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MUTANT[S]

#9 - Delphine Jaafar, le droit : frein ou levier de transformation ?

#9 - Delphine Jaafar, le droit : frein ou levier de transformation ?

27min |06/11/2024
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MUTANT[S]

#9 - Delphine Jaafar, le droit : frein ou levier de transformation ?

#9 - Delphine Jaafar, le droit : frein ou levier de transformation ?

27min |06/11/2024
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Description

Delphine Jaafar est avocate à Paris. Elle se consacre à l’accompagnement juridique de l’ensemble des acteurs et opérateurs de santé, aussi bien du secteur public que du secteur privé : établissements de santé, laboratoires et entreprises, professionnels de santé, gouvernements et institutions sanitaires.

Dans cet épisode de MUTANT[S], nous explorons le paradoxe du droit français. En particulier dans le monde de la santé, secteur très régulé, on constate que l’on se plaint tout autant de l'excès que du manque de normes. Alors qu’il est un outil au service de l'innovation en santé, de l'amélioration des soins et de leur organisation, et d'une nouvelle culture du changement, le droit est bien souvent appréhendé pour justifier des obstacles et maintenir en place des pratiques bien ancrées, qui dérivent plus de notre culture que de la loi.

Du management et la gestion des ressources humaines en milieu hospitalier, au développement de l'intelligence artificielle (IA en santé) et des technologies médicales, Delphine Jaafar partage des exemples issus de son expérience pour éclairer la question : la loi est-elle plutôt un frein ou un levier de transformation du système de santé ?

Dans sa réponse, elle nous invite tous à repenser nos postures pour changer notre système et améliorer la santé.


www.archen.info


Hébergé par Ausha. Visitez ausha.co/politique-de-confidentialite pour plus d'informations.

Transcription

  • Speaker #0

    Parce qu'à partir du moment où le droit est en mouvement de force, il ne développe pas forcément les résistances de terrain, voire peut les encourager.

  • Speaker #1

    Bonjour, vous écoutez Mutant, le podcast écrit et produit par Archen. Ici, avec chacun de nos invités, nous interrogeons un aspect de transformation du monde de la santé pour mieux le décrypter et y contribuer. Je suis Cécile Gillet-Giraud, fondatrice d'Archen. J'accompagne les managers et leurs équipes vers de nouvelles habitudes de travail. Aujourd'hui... Je reçois Delphine Jaafar, avocate spécialiste en santé au sein du cabinet Vattier à Paris. Ensemble, nous allons parler de culture et de pratiques bien plus que de vide juridique. C'est parti ! Bonjour Delphine.

  • Speaker #0

    Bonjour Cécile.

  • Speaker #1

    Vous êtes avocate à Paris et vous êtes spécialisée dans l'accompagnement juridique des acteurs de santé, quels qu'ils soient, publics et privés, depuis 20 ans. Ma première question qui va peut-être être très large... on prendra le temps d'y revenir peut-être pour approfondir, mais est-ce qu'en matière de transformation des organisations de santé, le droit est un frein ou un levier ?

  • Speaker #0

    J'ai envie de répondre, Cécile, qu'il est souvent utilisé aux deux titres, mais plus comme un prétexte que comme une réalité. Le droit français, il ne faut pas l'oublier, c'est un droit écrit. Donc, ce n'est pas du tout un droit de la culture du consensus. Et ce qui est très étonnant dans nos pratiques, et on parle ici du monde de la santé, c'est de constater, mais de manière équivalente, combien on va dire, parce que cette norme n'existe pas, je ne peux pas procéder à un changement. Et dans le même temps, on est capable de dire, ah mais oui, mais cette norme, c'est ce qui nous empêche en fait de pouvoir avancer. Et c'est là où il y a quelque chose de... perturbant de mes yeux d'avocate, d'une personne qui utilise le droit, de se dire que le droit serait soit un frein, soit un levier. Pourquoi ? Parce que le droit, ce n'est qu'un outil. À mon sens, il ne peut jamais être un frein. La question, c'est peut-il être un levier ? Il me semble que oui. Il peut parfois initier le changement, c'est-à-dire lorsqu'il y a... trop de résistance au mouvement et que c'est le droit, de manière peut-être un peu forcée, qui va obliger les gens à avancer. Néanmoins, quand on a ce type de démarche, de la part du législateur, de l'autorité réglementaire, ce sont toujours des démarches dont les résultats sont relatifs, parce qu'à partir du moment où le droit est en mouvement de force, il ne débloque pas forcément les résistances de terrain, voire peut les encourager. Donc, ce qu'on dit souvent, enfin, ce qu'on dit, en tout cas, ce qu'on observe, c'est que les faits précèdent le droit. C'est la société évolue et donc la règle de droit va évoluer. Et donc, en ce sens, je dirais que c'est ni un frein, ni forcément un levier, mais que le droit est un outil pour accompagner le changement.

  • Speaker #1

    Oui, c'est intéressant parce que justement, dans le monde de la santé, qui est un monde très réglementé, on a souvent l'impression qu'à la fois on vit la réglementation comme une contrainte et qu'en même temps on ne peut pas avancer sans elle. Est-ce que vous auriez des exemples de situations justement, peut-être pour illustrer ce propos dans un sens comme dans l'autre d'ailleurs ?

  • Speaker #0

    Oui, des exemples assez différents. Je vais prendre un premier exemple qui correspond au tout début de mon activité professionnelle. Donc on est dans les années entre 2005 et 2010, je viens tout juste d'être avocate et je réalise beaucoup d'audits, dits RH, c'est-à-dire des audits sur l'application du statut de la fonction publique hospitalière dans un certain nombre d'établissements publics, donc là on parle du secteur public. Et là, mais ça a été, en tant que jeune avocate, je pense, sans doute naïve, mais vraiment quelque chose de très étonnant pour moi, de voir comment le statut était systématiquement avancé comme un élément de blocage et qu'on avançait des éléments juridiques de blocage qui n'existaient pas dans le statut, mais qui étaient vécus comme étant une règle statutaire. C'est-à-dire : "non mais c'est le statut qui empêche de licencier" ; "On ne peut pas licencier avec un statut de la fonction publique", ce qui est faux. Un autre exemple, qui date par rapport à aujourd'hui, mais en 2005-2010, on était encore dans un système de notation relativement fermé dans le système d'évolution et d'évaluation des agents de la fonction publique. Et donc vous aviez un dispositif automatique, mais dans la quasi-majorité des établissements, c'était une augmentation systématique du quart de point chaque année. On m'expliquait "oui, mais c'est le statut qui prévoit ça". Ah non, pas du tout, le statut ne prévoit pas du tout d'augmentation automatique. Et en fait, c'est-à-dire qu'il y avait des pratiques, c'est ça qui est étonnant dans un droit écrit, des pratiques qui avaient pris la couleur de la règle juridique, mais de façon complètement intégrée dans les établissements. Et donc sur la gestion du statut, c'était quelque chose qui me surprenait beaucoup parce qu'on est pour moi au summum de ce qu'on appelle la règle écrite. C'est statutaire, c'est réglementaire, on n'est pas dans le contrat de travail sur lequel il va y avoir une discussion entre les parties. C'est une règle extrêmement verticale, sur laquelle j'ai envie de dire soit c'est écrit, soit ce n'est pas écrit. Et pourtant, même là, il y a un décalage entre ce que dit la norme et en fait ce qu'on pense ou ce que l'on tire de la norme comme étant un élément de frein dans la gestion. Et il y a un élément très symptomatique pour moi dans la gestion des ressources humaines, c'est la problématique des contractuels. Là, c'est vraiment pour moi la traduction de comment la pratique, qu'on pourrait appeler la culture, en tout cas la pratique, emporte complètement ici sur le droit. Le statut de la fonction publique hospitalière dès 1986 a toujours prévu la possibilité de pouvoir utiliser des contractuels. Ce n'est pas quelque chose qui est né dans un second temps. Ce qui est vrai, c'est qu'il y a eu un développement, mais qui est assez logique, entre la naissance du statut et les 15-20 années qui ont suivi. C'est-à-dire que c'est tout le développement de l'administration hospitalière et effectivement, du coup, il y a eu un développement de l'emploi des contractuels, comme il y a eu dans l'administration d'État, dans l'administration territoriale. Et alors là, qu'est-ce qu'on n'a pas écrit ? Que c'était la fin du statut de la fonction publique, que ce déploiement massif des contractuels mettait fin au statut, qu'on jetait le bébé avec l'eau du bain. Et en fait, quand on regardait, mais le contrat qui a été conçu comme… une autre carrière possible, c'est-à-dire un autre mode de gestion, alors dans des conditions définies par le statut, mais donc on peut avoir une carrière statutaire ou dès lors qu'on respecte ces conditions, une carrière contractuelle. Eh bien non, pas du tout en fait. Le contrat a été utilisé comme un outil de recrutement et en fait, dès que le contractuel arrivait dans l'établissement, alors je mesure un peu mes propos avec le temps, mais en fait il se transformait en titulaire. C'est-à-dire que c'était un levier pour attirer, c'est-à-dire pour… Dépasser les règles d'entrée de la fonction publique qu'on considérait comme trop rigides, notamment le concours sur titre pour les personnels soignants. Aujourd'hui, dans 90% des recrutements d'infirmiers, vous n'avez pas de concours sur titre. C'est une réalité alors que c'est toujours inscrit dans les textes. Donc on l'a utilisé comme ça, mais après on n'en a pas du tout fait un outil de gestion. Pourquoi ? Parce que la culture de la gestion statutaire est complètement ancrée dans les établissements, dans les outils qu'ils utilisent, dans les formations que reçoivent les agents aux ressources humaines. Et donc, ça a été un outil de recrutement et pas un outil de gestion. Et là, on continue à vous dire parallèlement, Bon, le statut, ça ne nous permet pas de faire tout ce qu'on veut, etc. Mais on vous donne un outil pour faire autre chose. Faire autrement. Mais il n'est pas utilisé.

  • Speaker #1

    Et on ne s'en saisit pas. Donc, le droit ne permet pas de faire autre chose. Donc, en fait, alors que des ouvertures sont faites, on va continuer à dire En fait, le droit est un frein. Moi, je trouve ça particulièrement étonnant. Est-ce que vous avez l'exemple inverse ? c'est-à-dire que le droit prévoit quelque chose dont on ne se saisit pas. Est-ce qu'on a l'exemple inverse, c'est-à-dire qu'on ne peut pas faire ça à cause du droit, alors qu'en fait, il y a plein de choses à faire malgré tout ?

  • Speaker #0

    C'était un peu le premier exemple que j'avais dans la fonction publique, c'est-à-dire que le statut nous permet de faire ça alors qu'il permet de le faire. Mais par contre, votre question me fait penser à un autre exemple, où justement, dans les exemples que je donnais, le droit permet de développer une autre carrière, et du coup on dit, la gestion statutaire c'est ce qui bloque, la gestion des établissements c'est trop lourd, il n'y a pas assez de souplesse, donc on ne l'utilise pas. Et parfois même, le législateur va aller encore plus loin, c'est-à-dire qu'il va créer des espaces de liberté, c'est-à-dire qu'il va dire, vous devez vous organiser, mais je vous donne la liberté de le faire tel que vous le souhaitez. Et je prends l'exemple de la réforme de la nouvelle gouvernance en 2005, où la mise en place des pôles dans les établissements. Et donc on a une disposition du Code de la santé publique, où c'est écrit noir sur blanc, les établissements s'organisent librement. Et ensuite, effectivement, on parle des pôles. Il y a un vrai espace de liberté qui est défini. Et là, on va se retrouver complètement à contre-courant, comme si on était perdu dans cet espace de liberté. C'est-à-dire que moi, j'ai entendu, Ah oui, mais on ne nous dit pas comment faire. Donc, ça rejoint votre question, c'est-à-dire, il n'y a pas le droit. Si, le droit vous dit, à vous de définir votre organisation. L'idée, c'est de se dire que d'un établissement à l'autre, on peut avoir des modes d'organisation différents de par les activités qui sont portées, la territorialité de cet établissement. l'histoire des conflits sociaux etc qui font qu'on peut avoir une appréciation différente de l'organisation. Et bien non, on va avoir myriade de cabinets de conseil qui vont aller pondre des rapports pour expliquer comment on doit mettre en place les pôles dans les établissements de telle et telle manière et en fait on va s'accrocher à ça pour dire ah mais c'est comme ça qu'on doit faire. Mon propos il n'a pas du tout vocation à être un propos de jugement ou de critique, loin de là. En tant qu'avocate accompagnant les établissements, je suis en admiration devant les gestionnaires d'établissement qui sont pour moi en équilibre permanent dans leur activité. Mais c'est vrai que ce rapport au droit est quand même très étonnant. Oui,

  • Speaker #1

    En vous écoutant, j'ai l'impression que, soit c'est le comportement qui fait loi, en fait, et finalement, les textes vont être laissés un peu de côté, soit on est en attente qu'on nous explique comment faire et finalement, on ne sait pas collaborer spontanément, dans un cadre assez large qui nous donne justement les coudées franches.

  • Speaker #0

    Mais je pense qu'il y a aussi, et c'est pour ça que je disais que je n'étais pas du tout dans une position de jugement, je pense que dans cette approche que je qualifierais de très réglementariste, il y a la volonté d'une recherche de sécurité. C'est-à-dire que c'est une réalité que le monde de la santé a été frappé par des mises en cause. On peut évidemment citer un certain nombre de scandales, dits parce que je n'aime pas cette expression, dits scandales sanitaires, mais évidemment que l'affaire du sang contaminé a profondément marqué l'attitude et le comportement d'un certain nombre d'autorités. Et puis vous en avez eu d'autres, aujourd'hui il y a depaquine, les prothèses, ce qui a d'ailleurs fait évoluer le droit sur toute la vigilance et la sécurité sanitaire. Mais donc, dans cette approche réglementariste, c'est vrai qu'il y a aussi l'idée de se dire, à partir du moment où la loi ou le règlement définissent un cadre et que je respecte ce cadre, on ne peut pas venir me reprocher quelque chose. Et c'est vrai qu'aujourd'hui, dans le secteur de la santé, en particulier les établissements, mais c'est le cas des professionnels de santé, les mises en cause ont augmenté. Je ne dis pas que les condamnations, mais le fait d'être mis en cause dans le cadre de son activité, pour avoir mis en place ceci ou pas mettre en place ça, avoir utilisé tel dispositif de telle manière ou de telle autre manière. Donc, il y a aussi, je pense, ce côté refuge du droit de se dire il est là pour me protéger. Et par exemple, on le voit, je trouve que c'est assez révélateur, le développement de l'utilisation des nouvelles technologies dans le secteur de la santé, on appellera ça la e-santé, la santé numérique. Du coup, on a très vite senti ce phénomène, c'est-à-dire très vite les acteurs ont dit "il faut réglementer". Regardons déjà les réglementations dont on dispose, mais en fait, il y a un phénomène de peur. C'est une évolution des techniques, elles vont créer des situations que l'on ne connaît pas. Et donc, il y a cette peur. Et tout de suite, les premiers mouvements, ça a été de dire, il faut réglementer ça. D'ailleurs, qui pour le coup n'était pas typiquement français comme mouvement. C'était la question qui brûlait toutes les lèvres. Mais si on utilise une intelligence artificielle, que ça crée un dommage, mais qui va être responsable ? Est-ce qu'il ne faut pas créer une personne morale à l'IA pour qu'elle soit elle-même responsable ? Et là, on est parti, alors qu'on a, en tout cas dans notre droit français, des règles extrêmement claires. La solution algorithmique, elle est un outil comme n'importe quel autre outil. Moi, en tant que professionnelle de santé qui vais l'utiliser, je reste responsable comme utilisateur de la chose. Je peux me retourner contre le concepteur s'il y a eu une difficulté liée à la conception. Et lui-même, le concepteur, pourra exhiber du risque de développement. Et à ce moment-là seulement, on peut se poser la question, c'est la question que se pose d'ailleurs aussi l'Europe, de la construction d'un régime de responsabilité sans faute en droit européen. Mais il y a eu comme ça une agitation avec toute une doctrine sur le droit des robots, le fait d'en faire des personnes avec des obligations et des droits.

  • Speaker #1

    Alors, vous avez mentionné la spécificité du droit français, qui est un droit très vertical, très écrit. On entend bien dans ce que vous dites que… le droit ne fait pas tout et que la culture finalement et aussi l'habitude et les pratiques sont très importantes pour façonner une évolution. Est-ce que c'est français ou est-ce que vous avez constaté des similitudes ou des différences au niveau international ?

  • Speaker #0

    Alors, je pense que je ferai une réponse en deux temps, en fait. Mon premier temps, il est assez universel. C'est-à-dire que penser que le droit est déconnecté de la société, c'est-à-dire comme un élément séparé, en fait, du mouvement de la société, du mouvement des citoyens, non, en fait. Le droit, c'est une matière vivante, il est au cœur de la société, et justement... il évolue avec les pratiques sociétales, que ce soit en France ou à l'étranger. On a toujours cette interaction entre ce qui se passe, ce que vous et moi on va faire, et justement un certain nombre de porteurs de projets font avancer les règles juridiques parce qu'ils apportent des nouveautés sur le terrain sociétal, et c'est là qu'on se dit oui, mais ça peut peut-être créer telle situation, donc comment on l'organise ? Donc ce mouvement, pour moi, il est universel. Ce qui est particulier, je crois que c'était les premiers mots de mon propos lorsqu'on a commencé cet entretien, c'est que c'est vrai que dans les pays de tradition de droit écrit, donc droit romano-germanique, droit continental, ce qui est le cas du droit français, je pense qu'on va plus facilement sentir ce décalage. Pourquoi ? Parce que, ce que vous l'avez dit dans votre question, du coup on est dans un rapport très vertical de la règle juridique. Le droit, c'est de la démocratie représentative. Le Parlement, ça peut être un projet de loi, donc c'est le gouvernement qui va proposer un texte qui va ensuite être débattu. Nous avons tous connu de manière plus prégnante en droit français le système des ordonnances, donc un débat plus relatif qui peut donner une impression de verticalité plus importante. Et des ordonnances dans le monde de la santé, elles sont nombreuses. Donc voilà ce sentiment de verticalité. Et c'est vrai que dans les pays notamment de tradition common law,... C'est vrai qu'on a une approche complètement différente. Alors, on parle parfois, on dit parfois que c'est du droit coutumier. Bon, les experts me contradiront parce que le sujet est quand même un petit peu plus complexe. L'Angleterre n'a pas un droit oral, il y a beaucoup d'écrits également. Mais en tout cas, ce qui est vrai, c'est qu'effectivement, il y a du coup cette verticalité écrite et beaucoup moins forte, ce qui fait que, je dirais, l'interaction est plus fluide. Pour moi, c'est la différence. Avant qu'on fasse l'entretien, on avait évoqué ensemble le cas de l'Allemagne, qui est pourtant un pays de droit continental, mais dans lequel il y a une très forte tradition de la négociation, de la discussion. Donc, ça crée de la fluidité entre la norme et du coup le mouvement naturel de la société. Alors, le regard que je reste, c'est que la spécificité française, à mon sens, c'est que de par l'extrême tradition de droit écrit, du droit français, du coup, cette fluidité, elle est difficile. Et c'est vrai que vous parlez de consensus en France, c'est quand même quasiment un mot exotique, en fait. Je veux dire, dans la pratique, on ne sait pas faire du consensus. Bon, je veux dire, on a un exemple vraiment prégnant au regard des résultats de nos dernières élections. Je veux dire, on ne sait pas ce que c'est, le consensus, en fait. Mais c'est aussi notre culture juridique, c'est comme ça que toutes nos institutions sont construites, jusque dans nos structures, institutions sanitaires, établissements de santé.

  • Speaker #1

    Est-ce que pour vous aujourd'hui, il y a des textes qui ont particulièrement permis de contribuer à la transformation des organisations ? Et à l'inverse, est-ce qu'il y a un vide juridique qui empêcherait ou qui freinerait aujourd'hui le système de santé ou les organisations de santé pour aller plus loin dans leur transformation ?

  • Speaker #0

    Alors, sur le vide juridique, je ne sais pas si vous allez aimer ma réponse ou pas, mais moi, c'est une expression que j'ai en horreur, parce qu'en fait, ça rejoint complètement le sens de cet entretien que nous avons aujourd'hui ensemble. C'est quoi un vide juridique, en fait ? C'est quoi un vide juridique ? Alors, c'est une expression qu'on emploie tout le temps, alors dans la presse, je dirais grands médias, c'est devenu un poncif. Ah, mais il y a un vide juridique. Si je peux me permettre, déjà, en droit français, il faut quand même les chercher, les vides juridiques, parce qu'on a quand même une masse de dispositions, aussi bien législatives que réglementaires, et parfois d'ailleurs, qui créent une forme d'illisibilité très dangereuse pour les praticiens, parce que du coup, il y a une telle accumulation. Donc, le vide juridique, c'est quoi ? Pour moi, la seule situation de vide juridique, et qui est un mouvement naturel, c'est ce que je vous disais, les faits précèdent le droit. Donc... Non, il n'y a pas de vide juridique. Il y a des évolutions qui vont se faire et on va venir ensuite à un cadrage pour dire ce qu'il faut cadrer. Il ne faut pas tout de suite cadrer. On a parlé tout à l'heure de l'exemple des nouvelles technologies parce qu'on bloque l'innovation en fait tout de suite on va dire "ça on peut pas faire". Non, laissons se développer l'innovation et ensuite apportons un cadre pour permettre à chacun d'évoluer en protégeant les droits qui doivent être protégés. Sur les organisations là aussi peut-être que ma première réponse va pas forcément vous plaire parce que je vais remonter loin dans le temps, je pense que ce qui est fondateur et donc qui a créé pour moi le changement le plus important et qui dirige quelque part toutes les logiques organisationnelles qu'on cherche à mettre en place en France, c'est quand même le préambule de la constitution de 1946 qui est venu garantir le droit à l'accès aux soins et ensuite le conseil constitutionnel qui est venu consacrer ce principe à la valeur constitutionnelle. Pourquoi je dis ça ? Parce que si on regarde la myriade de texte. Mais ce n'est pas propre au secteur de la santé, qui sont intervenus avec à chaque fois, vous savez, c'est les lois de modernisation du système de santé, ça c'est une expression aussi. Mais à chaque fois, quel est l'objectif en fait ? C'est de répondre à ce principe de l'accès aux soins et de l'égalité à l'accès aux soins. Et à chaque fois, avec cette idée qu'on fait des constats en se disant pourquoi on veut changer des choses ? Parce qu'on a un problème d'égalité d'accès aux soins. Et donc je trouve que ça, c'est à la fois le changement, en tout cas la consécration la plus forte en droit français, qui irrigue l'ensemble de la structuration juridique des organisations de santé, et qui est toujours la boussole, avec des réussites ou pas des réussites, mais en tout cas, quand le texte, tous ces changements législatifs qui interviennent, auront toujours cet objectif-là. Pour moi, c'est en ça que le système français est quand même un système qui est un exemple parce que d'avoir cette boussole là c'est quand même une boussole extrêmement forte. Alors après, il y a d'autres plus récents pour que ça réponde quand même et ça renvoie à un sujet qui a été très d'actualité qui va le redevenir d'ailleurs qui est le sujet de la fin de vie. Moi je trouve que les trois lois, Kouchner de 1999, Leonetti de 2005 et Claes-Leonetti de 2016 Ce sont vraiment des lois qui ont changé les choses. Changé les choses de par le droit à cet accès aux soins palliatifs, si je devais résumer comme ça sur la loi Kouchner, le fait de ne pas avoir cette obstination déraisonnable avec la loi Leonetti, et puis la création de cette sédation profonde avec la loi Claes-Leonetti. Pourquoi je dis que c'est en tout cas pour moi une réussite de loi qui crée le changement ? Parce que là aussi, ça renvoie à des éléments dont on a discuté dans l'entretien. Parfois, la loi, elle peut initier le changement sur des sujets aussi sensibles dans la société que celui de la mort, qui est pourtant un événement inéluctable, naturel, qui va arriver quoi qu'il arrive. Donc la question n'est pas de gérer la mort, mais comment en fait on va gérer sa fin de vie. C'est complètement différent. Et donc, l'impact aussi, on le voit bien aujourd'hui, d'ailleurs dans le débat qui a eu lieu, et dont on espère tous qu'il va, je dirais, arriver à son terme, parce que là aussi, justement, il y a eu un effort de démocratie représentative, une vraie volonté d'avoir un débat de fond et partagé dans la société. Mais ce que je veux dire, c'est que ça impacte les organisations de santé, puisque justement, un des débats actuels est celui de l'accès aux soins palliatifs. Certes, il y a une revendication qui a toujours existé, même avant 2005, sur la question de l'euthanasie, de ce droit au suicide en fin de vie. Mais le sujet quand même majeur, c'est aujourd'hui cette non-diffusion de la question des soins palliatifs dans nos organisations de santé, qu'on considère toujours comme un objet à part. Alors qu'en fait, il devrait être en totale transversalité dans le sens de nos structures. Donc voilà pourquoi moi je trouve cet exemple extrêmement parlant, parce que c'est des lois qui poussent au changement encore plus qu'elles ne l'accompagnent. C'est-à-dire qu'elles sont vraiment…

  • Speaker #1

    Moteurs. Voilà.

  • Speaker #0

    Et je trouve qu'on n'a pas tant d'exemples que ça dans le domaine de la santé, de dispositifs législatifs aussi moteurs sur des sujets aussi difficiles.

  • Speaker #1

    Merci. Alors, on en arrive aux deux dernières questions que je pose à tous les invités du podcast. La première, c'est qu'est-ce qui serait, selon vous, une transformation réussie du monde de la santé ?

  • Speaker #0

    Alors, pour moi, en tant qu'avocate, c'est une transformation qui est d'abord pensée avec ceux et celles qui vont la porter et la vivre, avant de s'interroger sur le cadre juridique qui serait applicable à une telle transformation. Le droit, c'est un outil. Il sera un outil au service de la transformation dès lors que celle-ci est bien définie et qu'elle est bien partagée. Ça, moi, c'est ma conviction en tant qu'avocate.

  • Speaker #1

    Et pour finir, quel message vous voudriez faire passer ou quel conseil vous voudriez donner aux personnes qui nous écoutent et pour qu'elles se mettent en position peut-être de contribuer à ces différentes transformations.

  • Speaker #0

    En fait, à travers cet entretien, vous m'avez donné la possibilité de transmettre un message, en tout cas que moi je porte depuis que j'exerce, à savoir que mon propos au quotidien, c'est de dire que le droit c'est un outil et que ce n'est pas un frein. Que le vivre comme un frein, pour moi c'est en fait... Un prétexte, c'est entre guillemets se chercher des excuses, comme des freins économiques, des freins logistiques, pour ne pas faire. Le droit, c'est une matière vivante. Le droit, il évolue. Donc, il ne peut pas être un obstacle à du changement. Et c'est vrai que moi, dès le début de mon exercice professionnel, je me suis définie comme une partenaire des personnes que j'accompagnais. Et je me souviens… de parfois mes premières rencontres avec le monde de la santé alors Ah ! Vous avez des rétro satanasses ! En fait vous allez nous dire qu'on n'a pas le droit de faire ça, qu'on peut pas construire comme ça, en fait vous allez nous empêcher de faire. Et donc moi tout de suite je disais non justement je suis là pour vous aider à faire et trouver des solutions avec vous en tout cas sur ce qui va être du juridique. Et donc moi ce que j'apprécie aujourd'hui c'est que je trouve que ça Je le vis quand même moins qu'au début de mon exercice professionnel. On a notre part de responsabilité, nous les juristes, dans ce phénomène où on a tendance à dire non, ça on ne peut pas faire et on fait comment ? Ah ben ça, on débrouille en fait Donc vraiment, c'est mon propos, le droit est un accessoire, ne pas le mettre au centre du débat et ne pas considérer que c'est un frein et toujours le voir comme un frein.

  • Speaker #1

    Je crois que c'est un merveilleux mot de la fin. Merci beaucoup Delphine pour votre temps aujourd'hui et puis à bientôt.

  • Speaker #0

    Merci beaucoup Cécile pour cet échange et la possibilité de partager cette parole.

  • Speaker #1

    Merci d'avoir écouté cet épisode de Mutant. S'il vous a plu, parlez-en autour de vous. Pensez aussi à vous abonner pour être alerté de la sortie du prochain épisode et continuez à explorer ensemble les transformations du monde de la synthèse.

Description

Delphine Jaafar est avocate à Paris. Elle se consacre à l’accompagnement juridique de l’ensemble des acteurs et opérateurs de santé, aussi bien du secteur public que du secteur privé : établissements de santé, laboratoires et entreprises, professionnels de santé, gouvernements et institutions sanitaires.

Dans cet épisode de MUTANT[S], nous explorons le paradoxe du droit français. En particulier dans le monde de la santé, secteur très régulé, on constate que l’on se plaint tout autant de l'excès que du manque de normes. Alors qu’il est un outil au service de l'innovation en santé, de l'amélioration des soins et de leur organisation, et d'une nouvelle culture du changement, le droit est bien souvent appréhendé pour justifier des obstacles et maintenir en place des pratiques bien ancrées, qui dérivent plus de notre culture que de la loi.

Du management et la gestion des ressources humaines en milieu hospitalier, au développement de l'intelligence artificielle (IA en santé) et des technologies médicales, Delphine Jaafar partage des exemples issus de son expérience pour éclairer la question : la loi est-elle plutôt un frein ou un levier de transformation du système de santé ?

Dans sa réponse, elle nous invite tous à repenser nos postures pour changer notre système et améliorer la santé.


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Hébergé par Ausha. Visitez ausha.co/politique-de-confidentialite pour plus d'informations.

Transcription

  • Speaker #0

    Parce qu'à partir du moment où le droit est en mouvement de force, il ne développe pas forcément les résistances de terrain, voire peut les encourager.

  • Speaker #1

    Bonjour, vous écoutez Mutant, le podcast écrit et produit par Archen. Ici, avec chacun de nos invités, nous interrogeons un aspect de transformation du monde de la santé pour mieux le décrypter et y contribuer. Je suis Cécile Gillet-Giraud, fondatrice d'Archen. J'accompagne les managers et leurs équipes vers de nouvelles habitudes de travail. Aujourd'hui... Je reçois Delphine Jaafar, avocate spécialiste en santé au sein du cabinet Vattier à Paris. Ensemble, nous allons parler de culture et de pratiques bien plus que de vide juridique. C'est parti ! Bonjour Delphine.

  • Speaker #0

    Bonjour Cécile.

  • Speaker #1

    Vous êtes avocate à Paris et vous êtes spécialisée dans l'accompagnement juridique des acteurs de santé, quels qu'ils soient, publics et privés, depuis 20 ans. Ma première question qui va peut-être être très large... on prendra le temps d'y revenir peut-être pour approfondir, mais est-ce qu'en matière de transformation des organisations de santé, le droit est un frein ou un levier ?

  • Speaker #0

    J'ai envie de répondre, Cécile, qu'il est souvent utilisé aux deux titres, mais plus comme un prétexte que comme une réalité. Le droit français, il ne faut pas l'oublier, c'est un droit écrit. Donc, ce n'est pas du tout un droit de la culture du consensus. Et ce qui est très étonnant dans nos pratiques, et on parle ici du monde de la santé, c'est de constater, mais de manière équivalente, combien on va dire, parce que cette norme n'existe pas, je ne peux pas procéder à un changement. Et dans le même temps, on est capable de dire, ah mais oui, mais cette norme, c'est ce qui nous empêche en fait de pouvoir avancer. Et c'est là où il y a quelque chose de... perturbant de mes yeux d'avocate, d'une personne qui utilise le droit, de se dire que le droit serait soit un frein, soit un levier. Pourquoi ? Parce que le droit, ce n'est qu'un outil. À mon sens, il ne peut jamais être un frein. La question, c'est peut-il être un levier ? Il me semble que oui. Il peut parfois initier le changement, c'est-à-dire lorsqu'il y a... trop de résistance au mouvement et que c'est le droit, de manière peut-être un peu forcée, qui va obliger les gens à avancer. Néanmoins, quand on a ce type de démarche, de la part du législateur, de l'autorité réglementaire, ce sont toujours des démarches dont les résultats sont relatifs, parce qu'à partir du moment où le droit est en mouvement de force, il ne débloque pas forcément les résistances de terrain, voire peut les encourager. Donc, ce qu'on dit souvent, enfin, ce qu'on dit, en tout cas, ce qu'on observe, c'est que les faits précèdent le droit. C'est la société évolue et donc la règle de droit va évoluer. Et donc, en ce sens, je dirais que c'est ni un frein, ni forcément un levier, mais que le droit est un outil pour accompagner le changement.

  • Speaker #1

    Oui, c'est intéressant parce que justement, dans le monde de la santé, qui est un monde très réglementé, on a souvent l'impression qu'à la fois on vit la réglementation comme une contrainte et qu'en même temps on ne peut pas avancer sans elle. Est-ce que vous auriez des exemples de situations justement, peut-être pour illustrer ce propos dans un sens comme dans l'autre d'ailleurs ?

  • Speaker #0

    Oui, des exemples assez différents. Je vais prendre un premier exemple qui correspond au tout début de mon activité professionnelle. Donc on est dans les années entre 2005 et 2010, je viens tout juste d'être avocate et je réalise beaucoup d'audits, dits RH, c'est-à-dire des audits sur l'application du statut de la fonction publique hospitalière dans un certain nombre d'établissements publics, donc là on parle du secteur public. Et là, mais ça a été, en tant que jeune avocate, je pense, sans doute naïve, mais vraiment quelque chose de très étonnant pour moi, de voir comment le statut était systématiquement avancé comme un élément de blocage et qu'on avançait des éléments juridiques de blocage qui n'existaient pas dans le statut, mais qui étaient vécus comme étant une règle statutaire. C'est-à-dire : "non mais c'est le statut qui empêche de licencier" ; "On ne peut pas licencier avec un statut de la fonction publique", ce qui est faux. Un autre exemple, qui date par rapport à aujourd'hui, mais en 2005-2010, on était encore dans un système de notation relativement fermé dans le système d'évolution et d'évaluation des agents de la fonction publique. Et donc vous aviez un dispositif automatique, mais dans la quasi-majorité des établissements, c'était une augmentation systématique du quart de point chaque année. On m'expliquait "oui, mais c'est le statut qui prévoit ça". Ah non, pas du tout, le statut ne prévoit pas du tout d'augmentation automatique. Et en fait, c'est-à-dire qu'il y avait des pratiques, c'est ça qui est étonnant dans un droit écrit, des pratiques qui avaient pris la couleur de la règle juridique, mais de façon complètement intégrée dans les établissements. Et donc sur la gestion du statut, c'était quelque chose qui me surprenait beaucoup parce qu'on est pour moi au summum de ce qu'on appelle la règle écrite. C'est statutaire, c'est réglementaire, on n'est pas dans le contrat de travail sur lequel il va y avoir une discussion entre les parties. C'est une règle extrêmement verticale, sur laquelle j'ai envie de dire soit c'est écrit, soit ce n'est pas écrit. Et pourtant, même là, il y a un décalage entre ce que dit la norme et en fait ce qu'on pense ou ce que l'on tire de la norme comme étant un élément de frein dans la gestion. Et il y a un élément très symptomatique pour moi dans la gestion des ressources humaines, c'est la problématique des contractuels. Là, c'est vraiment pour moi la traduction de comment la pratique, qu'on pourrait appeler la culture, en tout cas la pratique, emporte complètement ici sur le droit. Le statut de la fonction publique hospitalière dès 1986 a toujours prévu la possibilité de pouvoir utiliser des contractuels. Ce n'est pas quelque chose qui est né dans un second temps. Ce qui est vrai, c'est qu'il y a eu un développement, mais qui est assez logique, entre la naissance du statut et les 15-20 années qui ont suivi. C'est-à-dire que c'est tout le développement de l'administration hospitalière et effectivement, du coup, il y a eu un développement de l'emploi des contractuels, comme il y a eu dans l'administration d'État, dans l'administration territoriale. Et alors là, qu'est-ce qu'on n'a pas écrit ? Que c'était la fin du statut de la fonction publique, que ce déploiement massif des contractuels mettait fin au statut, qu'on jetait le bébé avec l'eau du bain. Et en fait, quand on regardait, mais le contrat qui a été conçu comme… une autre carrière possible, c'est-à-dire un autre mode de gestion, alors dans des conditions définies par le statut, mais donc on peut avoir une carrière statutaire ou dès lors qu'on respecte ces conditions, une carrière contractuelle. Eh bien non, pas du tout en fait. Le contrat a été utilisé comme un outil de recrutement et en fait, dès que le contractuel arrivait dans l'établissement, alors je mesure un peu mes propos avec le temps, mais en fait il se transformait en titulaire. C'est-à-dire que c'était un levier pour attirer, c'est-à-dire pour… Dépasser les règles d'entrée de la fonction publique qu'on considérait comme trop rigides, notamment le concours sur titre pour les personnels soignants. Aujourd'hui, dans 90% des recrutements d'infirmiers, vous n'avez pas de concours sur titre. C'est une réalité alors que c'est toujours inscrit dans les textes. Donc on l'a utilisé comme ça, mais après on n'en a pas du tout fait un outil de gestion. Pourquoi ? Parce que la culture de la gestion statutaire est complètement ancrée dans les établissements, dans les outils qu'ils utilisent, dans les formations que reçoivent les agents aux ressources humaines. Et donc, ça a été un outil de recrutement et pas un outil de gestion. Et là, on continue à vous dire parallèlement, Bon, le statut, ça ne nous permet pas de faire tout ce qu'on veut, etc. Mais on vous donne un outil pour faire autre chose. Faire autrement. Mais il n'est pas utilisé.

  • Speaker #1

    Et on ne s'en saisit pas. Donc, le droit ne permet pas de faire autre chose. Donc, en fait, alors que des ouvertures sont faites, on va continuer à dire En fait, le droit est un frein. Moi, je trouve ça particulièrement étonnant. Est-ce que vous avez l'exemple inverse ? c'est-à-dire que le droit prévoit quelque chose dont on ne se saisit pas. Est-ce qu'on a l'exemple inverse, c'est-à-dire qu'on ne peut pas faire ça à cause du droit, alors qu'en fait, il y a plein de choses à faire malgré tout ?

  • Speaker #0

    C'était un peu le premier exemple que j'avais dans la fonction publique, c'est-à-dire que le statut nous permet de faire ça alors qu'il permet de le faire. Mais par contre, votre question me fait penser à un autre exemple, où justement, dans les exemples que je donnais, le droit permet de développer une autre carrière, et du coup on dit, la gestion statutaire c'est ce qui bloque, la gestion des établissements c'est trop lourd, il n'y a pas assez de souplesse, donc on ne l'utilise pas. Et parfois même, le législateur va aller encore plus loin, c'est-à-dire qu'il va créer des espaces de liberté, c'est-à-dire qu'il va dire, vous devez vous organiser, mais je vous donne la liberté de le faire tel que vous le souhaitez. Et je prends l'exemple de la réforme de la nouvelle gouvernance en 2005, où la mise en place des pôles dans les établissements. Et donc on a une disposition du Code de la santé publique, où c'est écrit noir sur blanc, les établissements s'organisent librement. Et ensuite, effectivement, on parle des pôles. Il y a un vrai espace de liberté qui est défini. Et là, on va se retrouver complètement à contre-courant, comme si on était perdu dans cet espace de liberté. C'est-à-dire que moi, j'ai entendu, Ah oui, mais on ne nous dit pas comment faire. Donc, ça rejoint votre question, c'est-à-dire, il n'y a pas le droit. Si, le droit vous dit, à vous de définir votre organisation. L'idée, c'est de se dire que d'un établissement à l'autre, on peut avoir des modes d'organisation différents de par les activités qui sont portées, la territorialité de cet établissement. l'histoire des conflits sociaux etc qui font qu'on peut avoir une appréciation différente de l'organisation. Et bien non, on va avoir myriade de cabinets de conseil qui vont aller pondre des rapports pour expliquer comment on doit mettre en place les pôles dans les établissements de telle et telle manière et en fait on va s'accrocher à ça pour dire ah mais c'est comme ça qu'on doit faire. Mon propos il n'a pas du tout vocation à être un propos de jugement ou de critique, loin de là. En tant qu'avocate accompagnant les établissements, je suis en admiration devant les gestionnaires d'établissement qui sont pour moi en équilibre permanent dans leur activité. Mais c'est vrai que ce rapport au droit est quand même très étonnant. Oui,

  • Speaker #1

    En vous écoutant, j'ai l'impression que, soit c'est le comportement qui fait loi, en fait, et finalement, les textes vont être laissés un peu de côté, soit on est en attente qu'on nous explique comment faire et finalement, on ne sait pas collaborer spontanément, dans un cadre assez large qui nous donne justement les coudées franches.

  • Speaker #0

    Mais je pense qu'il y a aussi, et c'est pour ça que je disais que je n'étais pas du tout dans une position de jugement, je pense que dans cette approche que je qualifierais de très réglementariste, il y a la volonté d'une recherche de sécurité. C'est-à-dire que c'est une réalité que le monde de la santé a été frappé par des mises en cause. On peut évidemment citer un certain nombre de scandales, dits parce que je n'aime pas cette expression, dits scandales sanitaires, mais évidemment que l'affaire du sang contaminé a profondément marqué l'attitude et le comportement d'un certain nombre d'autorités. Et puis vous en avez eu d'autres, aujourd'hui il y a depaquine, les prothèses, ce qui a d'ailleurs fait évoluer le droit sur toute la vigilance et la sécurité sanitaire. Mais donc, dans cette approche réglementariste, c'est vrai qu'il y a aussi l'idée de se dire, à partir du moment où la loi ou le règlement définissent un cadre et que je respecte ce cadre, on ne peut pas venir me reprocher quelque chose. Et c'est vrai qu'aujourd'hui, dans le secteur de la santé, en particulier les établissements, mais c'est le cas des professionnels de santé, les mises en cause ont augmenté. Je ne dis pas que les condamnations, mais le fait d'être mis en cause dans le cadre de son activité, pour avoir mis en place ceci ou pas mettre en place ça, avoir utilisé tel dispositif de telle manière ou de telle autre manière. Donc, il y a aussi, je pense, ce côté refuge du droit de se dire il est là pour me protéger. Et par exemple, on le voit, je trouve que c'est assez révélateur, le développement de l'utilisation des nouvelles technologies dans le secteur de la santé, on appellera ça la e-santé, la santé numérique. Du coup, on a très vite senti ce phénomène, c'est-à-dire très vite les acteurs ont dit "il faut réglementer". Regardons déjà les réglementations dont on dispose, mais en fait, il y a un phénomène de peur. C'est une évolution des techniques, elles vont créer des situations que l'on ne connaît pas. Et donc, il y a cette peur. Et tout de suite, les premiers mouvements, ça a été de dire, il faut réglementer ça. D'ailleurs, qui pour le coup n'était pas typiquement français comme mouvement. C'était la question qui brûlait toutes les lèvres. Mais si on utilise une intelligence artificielle, que ça crée un dommage, mais qui va être responsable ? Est-ce qu'il ne faut pas créer une personne morale à l'IA pour qu'elle soit elle-même responsable ? Et là, on est parti, alors qu'on a, en tout cas dans notre droit français, des règles extrêmement claires. La solution algorithmique, elle est un outil comme n'importe quel autre outil. Moi, en tant que professionnelle de santé qui vais l'utiliser, je reste responsable comme utilisateur de la chose. Je peux me retourner contre le concepteur s'il y a eu une difficulté liée à la conception. Et lui-même, le concepteur, pourra exhiber du risque de développement. Et à ce moment-là seulement, on peut se poser la question, c'est la question que se pose d'ailleurs aussi l'Europe, de la construction d'un régime de responsabilité sans faute en droit européen. Mais il y a eu comme ça une agitation avec toute une doctrine sur le droit des robots, le fait d'en faire des personnes avec des obligations et des droits.

  • Speaker #1

    Alors, vous avez mentionné la spécificité du droit français, qui est un droit très vertical, très écrit. On entend bien dans ce que vous dites que… le droit ne fait pas tout et que la culture finalement et aussi l'habitude et les pratiques sont très importantes pour façonner une évolution. Est-ce que c'est français ou est-ce que vous avez constaté des similitudes ou des différences au niveau international ?

  • Speaker #0

    Alors, je pense que je ferai une réponse en deux temps, en fait. Mon premier temps, il est assez universel. C'est-à-dire que penser que le droit est déconnecté de la société, c'est-à-dire comme un élément séparé, en fait, du mouvement de la société, du mouvement des citoyens, non, en fait. Le droit, c'est une matière vivante, il est au cœur de la société, et justement... il évolue avec les pratiques sociétales, que ce soit en France ou à l'étranger. On a toujours cette interaction entre ce qui se passe, ce que vous et moi on va faire, et justement un certain nombre de porteurs de projets font avancer les règles juridiques parce qu'ils apportent des nouveautés sur le terrain sociétal, et c'est là qu'on se dit oui, mais ça peut peut-être créer telle situation, donc comment on l'organise ? Donc ce mouvement, pour moi, il est universel. Ce qui est particulier, je crois que c'était les premiers mots de mon propos lorsqu'on a commencé cet entretien, c'est que c'est vrai que dans les pays de tradition de droit écrit, donc droit romano-germanique, droit continental, ce qui est le cas du droit français, je pense qu'on va plus facilement sentir ce décalage. Pourquoi ? Parce que, ce que vous l'avez dit dans votre question, du coup on est dans un rapport très vertical de la règle juridique. Le droit, c'est de la démocratie représentative. Le Parlement, ça peut être un projet de loi, donc c'est le gouvernement qui va proposer un texte qui va ensuite être débattu. Nous avons tous connu de manière plus prégnante en droit français le système des ordonnances, donc un débat plus relatif qui peut donner une impression de verticalité plus importante. Et des ordonnances dans le monde de la santé, elles sont nombreuses. Donc voilà ce sentiment de verticalité. Et c'est vrai que dans les pays notamment de tradition common law,... C'est vrai qu'on a une approche complètement différente. Alors, on parle parfois, on dit parfois que c'est du droit coutumier. Bon, les experts me contradiront parce que le sujet est quand même un petit peu plus complexe. L'Angleterre n'a pas un droit oral, il y a beaucoup d'écrits également. Mais en tout cas, ce qui est vrai, c'est qu'effectivement, il y a du coup cette verticalité écrite et beaucoup moins forte, ce qui fait que, je dirais, l'interaction est plus fluide. Pour moi, c'est la différence. Avant qu'on fasse l'entretien, on avait évoqué ensemble le cas de l'Allemagne, qui est pourtant un pays de droit continental, mais dans lequel il y a une très forte tradition de la négociation, de la discussion. Donc, ça crée de la fluidité entre la norme et du coup le mouvement naturel de la société. Alors, le regard que je reste, c'est que la spécificité française, à mon sens, c'est que de par l'extrême tradition de droit écrit, du droit français, du coup, cette fluidité, elle est difficile. Et c'est vrai que vous parlez de consensus en France, c'est quand même quasiment un mot exotique, en fait. Je veux dire, dans la pratique, on ne sait pas faire du consensus. Bon, je veux dire, on a un exemple vraiment prégnant au regard des résultats de nos dernières élections. Je veux dire, on ne sait pas ce que c'est, le consensus, en fait. Mais c'est aussi notre culture juridique, c'est comme ça que toutes nos institutions sont construites, jusque dans nos structures, institutions sanitaires, établissements de santé.

  • Speaker #1

    Est-ce que pour vous aujourd'hui, il y a des textes qui ont particulièrement permis de contribuer à la transformation des organisations ? Et à l'inverse, est-ce qu'il y a un vide juridique qui empêcherait ou qui freinerait aujourd'hui le système de santé ou les organisations de santé pour aller plus loin dans leur transformation ?

  • Speaker #0

    Alors, sur le vide juridique, je ne sais pas si vous allez aimer ma réponse ou pas, mais moi, c'est une expression que j'ai en horreur, parce qu'en fait, ça rejoint complètement le sens de cet entretien que nous avons aujourd'hui ensemble. C'est quoi un vide juridique, en fait ? C'est quoi un vide juridique ? Alors, c'est une expression qu'on emploie tout le temps, alors dans la presse, je dirais grands médias, c'est devenu un poncif. Ah, mais il y a un vide juridique. Si je peux me permettre, déjà, en droit français, il faut quand même les chercher, les vides juridiques, parce qu'on a quand même une masse de dispositions, aussi bien législatives que réglementaires, et parfois d'ailleurs, qui créent une forme d'illisibilité très dangereuse pour les praticiens, parce que du coup, il y a une telle accumulation. Donc, le vide juridique, c'est quoi ? Pour moi, la seule situation de vide juridique, et qui est un mouvement naturel, c'est ce que je vous disais, les faits précèdent le droit. Donc... Non, il n'y a pas de vide juridique. Il y a des évolutions qui vont se faire et on va venir ensuite à un cadrage pour dire ce qu'il faut cadrer. Il ne faut pas tout de suite cadrer. On a parlé tout à l'heure de l'exemple des nouvelles technologies parce qu'on bloque l'innovation en fait tout de suite on va dire "ça on peut pas faire". Non, laissons se développer l'innovation et ensuite apportons un cadre pour permettre à chacun d'évoluer en protégeant les droits qui doivent être protégés. Sur les organisations là aussi peut-être que ma première réponse va pas forcément vous plaire parce que je vais remonter loin dans le temps, je pense que ce qui est fondateur et donc qui a créé pour moi le changement le plus important et qui dirige quelque part toutes les logiques organisationnelles qu'on cherche à mettre en place en France, c'est quand même le préambule de la constitution de 1946 qui est venu garantir le droit à l'accès aux soins et ensuite le conseil constitutionnel qui est venu consacrer ce principe à la valeur constitutionnelle. Pourquoi je dis ça ? Parce que si on regarde la myriade de texte. Mais ce n'est pas propre au secteur de la santé, qui sont intervenus avec à chaque fois, vous savez, c'est les lois de modernisation du système de santé, ça c'est une expression aussi. Mais à chaque fois, quel est l'objectif en fait ? C'est de répondre à ce principe de l'accès aux soins et de l'égalité à l'accès aux soins. Et à chaque fois, avec cette idée qu'on fait des constats en se disant pourquoi on veut changer des choses ? Parce qu'on a un problème d'égalité d'accès aux soins. Et donc je trouve que ça, c'est à la fois le changement, en tout cas la consécration la plus forte en droit français, qui irrigue l'ensemble de la structuration juridique des organisations de santé, et qui est toujours la boussole, avec des réussites ou pas des réussites, mais en tout cas, quand le texte, tous ces changements législatifs qui interviennent, auront toujours cet objectif-là. Pour moi, c'est en ça que le système français est quand même un système qui est un exemple parce que d'avoir cette boussole là c'est quand même une boussole extrêmement forte. Alors après, il y a d'autres plus récents pour que ça réponde quand même et ça renvoie à un sujet qui a été très d'actualité qui va le redevenir d'ailleurs qui est le sujet de la fin de vie. Moi je trouve que les trois lois, Kouchner de 1999, Leonetti de 2005 et Claes-Leonetti de 2016 Ce sont vraiment des lois qui ont changé les choses. Changé les choses de par le droit à cet accès aux soins palliatifs, si je devais résumer comme ça sur la loi Kouchner, le fait de ne pas avoir cette obstination déraisonnable avec la loi Leonetti, et puis la création de cette sédation profonde avec la loi Claes-Leonetti. Pourquoi je dis que c'est en tout cas pour moi une réussite de loi qui crée le changement ? Parce que là aussi, ça renvoie à des éléments dont on a discuté dans l'entretien. Parfois, la loi, elle peut initier le changement sur des sujets aussi sensibles dans la société que celui de la mort, qui est pourtant un événement inéluctable, naturel, qui va arriver quoi qu'il arrive. Donc la question n'est pas de gérer la mort, mais comment en fait on va gérer sa fin de vie. C'est complètement différent. Et donc, l'impact aussi, on le voit bien aujourd'hui, d'ailleurs dans le débat qui a eu lieu, et dont on espère tous qu'il va, je dirais, arriver à son terme, parce que là aussi, justement, il y a eu un effort de démocratie représentative, une vraie volonté d'avoir un débat de fond et partagé dans la société. Mais ce que je veux dire, c'est que ça impacte les organisations de santé, puisque justement, un des débats actuels est celui de l'accès aux soins palliatifs. Certes, il y a une revendication qui a toujours existé, même avant 2005, sur la question de l'euthanasie, de ce droit au suicide en fin de vie. Mais le sujet quand même majeur, c'est aujourd'hui cette non-diffusion de la question des soins palliatifs dans nos organisations de santé, qu'on considère toujours comme un objet à part. Alors qu'en fait, il devrait être en totale transversalité dans le sens de nos structures. Donc voilà pourquoi moi je trouve cet exemple extrêmement parlant, parce que c'est des lois qui poussent au changement encore plus qu'elles ne l'accompagnent. C'est-à-dire qu'elles sont vraiment…

  • Speaker #1

    Moteurs. Voilà.

  • Speaker #0

    Et je trouve qu'on n'a pas tant d'exemples que ça dans le domaine de la santé, de dispositifs législatifs aussi moteurs sur des sujets aussi difficiles.

  • Speaker #1

    Merci. Alors, on en arrive aux deux dernières questions que je pose à tous les invités du podcast. La première, c'est qu'est-ce qui serait, selon vous, une transformation réussie du monde de la santé ?

  • Speaker #0

    Alors, pour moi, en tant qu'avocate, c'est une transformation qui est d'abord pensée avec ceux et celles qui vont la porter et la vivre, avant de s'interroger sur le cadre juridique qui serait applicable à une telle transformation. Le droit, c'est un outil. Il sera un outil au service de la transformation dès lors que celle-ci est bien définie et qu'elle est bien partagée. Ça, moi, c'est ma conviction en tant qu'avocate.

  • Speaker #1

    Et pour finir, quel message vous voudriez faire passer ou quel conseil vous voudriez donner aux personnes qui nous écoutent et pour qu'elles se mettent en position peut-être de contribuer à ces différentes transformations.

  • Speaker #0

    En fait, à travers cet entretien, vous m'avez donné la possibilité de transmettre un message, en tout cas que moi je porte depuis que j'exerce, à savoir que mon propos au quotidien, c'est de dire que le droit c'est un outil et que ce n'est pas un frein. Que le vivre comme un frein, pour moi c'est en fait... Un prétexte, c'est entre guillemets se chercher des excuses, comme des freins économiques, des freins logistiques, pour ne pas faire. Le droit, c'est une matière vivante. Le droit, il évolue. Donc, il ne peut pas être un obstacle à du changement. Et c'est vrai que moi, dès le début de mon exercice professionnel, je me suis définie comme une partenaire des personnes que j'accompagnais. Et je me souviens… de parfois mes premières rencontres avec le monde de la santé alors Ah ! Vous avez des rétro satanasses ! En fait vous allez nous dire qu'on n'a pas le droit de faire ça, qu'on peut pas construire comme ça, en fait vous allez nous empêcher de faire. Et donc moi tout de suite je disais non justement je suis là pour vous aider à faire et trouver des solutions avec vous en tout cas sur ce qui va être du juridique. Et donc moi ce que j'apprécie aujourd'hui c'est que je trouve que ça Je le vis quand même moins qu'au début de mon exercice professionnel. On a notre part de responsabilité, nous les juristes, dans ce phénomène où on a tendance à dire non, ça on ne peut pas faire et on fait comment ? Ah ben ça, on débrouille en fait Donc vraiment, c'est mon propos, le droit est un accessoire, ne pas le mettre au centre du débat et ne pas considérer que c'est un frein et toujours le voir comme un frein.

  • Speaker #1

    Je crois que c'est un merveilleux mot de la fin. Merci beaucoup Delphine pour votre temps aujourd'hui et puis à bientôt.

  • Speaker #0

    Merci beaucoup Cécile pour cet échange et la possibilité de partager cette parole.

  • Speaker #1

    Merci d'avoir écouté cet épisode de Mutant. S'il vous a plu, parlez-en autour de vous. Pensez aussi à vous abonner pour être alerté de la sortie du prochain épisode et continuez à explorer ensemble les transformations du monde de la synthèse.

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Description

Delphine Jaafar est avocate à Paris. Elle se consacre à l’accompagnement juridique de l’ensemble des acteurs et opérateurs de santé, aussi bien du secteur public que du secteur privé : établissements de santé, laboratoires et entreprises, professionnels de santé, gouvernements et institutions sanitaires.

Dans cet épisode de MUTANT[S], nous explorons le paradoxe du droit français. En particulier dans le monde de la santé, secteur très régulé, on constate que l’on se plaint tout autant de l'excès que du manque de normes. Alors qu’il est un outil au service de l'innovation en santé, de l'amélioration des soins et de leur organisation, et d'une nouvelle culture du changement, le droit est bien souvent appréhendé pour justifier des obstacles et maintenir en place des pratiques bien ancrées, qui dérivent plus de notre culture que de la loi.

Du management et la gestion des ressources humaines en milieu hospitalier, au développement de l'intelligence artificielle (IA en santé) et des technologies médicales, Delphine Jaafar partage des exemples issus de son expérience pour éclairer la question : la loi est-elle plutôt un frein ou un levier de transformation du système de santé ?

Dans sa réponse, elle nous invite tous à repenser nos postures pour changer notre système et améliorer la santé.


www.archen.info


Hébergé par Ausha. Visitez ausha.co/politique-de-confidentialite pour plus d'informations.

Transcription

  • Speaker #0

    Parce qu'à partir du moment où le droit est en mouvement de force, il ne développe pas forcément les résistances de terrain, voire peut les encourager.

  • Speaker #1

    Bonjour, vous écoutez Mutant, le podcast écrit et produit par Archen. Ici, avec chacun de nos invités, nous interrogeons un aspect de transformation du monde de la santé pour mieux le décrypter et y contribuer. Je suis Cécile Gillet-Giraud, fondatrice d'Archen. J'accompagne les managers et leurs équipes vers de nouvelles habitudes de travail. Aujourd'hui... Je reçois Delphine Jaafar, avocate spécialiste en santé au sein du cabinet Vattier à Paris. Ensemble, nous allons parler de culture et de pratiques bien plus que de vide juridique. C'est parti ! Bonjour Delphine.

  • Speaker #0

    Bonjour Cécile.

  • Speaker #1

    Vous êtes avocate à Paris et vous êtes spécialisée dans l'accompagnement juridique des acteurs de santé, quels qu'ils soient, publics et privés, depuis 20 ans. Ma première question qui va peut-être être très large... on prendra le temps d'y revenir peut-être pour approfondir, mais est-ce qu'en matière de transformation des organisations de santé, le droit est un frein ou un levier ?

  • Speaker #0

    J'ai envie de répondre, Cécile, qu'il est souvent utilisé aux deux titres, mais plus comme un prétexte que comme une réalité. Le droit français, il ne faut pas l'oublier, c'est un droit écrit. Donc, ce n'est pas du tout un droit de la culture du consensus. Et ce qui est très étonnant dans nos pratiques, et on parle ici du monde de la santé, c'est de constater, mais de manière équivalente, combien on va dire, parce que cette norme n'existe pas, je ne peux pas procéder à un changement. Et dans le même temps, on est capable de dire, ah mais oui, mais cette norme, c'est ce qui nous empêche en fait de pouvoir avancer. Et c'est là où il y a quelque chose de... perturbant de mes yeux d'avocate, d'une personne qui utilise le droit, de se dire que le droit serait soit un frein, soit un levier. Pourquoi ? Parce que le droit, ce n'est qu'un outil. À mon sens, il ne peut jamais être un frein. La question, c'est peut-il être un levier ? Il me semble que oui. Il peut parfois initier le changement, c'est-à-dire lorsqu'il y a... trop de résistance au mouvement et que c'est le droit, de manière peut-être un peu forcée, qui va obliger les gens à avancer. Néanmoins, quand on a ce type de démarche, de la part du législateur, de l'autorité réglementaire, ce sont toujours des démarches dont les résultats sont relatifs, parce qu'à partir du moment où le droit est en mouvement de force, il ne débloque pas forcément les résistances de terrain, voire peut les encourager. Donc, ce qu'on dit souvent, enfin, ce qu'on dit, en tout cas, ce qu'on observe, c'est que les faits précèdent le droit. C'est la société évolue et donc la règle de droit va évoluer. Et donc, en ce sens, je dirais que c'est ni un frein, ni forcément un levier, mais que le droit est un outil pour accompagner le changement.

  • Speaker #1

    Oui, c'est intéressant parce que justement, dans le monde de la santé, qui est un monde très réglementé, on a souvent l'impression qu'à la fois on vit la réglementation comme une contrainte et qu'en même temps on ne peut pas avancer sans elle. Est-ce que vous auriez des exemples de situations justement, peut-être pour illustrer ce propos dans un sens comme dans l'autre d'ailleurs ?

  • Speaker #0

    Oui, des exemples assez différents. Je vais prendre un premier exemple qui correspond au tout début de mon activité professionnelle. Donc on est dans les années entre 2005 et 2010, je viens tout juste d'être avocate et je réalise beaucoup d'audits, dits RH, c'est-à-dire des audits sur l'application du statut de la fonction publique hospitalière dans un certain nombre d'établissements publics, donc là on parle du secteur public. Et là, mais ça a été, en tant que jeune avocate, je pense, sans doute naïve, mais vraiment quelque chose de très étonnant pour moi, de voir comment le statut était systématiquement avancé comme un élément de blocage et qu'on avançait des éléments juridiques de blocage qui n'existaient pas dans le statut, mais qui étaient vécus comme étant une règle statutaire. C'est-à-dire : "non mais c'est le statut qui empêche de licencier" ; "On ne peut pas licencier avec un statut de la fonction publique", ce qui est faux. Un autre exemple, qui date par rapport à aujourd'hui, mais en 2005-2010, on était encore dans un système de notation relativement fermé dans le système d'évolution et d'évaluation des agents de la fonction publique. Et donc vous aviez un dispositif automatique, mais dans la quasi-majorité des établissements, c'était une augmentation systématique du quart de point chaque année. On m'expliquait "oui, mais c'est le statut qui prévoit ça". Ah non, pas du tout, le statut ne prévoit pas du tout d'augmentation automatique. Et en fait, c'est-à-dire qu'il y avait des pratiques, c'est ça qui est étonnant dans un droit écrit, des pratiques qui avaient pris la couleur de la règle juridique, mais de façon complètement intégrée dans les établissements. Et donc sur la gestion du statut, c'était quelque chose qui me surprenait beaucoup parce qu'on est pour moi au summum de ce qu'on appelle la règle écrite. C'est statutaire, c'est réglementaire, on n'est pas dans le contrat de travail sur lequel il va y avoir une discussion entre les parties. C'est une règle extrêmement verticale, sur laquelle j'ai envie de dire soit c'est écrit, soit ce n'est pas écrit. Et pourtant, même là, il y a un décalage entre ce que dit la norme et en fait ce qu'on pense ou ce que l'on tire de la norme comme étant un élément de frein dans la gestion. Et il y a un élément très symptomatique pour moi dans la gestion des ressources humaines, c'est la problématique des contractuels. Là, c'est vraiment pour moi la traduction de comment la pratique, qu'on pourrait appeler la culture, en tout cas la pratique, emporte complètement ici sur le droit. Le statut de la fonction publique hospitalière dès 1986 a toujours prévu la possibilité de pouvoir utiliser des contractuels. Ce n'est pas quelque chose qui est né dans un second temps. Ce qui est vrai, c'est qu'il y a eu un développement, mais qui est assez logique, entre la naissance du statut et les 15-20 années qui ont suivi. C'est-à-dire que c'est tout le développement de l'administration hospitalière et effectivement, du coup, il y a eu un développement de l'emploi des contractuels, comme il y a eu dans l'administration d'État, dans l'administration territoriale. Et alors là, qu'est-ce qu'on n'a pas écrit ? Que c'était la fin du statut de la fonction publique, que ce déploiement massif des contractuels mettait fin au statut, qu'on jetait le bébé avec l'eau du bain. Et en fait, quand on regardait, mais le contrat qui a été conçu comme… une autre carrière possible, c'est-à-dire un autre mode de gestion, alors dans des conditions définies par le statut, mais donc on peut avoir une carrière statutaire ou dès lors qu'on respecte ces conditions, une carrière contractuelle. Eh bien non, pas du tout en fait. Le contrat a été utilisé comme un outil de recrutement et en fait, dès que le contractuel arrivait dans l'établissement, alors je mesure un peu mes propos avec le temps, mais en fait il se transformait en titulaire. C'est-à-dire que c'était un levier pour attirer, c'est-à-dire pour… Dépasser les règles d'entrée de la fonction publique qu'on considérait comme trop rigides, notamment le concours sur titre pour les personnels soignants. Aujourd'hui, dans 90% des recrutements d'infirmiers, vous n'avez pas de concours sur titre. C'est une réalité alors que c'est toujours inscrit dans les textes. Donc on l'a utilisé comme ça, mais après on n'en a pas du tout fait un outil de gestion. Pourquoi ? Parce que la culture de la gestion statutaire est complètement ancrée dans les établissements, dans les outils qu'ils utilisent, dans les formations que reçoivent les agents aux ressources humaines. Et donc, ça a été un outil de recrutement et pas un outil de gestion. Et là, on continue à vous dire parallèlement, Bon, le statut, ça ne nous permet pas de faire tout ce qu'on veut, etc. Mais on vous donne un outil pour faire autre chose. Faire autrement. Mais il n'est pas utilisé.

  • Speaker #1

    Et on ne s'en saisit pas. Donc, le droit ne permet pas de faire autre chose. Donc, en fait, alors que des ouvertures sont faites, on va continuer à dire En fait, le droit est un frein. Moi, je trouve ça particulièrement étonnant. Est-ce que vous avez l'exemple inverse ? c'est-à-dire que le droit prévoit quelque chose dont on ne se saisit pas. Est-ce qu'on a l'exemple inverse, c'est-à-dire qu'on ne peut pas faire ça à cause du droit, alors qu'en fait, il y a plein de choses à faire malgré tout ?

  • Speaker #0

    C'était un peu le premier exemple que j'avais dans la fonction publique, c'est-à-dire que le statut nous permet de faire ça alors qu'il permet de le faire. Mais par contre, votre question me fait penser à un autre exemple, où justement, dans les exemples que je donnais, le droit permet de développer une autre carrière, et du coup on dit, la gestion statutaire c'est ce qui bloque, la gestion des établissements c'est trop lourd, il n'y a pas assez de souplesse, donc on ne l'utilise pas. Et parfois même, le législateur va aller encore plus loin, c'est-à-dire qu'il va créer des espaces de liberté, c'est-à-dire qu'il va dire, vous devez vous organiser, mais je vous donne la liberté de le faire tel que vous le souhaitez. Et je prends l'exemple de la réforme de la nouvelle gouvernance en 2005, où la mise en place des pôles dans les établissements. Et donc on a une disposition du Code de la santé publique, où c'est écrit noir sur blanc, les établissements s'organisent librement. Et ensuite, effectivement, on parle des pôles. Il y a un vrai espace de liberté qui est défini. Et là, on va se retrouver complètement à contre-courant, comme si on était perdu dans cet espace de liberté. C'est-à-dire que moi, j'ai entendu, Ah oui, mais on ne nous dit pas comment faire. Donc, ça rejoint votre question, c'est-à-dire, il n'y a pas le droit. Si, le droit vous dit, à vous de définir votre organisation. L'idée, c'est de se dire que d'un établissement à l'autre, on peut avoir des modes d'organisation différents de par les activités qui sont portées, la territorialité de cet établissement. l'histoire des conflits sociaux etc qui font qu'on peut avoir une appréciation différente de l'organisation. Et bien non, on va avoir myriade de cabinets de conseil qui vont aller pondre des rapports pour expliquer comment on doit mettre en place les pôles dans les établissements de telle et telle manière et en fait on va s'accrocher à ça pour dire ah mais c'est comme ça qu'on doit faire. Mon propos il n'a pas du tout vocation à être un propos de jugement ou de critique, loin de là. En tant qu'avocate accompagnant les établissements, je suis en admiration devant les gestionnaires d'établissement qui sont pour moi en équilibre permanent dans leur activité. Mais c'est vrai que ce rapport au droit est quand même très étonnant. Oui,

  • Speaker #1

    En vous écoutant, j'ai l'impression que, soit c'est le comportement qui fait loi, en fait, et finalement, les textes vont être laissés un peu de côté, soit on est en attente qu'on nous explique comment faire et finalement, on ne sait pas collaborer spontanément, dans un cadre assez large qui nous donne justement les coudées franches.

  • Speaker #0

    Mais je pense qu'il y a aussi, et c'est pour ça que je disais que je n'étais pas du tout dans une position de jugement, je pense que dans cette approche que je qualifierais de très réglementariste, il y a la volonté d'une recherche de sécurité. C'est-à-dire que c'est une réalité que le monde de la santé a été frappé par des mises en cause. On peut évidemment citer un certain nombre de scandales, dits parce que je n'aime pas cette expression, dits scandales sanitaires, mais évidemment que l'affaire du sang contaminé a profondément marqué l'attitude et le comportement d'un certain nombre d'autorités. Et puis vous en avez eu d'autres, aujourd'hui il y a depaquine, les prothèses, ce qui a d'ailleurs fait évoluer le droit sur toute la vigilance et la sécurité sanitaire. Mais donc, dans cette approche réglementariste, c'est vrai qu'il y a aussi l'idée de se dire, à partir du moment où la loi ou le règlement définissent un cadre et que je respecte ce cadre, on ne peut pas venir me reprocher quelque chose. Et c'est vrai qu'aujourd'hui, dans le secteur de la santé, en particulier les établissements, mais c'est le cas des professionnels de santé, les mises en cause ont augmenté. Je ne dis pas que les condamnations, mais le fait d'être mis en cause dans le cadre de son activité, pour avoir mis en place ceci ou pas mettre en place ça, avoir utilisé tel dispositif de telle manière ou de telle autre manière. Donc, il y a aussi, je pense, ce côté refuge du droit de se dire il est là pour me protéger. Et par exemple, on le voit, je trouve que c'est assez révélateur, le développement de l'utilisation des nouvelles technologies dans le secteur de la santé, on appellera ça la e-santé, la santé numérique. Du coup, on a très vite senti ce phénomène, c'est-à-dire très vite les acteurs ont dit "il faut réglementer". Regardons déjà les réglementations dont on dispose, mais en fait, il y a un phénomène de peur. C'est une évolution des techniques, elles vont créer des situations que l'on ne connaît pas. Et donc, il y a cette peur. Et tout de suite, les premiers mouvements, ça a été de dire, il faut réglementer ça. D'ailleurs, qui pour le coup n'était pas typiquement français comme mouvement. C'était la question qui brûlait toutes les lèvres. Mais si on utilise une intelligence artificielle, que ça crée un dommage, mais qui va être responsable ? Est-ce qu'il ne faut pas créer une personne morale à l'IA pour qu'elle soit elle-même responsable ? Et là, on est parti, alors qu'on a, en tout cas dans notre droit français, des règles extrêmement claires. La solution algorithmique, elle est un outil comme n'importe quel autre outil. Moi, en tant que professionnelle de santé qui vais l'utiliser, je reste responsable comme utilisateur de la chose. Je peux me retourner contre le concepteur s'il y a eu une difficulté liée à la conception. Et lui-même, le concepteur, pourra exhiber du risque de développement. Et à ce moment-là seulement, on peut se poser la question, c'est la question que se pose d'ailleurs aussi l'Europe, de la construction d'un régime de responsabilité sans faute en droit européen. Mais il y a eu comme ça une agitation avec toute une doctrine sur le droit des robots, le fait d'en faire des personnes avec des obligations et des droits.

  • Speaker #1

    Alors, vous avez mentionné la spécificité du droit français, qui est un droit très vertical, très écrit. On entend bien dans ce que vous dites que… le droit ne fait pas tout et que la culture finalement et aussi l'habitude et les pratiques sont très importantes pour façonner une évolution. Est-ce que c'est français ou est-ce que vous avez constaté des similitudes ou des différences au niveau international ?

  • Speaker #0

    Alors, je pense que je ferai une réponse en deux temps, en fait. Mon premier temps, il est assez universel. C'est-à-dire que penser que le droit est déconnecté de la société, c'est-à-dire comme un élément séparé, en fait, du mouvement de la société, du mouvement des citoyens, non, en fait. Le droit, c'est une matière vivante, il est au cœur de la société, et justement... il évolue avec les pratiques sociétales, que ce soit en France ou à l'étranger. On a toujours cette interaction entre ce qui se passe, ce que vous et moi on va faire, et justement un certain nombre de porteurs de projets font avancer les règles juridiques parce qu'ils apportent des nouveautés sur le terrain sociétal, et c'est là qu'on se dit oui, mais ça peut peut-être créer telle situation, donc comment on l'organise ? Donc ce mouvement, pour moi, il est universel. Ce qui est particulier, je crois que c'était les premiers mots de mon propos lorsqu'on a commencé cet entretien, c'est que c'est vrai que dans les pays de tradition de droit écrit, donc droit romano-germanique, droit continental, ce qui est le cas du droit français, je pense qu'on va plus facilement sentir ce décalage. Pourquoi ? Parce que, ce que vous l'avez dit dans votre question, du coup on est dans un rapport très vertical de la règle juridique. Le droit, c'est de la démocratie représentative. Le Parlement, ça peut être un projet de loi, donc c'est le gouvernement qui va proposer un texte qui va ensuite être débattu. Nous avons tous connu de manière plus prégnante en droit français le système des ordonnances, donc un débat plus relatif qui peut donner une impression de verticalité plus importante. Et des ordonnances dans le monde de la santé, elles sont nombreuses. Donc voilà ce sentiment de verticalité. Et c'est vrai que dans les pays notamment de tradition common law,... C'est vrai qu'on a une approche complètement différente. Alors, on parle parfois, on dit parfois que c'est du droit coutumier. Bon, les experts me contradiront parce que le sujet est quand même un petit peu plus complexe. L'Angleterre n'a pas un droit oral, il y a beaucoup d'écrits également. Mais en tout cas, ce qui est vrai, c'est qu'effectivement, il y a du coup cette verticalité écrite et beaucoup moins forte, ce qui fait que, je dirais, l'interaction est plus fluide. Pour moi, c'est la différence. Avant qu'on fasse l'entretien, on avait évoqué ensemble le cas de l'Allemagne, qui est pourtant un pays de droit continental, mais dans lequel il y a une très forte tradition de la négociation, de la discussion. Donc, ça crée de la fluidité entre la norme et du coup le mouvement naturel de la société. Alors, le regard que je reste, c'est que la spécificité française, à mon sens, c'est que de par l'extrême tradition de droit écrit, du droit français, du coup, cette fluidité, elle est difficile. Et c'est vrai que vous parlez de consensus en France, c'est quand même quasiment un mot exotique, en fait. Je veux dire, dans la pratique, on ne sait pas faire du consensus. Bon, je veux dire, on a un exemple vraiment prégnant au regard des résultats de nos dernières élections. Je veux dire, on ne sait pas ce que c'est, le consensus, en fait. Mais c'est aussi notre culture juridique, c'est comme ça que toutes nos institutions sont construites, jusque dans nos structures, institutions sanitaires, établissements de santé.

  • Speaker #1

    Est-ce que pour vous aujourd'hui, il y a des textes qui ont particulièrement permis de contribuer à la transformation des organisations ? Et à l'inverse, est-ce qu'il y a un vide juridique qui empêcherait ou qui freinerait aujourd'hui le système de santé ou les organisations de santé pour aller plus loin dans leur transformation ?

  • Speaker #0

    Alors, sur le vide juridique, je ne sais pas si vous allez aimer ma réponse ou pas, mais moi, c'est une expression que j'ai en horreur, parce qu'en fait, ça rejoint complètement le sens de cet entretien que nous avons aujourd'hui ensemble. C'est quoi un vide juridique, en fait ? C'est quoi un vide juridique ? Alors, c'est une expression qu'on emploie tout le temps, alors dans la presse, je dirais grands médias, c'est devenu un poncif. Ah, mais il y a un vide juridique. Si je peux me permettre, déjà, en droit français, il faut quand même les chercher, les vides juridiques, parce qu'on a quand même une masse de dispositions, aussi bien législatives que réglementaires, et parfois d'ailleurs, qui créent une forme d'illisibilité très dangereuse pour les praticiens, parce que du coup, il y a une telle accumulation. Donc, le vide juridique, c'est quoi ? Pour moi, la seule situation de vide juridique, et qui est un mouvement naturel, c'est ce que je vous disais, les faits précèdent le droit. Donc... Non, il n'y a pas de vide juridique. Il y a des évolutions qui vont se faire et on va venir ensuite à un cadrage pour dire ce qu'il faut cadrer. Il ne faut pas tout de suite cadrer. On a parlé tout à l'heure de l'exemple des nouvelles technologies parce qu'on bloque l'innovation en fait tout de suite on va dire "ça on peut pas faire". Non, laissons se développer l'innovation et ensuite apportons un cadre pour permettre à chacun d'évoluer en protégeant les droits qui doivent être protégés. Sur les organisations là aussi peut-être que ma première réponse va pas forcément vous plaire parce que je vais remonter loin dans le temps, je pense que ce qui est fondateur et donc qui a créé pour moi le changement le plus important et qui dirige quelque part toutes les logiques organisationnelles qu'on cherche à mettre en place en France, c'est quand même le préambule de la constitution de 1946 qui est venu garantir le droit à l'accès aux soins et ensuite le conseil constitutionnel qui est venu consacrer ce principe à la valeur constitutionnelle. Pourquoi je dis ça ? Parce que si on regarde la myriade de texte. Mais ce n'est pas propre au secteur de la santé, qui sont intervenus avec à chaque fois, vous savez, c'est les lois de modernisation du système de santé, ça c'est une expression aussi. Mais à chaque fois, quel est l'objectif en fait ? C'est de répondre à ce principe de l'accès aux soins et de l'égalité à l'accès aux soins. Et à chaque fois, avec cette idée qu'on fait des constats en se disant pourquoi on veut changer des choses ? Parce qu'on a un problème d'égalité d'accès aux soins. Et donc je trouve que ça, c'est à la fois le changement, en tout cas la consécration la plus forte en droit français, qui irrigue l'ensemble de la structuration juridique des organisations de santé, et qui est toujours la boussole, avec des réussites ou pas des réussites, mais en tout cas, quand le texte, tous ces changements législatifs qui interviennent, auront toujours cet objectif-là. Pour moi, c'est en ça que le système français est quand même un système qui est un exemple parce que d'avoir cette boussole là c'est quand même une boussole extrêmement forte. Alors après, il y a d'autres plus récents pour que ça réponde quand même et ça renvoie à un sujet qui a été très d'actualité qui va le redevenir d'ailleurs qui est le sujet de la fin de vie. Moi je trouve que les trois lois, Kouchner de 1999, Leonetti de 2005 et Claes-Leonetti de 2016 Ce sont vraiment des lois qui ont changé les choses. Changé les choses de par le droit à cet accès aux soins palliatifs, si je devais résumer comme ça sur la loi Kouchner, le fait de ne pas avoir cette obstination déraisonnable avec la loi Leonetti, et puis la création de cette sédation profonde avec la loi Claes-Leonetti. Pourquoi je dis que c'est en tout cas pour moi une réussite de loi qui crée le changement ? Parce que là aussi, ça renvoie à des éléments dont on a discuté dans l'entretien. Parfois, la loi, elle peut initier le changement sur des sujets aussi sensibles dans la société que celui de la mort, qui est pourtant un événement inéluctable, naturel, qui va arriver quoi qu'il arrive. Donc la question n'est pas de gérer la mort, mais comment en fait on va gérer sa fin de vie. C'est complètement différent. Et donc, l'impact aussi, on le voit bien aujourd'hui, d'ailleurs dans le débat qui a eu lieu, et dont on espère tous qu'il va, je dirais, arriver à son terme, parce que là aussi, justement, il y a eu un effort de démocratie représentative, une vraie volonté d'avoir un débat de fond et partagé dans la société. Mais ce que je veux dire, c'est que ça impacte les organisations de santé, puisque justement, un des débats actuels est celui de l'accès aux soins palliatifs. Certes, il y a une revendication qui a toujours existé, même avant 2005, sur la question de l'euthanasie, de ce droit au suicide en fin de vie. Mais le sujet quand même majeur, c'est aujourd'hui cette non-diffusion de la question des soins palliatifs dans nos organisations de santé, qu'on considère toujours comme un objet à part. Alors qu'en fait, il devrait être en totale transversalité dans le sens de nos structures. Donc voilà pourquoi moi je trouve cet exemple extrêmement parlant, parce que c'est des lois qui poussent au changement encore plus qu'elles ne l'accompagnent. C'est-à-dire qu'elles sont vraiment…

  • Speaker #1

    Moteurs. Voilà.

  • Speaker #0

    Et je trouve qu'on n'a pas tant d'exemples que ça dans le domaine de la santé, de dispositifs législatifs aussi moteurs sur des sujets aussi difficiles.

  • Speaker #1

    Merci. Alors, on en arrive aux deux dernières questions que je pose à tous les invités du podcast. La première, c'est qu'est-ce qui serait, selon vous, une transformation réussie du monde de la santé ?

  • Speaker #0

    Alors, pour moi, en tant qu'avocate, c'est une transformation qui est d'abord pensée avec ceux et celles qui vont la porter et la vivre, avant de s'interroger sur le cadre juridique qui serait applicable à une telle transformation. Le droit, c'est un outil. Il sera un outil au service de la transformation dès lors que celle-ci est bien définie et qu'elle est bien partagée. Ça, moi, c'est ma conviction en tant qu'avocate.

  • Speaker #1

    Et pour finir, quel message vous voudriez faire passer ou quel conseil vous voudriez donner aux personnes qui nous écoutent et pour qu'elles se mettent en position peut-être de contribuer à ces différentes transformations.

  • Speaker #0

    En fait, à travers cet entretien, vous m'avez donné la possibilité de transmettre un message, en tout cas que moi je porte depuis que j'exerce, à savoir que mon propos au quotidien, c'est de dire que le droit c'est un outil et que ce n'est pas un frein. Que le vivre comme un frein, pour moi c'est en fait... Un prétexte, c'est entre guillemets se chercher des excuses, comme des freins économiques, des freins logistiques, pour ne pas faire. Le droit, c'est une matière vivante. Le droit, il évolue. Donc, il ne peut pas être un obstacle à du changement. Et c'est vrai que moi, dès le début de mon exercice professionnel, je me suis définie comme une partenaire des personnes que j'accompagnais. Et je me souviens… de parfois mes premières rencontres avec le monde de la santé alors Ah ! Vous avez des rétro satanasses ! En fait vous allez nous dire qu'on n'a pas le droit de faire ça, qu'on peut pas construire comme ça, en fait vous allez nous empêcher de faire. Et donc moi tout de suite je disais non justement je suis là pour vous aider à faire et trouver des solutions avec vous en tout cas sur ce qui va être du juridique. Et donc moi ce que j'apprécie aujourd'hui c'est que je trouve que ça Je le vis quand même moins qu'au début de mon exercice professionnel. On a notre part de responsabilité, nous les juristes, dans ce phénomène où on a tendance à dire non, ça on ne peut pas faire et on fait comment ? Ah ben ça, on débrouille en fait Donc vraiment, c'est mon propos, le droit est un accessoire, ne pas le mettre au centre du débat et ne pas considérer que c'est un frein et toujours le voir comme un frein.

  • Speaker #1

    Je crois que c'est un merveilleux mot de la fin. Merci beaucoup Delphine pour votre temps aujourd'hui et puis à bientôt.

  • Speaker #0

    Merci beaucoup Cécile pour cet échange et la possibilité de partager cette parole.

  • Speaker #1

    Merci d'avoir écouté cet épisode de Mutant. S'il vous a plu, parlez-en autour de vous. Pensez aussi à vous abonner pour être alerté de la sortie du prochain épisode et continuez à explorer ensemble les transformations du monde de la synthèse.

Description

Delphine Jaafar est avocate à Paris. Elle se consacre à l’accompagnement juridique de l’ensemble des acteurs et opérateurs de santé, aussi bien du secteur public que du secteur privé : établissements de santé, laboratoires et entreprises, professionnels de santé, gouvernements et institutions sanitaires.

Dans cet épisode de MUTANT[S], nous explorons le paradoxe du droit français. En particulier dans le monde de la santé, secteur très régulé, on constate que l’on se plaint tout autant de l'excès que du manque de normes. Alors qu’il est un outil au service de l'innovation en santé, de l'amélioration des soins et de leur organisation, et d'une nouvelle culture du changement, le droit est bien souvent appréhendé pour justifier des obstacles et maintenir en place des pratiques bien ancrées, qui dérivent plus de notre culture que de la loi.

Du management et la gestion des ressources humaines en milieu hospitalier, au développement de l'intelligence artificielle (IA en santé) et des technologies médicales, Delphine Jaafar partage des exemples issus de son expérience pour éclairer la question : la loi est-elle plutôt un frein ou un levier de transformation du système de santé ?

Dans sa réponse, elle nous invite tous à repenser nos postures pour changer notre système et améliorer la santé.


www.archen.info


Hébergé par Ausha. Visitez ausha.co/politique-de-confidentialite pour plus d'informations.

Transcription

  • Speaker #0

    Parce qu'à partir du moment où le droit est en mouvement de force, il ne développe pas forcément les résistances de terrain, voire peut les encourager.

  • Speaker #1

    Bonjour, vous écoutez Mutant, le podcast écrit et produit par Archen. Ici, avec chacun de nos invités, nous interrogeons un aspect de transformation du monde de la santé pour mieux le décrypter et y contribuer. Je suis Cécile Gillet-Giraud, fondatrice d'Archen. J'accompagne les managers et leurs équipes vers de nouvelles habitudes de travail. Aujourd'hui... Je reçois Delphine Jaafar, avocate spécialiste en santé au sein du cabinet Vattier à Paris. Ensemble, nous allons parler de culture et de pratiques bien plus que de vide juridique. C'est parti ! Bonjour Delphine.

  • Speaker #0

    Bonjour Cécile.

  • Speaker #1

    Vous êtes avocate à Paris et vous êtes spécialisée dans l'accompagnement juridique des acteurs de santé, quels qu'ils soient, publics et privés, depuis 20 ans. Ma première question qui va peut-être être très large... on prendra le temps d'y revenir peut-être pour approfondir, mais est-ce qu'en matière de transformation des organisations de santé, le droit est un frein ou un levier ?

  • Speaker #0

    J'ai envie de répondre, Cécile, qu'il est souvent utilisé aux deux titres, mais plus comme un prétexte que comme une réalité. Le droit français, il ne faut pas l'oublier, c'est un droit écrit. Donc, ce n'est pas du tout un droit de la culture du consensus. Et ce qui est très étonnant dans nos pratiques, et on parle ici du monde de la santé, c'est de constater, mais de manière équivalente, combien on va dire, parce que cette norme n'existe pas, je ne peux pas procéder à un changement. Et dans le même temps, on est capable de dire, ah mais oui, mais cette norme, c'est ce qui nous empêche en fait de pouvoir avancer. Et c'est là où il y a quelque chose de... perturbant de mes yeux d'avocate, d'une personne qui utilise le droit, de se dire que le droit serait soit un frein, soit un levier. Pourquoi ? Parce que le droit, ce n'est qu'un outil. À mon sens, il ne peut jamais être un frein. La question, c'est peut-il être un levier ? Il me semble que oui. Il peut parfois initier le changement, c'est-à-dire lorsqu'il y a... trop de résistance au mouvement et que c'est le droit, de manière peut-être un peu forcée, qui va obliger les gens à avancer. Néanmoins, quand on a ce type de démarche, de la part du législateur, de l'autorité réglementaire, ce sont toujours des démarches dont les résultats sont relatifs, parce qu'à partir du moment où le droit est en mouvement de force, il ne débloque pas forcément les résistances de terrain, voire peut les encourager. Donc, ce qu'on dit souvent, enfin, ce qu'on dit, en tout cas, ce qu'on observe, c'est que les faits précèdent le droit. C'est la société évolue et donc la règle de droit va évoluer. Et donc, en ce sens, je dirais que c'est ni un frein, ni forcément un levier, mais que le droit est un outil pour accompagner le changement.

  • Speaker #1

    Oui, c'est intéressant parce que justement, dans le monde de la santé, qui est un monde très réglementé, on a souvent l'impression qu'à la fois on vit la réglementation comme une contrainte et qu'en même temps on ne peut pas avancer sans elle. Est-ce que vous auriez des exemples de situations justement, peut-être pour illustrer ce propos dans un sens comme dans l'autre d'ailleurs ?

  • Speaker #0

    Oui, des exemples assez différents. Je vais prendre un premier exemple qui correspond au tout début de mon activité professionnelle. Donc on est dans les années entre 2005 et 2010, je viens tout juste d'être avocate et je réalise beaucoup d'audits, dits RH, c'est-à-dire des audits sur l'application du statut de la fonction publique hospitalière dans un certain nombre d'établissements publics, donc là on parle du secteur public. Et là, mais ça a été, en tant que jeune avocate, je pense, sans doute naïve, mais vraiment quelque chose de très étonnant pour moi, de voir comment le statut était systématiquement avancé comme un élément de blocage et qu'on avançait des éléments juridiques de blocage qui n'existaient pas dans le statut, mais qui étaient vécus comme étant une règle statutaire. C'est-à-dire : "non mais c'est le statut qui empêche de licencier" ; "On ne peut pas licencier avec un statut de la fonction publique", ce qui est faux. Un autre exemple, qui date par rapport à aujourd'hui, mais en 2005-2010, on était encore dans un système de notation relativement fermé dans le système d'évolution et d'évaluation des agents de la fonction publique. Et donc vous aviez un dispositif automatique, mais dans la quasi-majorité des établissements, c'était une augmentation systématique du quart de point chaque année. On m'expliquait "oui, mais c'est le statut qui prévoit ça". Ah non, pas du tout, le statut ne prévoit pas du tout d'augmentation automatique. Et en fait, c'est-à-dire qu'il y avait des pratiques, c'est ça qui est étonnant dans un droit écrit, des pratiques qui avaient pris la couleur de la règle juridique, mais de façon complètement intégrée dans les établissements. Et donc sur la gestion du statut, c'était quelque chose qui me surprenait beaucoup parce qu'on est pour moi au summum de ce qu'on appelle la règle écrite. C'est statutaire, c'est réglementaire, on n'est pas dans le contrat de travail sur lequel il va y avoir une discussion entre les parties. C'est une règle extrêmement verticale, sur laquelle j'ai envie de dire soit c'est écrit, soit ce n'est pas écrit. Et pourtant, même là, il y a un décalage entre ce que dit la norme et en fait ce qu'on pense ou ce que l'on tire de la norme comme étant un élément de frein dans la gestion. Et il y a un élément très symptomatique pour moi dans la gestion des ressources humaines, c'est la problématique des contractuels. Là, c'est vraiment pour moi la traduction de comment la pratique, qu'on pourrait appeler la culture, en tout cas la pratique, emporte complètement ici sur le droit. Le statut de la fonction publique hospitalière dès 1986 a toujours prévu la possibilité de pouvoir utiliser des contractuels. Ce n'est pas quelque chose qui est né dans un second temps. Ce qui est vrai, c'est qu'il y a eu un développement, mais qui est assez logique, entre la naissance du statut et les 15-20 années qui ont suivi. C'est-à-dire que c'est tout le développement de l'administration hospitalière et effectivement, du coup, il y a eu un développement de l'emploi des contractuels, comme il y a eu dans l'administration d'État, dans l'administration territoriale. Et alors là, qu'est-ce qu'on n'a pas écrit ? Que c'était la fin du statut de la fonction publique, que ce déploiement massif des contractuels mettait fin au statut, qu'on jetait le bébé avec l'eau du bain. Et en fait, quand on regardait, mais le contrat qui a été conçu comme… une autre carrière possible, c'est-à-dire un autre mode de gestion, alors dans des conditions définies par le statut, mais donc on peut avoir une carrière statutaire ou dès lors qu'on respecte ces conditions, une carrière contractuelle. Eh bien non, pas du tout en fait. Le contrat a été utilisé comme un outil de recrutement et en fait, dès que le contractuel arrivait dans l'établissement, alors je mesure un peu mes propos avec le temps, mais en fait il se transformait en titulaire. C'est-à-dire que c'était un levier pour attirer, c'est-à-dire pour… Dépasser les règles d'entrée de la fonction publique qu'on considérait comme trop rigides, notamment le concours sur titre pour les personnels soignants. Aujourd'hui, dans 90% des recrutements d'infirmiers, vous n'avez pas de concours sur titre. C'est une réalité alors que c'est toujours inscrit dans les textes. Donc on l'a utilisé comme ça, mais après on n'en a pas du tout fait un outil de gestion. Pourquoi ? Parce que la culture de la gestion statutaire est complètement ancrée dans les établissements, dans les outils qu'ils utilisent, dans les formations que reçoivent les agents aux ressources humaines. Et donc, ça a été un outil de recrutement et pas un outil de gestion. Et là, on continue à vous dire parallèlement, Bon, le statut, ça ne nous permet pas de faire tout ce qu'on veut, etc. Mais on vous donne un outil pour faire autre chose. Faire autrement. Mais il n'est pas utilisé.

  • Speaker #1

    Et on ne s'en saisit pas. Donc, le droit ne permet pas de faire autre chose. Donc, en fait, alors que des ouvertures sont faites, on va continuer à dire En fait, le droit est un frein. Moi, je trouve ça particulièrement étonnant. Est-ce que vous avez l'exemple inverse ? c'est-à-dire que le droit prévoit quelque chose dont on ne se saisit pas. Est-ce qu'on a l'exemple inverse, c'est-à-dire qu'on ne peut pas faire ça à cause du droit, alors qu'en fait, il y a plein de choses à faire malgré tout ?

  • Speaker #0

    C'était un peu le premier exemple que j'avais dans la fonction publique, c'est-à-dire que le statut nous permet de faire ça alors qu'il permet de le faire. Mais par contre, votre question me fait penser à un autre exemple, où justement, dans les exemples que je donnais, le droit permet de développer une autre carrière, et du coup on dit, la gestion statutaire c'est ce qui bloque, la gestion des établissements c'est trop lourd, il n'y a pas assez de souplesse, donc on ne l'utilise pas. Et parfois même, le législateur va aller encore plus loin, c'est-à-dire qu'il va créer des espaces de liberté, c'est-à-dire qu'il va dire, vous devez vous organiser, mais je vous donne la liberté de le faire tel que vous le souhaitez. Et je prends l'exemple de la réforme de la nouvelle gouvernance en 2005, où la mise en place des pôles dans les établissements. Et donc on a une disposition du Code de la santé publique, où c'est écrit noir sur blanc, les établissements s'organisent librement. Et ensuite, effectivement, on parle des pôles. Il y a un vrai espace de liberté qui est défini. Et là, on va se retrouver complètement à contre-courant, comme si on était perdu dans cet espace de liberté. C'est-à-dire que moi, j'ai entendu, Ah oui, mais on ne nous dit pas comment faire. Donc, ça rejoint votre question, c'est-à-dire, il n'y a pas le droit. Si, le droit vous dit, à vous de définir votre organisation. L'idée, c'est de se dire que d'un établissement à l'autre, on peut avoir des modes d'organisation différents de par les activités qui sont portées, la territorialité de cet établissement. l'histoire des conflits sociaux etc qui font qu'on peut avoir une appréciation différente de l'organisation. Et bien non, on va avoir myriade de cabinets de conseil qui vont aller pondre des rapports pour expliquer comment on doit mettre en place les pôles dans les établissements de telle et telle manière et en fait on va s'accrocher à ça pour dire ah mais c'est comme ça qu'on doit faire. Mon propos il n'a pas du tout vocation à être un propos de jugement ou de critique, loin de là. En tant qu'avocate accompagnant les établissements, je suis en admiration devant les gestionnaires d'établissement qui sont pour moi en équilibre permanent dans leur activité. Mais c'est vrai que ce rapport au droit est quand même très étonnant. Oui,

  • Speaker #1

    En vous écoutant, j'ai l'impression que, soit c'est le comportement qui fait loi, en fait, et finalement, les textes vont être laissés un peu de côté, soit on est en attente qu'on nous explique comment faire et finalement, on ne sait pas collaborer spontanément, dans un cadre assez large qui nous donne justement les coudées franches.

  • Speaker #0

    Mais je pense qu'il y a aussi, et c'est pour ça que je disais que je n'étais pas du tout dans une position de jugement, je pense que dans cette approche que je qualifierais de très réglementariste, il y a la volonté d'une recherche de sécurité. C'est-à-dire que c'est une réalité que le monde de la santé a été frappé par des mises en cause. On peut évidemment citer un certain nombre de scandales, dits parce que je n'aime pas cette expression, dits scandales sanitaires, mais évidemment que l'affaire du sang contaminé a profondément marqué l'attitude et le comportement d'un certain nombre d'autorités. Et puis vous en avez eu d'autres, aujourd'hui il y a depaquine, les prothèses, ce qui a d'ailleurs fait évoluer le droit sur toute la vigilance et la sécurité sanitaire. Mais donc, dans cette approche réglementariste, c'est vrai qu'il y a aussi l'idée de se dire, à partir du moment où la loi ou le règlement définissent un cadre et que je respecte ce cadre, on ne peut pas venir me reprocher quelque chose. Et c'est vrai qu'aujourd'hui, dans le secteur de la santé, en particulier les établissements, mais c'est le cas des professionnels de santé, les mises en cause ont augmenté. Je ne dis pas que les condamnations, mais le fait d'être mis en cause dans le cadre de son activité, pour avoir mis en place ceci ou pas mettre en place ça, avoir utilisé tel dispositif de telle manière ou de telle autre manière. Donc, il y a aussi, je pense, ce côté refuge du droit de se dire il est là pour me protéger. Et par exemple, on le voit, je trouve que c'est assez révélateur, le développement de l'utilisation des nouvelles technologies dans le secteur de la santé, on appellera ça la e-santé, la santé numérique. Du coup, on a très vite senti ce phénomène, c'est-à-dire très vite les acteurs ont dit "il faut réglementer". Regardons déjà les réglementations dont on dispose, mais en fait, il y a un phénomène de peur. C'est une évolution des techniques, elles vont créer des situations que l'on ne connaît pas. Et donc, il y a cette peur. Et tout de suite, les premiers mouvements, ça a été de dire, il faut réglementer ça. D'ailleurs, qui pour le coup n'était pas typiquement français comme mouvement. C'était la question qui brûlait toutes les lèvres. Mais si on utilise une intelligence artificielle, que ça crée un dommage, mais qui va être responsable ? Est-ce qu'il ne faut pas créer une personne morale à l'IA pour qu'elle soit elle-même responsable ? Et là, on est parti, alors qu'on a, en tout cas dans notre droit français, des règles extrêmement claires. La solution algorithmique, elle est un outil comme n'importe quel autre outil. Moi, en tant que professionnelle de santé qui vais l'utiliser, je reste responsable comme utilisateur de la chose. Je peux me retourner contre le concepteur s'il y a eu une difficulté liée à la conception. Et lui-même, le concepteur, pourra exhiber du risque de développement. Et à ce moment-là seulement, on peut se poser la question, c'est la question que se pose d'ailleurs aussi l'Europe, de la construction d'un régime de responsabilité sans faute en droit européen. Mais il y a eu comme ça une agitation avec toute une doctrine sur le droit des robots, le fait d'en faire des personnes avec des obligations et des droits.

  • Speaker #1

    Alors, vous avez mentionné la spécificité du droit français, qui est un droit très vertical, très écrit. On entend bien dans ce que vous dites que… le droit ne fait pas tout et que la culture finalement et aussi l'habitude et les pratiques sont très importantes pour façonner une évolution. Est-ce que c'est français ou est-ce que vous avez constaté des similitudes ou des différences au niveau international ?

  • Speaker #0

    Alors, je pense que je ferai une réponse en deux temps, en fait. Mon premier temps, il est assez universel. C'est-à-dire que penser que le droit est déconnecté de la société, c'est-à-dire comme un élément séparé, en fait, du mouvement de la société, du mouvement des citoyens, non, en fait. Le droit, c'est une matière vivante, il est au cœur de la société, et justement... il évolue avec les pratiques sociétales, que ce soit en France ou à l'étranger. On a toujours cette interaction entre ce qui se passe, ce que vous et moi on va faire, et justement un certain nombre de porteurs de projets font avancer les règles juridiques parce qu'ils apportent des nouveautés sur le terrain sociétal, et c'est là qu'on se dit oui, mais ça peut peut-être créer telle situation, donc comment on l'organise ? Donc ce mouvement, pour moi, il est universel. Ce qui est particulier, je crois que c'était les premiers mots de mon propos lorsqu'on a commencé cet entretien, c'est que c'est vrai que dans les pays de tradition de droit écrit, donc droit romano-germanique, droit continental, ce qui est le cas du droit français, je pense qu'on va plus facilement sentir ce décalage. Pourquoi ? Parce que, ce que vous l'avez dit dans votre question, du coup on est dans un rapport très vertical de la règle juridique. Le droit, c'est de la démocratie représentative. Le Parlement, ça peut être un projet de loi, donc c'est le gouvernement qui va proposer un texte qui va ensuite être débattu. Nous avons tous connu de manière plus prégnante en droit français le système des ordonnances, donc un débat plus relatif qui peut donner une impression de verticalité plus importante. Et des ordonnances dans le monde de la santé, elles sont nombreuses. Donc voilà ce sentiment de verticalité. Et c'est vrai que dans les pays notamment de tradition common law,... C'est vrai qu'on a une approche complètement différente. Alors, on parle parfois, on dit parfois que c'est du droit coutumier. Bon, les experts me contradiront parce que le sujet est quand même un petit peu plus complexe. L'Angleterre n'a pas un droit oral, il y a beaucoup d'écrits également. Mais en tout cas, ce qui est vrai, c'est qu'effectivement, il y a du coup cette verticalité écrite et beaucoup moins forte, ce qui fait que, je dirais, l'interaction est plus fluide. Pour moi, c'est la différence. Avant qu'on fasse l'entretien, on avait évoqué ensemble le cas de l'Allemagne, qui est pourtant un pays de droit continental, mais dans lequel il y a une très forte tradition de la négociation, de la discussion. Donc, ça crée de la fluidité entre la norme et du coup le mouvement naturel de la société. Alors, le regard que je reste, c'est que la spécificité française, à mon sens, c'est que de par l'extrême tradition de droit écrit, du droit français, du coup, cette fluidité, elle est difficile. Et c'est vrai que vous parlez de consensus en France, c'est quand même quasiment un mot exotique, en fait. Je veux dire, dans la pratique, on ne sait pas faire du consensus. Bon, je veux dire, on a un exemple vraiment prégnant au regard des résultats de nos dernières élections. Je veux dire, on ne sait pas ce que c'est, le consensus, en fait. Mais c'est aussi notre culture juridique, c'est comme ça que toutes nos institutions sont construites, jusque dans nos structures, institutions sanitaires, établissements de santé.

  • Speaker #1

    Est-ce que pour vous aujourd'hui, il y a des textes qui ont particulièrement permis de contribuer à la transformation des organisations ? Et à l'inverse, est-ce qu'il y a un vide juridique qui empêcherait ou qui freinerait aujourd'hui le système de santé ou les organisations de santé pour aller plus loin dans leur transformation ?

  • Speaker #0

    Alors, sur le vide juridique, je ne sais pas si vous allez aimer ma réponse ou pas, mais moi, c'est une expression que j'ai en horreur, parce qu'en fait, ça rejoint complètement le sens de cet entretien que nous avons aujourd'hui ensemble. C'est quoi un vide juridique, en fait ? C'est quoi un vide juridique ? Alors, c'est une expression qu'on emploie tout le temps, alors dans la presse, je dirais grands médias, c'est devenu un poncif. Ah, mais il y a un vide juridique. Si je peux me permettre, déjà, en droit français, il faut quand même les chercher, les vides juridiques, parce qu'on a quand même une masse de dispositions, aussi bien législatives que réglementaires, et parfois d'ailleurs, qui créent une forme d'illisibilité très dangereuse pour les praticiens, parce que du coup, il y a une telle accumulation. Donc, le vide juridique, c'est quoi ? Pour moi, la seule situation de vide juridique, et qui est un mouvement naturel, c'est ce que je vous disais, les faits précèdent le droit. Donc... Non, il n'y a pas de vide juridique. Il y a des évolutions qui vont se faire et on va venir ensuite à un cadrage pour dire ce qu'il faut cadrer. Il ne faut pas tout de suite cadrer. On a parlé tout à l'heure de l'exemple des nouvelles technologies parce qu'on bloque l'innovation en fait tout de suite on va dire "ça on peut pas faire". Non, laissons se développer l'innovation et ensuite apportons un cadre pour permettre à chacun d'évoluer en protégeant les droits qui doivent être protégés. Sur les organisations là aussi peut-être que ma première réponse va pas forcément vous plaire parce que je vais remonter loin dans le temps, je pense que ce qui est fondateur et donc qui a créé pour moi le changement le plus important et qui dirige quelque part toutes les logiques organisationnelles qu'on cherche à mettre en place en France, c'est quand même le préambule de la constitution de 1946 qui est venu garantir le droit à l'accès aux soins et ensuite le conseil constitutionnel qui est venu consacrer ce principe à la valeur constitutionnelle. Pourquoi je dis ça ? Parce que si on regarde la myriade de texte. Mais ce n'est pas propre au secteur de la santé, qui sont intervenus avec à chaque fois, vous savez, c'est les lois de modernisation du système de santé, ça c'est une expression aussi. Mais à chaque fois, quel est l'objectif en fait ? C'est de répondre à ce principe de l'accès aux soins et de l'égalité à l'accès aux soins. Et à chaque fois, avec cette idée qu'on fait des constats en se disant pourquoi on veut changer des choses ? Parce qu'on a un problème d'égalité d'accès aux soins. Et donc je trouve que ça, c'est à la fois le changement, en tout cas la consécration la plus forte en droit français, qui irrigue l'ensemble de la structuration juridique des organisations de santé, et qui est toujours la boussole, avec des réussites ou pas des réussites, mais en tout cas, quand le texte, tous ces changements législatifs qui interviennent, auront toujours cet objectif-là. Pour moi, c'est en ça que le système français est quand même un système qui est un exemple parce que d'avoir cette boussole là c'est quand même une boussole extrêmement forte. Alors après, il y a d'autres plus récents pour que ça réponde quand même et ça renvoie à un sujet qui a été très d'actualité qui va le redevenir d'ailleurs qui est le sujet de la fin de vie. Moi je trouve que les trois lois, Kouchner de 1999, Leonetti de 2005 et Claes-Leonetti de 2016 Ce sont vraiment des lois qui ont changé les choses. Changé les choses de par le droit à cet accès aux soins palliatifs, si je devais résumer comme ça sur la loi Kouchner, le fait de ne pas avoir cette obstination déraisonnable avec la loi Leonetti, et puis la création de cette sédation profonde avec la loi Claes-Leonetti. Pourquoi je dis que c'est en tout cas pour moi une réussite de loi qui crée le changement ? Parce que là aussi, ça renvoie à des éléments dont on a discuté dans l'entretien. Parfois, la loi, elle peut initier le changement sur des sujets aussi sensibles dans la société que celui de la mort, qui est pourtant un événement inéluctable, naturel, qui va arriver quoi qu'il arrive. Donc la question n'est pas de gérer la mort, mais comment en fait on va gérer sa fin de vie. C'est complètement différent. Et donc, l'impact aussi, on le voit bien aujourd'hui, d'ailleurs dans le débat qui a eu lieu, et dont on espère tous qu'il va, je dirais, arriver à son terme, parce que là aussi, justement, il y a eu un effort de démocratie représentative, une vraie volonté d'avoir un débat de fond et partagé dans la société. Mais ce que je veux dire, c'est que ça impacte les organisations de santé, puisque justement, un des débats actuels est celui de l'accès aux soins palliatifs. Certes, il y a une revendication qui a toujours existé, même avant 2005, sur la question de l'euthanasie, de ce droit au suicide en fin de vie. Mais le sujet quand même majeur, c'est aujourd'hui cette non-diffusion de la question des soins palliatifs dans nos organisations de santé, qu'on considère toujours comme un objet à part. Alors qu'en fait, il devrait être en totale transversalité dans le sens de nos structures. Donc voilà pourquoi moi je trouve cet exemple extrêmement parlant, parce que c'est des lois qui poussent au changement encore plus qu'elles ne l'accompagnent. C'est-à-dire qu'elles sont vraiment…

  • Speaker #1

    Moteurs. Voilà.

  • Speaker #0

    Et je trouve qu'on n'a pas tant d'exemples que ça dans le domaine de la santé, de dispositifs législatifs aussi moteurs sur des sujets aussi difficiles.

  • Speaker #1

    Merci. Alors, on en arrive aux deux dernières questions que je pose à tous les invités du podcast. La première, c'est qu'est-ce qui serait, selon vous, une transformation réussie du monde de la santé ?

  • Speaker #0

    Alors, pour moi, en tant qu'avocate, c'est une transformation qui est d'abord pensée avec ceux et celles qui vont la porter et la vivre, avant de s'interroger sur le cadre juridique qui serait applicable à une telle transformation. Le droit, c'est un outil. Il sera un outil au service de la transformation dès lors que celle-ci est bien définie et qu'elle est bien partagée. Ça, moi, c'est ma conviction en tant qu'avocate.

  • Speaker #1

    Et pour finir, quel message vous voudriez faire passer ou quel conseil vous voudriez donner aux personnes qui nous écoutent et pour qu'elles se mettent en position peut-être de contribuer à ces différentes transformations.

  • Speaker #0

    En fait, à travers cet entretien, vous m'avez donné la possibilité de transmettre un message, en tout cas que moi je porte depuis que j'exerce, à savoir que mon propos au quotidien, c'est de dire que le droit c'est un outil et que ce n'est pas un frein. Que le vivre comme un frein, pour moi c'est en fait... Un prétexte, c'est entre guillemets se chercher des excuses, comme des freins économiques, des freins logistiques, pour ne pas faire. Le droit, c'est une matière vivante. Le droit, il évolue. Donc, il ne peut pas être un obstacle à du changement. Et c'est vrai que moi, dès le début de mon exercice professionnel, je me suis définie comme une partenaire des personnes que j'accompagnais. Et je me souviens… de parfois mes premières rencontres avec le monde de la santé alors Ah ! Vous avez des rétro satanasses ! En fait vous allez nous dire qu'on n'a pas le droit de faire ça, qu'on peut pas construire comme ça, en fait vous allez nous empêcher de faire. Et donc moi tout de suite je disais non justement je suis là pour vous aider à faire et trouver des solutions avec vous en tout cas sur ce qui va être du juridique. Et donc moi ce que j'apprécie aujourd'hui c'est que je trouve que ça Je le vis quand même moins qu'au début de mon exercice professionnel. On a notre part de responsabilité, nous les juristes, dans ce phénomène où on a tendance à dire non, ça on ne peut pas faire et on fait comment ? Ah ben ça, on débrouille en fait Donc vraiment, c'est mon propos, le droit est un accessoire, ne pas le mettre au centre du débat et ne pas considérer que c'est un frein et toujours le voir comme un frein.

  • Speaker #1

    Je crois que c'est un merveilleux mot de la fin. Merci beaucoup Delphine pour votre temps aujourd'hui et puis à bientôt.

  • Speaker #0

    Merci beaucoup Cécile pour cet échange et la possibilité de partager cette parole.

  • Speaker #1

    Merci d'avoir écouté cet épisode de Mutant. S'il vous a plu, parlez-en autour de vous. Pensez aussi à vous abonner pour être alerté de la sortie du prochain épisode et continuez à explorer ensemble les transformations du monde de la synthèse.

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