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Épisode 8 : The Lawsuit cover
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Badlands : l'histoire de Bruce Springsteen

Épisode 8 : The Lawsuit

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55min |06/06/2025
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Badlands : l'histoire de Bruce Springsteen

Épisode 8 : The Lawsuit

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Description

Pour ce septième épisode, on revient sur la procédure judiciaire entreprise entre Bruce Springsteen et Jon Landau, ainsi que les différentes tournées (Chicken Scratch et Lawsuit) de 1976-1977.


Retrouvez la playlist Spotify pour accompagner ce sixième épisode : https://open.spotify.com/playlist/34d5rvZBn9fcinSoPda8Hc?si=4f4770a39ea9476e


Les sources utilisées pour ce podcast :

  • Bruce Springsteen, Born To Run, Éditions Albin Michel (2016)

  • Marc Dufaud, Bruce Springsteen : une vie américaine, Éditions Camion Blanc (2010)

  • Peter Ames Carlin, Bruce, Éditions Sonatine (2013)

  • Hughes Barrière, Bruce Frederick Springsteen, Éditions Castor Astral (2013)

  • Clinton Heylin, E Street Shuffle: The Glory Days of Bruce Springsteen and the E Street Band, Éditions Viking Adult (2013)


Hébergé par Ausha. Visitez ausha.co/politique-de-confidentialite pour plus d'informations.

Transcription

  • Speaker #0

    Bonjour à toutes et à tous et bienvenue dans ce nouvel épisode de Badlands. Avec Band to Run, Bruce Springsteen est devenu une vedette dans son pays natal. Après avoir passé l'année 1975 en studio et sur la route, le groupe s'octroie quelques mois de repos. Ils ne le savent pas encore, mais de nombreux litiges avec le manager de Booth, Mike Apple, va les contraindre à ajuster leur projet pour les 18 mois à venir. Vous êtes dans Badlands et je vous souhaite une excellente écoute. Lorsque l'année 1975 se termine en fanfare avec une date au Tower Theatre de Philadelphie, Bruce Springsteen est devenu la nouvelle coqueluche des médias américains et une véritable star du rock dans son pays natal. Born to Run a fait de lui la nouvelle sensation musicale à tel point qu'il a obtenu simultanément la première émission de la série. première page du Times et Newsweek, une première pour un chanteur de rock. De partout, la presse encense son dernier album et ses performances scéniques. Le magazine anglais Sounds l'élit révélation de l'année 1975, tandis que le Rolling Stone le déclare artiste de l'année. La popularité du chanteur est telle qu'il est interviewé dans des médias dépassant le cadre musical, notamment le magazine Playboy en mars 1976. Malgré la Springsteenmania qui déferle sur les États-Unis, Bruce Springsteen reste distant face à la célébrité. L'attention médiatique et l'adulation du public le mettent mal à l'aise. Il ne cherche ni les projecteurs ni les mondanités. Très loin des clichés du star system, il fuit les lieux branchés, décline la majorité des invitations à des after-shows ou émissions et choisit le plus souvent de rentrer chez lui après les concerts. Lorsqu'il quitte la scène, il redevient presque anonyme, arpentant les rues, solitaire ou attablé dans un fast-food, à milieu de l'image flamboyante qu'on projette sur lui. Sentimentalement, Bruce Springsteen mène une vie paisible et discrète. Il partage un bungalow à Long Branch avec Karen Darvin, rencontrée peu de temps auparavant. Située non loin de la plage, cette ville, tout comme Ashbury Park, a vu sa population décliner au fil des années, n'attirant plus que quelques artistes et marginaux grâce à des loyers particulièrement attractifs. Springsteen mène une existence presque spartiate. Son intérieur se résume à un canapé, une télévision, un piano, quelques guitares, sa précieuse collection de disques et une Chevrolet de 1957. Il ne gagne pas plus de 25 000 dollars par an, une somme modeste pour un artiste devenu l'un des visages du rock américain. Loin des villas de Beverly Hills ou des excès de la rockstar caricaturale, il mène une vie simple. Toutefois, il désire trouver un lieu plus adapté à ses besoins, à la fois un refuge paisible pour sa vie quotidienne et un espace suffisamment vaste. pour accueillir les répétitions du E Street Band. Rick Seguso, son directeur de tournée, lui dégote le logement parfait, une grande propriété située à Holmdale dans le New Jersey. Cet ancien poste de cavalerie offre un cadre à la fois isolé et spacieux. Séduit par les lieux, Springsteen se laisse rapidement convaincre et signe le bail, même s'il doit faire appel à Seguso pour l'aider à financer les premiers mois de location. Tandis que la plupart des musiciens du groupe profitent de ce repos bien mérité après ses neuf mois particulièrement chargés, Steven Von Zahn s'investit quant à lui dans la production et l'enregistrement du premier album de Southside Journey and the Asbury Dukes. Le guitariste a quitté la formation pour rejoindre E Street Band 6 mois plus tôt, mais n'oublie cependant pas ce groupe qu'il manage encore. Ils entrent au record plant en janvier et y resteront près de 3 mois. Bruce Springsteen apparaît dans les crédits de l'album. En tant que coproducteur et arrangeur pour deux titres qu'il cède à Southside Johnny, You Mean So Much To Me et The Fever, sur laquelle Clarence Clements effectue les chœurs. La chanson avait rencontré un succès certain sur les stations de radio qui avaient obtenu la bande démo transmise quelques mois plus tôt par Mike Apple. Pourtant, Bruce ne se l'approprie toujours pas. Il ne la joue presque jamais en concert et semble mal à l'aise avec ce morceau qu'il juge trop éloigné de sa vision artistique. Plutôt que de la revendiquer, il choisit de l'offrir à son ami et ancien partenaire Southside Uni, qui en fera l'un des titres les plus emblématiques de son répertoire. Ce break salvateur après une année épuisante ne suffit pourtant pas à désamorcer des tensions croissantes entre Bruce Springsteen et son manager, Mike Apple. Lié par une série de contrats signés au début de l'année 1972, les deux hommes entrent désormais dans les derniers mois de leur collaboration formelle. Depuis la tournée européenne, quelque chose s'est fissuré. Springsteen commence à suspecter que les accords initiaux, signés alors qu'il n'était qu'un illustre inconnu, ne jouent plus en sa faveur. Maintenant que le succès est au rendez-vous et que l'argent commence à rentrer, il réalise qu'il n'a aucun contrôle sur ses revenus. Tout transite par Mike Apple qui garde la mamie sur ses finances. Pire encore, profitant de l'absence de John Lando pendant le voyage en Europe, le manager a tenté de lui faire signer de nouveaux documents, soi-disant plus avantageux, pour prolonger leur collaboration. Méfiant, Bruce refuse de s'engager sans comprendre précisément les termes du contrat. Il sait que la situation a radicalement changé depuis 1972. Il n'est plus un artiste sans public, mais une star à l'échelle nationale. Il exige donc des conditions justes, transparentes et conformes aux pratiques du milieu. Souhaitant comprendre les contrats qu'il a signés quatre ans plus tôt, il demande à consulter un avocat. Ce dernier, choisi par Mike Apple lui-même, reste évasif. Ce flou volontaire ne fait qu'alimenter les inquiétudes de Springsteen. Il commence à mesurer l'ampleur de son absence de contrôle sur ses finances et comprend que sa situation précaire malgré le succès s'explique en grande partie par la nature de ses contrats qui centralisent tous les revenus entre les mains de son manager. Petit à petit, le chanteur se sent mis à l'écart de son propre destin artistique et économique, comme exclu d'un système qu'il a pourtant contribué à faire éclore. Outre les tensions liées au contrat, Bruce Springsteen et Mike Apple s'opposent de plus en plus sur la direction à donner à la carrière du chanteur après le succès de Band to Run. Tandis que Springsteen renforce sa relation avec John Lando, qu'il a déjà sollicité pour coproduire son prochain album, Mike Apple tente de garder le contrôle. Conscient de l'élan médiatique autour de l'artiste, il multiplie les propositions ambitieuses. Une émission télévisée en prime time sur NBC, dans l'esprit du célèbre show consacré à Elvis Presley en 1968, ou encore un concert en clôture des Jeux Olympiques de Montréal. Springsteen, fidèle à ses principes et mal à l'aise sous les projecteurs, refuse systématiquement. Le show télévisé sera finalement confié à Bob Dylan et l'apparition olympique tombe à l'eau. Le fossé se creuse davantage lorsqu'Apple propose une tournée estivale sous un chapiteau itinérant sur les campus universitaires américains. Le projet est d'ailleurs bien avancé, mais Apple a déjà pensé à certains aspects logistiques comme l'étanchéité de la structure, la présence de gradins ou l'alimentation de la chaufferie. Pour autant, Bruce rejette aussi cette proposition sans ménagement. tout comme une offre d'un million de dollars pour un concert de clôture dans un festival au JFK Stadium de Philadelphie, réunissant que les groupes du New Jersey prévus pour le jour de la fête nationale, le 4 juillet. Pour lui, ces idées spectaculaires s'éloignent de sa vision artistique. Même la sortie d'un album live, pourtant vivement souhaité par Mike Apple, est refusée sans appel par Springsteen, qui juge cette initiative prématurée après seulement trois albums studio. Pourtant, les enregistrements professionnels de cette période, tels que ceux de Tom Roto au Greenvale, révèlent la puissance scénique du groupe. Cette série de désaccords confirme l'impasse grandissante entre le chanteur et le manager. Furieux face à cette série de refus, Mike Apple commence à douter de la bonne foi de son client. De son côté, le chanteur est désormais persuadé que son manager le spolie d'une manière ou d'une autre. Le climat de confiance entre les deux hommes se délite et la relation s'envenime peu à peu. Après trois mois de pause loin de la scène, le E Street Band reprend la route pour la seconde partie de la tournée Band to Run. Avant cela, ils donnent une répétition générale le 21 mars au Stone Pony d'Ashbury Park devant 300 invités triés sur le volet. C'est à cette occasion qu'ils jouent pour la première fois la reprise de Raise Your Hand d'Eddie Floyd, un titre appelé à devenir l'un des temps forts de leurs futures prestations scéniques. La tournée reprend officiellement le 25 mars au Township Auditorium de Columbia en Caroline du Sud. Très vite, musiciens et techniciens leur rebaptisent officiellement le Chicken Scratch Tour littéralement la tournée des fonds de tiroirs, référence aux nombreuses dates prévues dans les marchés secondaires notamment dans les états du sud où Bruce Springsteen et Louis Streetbend restent encore relativement méconnus. La tournée est d'ailleurs bricolée à la va-vite dans un climat de tension et n'aura pas le même retentissement que celle de l'année précédente. La setlist de cette nouvelle série de concerts reste proche de la fin de l'année 1975 avec Night en ouverture suivie de Tenth Avenue Freeze Out. Mais l'un des moments les plus marquants de cette période est l'interprétation de It's My Life, une reprise des Animals. Au fil des interprétations, ce morceau devient bien plus qu'un simple hommage. Il sert de tremplin à Springsteen pour évoquer, en introduction, des souvenirs personnels poignants liés à son adolescence et sa relation conflictuelle avec son père. Ce thème de l'enfance difficile, abordé ici pour la première fois de manière aussi frontale, deviendra l'un des fils rouges de son œuvre au cours de la décennie à venir.

  • Speaker #1

    Je vis dans cette maison de deux familles. Un soir, mon père utilisait la porte de la porte. Donc, moi et ma soeur, on venait dans la cuisine. Et on s'est assis dans la cuisine toute la nuit, avec des lumières, des cigarettes, des beaux beaux. Ma mère s'est assise dans la porte et a regardé la télé. On est venu à 10 ou 11. Et à midi, ce n'était pas trop mal. Si tu es arrivé en round 2 ou 3 Il m'a toujours arrêté quand je me suis mis dans la cuisine et qu'il m'a parlé. Il m'a parlé de ce que j'étais en train de faire à l'école, de faire un bon travail. C'est très bientôt que nous serons en train de se battre et de se crier. Ma mère serait en train de se faire courir de la pièce de front. Elle essayait de nous garder en combat avec l'autre et moi, j'ai fini par rentrer à l'extérieur de la maison. J'ai marché à l'entrée de la porte pour lui dire que c'était ma vie.

  • Speaker #0

    Sur scène, le chanteur entame d'abord le premier couplet avec retenue, presque en murmure, comme si chaque mot portait le poids de son passé. Peu à peu, la tension monte, un crescendo implacable conduit jusqu'au refrain où tout explose. Soutenu par les cœurs de ses musiciens, il libère une colère brute, nourrie par la blessure de l'enfance, les errances de l'adolescence et désormais la trahison d'un manager en qui il ne croit plus. Devant un public stupéfait, il offre un récit d'une sincérité bouleversante. Ce qui n'était à l'origine qu'un simple hymne à la rébellion adolescente se transforme en un véritable manifeste intime. Le chanteur s'est libéré des entraves paternelles, de cette voix qui lui répétait qu'il n'irait jamais bien loin. Il a prouvé le contraire. Aujourd'hui, il lutte pour préserver ce qu'il a construit, menacé par les manœuvres d'un homme qu'il ne reconnaît plus. Le 27 mars, Bruce Springsteen et Steven Van Zandt sont invités par le disque jockey Cat Simon dans les studios d'Atlanta, où ils accordent une interview et prennent en charge la programmation musicale. Ils en profitent notamment pour diffuser des extraits du premier album à venir de Southside Johnny and the Asbury Dukes. La tournée inclut notamment une date à l'université de Durham, en Caroline du Nord, où le groupe joue pour la première fois l'intégralité de Born to Run au cours d'un seul et même concert. Face à l'incroyable demande dans cet état stratégique, une date supplémentaire est ajoutée la dernière minute, le 29 mars, à l'Ovens Auditorium de Charlotte. Organisé en seulement 5 jours avec une promotion limitée, cet événement attire malgré tout 2400 spectateurs et affiche quasiment complet. Après la Caroline du Nord, le groupe s'enfonce progressivement dans le Midwest américain. La première étape a lieu le 1er avril à l'Université d'Athènes dans l'Ohio. Un concert organisé à la dernière minute est annoncé seulement 3 jours plus tôt. En effet, une autre date initialement prévue le même jour à l'Université Butler d'Indianapolis a été annulée. des organisateurs ne parvenant pas à réunir les 5000 dollars nécessaires pour accueillir le chanteur. Ce concert à Athènes tourne à l'émeute. La vente chaotique de billets ne garantit pas de place assise et des centaines de spectateurs se pressent devant les portes, les faisant voler en éclats. En raison de la capacité limitée de la salle, c'est près de 1000 personnes qui doivent finalement rester à l'extérieur. Le groupe poursuit sa tournée en se rendant sur le campus universitaire du Michigan. le 4 avril avant de retourner dans l'Ohio pour un concert au théâtre de Columbus, suivi de deux dates mémorables à l'Allen Theater de Cleveland, un des bastions historiques du Street Band. La ferveur du public est telle que les billets pour ces deux soirées se vendent en moins de deux heures. Le 10 avril, Bruce répond favorablement à une requête de John Hammond et joue lors d'un événement caritatif au Collège UP de Wellington dans le Connecticut. Malgré une promotion minimale et un public plutôt guindé et peu réceptif, les fans locaux de Springsteen diffusent rapidement la nouvelle permettant au groupe de se produire devant certains de ses admirateurs les plus fidèles installés dans les premiers rangs. Deux jours plus tard, Bruce Springsteen et Louis Streetband jouent à Jonestown devant plus de 4000 spectateurs, tandis que d'autres fans commencent déjà à camper pour le concert du lendemain à University Park, à une centaine de kilomètres de là. Le 15 avril, à Pittsburgh, le groupe livre une performance enflammée à la Syrienne Mosquée. Alors que le public commence à partir après le spectacle, le groupe entame un rappel surprise et interprète une version indiablée de plus de 10 minutes de Twist and Shout. Juste au moment où le chanteur s'apprête à continuer, une femme chargée de la salle monte sur scène, tape sur l'épaule du chanteur et lui demande d'arrêter immédiatement. Jouant le jeu, Springsteen fait semblant d'être effrayé et quitte la scène avec ses musiciens, tandis que la femme reste seule sur les projecteurs, les mains sur les hanches. Cette note théâtrale et comique devient un élément récurrent des concerts du groupe. Le lendemain, à Midville, après un concert électrique, Springsteen est évacué sur un brancard, Clarence Clements ne parvenant pas à le ranimer avec son saxophone. Puis, comme ressuscité, il remonte soudain sur scène pour reprendre le Carter to Free de Gary U.S. Bones. Après le concert de Meadville, le groupe donne une dernière représentation à Rochester en l'état de New York avant de prendre la direction du sud des États-Unis. Si la première partie de la tournée a été marquée par des salles combles et une ambiance électrique, ce voyage dans le sud s'avère beaucoup plus difficile et démoralisant. Entre le 20 avril et le 13 mai 1976, du Texas au Tennessee, en passant par l'Alabama, l'Arkansas et le Mississippi, le groupe doit faire ses preuves chaque soir, souvent devant des salles à moitié vides, afin de se construire un nouveau public. Les conditions de vie sur la route restent difficiles, avec de longues heures passées dans le bus entre chaque étape. Les anecdotes ne manquent pas, comme ce soir à Chattanooga, où l'équipe oublie Max Greenberg dans la salle, ne s'en apercevant qu'une heure après le départ vers Nashville avant de faire demi-tour. Ce concert illustre d'ailleurs bien le manque d'intérêt local puisque l'affiche n'attire que 1000 spectateurs dans un Memorial Auditorium pouvant en accueillir 4 fois plus. Même constat à la Freedom Hall de Johnston City dans le Tennessee où 1000 personnes se réunissent dans une salle d'une capacité de 8000 places. Le 6 mai, à la Louisiana Air Ride de Chiffport, Bruce Springsteen et le E Street Band ne rassemblent que 200 spectateurs dans une salle pouvant en contenir 3200. Sur scène, malgré la faible affluence, le groupe ne baisse pas les bras et donne tout comme s'il jouait devant un stade plat à craquer. Le chanteur prend notamment l'habitude de rejoindre la foule et de s'installer au premier rang pour improviser de longs monologues durant Growing Up. Cependant, en coulisses, le moral est au plus bas. Ces trois semaines dans le sud sont éprouvantes et la frustration grandit au sein du groupe. À Little Rock, dans l'Arizona, seulement 600 personnes assistent au concert. Bruce est furieux et promet de ne jamais revenir. Promesse qu'il ne tiendra qu'à moitié puisqu'il reviendra 20 ans plus tard. Heureusement, certaines dates sont des campus universitaires comme celui de Bone le 24 avril. rassemble un public nombreux. Ce soir-là, le groupe teste un nouveau morceau, Frankie, qui deviendra l'une des chutes de studio les plus appréciées des fans de Springsteen. Cette chanson, classieuse et romantique, porte une ambiance épique comparable à des titres comme Backstreet, Jungle Lane ou Incident of 57th Street avec des solos flamboyants de saxophone et d'harmonica. Frankie est le premier morceau pressenti pour le quatrième album à être joué sur scène. Pourtant, il sera rapidement retiré des séquistes après une dizaine d'interprétations et restera inédit pendant plus de 20 ans avant d'être publié dans le coffret Trax en 1998. Bien que certaines représentations souffrent d'une faible affluence, d'autres s'inscrivent comme des moments historiques. Le 28 avril, le groupe donne un concert au très conservateur Grand Ole Opry de Nashville, la mecque de la musique country. C'est d'ailleurs la première fois qu'un groupe de rock y est programmé et plus de 3000 spectateurs font le déplacement. Le lendemain, au Ellis Auditorium de Memphis, les musiciens ont l'honneur d'avoir Eddie Floyd en invité sur Knock on Wood et Raise Your Hand, deux des plus grands standards du chanteur originaire de l'Alabama. La tournée du Sud se termine avec trois dates en Alabama ainsi qu'un dernier concert au Municipal Auditorium de la Nouvelle Orléans. où ils reprennent un autre standard de Gary West Bones, sobrement intitulé New Orleans. De retour sur la côte est, le groupe a encore deux engagements pour le moins singulier à honorer à la fin mai avant de clôturer cette tournée prétanière. Ils sont programmés par l'Académie de l'armée de terre américaine à West Point dans l'état de New York le 27 mai, et par la Navy le 28 à Annapolis dans le Maryland. Cette date marque à la fois la fin officielle de la tournée Bones to Run et le début d'un long cauchemar qui va durer près d'un an et mettra mal l'innocence du chanteur. En effet, malgré la tournée, la situation avec Mike Apple ne s'est pas arrangée, bien au contraire. Le contrat de 4 ans signé en 1972 liant Springsteen à Laurel Canyon arrive à expiration. Depuis l'arrivée de John Lando dans l'équation lors de la réalisation de Bantoran, Mike Apple se sent mis à l'écart. De ce fait, dès le début de la tournée Bantoran, il tente de renégocier le contrat au plus vite. Pour convaincre Springsteen, il lui promet une part plus importante des royalties versées par CBS à Laurel Canyon en novembre 1975, à condition qu'il accepte de prolonger le contrat. Une proposition ambiguë, proche du chantage, qui a pour effet de braquer le chanteur. Bloqué, Bruce Springsteen décide de solliciter John Lando, alors retenu à Los Angeles pour produire l'album The Pretender de Jackson Browne. Malgré un million d'albums vendus et une tournée nationale, il ne dispose que de 3000 dollars sur son compte en banque, tandis que Mike Apple vient d'encaisser une avance de 250 000 dollars sur les royalties de l'album. John Lando le dirige alors vers deux avocats, Mike Meyer ainsi que Mike Tannen, spécialistes des droits dans l'industrie musicale. Parallèlement, Bruce sollicite l'avis de Walter Gatnikoff, nouveau président de CBS, qui lui déclare sans détour qu'un artiste ayant vendu plus d'un million de disques devrait avoir, au minimum, un demi-million de dollars en poche. Pour en avoir le cœur net, Springsteen sollicite fin mai un audit complet de l'Orel Canyon. C'est Steve Tannenbaum qui est chargé de cette mission et ses conclusions confirment les soupçons de l'artiste. En examinant les bilans comptables des quatre dernières années, il découvre que Mike Apple encaisse directement les chèques de CBS sur ses comptes personnels. Il démontre également que Bruce Springsteen n'a perçu qu'un dixième des revenus qu'il a généré depuis la signature de son contrat. Peu après le début de l'audit, Laurel Canyon verse d'ailleurs au chanteur 63 000 dollars de royalties pour la première fois de sa carrière. Ce paiement contribue à apaiser temporairement les tensions, jusqu'à ce que le chanteur réalise qu'il n'est pas propriétaire de ses propres chansons, puisqu'elles appartiennent également à Laurel Canyon. Les soupçons de Bruce sont confirmés. Lui qui pensait que les contrats n'étaient qu'une formalité et que seule la confiance envers son manager comptait, voit cette croyance s'effondrer face à la réalité juridique. Un autre avocat indépendant confirmera plus tard que ces documents comportaient tous les pièges classiques de l'industrie musicale. Bien qu'il n'ait sans doute pas été rédigé directement par Mike Apple à l'époque, mais plutôt par son avocat Jules Kurtz, ils étaient parfaitement alignés avec les standards contractuels de l'époque. De retour à New York, Springsteen se rend chez Bob Spitz, l'ancien assistant de Mike Apple. Il lui confie ses états d'âme. Il se sent floué, son manager lui prend trop d'argent et s'est accaparé, sur le plan légal, la propriété de ses chansons. Après avoir pris conscience du caractère abusif des contrats qui le lient à Mike Apple, Bruce demande à le rencontrer dans un bar. Fidèle à ses habitudes, le manager tente de détendre l'atmosphère en évoquant leurs souvenirs communs, multipliant les discours en bras d'émotion autour de quelques vers. Bien que blessé, Bruce reste ouvert à une résolution à l'amiable. Il propose de repartir sur de nouvelles bases, en remplaçant les anciens contrats par des accords équitables et en obtenant un contrôle total sur ses chansons. Échaudé par cette expérience, il souhaite désormais fonder leur collaboration sur un engagement tacite, scellé par une simple poignée de main. A l'issue de leur rencontre, un compromis semble trouver. Mais au moment de conclure, Apple choisit de consulter son père, qui l'incite à faire volte-face, jugeant que les nouveaux accords ne sont pas justes pour son fils. Déçu par ce revirement, Bruce décide alors de passer à l'étape suivante. Le 27 juillet 1976, il engage une action en justice contre Mike Apple et Laurel Canyon, les accusant de fraude, d'abus de confiance et de malversation. Représenté par les avocats Mike Mayer et Mike Tannen, il réclame un dédommagement à hauteur de 1 million de dollars. En guise de réponse, Mike Apple mandate Leonard Marks, un ténor du barreau. Deux jours plus tard, le 29 juillet, ce dernier adresse une lettre interdisant à Springsteen de travailler en studio avec quiconque, hormis Mike Apple lui-même ou une personne qui l'aura explicitement désigné. Pour renfoncer de clous, Leonard Marks dépose une requête auprès de la Cour suprême de l'État de New York, le 9 août, afin de valider ses interdictions. Pour faire face à ses frais juridiques, Bruce Springsteen a besoin de liquidités. Il se tourne alors vers son agence de tournée, William Morris. mais son président, dit Stevens, lui refuse toute avance. Pari Bell, l'assistant de Sam McKiss, l'automanager de Springsteen au sein de l'agence depuis 1972, saisit l'opportunité. Il démissionne de son poste et emmène le chanteur chez Premier Talent, une agence spécialisée dans le rock fondée une dizaine d'années plus tôt par Frank Barcelona. Ce dernier accepte sans hésiter de verser une avance de 100 000 dollars à Bruce Springsteen, officialisant ainsi l'arrivée du chanteur dans son agence. Dans la foulée, Bruce congédie Sam McKiss et nomme Barry Bell comme son nouvel agent personnel. Cette décision provoque la colère de Mike Apple, puisque celui-ci envisageait de créer sa propre agence de tournée avec Barry Bell justement. Le 4 août, Bruce Springsteen met officiellement fin à sa collaboration avec Mike Apple en lui adressant une lettre de licenciement. Pourtant, ni l'un ni l'autre ne souhaitent réellement aller jusqu'au procès. Tout au long de l'été, les deux hommes tentent de parvenir à un accord à l'amiable. Même Adele Springsteen, la mère du chanteur, s'en mêle. Dans une tentative de conciliation, elle envoie à Mike Apple un livre sur les droits des affaires accompagné d'un mot bienveillant, espérant désamorcer le conflit. Malgré tout, la situation semble bloquée. Mike Apple, déterminé à rester dans l'entourage professionnel de Booth, utilise tous les moyens à sa disposition pour retarder ses projets et conserver une forme de contrôle. De son côté, le chanteur refuse catégoriquement de retravailler avec lui. Le dialogue s'essouffle et la rupture devient inévitable. La veille d'envoyer sa lettre de licenciement, Bruce Springsteen interprète pour la première fois The Promise une balade mélancolique et introspective lors d'une série de six concerts au Monmouth Art Center de Red Bank dans le New Jersey. Même si le chanteur n'a jamais admis que ce texte fasse directement référence à sa relation avec Mike Apple, l'analyse des paroles laisse peu de place au doute. Le morceau trouve ses racines dans l'univers singulier du Jersey Shore raconté à travers les yeux d'un pilote amateur. Sa voiture de course, la Challenger, est une allusion subtile à l'usine de planches de soeurs de Tinker West, lieu où Bruce a vécu et répété avec son groupe Stin Mill à la fin des années 60. Au fil des couplets, le chanteur évoque des lieux familiers, la route neuve, les usines locales et la fameuse Thunder Road. Dans cette chanson, les rêves de jeunesse semblent s'être dissipés. « Quand la promesse est rompue, tu continues à vivre, mais on t'a volé quelque chose au fond de ton âme » , chante-t-il. La promesse symbolise cet idéal d'intégrité auquel Bruce tenait tant. Avec ce titre, Son écriture amorce un tonant décisif, explorant des thèmes plus sombres, marqués par un ton fataliste et amer. Sur le plan musical, Roy Beaton signe une ligne mélodique lumineuse, sublimée par les claviers et le glockenspiel de Danny Federici. Malgré ses qualités évidentes, The Promise ne sera pas retenu pour le quatrième album de Springsteen, malgré de nombreuses versions enregistrées en studio. Elle restera l'une des plus belles chutes de studio de l'histoire du chanteur avant d'être finalement publiée en 2010 sur l'album du même nom dans une version revisitée et actualisée.

  • Speaker #1

    Charlie works in a factory, Derek works downtown Terry works in a rock'n'roll band And for that million dollars

  • Speaker #2

    Give me,

  • Speaker #1

    I'll do nothing but I just spend a lot of time alone. Some nights I go driving. And some nights I stay home. See, I follow that dream. Just like those guys do.

  • Speaker #0

    Le 17 août, Bruce Ponkstein se présente à une audience préliminaire. Peu habitué au langage juridique et au code strict du tribunal, il perd rapidement son calme, laissant éclater quelques éclats de colère. Il confie dans son autobiographie « Bound to Run » « Le premier jour de mes dépositions, sous la tutelle des deux Peters, je n'ai pas été très correct. J'ai répondu aux questions de manière brutale, mêlant théâtralité et colère sincère, presque violente. Ce n'était pas l'argent qui me mettait en rage, mais le fait de ne pas contrôler la musique que j'avais écrite. L'argent n'était que le carburant de ma fureur. Je me suis laissé emporter pendant plusieurs jours. J'ai crié, frappé sur la table, repoussé ma chaise, donné un coup de poing dans un meuble. J'aurais mérité un Oscar. » « Finalement, Léonard Marx, l'avocat de Mike, a demandé l'annulation de mes dépositions à cause de mon comportement. Nous avons dû prendre le métro pour nous rendre au tribunal, où le juge m'a poliment ordonné de me calmer. » Le contre-interrogatoire mené par Léonard Marx accentue la pression sur les épaules de Springsteen. L'avocat cherche à lui faire porter la responsabilité exclusive de ses difficultés financières, lui reprochant d'avoir refusé plusieurs opportunités en or à la fin 75 et au début 76, dont un album live, une tournée estivale ou encore une émission spéciale sur NBC. Bruce reste cependant inflexible. Il a mis un terme à sa collaboration avec Mike Apple parce que ce dernier l'a trahi et lui a menti. Le 15 septembre, le juge Arnold L. Fein confirme l'injonction empêchant Springsteen d'enregistrer en studio sans l'autorisation d'une personne désignée par Laurel Canyon, estimant que les accusations de fraude portées contre Mike Apple ne sont pas recevables en l'état. L'ex-manager parvient ainsi à boucler temporairement la progression naturelle de la carrière du chanteur Merci. et l'empêche tout simplement d'approcher un studio d'enregistrement tant qu'aucun accord ne sera trouvé entre les deux parties. Furieux de la tournure des choses, Springsteen licencie l'avocat Mike Mayer tandis que Mike Tennant devient son avocat exclusif. Ce dernier sait trouver les mots pour calmer le chanteur et l'encourage à se battre malgré un combat qui s'annonce long et incertain. Un an après la sortie de Born to Run, Booth est bloqué et disparaît progressivement des radars. Les ventes de l'album commencent à stagner et aucune sortie de single n'est prévue pour maintenir un semblant de visibilité médiatique. Cette inactivité discographique a tout du suicide artistique à une époque où les artistes sortent un album tous les ans, voire plusieurs fois par an. Maigre compensation, Alan Clark, ex-membre des Hollies, cartonne en Angleterre avec sa reprise de Bound to Run, tandis que la reprise électro de Blinded by the Light par Manfred Mann-Hersband est numéro 1 des deux côtés de l'Atlantique, bien que son auteur n'apprécie guère cette version. Sans perspective de dénouement imminent, Bruce Springsteen a d'autres choix que de partir en tournée à l'automne 1976 sans album à promouvoir. L'objectif est simple, continuer à payer ses musiciens et maintenir la dynamique du groupe sur scène. Conçue également dans la précipitation, cette tournée se concentre principalement sur le circuit universitaire où le groupe rencontre encore un franc succès et décroche de nombreux contrats. Le coup d'envoi est donné le 26 septembre au Memorial Coliseum de Phoenix en Arizona. Pour la première fois, Bruce joue en tête d'affiche dans une salle de 10 000 personnes et parvient à la remplir. Ce succès va marquer un tournant. Le chanteur va progressivement reconsidérer ses appréhensions à propos des grandes salles, notamment les contraintes liées à l'acoustique et la proximité avec le public. Sur scène, la formation étoffe son son. A Red Bank, en août, ils étaient déjà accompagnés par la section Q de Southside Johnny, alors malade et incapable de se produire sur scène. Pour cette tournée automnale, une nouvelle section de cuivre, renommée les Miami Horns, est constituée par Steven Van Zandt. John Binkley et Steve Parraxi sont à la trompette, Ed De Palma au saxophone et Dennis Orlok au trombone. Ils accompagneront Bruce et The Streetmen durant toute cette tournée qui s'attendra jusqu'en mars 1977. Ils offrent notamment une coloration soul bienvenue sur des titres comme Tent Avenue Freeze Out ou les reprises de Raise Your Hand ou You Can Sit Down. Tiff Paraski accompagne Bruce et Roy Beaton sur une version de travail de Something in the Night, le seul morceau présenté sur scène au cours de ces deux années de tournée qui figura finalement sur le quatrième album. Durant cette période, une demi-douzaine de nouveaux titres sont testés en concert, parmi lesquels The Promise ou Rendez-vous. Ce dernier, porté par l'énergie du live, reprend les codes du rock springsteenien. glockenspiel scintillant, guitare inspirée du mur du son de Phil Spector et une touche pop particulièrement séduisante. Après l'Arizona, le groupe met le cap sur la Californie pour une série de 5 concerts avant de reprendre progressivement la route vers la côte est. Là, ils enchaînent les dates sur les campus universitaires où les attend une base de fans fidèles et enthousiastes. Les cachets sont modestes, souvent négociés à la hâte et à prix réduit dans l'urgence de la tournée. Par exemple, le 3 octobre à Santa Clara, la salle affiche complet avec 5000 spectateurs pour un cachet relativement modeste de 7000 dollars. La tournée passe ensuite par l'Ohio, le New Jersey, la Virginie et l'état de Washington, avant de marquer une étape importante en Pennsylvanie, deux soirées au légendaire Spectrum de Philadelphie, où le groupe se produit devant 10 000 spectateurs à chaque représentation. C'est sur cette même scène que le chanteur a été hué au point de devoir quitter la scène le majeur Levé, trois ans plus tôt, en ouverture de Chicago. La tournée d'automne se conclut en apothéose par une série de six concerts au Panadium de New York, attirant plus de 10 000 spectateurs au cours de la semaine. Une fois encore, Delic New Yorkais se presse pour voir l'artiste du moment. Depuis sa résidence mythique au Bottom Line et dans Pluto, Springsteen a fait évoluer son apparence. Barbe rasée, cheveux coupés courts, une silhouette plus sobre, mais un charisme toujours intact. Sur scène, les invités prestigieux se succèdent. Le 29 octobre, Gary West Bones rejoint le groupe pour un Carter Tofui endiablé. Bruce l'avait rencontré quelques jours plus tôt, alors que ce dernier se produisait devant une poignée de spectateurs au Fat City, un club new-yorkais dans lequel le jeune Springsteen avait lui-même joué à ses débuts. Touché par la situation, il demande à rencontrer l'un de ses héros d'enfance après le concert. De cette soirée naîtra une amitié durable, qui mènera quelques années plus tard à la résurrection médiatique de Gary U.S. Bonds avec Dedication, un album écrit et produit par Springsteen et Van Zandt, qui le ramènera dans le top 10 des charts américains en 1980. Le troisième soir, c'est Patti Smith qui monte sur scène pour une version inédite de Rosalita. En retour, Bruce Springsteen viendra l'accompagner à la guitare et au piano sur la scène du Bottom Line, lorsqu'elle s'y produira avec John Cade quelques semaines plus tard. Le 4 novembre, pour la dernière date au Palladium, le groupe livre une interprétation magistrale de It's My Life des Animals, mais c'est bien l'apparition surprise de Ronnie Spector qui fait chavirer la salle durant les rappels. Icone des années 60 et idole de Bruce et de Van Zandt, elle rejoint le groupe pour trois titres de Ronettes, dont un Be My Baby survolté. Max Weinberg y recrée à merveille l'esprit du Wall of Sound avec une batterie au son ample et réverbéré, rendant un hommage vibrant à l'âge d'or de la pop qui a rythmé l'adolescence des musiciens du E Street Band.

  • Speaker #1

    Merci.

  • Speaker #0

    Après six semaines de tournées intenses, Bruce va rester quelque temps à New York. Deux jours après la dernière au Palladium, il est invité par Richard Neer sur WNU-FM où il prend les commandes de la programmation musicale le temps d'une émission spéciale. Jouant le jeu, il en profite pour faire passer plusieurs titres du nouvel album de Jackson Browne, The Pretender, produit par son ami et producteur John Lando. Interrogé à l'antenne, il évoque brièvement son nouveau look, son visage rasé de près et ses cheveux courts, mais évite soigneusement tout commentaire sur son différent juridique avec Mike Apple. Cette parenthèse radiophonique renfermée, il rejoint Steven Van Zandt en studio pour travailler sur leur deuxième album de Southside Juni, This Time Is For Real. Il coécrit notamment deux morceaux marquants, Love on the Wrong Side of Town et When You Dance. De leur côté, les membres du E-Street Band ne sont pas soumis aux mêmes interdictions que le chanteur et s'investissent dans différents projets. Mike Zinberg et Roy Beaton participent ainsi à l'enregistrement de Battle of Hell, le premier album de Meatloaf. Relativement confidentiel en Europe, ce disque rencontre un succès immense aux États-Unis, au point de devenir l'un des dix albums les plus vendus de tous les temps. Composé par Jim Steinman, grand admirateur de Springsteen, l'album s'inscrit dans la droite lignée musicale de Born to Run et devient l'hymne d'une génération d'adolescents. Roy Bittan, particulièrement sollicité à cette période, prête également son talent au clavier pour Station to Station de David Bowie et collaborera à nouveau avec lui quelques années plus tard sur Scary Monster. De son côté, Clarence Clemons fait ses premiers pas au cinéma sous la direction de Martin Scorsese, incarnant un jazzman dans New York, New York. Malgré leurs divers engagements parallèles, les membres du Streetband traversent une période de grande précarité. La maison que Bruce Springsteen loua à Holmdel, dans le New Jersey, s'est transformée en quartier général improvisé. Tandis que le groupe répète dans le salon, les chambres à l'étage servent de bureau pour gérer les affaires courantes. Le conflit juridique avec Mike Apple a plongé Bruce et son entourage dans une grande instabilité financière. Afin de pouvoir payer ses musiciens et son équipe technique, Bruce n'a d'autre choix que d'accepter des concerts dans de grandes salons de l'esport, loin de l'ambiance intimiste qu'il privilégiait jusqu'alors. Les cachets sont encore faibles, irréguliers et les salaires se résument bien souvent à des promesses de paiement. Cela fait désormais près de 5 ans que le groupe mange de la vache enragée. Et pourtant, en public, personne ne laisse rien paraître. Tous semblent concentrés sur leur mission, mue par une foi commune dans la musique et l'avenir du groupe. Mais en privé, l'attention est palpable. Selon Steven Van Zandt, après une répétition où Bruce est parti avant les autres, les musiciens ont commencé à évoquer, pour la première fois, la possibilité de tout arrêter et de partir chacun de leur côté. Fidèle parmi les fidèles, Steven Van Zandt prend alors l'initiative d'Alerte Steve Popovich, ancien cadre de Columbia et aujourd'hui en poste chez Epic Records, une autre filiale de CBS. Popovich, fan de Springsteen de la première heure, prend rapidement conscience de la gravité de la situation. Justement, ce dernier recherche un groupe de rock pour accompagner Ronnie Spector, l'ancienne chanteuse des Ronettes, récemment signée chez Epic. Ronnie tente de relancer sa carrière après avoir échappé à l'emprise de son mari, fils Vector, qui l'a littéralement cloîtré pendant des années dans son manoir de Los Angeles. Billy Joel lui a déjà offert une chanson, Say Goodbye to Hollywood, pressentie comme le single phare de son premier album solo. Il ne manque plus qu'un groupe capable de lui offrir un écran sonore digne de ce nom, et le E-Street Band a toutes les qualités requises pour réaliser cette mission. En janvier 1977, Ronny Spector entre donc au studio CBS de New York entouré du E-Street Band. A la production, on retrouve Steven Van Zandt. A la fin du mois, Bo Springsteen les rejoint discrètement pour poser une partie de guitare acoustique sur le morceau même s'il n'est pas crédité en raison de son litige avec Mike Apple. Le single « Say Good-Bye to Hollywood » sort en avril 1977. Hélas, il passe inaperçu et le projet d'album est rapidement abandonné. Néanmoins, cette parenthèse aura permis de mettre un peu de beurre dans les épinards des musiciens en attendant la suite des événements. En février 1977, le conflit entre Apple et Springsteen n'est toujours pas réglé. Pour les mêmes raisons financières qu'à l'automne précédent, Bruce et son groupe repartent sur les routes américaines pour une tournée de 7 semaines, composée de 33 dates réparties dans 15 états différents, principalement dans le Midwest, ainsi qu'au Canada, en Floride et sur la côte est américaine. La deuxième partie de la tournée du procès débute donc le 7 février au Palace Theater d'Albanie, dans l'état de New York, où le groupe présente pour la première fois Action in the Streets, une composition encore en rodage, mise en avant par le travail des Miami Owls.

  • Speaker #2

    Psst !

  • Speaker #1

    C'est une vieille ombre ! 1,

  • Speaker #2

    2, 3, 4, 5, 6, 7, 8, 9,

  • Speaker #0

    tout comme ceux de l'automne 1976, restent relativement courts et dépassent rarement les deux heures. C'est toutefois lors des dates canadiennes que Springsteen introduit une nouvelle habitude, une pause de 20 minutes scindant le spectacle en deux actes distincts. Ce format, inédit jusqu'à là, deviendra sa signature scénique et perdurera jusqu'à la fin de la tournée Born in the USA en 1985. Chaque soir, le groupe n'interprète qu'une quinzaine de titres, dont la quasi-intégralité de Born to Run. À Richfield, dans le Ohio, le 17 février, Ronnie Spector rejoint de nouveau les musiciens, aux côtés de Flo et Eddie, un duo comique. Ils interprètent ensemble trois classiques des Ronettes, Baby I Love You, Walking in the Rain et Be My Baby, ainsi que le single de Ronnie Spector enregistré avec les Street Band, Say Goodbye to Pretty Good. Bien que les concerts aient désormais lieu dans les salles plus vastes, le groupe peine parfois à remplir les gradins. À Ottawa, seul mi-spectateur se déplace au Civic Center, pourtant conçu pour en accueillir 6000. Même constat à Cincinnati, où la salle reste deux tiers vide malgré la présence de cinq... 20 000 spectateurs. C'est de nouveau sur le circuit des universités que le succès est le plus éclatant. A Providence, les 3400 tickets s'écoulent en un temps record, tout comme à Puskipsi, Bighampton, New Haven ou Lewinston. A Toledo, le 10 mars, Springsteen présente une nouvelle composition inédite, Don't Look Back, qui malgré ses qualités indéniables et sa rage, ne sera pas conservée pour le quatrième album. Elle est interprétée à un stade encore embryonnaire et les paroles subiront de nombreuses modifications au cours des concerts à venir. La tournée se termine en fanfare par quatre représentations au Music Hall de Boston devant un public de fidèles survoltés. Ses performances sont devenues légendaires tant pour l'ambiance électrique qui y régnait que pour les performances d'une intensité inouïe livrée par Bruce Springsteen et Louis Street Band. Cet engouement autour de la tournée traduit également un tournant dans les négociations entre Bruce Springsteen et Mike Apple. Après de longs mois d'impasse, les choses s'accélèrent brusquement au début du mois d'avril. Les deux parties ne souhaitant pas aller jusqu'au procès, elles finissent par consentir à un accord. Début mai. un compromis est sur le point d'être signé. Pour fêter cela, Bruce Springsteen rejoint Steven Van Zandt à Red Bank les 12 et 13 mai. South Side Johnny, initialement prévu pour ses deux concerts, est souffrant. Sans hésiter, ses amis prennent le relais et montent un groupe improvisé, The Ashbury Park All-Star Review, mêlant musiciens des Ashbury Jukes de South Side Johnny, du E Street Band, ainsi que de Ronnie Spector. Steven Van Zandt assure le champ principal tout au long des deux soirées, tandis que Bruce, plus en retrait, se charge de la guitare et des chœurs. Il prend néanmoins le micro pour deux moments forts, The Fever et Thunderworld. Il partage également le micro avec Van Zandt sur Having a Party, Avant de conclure en duo avec Ronny Spector sur You Mean So Much To Me, le 28 mai 1977, les avocats de Bruce Springsteen et de Mike Apple trouvent enfin un accord. Pour que le chanteur soit pleinement libéré de tous les liens contractuels qu'il initiait à son ancien manager, Mike Apple recevra 800 000 dollars versés par CBS, ainsi que 50% des droits d'édition sur les 27 chansons déjà publiées chez L'Oréal Canyon. Une somme conséquente, mais le prix nécessaire pour que Springsteen reprenne le contrôle total de sa musique et de son avenir. Cette clause d'édition expirera en 1983, lorsque Mike Apple cèdera définitivement le catalogue de Sioux Music pour 200 000 dollars, quelques mois avant que Springsteen n'explose mondialement avec Born in the USA. Pour célébrer cette victoire, Bruce et Steven Van Zandt prennent la route de Philadelphie pour assister à l'un des derniers concerts d'Elvis Presley. C'est la première fois que Van Zandt voit le King sur scène. Bruce, lui, l'a déjà vu en juin 1972, aux côtés de Mike Apple au Madison Square Garden, alors que Presley était encore flamboyant. Mais en ce mois de mai 77, le contraste est saisissant. Boursouflé, rongé par ses addictions, Elvis n'est plus que l'ombre de lui-même. Sa prestation est si laborieuse que Bruce et Steven ne prononcent pas un mot lors du trajet retour, profondément secoué par ce qu'ils viennent de voir. Quelques mois plus tôt, après un concert à Memphis, ils avaient tous deux tenté de pénétrer dans sa propriété de Graceland, escalade dans les murs pour approcher leur idole avant d'être arrêté par la sécurité. Springsteen rejettera la responsabilité de cette lente descente aux enfers sur le colonel Parker, qu'il accusera d'avoir épuisé son artiste malgré des signes d'épuisement flagrants. Il ira même jusqu'à établir un parallèle avec sa propre carrière, affirmant avoir su rompre à temps avec Mike Apple avant de connaître le même sort. De retour chez lui, Bruce Springsteen compose le morceau Fire pour Elvis Presley. Nous ne saurons jamais si celui-ci a pu l'écouter puisqu'il décèdera moins de trois mois plus tard, à l'âge de 42 ans. Ce sont finalement les Pointer Sisters qui en feront un tube au début de l'année 1978.

  • Speaker #2

    Le 30 mai,

  • Speaker #0

    Bruce retourne à New York pour signer officiellement l'accord juridique qui scelle la fin de sa relation professionnelle avec Mike Apple. Deux jours plus tard, il entre dans les studios d'Athlantic Records à New York pour entamer les premières sessions de son quatrième album tant attendu. Par ce procès, la première phase de la carrière de Springsteen s'achève. Tous les acteurs majeurs de ses débuts chez CBS ne font plus partie de l'équation. Mike Apple est évincé, Sam McKiss également, tandis que Clive Davis et John Hammond sont désormais à la retraite. Grâce à son nouvel avocat Mike Tennant, Bruce Springsteen signe directement avec CBS via un contrat négocié avec Walter Yetnikoff, président du label, qui lui garantit des royalties inédites d'un dollar par album vendu. Au terme d'une année éprouvante, le chanteur a finalement reconquis Dans la douleur, la pleine possession de son œuvre est de son destin artistique. C'est ainsi que se termine ce huitième épisode de Badlands. Vous retrouverez comme d'habitude l'application Spotify et les sources utilisées pour écrire ce podcast en description. N'hésitez pas à partager ce contenu et à réagir sur la page Facebook de l'émission. C'était Julien et je vous dis à très vite pour un épisode consacré à l'album Darkness on the edge of town.

Description

Pour ce septième épisode, on revient sur la procédure judiciaire entreprise entre Bruce Springsteen et Jon Landau, ainsi que les différentes tournées (Chicken Scratch et Lawsuit) de 1976-1977.


Retrouvez la playlist Spotify pour accompagner ce sixième épisode : https://open.spotify.com/playlist/34d5rvZBn9fcinSoPda8Hc?si=4f4770a39ea9476e


Les sources utilisées pour ce podcast :

  • Bruce Springsteen, Born To Run, Éditions Albin Michel (2016)

  • Marc Dufaud, Bruce Springsteen : une vie américaine, Éditions Camion Blanc (2010)

  • Peter Ames Carlin, Bruce, Éditions Sonatine (2013)

  • Hughes Barrière, Bruce Frederick Springsteen, Éditions Castor Astral (2013)

  • Clinton Heylin, E Street Shuffle: The Glory Days of Bruce Springsteen and the E Street Band, Éditions Viking Adult (2013)


Hébergé par Ausha. Visitez ausha.co/politique-de-confidentialite pour plus d'informations.

Transcription

  • Speaker #0

    Bonjour à toutes et à tous et bienvenue dans ce nouvel épisode de Badlands. Avec Band to Run, Bruce Springsteen est devenu une vedette dans son pays natal. Après avoir passé l'année 1975 en studio et sur la route, le groupe s'octroie quelques mois de repos. Ils ne le savent pas encore, mais de nombreux litiges avec le manager de Booth, Mike Apple, va les contraindre à ajuster leur projet pour les 18 mois à venir. Vous êtes dans Badlands et je vous souhaite une excellente écoute. Lorsque l'année 1975 se termine en fanfare avec une date au Tower Theatre de Philadelphie, Bruce Springsteen est devenu la nouvelle coqueluche des médias américains et une véritable star du rock dans son pays natal. Born to Run a fait de lui la nouvelle sensation musicale à tel point qu'il a obtenu simultanément la première émission de la série. première page du Times et Newsweek, une première pour un chanteur de rock. De partout, la presse encense son dernier album et ses performances scéniques. Le magazine anglais Sounds l'élit révélation de l'année 1975, tandis que le Rolling Stone le déclare artiste de l'année. La popularité du chanteur est telle qu'il est interviewé dans des médias dépassant le cadre musical, notamment le magazine Playboy en mars 1976. Malgré la Springsteenmania qui déferle sur les États-Unis, Bruce Springsteen reste distant face à la célébrité. L'attention médiatique et l'adulation du public le mettent mal à l'aise. Il ne cherche ni les projecteurs ni les mondanités. Très loin des clichés du star system, il fuit les lieux branchés, décline la majorité des invitations à des after-shows ou émissions et choisit le plus souvent de rentrer chez lui après les concerts. Lorsqu'il quitte la scène, il redevient presque anonyme, arpentant les rues, solitaire ou attablé dans un fast-food, à milieu de l'image flamboyante qu'on projette sur lui. Sentimentalement, Bruce Springsteen mène une vie paisible et discrète. Il partage un bungalow à Long Branch avec Karen Darvin, rencontrée peu de temps auparavant. Située non loin de la plage, cette ville, tout comme Ashbury Park, a vu sa population décliner au fil des années, n'attirant plus que quelques artistes et marginaux grâce à des loyers particulièrement attractifs. Springsteen mène une existence presque spartiate. Son intérieur se résume à un canapé, une télévision, un piano, quelques guitares, sa précieuse collection de disques et une Chevrolet de 1957. Il ne gagne pas plus de 25 000 dollars par an, une somme modeste pour un artiste devenu l'un des visages du rock américain. Loin des villas de Beverly Hills ou des excès de la rockstar caricaturale, il mène une vie simple. Toutefois, il désire trouver un lieu plus adapté à ses besoins, à la fois un refuge paisible pour sa vie quotidienne et un espace suffisamment vaste. pour accueillir les répétitions du E Street Band. Rick Seguso, son directeur de tournée, lui dégote le logement parfait, une grande propriété située à Holmdale dans le New Jersey. Cet ancien poste de cavalerie offre un cadre à la fois isolé et spacieux. Séduit par les lieux, Springsteen se laisse rapidement convaincre et signe le bail, même s'il doit faire appel à Seguso pour l'aider à financer les premiers mois de location. Tandis que la plupart des musiciens du groupe profitent de ce repos bien mérité après ses neuf mois particulièrement chargés, Steven Von Zahn s'investit quant à lui dans la production et l'enregistrement du premier album de Southside Journey and the Asbury Dukes. Le guitariste a quitté la formation pour rejoindre E Street Band 6 mois plus tôt, mais n'oublie cependant pas ce groupe qu'il manage encore. Ils entrent au record plant en janvier et y resteront près de 3 mois. Bruce Springsteen apparaît dans les crédits de l'album. En tant que coproducteur et arrangeur pour deux titres qu'il cède à Southside Johnny, You Mean So Much To Me et The Fever, sur laquelle Clarence Clements effectue les chœurs. La chanson avait rencontré un succès certain sur les stations de radio qui avaient obtenu la bande démo transmise quelques mois plus tôt par Mike Apple. Pourtant, Bruce ne se l'approprie toujours pas. Il ne la joue presque jamais en concert et semble mal à l'aise avec ce morceau qu'il juge trop éloigné de sa vision artistique. Plutôt que de la revendiquer, il choisit de l'offrir à son ami et ancien partenaire Southside Uni, qui en fera l'un des titres les plus emblématiques de son répertoire. Ce break salvateur après une année épuisante ne suffit pourtant pas à désamorcer des tensions croissantes entre Bruce Springsteen et son manager, Mike Apple. Lié par une série de contrats signés au début de l'année 1972, les deux hommes entrent désormais dans les derniers mois de leur collaboration formelle. Depuis la tournée européenne, quelque chose s'est fissuré. Springsteen commence à suspecter que les accords initiaux, signés alors qu'il n'était qu'un illustre inconnu, ne jouent plus en sa faveur. Maintenant que le succès est au rendez-vous et que l'argent commence à rentrer, il réalise qu'il n'a aucun contrôle sur ses revenus. Tout transite par Mike Apple qui garde la mamie sur ses finances. Pire encore, profitant de l'absence de John Lando pendant le voyage en Europe, le manager a tenté de lui faire signer de nouveaux documents, soi-disant plus avantageux, pour prolonger leur collaboration. Méfiant, Bruce refuse de s'engager sans comprendre précisément les termes du contrat. Il sait que la situation a radicalement changé depuis 1972. Il n'est plus un artiste sans public, mais une star à l'échelle nationale. Il exige donc des conditions justes, transparentes et conformes aux pratiques du milieu. Souhaitant comprendre les contrats qu'il a signés quatre ans plus tôt, il demande à consulter un avocat. Ce dernier, choisi par Mike Apple lui-même, reste évasif. Ce flou volontaire ne fait qu'alimenter les inquiétudes de Springsteen. Il commence à mesurer l'ampleur de son absence de contrôle sur ses finances et comprend que sa situation précaire malgré le succès s'explique en grande partie par la nature de ses contrats qui centralisent tous les revenus entre les mains de son manager. Petit à petit, le chanteur se sent mis à l'écart de son propre destin artistique et économique, comme exclu d'un système qu'il a pourtant contribué à faire éclore. Outre les tensions liées au contrat, Bruce Springsteen et Mike Apple s'opposent de plus en plus sur la direction à donner à la carrière du chanteur après le succès de Band to Run. Tandis que Springsteen renforce sa relation avec John Lando, qu'il a déjà sollicité pour coproduire son prochain album, Mike Apple tente de garder le contrôle. Conscient de l'élan médiatique autour de l'artiste, il multiplie les propositions ambitieuses. Une émission télévisée en prime time sur NBC, dans l'esprit du célèbre show consacré à Elvis Presley en 1968, ou encore un concert en clôture des Jeux Olympiques de Montréal. Springsteen, fidèle à ses principes et mal à l'aise sous les projecteurs, refuse systématiquement. Le show télévisé sera finalement confié à Bob Dylan et l'apparition olympique tombe à l'eau. Le fossé se creuse davantage lorsqu'Apple propose une tournée estivale sous un chapiteau itinérant sur les campus universitaires américains. Le projet est d'ailleurs bien avancé, mais Apple a déjà pensé à certains aspects logistiques comme l'étanchéité de la structure, la présence de gradins ou l'alimentation de la chaufferie. Pour autant, Bruce rejette aussi cette proposition sans ménagement. tout comme une offre d'un million de dollars pour un concert de clôture dans un festival au JFK Stadium de Philadelphie, réunissant que les groupes du New Jersey prévus pour le jour de la fête nationale, le 4 juillet. Pour lui, ces idées spectaculaires s'éloignent de sa vision artistique. Même la sortie d'un album live, pourtant vivement souhaité par Mike Apple, est refusée sans appel par Springsteen, qui juge cette initiative prématurée après seulement trois albums studio. Pourtant, les enregistrements professionnels de cette période, tels que ceux de Tom Roto au Greenvale, révèlent la puissance scénique du groupe. Cette série de désaccords confirme l'impasse grandissante entre le chanteur et le manager. Furieux face à cette série de refus, Mike Apple commence à douter de la bonne foi de son client. De son côté, le chanteur est désormais persuadé que son manager le spolie d'une manière ou d'une autre. Le climat de confiance entre les deux hommes se délite et la relation s'envenime peu à peu. Après trois mois de pause loin de la scène, le E Street Band reprend la route pour la seconde partie de la tournée Band to Run. Avant cela, ils donnent une répétition générale le 21 mars au Stone Pony d'Ashbury Park devant 300 invités triés sur le volet. C'est à cette occasion qu'ils jouent pour la première fois la reprise de Raise Your Hand d'Eddie Floyd, un titre appelé à devenir l'un des temps forts de leurs futures prestations scéniques. La tournée reprend officiellement le 25 mars au Township Auditorium de Columbia en Caroline du Sud. Très vite, musiciens et techniciens leur rebaptisent officiellement le Chicken Scratch Tour littéralement la tournée des fonds de tiroirs, référence aux nombreuses dates prévues dans les marchés secondaires notamment dans les états du sud où Bruce Springsteen et Louis Streetbend restent encore relativement méconnus. La tournée est d'ailleurs bricolée à la va-vite dans un climat de tension et n'aura pas le même retentissement que celle de l'année précédente. La setlist de cette nouvelle série de concerts reste proche de la fin de l'année 1975 avec Night en ouverture suivie de Tenth Avenue Freeze Out. Mais l'un des moments les plus marquants de cette période est l'interprétation de It's My Life, une reprise des Animals. Au fil des interprétations, ce morceau devient bien plus qu'un simple hommage. Il sert de tremplin à Springsteen pour évoquer, en introduction, des souvenirs personnels poignants liés à son adolescence et sa relation conflictuelle avec son père. Ce thème de l'enfance difficile, abordé ici pour la première fois de manière aussi frontale, deviendra l'un des fils rouges de son œuvre au cours de la décennie à venir.

  • Speaker #1

    Je vis dans cette maison de deux familles. Un soir, mon père utilisait la porte de la porte. Donc, moi et ma soeur, on venait dans la cuisine. Et on s'est assis dans la cuisine toute la nuit, avec des lumières, des cigarettes, des beaux beaux. Ma mère s'est assise dans la porte et a regardé la télé. On est venu à 10 ou 11. Et à midi, ce n'était pas trop mal. Si tu es arrivé en round 2 ou 3 Il m'a toujours arrêté quand je me suis mis dans la cuisine et qu'il m'a parlé. Il m'a parlé de ce que j'étais en train de faire à l'école, de faire un bon travail. C'est très bientôt que nous serons en train de se battre et de se crier. Ma mère serait en train de se faire courir de la pièce de front. Elle essayait de nous garder en combat avec l'autre et moi, j'ai fini par rentrer à l'extérieur de la maison. J'ai marché à l'entrée de la porte pour lui dire que c'était ma vie.

  • Speaker #0

    Sur scène, le chanteur entame d'abord le premier couplet avec retenue, presque en murmure, comme si chaque mot portait le poids de son passé. Peu à peu, la tension monte, un crescendo implacable conduit jusqu'au refrain où tout explose. Soutenu par les cœurs de ses musiciens, il libère une colère brute, nourrie par la blessure de l'enfance, les errances de l'adolescence et désormais la trahison d'un manager en qui il ne croit plus. Devant un public stupéfait, il offre un récit d'une sincérité bouleversante. Ce qui n'était à l'origine qu'un simple hymne à la rébellion adolescente se transforme en un véritable manifeste intime. Le chanteur s'est libéré des entraves paternelles, de cette voix qui lui répétait qu'il n'irait jamais bien loin. Il a prouvé le contraire. Aujourd'hui, il lutte pour préserver ce qu'il a construit, menacé par les manœuvres d'un homme qu'il ne reconnaît plus. Le 27 mars, Bruce Springsteen et Steven Van Zandt sont invités par le disque jockey Cat Simon dans les studios d'Atlanta, où ils accordent une interview et prennent en charge la programmation musicale. Ils en profitent notamment pour diffuser des extraits du premier album à venir de Southside Johnny and the Asbury Dukes. La tournée inclut notamment une date à l'université de Durham, en Caroline du Nord, où le groupe joue pour la première fois l'intégralité de Born to Run au cours d'un seul et même concert. Face à l'incroyable demande dans cet état stratégique, une date supplémentaire est ajoutée la dernière minute, le 29 mars, à l'Ovens Auditorium de Charlotte. Organisé en seulement 5 jours avec une promotion limitée, cet événement attire malgré tout 2400 spectateurs et affiche quasiment complet. Après la Caroline du Nord, le groupe s'enfonce progressivement dans le Midwest américain. La première étape a lieu le 1er avril à l'Université d'Athènes dans l'Ohio. Un concert organisé à la dernière minute est annoncé seulement 3 jours plus tôt. En effet, une autre date initialement prévue le même jour à l'Université Butler d'Indianapolis a été annulée. des organisateurs ne parvenant pas à réunir les 5000 dollars nécessaires pour accueillir le chanteur. Ce concert à Athènes tourne à l'émeute. La vente chaotique de billets ne garantit pas de place assise et des centaines de spectateurs se pressent devant les portes, les faisant voler en éclats. En raison de la capacité limitée de la salle, c'est près de 1000 personnes qui doivent finalement rester à l'extérieur. Le groupe poursuit sa tournée en se rendant sur le campus universitaire du Michigan. le 4 avril avant de retourner dans l'Ohio pour un concert au théâtre de Columbus, suivi de deux dates mémorables à l'Allen Theater de Cleveland, un des bastions historiques du Street Band. La ferveur du public est telle que les billets pour ces deux soirées se vendent en moins de deux heures. Le 10 avril, Bruce répond favorablement à une requête de John Hammond et joue lors d'un événement caritatif au Collège UP de Wellington dans le Connecticut. Malgré une promotion minimale et un public plutôt guindé et peu réceptif, les fans locaux de Springsteen diffusent rapidement la nouvelle permettant au groupe de se produire devant certains de ses admirateurs les plus fidèles installés dans les premiers rangs. Deux jours plus tard, Bruce Springsteen et Louis Streetband jouent à Jonestown devant plus de 4000 spectateurs, tandis que d'autres fans commencent déjà à camper pour le concert du lendemain à University Park, à une centaine de kilomètres de là. Le 15 avril, à Pittsburgh, le groupe livre une performance enflammée à la Syrienne Mosquée. Alors que le public commence à partir après le spectacle, le groupe entame un rappel surprise et interprète une version indiablée de plus de 10 minutes de Twist and Shout. Juste au moment où le chanteur s'apprête à continuer, une femme chargée de la salle monte sur scène, tape sur l'épaule du chanteur et lui demande d'arrêter immédiatement. Jouant le jeu, Springsteen fait semblant d'être effrayé et quitte la scène avec ses musiciens, tandis que la femme reste seule sur les projecteurs, les mains sur les hanches. Cette note théâtrale et comique devient un élément récurrent des concerts du groupe. Le lendemain, à Midville, après un concert électrique, Springsteen est évacué sur un brancard, Clarence Clements ne parvenant pas à le ranimer avec son saxophone. Puis, comme ressuscité, il remonte soudain sur scène pour reprendre le Carter to Free de Gary U.S. Bones. Après le concert de Meadville, le groupe donne une dernière représentation à Rochester en l'état de New York avant de prendre la direction du sud des États-Unis. Si la première partie de la tournée a été marquée par des salles combles et une ambiance électrique, ce voyage dans le sud s'avère beaucoup plus difficile et démoralisant. Entre le 20 avril et le 13 mai 1976, du Texas au Tennessee, en passant par l'Alabama, l'Arkansas et le Mississippi, le groupe doit faire ses preuves chaque soir, souvent devant des salles à moitié vides, afin de se construire un nouveau public. Les conditions de vie sur la route restent difficiles, avec de longues heures passées dans le bus entre chaque étape. Les anecdotes ne manquent pas, comme ce soir à Chattanooga, où l'équipe oublie Max Greenberg dans la salle, ne s'en apercevant qu'une heure après le départ vers Nashville avant de faire demi-tour. Ce concert illustre d'ailleurs bien le manque d'intérêt local puisque l'affiche n'attire que 1000 spectateurs dans un Memorial Auditorium pouvant en accueillir 4 fois plus. Même constat à la Freedom Hall de Johnston City dans le Tennessee où 1000 personnes se réunissent dans une salle d'une capacité de 8000 places. Le 6 mai, à la Louisiana Air Ride de Chiffport, Bruce Springsteen et le E Street Band ne rassemblent que 200 spectateurs dans une salle pouvant en contenir 3200. Sur scène, malgré la faible affluence, le groupe ne baisse pas les bras et donne tout comme s'il jouait devant un stade plat à craquer. Le chanteur prend notamment l'habitude de rejoindre la foule et de s'installer au premier rang pour improviser de longs monologues durant Growing Up. Cependant, en coulisses, le moral est au plus bas. Ces trois semaines dans le sud sont éprouvantes et la frustration grandit au sein du groupe. À Little Rock, dans l'Arizona, seulement 600 personnes assistent au concert. Bruce est furieux et promet de ne jamais revenir. Promesse qu'il ne tiendra qu'à moitié puisqu'il reviendra 20 ans plus tard. Heureusement, certaines dates sont des campus universitaires comme celui de Bone le 24 avril. rassemble un public nombreux. Ce soir-là, le groupe teste un nouveau morceau, Frankie, qui deviendra l'une des chutes de studio les plus appréciées des fans de Springsteen. Cette chanson, classieuse et romantique, porte une ambiance épique comparable à des titres comme Backstreet, Jungle Lane ou Incident of 57th Street avec des solos flamboyants de saxophone et d'harmonica. Frankie est le premier morceau pressenti pour le quatrième album à être joué sur scène. Pourtant, il sera rapidement retiré des séquistes après une dizaine d'interprétations et restera inédit pendant plus de 20 ans avant d'être publié dans le coffret Trax en 1998. Bien que certaines représentations souffrent d'une faible affluence, d'autres s'inscrivent comme des moments historiques. Le 28 avril, le groupe donne un concert au très conservateur Grand Ole Opry de Nashville, la mecque de la musique country. C'est d'ailleurs la première fois qu'un groupe de rock y est programmé et plus de 3000 spectateurs font le déplacement. Le lendemain, au Ellis Auditorium de Memphis, les musiciens ont l'honneur d'avoir Eddie Floyd en invité sur Knock on Wood et Raise Your Hand, deux des plus grands standards du chanteur originaire de l'Alabama. La tournée du Sud se termine avec trois dates en Alabama ainsi qu'un dernier concert au Municipal Auditorium de la Nouvelle Orléans. où ils reprennent un autre standard de Gary West Bones, sobrement intitulé New Orleans. De retour sur la côte est, le groupe a encore deux engagements pour le moins singulier à honorer à la fin mai avant de clôturer cette tournée prétanière. Ils sont programmés par l'Académie de l'armée de terre américaine à West Point dans l'état de New York le 27 mai, et par la Navy le 28 à Annapolis dans le Maryland. Cette date marque à la fois la fin officielle de la tournée Bones to Run et le début d'un long cauchemar qui va durer près d'un an et mettra mal l'innocence du chanteur. En effet, malgré la tournée, la situation avec Mike Apple ne s'est pas arrangée, bien au contraire. Le contrat de 4 ans signé en 1972 liant Springsteen à Laurel Canyon arrive à expiration. Depuis l'arrivée de John Lando dans l'équation lors de la réalisation de Bantoran, Mike Apple se sent mis à l'écart. De ce fait, dès le début de la tournée Bantoran, il tente de renégocier le contrat au plus vite. Pour convaincre Springsteen, il lui promet une part plus importante des royalties versées par CBS à Laurel Canyon en novembre 1975, à condition qu'il accepte de prolonger le contrat. Une proposition ambiguë, proche du chantage, qui a pour effet de braquer le chanteur. Bloqué, Bruce Springsteen décide de solliciter John Lando, alors retenu à Los Angeles pour produire l'album The Pretender de Jackson Browne. Malgré un million d'albums vendus et une tournée nationale, il ne dispose que de 3000 dollars sur son compte en banque, tandis que Mike Apple vient d'encaisser une avance de 250 000 dollars sur les royalties de l'album. John Lando le dirige alors vers deux avocats, Mike Meyer ainsi que Mike Tannen, spécialistes des droits dans l'industrie musicale. Parallèlement, Bruce sollicite l'avis de Walter Gatnikoff, nouveau président de CBS, qui lui déclare sans détour qu'un artiste ayant vendu plus d'un million de disques devrait avoir, au minimum, un demi-million de dollars en poche. Pour en avoir le cœur net, Springsteen sollicite fin mai un audit complet de l'Orel Canyon. C'est Steve Tannenbaum qui est chargé de cette mission et ses conclusions confirment les soupçons de l'artiste. En examinant les bilans comptables des quatre dernières années, il découvre que Mike Apple encaisse directement les chèques de CBS sur ses comptes personnels. Il démontre également que Bruce Springsteen n'a perçu qu'un dixième des revenus qu'il a généré depuis la signature de son contrat. Peu après le début de l'audit, Laurel Canyon verse d'ailleurs au chanteur 63 000 dollars de royalties pour la première fois de sa carrière. Ce paiement contribue à apaiser temporairement les tensions, jusqu'à ce que le chanteur réalise qu'il n'est pas propriétaire de ses propres chansons, puisqu'elles appartiennent également à Laurel Canyon. Les soupçons de Bruce sont confirmés. Lui qui pensait que les contrats n'étaient qu'une formalité et que seule la confiance envers son manager comptait, voit cette croyance s'effondrer face à la réalité juridique. Un autre avocat indépendant confirmera plus tard que ces documents comportaient tous les pièges classiques de l'industrie musicale. Bien qu'il n'ait sans doute pas été rédigé directement par Mike Apple à l'époque, mais plutôt par son avocat Jules Kurtz, ils étaient parfaitement alignés avec les standards contractuels de l'époque. De retour à New York, Springsteen se rend chez Bob Spitz, l'ancien assistant de Mike Apple. Il lui confie ses états d'âme. Il se sent floué, son manager lui prend trop d'argent et s'est accaparé, sur le plan légal, la propriété de ses chansons. Après avoir pris conscience du caractère abusif des contrats qui le lient à Mike Apple, Bruce demande à le rencontrer dans un bar. Fidèle à ses habitudes, le manager tente de détendre l'atmosphère en évoquant leurs souvenirs communs, multipliant les discours en bras d'émotion autour de quelques vers. Bien que blessé, Bruce reste ouvert à une résolution à l'amiable. Il propose de repartir sur de nouvelles bases, en remplaçant les anciens contrats par des accords équitables et en obtenant un contrôle total sur ses chansons. Échaudé par cette expérience, il souhaite désormais fonder leur collaboration sur un engagement tacite, scellé par une simple poignée de main. A l'issue de leur rencontre, un compromis semble trouver. Mais au moment de conclure, Apple choisit de consulter son père, qui l'incite à faire volte-face, jugeant que les nouveaux accords ne sont pas justes pour son fils. Déçu par ce revirement, Bruce décide alors de passer à l'étape suivante. Le 27 juillet 1976, il engage une action en justice contre Mike Apple et Laurel Canyon, les accusant de fraude, d'abus de confiance et de malversation. Représenté par les avocats Mike Mayer et Mike Tannen, il réclame un dédommagement à hauteur de 1 million de dollars. En guise de réponse, Mike Apple mandate Leonard Marks, un ténor du barreau. Deux jours plus tard, le 29 juillet, ce dernier adresse une lettre interdisant à Springsteen de travailler en studio avec quiconque, hormis Mike Apple lui-même ou une personne qui l'aura explicitement désigné. Pour renfoncer de clous, Leonard Marks dépose une requête auprès de la Cour suprême de l'État de New York, le 9 août, afin de valider ses interdictions. Pour faire face à ses frais juridiques, Bruce Springsteen a besoin de liquidités. Il se tourne alors vers son agence de tournée, William Morris. mais son président, dit Stevens, lui refuse toute avance. Pari Bell, l'assistant de Sam McKiss, l'automanager de Springsteen au sein de l'agence depuis 1972, saisit l'opportunité. Il démissionne de son poste et emmène le chanteur chez Premier Talent, une agence spécialisée dans le rock fondée une dizaine d'années plus tôt par Frank Barcelona. Ce dernier accepte sans hésiter de verser une avance de 100 000 dollars à Bruce Springsteen, officialisant ainsi l'arrivée du chanteur dans son agence. Dans la foulée, Bruce congédie Sam McKiss et nomme Barry Bell comme son nouvel agent personnel. Cette décision provoque la colère de Mike Apple, puisque celui-ci envisageait de créer sa propre agence de tournée avec Barry Bell justement. Le 4 août, Bruce Springsteen met officiellement fin à sa collaboration avec Mike Apple en lui adressant une lettre de licenciement. Pourtant, ni l'un ni l'autre ne souhaitent réellement aller jusqu'au procès. Tout au long de l'été, les deux hommes tentent de parvenir à un accord à l'amiable. Même Adele Springsteen, la mère du chanteur, s'en mêle. Dans une tentative de conciliation, elle envoie à Mike Apple un livre sur les droits des affaires accompagné d'un mot bienveillant, espérant désamorcer le conflit. Malgré tout, la situation semble bloquée. Mike Apple, déterminé à rester dans l'entourage professionnel de Booth, utilise tous les moyens à sa disposition pour retarder ses projets et conserver une forme de contrôle. De son côté, le chanteur refuse catégoriquement de retravailler avec lui. Le dialogue s'essouffle et la rupture devient inévitable. La veille d'envoyer sa lettre de licenciement, Bruce Springsteen interprète pour la première fois The Promise une balade mélancolique et introspective lors d'une série de six concerts au Monmouth Art Center de Red Bank dans le New Jersey. Même si le chanteur n'a jamais admis que ce texte fasse directement référence à sa relation avec Mike Apple, l'analyse des paroles laisse peu de place au doute. Le morceau trouve ses racines dans l'univers singulier du Jersey Shore raconté à travers les yeux d'un pilote amateur. Sa voiture de course, la Challenger, est une allusion subtile à l'usine de planches de soeurs de Tinker West, lieu où Bruce a vécu et répété avec son groupe Stin Mill à la fin des années 60. Au fil des couplets, le chanteur évoque des lieux familiers, la route neuve, les usines locales et la fameuse Thunder Road. Dans cette chanson, les rêves de jeunesse semblent s'être dissipés. « Quand la promesse est rompue, tu continues à vivre, mais on t'a volé quelque chose au fond de ton âme » , chante-t-il. La promesse symbolise cet idéal d'intégrité auquel Bruce tenait tant. Avec ce titre, Son écriture amorce un tonant décisif, explorant des thèmes plus sombres, marqués par un ton fataliste et amer. Sur le plan musical, Roy Beaton signe une ligne mélodique lumineuse, sublimée par les claviers et le glockenspiel de Danny Federici. Malgré ses qualités évidentes, The Promise ne sera pas retenu pour le quatrième album de Springsteen, malgré de nombreuses versions enregistrées en studio. Elle restera l'une des plus belles chutes de studio de l'histoire du chanteur avant d'être finalement publiée en 2010 sur l'album du même nom dans une version revisitée et actualisée.

  • Speaker #1

    Charlie works in a factory, Derek works downtown Terry works in a rock'n'roll band And for that million dollars

  • Speaker #2

    Give me,

  • Speaker #1

    I'll do nothing but I just spend a lot of time alone. Some nights I go driving. And some nights I stay home. See, I follow that dream. Just like those guys do.

  • Speaker #0

    Le 17 août, Bruce Ponkstein se présente à une audience préliminaire. Peu habitué au langage juridique et au code strict du tribunal, il perd rapidement son calme, laissant éclater quelques éclats de colère. Il confie dans son autobiographie « Bound to Run » « Le premier jour de mes dépositions, sous la tutelle des deux Peters, je n'ai pas été très correct. J'ai répondu aux questions de manière brutale, mêlant théâtralité et colère sincère, presque violente. Ce n'était pas l'argent qui me mettait en rage, mais le fait de ne pas contrôler la musique que j'avais écrite. L'argent n'était que le carburant de ma fureur. Je me suis laissé emporter pendant plusieurs jours. J'ai crié, frappé sur la table, repoussé ma chaise, donné un coup de poing dans un meuble. J'aurais mérité un Oscar. » « Finalement, Léonard Marx, l'avocat de Mike, a demandé l'annulation de mes dépositions à cause de mon comportement. Nous avons dû prendre le métro pour nous rendre au tribunal, où le juge m'a poliment ordonné de me calmer. » Le contre-interrogatoire mené par Léonard Marx accentue la pression sur les épaules de Springsteen. L'avocat cherche à lui faire porter la responsabilité exclusive de ses difficultés financières, lui reprochant d'avoir refusé plusieurs opportunités en or à la fin 75 et au début 76, dont un album live, une tournée estivale ou encore une émission spéciale sur NBC. Bruce reste cependant inflexible. Il a mis un terme à sa collaboration avec Mike Apple parce que ce dernier l'a trahi et lui a menti. Le 15 septembre, le juge Arnold L. Fein confirme l'injonction empêchant Springsteen d'enregistrer en studio sans l'autorisation d'une personne désignée par Laurel Canyon, estimant que les accusations de fraude portées contre Mike Apple ne sont pas recevables en l'état. L'ex-manager parvient ainsi à boucler temporairement la progression naturelle de la carrière du chanteur Merci. et l'empêche tout simplement d'approcher un studio d'enregistrement tant qu'aucun accord ne sera trouvé entre les deux parties. Furieux de la tournure des choses, Springsteen licencie l'avocat Mike Mayer tandis que Mike Tennant devient son avocat exclusif. Ce dernier sait trouver les mots pour calmer le chanteur et l'encourage à se battre malgré un combat qui s'annonce long et incertain. Un an après la sortie de Born to Run, Booth est bloqué et disparaît progressivement des radars. Les ventes de l'album commencent à stagner et aucune sortie de single n'est prévue pour maintenir un semblant de visibilité médiatique. Cette inactivité discographique a tout du suicide artistique à une époque où les artistes sortent un album tous les ans, voire plusieurs fois par an. Maigre compensation, Alan Clark, ex-membre des Hollies, cartonne en Angleterre avec sa reprise de Bound to Run, tandis que la reprise électro de Blinded by the Light par Manfred Mann-Hersband est numéro 1 des deux côtés de l'Atlantique, bien que son auteur n'apprécie guère cette version. Sans perspective de dénouement imminent, Bruce Springsteen a d'autres choix que de partir en tournée à l'automne 1976 sans album à promouvoir. L'objectif est simple, continuer à payer ses musiciens et maintenir la dynamique du groupe sur scène. Conçue également dans la précipitation, cette tournée se concentre principalement sur le circuit universitaire où le groupe rencontre encore un franc succès et décroche de nombreux contrats. Le coup d'envoi est donné le 26 septembre au Memorial Coliseum de Phoenix en Arizona. Pour la première fois, Bruce joue en tête d'affiche dans une salle de 10 000 personnes et parvient à la remplir. Ce succès va marquer un tournant. Le chanteur va progressivement reconsidérer ses appréhensions à propos des grandes salles, notamment les contraintes liées à l'acoustique et la proximité avec le public. Sur scène, la formation étoffe son son. A Red Bank, en août, ils étaient déjà accompagnés par la section Q de Southside Johnny, alors malade et incapable de se produire sur scène. Pour cette tournée automnale, une nouvelle section de cuivre, renommée les Miami Horns, est constituée par Steven Van Zandt. John Binkley et Steve Parraxi sont à la trompette, Ed De Palma au saxophone et Dennis Orlok au trombone. Ils accompagneront Bruce et The Streetmen durant toute cette tournée qui s'attendra jusqu'en mars 1977. Ils offrent notamment une coloration soul bienvenue sur des titres comme Tent Avenue Freeze Out ou les reprises de Raise Your Hand ou You Can Sit Down. Tiff Paraski accompagne Bruce et Roy Beaton sur une version de travail de Something in the Night, le seul morceau présenté sur scène au cours de ces deux années de tournée qui figura finalement sur le quatrième album. Durant cette période, une demi-douzaine de nouveaux titres sont testés en concert, parmi lesquels The Promise ou Rendez-vous. Ce dernier, porté par l'énergie du live, reprend les codes du rock springsteenien. glockenspiel scintillant, guitare inspirée du mur du son de Phil Spector et une touche pop particulièrement séduisante. Après l'Arizona, le groupe met le cap sur la Californie pour une série de 5 concerts avant de reprendre progressivement la route vers la côte est. Là, ils enchaînent les dates sur les campus universitaires où les attend une base de fans fidèles et enthousiastes. Les cachets sont modestes, souvent négociés à la hâte et à prix réduit dans l'urgence de la tournée. Par exemple, le 3 octobre à Santa Clara, la salle affiche complet avec 5000 spectateurs pour un cachet relativement modeste de 7000 dollars. La tournée passe ensuite par l'Ohio, le New Jersey, la Virginie et l'état de Washington, avant de marquer une étape importante en Pennsylvanie, deux soirées au légendaire Spectrum de Philadelphie, où le groupe se produit devant 10 000 spectateurs à chaque représentation. C'est sur cette même scène que le chanteur a été hué au point de devoir quitter la scène le majeur Levé, trois ans plus tôt, en ouverture de Chicago. La tournée d'automne se conclut en apothéose par une série de six concerts au Panadium de New York, attirant plus de 10 000 spectateurs au cours de la semaine. Une fois encore, Delic New Yorkais se presse pour voir l'artiste du moment. Depuis sa résidence mythique au Bottom Line et dans Pluto, Springsteen a fait évoluer son apparence. Barbe rasée, cheveux coupés courts, une silhouette plus sobre, mais un charisme toujours intact. Sur scène, les invités prestigieux se succèdent. Le 29 octobre, Gary West Bones rejoint le groupe pour un Carter Tofui endiablé. Bruce l'avait rencontré quelques jours plus tôt, alors que ce dernier se produisait devant une poignée de spectateurs au Fat City, un club new-yorkais dans lequel le jeune Springsteen avait lui-même joué à ses débuts. Touché par la situation, il demande à rencontrer l'un de ses héros d'enfance après le concert. De cette soirée naîtra une amitié durable, qui mènera quelques années plus tard à la résurrection médiatique de Gary U.S. Bonds avec Dedication, un album écrit et produit par Springsteen et Van Zandt, qui le ramènera dans le top 10 des charts américains en 1980. Le troisième soir, c'est Patti Smith qui monte sur scène pour une version inédite de Rosalita. En retour, Bruce Springsteen viendra l'accompagner à la guitare et au piano sur la scène du Bottom Line, lorsqu'elle s'y produira avec John Cade quelques semaines plus tard. Le 4 novembre, pour la dernière date au Palladium, le groupe livre une interprétation magistrale de It's My Life des Animals, mais c'est bien l'apparition surprise de Ronnie Spector qui fait chavirer la salle durant les rappels. Icone des années 60 et idole de Bruce et de Van Zandt, elle rejoint le groupe pour trois titres de Ronettes, dont un Be My Baby survolté. Max Weinberg y recrée à merveille l'esprit du Wall of Sound avec une batterie au son ample et réverbéré, rendant un hommage vibrant à l'âge d'or de la pop qui a rythmé l'adolescence des musiciens du E Street Band.

  • Speaker #1

    Merci.

  • Speaker #0

    Après six semaines de tournées intenses, Bruce va rester quelque temps à New York. Deux jours après la dernière au Palladium, il est invité par Richard Neer sur WNU-FM où il prend les commandes de la programmation musicale le temps d'une émission spéciale. Jouant le jeu, il en profite pour faire passer plusieurs titres du nouvel album de Jackson Browne, The Pretender, produit par son ami et producteur John Lando. Interrogé à l'antenne, il évoque brièvement son nouveau look, son visage rasé de près et ses cheveux courts, mais évite soigneusement tout commentaire sur son différent juridique avec Mike Apple. Cette parenthèse radiophonique renfermée, il rejoint Steven Van Zandt en studio pour travailler sur leur deuxième album de Southside Juni, This Time Is For Real. Il coécrit notamment deux morceaux marquants, Love on the Wrong Side of Town et When You Dance. De leur côté, les membres du E-Street Band ne sont pas soumis aux mêmes interdictions que le chanteur et s'investissent dans différents projets. Mike Zinberg et Roy Beaton participent ainsi à l'enregistrement de Battle of Hell, le premier album de Meatloaf. Relativement confidentiel en Europe, ce disque rencontre un succès immense aux États-Unis, au point de devenir l'un des dix albums les plus vendus de tous les temps. Composé par Jim Steinman, grand admirateur de Springsteen, l'album s'inscrit dans la droite lignée musicale de Born to Run et devient l'hymne d'une génération d'adolescents. Roy Bittan, particulièrement sollicité à cette période, prête également son talent au clavier pour Station to Station de David Bowie et collaborera à nouveau avec lui quelques années plus tard sur Scary Monster. De son côté, Clarence Clemons fait ses premiers pas au cinéma sous la direction de Martin Scorsese, incarnant un jazzman dans New York, New York. Malgré leurs divers engagements parallèles, les membres du Streetband traversent une période de grande précarité. La maison que Bruce Springsteen loua à Holmdel, dans le New Jersey, s'est transformée en quartier général improvisé. Tandis que le groupe répète dans le salon, les chambres à l'étage servent de bureau pour gérer les affaires courantes. Le conflit juridique avec Mike Apple a plongé Bruce et son entourage dans une grande instabilité financière. Afin de pouvoir payer ses musiciens et son équipe technique, Bruce n'a d'autre choix que d'accepter des concerts dans de grandes salons de l'esport, loin de l'ambiance intimiste qu'il privilégiait jusqu'alors. Les cachets sont encore faibles, irréguliers et les salaires se résument bien souvent à des promesses de paiement. Cela fait désormais près de 5 ans que le groupe mange de la vache enragée. Et pourtant, en public, personne ne laisse rien paraître. Tous semblent concentrés sur leur mission, mue par une foi commune dans la musique et l'avenir du groupe. Mais en privé, l'attention est palpable. Selon Steven Van Zandt, après une répétition où Bruce est parti avant les autres, les musiciens ont commencé à évoquer, pour la première fois, la possibilité de tout arrêter et de partir chacun de leur côté. Fidèle parmi les fidèles, Steven Van Zandt prend alors l'initiative d'Alerte Steve Popovich, ancien cadre de Columbia et aujourd'hui en poste chez Epic Records, une autre filiale de CBS. Popovich, fan de Springsteen de la première heure, prend rapidement conscience de la gravité de la situation. Justement, ce dernier recherche un groupe de rock pour accompagner Ronnie Spector, l'ancienne chanteuse des Ronettes, récemment signée chez Epic. Ronnie tente de relancer sa carrière après avoir échappé à l'emprise de son mari, fils Vector, qui l'a littéralement cloîtré pendant des années dans son manoir de Los Angeles. Billy Joel lui a déjà offert une chanson, Say Goodbye to Hollywood, pressentie comme le single phare de son premier album solo. Il ne manque plus qu'un groupe capable de lui offrir un écran sonore digne de ce nom, et le E-Street Band a toutes les qualités requises pour réaliser cette mission. En janvier 1977, Ronny Spector entre donc au studio CBS de New York entouré du E-Street Band. A la production, on retrouve Steven Van Zandt. A la fin du mois, Bo Springsteen les rejoint discrètement pour poser une partie de guitare acoustique sur le morceau même s'il n'est pas crédité en raison de son litige avec Mike Apple. Le single « Say Good-Bye to Hollywood » sort en avril 1977. Hélas, il passe inaperçu et le projet d'album est rapidement abandonné. Néanmoins, cette parenthèse aura permis de mettre un peu de beurre dans les épinards des musiciens en attendant la suite des événements. En février 1977, le conflit entre Apple et Springsteen n'est toujours pas réglé. Pour les mêmes raisons financières qu'à l'automne précédent, Bruce et son groupe repartent sur les routes américaines pour une tournée de 7 semaines, composée de 33 dates réparties dans 15 états différents, principalement dans le Midwest, ainsi qu'au Canada, en Floride et sur la côte est américaine. La deuxième partie de la tournée du procès débute donc le 7 février au Palace Theater d'Albanie, dans l'état de New York, où le groupe présente pour la première fois Action in the Streets, une composition encore en rodage, mise en avant par le travail des Miami Owls.

  • Speaker #2

    Psst !

  • Speaker #1

    C'est une vieille ombre ! 1,

  • Speaker #2

    2, 3, 4, 5, 6, 7, 8, 9,

  • Speaker #0

    tout comme ceux de l'automne 1976, restent relativement courts et dépassent rarement les deux heures. C'est toutefois lors des dates canadiennes que Springsteen introduit une nouvelle habitude, une pause de 20 minutes scindant le spectacle en deux actes distincts. Ce format, inédit jusqu'à là, deviendra sa signature scénique et perdurera jusqu'à la fin de la tournée Born in the USA en 1985. Chaque soir, le groupe n'interprète qu'une quinzaine de titres, dont la quasi-intégralité de Born to Run. À Richfield, dans le Ohio, le 17 février, Ronnie Spector rejoint de nouveau les musiciens, aux côtés de Flo et Eddie, un duo comique. Ils interprètent ensemble trois classiques des Ronettes, Baby I Love You, Walking in the Rain et Be My Baby, ainsi que le single de Ronnie Spector enregistré avec les Street Band, Say Goodbye to Pretty Good. Bien que les concerts aient désormais lieu dans les salles plus vastes, le groupe peine parfois à remplir les gradins. À Ottawa, seul mi-spectateur se déplace au Civic Center, pourtant conçu pour en accueillir 6000. Même constat à Cincinnati, où la salle reste deux tiers vide malgré la présence de cinq... 20 000 spectateurs. C'est de nouveau sur le circuit des universités que le succès est le plus éclatant. A Providence, les 3400 tickets s'écoulent en un temps record, tout comme à Puskipsi, Bighampton, New Haven ou Lewinston. A Toledo, le 10 mars, Springsteen présente une nouvelle composition inédite, Don't Look Back, qui malgré ses qualités indéniables et sa rage, ne sera pas conservée pour le quatrième album. Elle est interprétée à un stade encore embryonnaire et les paroles subiront de nombreuses modifications au cours des concerts à venir. La tournée se termine en fanfare par quatre représentations au Music Hall de Boston devant un public de fidèles survoltés. Ses performances sont devenues légendaires tant pour l'ambiance électrique qui y régnait que pour les performances d'une intensité inouïe livrée par Bruce Springsteen et Louis Street Band. Cet engouement autour de la tournée traduit également un tournant dans les négociations entre Bruce Springsteen et Mike Apple. Après de longs mois d'impasse, les choses s'accélèrent brusquement au début du mois d'avril. Les deux parties ne souhaitant pas aller jusqu'au procès, elles finissent par consentir à un accord. Début mai. un compromis est sur le point d'être signé. Pour fêter cela, Bruce Springsteen rejoint Steven Van Zandt à Red Bank les 12 et 13 mai. South Side Johnny, initialement prévu pour ses deux concerts, est souffrant. Sans hésiter, ses amis prennent le relais et montent un groupe improvisé, The Ashbury Park All-Star Review, mêlant musiciens des Ashbury Jukes de South Side Johnny, du E Street Band, ainsi que de Ronnie Spector. Steven Van Zandt assure le champ principal tout au long des deux soirées, tandis que Bruce, plus en retrait, se charge de la guitare et des chœurs. Il prend néanmoins le micro pour deux moments forts, The Fever et Thunderworld. Il partage également le micro avec Van Zandt sur Having a Party, Avant de conclure en duo avec Ronny Spector sur You Mean So Much To Me, le 28 mai 1977, les avocats de Bruce Springsteen et de Mike Apple trouvent enfin un accord. Pour que le chanteur soit pleinement libéré de tous les liens contractuels qu'il initiait à son ancien manager, Mike Apple recevra 800 000 dollars versés par CBS, ainsi que 50% des droits d'édition sur les 27 chansons déjà publiées chez L'Oréal Canyon. Une somme conséquente, mais le prix nécessaire pour que Springsteen reprenne le contrôle total de sa musique et de son avenir. Cette clause d'édition expirera en 1983, lorsque Mike Apple cèdera définitivement le catalogue de Sioux Music pour 200 000 dollars, quelques mois avant que Springsteen n'explose mondialement avec Born in the USA. Pour célébrer cette victoire, Bruce et Steven Van Zandt prennent la route de Philadelphie pour assister à l'un des derniers concerts d'Elvis Presley. C'est la première fois que Van Zandt voit le King sur scène. Bruce, lui, l'a déjà vu en juin 1972, aux côtés de Mike Apple au Madison Square Garden, alors que Presley était encore flamboyant. Mais en ce mois de mai 77, le contraste est saisissant. Boursouflé, rongé par ses addictions, Elvis n'est plus que l'ombre de lui-même. Sa prestation est si laborieuse que Bruce et Steven ne prononcent pas un mot lors du trajet retour, profondément secoué par ce qu'ils viennent de voir. Quelques mois plus tôt, après un concert à Memphis, ils avaient tous deux tenté de pénétrer dans sa propriété de Graceland, escalade dans les murs pour approcher leur idole avant d'être arrêté par la sécurité. Springsteen rejettera la responsabilité de cette lente descente aux enfers sur le colonel Parker, qu'il accusera d'avoir épuisé son artiste malgré des signes d'épuisement flagrants. Il ira même jusqu'à établir un parallèle avec sa propre carrière, affirmant avoir su rompre à temps avec Mike Apple avant de connaître le même sort. De retour chez lui, Bruce Springsteen compose le morceau Fire pour Elvis Presley. Nous ne saurons jamais si celui-ci a pu l'écouter puisqu'il décèdera moins de trois mois plus tard, à l'âge de 42 ans. Ce sont finalement les Pointer Sisters qui en feront un tube au début de l'année 1978.

  • Speaker #2

    Le 30 mai,

  • Speaker #0

    Bruce retourne à New York pour signer officiellement l'accord juridique qui scelle la fin de sa relation professionnelle avec Mike Apple. Deux jours plus tard, il entre dans les studios d'Athlantic Records à New York pour entamer les premières sessions de son quatrième album tant attendu. Par ce procès, la première phase de la carrière de Springsteen s'achève. Tous les acteurs majeurs de ses débuts chez CBS ne font plus partie de l'équation. Mike Apple est évincé, Sam McKiss également, tandis que Clive Davis et John Hammond sont désormais à la retraite. Grâce à son nouvel avocat Mike Tennant, Bruce Springsteen signe directement avec CBS via un contrat négocié avec Walter Yetnikoff, président du label, qui lui garantit des royalties inédites d'un dollar par album vendu. Au terme d'une année éprouvante, le chanteur a finalement reconquis Dans la douleur, la pleine possession de son œuvre est de son destin artistique. C'est ainsi que se termine ce huitième épisode de Badlands. Vous retrouverez comme d'habitude l'application Spotify et les sources utilisées pour écrire ce podcast en description. N'hésitez pas à partager ce contenu et à réagir sur la page Facebook de l'émission. C'était Julien et je vous dis à très vite pour un épisode consacré à l'album Darkness on the edge of town.

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Pour ce septième épisode, on revient sur la procédure judiciaire entreprise entre Bruce Springsteen et Jon Landau, ainsi que les différentes tournées (Chicken Scratch et Lawsuit) de 1976-1977.


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Les sources utilisées pour ce podcast :

  • Bruce Springsteen, Born To Run, Éditions Albin Michel (2016)

  • Marc Dufaud, Bruce Springsteen : une vie américaine, Éditions Camion Blanc (2010)

  • Peter Ames Carlin, Bruce, Éditions Sonatine (2013)

  • Hughes Barrière, Bruce Frederick Springsteen, Éditions Castor Astral (2013)

  • Clinton Heylin, E Street Shuffle: The Glory Days of Bruce Springsteen and the E Street Band, Éditions Viking Adult (2013)


Hébergé par Ausha. Visitez ausha.co/politique-de-confidentialite pour plus d'informations.

Transcription

  • Speaker #0

    Bonjour à toutes et à tous et bienvenue dans ce nouvel épisode de Badlands. Avec Band to Run, Bruce Springsteen est devenu une vedette dans son pays natal. Après avoir passé l'année 1975 en studio et sur la route, le groupe s'octroie quelques mois de repos. Ils ne le savent pas encore, mais de nombreux litiges avec le manager de Booth, Mike Apple, va les contraindre à ajuster leur projet pour les 18 mois à venir. Vous êtes dans Badlands et je vous souhaite une excellente écoute. Lorsque l'année 1975 se termine en fanfare avec une date au Tower Theatre de Philadelphie, Bruce Springsteen est devenu la nouvelle coqueluche des médias américains et une véritable star du rock dans son pays natal. Born to Run a fait de lui la nouvelle sensation musicale à tel point qu'il a obtenu simultanément la première émission de la série. première page du Times et Newsweek, une première pour un chanteur de rock. De partout, la presse encense son dernier album et ses performances scéniques. Le magazine anglais Sounds l'élit révélation de l'année 1975, tandis que le Rolling Stone le déclare artiste de l'année. La popularité du chanteur est telle qu'il est interviewé dans des médias dépassant le cadre musical, notamment le magazine Playboy en mars 1976. Malgré la Springsteenmania qui déferle sur les États-Unis, Bruce Springsteen reste distant face à la célébrité. L'attention médiatique et l'adulation du public le mettent mal à l'aise. Il ne cherche ni les projecteurs ni les mondanités. Très loin des clichés du star system, il fuit les lieux branchés, décline la majorité des invitations à des after-shows ou émissions et choisit le plus souvent de rentrer chez lui après les concerts. Lorsqu'il quitte la scène, il redevient presque anonyme, arpentant les rues, solitaire ou attablé dans un fast-food, à milieu de l'image flamboyante qu'on projette sur lui. Sentimentalement, Bruce Springsteen mène une vie paisible et discrète. Il partage un bungalow à Long Branch avec Karen Darvin, rencontrée peu de temps auparavant. Située non loin de la plage, cette ville, tout comme Ashbury Park, a vu sa population décliner au fil des années, n'attirant plus que quelques artistes et marginaux grâce à des loyers particulièrement attractifs. Springsteen mène une existence presque spartiate. Son intérieur se résume à un canapé, une télévision, un piano, quelques guitares, sa précieuse collection de disques et une Chevrolet de 1957. Il ne gagne pas plus de 25 000 dollars par an, une somme modeste pour un artiste devenu l'un des visages du rock américain. Loin des villas de Beverly Hills ou des excès de la rockstar caricaturale, il mène une vie simple. Toutefois, il désire trouver un lieu plus adapté à ses besoins, à la fois un refuge paisible pour sa vie quotidienne et un espace suffisamment vaste. pour accueillir les répétitions du E Street Band. Rick Seguso, son directeur de tournée, lui dégote le logement parfait, une grande propriété située à Holmdale dans le New Jersey. Cet ancien poste de cavalerie offre un cadre à la fois isolé et spacieux. Séduit par les lieux, Springsteen se laisse rapidement convaincre et signe le bail, même s'il doit faire appel à Seguso pour l'aider à financer les premiers mois de location. Tandis que la plupart des musiciens du groupe profitent de ce repos bien mérité après ses neuf mois particulièrement chargés, Steven Von Zahn s'investit quant à lui dans la production et l'enregistrement du premier album de Southside Journey and the Asbury Dukes. Le guitariste a quitté la formation pour rejoindre E Street Band 6 mois plus tôt, mais n'oublie cependant pas ce groupe qu'il manage encore. Ils entrent au record plant en janvier et y resteront près de 3 mois. Bruce Springsteen apparaît dans les crédits de l'album. En tant que coproducteur et arrangeur pour deux titres qu'il cède à Southside Johnny, You Mean So Much To Me et The Fever, sur laquelle Clarence Clements effectue les chœurs. La chanson avait rencontré un succès certain sur les stations de radio qui avaient obtenu la bande démo transmise quelques mois plus tôt par Mike Apple. Pourtant, Bruce ne se l'approprie toujours pas. Il ne la joue presque jamais en concert et semble mal à l'aise avec ce morceau qu'il juge trop éloigné de sa vision artistique. Plutôt que de la revendiquer, il choisit de l'offrir à son ami et ancien partenaire Southside Uni, qui en fera l'un des titres les plus emblématiques de son répertoire. Ce break salvateur après une année épuisante ne suffit pourtant pas à désamorcer des tensions croissantes entre Bruce Springsteen et son manager, Mike Apple. Lié par une série de contrats signés au début de l'année 1972, les deux hommes entrent désormais dans les derniers mois de leur collaboration formelle. Depuis la tournée européenne, quelque chose s'est fissuré. Springsteen commence à suspecter que les accords initiaux, signés alors qu'il n'était qu'un illustre inconnu, ne jouent plus en sa faveur. Maintenant que le succès est au rendez-vous et que l'argent commence à rentrer, il réalise qu'il n'a aucun contrôle sur ses revenus. Tout transite par Mike Apple qui garde la mamie sur ses finances. Pire encore, profitant de l'absence de John Lando pendant le voyage en Europe, le manager a tenté de lui faire signer de nouveaux documents, soi-disant plus avantageux, pour prolonger leur collaboration. Méfiant, Bruce refuse de s'engager sans comprendre précisément les termes du contrat. Il sait que la situation a radicalement changé depuis 1972. Il n'est plus un artiste sans public, mais une star à l'échelle nationale. Il exige donc des conditions justes, transparentes et conformes aux pratiques du milieu. Souhaitant comprendre les contrats qu'il a signés quatre ans plus tôt, il demande à consulter un avocat. Ce dernier, choisi par Mike Apple lui-même, reste évasif. Ce flou volontaire ne fait qu'alimenter les inquiétudes de Springsteen. Il commence à mesurer l'ampleur de son absence de contrôle sur ses finances et comprend que sa situation précaire malgré le succès s'explique en grande partie par la nature de ses contrats qui centralisent tous les revenus entre les mains de son manager. Petit à petit, le chanteur se sent mis à l'écart de son propre destin artistique et économique, comme exclu d'un système qu'il a pourtant contribué à faire éclore. Outre les tensions liées au contrat, Bruce Springsteen et Mike Apple s'opposent de plus en plus sur la direction à donner à la carrière du chanteur après le succès de Band to Run. Tandis que Springsteen renforce sa relation avec John Lando, qu'il a déjà sollicité pour coproduire son prochain album, Mike Apple tente de garder le contrôle. Conscient de l'élan médiatique autour de l'artiste, il multiplie les propositions ambitieuses. Une émission télévisée en prime time sur NBC, dans l'esprit du célèbre show consacré à Elvis Presley en 1968, ou encore un concert en clôture des Jeux Olympiques de Montréal. Springsteen, fidèle à ses principes et mal à l'aise sous les projecteurs, refuse systématiquement. Le show télévisé sera finalement confié à Bob Dylan et l'apparition olympique tombe à l'eau. Le fossé se creuse davantage lorsqu'Apple propose une tournée estivale sous un chapiteau itinérant sur les campus universitaires américains. Le projet est d'ailleurs bien avancé, mais Apple a déjà pensé à certains aspects logistiques comme l'étanchéité de la structure, la présence de gradins ou l'alimentation de la chaufferie. Pour autant, Bruce rejette aussi cette proposition sans ménagement. tout comme une offre d'un million de dollars pour un concert de clôture dans un festival au JFK Stadium de Philadelphie, réunissant que les groupes du New Jersey prévus pour le jour de la fête nationale, le 4 juillet. Pour lui, ces idées spectaculaires s'éloignent de sa vision artistique. Même la sortie d'un album live, pourtant vivement souhaité par Mike Apple, est refusée sans appel par Springsteen, qui juge cette initiative prématurée après seulement trois albums studio. Pourtant, les enregistrements professionnels de cette période, tels que ceux de Tom Roto au Greenvale, révèlent la puissance scénique du groupe. Cette série de désaccords confirme l'impasse grandissante entre le chanteur et le manager. Furieux face à cette série de refus, Mike Apple commence à douter de la bonne foi de son client. De son côté, le chanteur est désormais persuadé que son manager le spolie d'une manière ou d'une autre. Le climat de confiance entre les deux hommes se délite et la relation s'envenime peu à peu. Après trois mois de pause loin de la scène, le E Street Band reprend la route pour la seconde partie de la tournée Band to Run. Avant cela, ils donnent une répétition générale le 21 mars au Stone Pony d'Ashbury Park devant 300 invités triés sur le volet. C'est à cette occasion qu'ils jouent pour la première fois la reprise de Raise Your Hand d'Eddie Floyd, un titre appelé à devenir l'un des temps forts de leurs futures prestations scéniques. La tournée reprend officiellement le 25 mars au Township Auditorium de Columbia en Caroline du Sud. Très vite, musiciens et techniciens leur rebaptisent officiellement le Chicken Scratch Tour littéralement la tournée des fonds de tiroirs, référence aux nombreuses dates prévues dans les marchés secondaires notamment dans les états du sud où Bruce Springsteen et Louis Streetbend restent encore relativement méconnus. La tournée est d'ailleurs bricolée à la va-vite dans un climat de tension et n'aura pas le même retentissement que celle de l'année précédente. La setlist de cette nouvelle série de concerts reste proche de la fin de l'année 1975 avec Night en ouverture suivie de Tenth Avenue Freeze Out. Mais l'un des moments les plus marquants de cette période est l'interprétation de It's My Life, une reprise des Animals. Au fil des interprétations, ce morceau devient bien plus qu'un simple hommage. Il sert de tremplin à Springsteen pour évoquer, en introduction, des souvenirs personnels poignants liés à son adolescence et sa relation conflictuelle avec son père. Ce thème de l'enfance difficile, abordé ici pour la première fois de manière aussi frontale, deviendra l'un des fils rouges de son œuvre au cours de la décennie à venir.

  • Speaker #1

    Je vis dans cette maison de deux familles. Un soir, mon père utilisait la porte de la porte. Donc, moi et ma soeur, on venait dans la cuisine. Et on s'est assis dans la cuisine toute la nuit, avec des lumières, des cigarettes, des beaux beaux. Ma mère s'est assise dans la porte et a regardé la télé. On est venu à 10 ou 11. Et à midi, ce n'était pas trop mal. Si tu es arrivé en round 2 ou 3 Il m'a toujours arrêté quand je me suis mis dans la cuisine et qu'il m'a parlé. Il m'a parlé de ce que j'étais en train de faire à l'école, de faire un bon travail. C'est très bientôt que nous serons en train de se battre et de se crier. Ma mère serait en train de se faire courir de la pièce de front. Elle essayait de nous garder en combat avec l'autre et moi, j'ai fini par rentrer à l'extérieur de la maison. J'ai marché à l'entrée de la porte pour lui dire que c'était ma vie.

  • Speaker #0

    Sur scène, le chanteur entame d'abord le premier couplet avec retenue, presque en murmure, comme si chaque mot portait le poids de son passé. Peu à peu, la tension monte, un crescendo implacable conduit jusqu'au refrain où tout explose. Soutenu par les cœurs de ses musiciens, il libère une colère brute, nourrie par la blessure de l'enfance, les errances de l'adolescence et désormais la trahison d'un manager en qui il ne croit plus. Devant un public stupéfait, il offre un récit d'une sincérité bouleversante. Ce qui n'était à l'origine qu'un simple hymne à la rébellion adolescente se transforme en un véritable manifeste intime. Le chanteur s'est libéré des entraves paternelles, de cette voix qui lui répétait qu'il n'irait jamais bien loin. Il a prouvé le contraire. Aujourd'hui, il lutte pour préserver ce qu'il a construit, menacé par les manœuvres d'un homme qu'il ne reconnaît plus. Le 27 mars, Bruce Springsteen et Steven Van Zandt sont invités par le disque jockey Cat Simon dans les studios d'Atlanta, où ils accordent une interview et prennent en charge la programmation musicale. Ils en profitent notamment pour diffuser des extraits du premier album à venir de Southside Johnny and the Asbury Dukes. La tournée inclut notamment une date à l'université de Durham, en Caroline du Nord, où le groupe joue pour la première fois l'intégralité de Born to Run au cours d'un seul et même concert. Face à l'incroyable demande dans cet état stratégique, une date supplémentaire est ajoutée la dernière minute, le 29 mars, à l'Ovens Auditorium de Charlotte. Organisé en seulement 5 jours avec une promotion limitée, cet événement attire malgré tout 2400 spectateurs et affiche quasiment complet. Après la Caroline du Nord, le groupe s'enfonce progressivement dans le Midwest américain. La première étape a lieu le 1er avril à l'Université d'Athènes dans l'Ohio. Un concert organisé à la dernière minute est annoncé seulement 3 jours plus tôt. En effet, une autre date initialement prévue le même jour à l'Université Butler d'Indianapolis a été annulée. des organisateurs ne parvenant pas à réunir les 5000 dollars nécessaires pour accueillir le chanteur. Ce concert à Athènes tourne à l'émeute. La vente chaotique de billets ne garantit pas de place assise et des centaines de spectateurs se pressent devant les portes, les faisant voler en éclats. En raison de la capacité limitée de la salle, c'est près de 1000 personnes qui doivent finalement rester à l'extérieur. Le groupe poursuit sa tournée en se rendant sur le campus universitaire du Michigan. le 4 avril avant de retourner dans l'Ohio pour un concert au théâtre de Columbus, suivi de deux dates mémorables à l'Allen Theater de Cleveland, un des bastions historiques du Street Band. La ferveur du public est telle que les billets pour ces deux soirées se vendent en moins de deux heures. Le 10 avril, Bruce répond favorablement à une requête de John Hammond et joue lors d'un événement caritatif au Collège UP de Wellington dans le Connecticut. Malgré une promotion minimale et un public plutôt guindé et peu réceptif, les fans locaux de Springsteen diffusent rapidement la nouvelle permettant au groupe de se produire devant certains de ses admirateurs les plus fidèles installés dans les premiers rangs. Deux jours plus tard, Bruce Springsteen et Louis Streetband jouent à Jonestown devant plus de 4000 spectateurs, tandis que d'autres fans commencent déjà à camper pour le concert du lendemain à University Park, à une centaine de kilomètres de là. Le 15 avril, à Pittsburgh, le groupe livre une performance enflammée à la Syrienne Mosquée. Alors que le public commence à partir après le spectacle, le groupe entame un rappel surprise et interprète une version indiablée de plus de 10 minutes de Twist and Shout. Juste au moment où le chanteur s'apprête à continuer, une femme chargée de la salle monte sur scène, tape sur l'épaule du chanteur et lui demande d'arrêter immédiatement. Jouant le jeu, Springsteen fait semblant d'être effrayé et quitte la scène avec ses musiciens, tandis que la femme reste seule sur les projecteurs, les mains sur les hanches. Cette note théâtrale et comique devient un élément récurrent des concerts du groupe. Le lendemain, à Midville, après un concert électrique, Springsteen est évacué sur un brancard, Clarence Clements ne parvenant pas à le ranimer avec son saxophone. Puis, comme ressuscité, il remonte soudain sur scène pour reprendre le Carter to Free de Gary U.S. Bones. Après le concert de Meadville, le groupe donne une dernière représentation à Rochester en l'état de New York avant de prendre la direction du sud des États-Unis. Si la première partie de la tournée a été marquée par des salles combles et une ambiance électrique, ce voyage dans le sud s'avère beaucoup plus difficile et démoralisant. Entre le 20 avril et le 13 mai 1976, du Texas au Tennessee, en passant par l'Alabama, l'Arkansas et le Mississippi, le groupe doit faire ses preuves chaque soir, souvent devant des salles à moitié vides, afin de se construire un nouveau public. Les conditions de vie sur la route restent difficiles, avec de longues heures passées dans le bus entre chaque étape. Les anecdotes ne manquent pas, comme ce soir à Chattanooga, où l'équipe oublie Max Greenberg dans la salle, ne s'en apercevant qu'une heure après le départ vers Nashville avant de faire demi-tour. Ce concert illustre d'ailleurs bien le manque d'intérêt local puisque l'affiche n'attire que 1000 spectateurs dans un Memorial Auditorium pouvant en accueillir 4 fois plus. Même constat à la Freedom Hall de Johnston City dans le Tennessee où 1000 personnes se réunissent dans une salle d'une capacité de 8000 places. Le 6 mai, à la Louisiana Air Ride de Chiffport, Bruce Springsteen et le E Street Band ne rassemblent que 200 spectateurs dans une salle pouvant en contenir 3200. Sur scène, malgré la faible affluence, le groupe ne baisse pas les bras et donne tout comme s'il jouait devant un stade plat à craquer. Le chanteur prend notamment l'habitude de rejoindre la foule et de s'installer au premier rang pour improviser de longs monologues durant Growing Up. Cependant, en coulisses, le moral est au plus bas. Ces trois semaines dans le sud sont éprouvantes et la frustration grandit au sein du groupe. À Little Rock, dans l'Arizona, seulement 600 personnes assistent au concert. Bruce est furieux et promet de ne jamais revenir. Promesse qu'il ne tiendra qu'à moitié puisqu'il reviendra 20 ans plus tard. Heureusement, certaines dates sont des campus universitaires comme celui de Bone le 24 avril. rassemble un public nombreux. Ce soir-là, le groupe teste un nouveau morceau, Frankie, qui deviendra l'une des chutes de studio les plus appréciées des fans de Springsteen. Cette chanson, classieuse et romantique, porte une ambiance épique comparable à des titres comme Backstreet, Jungle Lane ou Incident of 57th Street avec des solos flamboyants de saxophone et d'harmonica. Frankie est le premier morceau pressenti pour le quatrième album à être joué sur scène. Pourtant, il sera rapidement retiré des séquistes après une dizaine d'interprétations et restera inédit pendant plus de 20 ans avant d'être publié dans le coffret Trax en 1998. Bien que certaines représentations souffrent d'une faible affluence, d'autres s'inscrivent comme des moments historiques. Le 28 avril, le groupe donne un concert au très conservateur Grand Ole Opry de Nashville, la mecque de la musique country. C'est d'ailleurs la première fois qu'un groupe de rock y est programmé et plus de 3000 spectateurs font le déplacement. Le lendemain, au Ellis Auditorium de Memphis, les musiciens ont l'honneur d'avoir Eddie Floyd en invité sur Knock on Wood et Raise Your Hand, deux des plus grands standards du chanteur originaire de l'Alabama. La tournée du Sud se termine avec trois dates en Alabama ainsi qu'un dernier concert au Municipal Auditorium de la Nouvelle Orléans. où ils reprennent un autre standard de Gary West Bones, sobrement intitulé New Orleans. De retour sur la côte est, le groupe a encore deux engagements pour le moins singulier à honorer à la fin mai avant de clôturer cette tournée prétanière. Ils sont programmés par l'Académie de l'armée de terre américaine à West Point dans l'état de New York le 27 mai, et par la Navy le 28 à Annapolis dans le Maryland. Cette date marque à la fois la fin officielle de la tournée Bones to Run et le début d'un long cauchemar qui va durer près d'un an et mettra mal l'innocence du chanteur. En effet, malgré la tournée, la situation avec Mike Apple ne s'est pas arrangée, bien au contraire. Le contrat de 4 ans signé en 1972 liant Springsteen à Laurel Canyon arrive à expiration. Depuis l'arrivée de John Lando dans l'équation lors de la réalisation de Bantoran, Mike Apple se sent mis à l'écart. De ce fait, dès le début de la tournée Bantoran, il tente de renégocier le contrat au plus vite. Pour convaincre Springsteen, il lui promet une part plus importante des royalties versées par CBS à Laurel Canyon en novembre 1975, à condition qu'il accepte de prolonger le contrat. Une proposition ambiguë, proche du chantage, qui a pour effet de braquer le chanteur. Bloqué, Bruce Springsteen décide de solliciter John Lando, alors retenu à Los Angeles pour produire l'album The Pretender de Jackson Browne. Malgré un million d'albums vendus et une tournée nationale, il ne dispose que de 3000 dollars sur son compte en banque, tandis que Mike Apple vient d'encaisser une avance de 250 000 dollars sur les royalties de l'album. John Lando le dirige alors vers deux avocats, Mike Meyer ainsi que Mike Tannen, spécialistes des droits dans l'industrie musicale. Parallèlement, Bruce sollicite l'avis de Walter Gatnikoff, nouveau président de CBS, qui lui déclare sans détour qu'un artiste ayant vendu plus d'un million de disques devrait avoir, au minimum, un demi-million de dollars en poche. Pour en avoir le cœur net, Springsteen sollicite fin mai un audit complet de l'Orel Canyon. C'est Steve Tannenbaum qui est chargé de cette mission et ses conclusions confirment les soupçons de l'artiste. En examinant les bilans comptables des quatre dernières années, il découvre que Mike Apple encaisse directement les chèques de CBS sur ses comptes personnels. Il démontre également que Bruce Springsteen n'a perçu qu'un dixième des revenus qu'il a généré depuis la signature de son contrat. Peu après le début de l'audit, Laurel Canyon verse d'ailleurs au chanteur 63 000 dollars de royalties pour la première fois de sa carrière. Ce paiement contribue à apaiser temporairement les tensions, jusqu'à ce que le chanteur réalise qu'il n'est pas propriétaire de ses propres chansons, puisqu'elles appartiennent également à Laurel Canyon. Les soupçons de Bruce sont confirmés. Lui qui pensait que les contrats n'étaient qu'une formalité et que seule la confiance envers son manager comptait, voit cette croyance s'effondrer face à la réalité juridique. Un autre avocat indépendant confirmera plus tard que ces documents comportaient tous les pièges classiques de l'industrie musicale. Bien qu'il n'ait sans doute pas été rédigé directement par Mike Apple à l'époque, mais plutôt par son avocat Jules Kurtz, ils étaient parfaitement alignés avec les standards contractuels de l'époque. De retour à New York, Springsteen se rend chez Bob Spitz, l'ancien assistant de Mike Apple. Il lui confie ses états d'âme. Il se sent floué, son manager lui prend trop d'argent et s'est accaparé, sur le plan légal, la propriété de ses chansons. Après avoir pris conscience du caractère abusif des contrats qui le lient à Mike Apple, Bruce demande à le rencontrer dans un bar. Fidèle à ses habitudes, le manager tente de détendre l'atmosphère en évoquant leurs souvenirs communs, multipliant les discours en bras d'émotion autour de quelques vers. Bien que blessé, Bruce reste ouvert à une résolution à l'amiable. Il propose de repartir sur de nouvelles bases, en remplaçant les anciens contrats par des accords équitables et en obtenant un contrôle total sur ses chansons. Échaudé par cette expérience, il souhaite désormais fonder leur collaboration sur un engagement tacite, scellé par une simple poignée de main. A l'issue de leur rencontre, un compromis semble trouver. Mais au moment de conclure, Apple choisit de consulter son père, qui l'incite à faire volte-face, jugeant que les nouveaux accords ne sont pas justes pour son fils. Déçu par ce revirement, Bruce décide alors de passer à l'étape suivante. Le 27 juillet 1976, il engage une action en justice contre Mike Apple et Laurel Canyon, les accusant de fraude, d'abus de confiance et de malversation. Représenté par les avocats Mike Mayer et Mike Tannen, il réclame un dédommagement à hauteur de 1 million de dollars. En guise de réponse, Mike Apple mandate Leonard Marks, un ténor du barreau. Deux jours plus tard, le 29 juillet, ce dernier adresse une lettre interdisant à Springsteen de travailler en studio avec quiconque, hormis Mike Apple lui-même ou une personne qui l'aura explicitement désigné. Pour renfoncer de clous, Leonard Marks dépose une requête auprès de la Cour suprême de l'État de New York, le 9 août, afin de valider ses interdictions. Pour faire face à ses frais juridiques, Bruce Springsteen a besoin de liquidités. Il se tourne alors vers son agence de tournée, William Morris. mais son président, dit Stevens, lui refuse toute avance. Pari Bell, l'assistant de Sam McKiss, l'automanager de Springsteen au sein de l'agence depuis 1972, saisit l'opportunité. Il démissionne de son poste et emmène le chanteur chez Premier Talent, une agence spécialisée dans le rock fondée une dizaine d'années plus tôt par Frank Barcelona. Ce dernier accepte sans hésiter de verser une avance de 100 000 dollars à Bruce Springsteen, officialisant ainsi l'arrivée du chanteur dans son agence. Dans la foulée, Bruce congédie Sam McKiss et nomme Barry Bell comme son nouvel agent personnel. Cette décision provoque la colère de Mike Apple, puisque celui-ci envisageait de créer sa propre agence de tournée avec Barry Bell justement. Le 4 août, Bruce Springsteen met officiellement fin à sa collaboration avec Mike Apple en lui adressant une lettre de licenciement. Pourtant, ni l'un ni l'autre ne souhaitent réellement aller jusqu'au procès. Tout au long de l'été, les deux hommes tentent de parvenir à un accord à l'amiable. Même Adele Springsteen, la mère du chanteur, s'en mêle. Dans une tentative de conciliation, elle envoie à Mike Apple un livre sur les droits des affaires accompagné d'un mot bienveillant, espérant désamorcer le conflit. Malgré tout, la situation semble bloquée. Mike Apple, déterminé à rester dans l'entourage professionnel de Booth, utilise tous les moyens à sa disposition pour retarder ses projets et conserver une forme de contrôle. De son côté, le chanteur refuse catégoriquement de retravailler avec lui. Le dialogue s'essouffle et la rupture devient inévitable. La veille d'envoyer sa lettre de licenciement, Bruce Springsteen interprète pour la première fois The Promise une balade mélancolique et introspective lors d'une série de six concerts au Monmouth Art Center de Red Bank dans le New Jersey. Même si le chanteur n'a jamais admis que ce texte fasse directement référence à sa relation avec Mike Apple, l'analyse des paroles laisse peu de place au doute. Le morceau trouve ses racines dans l'univers singulier du Jersey Shore raconté à travers les yeux d'un pilote amateur. Sa voiture de course, la Challenger, est une allusion subtile à l'usine de planches de soeurs de Tinker West, lieu où Bruce a vécu et répété avec son groupe Stin Mill à la fin des années 60. Au fil des couplets, le chanteur évoque des lieux familiers, la route neuve, les usines locales et la fameuse Thunder Road. Dans cette chanson, les rêves de jeunesse semblent s'être dissipés. « Quand la promesse est rompue, tu continues à vivre, mais on t'a volé quelque chose au fond de ton âme » , chante-t-il. La promesse symbolise cet idéal d'intégrité auquel Bruce tenait tant. Avec ce titre, Son écriture amorce un tonant décisif, explorant des thèmes plus sombres, marqués par un ton fataliste et amer. Sur le plan musical, Roy Beaton signe une ligne mélodique lumineuse, sublimée par les claviers et le glockenspiel de Danny Federici. Malgré ses qualités évidentes, The Promise ne sera pas retenu pour le quatrième album de Springsteen, malgré de nombreuses versions enregistrées en studio. Elle restera l'une des plus belles chutes de studio de l'histoire du chanteur avant d'être finalement publiée en 2010 sur l'album du même nom dans une version revisitée et actualisée.

  • Speaker #1

    Charlie works in a factory, Derek works downtown Terry works in a rock'n'roll band And for that million dollars

  • Speaker #2

    Give me,

  • Speaker #1

    I'll do nothing but I just spend a lot of time alone. Some nights I go driving. And some nights I stay home. See, I follow that dream. Just like those guys do.

  • Speaker #0

    Le 17 août, Bruce Ponkstein se présente à une audience préliminaire. Peu habitué au langage juridique et au code strict du tribunal, il perd rapidement son calme, laissant éclater quelques éclats de colère. Il confie dans son autobiographie « Bound to Run » « Le premier jour de mes dépositions, sous la tutelle des deux Peters, je n'ai pas été très correct. J'ai répondu aux questions de manière brutale, mêlant théâtralité et colère sincère, presque violente. Ce n'était pas l'argent qui me mettait en rage, mais le fait de ne pas contrôler la musique que j'avais écrite. L'argent n'était que le carburant de ma fureur. Je me suis laissé emporter pendant plusieurs jours. J'ai crié, frappé sur la table, repoussé ma chaise, donné un coup de poing dans un meuble. J'aurais mérité un Oscar. » « Finalement, Léonard Marx, l'avocat de Mike, a demandé l'annulation de mes dépositions à cause de mon comportement. Nous avons dû prendre le métro pour nous rendre au tribunal, où le juge m'a poliment ordonné de me calmer. » Le contre-interrogatoire mené par Léonard Marx accentue la pression sur les épaules de Springsteen. L'avocat cherche à lui faire porter la responsabilité exclusive de ses difficultés financières, lui reprochant d'avoir refusé plusieurs opportunités en or à la fin 75 et au début 76, dont un album live, une tournée estivale ou encore une émission spéciale sur NBC. Bruce reste cependant inflexible. Il a mis un terme à sa collaboration avec Mike Apple parce que ce dernier l'a trahi et lui a menti. Le 15 septembre, le juge Arnold L. Fein confirme l'injonction empêchant Springsteen d'enregistrer en studio sans l'autorisation d'une personne désignée par Laurel Canyon, estimant que les accusations de fraude portées contre Mike Apple ne sont pas recevables en l'état. L'ex-manager parvient ainsi à boucler temporairement la progression naturelle de la carrière du chanteur Merci. et l'empêche tout simplement d'approcher un studio d'enregistrement tant qu'aucun accord ne sera trouvé entre les deux parties. Furieux de la tournure des choses, Springsteen licencie l'avocat Mike Mayer tandis que Mike Tennant devient son avocat exclusif. Ce dernier sait trouver les mots pour calmer le chanteur et l'encourage à se battre malgré un combat qui s'annonce long et incertain. Un an après la sortie de Born to Run, Booth est bloqué et disparaît progressivement des radars. Les ventes de l'album commencent à stagner et aucune sortie de single n'est prévue pour maintenir un semblant de visibilité médiatique. Cette inactivité discographique a tout du suicide artistique à une époque où les artistes sortent un album tous les ans, voire plusieurs fois par an. Maigre compensation, Alan Clark, ex-membre des Hollies, cartonne en Angleterre avec sa reprise de Bound to Run, tandis que la reprise électro de Blinded by the Light par Manfred Mann-Hersband est numéro 1 des deux côtés de l'Atlantique, bien que son auteur n'apprécie guère cette version. Sans perspective de dénouement imminent, Bruce Springsteen a d'autres choix que de partir en tournée à l'automne 1976 sans album à promouvoir. L'objectif est simple, continuer à payer ses musiciens et maintenir la dynamique du groupe sur scène. Conçue également dans la précipitation, cette tournée se concentre principalement sur le circuit universitaire où le groupe rencontre encore un franc succès et décroche de nombreux contrats. Le coup d'envoi est donné le 26 septembre au Memorial Coliseum de Phoenix en Arizona. Pour la première fois, Bruce joue en tête d'affiche dans une salle de 10 000 personnes et parvient à la remplir. Ce succès va marquer un tournant. Le chanteur va progressivement reconsidérer ses appréhensions à propos des grandes salles, notamment les contraintes liées à l'acoustique et la proximité avec le public. Sur scène, la formation étoffe son son. A Red Bank, en août, ils étaient déjà accompagnés par la section Q de Southside Johnny, alors malade et incapable de se produire sur scène. Pour cette tournée automnale, une nouvelle section de cuivre, renommée les Miami Horns, est constituée par Steven Van Zandt. John Binkley et Steve Parraxi sont à la trompette, Ed De Palma au saxophone et Dennis Orlok au trombone. Ils accompagneront Bruce et The Streetmen durant toute cette tournée qui s'attendra jusqu'en mars 1977. Ils offrent notamment une coloration soul bienvenue sur des titres comme Tent Avenue Freeze Out ou les reprises de Raise Your Hand ou You Can Sit Down. Tiff Paraski accompagne Bruce et Roy Beaton sur une version de travail de Something in the Night, le seul morceau présenté sur scène au cours de ces deux années de tournée qui figura finalement sur le quatrième album. Durant cette période, une demi-douzaine de nouveaux titres sont testés en concert, parmi lesquels The Promise ou Rendez-vous. Ce dernier, porté par l'énergie du live, reprend les codes du rock springsteenien. glockenspiel scintillant, guitare inspirée du mur du son de Phil Spector et une touche pop particulièrement séduisante. Après l'Arizona, le groupe met le cap sur la Californie pour une série de 5 concerts avant de reprendre progressivement la route vers la côte est. Là, ils enchaînent les dates sur les campus universitaires où les attend une base de fans fidèles et enthousiastes. Les cachets sont modestes, souvent négociés à la hâte et à prix réduit dans l'urgence de la tournée. Par exemple, le 3 octobre à Santa Clara, la salle affiche complet avec 5000 spectateurs pour un cachet relativement modeste de 7000 dollars. La tournée passe ensuite par l'Ohio, le New Jersey, la Virginie et l'état de Washington, avant de marquer une étape importante en Pennsylvanie, deux soirées au légendaire Spectrum de Philadelphie, où le groupe se produit devant 10 000 spectateurs à chaque représentation. C'est sur cette même scène que le chanteur a été hué au point de devoir quitter la scène le majeur Levé, trois ans plus tôt, en ouverture de Chicago. La tournée d'automne se conclut en apothéose par une série de six concerts au Panadium de New York, attirant plus de 10 000 spectateurs au cours de la semaine. Une fois encore, Delic New Yorkais se presse pour voir l'artiste du moment. Depuis sa résidence mythique au Bottom Line et dans Pluto, Springsteen a fait évoluer son apparence. Barbe rasée, cheveux coupés courts, une silhouette plus sobre, mais un charisme toujours intact. Sur scène, les invités prestigieux se succèdent. Le 29 octobre, Gary West Bones rejoint le groupe pour un Carter Tofui endiablé. Bruce l'avait rencontré quelques jours plus tôt, alors que ce dernier se produisait devant une poignée de spectateurs au Fat City, un club new-yorkais dans lequel le jeune Springsteen avait lui-même joué à ses débuts. Touché par la situation, il demande à rencontrer l'un de ses héros d'enfance après le concert. De cette soirée naîtra une amitié durable, qui mènera quelques années plus tard à la résurrection médiatique de Gary U.S. Bonds avec Dedication, un album écrit et produit par Springsteen et Van Zandt, qui le ramènera dans le top 10 des charts américains en 1980. Le troisième soir, c'est Patti Smith qui monte sur scène pour une version inédite de Rosalita. En retour, Bruce Springsteen viendra l'accompagner à la guitare et au piano sur la scène du Bottom Line, lorsqu'elle s'y produira avec John Cade quelques semaines plus tard. Le 4 novembre, pour la dernière date au Palladium, le groupe livre une interprétation magistrale de It's My Life des Animals, mais c'est bien l'apparition surprise de Ronnie Spector qui fait chavirer la salle durant les rappels. Icone des années 60 et idole de Bruce et de Van Zandt, elle rejoint le groupe pour trois titres de Ronettes, dont un Be My Baby survolté. Max Weinberg y recrée à merveille l'esprit du Wall of Sound avec une batterie au son ample et réverbéré, rendant un hommage vibrant à l'âge d'or de la pop qui a rythmé l'adolescence des musiciens du E Street Band.

  • Speaker #1

    Merci.

  • Speaker #0

    Après six semaines de tournées intenses, Bruce va rester quelque temps à New York. Deux jours après la dernière au Palladium, il est invité par Richard Neer sur WNU-FM où il prend les commandes de la programmation musicale le temps d'une émission spéciale. Jouant le jeu, il en profite pour faire passer plusieurs titres du nouvel album de Jackson Browne, The Pretender, produit par son ami et producteur John Lando. Interrogé à l'antenne, il évoque brièvement son nouveau look, son visage rasé de près et ses cheveux courts, mais évite soigneusement tout commentaire sur son différent juridique avec Mike Apple. Cette parenthèse radiophonique renfermée, il rejoint Steven Van Zandt en studio pour travailler sur leur deuxième album de Southside Juni, This Time Is For Real. Il coécrit notamment deux morceaux marquants, Love on the Wrong Side of Town et When You Dance. De leur côté, les membres du E-Street Band ne sont pas soumis aux mêmes interdictions que le chanteur et s'investissent dans différents projets. Mike Zinberg et Roy Beaton participent ainsi à l'enregistrement de Battle of Hell, le premier album de Meatloaf. Relativement confidentiel en Europe, ce disque rencontre un succès immense aux États-Unis, au point de devenir l'un des dix albums les plus vendus de tous les temps. Composé par Jim Steinman, grand admirateur de Springsteen, l'album s'inscrit dans la droite lignée musicale de Born to Run et devient l'hymne d'une génération d'adolescents. Roy Bittan, particulièrement sollicité à cette période, prête également son talent au clavier pour Station to Station de David Bowie et collaborera à nouveau avec lui quelques années plus tard sur Scary Monster. De son côté, Clarence Clemons fait ses premiers pas au cinéma sous la direction de Martin Scorsese, incarnant un jazzman dans New York, New York. Malgré leurs divers engagements parallèles, les membres du Streetband traversent une période de grande précarité. La maison que Bruce Springsteen loua à Holmdel, dans le New Jersey, s'est transformée en quartier général improvisé. Tandis que le groupe répète dans le salon, les chambres à l'étage servent de bureau pour gérer les affaires courantes. Le conflit juridique avec Mike Apple a plongé Bruce et son entourage dans une grande instabilité financière. Afin de pouvoir payer ses musiciens et son équipe technique, Bruce n'a d'autre choix que d'accepter des concerts dans de grandes salons de l'esport, loin de l'ambiance intimiste qu'il privilégiait jusqu'alors. Les cachets sont encore faibles, irréguliers et les salaires se résument bien souvent à des promesses de paiement. Cela fait désormais près de 5 ans que le groupe mange de la vache enragée. Et pourtant, en public, personne ne laisse rien paraître. Tous semblent concentrés sur leur mission, mue par une foi commune dans la musique et l'avenir du groupe. Mais en privé, l'attention est palpable. Selon Steven Van Zandt, après une répétition où Bruce est parti avant les autres, les musiciens ont commencé à évoquer, pour la première fois, la possibilité de tout arrêter et de partir chacun de leur côté. Fidèle parmi les fidèles, Steven Van Zandt prend alors l'initiative d'Alerte Steve Popovich, ancien cadre de Columbia et aujourd'hui en poste chez Epic Records, une autre filiale de CBS. Popovich, fan de Springsteen de la première heure, prend rapidement conscience de la gravité de la situation. Justement, ce dernier recherche un groupe de rock pour accompagner Ronnie Spector, l'ancienne chanteuse des Ronettes, récemment signée chez Epic. Ronnie tente de relancer sa carrière après avoir échappé à l'emprise de son mari, fils Vector, qui l'a littéralement cloîtré pendant des années dans son manoir de Los Angeles. Billy Joel lui a déjà offert une chanson, Say Goodbye to Hollywood, pressentie comme le single phare de son premier album solo. Il ne manque plus qu'un groupe capable de lui offrir un écran sonore digne de ce nom, et le E-Street Band a toutes les qualités requises pour réaliser cette mission. En janvier 1977, Ronny Spector entre donc au studio CBS de New York entouré du E-Street Band. A la production, on retrouve Steven Van Zandt. A la fin du mois, Bo Springsteen les rejoint discrètement pour poser une partie de guitare acoustique sur le morceau même s'il n'est pas crédité en raison de son litige avec Mike Apple. Le single « Say Good-Bye to Hollywood » sort en avril 1977. Hélas, il passe inaperçu et le projet d'album est rapidement abandonné. Néanmoins, cette parenthèse aura permis de mettre un peu de beurre dans les épinards des musiciens en attendant la suite des événements. En février 1977, le conflit entre Apple et Springsteen n'est toujours pas réglé. Pour les mêmes raisons financières qu'à l'automne précédent, Bruce et son groupe repartent sur les routes américaines pour une tournée de 7 semaines, composée de 33 dates réparties dans 15 états différents, principalement dans le Midwest, ainsi qu'au Canada, en Floride et sur la côte est américaine. La deuxième partie de la tournée du procès débute donc le 7 février au Palace Theater d'Albanie, dans l'état de New York, où le groupe présente pour la première fois Action in the Streets, une composition encore en rodage, mise en avant par le travail des Miami Owls.

  • Speaker #2

    Psst !

  • Speaker #1

    C'est une vieille ombre ! 1,

  • Speaker #2

    2, 3, 4, 5, 6, 7, 8, 9,

  • Speaker #0

    tout comme ceux de l'automne 1976, restent relativement courts et dépassent rarement les deux heures. C'est toutefois lors des dates canadiennes que Springsteen introduit une nouvelle habitude, une pause de 20 minutes scindant le spectacle en deux actes distincts. Ce format, inédit jusqu'à là, deviendra sa signature scénique et perdurera jusqu'à la fin de la tournée Born in the USA en 1985. Chaque soir, le groupe n'interprète qu'une quinzaine de titres, dont la quasi-intégralité de Born to Run. À Richfield, dans le Ohio, le 17 février, Ronnie Spector rejoint de nouveau les musiciens, aux côtés de Flo et Eddie, un duo comique. Ils interprètent ensemble trois classiques des Ronettes, Baby I Love You, Walking in the Rain et Be My Baby, ainsi que le single de Ronnie Spector enregistré avec les Street Band, Say Goodbye to Pretty Good. Bien que les concerts aient désormais lieu dans les salles plus vastes, le groupe peine parfois à remplir les gradins. À Ottawa, seul mi-spectateur se déplace au Civic Center, pourtant conçu pour en accueillir 6000. Même constat à Cincinnati, où la salle reste deux tiers vide malgré la présence de cinq... 20 000 spectateurs. C'est de nouveau sur le circuit des universités que le succès est le plus éclatant. A Providence, les 3400 tickets s'écoulent en un temps record, tout comme à Puskipsi, Bighampton, New Haven ou Lewinston. A Toledo, le 10 mars, Springsteen présente une nouvelle composition inédite, Don't Look Back, qui malgré ses qualités indéniables et sa rage, ne sera pas conservée pour le quatrième album. Elle est interprétée à un stade encore embryonnaire et les paroles subiront de nombreuses modifications au cours des concerts à venir. La tournée se termine en fanfare par quatre représentations au Music Hall de Boston devant un public de fidèles survoltés. Ses performances sont devenues légendaires tant pour l'ambiance électrique qui y régnait que pour les performances d'une intensité inouïe livrée par Bruce Springsteen et Louis Street Band. Cet engouement autour de la tournée traduit également un tournant dans les négociations entre Bruce Springsteen et Mike Apple. Après de longs mois d'impasse, les choses s'accélèrent brusquement au début du mois d'avril. Les deux parties ne souhaitant pas aller jusqu'au procès, elles finissent par consentir à un accord. Début mai. un compromis est sur le point d'être signé. Pour fêter cela, Bruce Springsteen rejoint Steven Van Zandt à Red Bank les 12 et 13 mai. South Side Johnny, initialement prévu pour ses deux concerts, est souffrant. Sans hésiter, ses amis prennent le relais et montent un groupe improvisé, The Ashbury Park All-Star Review, mêlant musiciens des Ashbury Jukes de South Side Johnny, du E Street Band, ainsi que de Ronnie Spector. Steven Van Zandt assure le champ principal tout au long des deux soirées, tandis que Bruce, plus en retrait, se charge de la guitare et des chœurs. Il prend néanmoins le micro pour deux moments forts, The Fever et Thunderworld. Il partage également le micro avec Van Zandt sur Having a Party, Avant de conclure en duo avec Ronny Spector sur You Mean So Much To Me, le 28 mai 1977, les avocats de Bruce Springsteen et de Mike Apple trouvent enfin un accord. Pour que le chanteur soit pleinement libéré de tous les liens contractuels qu'il initiait à son ancien manager, Mike Apple recevra 800 000 dollars versés par CBS, ainsi que 50% des droits d'édition sur les 27 chansons déjà publiées chez L'Oréal Canyon. Une somme conséquente, mais le prix nécessaire pour que Springsteen reprenne le contrôle total de sa musique et de son avenir. Cette clause d'édition expirera en 1983, lorsque Mike Apple cèdera définitivement le catalogue de Sioux Music pour 200 000 dollars, quelques mois avant que Springsteen n'explose mondialement avec Born in the USA. Pour célébrer cette victoire, Bruce et Steven Van Zandt prennent la route de Philadelphie pour assister à l'un des derniers concerts d'Elvis Presley. C'est la première fois que Van Zandt voit le King sur scène. Bruce, lui, l'a déjà vu en juin 1972, aux côtés de Mike Apple au Madison Square Garden, alors que Presley était encore flamboyant. Mais en ce mois de mai 77, le contraste est saisissant. Boursouflé, rongé par ses addictions, Elvis n'est plus que l'ombre de lui-même. Sa prestation est si laborieuse que Bruce et Steven ne prononcent pas un mot lors du trajet retour, profondément secoué par ce qu'ils viennent de voir. Quelques mois plus tôt, après un concert à Memphis, ils avaient tous deux tenté de pénétrer dans sa propriété de Graceland, escalade dans les murs pour approcher leur idole avant d'être arrêté par la sécurité. Springsteen rejettera la responsabilité de cette lente descente aux enfers sur le colonel Parker, qu'il accusera d'avoir épuisé son artiste malgré des signes d'épuisement flagrants. Il ira même jusqu'à établir un parallèle avec sa propre carrière, affirmant avoir su rompre à temps avec Mike Apple avant de connaître le même sort. De retour chez lui, Bruce Springsteen compose le morceau Fire pour Elvis Presley. Nous ne saurons jamais si celui-ci a pu l'écouter puisqu'il décèdera moins de trois mois plus tard, à l'âge de 42 ans. Ce sont finalement les Pointer Sisters qui en feront un tube au début de l'année 1978.

  • Speaker #2

    Le 30 mai,

  • Speaker #0

    Bruce retourne à New York pour signer officiellement l'accord juridique qui scelle la fin de sa relation professionnelle avec Mike Apple. Deux jours plus tard, il entre dans les studios d'Athlantic Records à New York pour entamer les premières sessions de son quatrième album tant attendu. Par ce procès, la première phase de la carrière de Springsteen s'achève. Tous les acteurs majeurs de ses débuts chez CBS ne font plus partie de l'équation. Mike Apple est évincé, Sam McKiss également, tandis que Clive Davis et John Hammond sont désormais à la retraite. Grâce à son nouvel avocat Mike Tennant, Bruce Springsteen signe directement avec CBS via un contrat négocié avec Walter Yetnikoff, président du label, qui lui garantit des royalties inédites d'un dollar par album vendu. Au terme d'une année éprouvante, le chanteur a finalement reconquis Dans la douleur, la pleine possession de son œuvre est de son destin artistique. C'est ainsi que se termine ce huitième épisode de Badlands. Vous retrouverez comme d'habitude l'application Spotify et les sources utilisées pour écrire ce podcast en description. N'hésitez pas à partager ce contenu et à réagir sur la page Facebook de l'émission. C'était Julien et je vous dis à très vite pour un épisode consacré à l'album Darkness on the edge of town.

Description

Pour ce septième épisode, on revient sur la procédure judiciaire entreprise entre Bruce Springsteen et Jon Landau, ainsi que les différentes tournées (Chicken Scratch et Lawsuit) de 1976-1977.


Retrouvez la playlist Spotify pour accompagner ce sixième épisode : https://open.spotify.com/playlist/34d5rvZBn9fcinSoPda8Hc?si=4f4770a39ea9476e


Les sources utilisées pour ce podcast :

  • Bruce Springsteen, Born To Run, Éditions Albin Michel (2016)

  • Marc Dufaud, Bruce Springsteen : une vie américaine, Éditions Camion Blanc (2010)

  • Peter Ames Carlin, Bruce, Éditions Sonatine (2013)

  • Hughes Barrière, Bruce Frederick Springsteen, Éditions Castor Astral (2013)

  • Clinton Heylin, E Street Shuffle: The Glory Days of Bruce Springsteen and the E Street Band, Éditions Viking Adult (2013)


Hébergé par Ausha. Visitez ausha.co/politique-de-confidentialite pour plus d'informations.

Transcription

  • Speaker #0

    Bonjour à toutes et à tous et bienvenue dans ce nouvel épisode de Badlands. Avec Band to Run, Bruce Springsteen est devenu une vedette dans son pays natal. Après avoir passé l'année 1975 en studio et sur la route, le groupe s'octroie quelques mois de repos. Ils ne le savent pas encore, mais de nombreux litiges avec le manager de Booth, Mike Apple, va les contraindre à ajuster leur projet pour les 18 mois à venir. Vous êtes dans Badlands et je vous souhaite une excellente écoute. Lorsque l'année 1975 se termine en fanfare avec une date au Tower Theatre de Philadelphie, Bruce Springsteen est devenu la nouvelle coqueluche des médias américains et une véritable star du rock dans son pays natal. Born to Run a fait de lui la nouvelle sensation musicale à tel point qu'il a obtenu simultanément la première émission de la série. première page du Times et Newsweek, une première pour un chanteur de rock. De partout, la presse encense son dernier album et ses performances scéniques. Le magazine anglais Sounds l'élit révélation de l'année 1975, tandis que le Rolling Stone le déclare artiste de l'année. La popularité du chanteur est telle qu'il est interviewé dans des médias dépassant le cadre musical, notamment le magazine Playboy en mars 1976. Malgré la Springsteenmania qui déferle sur les États-Unis, Bruce Springsteen reste distant face à la célébrité. L'attention médiatique et l'adulation du public le mettent mal à l'aise. Il ne cherche ni les projecteurs ni les mondanités. Très loin des clichés du star system, il fuit les lieux branchés, décline la majorité des invitations à des after-shows ou émissions et choisit le plus souvent de rentrer chez lui après les concerts. Lorsqu'il quitte la scène, il redevient presque anonyme, arpentant les rues, solitaire ou attablé dans un fast-food, à milieu de l'image flamboyante qu'on projette sur lui. Sentimentalement, Bruce Springsteen mène une vie paisible et discrète. Il partage un bungalow à Long Branch avec Karen Darvin, rencontrée peu de temps auparavant. Située non loin de la plage, cette ville, tout comme Ashbury Park, a vu sa population décliner au fil des années, n'attirant plus que quelques artistes et marginaux grâce à des loyers particulièrement attractifs. Springsteen mène une existence presque spartiate. Son intérieur se résume à un canapé, une télévision, un piano, quelques guitares, sa précieuse collection de disques et une Chevrolet de 1957. Il ne gagne pas plus de 25 000 dollars par an, une somme modeste pour un artiste devenu l'un des visages du rock américain. Loin des villas de Beverly Hills ou des excès de la rockstar caricaturale, il mène une vie simple. Toutefois, il désire trouver un lieu plus adapté à ses besoins, à la fois un refuge paisible pour sa vie quotidienne et un espace suffisamment vaste. pour accueillir les répétitions du E Street Band. Rick Seguso, son directeur de tournée, lui dégote le logement parfait, une grande propriété située à Holmdale dans le New Jersey. Cet ancien poste de cavalerie offre un cadre à la fois isolé et spacieux. Séduit par les lieux, Springsteen se laisse rapidement convaincre et signe le bail, même s'il doit faire appel à Seguso pour l'aider à financer les premiers mois de location. Tandis que la plupart des musiciens du groupe profitent de ce repos bien mérité après ses neuf mois particulièrement chargés, Steven Von Zahn s'investit quant à lui dans la production et l'enregistrement du premier album de Southside Journey and the Asbury Dukes. Le guitariste a quitté la formation pour rejoindre E Street Band 6 mois plus tôt, mais n'oublie cependant pas ce groupe qu'il manage encore. Ils entrent au record plant en janvier et y resteront près de 3 mois. Bruce Springsteen apparaît dans les crédits de l'album. En tant que coproducteur et arrangeur pour deux titres qu'il cède à Southside Johnny, You Mean So Much To Me et The Fever, sur laquelle Clarence Clements effectue les chœurs. La chanson avait rencontré un succès certain sur les stations de radio qui avaient obtenu la bande démo transmise quelques mois plus tôt par Mike Apple. Pourtant, Bruce ne se l'approprie toujours pas. Il ne la joue presque jamais en concert et semble mal à l'aise avec ce morceau qu'il juge trop éloigné de sa vision artistique. Plutôt que de la revendiquer, il choisit de l'offrir à son ami et ancien partenaire Southside Uni, qui en fera l'un des titres les plus emblématiques de son répertoire. Ce break salvateur après une année épuisante ne suffit pourtant pas à désamorcer des tensions croissantes entre Bruce Springsteen et son manager, Mike Apple. Lié par une série de contrats signés au début de l'année 1972, les deux hommes entrent désormais dans les derniers mois de leur collaboration formelle. Depuis la tournée européenne, quelque chose s'est fissuré. Springsteen commence à suspecter que les accords initiaux, signés alors qu'il n'était qu'un illustre inconnu, ne jouent plus en sa faveur. Maintenant que le succès est au rendez-vous et que l'argent commence à rentrer, il réalise qu'il n'a aucun contrôle sur ses revenus. Tout transite par Mike Apple qui garde la mamie sur ses finances. Pire encore, profitant de l'absence de John Lando pendant le voyage en Europe, le manager a tenté de lui faire signer de nouveaux documents, soi-disant plus avantageux, pour prolonger leur collaboration. Méfiant, Bruce refuse de s'engager sans comprendre précisément les termes du contrat. Il sait que la situation a radicalement changé depuis 1972. Il n'est plus un artiste sans public, mais une star à l'échelle nationale. Il exige donc des conditions justes, transparentes et conformes aux pratiques du milieu. Souhaitant comprendre les contrats qu'il a signés quatre ans plus tôt, il demande à consulter un avocat. Ce dernier, choisi par Mike Apple lui-même, reste évasif. Ce flou volontaire ne fait qu'alimenter les inquiétudes de Springsteen. Il commence à mesurer l'ampleur de son absence de contrôle sur ses finances et comprend que sa situation précaire malgré le succès s'explique en grande partie par la nature de ses contrats qui centralisent tous les revenus entre les mains de son manager. Petit à petit, le chanteur se sent mis à l'écart de son propre destin artistique et économique, comme exclu d'un système qu'il a pourtant contribué à faire éclore. Outre les tensions liées au contrat, Bruce Springsteen et Mike Apple s'opposent de plus en plus sur la direction à donner à la carrière du chanteur après le succès de Band to Run. Tandis que Springsteen renforce sa relation avec John Lando, qu'il a déjà sollicité pour coproduire son prochain album, Mike Apple tente de garder le contrôle. Conscient de l'élan médiatique autour de l'artiste, il multiplie les propositions ambitieuses. Une émission télévisée en prime time sur NBC, dans l'esprit du célèbre show consacré à Elvis Presley en 1968, ou encore un concert en clôture des Jeux Olympiques de Montréal. Springsteen, fidèle à ses principes et mal à l'aise sous les projecteurs, refuse systématiquement. Le show télévisé sera finalement confié à Bob Dylan et l'apparition olympique tombe à l'eau. Le fossé se creuse davantage lorsqu'Apple propose une tournée estivale sous un chapiteau itinérant sur les campus universitaires américains. Le projet est d'ailleurs bien avancé, mais Apple a déjà pensé à certains aspects logistiques comme l'étanchéité de la structure, la présence de gradins ou l'alimentation de la chaufferie. Pour autant, Bruce rejette aussi cette proposition sans ménagement. tout comme une offre d'un million de dollars pour un concert de clôture dans un festival au JFK Stadium de Philadelphie, réunissant que les groupes du New Jersey prévus pour le jour de la fête nationale, le 4 juillet. Pour lui, ces idées spectaculaires s'éloignent de sa vision artistique. Même la sortie d'un album live, pourtant vivement souhaité par Mike Apple, est refusée sans appel par Springsteen, qui juge cette initiative prématurée après seulement trois albums studio. Pourtant, les enregistrements professionnels de cette période, tels que ceux de Tom Roto au Greenvale, révèlent la puissance scénique du groupe. Cette série de désaccords confirme l'impasse grandissante entre le chanteur et le manager. Furieux face à cette série de refus, Mike Apple commence à douter de la bonne foi de son client. De son côté, le chanteur est désormais persuadé que son manager le spolie d'une manière ou d'une autre. Le climat de confiance entre les deux hommes se délite et la relation s'envenime peu à peu. Après trois mois de pause loin de la scène, le E Street Band reprend la route pour la seconde partie de la tournée Band to Run. Avant cela, ils donnent une répétition générale le 21 mars au Stone Pony d'Ashbury Park devant 300 invités triés sur le volet. C'est à cette occasion qu'ils jouent pour la première fois la reprise de Raise Your Hand d'Eddie Floyd, un titre appelé à devenir l'un des temps forts de leurs futures prestations scéniques. La tournée reprend officiellement le 25 mars au Township Auditorium de Columbia en Caroline du Sud. Très vite, musiciens et techniciens leur rebaptisent officiellement le Chicken Scratch Tour littéralement la tournée des fonds de tiroirs, référence aux nombreuses dates prévues dans les marchés secondaires notamment dans les états du sud où Bruce Springsteen et Louis Streetbend restent encore relativement méconnus. La tournée est d'ailleurs bricolée à la va-vite dans un climat de tension et n'aura pas le même retentissement que celle de l'année précédente. La setlist de cette nouvelle série de concerts reste proche de la fin de l'année 1975 avec Night en ouverture suivie de Tenth Avenue Freeze Out. Mais l'un des moments les plus marquants de cette période est l'interprétation de It's My Life, une reprise des Animals. Au fil des interprétations, ce morceau devient bien plus qu'un simple hommage. Il sert de tremplin à Springsteen pour évoquer, en introduction, des souvenirs personnels poignants liés à son adolescence et sa relation conflictuelle avec son père. Ce thème de l'enfance difficile, abordé ici pour la première fois de manière aussi frontale, deviendra l'un des fils rouges de son œuvre au cours de la décennie à venir.

  • Speaker #1

    Je vis dans cette maison de deux familles. Un soir, mon père utilisait la porte de la porte. Donc, moi et ma soeur, on venait dans la cuisine. Et on s'est assis dans la cuisine toute la nuit, avec des lumières, des cigarettes, des beaux beaux. Ma mère s'est assise dans la porte et a regardé la télé. On est venu à 10 ou 11. Et à midi, ce n'était pas trop mal. Si tu es arrivé en round 2 ou 3 Il m'a toujours arrêté quand je me suis mis dans la cuisine et qu'il m'a parlé. Il m'a parlé de ce que j'étais en train de faire à l'école, de faire un bon travail. C'est très bientôt que nous serons en train de se battre et de se crier. Ma mère serait en train de se faire courir de la pièce de front. Elle essayait de nous garder en combat avec l'autre et moi, j'ai fini par rentrer à l'extérieur de la maison. J'ai marché à l'entrée de la porte pour lui dire que c'était ma vie.

  • Speaker #0

    Sur scène, le chanteur entame d'abord le premier couplet avec retenue, presque en murmure, comme si chaque mot portait le poids de son passé. Peu à peu, la tension monte, un crescendo implacable conduit jusqu'au refrain où tout explose. Soutenu par les cœurs de ses musiciens, il libère une colère brute, nourrie par la blessure de l'enfance, les errances de l'adolescence et désormais la trahison d'un manager en qui il ne croit plus. Devant un public stupéfait, il offre un récit d'une sincérité bouleversante. Ce qui n'était à l'origine qu'un simple hymne à la rébellion adolescente se transforme en un véritable manifeste intime. Le chanteur s'est libéré des entraves paternelles, de cette voix qui lui répétait qu'il n'irait jamais bien loin. Il a prouvé le contraire. Aujourd'hui, il lutte pour préserver ce qu'il a construit, menacé par les manœuvres d'un homme qu'il ne reconnaît plus. Le 27 mars, Bruce Springsteen et Steven Van Zandt sont invités par le disque jockey Cat Simon dans les studios d'Atlanta, où ils accordent une interview et prennent en charge la programmation musicale. Ils en profitent notamment pour diffuser des extraits du premier album à venir de Southside Johnny and the Asbury Dukes. La tournée inclut notamment une date à l'université de Durham, en Caroline du Nord, où le groupe joue pour la première fois l'intégralité de Born to Run au cours d'un seul et même concert. Face à l'incroyable demande dans cet état stratégique, une date supplémentaire est ajoutée la dernière minute, le 29 mars, à l'Ovens Auditorium de Charlotte. Organisé en seulement 5 jours avec une promotion limitée, cet événement attire malgré tout 2400 spectateurs et affiche quasiment complet. Après la Caroline du Nord, le groupe s'enfonce progressivement dans le Midwest américain. La première étape a lieu le 1er avril à l'Université d'Athènes dans l'Ohio. Un concert organisé à la dernière minute est annoncé seulement 3 jours plus tôt. En effet, une autre date initialement prévue le même jour à l'Université Butler d'Indianapolis a été annulée. des organisateurs ne parvenant pas à réunir les 5000 dollars nécessaires pour accueillir le chanteur. Ce concert à Athènes tourne à l'émeute. La vente chaotique de billets ne garantit pas de place assise et des centaines de spectateurs se pressent devant les portes, les faisant voler en éclats. En raison de la capacité limitée de la salle, c'est près de 1000 personnes qui doivent finalement rester à l'extérieur. Le groupe poursuit sa tournée en se rendant sur le campus universitaire du Michigan. le 4 avril avant de retourner dans l'Ohio pour un concert au théâtre de Columbus, suivi de deux dates mémorables à l'Allen Theater de Cleveland, un des bastions historiques du Street Band. La ferveur du public est telle que les billets pour ces deux soirées se vendent en moins de deux heures. Le 10 avril, Bruce répond favorablement à une requête de John Hammond et joue lors d'un événement caritatif au Collège UP de Wellington dans le Connecticut. Malgré une promotion minimale et un public plutôt guindé et peu réceptif, les fans locaux de Springsteen diffusent rapidement la nouvelle permettant au groupe de se produire devant certains de ses admirateurs les plus fidèles installés dans les premiers rangs. Deux jours plus tard, Bruce Springsteen et Louis Streetband jouent à Jonestown devant plus de 4000 spectateurs, tandis que d'autres fans commencent déjà à camper pour le concert du lendemain à University Park, à une centaine de kilomètres de là. Le 15 avril, à Pittsburgh, le groupe livre une performance enflammée à la Syrienne Mosquée. Alors que le public commence à partir après le spectacle, le groupe entame un rappel surprise et interprète une version indiablée de plus de 10 minutes de Twist and Shout. Juste au moment où le chanteur s'apprête à continuer, une femme chargée de la salle monte sur scène, tape sur l'épaule du chanteur et lui demande d'arrêter immédiatement. Jouant le jeu, Springsteen fait semblant d'être effrayé et quitte la scène avec ses musiciens, tandis que la femme reste seule sur les projecteurs, les mains sur les hanches. Cette note théâtrale et comique devient un élément récurrent des concerts du groupe. Le lendemain, à Midville, après un concert électrique, Springsteen est évacué sur un brancard, Clarence Clements ne parvenant pas à le ranimer avec son saxophone. Puis, comme ressuscité, il remonte soudain sur scène pour reprendre le Carter to Free de Gary U.S. Bones. Après le concert de Meadville, le groupe donne une dernière représentation à Rochester en l'état de New York avant de prendre la direction du sud des États-Unis. Si la première partie de la tournée a été marquée par des salles combles et une ambiance électrique, ce voyage dans le sud s'avère beaucoup plus difficile et démoralisant. Entre le 20 avril et le 13 mai 1976, du Texas au Tennessee, en passant par l'Alabama, l'Arkansas et le Mississippi, le groupe doit faire ses preuves chaque soir, souvent devant des salles à moitié vides, afin de se construire un nouveau public. Les conditions de vie sur la route restent difficiles, avec de longues heures passées dans le bus entre chaque étape. Les anecdotes ne manquent pas, comme ce soir à Chattanooga, où l'équipe oublie Max Greenberg dans la salle, ne s'en apercevant qu'une heure après le départ vers Nashville avant de faire demi-tour. Ce concert illustre d'ailleurs bien le manque d'intérêt local puisque l'affiche n'attire que 1000 spectateurs dans un Memorial Auditorium pouvant en accueillir 4 fois plus. Même constat à la Freedom Hall de Johnston City dans le Tennessee où 1000 personnes se réunissent dans une salle d'une capacité de 8000 places. Le 6 mai, à la Louisiana Air Ride de Chiffport, Bruce Springsteen et le E Street Band ne rassemblent que 200 spectateurs dans une salle pouvant en contenir 3200. Sur scène, malgré la faible affluence, le groupe ne baisse pas les bras et donne tout comme s'il jouait devant un stade plat à craquer. Le chanteur prend notamment l'habitude de rejoindre la foule et de s'installer au premier rang pour improviser de longs monologues durant Growing Up. Cependant, en coulisses, le moral est au plus bas. Ces trois semaines dans le sud sont éprouvantes et la frustration grandit au sein du groupe. À Little Rock, dans l'Arizona, seulement 600 personnes assistent au concert. Bruce est furieux et promet de ne jamais revenir. Promesse qu'il ne tiendra qu'à moitié puisqu'il reviendra 20 ans plus tard. Heureusement, certaines dates sont des campus universitaires comme celui de Bone le 24 avril. rassemble un public nombreux. Ce soir-là, le groupe teste un nouveau morceau, Frankie, qui deviendra l'une des chutes de studio les plus appréciées des fans de Springsteen. Cette chanson, classieuse et romantique, porte une ambiance épique comparable à des titres comme Backstreet, Jungle Lane ou Incident of 57th Street avec des solos flamboyants de saxophone et d'harmonica. Frankie est le premier morceau pressenti pour le quatrième album à être joué sur scène. Pourtant, il sera rapidement retiré des séquistes après une dizaine d'interprétations et restera inédit pendant plus de 20 ans avant d'être publié dans le coffret Trax en 1998. Bien que certaines représentations souffrent d'une faible affluence, d'autres s'inscrivent comme des moments historiques. Le 28 avril, le groupe donne un concert au très conservateur Grand Ole Opry de Nashville, la mecque de la musique country. C'est d'ailleurs la première fois qu'un groupe de rock y est programmé et plus de 3000 spectateurs font le déplacement. Le lendemain, au Ellis Auditorium de Memphis, les musiciens ont l'honneur d'avoir Eddie Floyd en invité sur Knock on Wood et Raise Your Hand, deux des plus grands standards du chanteur originaire de l'Alabama. La tournée du Sud se termine avec trois dates en Alabama ainsi qu'un dernier concert au Municipal Auditorium de la Nouvelle Orléans. où ils reprennent un autre standard de Gary West Bones, sobrement intitulé New Orleans. De retour sur la côte est, le groupe a encore deux engagements pour le moins singulier à honorer à la fin mai avant de clôturer cette tournée prétanière. Ils sont programmés par l'Académie de l'armée de terre américaine à West Point dans l'état de New York le 27 mai, et par la Navy le 28 à Annapolis dans le Maryland. Cette date marque à la fois la fin officielle de la tournée Bones to Run et le début d'un long cauchemar qui va durer près d'un an et mettra mal l'innocence du chanteur. En effet, malgré la tournée, la situation avec Mike Apple ne s'est pas arrangée, bien au contraire. Le contrat de 4 ans signé en 1972 liant Springsteen à Laurel Canyon arrive à expiration. Depuis l'arrivée de John Lando dans l'équation lors de la réalisation de Bantoran, Mike Apple se sent mis à l'écart. De ce fait, dès le début de la tournée Bantoran, il tente de renégocier le contrat au plus vite. Pour convaincre Springsteen, il lui promet une part plus importante des royalties versées par CBS à Laurel Canyon en novembre 1975, à condition qu'il accepte de prolonger le contrat. Une proposition ambiguë, proche du chantage, qui a pour effet de braquer le chanteur. Bloqué, Bruce Springsteen décide de solliciter John Lando, alors retenu à Los Angeles pour produire l'album The Pretender de Jackson Browne. Malgré un million d'albums vendus et une tournée nationale, il ne dispose que de 3000 dollars sur son compte en banque, tandis que Mike Apple vient d'encaisser une avance de 250 000 dollars sur les royalties de l'album. John Lando le dirige alors vers deux avocats, Mike Meyer ainsi que Mike Tannen, spécialistes des droits dans l'industrie musicale. Parallèlement, Bruce sollicite l'avis de Walter Gatnikoff, nouveau président de CBS, qui lui déclare sans détour qu'un artiste ayant vendu plus d'un million de disques devrait avoir, au minimum, un demi-million de dollars en poche. Pour en avoir le cœur net, Springsteen sollicite fin mai un audit complet de l'Orel Canyon. C'est Steve Tannenbaum qui est chargé de cette mission et ses conclusions confirment les soupçons de l'artiste. En examinant les bilans comptables des quatre dernières années, il découvre que Mike Apple encaisse directement les chèques de CBS sur ses comptes personnels. Il démontre également que Bruce Springsteen n'a perçu qu'un dixième des revenus qu'il a généré depuis la signature de son contrat. Peu après le début de l'audit, Laurel Canyon verse d'ailleurs au chanteur 63 000 dollars de royalties pour la première fois de sa carrière. Ce paiement contribue à apaiser temporairement les tensions, jusqu'à ce que le chanteur réalise qu'il n'est pas propriétaire de ses propres chansons, puisqu'elles appartiennent également à Laurel Canyon. Les soupçons de Bruce sont confirmés. Lui qui pensait que les contrats n'étaient qu'une formalité et que seule la confiance envers son manager comptait, voit cette croyance s'effondrer face à la réalité juridique. Un autre avocat indépendant confirmera plus tard que ces documents comportaient tous les pièges classiques de l'industrie musicale. Bien qu'il n'ait sans doute pas été rédigé directement par Mike Apple à l'époque, mais plutôt par son avocat Jules Kurtz, ils étaient parfaitement alignés avec les standards contractuels de l'époque. De retour à New York, Springsteen se rend chez Bob Spitz, l'ancien assistant de Mike Apple. Il lui confie ses états d'âme. Il se sent floué, son manager lui prend trop d'argent et s'est accaparé, sur le plan légal, la propriété de ses chansons. Après avoir pris conscience du caractère abusif des contrats qui le lient à Mike Apple, Bruce demande à le rencontrer dans un bar. Fidèle à ses habitudes, le manager tente de détendre l'atmosphère en évoquant leurs souvenirs communs, multipliant les discours en bras d'émotion autour de quelques vers. Bien que blessé, Bruce reste ouvert à une résolution à l'amiable. Il propose de repartir sur de nouvelles bases, en remplaçant les anciens contrats par des accords équitables et en obtenant un contrôle total sur ses chansons. Échaudé par cette expérience, il souhaite désormais fonder leur collaboration sur un engagement tacite, scellé par une simple poignée de main. A l'issue de leur rencontre, un compromis semble trouver. Mais au moment de conclure, Apple choisit de consulter son père, qui l'incite à faire volte-face, jugeant que les nouveaux accords ne sont pas justes pour son fils. Déçu par ce revirement, Bruce décide alors de passer à l'étape suivante. Le 27 juillet 1976, il engage une action en justice contre Mike Apple et Laurel Canyon, les accusant de fraude, d'abus de confiance et de malversation. Représenté par les avocats Mike Mayer et Mike Tannen, il réclame un dédommagement à hauteur de 1 million de dollars. En guise de réponse, Mike Apple mandate Leonard Marks, un ténor du barreau. Deux jours plus tard, le 29 juillet, ce dernier adresse une lettre interdisant à Springsteen de travailler en studio avec quiconque, hormis Mike Apple lui-même ou une personne qui l'aura explicitement désigné. Pour renfoncer de clous, Leonard Marks dépose une requête auprès de la Cour suprême de l'État de New York, le 9 août, afin de valider ses interdictions. Pour faire face à ses frais juridiques, Bruce Springsteen a besoin de liquidités. Il se tourne alors vers son agence de tournée, William Morris. mais son président, dit Stevens, lui refuse toute avance. Pari Bell, l'assistant de Sam McKiss, l'automanager de Springsteen au sein de l'agence depuis 1972, saisit l'opportunité. Il démissionne de son poste et emmène le chanteur chez Premier Talent, une agence spécialisée dans le rock fondée une dizaine d'années plus tôt par Frank Barcelona. Ce dernier accepte sans hésiter de verser une avance de 100 000 dollars à Bruce Springsteen, officialisant ainsi l'arrivée du chanteur dans son agence. Dans la foulée, Bruce congédie Sam McKiss et nomme Barry Bell comme son nouvel agent personnel. Cette décision provoque la colère de Mike Apple, puisque celui-ci envisageait de créer sa propre agence de tournée avec Barry Bell justement. Le 4 août, Bruce Springsteen met officiellement fin à sa collaboration avec Mike Apple en lui adressant une lettre de licenciement. Pourtant, ni l'un ni l'autre ne souhaitent réellement aller jusqu'au procès. Tout au long de l'été, les deux hommes tentent de parvenir à un accord à l'amiable. Même Adele Springsteen, la mère du chanteur, s'en mêle. Dans une tentative de conciliation, elle envoie à Mike Apple un livre sur les droits des affaires accompagné d'un mot bienveillant, espérant désamorcer le conflit. Malgré tout, la situation semble bloquée. Mike Apple, déterminé à rester dans l'entourage professionnel de Booth, utilise tous les moyens à sa disposition pour retarder ses projets et conserver une forme de contrôle. De son côté, le chanteur refuse catégoriquement de retravailler avec lui. Le dialogue s'essouffle et la rupture devient inévitable. La veille d'envoyer sa lettre de licenciement, Bruce Springsteen interprète pour la première fois The Promise une balade mélancolique et introspective lors d'une série de six concerts au Monmouth Art Center de Red Bank dans le New Jersey. Même si le chanteur n'a jamais admis que ce texte fasse directement référence à sa relation avec Mike Apple, l'analyse des paroles laisse peu de place au doute. Le morceau trouve ses racines dans l'univers singulier du Jersey Shore raconté à travers les yeux d'un pilote amateur. Sa voiture de course, la Challenger, est une allusion subtile à l'usine de planches de soeurs de Tinker West, lieu où Bruce a vécu et répété avec son groupe Stin Mill à la fin des années 60. Au fil des couplets, le chanteur évoque des lieux familiers, la route neuve, les usines locales et la fameuse Thunder Road. Dans cette chanson, les rêves de jeunesse semblent s'être dissipés. « Quand la promesse est rompue, tu continues à vivre, mais on t'a volé quelque chose au fond de ton âme » , chante-t-il. La promesse symbolise cet idéal d'intégrité auquel Bruce tenait tant. Avec ce titre, Son écriture amorce un tonant décisif, explorant des thèmes plus sombres, marqués par un ton fataliste et amer. Sur le plan musical, Roy Beaton signe une ligne mélodique lumineuse, sublimée par les claviers et le glockenspiel de Danny Federici. Malgré ses qualités évidentes, The Promise ne sera pas retenu pour le quatrième album de Springsteen, malgré de nombreuses versions enregistrées en studio. Elle restera l'une des plus belles chutes de studio de l'histoire du chanteur avant d'être finalement publiée en 2010 sur l'album du même nom dans une version revisitée et actualisée.

  • Speaker #1

    Charlie works in a factory, Derek works downtown Terry works in a rock'n'roll band And for that million dollars

  • Speaker #2

    Give me,

  • Speaker #1

    I'll do nothing but I just spend a lot of time alone. Some nights I go driving. And some nights I stay home. See, I follow that dream. Just like those guys do.

  • Speaker #0

    Le 17 août, Bruce Ponkstein se présente à une audience préliminaire. Peu habitué au langage juridique et au code strict du tribunal, il perd rapidement son calme, laissant éclater quelques éclats de colère. Il confie dans son autobiographie « Bound to Run » « Le premier jour de mes dépositions, sous la tutelle des deux Peters, je n'ai pas été très correct. J'ai répondu aux questions de manière brutale, mêlant théâtralité et colère sincère, presque violente. Ce n'était pas l'argent qui me mettait en rage, mais le fait de ne pas contrôler la musique que j'avais écrite. L'argent n'était que le carburant de ma fureur. Je me suis laissé emporter pendant plusieurs jours. J'ai crié, frappé sur la table, repoussé ma chaise, donné un coup de poing dans un meuble. J'aurais mérité un Oscar. » « Finalement, Léonard Marx, l'avocat de Mike, a demandé l'annulation de mes dépositions à cause de mon comportement. Nous avons dû prendre le métro pour nous rendre au tribunal, où le juge m'a poliment ordonné de me calmer. » Le contre-interrogatoire mené par Léonard Marx accentue la pression sur les épaules de Springsteen. L'avocat cherche à lui faire porter la responsabilité exclusive de ses difficultés financières, lui reprochant d'avoir refusé plusieurs opportunités en or à la fin 75 et au début 76, dont un album live, une tournée estivale ou encore une émission spéciale sur NBC. Bruce reste cependant inflexible. Il a mis un terme à sa collaboration avec Mike Apple parce que ce dernier l'a trahi et lui a menti. Le 15 septembre, le juge Arnold L. Fein confirme l'injonction empêchant Springsteen d'enregistrer en studio sans l'autorisation d'une personne désignée par Laurel Canyon, estimant que les accusations de fraude portées contre Mike Apple ne sont pas recevables en l'état. L'ex-manager parvient ainsi à boucler temporairement la progression naturelle de la carrière du chanteur Merci. et l'empêche tout simplement d'approcher un studio d'enregistrement tant qu'aucun accord ne sera trouvé entre les deux parties. Furieux de la tournure des choses, Springsteen licencie l'avocat Mike Mayer tandis que Mike Tennant devient son avocat exclusif. Ce dernier sait trouver les mots pour calmer le chanteur et l'encourage à se battre malgré un combat qui s'annonce long et incertain. Un an après la sortie de Born to Run, Booth est bloqué et disparaît progressivement des radars. Les ventes de l'album commencent à stagner et aucune sortie de single n'est prévue pour maintenir un semblant de visibilité médiatique. Cette inactivité discographique a tout du suicide artistique à une époque où les artistes sortent un album tous les ans, voire plusieurs fois par an. Maigre compensation, Alan Clark, ex-membre des Hollies, cartonne en Angleterre avec sa reprise de Bound to Run, tandis que la reprise électro de Blinded by the Light par Manfred Mann-Hersband est numéro 1 des deux côtés de l'Atlantique, bien que son auteur n'apprécie guère cette version. Sans perspective de dénouement imminent, Bruce Springsteen a d'autres choix que de partir en tournée à l'automne 1976 sans album à promouvoir. L'objectif est simple, continuer à payer ses musiciens et maintenir la dynamique du groupe sur scène. Conçue également dans la précipitation, cette tournée se concentre principalement sur le circuit universitaire où le groupe rencontre encore un franc succès et décroche de nombreux contrats. Le coup d'envoi est donné le 26 septembre au Memorial Coliseum de Phoenix en Arizona. Pour la première fois, Bruce joue en tête d'affiche dans une salle de 10 000 personnes et parvient à la remplir. Ce succès va marquer un tournant. Le chanteur va progressivement reconsidérer ses appréhensions à propos des grandes salles, notamment les contraintes liées à l'acoustique et la proximité avec le public. Sur scène, la formation étoffe son son. A Red Bank, en août, ils étaient déjà accompagnés par la section Q de Southside Johnny, alors malade et incapable de se produire sur scène. Pour cette tournée automnale, une nouvelle section de cuivre, renommée les Miami Horns, est constituée par Steven Van Zandt. John Binkley et Steve Parraxi sont à la trompette, Ed De Palma au saxophone et Dennis Orlok au trombone. Ils accompagneront Bruce et The Streetmen durant toute cette tournée qui s'attendra jusqu'en mars 1977. Ils offrent notamment une coloration soul bienvenue sur des titres comme Tent Avenue Freeze Out ou les reprises de Raise Your Hand ou You Can Sit Down. Tiff Paraski accompagne Bruce et Roy Beaton sur une version de travail de Something in the Night, le seul morceau présenté sur scène au cours de ces deux années de tournée qui figura finalement sur le quatrième album. Durant cette période, une demi-douzaine de nouveaux titres sont testés en concert, parmi lesquels The Promise ou Rendez-vous. Ce dernier, porté par l'énergie du live, reprend les codes du rock springsteenien. glockenspiel scintillant, guitare inspirée du mur du son de Phil Spector et une touche pop particulièrement séduisante. Après l'Arizona, le groupe met le cap sur la Californie pour une série de 5 concerts avant de reprendre progressivement la route vers la côte est. Là, ils enchaînent les dates sur les campus universitaires où les attend une base de fans fidèles et enthousiastes. Les cachets sont modestes, souvent négociés à la hâte et à prix réduit dans l'urgence de la tournée. Par exemple, le 3 octobre à Santa Clara, la salle affiche complet avec 5000 spectateurs pour un cachet relativement modeste de 7000 dollars. La tournée passe ensuite par l'Ohio, le New Jersey, la Virginie et l'état de Washington, avant de marquer une étape importante en Pennsylvanie, deux soirées au légendaire Spectrum de Philadelphie, où le groupe se produit devant 10 000 spectateurs à chaque représentation. C'est sur cette même scène que le chanteur a été hué au point de devoir quitter la scène le majeur Levé, trois ans plus tôt, en ouverture de Chicago. La tournée d'automne se conclut en apothéose par une série de six concerts au Panadium de New York, attirant plus de 10 000 spectateurs au cours de la semaine. Une fois encore, Delic New Yorkais se presse pour voir l'artiste du moment. Depuis sa résidence mythique au Bottom Line et dans Pluto, Springsteen a fait évoluer son apparence. Barbe rasée, cheveux coupés courts, une silhouette plus sobre, mais un charisme toujours intact. Sur scène, les invités prestigieux se succèdent. Le 29 octobre, Gary West Bones rejoint le groupe pour un Carter Tofui endiablé. Bruce l'avait rencontré quelques jours plus tôt, alors que ce dernier se produisait devant une poignée de spectateurs au Fat City, un club new-yorkais dans lequel le jeune Springsteen avait lui-même joué à ses débuts. Touché par la situation, il demande à rencontrer l'un de ses héros d'enfance après le concert. De cette soirée naîtra une amitié durable, qui mènera quelques années plus tard à la résurrection médiatique de Gary U.S. Bonds avec Dedication, un album écrit et produit par Springsteen et Van Zandt, qui le ramènera dans le top 10 des charts américains en 1980. Le troisième soir, c'est Patti Smith qui monte sur scène pour une version inédite de Rosalita. En retour, Bruce Springsteen viendra l'accompagner à la guitare et au piano sur la scène du Bottom Line, lorsqu'elle s'y produira avec John Cade quelques semaines plus tard. Le 4 novembre, pour la dernière date au Palladium, le groupe livre une interprétation magistrale de It's My Life des Animals, mais c'est bien l'apparition surprise de Ronnie Spector qui fait chavirer la salle durant les rappels. Icone des années 60 et idole de Bruce et de Van Zandt, elle rejoint le groupe pour trois titres de Ronettes, dont un Be My Baby survolté. Max Weinberg y recrée à merveille l'esprit du Wall of Sound avec une batterie au son ample et réverbéré, rendant un hommage vibrant à l'âge d'or de la pop qui a rythmé l'adolescence des musiciens du E Street Band.

  • Speaker #1

    Merci.

  • Speaker #0

    Après six semaines de tournées intenses, Bruce va rester quelque temps à New York. Deux jours après la dernière au Palladium, il est invité par Richard Neer sur WNU-FM où il prend les commandes de la programmation musicale le temps d'une émission spéciale. Jouant le jeu, il en profite pour faire passer plusieurs titres du nouvel album de Jackson Browne, The Pretender, produit par son ami et producteur John Lando. Interrogé à l'antenne, il évoque brièvement son nouveau look, son visage rasé de près et ses cheveux courts, mais évite soigneusement tout commentaire sur son différent juridique avec Mike Apple. Cette parenthèse radiophonique renfermée, il rejoint Steven Van Zandt en studio pour travailler sur leur deuxième album de Southside Juni, This Time Is For Real. Il coécrit notamment deux morceaux marquants, Love on the Wrong Side of Town et When You Dance. De leur côté, les membres du E-Street Band ne sont pas soumis aux mêmes interdictions que le chanteur et s'investissent dans différents projets. Mike Zinberg et Roy Beaton participent ainsi à l'enregistrement de Battle of Hell, le premier album de Meatloaf. Relativement confidentiel en Europe, ce disque rencontre un succès immense aux États-Unis, au point de devenir l'un des dix albums les plus vendus de tous les temps. Composé par Jim Steinman, grand admirateur de Springsteen, l'album s'inscrit dans la droite lignée musicale de Born to Run et devient l'hymne d'une génération d'adolescents. Roy Bittan, particulièrement sollicité à cette période, prête également son talent au clavier pour Station to Station de David Bowie et collaborera à nouveau avec lui quelques années plus tard sur Scary Monster. De son côté, Clarence Clemons fait ses premiers pas au cinéma sous la direction de Martin Scorsese, incarnant un jazzman dans New York, New York. Malgré leurs divers engagements parallèles, les membres du Streetband traversent une période de grande précarité. La maison que Bruce Springsteen loua à Holmdel, dans le New Jersey, s'est transformée en quartier général improvisé. Tandis que le groupe répète dans le salon, les chambres à l'étage servent de bureau pour gérer les affaires courantes. Le conflit juridique avec Mike Apple a plongé Bruce et son entourage dans une grande instabilité financière. Afin de pouvoir payer ses musiciens et son équipe technique, Bruce n'a d'autre choix que d'accepter des concerts dans de grandes salons de l'esport, loin de l'ambiance intimiste qu'il privilégiait jusqu'alors. Les cachets sont encore faibles, irréguliers et les salaires se résument bien souvent à des promesses de paiement. Cela fait désormais près de 5 ans que le groupe mange de la vache enragée. Et pourtant, en public, personne ne laisse rien paraître. Tous semblent concentrés sur leur mission, mue par une foi commune dans la musique et l'avenir du groupe. Mais en privé, l'attention est palpable. Selon Steven Van Zandt, après une répétition où Bruce est parti avant les autres, les musiciens ont commencé à évoquer, pour la première fois, la possibilité de tout arrêter et de partir chacun de leur côté. Fidèle parmi les fidèles, Steven Van Zandt prend alors l'initiative d'Alerte Steve Popovich, ancien cadre de Columbia et aujourd'hui en poste chez Epic Records, une autre filiale de CBS. Popovich, fan de Springsteen de la première heure, prend rapidement conscience de la gravité de la situation. Justement, ce dernier recherche un groupe de rock pour accompagner Ronnie Spector, l'ancienne chanteuse des Ronettes, récemment signée chez Epic. Ronnie tente de relancer sa carrière après avoir échappé à l'emprise de son mari, fils Vector, qui l'a littéralement cloîtré pendant des années dans son manoir de Los Angeles. Billy Joel lui a déjà offert une chanson, Say Goodbye to Hollywood, pressentie comme le single phare de son premier album solo. Il ne manque plus qu'un groupe capable de lui offrir un écran sonore digne de ce nom, et le E-Street Band a toutes les qualités requises pour réaliser cette mission. En janvier 1977, Ronny Spector entre donc au studio CBS de New York entouré du E-Street Band. A la production, on retrouve Steven Van Zandt. A la fin du mois, Bo Springsteen les rejoint discrètement pour poser une partie de guitare acoustique sur le morceau même s'il n'est pas crédité en raison de son litige avec Mike Apple. Le single « Say Good-Bye to Hollywood » sort en avril 1977. Hélas, il passe inaperçu et le projet d'album est rapidement abandonné. Néanmoins, cette parenthèse aura permis de mettre un peu de beurre dans les épinards des musiciens en attendant la suite des événements. En février 1977, le conflit entre Apple et Springsteen n'est toujours pas réglé. Pour les mêmes raisons financières qu'à l'automne précédent, Bruce et son groupe repartent sur les routes américaines pour une tournée de 7 semaines, composée de 33 dates réparties dans 15 états différents, principalement dans le Midwest, ainsi qu'au Canada, en Floride et sur la côte est américaine. La deuxième partie de la tournée du procès débute donc le 7 février au Palace Theater d'Albanie, dans l'état de New York, où le groupe présente pour la première fois Action in the Streets, une composition encore en rodage, mise en avant par le travail des Miami Owls.

  • Speaker #2

    Psst !

  • Speaker #1

    C'est une vieille ombre ! 1,

  • Speaker #2

    2, 3, 4, 5, 6, 7, 8, 9,

  • Speaker #0

    tout comme ceux de l'automne 1976, restent relativement courts et dépassent rarement les deux heures. C'est toutefois lors des dates canadiennes que Springsteen introduit une nouvelle habitude, une pause de 20 minutes scindant le spectacle en deux actes distincts. Ce format, inédit jusqu'à là, deviendra sa signature scénique et perdurera jusqu'à la fin de la tournée Born in the USA en 1985. Chaque soir, le groupe n'interprète qu'une quinzaine de titres, dont la quasi-intégralité de Born to Run. À Richfield, dans le Ohio, le 17 février, Ronnie Spector rejoint de nouveau les musiciens, aux côtés de Flo et Eddie, un duo comique. Ils interprètent ensemble trois classiques des Ronettes, Baby I Love You, Walking in the Rain et Be My Baby, ainsi que le single de Ronnie Spector enregistré avec les Street Band, Say Goodbye to Pretty Good. Bien que les concerts aient désormais lieu dans les salles plus vastes, le groupe peine parfois à remplir les gradins. À Ottawa, seul mi-spectateur se déplace au Civic Center, pourtant conçu pour en accueillir 6000. Même constat à Cincinnati, où la salle reste deux tiers vide malgré la présence de cinq... 20 000 spectateurs. C'est de nouveau sur le circuit des universités que le succès est le plus éclatant. A Providence, les 3400 tickets s'écoulent en un temps record, tout comme à Puskipsi, Bighampton, New Haven ou Lewinston. A Toledo, le 10 mars, Springsteen présente une nouvelle composition inédite, Don't Look Back, qui malgré ses qualités indéniables et sa rage, ne sera pas conservée pour le quatrième album. Elle est interprétée à un stade encore embryonnaire et les paroles subiront de nombreuses modifications au cours des concerts à venir. La tournée se termine en fanfare par quatre représentations au Music Hall de Boston devant un public de fidèles survoltés. Ses performances sont devenues légendaires tant pour l'ambiance électrique qui y régnait que pour les performances d'une intensité inouïe livrée par Bruce Springsteen et Louis Street Band. Cet engouement autour de la tournée traduit également un tournant dans les négociations entre Bruce Springsteen et Mike Apple. Après de longs mois d'impasse, les choses s'accélèrent brusquement au début du mois d'avril. Les deux parties ne souhaitant pas aller jusqu'au procès, elles finissent par consentir à un accord. Début mai. un compromis est sur le point d'être signé. Pour fêter cela, Bruce Springsteen rejoint Steven Van Zandt à Red Bank les 12 et 13 mai. South Side Johnny, initialement prévu pour ses deux concerts, est souffrant. Sans hésiter, ses amis prennent le relais et montent un groupe improvisé, The Ashbury Park All-Star Review, mêlant musiciens des Ashbury Jukes de South Side Johnny, du E Street Band, ainsi que de Ronnie Spector. Steven Van Zandt assure le champ principal tout au long des deux soirées, tandis que Bruce, plus en retrait, se charge de la guitare et des chœurs. Il prend néanmoins le micro pour deux moments forts, The Fever et Thunderworld. Il partage également le micro avec Van Zandt sur Having a Party, Avant de conclure en duo avec Ronny Spector sur You Mean So Much To Me, le 28 mai 1977, les avocats de Bruce Springsteen et de Mike Apple trouvent enfin un accord. Pour que le chanteur soit pleinement libéré de tous les liens contractuels qu'il initiait à son ancien manager, Mike Apple recevra 800 000 dollars versés par CBS, ainsi que 50% des droits d'édition sur les 27 chansons déjà publiées chez L'Oréal Canyon. Une somme conséquente, mais le prix nécessaire pour que Springsteen reprenne le contrôle total de sa musique et de son avenir. Cette clause d'édition expirera en 1983, lorsque Mike Apple cèdera définitivement le catalogue de Sioux Music pour 200 000 dollars, quelques mois avant que Springsteen n'explose mondialement avec Born in the USA. Pour célébrer cette victoire, Bruce et Steven Van Zandt prennent la route de Philadelphie pour assister à l'un des derniers concerts d'Elvis Presley. C'est la première fois que Van Zandt voit le King sur scène. Bruce, lui, l'a déjà vu en juin 1972, aux côtés de Mike Apple au Madison Square Garden, alors que Presley était encore flamboyant. Mais en ce mois de mai 77, le contraste est saisissant. Boursouflé, rongé par ses addictions, Elvis n'est plus que l'ombre de lui-même. Sa prestation est si laborieuse que Bruce et Steven ne prononcent pas un mot lors du trajet retour, profondément secoué par ce qu'ils viennent de voir. Quelques mois plus tôt, après un concert à Memphis, ils avaient tous deux tenté de pénétrer dans sa propriété de Graceland, escalade dans les murs pour approcher leur idole avant d'être arrêté par la sécurité. Springsteen rejettera la responsabilité de cette lente descente aux enfers sur le colonel Parker, qu'il accusera d'avoir épuisé son artiste malgré des signes d'épuisement flagrants. Il ira même jusqu'à établir un parallèle avec sa propre carrière, affirmant avoir su rompre à temps avec Mike Apple avant de connaître le même sort. De retour chez lui, Bruce Springsteen compose le morceau Fire pour Elvis Presley. Nous ne saurons jamais si celui-ci a pu l'écouter puisqu'il décèdera moins de trois mois plus tard, à l'âge de 42 ans. Ce sont finalement les Pointer Sisters qui en feront un tube au début de l'année 1978.

  • Speaker #2

    Le 30 mai,

  • Speaker #0

    Bruce retourne à New York pour signer officiellement l'accord juridique qui scelle la fin de sa relation professionnelle avec Mike Apple. Deux jours plus tard, il entre dans les studios d'Athlantic Records à New York pour entamer les premières sessions de son quatrième album tant attendu. Par ce procès, la première phase de la carrière de Springsteen s'achève. Tous les acteurs majeurs de ses débuts chez CBS ne font plus partie de l'équation. Mike Apple est évincé, Sam McKiss également, tandis que Clive Davis et John Hammond sont désormais à la retraite. Grâce à son nouvel avocat Mike Tennant, Bruce Springsteen signe directement avec CBS via un contrat négocié avec Walter Yetnikoff, président du label, qui lui garantit des royalties inédites d'un dollar par album vendu. Au terme d'une année éprouvante, le chanteur a finalement reconquis Dans la douleur, la pleine possession de son œuvre est de son destin artistique. C'est ainsi que se termine ce huitième épisode de Badlands. Vous retrouverez comme d'habitude l'application Spotify et les sources utilisées pour écrire ce podcast en description. N'hésitez pas à partager ce contenu et à réagir sur la page Facebook de l'émission. C'était Julien et je vous dis à très vite pour un épisode consacré à l'album Darkness on the edge of town.

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