ben oui, deux. Deux films en route qui permettent ça. Un dessin animé. pour les enfants, et un film. De fiction. Pour boucler la boucle, avec Kadri, vous avez, sur deux thèmes distincts du film, dont l'un des thèmes est d'ailleurs celui de la séquence du pas de deux avec Sergio Castellito, sur deux des thèmes du film, vous avez écrit des paroles, donc c'est Dans l'avion et Pas plus, monsieur. Si on devait terminer avec l'une de ces deux chansons, ce serait laquelle ? Cinq minutes, Pas plus, monsieur. Merci Valérie.
- Speaker #0
Merci. 5 000 nus pas plus monsieur, je suis un monstre d'un homme heureux. Il est comme vous si précieux, une tulipe lui crèverait les yeux. Vous êtes un drôle de paroissien. Amélie, je suis dans mon bras, je pense à moi, je pense à moi. Philippe, mon ami, j'allais sans doute être un peu plus loin que vous. Tant pis.
- Speaker #2
Merci.