- Speaker #0
Bonjour à toutes et à tous, je suis Gérard Péccoux, cofondateur de Callimedia, une entreprise pionnière dans le digital learning qui fait désormais partie de Bealink, un acteur majeur de l'innovation en formation professionnelle. Je vous souhaite la bienvenue sur Never Stop Learning, le podcast qui vous emmène au cœur des révolutions de l'apprentissage. Chaque épisode explore les contributions des spécialistes en andragogie, psychologie cognitive, neurosciences et technologies de pointe qui façonnent l'avenir de la formation. Never Stop Learning, c'est votre rendez-vous avec les leaders et les idées qui transforment l'apprentissage de demain.
- Speaker #1
Bonjour et bienvenue à toutes nos auditrices et tous nos auditeurs.
- Speaker #0
Dans les entreprises, il semble aujourd'hui que les compétences commencent à expirer plus vite que les plans de formation. L'intelligence artificielle générative accélère la donne et la vraie question devient comment faire de l'apprentissage un réflexe collectif au quotidien, protégé par des rituels, mesuré par des preuves et soutenu par le management. Sans culture d'apprentissage, on empile des contenus. Avec elle, on crée un système où chacun apprend, applique et progresse dans le flux de travail. Dans ce cadre, une boussole peut s'imposer, la Skill-Based Organization, c'est-à-dire une entreprise pilotée par les compétences. Pour parler de tout cela, j'ai le plaisir d'accueillir Michel Barabel. Pourquoi inviter Michel Barabel ? Parce qu'il a coordonné, avec Olivier Meyer et Thierry Teboul, la quatrième édition du Grand Livre de la Formation, publiée aux éditions DUNOD. En mai 2025, qu'il marie recherche et terrain et qu'il accompagne les entreprises sur leurs chantiers les plus concrets. Gouvernance L&D, entreprises apprenantes, SIRH et data compétences, universités d'entreprise et désormais un volet très opérationnel sur les technologies. Bref, l'invité idéal pour passer de l'intention à la mise en œuvre. Au programme, comment installer une culture d'apprentissage qui tient dans la durée ? choisir les compétences critiques sans s'éparpiller, faire travailler ensemble LMS, LXP et SIRH, et tirer parti de l'intelligence artificielle sans perdre le contrôle. Bonjour Michel.
- Speaker #1
Bonjour Gérard.
- Speaker #0
Alors Michel, avant que nous débutions cet épisode, est-ce que pour ceux qui ne te connaîtraient pas encore, tu peux nous parler de toi et de ton parcours dans les grandes lignes ?
- Speaker #1
Oui, déjà pour dire qu'aujourd'hui j'ai une double affiliation, je suis... maître de conférences à l'Université Paris Est, où je pilote notamment le master de GRH dans les entreprises multinationales de l'IAE Paris Est, et professeur affilié à Sciences Po Paris, où je pilote l'exécutive Master RH. Dans l'aventure du Lab RH depuis 10 ans et aujourd'hui administrateur du Lab RH et directeur des publications, qui est un écosystème que tu connais.
- Speaker #0
Oui,
- Speaker #1
je connais bien. Exactement. Rédacteur en chef d'un média qui s'appelle le Maguerrage avec François Gueuse, un trimestriel digital. où il y a un angle d'ailleurs formation assez important puisqu'on est partenaire de Learning Technology et du Learning Show en particulier. Et puis, je siège dans des conseils d'administration de start-up ou des comités à mission ou des directions scientifiques dans des équipérages de grandes organisations en termes de parcours assez classiques, des études, un doctorat, un premier poste à Paris. Peut-être l'originalité de mon parcours est plutôt de... Voir développer une sorte de slashing attitude en cumulant les positions plutôt qu'en changeant d'institution. Ce qui fait que tu m'aurais interrogé, il y a 25 ans, j'étais déjà à l'Université Paris S. Il y a 10 ans, j'étais déjà au Lab RH. Il y a 10 ans, j'étais déjà à Sciences Po. J'ai peut-être du mal à quitter les organisations. D'où mon profil d'être présent à différents points de l'écosystème et plutôt vivre dans différents univers qu'à avoir un seul employeur.
- Speaker #0
Alors, pourquoi une nouvelle édition du Grand Livre de la Formation en cette année 2025 ? et Qu'est-ce qui a changé pour toi et qui a justifié, pour vous, cette mise à jour ?
- Speaker #1
Le Grand Livre de la Formation, c'est déjà une aventure qui aura bientôt 15 ans, puisque la première édition date de 2012 et que ça avait été lancé en 2010, avec, comme tu l'as dit, Olivier Meillat et Thierry Teboul, mais aussi André Perret, qui est malheureusement décédé aujourd'hui comme coordinateur des trois premières éditions. Et l'historique du Grand Livre de la Formation, c'était une réforme, un Grand Livre deux ans après, pour faire un retour d'expérience, identifier des bonnes pratiques, des challenges, voire des ratés. Donc la deuxième édition est arrivée quelques années après la loi de 2014, la troisième quelques années après la loi de 2018. Et on était assez sereins, puisqu'on avait pris ce rythme de grandes réformes tous les quatre ans, qu'il y aurait une réforme de la formation 2022. Elle n'est pas arrivée. Et donc figure-toi que la première raison, c'est la rupture de stock du bouquin. Et donc on va y trouver de bonnes raisons de le faire, mais c'est d'abord Duneau qui nous a dit qu'on n'a plus de livre et si on faisait une nouvelle édition. Alors bien entendu. Entre 2018 et 2025, il y avait eu le Covid, la digitalisation accélérée, il y avait eu la data, l'IA, la VR, il y avait eu des évolutions législatives, des évolutions de l'importance des compétences comme élément de compétitivité, d'employabilité des individus. Et de manière générale, on pourrait en faire peut-être presque toutes les années des nouvelles éditions. Parce que là, par exemple, la loi du 24 octobre 2024 sur... L'entretien pro qui devient entretenant de parcours, le remplacement de la pro à être transco, les nouvelles règles de financement avec le reste à charge sur le CPF, voire la réforme de l'apprentissage. Si on se met en 2026, y a-t-il encore un avenir pour les opcos si on leur pique le financement de l'apprentissage et qu'elles placent du bilan de compétences dans le CPF ou pas dans le CPF ? Donc, il y a toujours de bonnes raisons de faire un bouquin sur les enjeux de développement des compétences. aujourd'hui.
- Speaker #0
Je vois. En tous les cas, le livre est le bienvenu. Il y a plein de choses dedans et vous avez vraiment fait un super travail. Pour bien justement travailler, est-ce qu'on peut clarifier d'abord deux notions qui sont souvent confondues ? Je veux parler de la culture d'apprentissage, donc la learning culture versus l'entreprise apprenante. Est-ce que tu peux nous expliquer la différence ?
- Speaker #1
Oui, c'est une bonne question et je ne suis pas sûr qu'on serait tous d'accord d'ailleurs sur les différences que moi je vais faire puisqu'il y a débat entre nous. Pour moi, l'entreprise apprenante, c'est le méga concept et la learning culture. C'est l'un des facteurs clés de succès de la capacité à devenir une entreprise apprenante. Pour faire simple, le concept d'entreprise apprenante, il émerge dans les années 90, aux États-Unis avec Peter Senge, les cinq disciplines, mais pas que, aussi Chris Aguerris, en France avec Philippe Carré, quelques mois après, autour de cette idée qu'une entreprise apprenante, c'est une organisation qui est capable de créer, d'acquérir, de partager, d'utiliser en continu. la connaissance, de s'adapter et d'adapter les comportements des collaborateurs en fonction des nouveaux enjeux et donc qui est là pour rendre naturel l'apprentissage individuel, collectif et organisationnel, d'où la dimension culturelle qui joue plutôt autour de l'organisationnel et donc de proposer une sorte de vision systémique de l'apprentissage dans les organisations au service de capacités d'agilité, de réinventation, voire de résilience, voire de capacité à tenir compte des grandes révolutions et de l'accélération de notre temps. Les cinq disciplines, mais très vite, il y a une dimension personnelle. Je suis acteur, Senge parle de personal mastery. Il y a des modèles mentaux aussi, c'est éviter d'être dans ses routines, de remettre en question ses croyances, de ne pas répéter les recettes du passé. Il y a une dimension plutôt collective sur une vision partagée, des objectifs communs, donner du sens à l'apprentissage. L'apprentissage à plusieurs, entre pairs, en équipe, ce que Senge appelle le team learning. Et puis, une dimension très organisationnelle et systémique. autour de le droit à l'erreur, les interactions, l'apprentissage par boucle. Et donc, bien entendu, la culture d'apprentissage, pour moi, c'est une condition du succès de l'entreprise apprenante parce qu'elle va, par exemple, valoriser l'apprentissage. Elle va y associer des récompenses symboliques, monétaires ou non monétaires. Elle va créer des rituels d'apprentissage. Elle va donner du temps pour apprendre. Elle va pousser les gens à explorer plutôt qu'à être toujours dans des objectifs de court terme. Elle va créer une culture du feedback ou du droit à l'erreur. Donc, c'est vrai qu'elle va sous-tendre. tous les autres ingrédients de l'entreprise apprenante qui vont déployer des process au niveau du salarié, de l'équipe ou de l'entreprise dans son ensemble.
- Speaker #0
D'accord. Alors, merci pour ces définitions, Michel. Si tu en es d'accord, on va voir si on peut piloter tout cela par les compétences et on va parler de skill-based organization. On en parle beaucoup en ce moment. Pourtant, je crois savoir que ce n'est pas un concept récent. Est-ce que tu peux nous expliquer ce que c'est et pourquoi on y revient aujourd'hui ? Et est-ce que ça marche tout le temps, en fait ?
- Speaker #1
Oui, c'est des bonnes questions. Tu sais qu'on adore les modes dans le champ de la gestion des ressources humaines et de la formation en particulier. C'est sûr que Skill-Based Organization, ça bosse depuis plusieurs mois maintenant. Et au passage, parce qu'on utilise beaucoup d'anglicistes, tu sais qu'on adore utiliser des anglicistes pour remoderniser des concepts.
- Speaker #0
C'est vrai.
- Speaker #1
Politique d'intégration, tout d'un coup, on dit onboarding, on a l'impression que c'est waouh. La gestion prévisionnelle des emplois et des compétences, on dit tout d'un coup stratégique, workforce planning, on a l'impression que c'est un truc de dingue. Et donc, la fameuse logique compétence, on dit skill-based organization et on se dit, je suis passé à côté de ça. Alors effectivement, c'est un concept français au départ, qu'on devrait en être fier. Dans les années 90, c'est suite au chômage de masse qui ont émergé après le choc pétrolier. Les années 80, on est en crise. Il y a un certain nombre de praticiens, en particulier chez chez Usinor qui crée la logique compétence avec les accords CAC 2000. Et c'est assez simple, si notre environnement n'est plus stable, on doit abandonner ces logiques de poste trop rigides, dans des environnements turbulents qui rendent la fiche de poste inopérante ou qui ne tiennent pas compte de toutes les compétences que détient le collaborateur, au profit d'une approche plutôt par un croisement entre tout ce qu'un collaborateur peut apporter à une organisation, son portefeuille de compétences, et tous les besoins. en termes d'activités, missions, tâches qu'une organisation a réalisées, qui trouvent des compétences requises versus des compétences à disposition chez les collaborateurs. Ça a déjà... super bien marché lors des accords Cap 2000, mais ça s'est aussi planté assez rapidement pour plusieurs raisons. Et ça peut être un risque avant de se poser la question pourquoi ça revient à la mode. Premièrement, à partir du moment où tu adoptes une logique compétence, tu crées un cours de bourse des compétences annuelles qui fait que en 2026, des compétences peuvent être démonétisées. Par exemple, l'IA, c'est le fer, donc on ne va plus les reconnaître chez le collaborateur. Donc dans les entreprises qui déployaient la logique compétence, il pouvait y avoir un plus 30% d'augmentation du salaire pour ceux qui avaient su... développer des compétences, mais à moins 30. Alors, dès qu'il y a eu à moins 30%, les partenaires sociaux, les salariés ont dit, c'est plus du tout rigolo, en fait, la logique compétence, parce que ça ne crée plus de salaire minimum garanti. Il y avait cette idée de, tu sais être malin, stratège, cibler les bonnes compétences, celles qui ont de la valeur. Ta rémunération peut croître à l'infini, mais à contrario, tu peux te connaître de vraies années difficiles si tu as fait les mauvais choix ou si tu es resté sur tes compétences. la deuxième c'est que ça pousse à l'individualisation Avant, dans une logique de poste, il y a des questions d'entraide, il y a ce qu'on fait pour les autres, il y a la formelle, il y a même parfois la gentillesse d'un collaborateur qui crée une bonne ambiance, qui donne envie aux gens de se dépasser. Ça, quand c'est driveé par des objectifs d'équipe ou de poste, ça peut fonctionner. Quand finalement on passe à une logique compétence, le salarié, c'est son portefeuille qui crée de la valeur et ça peut le pousser à abandonner des compétences non rémunérées, non valorisées par l'entreprise, ou informelles ou d'entraide, alors que le sel d'une organisation, c'est la performance collective et parfois elle... elles ne se décomposent pas, toujours en compétences mesurables. Et puis mesurer, ça peut changer la logique. Il y a des passionnés qui faisaient un boulot, dès que tu y mets une valeur ou dès que tu y reconnais des compétences, ils peuvent se dire que la compétence n'est pas valorisée au bon niveau, qu'elle serait mieux valorisée ailleurs, ou être moins généreux dans la tâche, c'est un truc assez dingue, par exemple, qu'on a aussi dans les communautés d'apprentissage. Ils étaient des passionnés d'Adobe, ils bossaient de manière délibérée et créent énormément de valeur, et dès que les équipes, formations ou RH mettent de la valeur à ce qu'ils font, ils bossent moins. Parce que c'est devenu monétaire et ce n'est plus de l'ordre du symbolique. Donc, bien entendu, pourquoi ça revient à la mode ? Parce que depuis les années 90, l'accélération du degré d'instabilité, de turbulence, de complexité de notre environnement a augmenté. Quoi qu'en disent certains, la durée de vie des compétences métiers ont baissé et en particulier la nécessité pour les maintenir en état, le temps nécessaire pour s'actualité se maintenir en état a augmenté. Et que, bien entendu, dans un monde où tu fais un organigramme et au bout d'une semaine, il est obsolète, tu raisonnes en poste alors que finalement, tu devrais raisonner en projet, donc en compétences qui sont associées, on plutôt fait donner l'impression que c'était le Graal absolu. Mais les risques sont toujours là et potentiellement, les dangers pour l'organisation sont toujours là. Pour finir là-dessus, Gérard, ce qu'on voit d'ailleurs plus tôt, ce n'est pas un remplacement d'une approche par organigramme, poste, métier. mais plutôt une double hiérarchie, une hiérarchie des postes qui reste toujours là. Je suis le responsable de tel élément, à tel niveau de salaire, et dans le même temps, couplé avec une logique compétence, mais pas le remplacement de l'un par l'autre, comme on avait voulu le faire dans les années 90, en abandonnant totalement la logique de poste et de tâche.
- Speaker #0
D'accord, super clair. Alors, si tu en es d'accord, on va continuer sur le sujet des compétences, mais on va parler de compétences techniques et comportementales. En fait, on voit passer beaucoup de postes ou de livres sur le sujet, entre les hard skills et les soft skills. Il y a même des livres dernièrement qui disent que les hard skills, c'est fini.
- Speaker #1
Tu parles d'Olivier Babaud et de Laurent Nassim, par exemple. C'est ça.
- Speaker #0
Pour toi, sur quoi il faut miser ? Est-ce qu'il faut privilégier les hard skills ou les soft skills ou les deux ? Je voulais rappeler que... à tous nos auditeurs et auditrices que tu as quand même co-écrit un livre sur ce sujet qui s'appelle « Le défi des soft skills » avec Jérémy Lamry, Olivier Meillère et Todd Lubard. Donc je pense que tu es très très bien placé pour répondre à cette question.
- Speaker #1
« Soft skills » , c'est un autre buzzword aussi. Sauf que celui-là, ce n'est pas en 2025 qu'il a buzzé, c'est plutôt en 2015-2020, si on devait le retracer dans l'histoire. Et d'ailleurs aujourd'hui, il est attaqué par certains. Nous, le choix, on l'a plutôt choisi, je dois être honnête, pour des raisons marketing. Si on avait appelé ça, à mon avis, le défi des compétences, on en aurait vendu beaucoup moins que le défi des soft skills. Au départ, la séparation vient d'un constat que dans les années 50, 60, 70, les carrières, l'employabilité se jouaient plus sur le savoir et le savoir-faire, si on reprend des termes français, le knowledge et les hard skills, que sur les soft skills, les soft skills étant la cerise sur le gâteau. et en particulier parce qu'on était dans un environnement plus stable, dans lequel le geste métier, l'expérience, a peut-être plus de valeur que... des capacités, par exemple, l'esprit critique ou des capacités à communiquer. Donc, l'émergence du soft skills, dans un premier temps, c'est plutôt pour relativiser l'investissement en formation que métier et de dire qu'il n'y a pas que ça dans la vie. Mais maintenant, si je reviens à la définition de Philippe Zarifian, Guy Lebeau-Terf, qui sont des grands noms de la formation et qui ont défini ce qu'était une compétence au XXe siècle, c'est la compétence un peu modernisée qu'on reprend avec Jérémy, Olivier et Todd. La compétence, hard skills, soft skills, ça ne veut rien dire en fait. Une compétence, c'est un ensemble de ressources, qu'elles soient cognitives, cognatives, autrement dit qu'elles mobilisent un geste métier, une intelligence de situation, une capacité cognitive d'analyse, une capacité comportementale ou relationnelle, à, en situation, mobiliser les bonnes ressources pour la bonne situation en vue de produire un résultat qui se mesure véritablement par un succès. Et donc, dans les faits, il n'y a pas de différence entre soft et... Il y a en revanche peut-être des compétences qu'on va qualifier de soft ou hard parce que dans la sous-recette, une compétence a une dimension cognitive, la capacité à percevoir, traiter, accumuler, restituer des connaissances. Plutôt connative, la capacité à se mettre en énergie, à faire des choix, à mettre en place des stratégies comportementales. émotionnel, il y a plutôt une réponse adaptative, rapide, face à un contexte, voire maintenant Jérémy et Ton nous rajoutent un cinquième ingrédient qui est plutôt motricité, qui met en avant les dimensions corporelles, et en fait, ce qui rend quelqu'un performant, c'est d'avoir mobilisé ses différentes ressources à un moment, mais peut-être que par exemple, savoir coder, on va mettre une dimension cognitive, beaucoup plus importante qu'émotionnelle ou que cognitive, et donc on va la qualifier de hard skill. Alors pour une autre, la dimension cognitive sera peut-être être plus light avec une forte dimension émotionnelle et là, tout d'un coup, on dira soft skills. Pour réussir, bien entendu, un individu, il a besoin de hard, de soft, d'intelligence de situation et même de knowledge. Et sa performance, c'est l'intelligence de situation qui lui fait mobiliser les bonnes ressources. Et peut-être, pour revenir au débat, la skill-based organization, le grand défi pour lui aujourd'hui, c'est comme les situations deviennent changeantes. Son principal danger, c'est de répéter le succès du passé et d'essayer de faire la même chose alors que... systématiquement, ils devraient lever ses freins et ses schémas mentaux et réfléchir à la bonne stratégie de mobilisation des ressources dans la situation donnée, ce qu'on peut appeler aussi parfois la sérendipité.
- Speaker #0
Alors, je voudrais parler avec toi du rôle des managers. Là aussi, il y a beaucoup à dire. On veut leur faire faire beaucoup de choses, peut-être trop. Qu'est-ce qu'on peut, selon toi, leur demander précisément et concrètement à ces managers ?
- Speaker #1
Oui, c'est une très bonne question. Si on modernise un peu les cinq disciplines qui, entre nous, j'ai acquis pour le Pouca, mais je ne l'ai pas toujours trouvé très opérationnalisable, je dirais que pour revenir à notre question de culture d'apprenance et d'entreprise apprenante, on sait qu'on doit avoir différents ingrédients. Des collaborateurs qui ont envie, sont acteurs et ils ont envie parce qu'ils n'ont pas peur d'échouer, d'investir dans la connaissance et ils y voient un intérêt en termes de réalisation de leurs projets perso et pro. Des équipes. Deux formations qui sont en soutien, qui créent les conditions, la culture, les dispositifs, les outils de pilotage, des programmes inspirants, attirants. Mais bien entendu, bien sûr, il y a un troisième ingrédient qui est plutôt l'organisation en tant que telle. Si ton organisation est bureaucratique et silotée, bonne chance pour arriver à créer cette culture de l'apprentissage. C'est ta culture et tes process qui vont tuer ça. Mais bien entendu, il y a deux autres ingrédients qui sont le soutien managérial et l'exemplarité des dirigeants. qui sont deux types de managers. Ce qu'on mesure, enfin en tout cas moi, ce que je mesure dans mes travaux depuis 30 ans, c'est bonne chance pour créer de l'apprenance et de l'agilité d'apprentissage chez les individus et au niveau des équipes. Si vos dirigeants ne l'incarnent pas, n'y croient pas, ne sont pas exemplaires sur le sujet parce que le message qu'ils enverront, c'est « c'est bien pour vous, mais pas pour moi » et « c'est pas ce que je valorise le plus, moi ce que je vais valoriser, par exemple, c'est votre performance de l'année » . Donc ça, c'est le rôle des dirigeants. être eux-mêmes des apprenants permanents. valoriser que c'est important pour eux, démontrer qu'ils se forment parce que tu vas pas me croire mais il y a beaucoup d'organisations où les membres du COMEX pensent que c'est bon, ils ont plus besoin de se former donc comment tu peux que l'entreprise soit prenante si eux ils pensent qu'ils ont pas besoin de se former. Et bien entendu que le dernier ingrédient, le cinquième, c'est le soutien de la ligne managériale. On a fait des tests très précis entre un manager qui t'aide en tant que manager jardinier à cibler une action de formation pour progresser, t'encourage à la faire. te fait un petit SMS ou un WhatsApp pendant que tu es en formation trop content pour toi j'ai hâte qu'on soit lundi pour que tu me fasses un Rex qui fait vraiment un Rex et qui challenge le salarié à passer de l'apprentissage à l'ancrage dans les pratiques comportementales voire qu'il le met en vedette et qu'il lui demande de transmettre à l'équipe versus mais t'es pas là demain t'es où en formation ? bonjour bienvenue au Club Med mais sache que quand tu reviendras t'auras le double de boulot et vraiment il nous emmerde ces équipes learning à nous demander des trucs qui servent à rien qui prend aucune nouvelle qui ne t'incitent pas à ancrer et dont ce n'est pas des objectifs qui seront connus lors de l'entretien professionnel ou l'entretien de performance, il y a un écart de 300% sur l'entretien immédiat. Donc, ce n'est pas plus important que le reste. Une culture, les équipes formation et RH, les dirigeants en figure de pro, ainsi de suite. Mais c'est sûr que si les managers ne sont pas en soutien et convaincus, tu vas avoir une déperdition totalement dingue et qu'on a absolument besoin. de travailler sur la culture manageriale et d'avoir cette culture manageriale de c'est trop bien la formation, c'est trop bien l'expérience, mais bien entendu, pas apprendre pour apprendre ou expérimenter pour expérimenter. On est aussi là pour dire, mais so what ? Qu'est-ce que tu arrêtes de faire post-formation ? Qu'est-ce que tu mets en œuvre ? Comment tu partages ? Comment tu l'ancres dans la durée ? Comment tu démontres que ça génère plus de performances ? Donc, ce n'est pas non plus un soutien un peu BA de type fan club, c'est aussi avoir ces temps de dialogue et de discussion. pour convertir, tu sais que c'est le principal enjeu, des moments de formation en comportement professionnel pour une performance ou un équilibre vie privée-vie pro, une santé plus positive.
- Speaker #0
Complètement d'accord. Je voudrais aborder avec toi les universités d'entreprise. Là aussi, tu es extrêmement bien placé pour répondre à cette question. J'ai une question un peu brutale que je vais te poser. Est-ce que ça marche vraiment les universités d'entreprise ? Parce qu'il y a beaucoup, généralement... Il n'y a pas... Plein de techno derrière, LMS, LXP, LCMS, etc. Il y a plein de contenus sur catalogue, sur mesure, etc. C'est quoi les conditions de succès aujourd'hui pour toi d'une université d'entreprise ?
- Speaker #1
Oui, d'ailleurs, c'est Jérôme Varnier qui signe le chapitre dans le grand livre de la formation et qui avait fait avant beaucoup de livres blancs sur le sujet et qui a déployé beaucoup d'universités d'entreprise. En fait, il se trouve que l'année dernière... J'ai un très gros client du CAC qui m'a demandé ce qu'on appelle une veille scientifique sur les universités d'entreprise, parce qu'il s'interrogeait sur la nécessité d'en lancer une ou de réinventer son université existante. Ce qui m'a permis d'interroger une vingtaine de directeurs d'universités en France, dans des boîtes européennes ou mondiales d'ailleurs, même si c'était les patrons Formation France ou patrons d'universités France qui étaient interrogés. Ma grande surprise que je te partage déjà, c'est qu'il y a autant d'universités d'entreprise que de boîtes. Alors, on a abordé, on a fini, parce que bien sûr, c'est ce qui nous était demandé pour se positionner à une typologie. Et entre celle de, par exemple, Safran, qui est pour tout collaborateur, et telle autre, qui n'est que pour les talents au potentiel. Entre celle qui s'est spécialisée dans les métiers critiques de l'entreprise, et c'est celle qui s'est plutôt spécialisée sur la culture manageriale. entre celle qui quasiment englobe tout, celle qui est vraiment sur une niche avec... avec des happy few, difficile d'identifier des facteurs clés de succès extrêmement clairs parce que l'objet n'est pas homogène. Ce que je peux te dire en deuxième temps, c'est que ça a un sens, et comme souvent en formation d'ailleurs, totalement relié à des objectifs business. S'il y a un vrai travail de périmètre cohérent, par exemple se centrer sur des compétences uniques qu'on est les seuls à avoir. par rapport à ce que tu disais, plutôt que d'ouvrir LinkedIn Learning ou Coursera.
- Speaker #0
Oui, c'est ça.
- Speaker #1
Pas belle la vie, 3 millions de références. C'est ça. Et éclatez-vous. Et du coup, n'avoir que 5% de gens qui passent du temps dessus, 50% qui ont fait 3 programmes et 40% qui n'ont jamais mis les pieds. Là, pour coup, l'as is more. Donc, un vrai travail sur les compétences critiques, un vrai travail sur le catalogue. Faire en attrape là où on veut se différencier, singulariser, là où on est très fort. faire avec des partenaires sur d'autres dimensions. Parce que, par exemple, une université d'entreprise, ça peut être pour Alstom le principal outil de conquête de marché à l'étranger parce que quand on t'achète des TGV, on t'achète l'université pour former les publics locaux et c'est l'université qui en porte le dessus. Et donc là, elle est totalement business. Elle n'est même plus que learning. C'est un avantage concurrentiel différenciant. Elle n'a pas de mal à démontrer sa valeur et avoir de gros budgets, par exemple. alors qu'il y a d'autres... endroits, elle va peut-être se centrer purement sur les managers au sein des sujets. Donc, ce travail de lien avec l'Astrat, lien avec le business, réflexion sur le périmètre, l'assist mort, après, bien entendu, tu as raison, le choix des outils. J'ai vu, par exemple, dans mon étude, que pour certains, tous les ingénieurs pédagogiques, l'achat des outils, les grandes chartes se font au niveau de l'université. Mais après, c'est en marque blanche et en plug and play pour les équipes locales qui vont y mettre du contexte. C'est selon les pays, faire telle chose et telle chose. Dans d'autres, un message extrêmement clair, c'est 10 compétences critiques, c'est nous. Ou c'est nous qui achetons l'outil, à vous de le déployer dans le monde entier. Ou pour former, vous devez tous signer le fait qu'un programme doit toujours commencer comme ci, faire comme ça et comme ça. Donc, c'est difficile de donner des facteurs clés de succès. Mais en tout cas, l'ingénierie de l'université, pour qui on le fait ? Pourquoi on le fait ? Sur quoi on se focalise ? Quel outil on déploie ? Qu'est-ce qui est local ? Qu'est-ce qui est global ? Quelles sont les compétences qu'on a, nous, à l'université ? Ou est-ce qu'au contraire, les universités sont au niveau local ? Ce sont des choix stratégiques qui vont, selon les cas de figure, mener à des succès ou à des échecs.
- Speaker #0
Très, très, très clair. Et sur tous les outils technologiques, LMS, LCMS, LXEP, comment tu arrives, tu penses, arriver à construire un ensemble cohérent d'outils ? Et est-ce qu'ils sont vraiment utilisés ? Ça, pour boucler sur ce que tu viens de dire, en fait. Tu l'as abordé de manière transverse.
- Speaker #1
Oui, oui. Les degrés de maturité sont quand même très différents d'une organisation à une autre. Les mauvais élèves empilent des outils. C'est ça. Au risque de l'indigestion, de perdre les apprenants et ceux qui construisent des parcours. Je pense que tu as raison. Historiquement, on n'avait plutôt qu'un outil, un LMS par exemple, ou un SIRH, ou une brique d'un SIRH qui était rattachée aux enjeux de formation. Le mouvement qui a été... enclenché il y a 5-10 ans, c'était de rajouter un LXP qui était plutôt centré sur l'expérience apprenante et puis trouver les moyens de rendre la formation attractive et épanouissant. Le LSMS, c'est plutôt les outils dont on dote les ingénieurs, les concepteurs, les partenaires pour construire des parcours et d'ailleurs, c'est là où l'IAF a le plus pris, beaucoup plus chez les concepteurs et chez les équipes de formation que chez les apprenants pour l'instant. On pourrait y revenir tout à l'heure si tu le souhaites. Je pense qu'il faut un vrai pilotage, alors pas par la DSI parce que ça sera trop techno, pas que par les RH parce que ça ne sera pas assez techno, mais une vraie alliance entre les équipes formation et les équipes de la DSI pour effectivement créer une articulation, faire des choix d'outils cohérents entre eux. Avec des enjeux aussi de collecte de la donnée, d'éviter les doubles saisies, d'éviter l'empilage. Donc, je serais tendre à dire que là, l'ingénierie d'expertise sur le déploiement des bons outils digitaux sont devenus cruciaux. En plus, si on y rajoute la dimension et la brique Data IA.
- Speaker #0
Alors justement, on va aborder cette brique Data IA, on va aborder les IA génératives. Comment on peut utiliser l'intelligence artificielle sans perdre l'apprentissage, surtout pour les juniors ? qu'il n'y a pas pas mal d'études qui se disent que les juniors actuellement, ils seraient particulièrement maltraité, au profit d'ailleurs paradoxalement des seniors qui savent utiliser l'IA. Comment on peut mettre tout ça en place ? Comment on peut améliorer l'apprentissage entre pairs avec l'IA ?
- Speaker #1
Déjà Gérard, tu as plein d'études contradictoires. Oui, c'est vrai. Qui te disent que ça tue les vieux, que ça tue le... C'est vrai, c'est vrai. D'autres qui disent que ça détruit 90% d'emplois, mais non, en fait, ça en crée 30%. C'est normal, c'est la phase adolescente, et toutes les semaines, il y a une étude qui dit le contraire de la précédente. Donc, il faut avoir raison gardée, il ne faut pas se réagir à une étude parce qu'on n'est encore pas en phase véritablement de stabilisation. Je vais essayer de repartir de notre cerveau, si tu veux bien. Si on prend les travaux de Kahneman, le prix Nobel d'économie, et ce n'est pas le seul, on a un cerveau de type 1 qui est un cerveau du labeur, des faits, laborieux et paresseux
- Speaker #0
Oui c'est vrai. Et il économise de l'énergie.
- Speaker #1
Et puis, dès qu'on lui propose une alternative, il dit « Ok » . Et puis, on a un cerveau de type 2, plutôt mobilisé pour la créativité, l'innovation, etc. La grande promesse de l'IA, mais bien entendu, notre cerveau, pour lui, c'est une gourmandise, c'est « Je vais te libérer de ton cerveau 1. Finis les lectures de bouquins, finis les recherches, finis le labeur, finis la montée en expertise pendant plusieurs mois. Je m'en occupe. tu pourras t'éclater sur ton cerveau relationnel, créatif, innovant. Sauf que ce que dit Kahneman et tous les chercheurs en neurosciences, c'est que le cerveau 2 ne se met en mouvement que si le cerveau 1 a bossé. Autrement dit, sans investissement dans le labeur et l'effort, la capacité dans ta nuit, pendant tes moments de récupération, de conversion, de classement, le cerveau 2 classe en fonction de ce qu'on lui a apporté. Il y a un grand danger effectivement de baisse des capacités cognitives, déprofessionnalisation, fin du travail. Perte d'employabilité des jeunes, dès qu'il y a une épreuve, qu'elle soit une épreuve, ça peut être un exposé, un mémoire, un challenge, réflexe numéro un de chat GPT ou consorts, parce que bien entendu, DeepSeek, Claude, Anthropic, j'en passe, etc. Ce que nous dit l'IA, en fait, je ne peux pas le dire autrement, et c'est lue fruit d'un gros programme de recherche que j'ai mené, c'est qu'il y a cinq registres de recours à l'IA. Après, on viendra sur les enjeux sociétaux. il y a un registre 1 qui est la sous-traitance totale il existe il ne faut pas se priver des outils et on ne peut pas lutter contre le futur et donc il y a tout un ensemble d'activités qu'on peut sous-traiter totalement à l'IA mais sans retour en arrière possible puisque les travaux du MIT ont montré qu'en 3 mois c'était déjà très difficile de refaire comme on faisait avant un peu comme les chauffeurs de taxi de Londres qui sont incapables maintenant de se repérer sur une carte donc il faut les assumer et oui sur des tâches simples routinières qui ne créent aucune valeur qui ne créent pas d'épanouissement voilà Il y a un deuxième champ d'activité qui est le 100% humain.
- Speaker #0
je suis à l'extrême, même si l'IA me ferait gagner du temps, je m'interdis de l'utiliser, je me pousse, par exemple il y a des recherches qui sont sorties la semaine dernière qui montrent que continuer à lire des bouquins en papier 30 minutes par jour, ça crée un impact incroyable en termes de capacité cognitive, pas pour être performant mais déjà pour prendre soin de son cerveau et lui il est dans la durée, parce qu'on ne connaît pas les conséquences à 5, 10, 15, 20, 30 ans.
- Speaker #1
J'ai vu ça oui.
- Speaker #0
Il y a un troisième champ qui est l'IA coaching, autrement dit Je fais la V1 et je lui dis qu'est-ce que tu en penses ? Et ça d'ailleurs, les recherches du MIT ont montré que ça crée plutôt des gains cognitifs et que ce qui était parfois dangereux, c'est de faire faire la V1 à l'IA et de réagir. Il vaut mieux d'abord avoir bossé, puis après améliorer. Mais il y a malgré tout un quatrième champ qui est de l'ordre de l'hybridation, c'est s'augmenter grâce à des raisonnements algorithmiques croisés à un travail humain. Donc le meilleur de l'homme et de la machine, ça peut être en formation, mobiliser la donnée et son expérience pour identifier des décrocheurs et trouver les bons discours pour les raccrocher. Et puis, il y a un deuxième champ qui est effectivement de l'ordre de l'assistanat. Et ça sera encore plus le vrai avec les agents IA. C'est avoir soi-même une armée d'assistants qui peuvent faire la V1. Par exemple, un plan de cours, je n'ai aucun problème à ce qu'une IA fasse une V1. À condition, comme tu le dis, que toi-même, ça soit sur un champ, tu as une énorme expertise et que tout de suite, tu puisses dire que c'est complètement con, c'est assez sympa, etc. Pour nos jeunes, et surtout aux États-Unis, pour l'instant que ça se tend avec cette idée que pourquoi s'emmerder avec un jeune de la nouvelle génération, en plus ingérable, qui ne veut plus bosser, alors que l'IA a un QI supérieur à 120 et fait tout ce que tu lui demandes pour moins cher et dans la durée. Moi, je ne comprends pas, du coup, si on peut encore se qualifier de B Corp, d'entreprise à mission, on parlait de RSE, et on dit ça. Ce que je pense peut-être. et ça va peut-être plus loin. Ce qu'on voit, et ça rejoint notre débat de tout à l'heure, même si je t'ai dit que je n'aimais pas l'opposition, ce qu'on voit, c'est que ça pousse plutôt à une hyper spécialisation sur les compétences métiers, les hard skills. Donc non, les hard skills ne sont pas, contrairement à ce que nous dit Olivier Babeau et Laurent Alexandre, à mon sens, c'est une erreur d'interprétation non pas disparue, mais il y a des attentes de maîtrise énormes et du coup, c'est peut-être la fin de la polyvalence c'est de former des étudiants à 20 matières. Sur certains, ils sont moyens, sur d'autres, ils sont mauvais. Plus tu es bon, plus tu sais utiliser l'IA. Donc le choix d'une hyper spécialisation, d'une capacité à choisir ses combats et du coup derrière, une obligation de collaborer dans des équipes où tu n'as qu'une partie de la solution et là ça va plutôt aller mobiliser des compétences comportementales. Bien entendu, des capacités plus de type soft, même si soft, ce n'est pas le bon terme, de veille métier, capacité à s'entraider, esprit critique, capacité à collaborer, à communiquer, ainsi de suite, pour aller... faire les choix d'analyse situationnelle qui sont à mon avis encore plus touchy d'il y a 5 ans ou 10 ans. Et donc pour nos jeunes à mon avis deux conséquences, et c'est là où on peut potentiellement être inquiet à court terme, c'est très schumpétérien, sans doute une adéquation assez importante entre ce pour quoi on forme à l'école et dans l'enseignement supérieur, pas partout mais dans la plupart des endroits où on est, qui reste en fait très des dispositifs de formation et pédagogique du XXe siècle, l'école de Jules Ferry, savoir, savoir-faire, descendants, opérationnels et qui devraient accorder beaucoup plus de temps aux humanités, à l'art, à l'esprit critique, au challenge, à la prise de recul, voire à des compétences mathématiques, tech, même de coding. Même si les IA vont coder, il vaut mieux savoir comment utiliser un code qu'à apprendre à coder, par exemple. Donc ça, c'est la première inquiétude. la difficulté de nos systèmes éducatifs à se réinventer à la vitesse de l'IA et donc peut-être des jeunes qui vont être en difficulté d'employabilité. Et après, un deuxième échelon qui est tes experts très bons, déjà, il n'y en a pas tant que ça. Et puis, quand ils seront à la retraite, si tu n'as pas formé tes jeunes, il n'y a plus de boîte.
- Speaker #1
C'est ça.
- Speaker #0
Et donc, si ton objectif, c'est de faire la société sans travail et sans humain, tu le peux, mais je ne suis pas sûr Donc ça sera un moteur de motivation très fort. qui ne nous amènera pas des crises majeures et des gilets jaunes 3.0. Si tu es fidèlement responsable et intelligent, tu vas devoir investir et peut-être moins attendre de tes jeunes dans un premier temps, avoir des temps où tu finances plus longtemps des expertises, où tu combines, où tu tires le meilleur d'équipes hétérogènes en termes d'âge, d'expertise et de polyvalence. Et donc, ça pousse aussi les orgas à se réinventer, totalement à mon sens, à inventer la carrière.
- Speaker #1
Merci pour cet éclairage. On est presque arrivé au bout de cet épisode. J'ai encore deux questions, néanmoins. Comment on peut mesurer la learning culture de manière simple et utile ? Quels sont, selon toi, les indicateurs qu'il faut suivre, mais sans noyer tout le monde ? Parce qu'on a tendance tous à mettre des dizaines d'indicateurs qui ne sont pas suivis. Donc, c'est quoi l'idéal ?
- Speaker #0
C'est typiquement le... genre de questions où je vais être en difficulté parce que l'année dernière, mon benchmark m'a montré qu'on avait reculé sur la mesure.
- Speaker #1
C'est vrai ?
- Speaker #0
Oui, c'est-à-dire qu'à force d'avoir tout tenté, de s'intéresser à Philips, à Kirkpatrick, 5 dimensions, 6 dimensions, d'avoir mis des KPI, la plupart des boîtes, en plus pour moi c'était des bons en entreprise apprenante, m'ont dit, mais j'étais aussi à la fois fasciné, consterné et me dire pas con, Michel, on a gardé que le Net Promoter Score.
- Speaker #1
Ah oui, d'accord.
- Speaker #0
Finalement, s'il est capable de le recommander, parce que pour atteindre à niveau de Net Promoter Score, il faut vraiment être extrêmement satisfait, ça veut quand même dire quelque chose.
- Speaker #1
C'est vrai.
- Speaker #0
Bien entendu, si je suis un petit peu moins cynique, j'ai quand même l'impression que quand tu mesures d'entrée, c'est basique. Quand tu mesures en entrée, quand tu mesures en sortie, quand tu mesures en situation de travail, quand tu mesures de manière longitudinale, tu peux créer les conditions. Ce n'est peut-être pas le cas pour toutes les compétences, mais tu peux créer quand même les conditions de mettre en place des petits tableaux de bord. Les plus innovants et les approches qui m'intéressent le plus sur les évaluations, c'est celles qui finalement abandonnent, enfin, pas totalement, parce que Philips et Kirkpatrick, ça reste très intéressant et séduisant, mais qui partent presque d'une approche du type un programme, des compétences critiques, trois objectifs, trois KPIs spécifiques pour ce programme. Alors certes, pour la consolidation, ce n'est pas génial. mais on pourra toujours présenter à nos partenaires sociaux le nombre d'heures, le nombre de VAE, même si ce n'est pas du tout la quantité, ça ne veut pas dire la qualité. Mais au moins, arriver à, par exemple demain, à dire, sur les X programmes qu'on a déployés ou sur les X apprenants, voilà où est le Net Promoter Score, voilà où il était hier, ok, ça d'accord. Et maintenant, rentrons dans le détail, sur les X programmes, 60% ont atteint la note de 5 sur 5 sur les trois objectifs clés qu'on s'était donnés. ça me paraît presque plus malin que d'aller sur des choses peut-être plus comparables et moins évidentes. Et bien entendu, par contre, plus on trace en distanciel et en présentiel, plus on a de la donnée, plus on peut malgré tout, en comparaison, faire du mapping, faire du storytelling data et arriver à raconter des histoires séduisantes. Et là, il faut reconnaître que la data, et l'IA, quand c'est bien fait et qu'on collecte bien l'info, nous apporte une valeur ajoutée et des éléments qu'on n'avait pas avant. Mais je ne vois pas tant de boîtes qui vont très vite là-dessus pour l'instant, honnêtement. Mais c'est le futur. C'est le futur.
- Speaker #1
Je suis d'accord, complètement d'accord. Alors on va terminer, c'est la dernière question. Quelles sont pour toi les trois erreurs fréquentes qui vont saboter une learning culture à terme et comment on peut les éviter ?
- Speaker #0
Pour moi, la première, c'est les injonctions paradoxales. Autrement dit, des discours très learning culture et des faits où finalement l'apprenant, si on prend le niveau individuel, n'est ni un facteur d'employabilité, de carrière, ni encouragé. Et à la moindre erreur, on se fait... parce que je suis toujours fasciné par le nombre de boîtes qui, un peu comme les frites McCain, qui en parlent plus qu'elles ne le font. Et en fait, ce qui met les gens en résistance, en passivité ou en peur, c'est un cadre pas clair, c'est des faux messages, c'est des pièges. C'est de se rendre compte que finalement, on ne les y reprendra pas deux fois. Et malheureusement, sur l'apprenance, quand ça se passe mal une fois, bonne chance pour faire remonter sur le cheval le collaborateur ou la collaboratrice, si je peux me permettre l'expression. Pour moi, vraiment, la deuxième erreur, c'est de ne pas corréler ça aux enjeux business. et aux enjeux cœur, aux compétences critiques. C'est-à-dire que là, bien sûr, elle est loin la 24-83, mais elle n'est pas si loin que ça en fait. Il est loin le temps d'une vision purement soit catalogue, faites-vous plaisir, soit récompense. Comme le disait Ménion, on n'en a rien à cirer, mais voilà ton cadeau, tu choisis la formation qui te ferait plaisir. Mais on n'est pas encore à un temps véritablement d'articulation parfaite entre projet perso de l'individu pour lui donner le goût d'apprendre, le moteur, l'envie, l'énergie. Projet pro de l'équipe. objectifs strat de la boîte. Et finalement, la formation devrait être systématiquement vue comme ça, même si tu peux, bien sûr, à côté, te permettre. Alors, par exemple, même si ça peut être une usine à gaz aussi, articuler ça avec une approche OKR, objectifs keys results, cibler les formations qui rentrent dans les trois objectifs prioritaires de l'année, de l'équipe ou du collaborateur. Et là, par exemple, comme certaines boîtes, tant que ça rentre dans les OKR, le budget est illimité. Mais si ce n'est pas dans les OKR, ça doit faire l'objet d'un dialogue. Il y a des choses quand même à aller chercher. Et même si on était un poil cynique, c'est sûr que tant qu'on ne démontrera pas que la formation est un investissement, qu'elle devrait être à l'actif du bilan plutôt qu'une charge du compte de résultat. Et que donc, même si c'est compliqué, même si tout est dans tout, même si c'est difficile d'isoler, former, c'est savoir mesurer pour s'améliorer et démontrer sa valeur. Je pense qu'on reste dans une approche un peu intellectuelle d'une croyance, qui est peut-être d'ailleurs vraie. On ne sait pas trop ce que ça donne, mais ça ne peut pas faire de mal. Et peut-être que si on ne le fait pas, ça fera peut-être des dégâts. Et quoi qu'il arrive, on a intérêt à le faire plutôt que de ne pas le faire, qui est presque ce qu'on se dit sur la pub. tu vois euh Ça peut faire de mal. Si on n'est pas présent, ça peut faire du mal. On ne sait pas vraiment s'il s'est augmenté les ventes, mais on pense qu'il valait mieux le faire que de ne pas le faire. Je pense malgré tout qu'on ne sera pas aussi stratégique et un enjeu aussi prioritaire que voudrait l'être la skill-based organization, l'entreprise apprenante ou l'approche compétente.
- Speaker #1
On est arrivé au bout de cet épisode. Je voulais te dire vraiment un très grand merci, Michel, pour la clarté et la densité de tes éclairages. Je mettrais... dans la newsletter et dans les commentaires le lien vers ton profil Linkedin si on a des auditeurs ou auditrices qui veulent entrer en contact avec toi.
- Speaker #0
On est tous apprenants, donc ça marchait aussi.
- Speaker #1
Tu as raison, surtout quand le podcast s'appelle Never Stop Learning. Et puis, je rappellerai tes deux ouvrages, le Défi des Soft Skills et le Grand Livre de la Formation, le dernier en date, donc mai 2025, tous les deux chez Dunod. Un petit peu de pub pour Never Stop Learning, donc si cet épisode vous a été utile, abonnez-vous à la newsletter, écoutez le podcast Never Stop Learning, partagez-le à un collègue ou une collègue L&D ou DRH et laissez-nous une note ou un commentaire. Cela aide vraiment le podcast à grandir. Merci pour tout, pour les auditeurs et auditrices. À très vite pour de nouveaux épisodes. Merci Michel.
- Speaker #0
Merci beaucoup Gérard pour l'invitation et c'était des échanges nourris et sympas. Donc merci pour me pousser à avoir un peu formalisé, verbalisé. l'état des lieux de ma connaissance sur ces sujets ô combien complexes.
- Speaker #1
Merci de nous avoir accompagnés pour cet épisode de Never Stop Learning. Si cet échange vous a apporté de la valeur, n'hésitez pas à le partager autour de vous et à laisser une note 5 étoiles accompagnée d'un commentaire. Vos retours sont essentiels pour continuer à vous offrir des contenus de qualité. Je suis Gérard Pécou et si vous recherchez des solutions innovantes, pour transformer vos projets de formation, rendez-vous sur callimedia.fr ou bealink.com. Nos équipes se feront un plaisir de vous accompagner dans vos projets. On se retrouve très bientôt pour un nouvel épisode de Never Stop Learning, votre rendez-vous pour explorer, innover et ne jamais cesser d'apprendre. À très vite !