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Notre histoire en passant par notre assiette ! L'émission judéo-fooding de Catherine Garson

Des livres de recettes écrits à Auschwitz.

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09min |26/07/2024
Play
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09min |26/07/2024
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Description

Chaque semaine, sur Radio Shalom, Catherine Garson nous raconte notre histoire à travers nos assiettes, à travers ce qui se passe sur nos table.

Aujourd’hui, elle nous parle d’un sujet incroyable : des livres de recettes écrits à Auschwitz.


Hébergé par Ausha. Visitez ausha.co/politique-de-confidentialite pour plus d'informations.

Transcription

  • Speaker #0

    Chaque semaine sur Radio Shalom, Catherine Garçon nous raconte notre histoire, mais au travers de nos assiettes, au travers de ce qui se passe sur notre table. Catherine Garçon est à Jérusalem et elle est en ligne avec nous. Bonsoir Catherine.

  • Speaker #1

    Bonsoir.

  • Speaker #0

    Alors ce soir, vous allez nous parler d'un sujet extraordinaire. Vous allez nous parler des livres de recettes de cuisine écrits pendant la Shoah. Qui écrit des livres de recettes de cuisine pendant la Shoah ?

  • Speaker #1

    Alors voilà, comme nous sommes dans la période des trois semaines, donc une période de tristesse pour les juifs, j'ai choisi de parler d'un sujet qui résonne avec cette période. Comme tout le monde le sait, la faim est tout à fait liée à l'expérience de la Shoah. Que ce soit dans les ghettos ou dans les camps, la sous-alimentation était de règle. Tant qu'elle n'était pas déportée, les femmes trouvaient souvent des moyens créatifs de donner à manger à leurs proches, si l'on considère les denrées très rares. qu'elles avaient à leur disposition. Et quand cela ne suffisait pas, souvent, elles se privaient pour leur famille. Dans les camps, après avoir perdu leurs proches, elles essayaient de garder un semblant d'humanité et l'un des moyens était de s'occuper de recettes. Bien sûr, elles ne pouvaient pas cuisiner, mais ces recettes dont elles parlaient, non seulement les inscrivaient dans la lignée des disparus, mais leur permettaient aussi, ça c'est comme les déportés masculins, de rêver. à ce qui leur manquait et ce qui avait été leur monde d'avant. Comme l'explique la rabbinite Ilana Epstein, qui est une spécialiste aux États-Unis de nourriture juive, quand elles arrivaient dans les camps, elles étaient en général seules. Alors elles forgeaient des amitiés avec les autres femmes en parlant de nourriture. Elles parlaient de ce que faisait leur mère, de ce qui s'était passé avant. Ceci constitue une preuve incroyable de comment ces femmes ont gardé l'espoir et trouvé un moyen de survivre. Très concrètement, Alex Sternberg, qui est le fils d'une survivante hongroise d'Auschwitz et de Ravensbrück, raconte comment ces femmes cuisinaient ensemble dans les camps Alors je cite, à tour de rôle, Elles décrivaient comment elles avaient préparé leurs plats favoris avant la guerre. Elles décrivaient leur cuisine, les nappes et la porcelaine qu'elles mettaient sur les tables. Puis elles décrivaient leur famille qui mangeait ces repas somptueux, famille qu'elles ne reverraient peut-être plus jamais.

  • Speaker #0

    Donc, elles parlaient entre elles de recettes et de souvenirs qui étaient liés. Mais je crois comprendre qu'elles n'ont pas fait qu'en parler.

  • Speaker #1

    Non. Elles ont aussi écrit des livres de recettes que certains nomment recettes fantasmées, en anglais fantasy receipts, à cause des circonstances dans lesquelles elles ont été écrites et parce que les quantités mentionnées ne sont pas toujours exactes. Parce qu'elles faisaient ça de mémoire et ce n'était pas toujours exact. Alors, on connaît cinq recueils de ce type qui sont parvenus jusqu'à nous. On va donner des exemples. Alors, Valikon est une juive tchécoslovaque qui a d'abord été déportée à Theresienstadt, Terezin, en 1943, puis envoyée dans d'autres camps, y compris à Auschwitz-Birkenau. Alors qu'elle était internée à Lensig, qui est un camp satellite d'Auschwitz, elle a réussi à écrire des recettes au dos de documents nazis qu'elle trouvait dans la rue. Parce que quand elle allait juste à son travail, il y avait des documents par terre. Et donc, elle les prenait pour avoir du papier. Ainsi, une recette de croissants aux amendes est rédigée au dos d'un trac de propagande avec le portrait d'Hitler. Là, il faut s'arrêter un moment avant de donner un autre exemple. Tous les livres de recettes ont été écrits sur des supports que des femmes ont fait entrer dans les camps à leurs risques et périls. Et par le moyen de rayons, dérobés aux nazis. Alors, autre histoire, celle d'Edith Per, âgée de 16 ans, qui n'avait jamais vraiment cuisiné de sa vie, mais qui écoutait ses co-internés parler de recettes. Elle travaillait au bureau du camp de Ravensbrück et avait réussi à voler du papier et des crayons pour que les femmes puissent transmettre leurs recettes. Il y en a 97 en tout et pour tout, qui inclut du chou farci, du goulash et beaucoup de gâteaux. On peut encore parler d'Ilona Kellner, originaire de Pelsok, une ville tchécoslovaque jusqu'en 1938 puis hongroise après cette date. En juin 1944, comme beaucoup d'autres juifs hongrois, elle est déportée à Auschwitz. Ses parents sont immédiatement gazés à Birkenau, puis avec sa sœur dans un camp satellite de Buchenwald. Là, elle travaille dans un bureau et réussit à récupérer des feuilles imprimées sur un seul côté. genre ordre d'achat de munitions, inventaire, des mémos, etc. Elle fait les corbeilles à papier. Ces feuilles qu'elle cache dans une petite poche qu'elle a confectionnée dans son manteau, elle va les utiliser pour noter quelques 600 recettes dictées par les autres déportés. Les recettes que ma mère a écrites et collectées durant l'Holocauste étaient très précieuses pour elle dit sa fille Eva. Toute sa vie, lorsqu'elle avait envie de faire de la pâtisserie, c'est-à-dire très souvent, elle consultait ses recettes pour l'aider à décider que faire.

  • Speaker #0

    Et donc on en arrive à l'histoire de Mina Pachter, dont le livre de recettes a connu de très nombreuses péripéties.

  • Speaker #1

    Comme ailleurs, à Terezin, qui est en pratique un camp de transit pour les juifs, avant leur départ pour les camps d'extermination, mais qui est présenté par les nazis comme une implantation juive modèle, on parle énormément de nourriture. Les survivants se souviennent de longues conversations entre prisonniers sur la manière de faire de... tel ou tel gâteau ou sur leur plat favori. Nous appelions cela cuisiner avec la bouche, se souvient une survivante, Suzanne Tcherniak-Spatz. Tout le monde le faisait et les gens étaient très contrariés s'ils pensaient que vous aviez fait le plat de manière erronée ou si vous n'aviez pas la bonne recette. C'est dans ce contexte que Mina Pachter, une internée, a commencé à noter des recettes et a créé un presque livre en les reliant ensemble. A l'automne 44, celle-ci qui est alors hospitalisée pour cause de malnutrition, va réaliser ce qu'elle ne va pas survivre. Alors elle confie son manuscrit à une amie en lui demandant de le remettre à sa fille Annie qui est partie en Palestine avant le conflit mondial. C'est qu'elle va tenter, cette amie va tenter de le faire, mais elle va réussir qu'en 1960. Entre temps, enfin, elle va partir en Palestine en 1960, entre temps, Annie a émigré aux États-Unis. Le livre de recettes va passer de main en main jusqu'en 1969, année où Annie va recevoir un appel téléphonique de quelqu'un qui lui dit qu'il a quelque chose pour elle de la part de sa mère, qui est morte un quart de siècle plus tôt. Pendant longtemps, Annie ne réussit pas à ouvrir le paquet qu'on lui a transmis. C'était comme si ses mains se tendaient vers moi, dira-t-elle plus tard. Finalement, les recettes recueillies par Mina Pachter à Terezin sont publiées en 1996 dans un livre dédié aux recettes de la mémoire.

  • Speaker #0

    L'histoire des livres de recettes provenant de l'époque de la Shoah ne va pas s'arrêter avec la fin de la guerre.

  • Speaker #1

    Et non. Plusieurs livres de recettes basés sur la mémoire des survivants vont être publiés, notamment aux Etats-Unis. Ils permettent aux générations des descendants de survivants et aux autres de retrouver ou de goûter des plats venus de la mémoire. Et puisqu'il faut bien finir par une histoire, racontons celle de Steven Fenves, qui n'est pas une femme, mais un homme, dont la famille vivait à Subotika en Yougoslavie. Sa mère, Clarie, une artiste, avait écrit, alors qu'il n'y avait pas encore la Shoah, un recueil de recettes qu'elle cuisinait pour la famille. Lorsqu'elle a été déportée en 1944, La cuisinière des Fenves, une non-juive dénommée Maris, a sauvé ce recueil et des œuvres d'art de Clarie qu'elle a rendues aux survivants revenus d'Auschwitz, dont son fils Sivan. Bien que celui-ci avait gardé le souvenir de ce qu'il mangeait dans son enfance, il n'avait jamais essayé, au fil des années, de suivre les instructions culinaires laissées par sa mère. Ce jusqu'à ce que Alon Shaya... un chef d'origine israélienne vivant aux États-Unis, ne sélectionne 13 de ses recettes, traduites du hongrois par Stephen Fenves lui-même, et donc le chef les a cuisinées. Comme toute cette expérience s'est passée au temps du Covid, le chef, qui réside à la Nouvelle-Orléans, a envoyé ses plats dans de la glace à Stephen Fenves. Celui-ci dit avoir retrouvé le goût exact des plats de son enfance, De lui envoyer de la nourriture et de lui permettre de goûter ses plats pour la première fois depuis 75 ans est l'une des choses les plus émouvantes que j'ai jamais faites, a commenté Alain Chahia.

  • Speaker #0

    Catherine Garçon, chaque semaine sur Radio Shalom, vous nous racontez notre histoire, mais en passant par nos assiettes, en voyant ce qui se passait sur nos tables. Et là, on a appris une histoire extraordinaire, c'est ces femmes internées dans le camp d'Auschwitz. qui ont rédigé des livres de recettes de cuisine pour se souvenir, pour garder le lien avec leur monde qu'on leur avait volé. Catherine, je vous remercie. Bonsoir à vous.

  • Speaker #1

    Bonsoir. Bonsoir.

Description

Chaque semaine, sur Radio Shalom, Catherine Garson nous raconte notre histoire à travers nos assiettes, à travers ce qui se passe sur nos table.

Aujourd’hui, elle nous parle d’un sujet incroyable : des livres de recettes écrits à Auschwitz.


Hébergé par Ausha. Visitez ausha.co/politique-de-confidentialite pour plus d'informations.

Transcription

  • Speaker #0

    Chaque semaine sur Radio Shalom, Catherine Garçon nous raconte notre histoire, mais au travers de nos assiettes, au travers de ce qui se passe sur notre table. Catherine Garçon est à Jérusalem et elle est en ligne avec nous. Bonsoir Catherine.

  • Speaker #1

    Bonsoir.

  • Speaker #0

    Alors ce soir, vous allez nous parler d'un sujet extraordinaire. Vous allez nous parler des livres de recettes de cuisine écrits pendant la Shoah. Qui écrit des livres de recettes de cuisine pendant la Shoah ?

  • Speaker #1

    Alors voilà, comme nous sommes dans la période des trois semaines, donc une période de tristesse pour les juifs, j'ai choisi de parler d'un sujet qui résonne avec cette période. Comme tout le monde le sait, la faim est tout à fait liée à l'expérience de la Shoah. Que ce soit dans les ghettos ou dans les camps, la sous-alimentation était de règle. Tant qu'elle n'était pas déportée, les femmes trouvaient souvent des moyens créatifs de donner à manger à leurs proches, si l'on considère les denrées très rares. qu'elles avaient à leur disposition. Et quand cela ne suffisait pas, souvent, elles se privaient pour leur famille. Dans les camps, après avoir perdu leurs proches, elles essayaient de garder un semblant d'humanité et l'un des moyens était de s'occuper de recettes. Bien sûr, elles ne pouvaient pas cuisiner, mais ces recettes dont elles parlaient, non seulement les inscrivaient dans la lignée des disparus, mais leur permettaient aussi, ça c'est comme les déportés masculins, de rêver. à ce qui leur manquait et ce qui avait été leur monde d'avant. Comme l'explique la rabbinite Ilana Epstein, qui est une spécialiste aux États-Unis de nourriture juive, quand elles arrivaient dans les camps, elles étaient en général seules. Alors elles forgeaient des amitiés avec les autres femmes en parlant de nourriture. Elles parlaient de ce que faisait leur mère, de ce qui s'était passé avant. Ceci constitue une preuve incroyable de comment ces femmes ont gardé l'espoir et trouvé un moyen de survivre. Très concrètement, Alex Sternberg, qui est le fils d'une survivante hongroise d'Auschwitz et de Ravensbrück, raconte comment ces femmes cuisinaient ensemble dans les camps Alors je cite, à tour de rôle, Elles décrivaient comment elles avaient préparé leurs plats favoris avant la guerre. Elles décrivaient leur cuisine, les nappes et la porcelaine qu'elles mettaient sur les tables. Puis elles décrivaient leur famille qui mangeait ces repas somptueux, famille qu'elles ne reverraient peut-être plus jamais.

  • Speaker #0

    Donc, elles parlaient entre elles de recettes et de souvenirs qui étaient liés. Mais je crois comprendre qu'elles n'ont pas fait qu'en parler.

  • Speaker #1

    Non. Elles ont aussi écrit des livres de recettes que certains nomment recettes fantasmées, en anglais fantasy receipts, à cause des circonstances dans lesquelles elles ont été écrites et parce que les quantités mentionnées ne sont pas toujours exactes. Parce qu'elles faisaient ça de mémoire et ce n'était pas toujours exact. Alors, on connaît cinq recueils de ce type qui sont parvenus jusqu'à nous. On va donner des exemples. Alors, Valikon est une juive tchécoslovaque qui a d'abord été déportée à Theresienstadt, Terezin, en 1943, puis envoyée dans d'autres camps, y compris à Auschwitz-Birkenau. Alors qu'elle était internée à Lensig, qui est un camp satellite d'Auschwitz, elle a réussi à écrire des recettes au dos de documents nazis qu'elle trouvait dans la rue. Parce que quand elle allait juste à son travail, il y avait des documents par terre. Et donc, elle les prenait pour avoir du papier. Ainsi, une recette de croissants aux amendes est rédigée au dos d'un trac de propagande avec le portrait d'Hitler. Là, il faut s'arrêter un moment avant de donner un autre exemple. Tous les livres de recettes ont été écrits sur des supports que des femmes ont fait entrer dans les camps à leurs risques et périls. Et par le moyen de rayons, dérobés aux nazis. Alors, autre histoire, celle d'Edith Per, âgée de 16 ans, qui n'avait jamais vraiment cuisiné de sa vie, mais qui écoutait ses co-internés parler de recettes. Elle travaillait au bureau du camp de Ravensbrück et avait réussi à voler du papier et des crayons pour que les femmes puissent transmettre leurs recettes. Il y en a 97 en tout et pour tout, qui inclut du chou farci, du goulash et beaucoup de gâteaux. On peut encore parler d'Ilona Kellner, originaire de Pelsok, une ville tchécoslovaque jusqu'en 1938 puis hongroise après cette date. En juin 1944, comme beaucoup d'autres juifs hongrois, elle est déportée à Auschwitz. Ses parents sont immédiatement gazés à Birkenau, puis avec sa sœur dans un camp satellite de Buchenwald. Là, elle travaille dans un bureau et réussit à récupérer des feuilles imprimées sur un seul côté. genre ordre d'achat de munitions, inventaire, des mémos, etc. Elle fait les corbeilles à papier. Ces feuilles qu'elle cache dans une petite poche qu'elle a confectionnée dans son manteau, elle va les utiliser pour noter quelques 600 recettes dictées par les autres déportés. Les recettes que ma mère a écrites et collectées durant l'Holocauste étaient très précieuses pour elle dit sa fille Eva. Toute sa vie, lorsqu'elle avait envie de faire de la pâtisserie, c'est-à-dire très souvent, elle consultait ses recettes pour l'aider à décider que faire.

  • Speaker #0

    Et donc on en arrive à l'histoire de Mina Pachter, dont le livre de recettes a connu de très nombreuses péripéties.

  • Speaker #1

    Comme ailleurs, à Terezin, qui est en pratique un camp de transit pour les juifs, avant leur départ pour les camps d'extermination, mais qui est présenté par les nazis comme une implantation juive modèle, on parle énormément de nourriture. Les survivants se souviennent de longues conversations entre prisonniers sur la manière de faire de... tel ou tel gâteau ou sur leur plat favori. Nous appelions cela cuisiner avec la bouche, se souvient une survivante, Suzanne Tcherniak-Spatz. Tout le monde le faisait et les gens étaient très contrariés s'ils pensaient que vous aviez fait le plat de manière erronée ou si vous n'aviez pas la bonne recette. C'est dans ce contexte que Mina Pachter, une internée, a commencé à noter des recettes et a créé un presque livre en les reliant ensemble. A l'automne 44, celle-ci qui est alors hospitalisée pour cause de malnutrition, va réaliser ce qu'elle ne va pas survivre. Alors elle confie son manuscrit à une amie en lui demandant de le remettre à sa fille Annie qui est partie en Palestine avant le conflit mondial. C'est qu'elle va tenter, cette amie va tenter de le faire, mais elle va réussir qu'en 1960. Entre temps, enfin, elle va partir en Palestine en 1960, entre temps, Annie a émigré aux États-Unis. Le livre de recettes va passer de main en main jusqu'en 1969, année où Annie va recevoir un appel téléphonique de quelqu'un qui lui dit qu'il a quelque chose pour elle de la part de sa mère, qui est morte un quart de siècle plus tôt. Pendant longtemps, Annie ne réussit pas à ouvrir le paquet qu'on lui a transmis. C'était comme si ses mains se tendaient vers moi, dira-t-elle plus tard. Finalement, les recettes recueillies par Mina Pachter à Terezin sont publiées en 1996 dans un livre dédié aux recettes de la mémoire.

  • Speaker #0

    L'histoire des livres de recettes provenant de l'époque de la Shoah ne va pas s'arrêter avec la fin de la guerre.

  • Speaker #1

    Et non. Plusieurs livres de recettes basés sur la mémoire des survivants vont être publiés, notamment aux Etats-Unis. Ils permettent aux générations des descendants de survivants et aux autres de retrouver ou de goûter des plats venus de la mémoire. Et puisqu'il faut bien finir par une histoire, racontons celle de Steven Fenves, qui n'est pas une femme, mais un homme, dont la famille vivait à Subotika en Yougoslavie. Sa mère, Clarie, une artiste, avait écrit, alors qu'il n'y avait pas encore la Shoah, un recueil de recettes qu'elle cuisinait pour la famille. Lorsqu'elle a été déportée en 1944, La cuisinière des Fenves, une non-juive dénommée Maris, a sauvé ce recueil et des œuvres d'art de Clarie qu'elle a rendues aux survivants revenus d'Auschwitz, dont son fils Sivan. Bien que celui-ci avait gardé le souvenir de ce qu'il mangeait dans son enfance, il n'avait jamais essayé, au fil des années, de suivre les instructions culinaires laissées par sa mère. Ce jusqu'à ce que Alon Shaya... un chef d'origine israélienne vivant aux États-Unis, ne sélectionne 13 de ses recettes, traduites du hongrois par Stephen Fenves lui-même, et donc le chef les a cuisinées. Comme toute cette expérience s'est passée au temps du Covid, le chef, qui réside à la Nouvelle-Orléans, a envoyé ses plats dans de la glace à Stephen Fenves. Celui-ci dit avoir retrouvé le goût exact des plats de son enfance, De lui envoyer de la nourriture et de lui permettre de goûter ses plats pour la première fois depuis 75 ans est l'une des choses les plus émouvantes que j'ai jamais faites, a commenté Alain Chahia.

  • Speaker #0

    Catherine Garçon, chaque semaine sur Radio Shalom, vous nous racontez notre histoire, mais en passant par nos assiettes, en voyant ce qui se passait sur nos tables. Et là, on a appris une histoire extraordinaire, c'est ces femmes internées dans le camp d'Auschwitz. qui ont rédigé des livres de recettes de cuisine pour se souvenir, pour garder le lien avec leur monde qu'on leur avait volé. Catherine, je vous remercie. Bonsoir à vous.

  • Speaker #1

    Bonsoir. Bonsoir.

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Chaque semaine, sur Radio Shalom, Catherine Garson nous raconte notre histoire à travers nos assiettes, à travers ce qui se passe sur nos table.

Aujourd’hui, elle nous parle d’un sujet incroyable : des livres de recettes écrits à Auschwitz.


Hébergé par Ausha. Visitez ausha.co/politique-de-confidentialite pour plus d'informations.

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  • Speaker #0

    Chaque semaine sur Radio Shalom, Catherine Garçon nous raconte notre histoire, mais au travers de nos assiettes, au travers de ce qui se passe sur notre table. Catherine Garçon est à Jérusalem et elle est en ligne avec nous. Bonsoir Catherine.

  • Speaker #1

    Bonsoir.

  • Speaker #0

    Alors ce soir, vous allez nous parler d'un sujet extraordinaire. Vous allez nous parler des livres de recettes de cuisine écrits pendant la Shoah. Qui écrit des livres de recettes de cuisine pendant la Shoah ?

  • Speaker #1

    Alors voilà, comme nous sommes dans la période des trois semaines, donc une période de tristesse pour les juifs, j'ai choisi de parler d'un sujet qui résonne avec cette période. Comme tout le monde le sait, la faim est tout à fait liée à l'expérience de la Shoah. Que ce soit dans les ghettos ou dans les camps, la sous-alimentation était de règle. Tant qu'elle n'était pas déportée, les femmes trouvaient souvent des moyens créatifs de donner à manger à leurs proches, si l'on considère les denrées très rares. qu'elles avaient à leur disposition. Et quand cela ne suffisait pas, souvent, elles se privaient pour leur famille. Dans les camps, après avoir perdu leurs proches, elles essayaient de garder un semblant d'humanité et l'un des moyens était de s'occuper de recettes. Bien sûr, elles ne pouvaient pas cuisiner, mais ces recettes dont elles parlaient, non seulement les inscrivaient dans la lignée des disparus, mais leur permettaient aussi, ça c'est comme les déportés masculins, de rêver. à ce qui leur manquait et ce qui avait été leur monde d'avant. Comme l'explique la rabbinite Ilana Epstein, qui est une spécialiste aux États-Unis de nourriture juive, quand elles arrivaient dans les camps, elles étaient en général seules. Alors elles forgeaient des amitiés avec les autres femmes en parlant de nourriture. Elles parlaient de ce que faisait leur mère, de ce qui s'était passé avant. Ceci constitue une preuve incroyable de comment ces femmes ont gardé l'espoir et trouvé un moyen de survivre. Très concrètement, Alex Sternberg, qui est le fils d'une survivante hongroise d'Auschwitz et de Ravensbrück, raconte comment ces femmes cuisinaient ensemble dans les camps Alors je cite, à tour de rôle, Elles décrivaient comment elles avaient préparé leurs plats favoris avant la guerre. Elles décrivaient leur cuisine, les nappes et la porcelaine qu'elles mettaient sur les tables. Puis elles décrivaient leur famille qui mangeait ces repas somptueux, famille qu'elles ne reverraient peut-être plus jamais.

  • Speaker #0

    Donc, elles parlaient entre elles de recettes et de souvenirs qui étaient liés. Mais je crois comprendre qu'elles n'ont pas fait qu'en parler.

  • Speaker #1

    Non. Elles ont aussi écrit des livres de recettes que certains nomment recettes fantasmées, en anglais fantasy receipts, à cause des circonstances dans lesquelles elles ont été écrites et parce que les quantités mentionnées ne sont pas toujours exactes. Parce qu'elles faisaient ça de mémoire et ce n'était pas toujours exact. Alors, on connaît cinq recueils de ce type qui sont parvenus jusqu'à nous. On va donner des exemples. Alors, Valikon est une juive tchécoslovaque qui a d'abord été déportée à Theresienstadt, Terezin, en 1943, puis envoyée dans d'autres camps, y compris à Auschwitz-Birkenau. Alors qu'elle était internée à Lensig, qui est un camp satellite d'Auschwitz, elle a réussi à écrire des recettes au dos de documents nazis qu'elle trouvait dans la rue. Parce que quand elle allait juste à son travail, il y avait des documents par terre. Et donc, elle les prenait pour avoir du papier. Ainsi, une recette de croissants aux amendes est rédigée au dos d'un trac de propagande avec le portrait d'Hitler. Là, il faut s'arrêter un moment avant de donner un autre exemple. Tous les livres de recettes ont été écrits sur des supports que des femmes ont fait entrer dans les camps à leurs risques et périls. Et par le moyen de rayons, dérobés aux nazis. Alors, autre histoire, celle d'Edith Per, âgée de 16 ans, qui n'avait jamais vraiment cuisiné de sa vie, mais qui écoutait ses co-internés parler de recettes. Elle travaillait au bureau du camp de Ravensbrück et avait réussi à voler du papier et des crayons pour que les femmes puissent transmettre leurs recettes. Il y en a 97 en tout et pour tout, qui inclut du chou farci, du goulash et beaucoup de gâteaux. On peut encore parler d'Ilona Kellner, originaire de Pelsok, une ville tchécoslovaque jusqu'en 1938 puis hongroise après cette date. En juin 1944, comme beaucoup d'autres juifs hongrois, elle est déportée à Auschwitz. Ses parents sont immédiatement gazés à Birkenau, puis avec sa sœur dans un camp satellite de Buchenwald. Là, elle travaille dans un bureau et réussit à récupérer des feuilles imprimées sur un seul côté. genre ordre d'achat de munitions, inventaire, des mémos, etc. Elle fait les corbeilles à papier. Ces feuilles qu'elle cache dans une petite poche qu'elle a confectionnée dans son manteau, elle va les utiliser pour noter quelques 600 recettes dictées par les autres déportés. Les recettes que ma mère a écrites et collectées durant l'Holocauste étaient très précieuses pour elle dit sa fille Eva. Toute sa vie, lorsqu'elle avait envie de faire de la pâtisserie, c'est-à-dire très souvent, elle consultait ses recettes pour l'aider à décider que faire.

  • Speaker #0

    Et donc on en arrive à l'histoire de Mina Pachter, dont le livre de recettes a connu de très nombreuses péripéties.

  • Speaker #1

    Comme ailleurs, à Terezin, qui est en pratique un camp de transit pour les juifs, avant leur départ pour les camps d'extermination, mais qui est présenté par les nazis comme une implantation juive modèle, on parle énormément de nourriture. Les survivants se souviennent de longues conversations entre prisonniers sur la manière de faire de... tel ou tel gâteau ou sur leur plat favori. Nous appelions cela cuisiner avec la bouche, se souvient une survivante, Suzanne Tcherniak-Spatz. Tout le monde le faisait et les gens étaient très contrariés s'ils pensaient que vous aviez fait le plat de manière erronée ou si vous n'aviez pas la bonne recette. C'est dans ce contexte que Mina Pachter, une internée, a commencé à noter des recettes et a créé un presque livre en les reliant ensemble. A l'automne 44, celle-ci qui est alors hospitalisée pour cause de malnutrition, va réaliser ce qu'elle ne va pas survivre. Alors elle confie son manuscrit à une amie en lui demandant de le remettre à sa fille Annie qui est partie en Palestine avant le conflit mondial. C'est qu'elle va tenter, cette amie va tenter de le faire, mais elle va réussir qu'en 1960. Entre temps, enfin, elle va partir en Palestine en 1960, entre temps, Annie a émigré aux États-Unis. Le livre de recettes va passer de main en main jusqu'en 1969, année où Annie va recevoir un appel téléphonique de quelqu'un qui lui dit qu'il a quelque chose pour elle de la part de sa mère, qui est morte un quart de siècle plus tôt. Pendant longtemps, Annie ne réussit pas à ouvrir le paquet qu'on lui a transmis. C'était comme si ses mains se tendaient vers moi, dira-t-elle plus tard. Finalement, les recettes recueillies par Mina Pachter à Terezin sont publiées en 1996 dans un livre dédié aux recettes de la mémoire.

  • Speaker #0

    L'histoire des livres de recettes provenant de l'époque de la Shoah ne va pas s'arrêter avec la fin de la guerre.

  • Speaker #1

    Et non. Plusieurs livres de recettes basés sur la mémoire des survivants vont être publiés, notamment aux Etats-Unis. Ils permettent aux générations des descendants de survivants et aux autres de retrouver ou de goûter des plats venus de la mémoire. Et puisqu'il faut bien finir par une histoire, racontons celle de Steven Fenves, qui n'est pas une femme, mais un homme, dont la famille vivait à Subotika en Yougoslavie. Sa mère, Clarie, une artiste, avait écrit, alors qu'il n'y avait pas encore la Shoah, un recueil de recettes qu'elle cuisinait pour la famille. Lorsqu'elle a été déportée en 1944, La cuisinière des Fenves, une non-juive dénommée Maris, a sauvé ce recueil et des œuvres d'art de Clarie qu'elle a rendues aux survivants revenus d'Auschwitz, dont son fils Sivan. Bien que celui-ci avait gardé le souvenir de ce qu'il mangeait dans son enfance, il n'avait jamais essayé, au fil des années, de suivre les instructions culinaires laissées par sa mère. Ce jusqu'à ce que Alon Shaya... un chef d'origine israélienne vivant aux États-Unis, ne sélectionne 13 de ses recettes, traduites du hongrois par Stephen Fenves lui-même, et donc le chef les a cuisinées. Comme toute cette expérience s'est passée au temps du Covid, le chef, qui réside à la Nouvelle-Orléans, a envoyé ses plats dans de la glace à Stephen Fenves. Celui-ci dit avoir retrouvé le goût exact des plats de son enfance, De lui envoyer de la nourriture et de lui permettre de goûter ses plats pour la première fois depuis 75 ans est l'une des choses les plus émouvantes que j'ai jamais faites, a commenté Alain Chahia.

  • Speaker #0

    Catherine Garçon, chaque semaine sur Radio Shalom, vous nous racontez notre histoire, mais en passant par nos assiettes, en voyant ce qui se passait sur nos tables. Et là, on a appris une histoire extraordinaire, c'est ces femmes internées dans le camp d'Auschwitz. qui ont rédigé des livres de recettes de cuisine pour se souvenir, pour garder le lien avec leur monde qu'on leur avait volé. Catherine, je vous remercie. Bonsoir à vous.

  • Speaker #1

    Bonsoir. Bonsoir.

Description

Chaque semaine, sur Radio Shalom, Catherine Garson nous raconte notre histoire à travers nos assiettes, à travers ce qui se passe sur nos table.

Aujourd’hui, elle nous parle d’un sujet incroyable : des livres de recettes écrits à Auschwitz.


Hébergé par Ausha. Visitez ausha.co/politique-de-confidentialite pour plus d'informations.

Transcription

  • Speaker #0

    Chaque semaine sur Radio Shalom, Catherine Garçon nous raconte notre histoire, mais au travers de nos assiettes, au travers de ce qui se passe sur notre table. Catherine Garçon est à Jérusalem et elle est en ligne avec nous. Bonsoir Catherine.

  • Speaker #1

    Bonsoir.

  • Speaker #0

    Alors ce soir, vous allez nous parler d'un sujet extraordinaire. Vous allez nous parler des livres de recettes de cuisine écrits pendant la Shoah. Qui écrit des livres de recettes de cuisine pendant la Shoah ?

  • Speaker #1

    Alors voilà, comme nous sommes dans la période des trois semaines, donc une période de tristesse pour les juifs, j'ai choisi de parler d'un sujet qui résonne avec cette période. Comme tout le monde le sait, la faim est tout à fait liée à l'expérience de la Shoah. Que ce soit dans les ghettos ou dans les camps, la sous-alimentation était de règle. Tant qu'elle n'était pas déportée, les femmes trouvaient souvent des moyens créatifs de donner à manger à leurs proches, si l'on considère les denrées très rares. qu'elles avaient à leur disposition. Et quand cela ne suffisait pas, souvent, elles se privaient pour leur famille. Dans les camps, après avoir perdu leurs proches, elles essayaient de garder un semblant d'humanité et l'un des moyens était de s'occuper de recettes. Bien sûr, elles ne pouvaient pas cuisiner, mais ces recettes dont elles parlaient, non seulement les inscrivaient dans la lignée des disparus, mais leur permettaient aussi, ça c'est comme les déportés masculins, de rêver. à ce qui leur manquait et ce qui avait été leur monde d'avant. Comme l'explique la rabbinite Ilana Epstein, qui est une spécialiste aux États-Unis de nourriture juive, quand elles arrivaient dans les camps, elles étaient en général seules. Alors elles forgeaient des amitiés avec les autres femmes en parlant de nourriture. Elles parlaient de ce que faisait leur mère, de ce qui s'était passé avant. Ceci constitue une preuve incroyable de comment ces femmes ont gardé l'espoir et trouvé un moyen de survivre. Très concrètement, Alex Sternberg, qui est le fils d'une survivante hongroise d'Auschwitz et de Ravensbrück, raconte comment ces femmes cuisinaient ensemble dans les camps Alors je cite, à tour de rôle, Elles décrivaient comment elles avaient préparé leurs plats favoris avant la guerre. Elles décrivaient leur cuisine, les nappes et la porcelaine qu'elles mettaient sur les tables. Puis elles décrivaient leur famille qui mangeait ces repas somptueux, famille qu'elles ne reverraient peut-être plus jamais.

  • Speaker #0

    Donc, elles parlaient entre elles de recettes et de souvenirs qui étaient liés. Mais je crois comprendre qu'elles n'ont pas fait qu'en parler.

  • Speaker #1

    Non. Elles ont aussi écrit des livres de recettes que certains nomment recettes fantasmées, en anglais fantasy receipts, à cause des circonstances dans lesquelles elles ont été écrites et parce que les quantités mentionnées ne sont pas toujours exactes. Parce qu'elles faisaient ça de mémoire et ce n'était pas toujours exact. Alors, on connaît cinq recueils de ce type qui sont parvenus jusqu'à nous. On va donner des exemples. Alors, Valikon est une juive tchécoslovaque qui a d'abord été déportée à Theresienstadt, Terezin, en 1943, puis envoyée dans d'autres camps, y compris à Auschwitz-Birkenau. Alors qu'elle était internée à Lensig, qui est un camp satellite d'Auschwitz, elle a réussi à écrire des recettes au dos de documents nazis qu'elle trouvait dans la rue. Parce que quand elle allait juste à son travail, il y avait des documents par terre. Et donc, elle les prenait pour avoir du papier. Ainsi, une recette de croissants aux amendes est rédigée au dos d'un trac de propagande avec le portrait d'Hitler. Là, il faut s'arrêter un moment avant de donner un autre exemple. Tous les livres de recettes ont été écrits sur des supports que des femmes ont fait entrer dans les camps à leurs risques et périls. Et par le moyen de rayons, dérobés aux nazis. Alors, autre histoire, celle d'Edith Per, âgée de 16 ans, qui n'avait jamais vraiment cuisiné de sa vie, mais qui écoutait ses co-internés parler de recettes. Elle travaillait au bureau du camp de Ravensbrück et avait réussi à voler du papier et des crayons pour que les femmes puissent transmettre leurs recettes. Il y en a 97 en tout et pour tout, qui inclut du chou farci, du goulash et beaucoup de gâteaux. On peut encore parler d'Ilona Kellner, originaire de Pelsok, une ville tchécoslovaque jusqu'en 1938 puis hongroise après cette date. En juin 1944, comme beaucoup d'autres juifs hongrois, elle est déportée à Auschwitz. Ses parents sont immédiatement gazés à Birkenau, puis avec sa sœur dans un camp satellite de Buchenwald. Là, elle travaille dans un bureau et réussit à récupérer des feuilles imprimées sur un seul côté. genre ordre d'achat de munitions, inventaire, des mémos, etc. Elle fait les corbeilles à papier. Ces feuilles qu'elle cache dans une petite poche qu'elle a confectionnée dans son manteau, elle va les utiliser pour noter quelques 600 recettes dictées par les autres déportés. Les recettes que ma mère a écrites et collectées durant l'Holocauste étaient très précieuses pour elle dit sa fille Eva. Toute sa vie, lorsqu'elle avait envie de faire de la pâtisserie, c'est-à-dire très souvent, elle consultait ses recettes pour l'aider à décider que faire.

  • Speaker #0

    Et donc on en arrive à l'histoire de Mina Pachter, dont le livre de recettes a connu de très nombreuses péripéties.

  • Speaker #1

    Comme ailleurs, à Terezin, qui est en pratique un camp de transit pour les juifs, avant leur départ pour les camps d'extermination, mais qui est présenté par les nazis comme une implantation juive modèle, on parle énormément de nourriture. Les survivants se souviennent de longues conversations entre prisonniers sur la manière de faire de... tel ou tel gâteau ou sur leur plat favori. Nous appelions cela cuisiner avec la bouche, se souvient une survivante, Suzanne Tcherniak-Spatz. Tout le monde le faisait et les gens étaient très contrariés s'ils pensaient que vous aviez fait le plat de manière erronée ou si vous n'aviez pas la bonne recette. C'est dans ce contexte que Mina Pachter, une internée, a commencé à noter des recettes et a créé un presque livre en les reliant ensemble. A l'automne 44, celle-ci qui est alors hospitalisée pour cause de malnutrition, va réaliser ce qu'elle ne va pas survivre. Alors elle confie son manuscrit à une amie en lui demandant de le remettre à sa fille Annie qui est partie en Palestine avant le conflit mondial. C'est qu'elle va tenter, cette amie va tenter de le faire, mais elle va réussir qu'en 1960. Entre temps, enfin, elle va partir en Palestine en 1960, entre temps, Annie a émigré aux États-Unis. Le livre de recettes va passer de main en main jusqu'en 1969, année où Annie va recevoir un appel téléphonique de quelqu'un qui lui dit qu'il a quelque chose pour elle de la part de sa mère, qui est morte un quart de siècle plus tôt. Pendant longtemps, Annie ne réussit pas à ouvrir le paquet qu'on lui a transmis. C'était comme si ses mains se tendaient vers moi, dira-t-elle plus tard. Finalement, les recettes recueillies par Mina Pachter à Terezin sont publiées en 1996 dans un livre dédié aux recettes de la mémoire.

  • Speaker #0

    L'histoire des livres de recettes provenant de l'époque de la Shoah ne va pas s'arrêter avec la fin de la guerre.

  • Speaker #1

    Et non. Plusieurs livres de recettes basés sur la mémoire des survivants vont être publiés, notamment aux Etats-Unis. Ils permettent aux générations des descendants de survivants et aux autres de retrouver ou de goûter des plats venus de la mémoire. Et puisqu'il faut bien finir par une histoire, racontons celle de Steven Fenves, qui n'est pas une femme, mais un homme, dont la famille vivait à Subotika en Yougoslavie. Sa mère, Clarie, une artiste, avait écrit, alors qu'il n'y avait pas encore la Shoah, un recueil de recettes qu'elle cuisinait pour la famille. Lorsqu'elle a été déportée en 1944, La cuisinière des Fenves, une non-juive dénommée Maris, a sauvé ce recueil et des œuvres d'art de Clarie qu'elle a rendues aux survivants revenus d'Auschwitz, dont son fils Sivan. Bien que celui-ci avait gardé le souvenir de ce qu'il mangeait dans son enfance, il n'avait jamais essayé, au fil des années, de suivre les instructions culinaires laissées par sa mère. Ce jusqu'à ce que Alon Shaya... un chef d'origine israélienne vivant aux États-Unis, ne sélectionne 13 de ses recettes, traduites du hongrois par Stephen Fenves lui-même, et donc le chef les a cuisinées. Comme toute cette expérience s'est passée au temps du Covid, le chef, qui réside à la Nouvelle-Orléans, a envoyé ses plats dans de la glace à Stephen Fenves. Celui-ci dit avoir retrouvé le goût exact des plats de son enfance, De lui envoyer de la nourriture et de lui permettre de goûter ses plats pour la première fois depuis 75 ans est l'une des choses les plus émouvantes que j'ai jamais faites, a commenté Alain Chahia.

  • Speaker #0

    Catherine Garçon, chaque semaine sur Radio Shalom, vous nous racontez notre histoire, mais en passant par nos assiettes, en voyant ce qui se passait sur nos tables. Et là, on a appris une histoire extraordinaire, c'est ces femmes internées dans le camp d'Auschwitz. qui ont rédigé des livres de recettes de cuisine pour se souvenir, pour garder le lien avec leur monde qu'on leur avait volé. Catherine, je vous remercie. Bonsoir à vous.

  • Speaker #1

    Bonsoir. Bonsoir.

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