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Novadroits Podcasts

La voix du droit - Les magistrats du parquet sont-ils indépendants ? Saison 1/Episode 3

La voix du droit - Les magistrats du parquet sont-ils indépendants ? Saison 1/Episode 3

10min |01/12/2024
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Description

Découvrez Novadroits Podcasts, des podcasts originaux de l'association Novadroits spécialisée dans l'accès au droit et l'entraide étudiante. Dans l'émission La voix du droit, la jeunesse cesse de murmurer, elle prend la parole à voix haute !


"Les magistrats du parquet sont-ils indépendants ?" Dans cet épisode, plongez au cœur d’un débat fondamental pour notre démocratie : l’indépendance de la justice. Découvrez comment le lien entre le parquet et l’exécutif influence nos libertés individuelles et pourquoi cette question reste d'actualité.


🎧 Écoutez maintenant et rejoignez la réflexion sur toutes les plateformes de streaming.


Cet épisode a été conçu et présenté par Linda Chemlal / Montage et mixage du générique : Alice Krief, les belles fréquences / Création visuelle : Jérémy Florent


@Novadroits



Hébergé par Ausha. Visitez ausha.co/politique-de-confidentialite pour plus d'informations.

Transcription

  • Speaker #0

    Monsieur le procureur, monsieur le président du jury, mesdames et messieurs les assesseurs. Je vous désapplique de ce que vous avez dit. Que cette justice soit humaine. J'ai longuement préparé une grande plaidoirie. L'association Nova Droit vous présente un podcast original dans lequel la jeunesse s'exprime en toute liberté sous la forme d'un plaidoyer vibrant qui vulgarise le droit. Je m'appelle Linda Chemlal et je vais répondre à la question suivante. Le parquet est-il indépendant ? Notre justice est en crise, depuis longtemps, trop longtemps. Notre justice est en crise, depuis longtemps, trop longtemps. Voici ce que prononce de façon solennelle François Mollins, ancien procureur général près la Cour de cassation, dans son discours de la rentrée 2023. La justice fait face à une crise, car elle est prise en étau. D'un côté, par une inflation législative, Jean-Marc Sauvé, ancien président du Conseil d'État, l'a souligné. La loi... a profondément évolué, et dans le mauvais sens. Elle était brève, claire et riche, mais elle est devenue confuse, bavarde et pauvre. Le temps où le juge était la bouche de la loi est révolu. Il participe pleinement à la production du droit. Ainsi, la garantie de son indépendance, de son impartialité, semble être de plus en plus pressante afin de préserver l'état de droit. De l'autre côté, la justice fait face à un empiètement de plus en plus important de l'exécutif. L'ordonnance du 22 décembre 1958 dispose que le corps judiciaire comprend les magistrats du siège et du parquet de la cour de cassation. Ils sont les gardiens de la liberté individuelle. Alors même qu'ils sont issus de la même école, leurs prérogatives sont différentes. Le premier tranche les litiges alors que le second intervient afin de demander l'application de la loi dans l'intérêt de la société. Le parquet exécute les décisions pénales définitives. Il est protecteur de l'enfance en danger. Il peut intervenir si la loi le prévoit pour la défense de l'ordre public. Il participe aux politiques publiques, locales, en matière de sécurité et de prévention de la délinquance. Et il décide de l'opportunité des poursuites. Cependant, malgré l'originalité des parquetiers, leur statut est remis en cause, et notamment leur indépendance. En effet, en raison de leur mission et la place qu'ils occupent au sein de la procédure pénale, en l'état, l'indépendance semble impossible à atteindre. le garde des Sceaux avait d'importantes prérogatives à l'égard du parquet. Il pouvait adresser des instructions dans des affaires individuelles à un procureur afin qu'il annule les poursuites, ce qui a tout l'air d'une profusion des pouvoirs entre l'exécutif et le judiciaire, et par la même occasion expose le citoyen à une ingérence de l'exécutif dans les affaires individuelles. Mais depuis 2013, ce pouvoir est supprimé, permettant l'entrée en vigueur dans le Code de procédure pénale des articles 33 et 31, qui consacrent une indépendance lors des observations orales du parquet et fait référence au principe d'impartialité. Donc, les instructions individuelles laissent place aux instructions générales, le garde des Sceaux est responsable de la conduite de la politique pénale déterminée par le gouvernement. Par conséquent, il lui appartient d'en préciser, par l'usage d'instructions générales, les grandes orientations pour assurer la cohérence et l'efficacité de la politique sur l'ensemble du territoire. Cependant, on peut se demander si le garde des Sceaux fait un usage raisonnable de ces instructions générales ou si elles viennent étouffer le ministère public, réduisant les magistrats du parquet à des simples exécutants, des circulaires ministériels. Pour tenter de répondre à la question de l'indépendance du parquet, il faut comprendre à quoi correspond l'indépendance et quels sont ses enjeux. L'indépendance de la justice est un principe à valeur constitutionnelle. C'est au terme des articles 64 et 65 de la Constitution du 4 octobre 1958 que le président de la République et garante de l'indépendance de l'autorité judiciaire. Il peut être supplié par le ministre de la Justice. Le corps judiciaire se retrouve ainsi subordonné à un exécutif qui doit lui garantir une indépendance. Mais ce devoir est mis à rude épreuve par les affaires auxquelles l'ancien garde des Sceaux, Éric Dupond-Moretti, a dû faire face. Comment le garde des Sceaux peut-il garantir l'indépendance du parquet alors que ce même parquet va devoir réclamer l'application de la loi et décider de l'opportunité des poursuites ? Les magistrats du parquet sont placés sous la direction et le contrôle de leur chef hiérarchique et sous l'autorité du garde des Sceaux, ministre de la Justice. À l'audience, leur parole est libre, mais comment peuvent-ils se comporter librement lorsqu'ils font face à leur chef hiérarchique qui les a nommés sur avis conforme du Conseil supérieur de la magistrature ? Comme le dit l'expression, on ne mord pas la main qui nous a nourris. Il semble donc difficile d'envisager un parquetier totalement impartial face à la personne qui tient son avenir professionnel entre ses mains. Puis, on peut se demander, est-ce que le garde des Sceaux peut-il envisager de mettre sur la touche des magistrats du parquet ? Et la réponse est oui. Il existe une procédure de sanction à l'article 66 de l'ordonnance de 1958 relative au statut de la magistrature. Mais cette procédure est conditionnée à l'avis du Conseil supérieur de la magistrature. Ainsi, ce Conseil pourrait jouer un rôle de garde-fou si ses avis n'étaient pas consultatifs. Ainsi donc, l'indépendance du parquet ne semble qu'illusoire. La question de l'indépendance de la justice implique également une réflexion sur la séparation des pouvoirs. En effet, Montesquieu nous avait déjà mis en garde il y a 276 ans. Tout serait perdu si le même homme ou le même corps exerçait ses trois pouvoirs, celui de faire les lois, celui d'exécuter les résolutions publiques, et celui de juger les crimes ou les différents des particuliers. Contrairement aux magistrats du siège qui bénéficient d'une garantie constitutionnelle de leur indépendance, qui est matérialisée par une inamovibilité, les magistrats du parquet n'ont aucune garantie constitutionnelle en matière d'indépendance. Et pour cause, la Cour européenne des droits de l'homme a, à plusieurs reprises, refusé la qualification de juridiction indépendante au parquet français, en raison du lien de dépendance entre le ministre de la Justice et le parquet. En effet, ceux-ci sont amovibles, nommés par en partie le ministre de la Justice, et sont sous son autorité. Déjà en 2010, la Cour européenne des droits de l'homme prend note du débat interne sur l'indépendance du ministère public et a refusé de le considérer comme une juridiction indépendante. Ce débat viendra reprendre forme en 2017, lorsque l'Union syndicale des magistrats, suivie par le Syndicat de la magistrature et Fortes ouvrières magistrats, ont décidé, à l'occasion d'un recours contre le décret du 25 avril 2017, de saisir le Conseil d'État d'une question prioritaire de constitutionnalité afin d'examiner la constitutionnalité de l'article 5 de l'ordonnance du 22 décembre 1958. Les syndicats plaidaient que cet article était contraire à la séparation des pouvoirs et au principe d'indépendance. En réponse, le Conseil constitutionnel a affirmé, dans une décision du 8 décembre 2017, que l'article ne méconnaît ni la séparation des pouvoirs, ni le droit à un procès équitable, ni le droit de la défense. Le Conseil a expliqué que le parquet est indépendant, mais que cette indépendance doit être conciliée avec les prérogatives du gouvernement et qu'elle n'est pas assurée par les mêmes garanties que celles applicables aux magistrats du siège. Ce qui met en avant la variabilité du degré d'indépendance des magistrats du parquet. Le Conseil constitutionnel, dans cette décision, emploie une formule atypique pour démontrer cette différence. L'indépendance du parquet est consacrée par la Constitution, mais ne peut être équivalente à celle du siège dès lors qu'elle n'est pas assurée par les mêmes garanties. Malgré l'utilisation du terme magistrat du parquet, ce corps n'est pas réellement composé de magistrats. Et en effet, le ministère public est composé de procureurs généraux, du procureur de la République, du substitut du procureur et des avocats généraux, qui sont tous sous subordination du ministre de la Justice. Cette subordination débute dès leur nomination. Ainsi, cette décision n'a eu pour seul résultat de nuancer le degré d'indépendance des magistrats du parquet. Leur indépendance ne sera donc jamais équivalente à celle des magistrats du siège. À la suite de cette décision de 2017, de nombreux acteurs se sont prononcés en faveur et à divers degrés pour une réforme du statut du parquet, et plus largement pour une réforme de la justice. Plusieurs rapports avaient déjà recommandé que le statut du parquet soit réformé, notamment les rapports Nadal de 2013 et Bartnol-Winoc de 2015. En 2013, un projet de loi constitutionnelle prévoyait un avis conforme du Conseil supérieur de la magistrature sur la nomination du parquet et prévoyait la compétence de ce même Conseil en matière disciplinaire. Toutefois, ce projet n'a pas abouti à cause de l'opposition du Sénat. À la suite de la décision de 2017, Mme Nicole Belloubet, ancienne garde des Sceaux, a affirmé en 2018 qu'une réforme constitutionnelle était bien en chantier. Elle a promis qu'elle serait puissante et porterait sur les nominations et la discipline. En revanche, elle semblait demeurer attachée aux remontées d'informations déparquées au ministère, ce qui démontre la volonté de l'exécutif de rester impliqué dans les affaires en conservant une sorte de droit de regard sur les affaires en cours. De son côté, Mme Eliane Oulette, ancienne procureure du parquet national financier, dénonçait devant la commission d'enquête sur les obstacles à l'indépendance du pouvoir judiciaire un droit de regard omniprésent de la part des parquets généraux et forme le vœu d'une réforme constitutionnelle portant notamment sur le statut du parquet qui n'a pour l'instant jamais vu le jour. Puis, Rémi Hetz, actuel procureur après la Cour de cassation, a déclaré dans son allocution de la rentrée 2024 qu'il est impératif de consolider le statut du parquet par une réforme constitutionnelle qui soumettrait la nomination de ces magistrats à l'avis conforme du Conseil supérieur de la magistrature et alignerait leur régime disciplinaire sur celui du siège. Cette déclaration reprend les propositions qui ont émergé lors de la Conférence nationale des procureurs généraux, au terme de laquelle le sentiment général est que les procureurs généraux sont attachés à leur qualité de magistrat et à l'ensemble de leur mission. En conséquence, le projet de réforme... vise notamment à ce que la nomination des membres du ministère public passe par un avis conforme supérieur de la magistrature et donc à constitutionnaliser l'indépendance du parquet. une mesure qui avait déjà fait l'objet d'une approbation par le Parlement en 2016. Cependant, en 2024, le projet reste lettre morte, principalement parce que la mise en œuvre de cette réforme nécessite une modification de la Constitution, ce qui implique la réunion du Congrès. Or, cette réunion n'a jamais eu lieu. L'association NovaDroit vous remercie pour votre écoute. Vous pouvez nous suivre sur nos réseaux sociaux dans la barre de description. N'hésitez pas à partager notre contenu si vous l'appréciez. 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"Les magistrats du parquet sont-ils indépendants ?" Dans cet épisode, plongez au cœur d’un débat fondamental pour notre démocratie : l’indépendance de la justice. Découvrez comment le lien entre le parquet et l’exécutif influence nos libertés individuelles et pourquoi cette question reste d'actualité.


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Cet épisode a été conçu et présenté par Linda Chemlal / Montage et mixage du générique : Alice Krief, les belles fréquences / Création visuelle : Jérémy Florent


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  • Speaker #0

    Monsieur le procureur, monsieur le président du jury, mesdames et messieurs les assesseurs. Je vous désapplique de ce que vous avez dit. Que cette justice soit humaine. J'ai longuement préparé une grande plaidoirie. L'association Nova Droit vous présente un podcast original dans lequel la jeunesse s'exprime en toute liberté sous la forme d'un plaidoyer vibrant qui vulgarise le droit. Je m'appelle Linda Chemlal et je vais répondre à la question suivante. Le parquet est-il indépendant ? Notre justice est en crise, depuis longtemps, trop longtemps. Notre justice est en crise, depuis longtemps, trop longtemps. Voici ce que prononce de façon solennelle François Mollins, ancien procureur général près la Cour de cassation, dans son discours de la rentrée 2023. La justice fait face à une crise, car elle est prise en étau. D'un côté, par une inflation législative, Jean-Marc Sauvé, ancien président du Conseil d'État, l'a souligné. La loi... a profondément évolué, et dans le mauvais sens. Elle était brève, claire et riche, mais elle est devenue confuse, bavarde et pauvre. Le temps où le juge était la bouche de la loi est révolu. Il participe pleinement à la production du droit. Ainsi, la garantie de son indépendance, de son impartialité, semble être de plus en plus pressante afin de préserver l'état de droit. De l'autre côté, la justice fait face à un empiètement de plus en plus important de l'exécutif. L'ordonnance du 22 décembre 1958 dispose que le corps judiciaire comprend les magistrats du siège et du parquet de la cour de cassation. Ils sont les gardiens de la liberté individuelle. Alors même qu'ils sont issus de la même école, leurs prérogatives sont différentes. Le premier tranche les litiges alors que le second intervient afin de demander l'application de la loi dans l'intérêt de la société. Le parquet exécute les décisions pénales définitives. Il est protecteur de l'enfance en danger. Il peut intervenir si la loi le prévoit pour la défense de l'ordre public. Il participe aux politiques publiques, locales, en matière de sécurité et de prévention de la délinquance. Et il décide de l'opportunité des poursuites. Cependant, malgré l'originalité des parquetiers, leur statut est remis en cause, et notamment leur indépendance. En effet, en raison de leur mission et la place qu'ils occupent au sein de la procédure pénale, en l'état, l'indépendance semble impossible à atteindre. le garde des Sceaux avait d'importantes prérogatives à l'égard du parquet. Il pouvait adresser des instructions dans des affaires individuelles à un procureur afin qu'il annule les poursuites, ce qui a tout l'air d'une profusion des pouvoirs entre l'exécutif et le judiciaire, et par la même occasion expose le citoyen à une ingérence de l'exécutif dans les affaires individuelles. Mais depuis 2013, ce pouvoir est supprimé, permettant l'entrée en vigueur dans le Code de procédure pénale des articles 33 et 31, qui consacrent une indépendance lors des observations orales du parquet et fait référence au principe d'impartialité. Donc, les instructions individuelles laissent place aux instructions générales, le garde des Sceaux est responsable de la conduite de la politique pénale déterminée par le gouvernement. Par conséquent, il lui appartient d'en préciser, par l'usage d'instructions générales, les grandes orientations pour assurer la cohérence et l'efficacité de la politique sur l'ensemble du territoire. Cependant, on peut se demander si le garde des Sceaux fait un usage raisonnable de ces instructions générales ou si elles viennent étouffer le ministère public, réduisant les magistrats du parquet à des simples exécutants, des circulaires ministériels. Pour tenter de répondre à la question de l'indépendance du parquet, il faut comprendre à quoi correspond l'indépendance et quels sont ses enjeux. L'indépendance de la justice est un principe à valeur constitutionnelle. C'est au terme des articles 64 et 65 de la Constitution du 4 octobre 1958 que le président de la République et garante de l'indépendance de l'autorité judiciaire. Il peut être supplié par le ministre de la Justice. Le corps judiciaire se retrouve ainsi subordonné à un exécutif qui doit lui garantir une indépendance. Mais ce devoir est mis à rude épreuve par les affaires auxquelles l'ancien garde des Sceaux, Éric Dupond-Moretti, a dû faire face. Comment le garde des Sceaux peut-il garantir l'indépendance du parquet alors que ce même parquet va devoir réclamer l'application de la loi et décider de l'opportunité des poursuites ? Les magistrats du parquet sont placés sous la direction et le contrôle de leur chef hiérarchique et sous l'autorité du garde des Sceaux, ministre de la Justice. À l'audience, leur parole est libre, mais comment peuvent-ils se comporter librement lorsqu'ils font face à leur chef hiérarchique qui les a nommés sur avis conforme du Conseil supérieur de la magistrature ? Comme le dit l'expression, on ne mord pas la main qui nous a nourris. Il semble donc difficile d'envisager un parquetier totalement impartial face à la personne qui tient son avenir professionnel entre ses mains. Puis, on peut se demander, est-ce que le garde des Sceaux peut-il envisager de mettre sur la touche des magistrats du parquet ? Et la réponse est oui. Il existe une procédure de sanction à l'article 66 de l'ordonnance de 1958 relative au statut de la magistrature. Mais cette procédure est conditionnée à l'avis du Conseil supérieur de la magistrature. Ainsi, ce Conseil pourrait jouer un rôle de garde-fou si ses avis n'étaient pas consultatifs. Ainsi donc, l'indépendance du parquet ne semble qu'illusoire. La question de l'indépendance de la justice implique également une réflexion sur la séparation des pouvoirs. En effet, Montesquieu nous avait déjà mis en garde il y a 276 ans. Tout serait perdu si le même homme ou le même corps exerçait ses trois pouvoirs, celui de faire les lois, celui d'exécuter les résolutions publiques, et celui de juger les crimes ou les différents des particuliers. Contrairement aux magistrats du siège qui bénéficient d'une garantie constitutionnelle de leur indépendance, qui est matérialisée par une inamovibilité, les magistrats du parquet n'ont aucune garantie constitutionnelle en matière d'indépendance. Et pour cause, la Cour européenne des droits de l'homme a, à plusieurs reprises, refusé la qualification de juridiction indépendante au parquet français, en raison du lien de dépendance entre le ministre de la Justice et le parquet. En effet, ceux-ci sont amovibles, nommés par en partie le ministre de la Justice, et sont sous son autorité. Déjà en 2010, la Cour européenne des droits de l'homme prend note du débat interne sur l'indépendance du ministère public et a refusé de le considérer comme une juridiction indépendante. Ce débat viendra reprendre forme en 2017, lorsque l'Union syndicale des magistrats, suivie par le Syndicat de la magistrature et Fortes ouvrières magistrats, ont décidé, à l'occasion d'un recours contre le décret du 25 avril 2017, de saisir le Conseil d'État d'une question prioritaire de constitutionnalité afin d'examiner la constitutionnalité de l'article 5 de l'ordonnance du 22 décembre 1958. Les syndicats plaidaient que cet article était contraire à la séparation des pouvoirs et au principe d'indépendance. En réponse, le Conseil constitutionnel a affirmé, dans une décision du 8 décembre 2017, que l'article ne méconnaît ni la séparation des pouvoirs, ni le droit à un procès équitable, ni le droit de la défense. Le Conseil a expliqué que le parquet est indépendant, mais que cette indépendance doit être conciliée avec les prérogatives du gouvernement et qu'elle n'est pas assurée par les mêmes garanties que celles applicables aux magistrats du siège. Ce qui met en avant la variabilité du degré d'indépendance des magistrats du parquet. Le Conseil constitutionnel, dans cette décision, emploie une formule atypique pour démontrer cette différence. L'indépendance du parquet est consacrée par la Constitution, mais ne peut être équivalente à celle du siège dès lors qu'elle n'est pas assurée par les mêmes garanties. Malgré l'utilisation du terme magistrat du parquet, ce corps n'est pas réellement composé de magistrats. Et en effet, le ministère public est composé de procureurs généraux, du procureur de la République, du substitut du procureur et des avocats généraux, qui sont tous sous subordination du ministre de la Justice. Cette subordination débute dès leur nomination. Ainsi, cette décision n'a eu pour seul résultat de nuancer le degré d'indépendance des magistrats du parquet. Leur indépendance ne sera donc jamais équivalente à celle des magistrats du siège. À la suite de cette décision de 2017, de nombreux acteurs se sont prononcés en faveur et à divers degrés pour une réforme du statut du parquet, et plus largement pour une réforme de la justice. Plusieurs rapports avaient déjà recommandé que le statut du parquet soit réformé, notamment les rapports Nadal de 2013 et Bartnol-Winoc de 2015. En 2013, un projet de loi constitutionnelle prévoyait un avis conforme du Conseil supérieur de la magistrature sur la nomination du parquet et prévoyait la compétence de ce même Conseil en matière disciplinaire. Toutefois, ce projet n'a pas abouti à cause de l'opposition du Sénat. À la suite de la décision de 2017, Mme Nicole Belloubet, ancienne garde des Sceaux, a affirmé en 2018 qu'une réforme constitutionnelle était bien en chantier. Elle a promis qu'elle serait puissante et porterait sur les nominations et la discipline. En revanche, elle semblait demeurer attachée aux remontées d'informations déparquées au ministère, ce qui démontre la volonté de l'exécutif de rester impliqué dans les affaires en conservant une sorte de droit de regard sur les affaires en cours. De son côté, Mme Eliane Oulette, ancienne procureure du parquet national financier, dénonçait devant la commission d'enquête sur les obstacles à l'indépendance du pouvoir judiciaire un droit de regard omniprésent de la part des parquets généraux et forme le vœu d'une réforme constitutionnelle portant notamment sur le statut du parquet qui n'a pour l'instant jamais vu le jour. Puis, Rémi Hetz, actuel procureur après la Cour de cassation, a déclaré dans son allocution de la rentrée 2024 qu'il est impératif de consolider le statut du parquet par une réforme constitutionnelle qui soumettrait la nomination de ces magistrats à l'avis conforme du Conseil supérieur de la magistrature et alignerait leur régime disciplinaire sur celui du siège. Cette déclaration reprend les propositions qui ont émergé lors de la Conférence nationale des procureurs généraux, au terme de laquelle le sentiment général est que les procureurs généraux sont attachés à leur qualité de magistrat et à l'ensemble de leur mission. En conséquence, le projet de réforme... vise notamment à ce que la nomination des membres du ministère public passe par un avis conforme supérieur de la magistrature et donc à constitutionnaliser l'indépendance du parquet. une mesure qui avait déjà fait l'objet d'une approbation par le Parlement en 2016. Cependant, en 2024, le projet reste lettre morte, principalement parce que la mise en œuvre de cette réforme nécessite une modification de la Constitution, ce qui implique la réunion du Congrès. Or, cette réunion n'a jamais eu lieu. L'association NovaDroit vous remercie pour votre écoute. Vous pouvez nous suivre sur nos réseaux sociaux dans la barre de description. N'hésitez pas à partager notre contenu si vous l'appréciez. 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🎧 Écoutez maintenant et rejoignez la réflexion sur toutes les plateformes de streaming.


Cet épisode a été conçu et présenté par Linda Chemlal / Montage et mixage du générique : Alice Krief, les belles fréquences / Création visuelle : Jérémy Florent


@Novadroits



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Transcription

  • Speaker #0

    Monsieur le procureur, monsieur le président du jury, mesdames et messieurs les assesseurs. Je vous désapplique de ce que vous avez dit. Que cette justice soit humaine. J'ai longuement préparé une grande plaidoirie. L'association Nova Droit vous présente un podcast original dans lequel la jeunesse s'exprime en toute liberté sous la forme d'un plaidoyer vibrant qui vulgarise le droit. Je m'appelle Linda Chemlal et je vais répondre à la question suivante. Le parquet est-il indépendant ? Notre justice est en crise, depuis longtemps, trop longtemps. Notre justice est en crise, depuis longtemps, trop longtemps. Voici ce que prononce de façon solennelle François Mollins, ancien procureur général près la Cour de cassation, dans son discours de la rentrée 2023. La justice fait face à une crise, car elle est prise en étau. D'un côté, par une inflation législative, Jean-Marc Sauvé, ancien président du Conseil d'État, l'a souligné. La loi... a profondément évolué, et dans le mauvais sens. Elle était brève, claire et riche, mais elle est devenue confuse, bavarde et pauvre. Le temps où le juge était la bouche de la loi est révolu. Il participe pleinement à la production du droit. Ainsi, la garantie de son indépendance, de son impartialité, semble être de plus en plus pressante afin de préserver l'état de droit. De l'autre côté, la justice fait face à un empiètement de plus en plus important de l'exécutif. L'ordonnance du 22 décembre 1958 dispose que le corps judiciaire comprend les magistrats du siège et du parquet de la cour de cassation. Ils sont les gardiens de la liberté individuelle. Alors même qu'ils sont issus de la même école, leurs prérogatives sont différentes. Le premier tranche les litiges alors que le second intervient afin de demander l'application de la loi dans l'intérêt de la société. Le parquet exécute les décisions pénales définitives. Il est protecteur de l'enfance en danger. Il peut intervenir si la loi le prévoit pour la défense de l'ordre public. Il participe aux politiques publiques, locales, en matière de sécurité et de prévention de la délinquance. Et il décide de l'opportunité des poursuites. Cependant, malgré l'originalité des parquetiers, leur statut est remis en cause, et notamment leur indépendance. En effet, en raison de leur mission et la place qu'ils occupent au sein de la procédure pénale, en l'état, l'indépendance semble impossible à atteindre. le garde des Sceaux avait d'importantes prérogatives à l'égard du parquet. Il pouvait adresser des instructions dans des affaires individuelles à un procureur afin qu'il annule les poursuites, ce qui a tout l'air d'une profusion des pouvoirs entre l'exécutif et le judiciaire, et par la même occasion expose le citoyen à une ingérence de l'exécutif dans les affaires individuelles. Mais depuis 2013, ce pouvoir est supprimé, permettant l'entrée en vigueur dans le Code de procédure pénale des articles 33 et 31, qui consacrent une indépendance lors des observations orales du parquet et fait référence au principe d'impartialité. Donc, les instructions individuelles laissent place aux instructions générales, le garde des Sceaux est responsable de la conduite de la politique pénale déterminée par le gouvernement. Par conséquent, il lui appartient d'en préciser, par l'usage d'instructions générales, les grandes orientations pour assurer la cohérence et l'efficacité de la politique sur l'ensemble du territoire. Cependant, on peut se demander si le garde des Sceaux fait un usage raisonnable de ces instructions générales ou si elles viennent étouffer le ministère public, réduisant les magistrats du parquet à des simples exécutants, des circulaires ministériels. Pour tenter de répondre à la question de l'indépendance du parquet, il faut comprendre à quoi correspond l'indépendance et quels sont ses enjeux. L'indépendance de la justice est un principe à valeur constitutionnelle. C'est au terme des articles 64 et 65 de la Constitution du 4 octobre 1958 que le président de la République et garante de l'indépendance de l'autorité judiciaire. Il peut être supplié par le ministre de la Justice. Le corps judiciaire se retrouve ainsi subordonné à un exécutif qui doit lui garantir une indépendance. Mais ce devoir est mis à rude épreuve par les affaires auxquelles l'ancien garde des Sceaux, Éric Dupond-Moretti, a dû faire face. Comment le garde des Sceaux peut-il garantir l'indépendance du parquet alors que ce même parquet va devoir réclamer l'application de la loi et décider de l'opportunité des poursuites ? Les magistrats du parquet sont placés sous la direction et le contrôle de leur chef hiérarchique et sous l'autorité du garde des Sceaux, ministre de la Justice. À l'audience, leur parole est libre, mais comment peuvent-ils se comporter librement lorsqu'ils font face à leur chef hiérarchique qui les a nommés sur avis conforme du Conseil supérieur de la magistrature ? Comme le dit l'expression, on ne mord pas la main qui nous a nourris. Il semble donc difficile d'envisager un parquetier totalement impartial face à la personne qui tient son avenir professionnel entre ses mains. Puis, on peut se demander, est-ce que le garde des Sceaux peut-il envisager de mettre sur la touche des magistrats du parquet ? Et la réponse est oui. Il existe une procédure de sanction à l'article 66 de l'ordonnance de 1958 relative au statut de la magistrature. Mais cette procédure est conditionnée à l'avis du Conseil supérieur de la magistrature. Ainsi, ce Conseil pourrait jouer un rôle de garde-fou si ses avis n'étaient pas consultatifs. Ainsi donc, l'indépendance du parquet ne semble qu'illusoire. La question de l'indépendance de la justice implique également une réflexion sur la séparation des pouvoirs. En effet, Montesquieu nous avait déjà mis en garde il y a 276 ans. Tout serait perdu si le même homme ou le même corps exerçait ses trois pouvoirs, celui de faire les lois, celui d'exécuter les résolutions publiques, et celui de juger les crimes ou les différents des particuliers. Contrairement aux magistrats du siège qui bénéficient d'une garantie constitutionnelle de leur indépendance, qui est matérialisée par une inamovibilité, les magistrats du parquet n'ont aucune garantie constitutionnelle en matière d'indépendance. Et pour cause, la Cour européenne des droits de l'homme a, à plusieurs reprises, refusé la qualification de juridiction indépendante au parquet français, en raison du lien de dépendance entre le ministre de la Justice et le parquet. En effet, ceux-ci sont amovibles, nommés par en partie le ministre de la Justice, et sont sous son autorité. Déjà en 2010, la Cour européenne des droits de l'homme prend note du débat interne sur l'indépendance du ministère public et a refusé de le considérer comme une juridiction indépendante. Ce débat viendra reprendre forme en 2017, lorsque l'Union syndicale des magistrats, suivie par le Syndicat de la magistrature et Fortes ouvrières magistrats, ont décidé, à l'occasion d'un recours contre le décret du 25 avril 2017, de saisir le Conseil d'État d'une question prioritaire de constitutionnalité afin d'examiner la constitutionnalité de l'article 5 de l'ordonnance du 22 décembre 1958. Les syndicats plaidaient que cet article était contraire à la séparation des pouvoirs et au principe d'indépendance. En réponse, le Conseil constitutionnel a affirmé, dans une décision du 8 décembre 2017, que l'article ne méconnaît ni la séparation des pouvoirs, ni le droit à un procès équitable, ni le droit de la défense. Le Conseil a expliqué que le parquet est indépendant, mais que cette indépendance doit être conciliée avec les prérogatives du gouvernement et qu'elle n'est pas assurée par les mêmes garanties que celles applicables aux magistrats du siège. Ce qui met en avant la variabilité du degré d'indépendance des magistrats du parquet. Le Conseil constitutionnel, dans cette décision, emploie une formule atypique pour démontrer cette différence. L'indépendance du parquet est consacrée par la Constitution, mais ne peut être équivalente à celle du siège dès lors qu'elle n'est pas assurée par les mêmes garanties. Malgré l'utilisation du terme magistrat du parquet, ce corps n'est pas réellement composé de magistrats. Et en effet, le ministère public est composé de procureurs généraux, du procureur de la République, du substitut du procureur et des avocats généraux, qui sont tous sous subordination du ministre de la Justice. Cette subordination débute dès leur nomination. Ainsi, cette décision n'a eu pour seul résultat de nuancer le degré d'indépendance des magistrats du parquet. Leur indépendance ne sera donc jamais équivalente à celle des magistrats du siège. À la suite de cette décision de 2017, de nombreux acteurs se sont prononcés en faveur et à divers degrés pour une réforme du statut du parquet, et plus largement pour une réforme de la justice. Plusieurs rapports avaient déjà recommandé que le statut du parquet soit réformé, notamment les rapports Nadal de 2013 et Bartnol-Winoc de 2015. En 2013, un projet de loi constitutionnelle prévoyait un avis conforme du Conseil supérieur de la magistrature sur la nomination du parquet et prévoyait la compétence de ce même Conseil en matière disciplinaire. Toutefois, ce projet n'a pas abouti à cause de l'opposition du Sénat. À la suite de la décision de 2017, Mme Nicole Belloubet, ancienne garde des Sceaux, a affirmé en 2018 qu'une réforme constitutionnelle était bien en chantier. Elle a promis qu'elle serait puissante et porterait sur les nominations et la discipline. En revanche, elle semblait demeurer attachée aux remontées d'informations déparquées au ministère, ce qui démontre la volonté de l'exécutif de rester impliqué dans les affaires en conservant une sorte de droit de regard sur les affaires en cours. De son côté, Mme Eliane Oulette, ancienne procureure du parquet national financier, dénonçait devant la commission d'enquête sur les obstacles à l'indépendance du pouvoir judiciaire un droit de regard omniprésent de la part des parquets généraux et forme le vœu d'une réforme constitutionnelle portant notamment sur le statut du parquet qui n'a pour l'instant jamais vu le jour. Puis, Rémi Hetz, actuel procureur après la Cour de cassation, a déclaré dans son allocution de la rentrée 2024 qu'il est impératif de consolider le statut du parquet par une réforme constitutionnelle qui soumettrait la nomination de ces magistrats à l'avis conforme du Conseil supérieur de la magistrature et alignerait leur régime disciplinaire sur celui du siège. Cette déclaration reprend les propositions qui ont émergé lors de la Conférence nationale des procureurs généraux, au terme de laquelle le sentiment général est que les procureurs généraux sont attachés à leur qualité de magistrat et à l'ensemble de leur mission. En conséquence, le projet de réforme... vise notamment à ce que la nomination des membres du ministère public passe par un avis conforme supérieur de la magistrature et donc à constitutionnaliser l'indépendance du parquet. une mesure qui avait déjà fait l'objet d'une approbation par le Parlement en 2016. Cependant, en 2024, le projet reste lettre morte, principalement parce que la mise en œuvre de cette réforme nécessite une modification de la Constitution, ce qui implique la réunion du Congrès. Or, cette réunion n'a jamais eu lieu. L'association NovaDroit vous remercie pour votre écoute. Vous pouvez nous suivre sur nos réseaux sociaux dans la barre de description. N'hésitez pas à partager notre contenu si vous l'appréciez. 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Description

Découvrez Novadroits Podcasts, des podcasts originaux de l'association Novadroits spécialisée dans l'accès au droit et l'entraide étudiante. Dans l'émission La voix du droit, la jeunesse cesse de murmurer, elle prend la parole à voix haute !


"Les magistrats du parquet sont-ils indépendants ?" Dans cet épisode, plongez au cœur d’un débat fondamental pour notre démocratie : l’indépendance de la justice. Découvrez comment le lien entre le parquet et l’exécutif influence nos libertés individuelles et pourquoi cette question reste d'actualité.


🎧 Écoutez maintenant et rejoignez la réflexion sur toutes les plateformes de streaming.


Cet épisode a été conçu et présenté par Linda Chemlal / Montage et mixage du générique : Alice Krief, les belles fréquences / Création visuelle : Jérémy Florent


@Novadroits



Hébergé par Ausha. Visitez ausha.co/politique-de-confidentialite pour plus d'informations.

Transcription

  • Speaker #0

    Monsieur le procureur, monsieur le président du jury, mesdames et messieurs les assesseurs. Je vous désapplique de ce que vous avez dit. Que cette justice soit humaine. J'ai longuement préparé une grande plaidoirie. L'association Nova Droit vous présente un podcast original dans lequel la jeunesse s'exprime en toute liberté sous la forme d'un plaidoyer vibrant qui vulgarise le droit. Je m'appelle Linda Chemlal et je vais répondre à la question suivante. Le parquet est-il indépendant ? Notre justice est en crise, depuis longtemps, trop longtemps. Notre justice est en crise, depuis longtemps, trop longtemps. Voici ce que prononce de façon solennelle François Mollins, ancien procureur général près la Cour de cassation, dans son discours de la rentrée 2023. La justice fait face à une crise, car elle est prise en étau. D'un côté, par une inflation législative, Jean-Marc Sauvé, ancien président du Conseil d'État, l'a souligné. La loi... a profondément évolué, et dans le mauvais sens. Elle était brève, claire et riche, mais elle est devenue confuse, bavarde et pauvre. Le temps où le juge était la bouche de la loi est révolu. Il participe pleinement à la production du droit. Ainsi, la garantie de son indépendance, de son impartialité, semble être de plus en plus pressante afin de préserver l'état de droit. De l'autre côté, la justice fait face à un empiètement de plus en plus important de l'exécutif. L'ordonnance du 22 décembre 1958 dispose que le corps judiciaire comprend les magistrats du siège et du parquet de la cour de cassation. Ils sont les gardiens de la liberté individuelle. Alors même qu'ils sont issus de la même école, leurs prérogatives sont différentes. Le premier tranche les litiges alors que le second intervient afin de demander l'application de la loi dans l'intérêt de la société. Le parquet exécute les décisions pénales définitives. Il est protecteur de l'enfance en danger. Il peut intervenir si la loi le prévoit pour la défense de l'ordre public. Il participe aux politiques publiques, locales, en matière de sécurité et de prévention de la délinquance. Et il décide de l'opportunité des poursuites. Cependant, malgré l'originalité des parquetiers, leur statut est remis en cause, et notamment leur indépendance. En effet, en raison de leur mission et la place qu'ils occupent au sein de la procédure pénale, en l'état, l'indépendance semble impossible à atteindre. le garde des Sceaux avait d'importantes prérogatives à l'égard du parquet. Il pouvait adresser des instructions dans des affaires individuelles à un procureur afin qu'il annule les poursuites, ce qui a tout l'air d'une profusion des pouvoirs entre l'exécutif et le judiciaire, et par la même occasion expose le citoyen à une ingérence de l'exécutif dans les affaires individuelles. Mais depuis 2013, ce pouvoir est supprimé, permettant l'entrée en vigueur dans le Code de procédure pénale des articles 33 et 31, qui consacrent une indépendance lors des observations orales du parquet et fait référence au principe d'impartialité. Donc, les instructions individuelles laissent place aux instructions générales, le garde des Sceaux est responsable de la conduite de la politique pénale déterminée par le gouvernement. Par conséquent, il lui appartient d'en préciser, par l'usage d'instructions générales, les grandes orientations pour assurer la cohérence et l'efficacité de la politique sur l'ensemble du territoire. Cependant, on peut se demander si le garde des Sceaux fait un usage raisonnable de ces instructions générales ou si elles viennent étouffer le ministère public, réduisant les magistrats du parquet à des simples exécutants, des circulaires ministériels. Pour tenter de répondre à la question de l'indépendance du parquet, il faut comprendre à quoi correspond l'indépendance et quels sont ses enjeux. L'indépendance de la justice est un principe à valeur constitutionnelle. C'est au terme des articles 64 et 65 de la Constitution du 4 octobre 1958 que le président de la République et garante de l'indépendance de l'autorité judiciaire. Il peut être supplié par le ministre de la Justice. Le corps judiciaire se retrouve ainsi subordonné à un exécutif qui doit lui garantir une indépendance. Mais ce devoir est mis à rude épreuve par les affaires auxquelles l'ancien garde des Sceaux, Éric Dupond-Moretti, a dû faire face. Comment le garde des Sceaux peut-il garantir l'indépendance du parquet alors que ce même parquet va devoir réclamer l'application de la loi et décider de l'opportunité des poursuites ? Les magistrats du parquet sont placés sous la direction et le contrôle de leur chef hiérarchique et sous l'autorité du garde des Sceaux, ministre de la Justice. À l'audience, leur parole est libre, mais comment peuvent-ils se comporter librement lorsqu'ils font face à leur chef hiérarchique qui les a nommés sur avis conforme du Conseil supérieur de la magistrature ? Comme le dit l'expression, on ne mord pas la main qui nous a nourris. Il semble donc difficile d'envisager un parquetier totalement impartial face à la personne qui tient son avenir professionnel entre ses mains. Puis, on peut se demander, est-ce que le garde des Sceaux peut-il envisager de mettre sur la touche des magistrats du parquet ? Et la réponse est oui. Il existe une procédure de sanction à l'article 66 de l'ordonnance de 1958 relative au statut de la magistrature. Mais cette procédure est conditionnée à l'avis du Conseil supérieur de la magistrature. Ainsi, ce Conseil pourrait jouer un rôle de garde-fou si ses avis n'étaient pas consultatifs. Ainsi donc, l'indépendance du parquet ne semble qu'illusoire. La question de l'indépendance de la justice implique également une réflexion sur la séparation des pouvoirs. En effet, Montesquieu nous avait déjà mis en garde il y a 276 ans. Tout serait perdu si le même homme ou le même corps exerçait ses trois pouvoirs, celui de faire les lois, celui d'exécuter les résolutions publiques, et celui de juger les crimes ou les différents des particuliers. Contrairement aux magistrats du siège qui bénéficient d'une garantie constitutionnelle de leur indépendance, qui est matérialisée par une inamovibilité, les magistrats du parquet n'ont aucune garantie constitutionnelle en matière d'indépendance. Et pour cause, la Cour européenne des droits de l'homme a, à plusieurs reprises, refusé la qualification de juridiction indépendante au parquet français, en raison du lien de dépendance entre le ministre de la Justice et le parquet. En effet, ceux-ci sont amovibles, nommés par en partie le ministre de la Justice, et sont sous son autorité. Déjà en 2010, la Cour européenne des droits de l'homme prend note du débat interne sur l'indépendance du ministère public et a refusé de le considérer comme une juridiction indépendante. Ce débat viendra reprendre forme en 2017, lorsque l'Union syndicale des magistrats, suivie par le Syndicat de la magistrature et Fortes ouvrières magistrats, ont décidé, à l'occasion d'un recours contre le décret du 25 avril 2017, de saisir le Conseil d'État d'une question prioritaire de constitutionnalité afin d'examiner la constitutionnalité de l'article 5 de l'ordonnance du 22 décembre 1958. Les syndicats plaidaient que cet article était contraire à la séparation des pouvoirs et au principe d'indépendance. En réponse, le Conseil constitutionnel a affirmé, dans une décision du 8 décembre 2017, que l'article ne méconnaît ni la séparation des pouvoirs, ni le droit à un procès équitable, ni le droit de la défense. Le Conseil a expliqué que le parquet est indépendant, mais que cette indépendance doit être conciliée avec les prérogatives du gouvernement et qu'elle n'est pas assurée par les mêmes garanties que celles applicables aux magistrats du siège. Ce qui met en avant la variabilité du degré d'indépendance des magistrats du parquet. Le Conseil constitutionnel, dans cette décision, emploie une formule atypique pour démontrer cette différence. L'indépendance du parquet est consacrée par la Constitution, mais ne peut être équivalente à celle du siège dès lors qu'elle n'est pas assurée par les mêmes garanties. Malgré l'utilisation du terme magistrat du parquet, ce corps n'est pas réellement composé de magistrats. Et en effet, le ministère public est composé de procureurs généraux, du procureur de la République, du substitut du procureur et des avocats généraux, qui sont tous sous subordination du ministre de la Justice. Cette subordination débute dès leur nomination. Ainsi, cette décision n'a eu pour seul résultat de nuancer le degré d'indépendance des magistrats du parquet. Leur indépendance ne sera donc jamais équivalente à celle des magistrats du siège. À la suite de cette décision de 2017, de nombreux acteurs se sont prononcés en faveur et à divers degrés pour une réforme du statut du parquet, et plus largement pour une réforme de la justice. Plusieurs rapports avaient déjà recommandé que le statut du parquet soit réformé, notamment les rapports Nadal de 2013 et Bartnol-Winoc de 2015. En 2013, un projet de loi constitutionnelle prévoyait un avis conforme du Conseil supérieur de la magistrature sur la nomination du parquet et prévoyait la compétence de ce même Conseil en matière disciplinaire. Toutefois, ce projet n'a pas abouti à cause de l'opposition du Sénat. À la suite de la décision de 2017, Mme Nicole Belloubet, ancienne garde des Sceaux, a affirmé en 2018 qu'une réforme constitutionnelle était bien en chantier. Elle a promis qu'elle serait puissante et porterait sur les nominations et la discipline. En revanche, elle semblait demeurer attachée aux remontées d'informations déparquées au ministère, ce qui démontre la volonté de l'exécutif de rester impliqué dans les affaires en conservant une sorte de droit de regard sur les affaires en cours. De son côté, Mme Eliane Oulette, ancienne procureure du parquet national financier, dénonçait devant la commission d'enquête sur les obstacles à l'indépendance du pouvoir judiciaire un droit de regard omniprésent de la part des parquets généraux et forme le vœu d'une réforme constitutionnelle portant notamment sur le statut du parquet qui n'a pour l'instant jamais vu le jour. Puis, Rémi Hetz, actuel procureur après la Cour de cassation, a déclaré dans son allocution de la rentrée 2024 qu'il est impératif de consolider le statut du parquet par une réforme constitutionnelle qui soumettrait la nomination de ces magistrats à l'avis conforme du Conseil supérieur de la magistrature et alignerait leur régime disciplinaire sur celui du siège. Cette déclaration reprend les propositions qui ont émergé lors de la Conférence nationale des procureurs généraux, au terme de laquelle le sentiment général est que les procureurs généraux sont attachés à leur qualité de magistrat et à l'ensemble de leur mission. En conséquence, le projet de réforme... vise notamment à ce que la nomination des membres du ministère public passe par un avis conforme supérieur de la magistrature et donc à constitutionnaliser l'indépendance du parquet. une mesure qui avait déjà fait l'objet d'une approbation par le Parlement en 2016. Cependant, en 2024, le projet reste lettre morte, principalement parce que la mise en œuvre de cette réforme nécessite une modification de la Constitution, ce qui implique la réunion du Congrès. Or, cette réunion n'a jamais eu lieu. L'association NovaDroit vous remercie pour votre écoute. Vous pouvez nous suivre sur nos réseaux sociaux dans la barre de description. N'hésitez pas à partager notre contenu si vous l'appréciez. 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