MARLÈNE STAIGER 1/3 : dans les coulisses d'une Master Blender, maitre d'assemblage de spiritueux 🥃 cover
MARLÈNE STAIGER 1/3 : dans les coulisses d'une Master Blender, maitre d'assemblage de spiritueux 🥃 cover
Origines

MARLÈNE STAIGER 1/3 : dans les coulisses d'une Master Blender, maitre d'assemblage de spiritueux 🥃

MARLÈNE STAIGER 1/3 : dans les coulisses d'une Master Blender, maitre d'assemblage de spiritueux 🥃

1h10 |15/04/2024
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MARLÈNE STAIGER 1/3 : dans les coulisses d'une Master Blender, maitre d'assemblage de spiritueux 🥃 cover
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MARLÈNE STAIGER 1/3 : dans les coulisses d'une Master Blender, maitre d'assemblage de spiritueux 🥃

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Description

Formulation d'arômes, stage chez Gabriel Boudier liquoriste dijonnais et immersion R&D dans une start-up incubatrice Le Laboratoire : c'est parti pour les coulisses du parcours de Marlène Staiger, Master Blender et directrice de création de spiritueux notamment.


Voilà le programme :

  • Les molécules aromatiques (00:01:09) : Discussion sur les industries produisant les molécules aromatiques, les parfums, et leur utilisation dans les produits de consommation courante.

  • L'art et la science de l'aromatisation (00:05:33) : Marlène partage son expérience dans la recherche et développement aux côtés de David Edwards et son exploration de l'art et de la science.

  • Le rôle de master blender (00:11:01) : Marlène explique son rôle de master blender, associant l'art, la science, les couleurs et les saveurs dans les assemblages de spiritueux.

  • Collaboration en R&D et contrôle qualité (00:17:05) : Marlène décrit son travail en collaboration avec les équipes R&D et qualité, soulignant l'importance des évaluations sensorielles.

  • Les familles aromatiques (00:25:11) : Elle explique les grandes familles aromatiques, telles que les notes vertes, mentholées, épicées, florales, et fruitées, ainsi que les molécules spécifiques.

  • Histoire et importance de l'odorat (00:27:24) Steiger mentionne l'importance de l'odorat dans l'histoire, avec des références à Brillat-Savarin, la rétro olfaction, et les perceptions culturelles.

  • La rétro olfaction (00:31:58) : Marlène t'explique le concept de rétro olfaction en utilisant l'exemple de manger du chocolat lorsqu'on est enrhumé.

  • Le rôle d'une directrice de la création (00:44:18) : Marlène explique les différentes facettes de son métier de directrice de la création.

  • 00:52:41 - Approche de la dégustation et spécificités de l'olfaction : Discussion sur les différentes approches de dégustation et les spécificités de l'olfaction.

  • 00:55:55 - Conseils pour développer son odorat : Marlène donne des conseils pour développer la mémoire olfactive et l'identification des odeurs lors d'une dégustation de vin ou de spiritueux.


Tu peux retrouver Marlène Staiger sur Instagram et sur son Linked In.
Et bien sûr, Origines sur l'Instagram.

L'abus d'alcool est dangereux pour la santé, à consommer avec modération.


Hébergé par Ausha. Visitez ausha.co/politique-de-confidentialite pour plus d'informations.

Transcription

  • Sisley

    Hello tout le monde, je suis très contente d'avoir aujourd'hui Marlène Steger, j'étais sûre que j'allais mal le dire, parce que quand j'ai commencé à faire ce podcast, j'ai discuté avec Simon d'Alabatermania qui m'a dit il faut que tu parles à Marlène, elle m'a beaucoup beaucoup aidé dans mon début de projet, ensuite j'ai parlé avec Maud de chez Distilleuse, elle m'a dit il faut que tu discutes avec Marlène et c'est à la suite de ça, un jour après, qu'on s'est contacté, donc je suis vraiment très très contente, comment ça va ?

  • Marlène

    Ben ça va plutôt bien, ça va plutôt bien.

  • Sisley

    j'embrasse une nouvelle vie on a tout envie de savoir maintenant est-ce que tu peux nous parler un petit peu de ton parcours

  • Marlène

    Marlène ? oui tout à fait je peux parler de mon parcours j'ai un parcours assez atypique qui mêle, on va dire, la science et l'art. Puisque, donc moi, j'ai fait des études de chimie, j'ai fait un DUT de génie biologie en sciences et applications en industrie alimentaire. Donc tout ce qui touche aux industries alimentaires, à la formulation, que ce soit R&D, production, même sur des grosses machines industrielles, etc. Et puis, pendant ces études, j'ai eu la chance de rencontrer un aromaticien de chez IFF qui nous a donné un cours sur l'aromatique et les molécules. molécules aromatiques.

  • Sisley

    Je te dis IFF ?

  • Marlène

    Oui, tout à fait.

  • Sisley

    C'est quoi ?

  • Marlène

    IFF, c'est une très grosse compagnie qui fait les arômes et les parfums. Il y en a plusieurs dans le monde qui s'appellent Firmenich, Givaudan, Robertet dans le sud de la France par exemple, ou encore Man, et qui sont en fait des industries qui produisent les molécules aromatiques ou les parfums.

  • Sisley

    Ok, donc par exemple le sirop de cerise un peu... Chimique pardon, je mets des guillemets là-dessus, ça vient de ce genre de société ou je me trompe totalement ?

  • Marlène

    Oui, tout à fait. Mais après, il ne faut pas faire l'amalgame entre industriel et chimique, puisque la vie est en chimie et que tout est chimique. Et souvent, on a tendance à confondre la chimie et l'industrie de la chimie. Donc effectivement, ce sont des industries de la chimie, des molécules aromatisantes ou odorantes. Et ils travaillent avec toutes les marques de parfums, avec toutes les industries agroalimentaires. Et souvent, voilà, les aromatiques qu'il y a dans votre Coca-Cola, dans votre Danone, ou le parfum de, je ne sais pas, de... d'une marque qui n'a pas de parfumeurs maison, parce qu'il y a des grandes marques qui ont des parfumeurs maison, mais ce n'est pas le cas de beaucoup de marques, ce sont les aromaticiens ou les parfumeurs de ces maisons-là, de composition, ce sont des maisons de composition, qui créent les arômes ou les parfums.

  • Sisley

    Ok. Et dans ta famille, il y a un lien avec les arômes, la nourriture ? D'où ça devient un peu cette volonté de vouloir aller dans ce chemin un peu scientifique ?

  • Marlène

    Alors, moi je pensais que c'était le parfait. C'est fruit du hasard et puis en vieillissant j'ai eu trois indices que ça ne l'était pas. Alors moi je suis bourguignonne, donc j'ai grandi en Bourgogne dans une famille vraiment bourguignonne. Donc le bon vin, la bonne bouffe, la cuisine c'était clairement le point de ralliement de la maison. Un lieu de convivialité avec aussi la cuisine de ma grand-mère bien évidemment très traditionnelle, tout ça etc. Mais au bout du bout. Aussi la cuisine de ma mère qui explorait beaucoup les saveurs. Autre qui cuisinait thaï, mexicain, indien, qui a toujours adoré mélanger les épices, etc. Donc ça, je pense que ça a beaucoup marqué évidemment mon enfance, mon adolescence et puis mon amour pour la bonne chair, bien évidemment. Et il s'avère aussi que mon grand-père, il distillait de la niôle, de poire, quand il y avait les alambics ambulants, etc. Donc, tous les ans, et on a retrouvé d'ailleurs dans le grenier des très anciens ratafias qui avaient 40 ans, qui étaient complètement incroyables. Donc, ça, c'est un peu pour la partie. Et puis après, quand j'étais en études à l'Université de Montpellier, j'ai fait mon premier stage de recherche et développement au sein de la Maison Gabriel Boudier, qui est un licoriste à Dijon. Donc, j'avais 19 ans. C'est véritablement eux qui m'ont picousée sur le monde des liqueurs et des spiritueux. C'est ça, extraordinaire. Et puis pendant ces études, comme je te disais, j'ai rencontré un aromaticien qui nous a donné un cours et qui m'a dit, Jean-Philippe Fourniole d'ailleurs, si tu nous entends, qui m'a un peu repéré à la fin du cours, qui m'a dit, écoute, ça a l'air de t'intéresser, puis tu as l'air de sentir surtout toutes les molécules, etc. Est-ce que tu as pensé, après tes études, à rentrer à l'ISIPCA ? L'ISIPCA qui est l'Institut supérieur international du parfum, de la cosmétique et de l'aromatique alimentaire. qui est l'école qui a été fondée par Guerlain dans les années 70 à Versailles pour former les parfumeurs et les aromaticiens, et aussi les gens qui font la formulation en cosmétique, avec trois voix différentes. Moi, je n'avais jamais entendu parler de ça.

  • Sisley

    Oui, c'est clair que la CPE, ce n'est pas forcément la petite feuille qu'elle te recommande dans son classeur typique.

  • Marlène

    Non, pas vraiment. Mais j'ai rarement écouté les CPE, et rarement écouté les gens qui étaient assez typiques. Et donc j'ai découvert cette école et j'ai passé le concours. On était 500, ils en prenaient 12. Et donc j'ai étudié l'aromatique alimentaire, puisque j'avais un parcours qui venait, si tu veux, évidemment de biochimie, d'industrie alimentaire. Et donc je me suis vraiment spécialisée en aromatique à l'ISIPCA, sur les molécules odorantes, sur la formulation du goût, la R&D, etc. Et ça a été tout de suite assez... Révélateur que c'était quelque chose que j'adorais et que j'aimais. Et d'ailleurs, pour l'anecdote, à mes 30 ans, il y a quelques années, j'ai rouvert une boîte que j'avais enterrée dans mon jardin quand j'avais 10 ans. C'est mon côté drama queen, j'ai toujours eu un côté un peu romanesque.

  • Sisley

    La petite boîte pour le futur ?

  • Marlène

    Romanesque. Alors je l'avais enterrée jeune et puis je l'avais déterrée plus tard, quand je devais avoir 20 ans, mais je ne l'avais jamais ouverte. Et avec des amis, donc à mes 30 ans, j'ai ouverte la boîte. Je ne savais plus du tout ce qu'elle contenait. Et j'avais dû la fermer quand j'avais 7-8 ans. Et elle ne contenait que des fioles avec des épices, des vinaigres, des pétales de fleurs, tout ça, des bougies. Un mix entre... en formulation et ésotérisme et j'ai trouvé ça drôle et d'ailleurs il n'y a pas longtemps j'ai recroisé quelqu'un qui était avec moi en seconde au lycée et qui m'a dit mais c'est dingue que t'aies réussi à faire ce que tu voulais faire en seconde tu nous disais que tu voulais être parfumeur et j'ai aucun souvenir de ça, c'est très drôle mais moi j'ai voulu être médecin légiste pendant très longtemps c'est pas exactement pareil non mais Ça touche en tout cas à la compréhension de l'anatomie, de la biologie, du corps aussi. Donc finalement, j'y vois un lien qui n'est pas si éloigné. Et après l'ISIPCA, après mes études, c'était quand même beaucoup de chimie. J'aurais pu continuer, mais il fallait que je refasse encore des années de chimie. Et clairement, la chimie moléculaire, on en a besoin pour faire mon métier. Mais moi, ce n'est pas ce qui me... Ce qui me passionnait, c'était vraiment la formulation. Et puis, ça manquait d'un côté un peu artistique. Je n'avais pas trop envie, moi, de faire les arômes de yaourt de Danone, même si c'est un métier dont on parle peu, les aromaticiens ou les techniciens d'application qui font aussi les formules en R&D et qui sont toujours un peu dans l'ombre parce qu'on a tendance à parler que des parfumeurs et encore de parler que des fine parfumeurs, c'est-à-dire des parfumeurs qui... On travaille sur la parfumerie fine, donc les parfums à portée. Il faut savoir que la plupart de l'industrie de la parfumerie, c'est ce qu'on appelle la parfumerie fonctionnelle. C'est les lessives, les détergents, les gels douche, tout ça, etc. Donc il y a aussi plein de gens qui travaillent là-dessus. Parce qu'en fait, on ne se rend pas compte, mais il y a des odeurs partout.

  • Sisley

    Partout, oui.

  • Marlène

    Et donc il y a des gens derrière qui les formulent. Et moi, je ne me voyais pas dans un labo classique. classique. Et j'ai eu la chance, en tout cas j'ai saisi la chance, de croiser la route de David Edwards, qui était un chercheur d'Harvard qui avait monté une galerie art-science à Paris, qui s'appelait Le Laboratoire, The Art Science Labs. Il y avait à l'époque, je te parle de ça dans les années 2010, j'étais encore en études et je découvre que Thierry Marx fait de la cuisine moléculaire, avec de la... de la recherche sur les matériaux, sur les saveurs, sur une cuisine totalement différente. Et qu'il y a son food lab qui est dans cet endroit, le laboratoire. Donc je découvre tout cet écosystème et je me dis mais c'est génial. Moi j'ai toujours été passionnée par deux choses, la biologie mais aussi la philo, la science mais aussi l'art. Et là ça réunit tout. J'écris un grand mail un dimanche soir à minuit, enflammée, en me disant qu'on ne va jamais me répondre. Et... et pendant 4 ans j'étais en charge de la R&D aux côtés de David Edwards. J'ai travaillé sur plein de projets en collaboration avec des designers, Philippe Stark, Mathieu Lehanner, Marc Britillo, des chefs. On a fait des masterclass avec Massimo Buttira, Ben Chouri. J'avais 21 ans et en 4 ans, j'ai fait ce que je n'aurais pas fait en 12, je pense. Travailler sur des expositions sur les odeurs. J'ai beaucoup collaboré avec le parfumeur, mon grand ami Christophe Le Damiel, que j'embrasse. J'adore. Et sur tout ce lien entre les arômes, les parfums, comment tu crées ? l'odeur d'un burger, parce qu'en fait on n'apprend pas un parfumeur à faire l'odeur d'un burger, et on n'apprend pas non plus un aromaticien à faire l'odeur d'un burger, puisqu'on se concentre sur la rétro-olfaction, donc le goût. Et donc il y a tout un pont comme ça où on a séparé les gens, alors qu'il faut savoir qu'entre la parfumerie et l'aromatique, il y a quand même 50% des molécules qui sont communes, 50% des molécules qui ne le sont pas, mais 50% des molécules qui sont communes. Donc c'est quand même des métiers qui sont très liés.

  • Sisley

    Quand tu dis aromatique, tu parles de... Tout ce qui est au niveau de la bouche ?

  • Marlène

    Tout ce qui s'ingère, oui tout à fait.

  • Sisley

    Là où la parfumerie c'est plus le nez de manière générale.

  • Marlène

    Le nez et puis aussi sur la peau, parce qu'en fait c'est un produit qui est destiné à être porté, que ce soit sur les lessives ou en contact avec la peau. Donc les législations évidemment ce n'est pas les mêmes entre l'ingestion et le fait de porter sur la peau. Donc voilà, tous ces gens qui travaillent dans ce milieu, on appelle ça des nez, enfin c'est un peu un terme générique qu'on dit généralement les nez. C'est les grands parfumeurs de fine parfumerie. Il faut trouver des termes. Moi, je me sens ni... Alors, je ne suis pas parfumeur, je ne suis pas non plus aromaticienne parce que je ne crée pas au sens strict des arômes. Donc, je pense que ce qui me correspond le plus, et puisque j'ai exercé aussi pendant huit ans et en créant H-Theoria, évidemment, et les assemblages qu'on me demande de faire sur les spiritueux, je suis plutôt master blender. Et il n'y a pas vraiment de mot en français. On pourrait dire maître d'assemblage. Mille.

  • Sisley

    Donc un peu en comparaison avec le maître de chais ?

  • Marlène

    Le maître de chais, c'est technique dans le sens où il s'occupe des chais, de l'élevage aussi des spiritueux en barrique ou des vins, etc. Le maître d'assemblage, il fait l'assemblage. Moi, j'assemble des choses entre elles et je me reconnais vraiment dans ce terme parce qu'en fait, c'est un lien et c'est vraiment ce que j'ai l'impression de faire. J'associe des matières premières entre elles, à la manière des parfumeurs, mais j'associe aussi... l'art, la science, les couleurs, les saveurs. J'ai un monde qui se mélange vraiment, au sens du mélange. Donc voilà.

  • Sisley

    Ok, trop bien. Est-ce que ça se va si on vient vraiment un peu au tout début ?

  • Marlène

    Oui, pardon.

  • Sisley

    Non, non, non, c'était super intéressant. Tu as parlé de Maison Gabriel Boudier à Dijon. Ça m'intéresserait juste de comprendre un peu justement qu'est-ce qui se passe pendant ce stage. Tu as dit que ça avait été un peu une révélation. Comment ça se passe quand tu arrives à Dijon ? Avec quoi est-ce que tu en ressors ?

  • Marlène

    Déjà, mon rapport de stage, il faut savoir que c'était en 2009 que j'ai fait ce stage, j'avais 19 ans. Et il y a une nouvelle législation sur les arômes qui était sortie en 2008, la législation 1334-2008, la directive européenne. Et donc ça a changé pas mal de choses au niveau formulation, etc. Et donc moi, ils m'ont pris en stage justement pour rationaliser des recettes. Et étudier cette nouvelle législation pour dire ce qui allait devoir changer dans les recettes. Et ça, c'était avant que je passe mon concours pour entrer à l'ISIPCA. Donc j'étais vraiment calée, calée déjà sur les arômes.

  • Sisley

    C'est déjà technique comme stade.

  • Marlène

    J'étais déjà calée sur les arômes. Ça tombait plutôt bien. Donc j'ai fait toute cette partie-là de l'étude de la législation. De la rationalisation aussi, qui était très intéressante. Parce qu'en fait, dans leur base de données, ils avaient plein, plein de recettes sur certains ingrédients. Parce qu'ils créent aussi pour certains clients. un client, etc. Donc, comment on rationalise des recettes ? Comment, en fait, il y en a qui se ressemblent ? Est-ce qu'on ne peut pas en combiner certaines pour trouver un équilibre ? Tout ça, etc. Et puis après, participer aussi à des projets de R&D, et notamment sur le café à l'époque. Alors, c'est assez drôle, parce que le café m'a rattrapée aussi dans ma carrière. Oui,

  • Sisley

    au laboratoire, si j'ai bien lu.

  • Marlène

    Tout à fait. Et par la suite, j'ai beaucoup collaboré avec des torréfacteurs. En même temps, le café, c'est un monde aromatique très, très vaste et très incroyable. Et donc, du coup... Voilà, notamment sur des liqueurs de café et tout ça. Moi, ce que j'aime, j'adore les industries. Je trouve qu'aujourd'hui, on ne fait que l'eau à l'artisanat, tout ça. Et on a tendance à diaboliser l'industrie, qu'est-ce qui est industriel, parce que ça a été galvaudé. Mais il n'y a rien de plus humain qu'une industrie. Je ne sais pas si les gens ne se rendent pas compte, mais les gens qui travaillent sur les machines, déjà, les gens qui imaginent les machines, Parce qu'une machine, elle ne se crée pas toute seule. Une machine industrielle, elle est toujours adaptée à un produit, à un concept, à un lieu, tout ça, etc. Donc il y a des gens qui développent des machines de manière ingénieuse et il se passe plein de choses. Et puis après, les humains qui travaillent dans les industries sont des gens qui deviennent très experts de ce qu'ils font. Je n'ai jamais vu autant de gens, moi en travaillant chez Gabriel Boudier, aussi investis dans leur travail, aussi accrochés à leur travail. Vous rencontrez que des gens qui sont très experts. Les gens, ça fait 34 ans qu'ils sont là. et je pense qu'on a diabolisé parce qu'en fait on ne montre pas assez l'industrie aux gens mais une usine une industrie tout ça etc c'est fascinant C'est une marche à suivre, c'est des process, c'est plein plein de réflexions qui assurent ce qu'on appelle HACCP, les risques pour les gens qui travaillent, mais aussi pour les produits. C'est assez complexe de voir tous ces corps de métier qui travaillent ensemble pour que tout aille dans un sens. J'ai adoré travailler là-dessus, aller sur les chaînes de production, regarder comment on embouteillait, comment on distillait évidemment, parce qu'on met aujourd'hui vraiment l'accent sur... que le maître distillateur, la distillation, la lambique, ça fait un peu rêver, c'est un peu joli, mais il y a plein de métiers dans la production qui sont essentiels et dont encore une fois, on ne parle jamais.

  • Sisley

    Tu as un exemple comme ça ?

  • Marlène

    Ne serait-ce que les gens qui travaillent en R&D. Moi, je pense à toute l'équipe, par exemple, chez Gabriel Boudier, de R&D, qui font tous les projets de développement, etc. Je ne les vois pas en avant ou parler de leur métier, alors que c'est eux qui font les recettes. C'est vrai chez Gabriel Boudier, mais c'est vrai aussi chez... dans toutes les industries parce que je sais pas les gens trouvent pas ça sexy j'en sais rien mais moi j'aime bien valoriser leur travail c'est eux qui font les produits qu'on goûte et

  • Sisley

    justement pendant ce stage avec qui est-ce que tu travailles est-ce que c'est avec le DG avec les équipes R&D avec qui est-ce que tu collabores au quotidien ma maître de stage c'était

  • Marlène

    Céline Cocher qui est toujours Toujours chez Gabriel Boudier, qui s'occupait de la R&D, bien évidemment. Mais tu travailles aussi en collaboration avec la qualité. Parce qu'en fait, dès que tu reçois une matière première, il y a des analyses qui sont faites physico-chimiques avec des machines, mais il y a des analyses aussi qui sont faites sensorielles, pour savoir si, par exemple, l'alcool pur que tu reçois, est-ce qu'il n'a pas été contaminé. Quand je parle de contamination, je parle d'une contamination aromatique, je ne parle pas d'une contamination, qu'elle soit chimique ou microbienne, etc. Donc, est-ce que le... Le produit, est-ce que l'éthanol est vraiment pur ? Donc en fait, tu fais des tests triangulaires en R&D sur les matières premières que tu reçois pour savoir comment, est-ce que tel arôme tu l'as reçu, est-ce qu'il est pareil que la dernière fois, tout ça. On ne se rend pas compte, mais il y a beaucoup, beaucoup d'évaluations à faire. Et ça, une machine, elle peut te donner des renseignements sur la viscosité, sur le degré d'alcool, sur le pH, sur la couleur, etc. Mais ça ne remplacera jamais un nez humain. Et d'ailleurs, moi j'ai vu... J'ai vu des gens travailler justement sur les chaînes de production et être très, très experts au point de dire, ah, là, il y a un problème, je sens un goût qui ne devrait pas y avoir.

  • Sisley

    Oui, sans même regarder les chiffres, sans rien de ce que tu as.

  • Marlène

    En fait, voilà. Et les gens deviennent experts sur les machines, ils les connaissent comme des... Il y a vraiment un lien entre l'humain et la machine qui est fort, en fait. Et c'est des gens, voilà, sur les chaînes de production qui sont experts. Et puis, il y a aussi... C'est des métiers aussi qui peuvent avoir des contraintes, travailler sur une chaîne de production dans le bruit toute la journée, tout ça, etc. Oui,

  • Sisley

    le bruit potentiellement.

  • Marlène

    J'ai toujours vu dans les industries... avec qui j'ai collaboré ou dans lesquels j'ai travaillé, etc. Beaucoup, beaucoup d'engagement pour améliorer les conditions toujours de travail. Je pense vraiment que les industriels sont des gens qui innovent beaucoup pour les conditions de travail des salariés, mais aussi en production, des choses plus ergonomiques, tout ça, etc. Parce qu'à la base, ça peut être des métiers sur des chaînes de production qui peuvent avoir de la la pénibilité. Donc, voilà.

  • Sisley

    Ok, trop bien. Et par rapport à ton expérience d'aujourd'hui, tu dirais que t'as gardé quoi de ce stage ? Même si ça date un petit peu, mais quand tu fais ton travail aujourd'hui autre, qu'est-ce que tu penses avoir ? Ah là, ça vient peut-être de ce stage.

  • Marlène

    toute la prise en considération de la technique de production parce qu'en fait aujourd'hui il y a beaucoup de créateurs en fait ce qui est compliqué c'est que on a un peu séparé les techniciens des artistes tu vois et on va prendre quelqu'un un peu en termes marketing ou un bartender ou qui va avoir des super idées et puis après on se rend compte que c'est pas faisable techniquement Techniquement. Ça, ça arrive souvent.

  • Sisley

    Il se passe la même chose dans mon métier. C'est marrant.

  • Marlène

    Je dirais que moi, je ne me mets pas de barrière dans la création, mais je prends en compte quand même... Je travaille pour un projet, je suis allée visiter l'usine, j'ai interrogé les gens pour savoir c'était quoi les techniques de production, est-ce que le produit est chauffé, pas chauffé, comment, pourquoi, quelle viscosité, microbiologiquement qu'est-ce qu'il doit avoir, au niveau des réglementations, qu'est-ce qu'il doit respecter, en fait il faut le prendre en compte quand tu crées la recette. Donc c'est ça que ça m'apporte. et puis comprendre le métier après des gens qui vont reproduire ta recette parce qu'en fait, tu dois reproduire en quantité plus importante. Ce n'est pas juste une fiole, c'est la différence entre l'artisanat et l'industrie.

  • Sisley

    Oui, ok, trop bien. Cette expérience avait l'air d'être... Un peu un premier pas dans l'industrie, mais hyper intéressant. J'aimerais qu'on passe maintenant au laboratoire, parce que je pense qu'il y a aussi pas mal de choses sur la R&D. Est-ce que tu peux nous raconter, je ne sais pas, peut-être l'une des collabs que tu as faits ? Comment ça s'est passé ? Qu'est-ce que tu en as appris ?

  • Marlène

    Il y en a eu un certain nombre. Ce qui a marqué mon parcours, je pense, c'est avec Christophe Laudamiel, qui est parfumeur, qui à la base est vraiment chimiste, qui a un PhD de chimie, qui a travaillé toujours en Suisse ou aux Etats-Unis, qui n'a jamais travaillé en France, et qui est pour moi... Au-delà d'être une personne extraordinaire en tant que personne, un parfumeur incroyable dans sa vision, dans sa façon de faire évoluer la parfumerie, dans son militantisme aussi pour que la parfumerie soit moins élitiste, il fait en open source ses formules, il montre ses formules, tout ça, etc. et tout de parfum, et puis il fait des choses incroyables. Il a fait l'odeur des drogues au Musème, des odeurs pour certains musées, et pour certaines équipes. En le rencontrant, j'ai rencontré quelqu'un qui avait une aspiration, qui n'était pas, si tu veux, à l'ISIPCA. Il y avait les gens qui faisaient de la parfumerie, et c'était à l'époque, on te parlait de la parfumerie, juste les grands parfums, Dior, tout ça, etc. Moi, ça ne me faisait pas très fantasmée, parce que je trouve que c'est plus l'industrie, finalement, même de la cosmétique, de la beauté et tout. Et là, je rencontre ce créateur qui me met un pied plus dans la parfumerie, vraiment de créateur, de nid. niche tout ça, en plus c'est l'explosion à l'époque de la parfumerie de niche, qui est complètement génial, complètement fantasque, qui a une vision complètement ouverte du parfum et donc c'était l'éclate. J'allais à Berlin dans son labo ou à New York dans son labo la nuit, je sentais toutes les molécules de parfumerie parce qu'en fait moi j'avais fait aromatique donc il y a plein de choses que je ne connais pas.

  • Sisley

    C'est comment ça déjà ? Tu as dit quelle date environ ?

  • Marlène

    Et bien ça c'était 2011, 2012, 2013.

  • Sisley

    Ok, et ça ressemble à quoi ? Quoi, un labo de... Il était né ?

  • Marlène

    Il est parfumeur, parfumeur indépendant.

  • Sisley

    Oui, bien sûr.

  • Marlène

    Et ça ressemble à quoi ? Ça ressemble à des étagères avec plein de petites fioles partout. Il y en a mille au moins. Et puis après, chaque labo ou chaque orgue de parfumeur est différent. Mais en gros, il n'y a pas besoin de 36 000 choses pour être parfumeur ou faire mon métier, à part une balance. des contenants et puis des matières premières que tu mets sur des étagères et que tu trie comme tu veux, mais généralement par ordre alphabétique, en termes de molécules.

  • Sisley

    Donc j'imagine que là-bas, tu as découvert plein d'arômes ou de senteurs que tu n'avais jamais peut-être senti ?

  • Marlène

    Tu sens des molécules, oui, que je n'ai pas appris en aromatique parce que déjà, il y a à peu près 5000 molécules dans le monde, on va dire, aromatiques. C'est leurs combinaisons qui font tout ce qu'on est obligé de se comprendre. On peut sentir. Déjà, tu ne les apprends pas toutes. Déjà, si tu en connais 200, 300, c'est déjà pas mal. Surtout, il y en a beaucoup qui sont souvent utilisés, etc. Puis après, suivant les maisons de composition avec qui tu travailles, vu qu'il y a des molécules artificielles qui ont été brevetées par ces maisons, tu les as dans certaines maisons et tu ne les as pas dans d'autres. Donc voilà, il y a des choses aussi comme ça. Et puis, il y a de nous, il y a des molécules qu'on ne travaille pas en aromatique, que je n'ai pas appris, moi, à l'ESIPCA, parce que c'est la PARF. Donc... Tu découvres aussi tout un monde, et encore, il y en a encore maintenant aussi plein que je ne connais pas, parce que je ne suis pas parfumeur.

  • Sisley

    Et côté arômes, qui est un peu plus ton rayon, c'est quoi un peu les premiers arômes peut-être qu'on te fait découvrir quand tu es à l'ISIPCA, si je ne me trompe pas ?

  • Marlène

    L'isipka, tu apprends par notes des grandes familles d'aromatiques, où tu vas avoir les notes vertes, les notes mentholées, les épices, les notes florales, etc. Et puis après, tu apprends les notes espéridées, par exemple les espérides, c'est tout ce qui est citrus. En arôme, on dit citrus et en parfum, on dit espéridée. Les molécules, par exemple, le délimonène que tu retrouves dans l'orange, dans le zeste de pamplemousse, dans certains miels, ou encore le linalol, l'alpha-ionone, qui est une molécule qui sent vraiment la violette, enfin, qui a beaucoup dans la violette. Puis après, des molécules par famille, donc les fruités, la frambinone. Je te laisse deviner dans quoi on la trouve. La framboise. Exactement, mais pas que. On l'a trouvée aussi dans l'espace.

  • Sisley

    Dans l'espace ?

  • Marlène

    Oui.

  • Sisley

    Ok,

  • Marlène

    voilà.

  • Sisley

    Et attends, je ne l'avais pas mise comme question, mais ça m'intéresse vu que le podcast s'appelle quand même Origines. Est-ce que vous avez justement des cours un peu sur l'origine des arômes ? Qui l'a un peu théorisé, mis un nom sur tout ça ?

  • Marlène

    On a assez eu peu de cours là-dessus, à vrai dire. En revanche, les molécules aromatiques, si tu veux, existent dans la nature de manière générale. puisqu'elles composent la plupart des choses qui nous entourent, les végétaux, et pas que d'ailleurs. Et à la base, elles ont souvent des fonctions qui sont autres que celles d'être aromatiques, dans un métabolisme d'une plante ou quoi que ce soit, etc. Et nous, on a la capacité de les percevoir. Après, il y a ce qu'on appelle les molécules artificielles. Ce sont des molécules qu'on a créées dans des conditions laboratoires et qu'on n'a pour l'instant jamais retrouvées autrement. qu'en faisant cette réaction dans ces conditions, dans ce laboratoire. Encore une fois, si ces conditions dans l'univers étaient réunies quelque part, elles existeraient.

  • Sisley

    Oui, ok. C'est dommage qu'il ne parle pas un peu d'histoire et de... Est-ce qu'il y a une personne qui a un peu écrit ?

  • Marlène

    Oui, bien sûr. Il faut savoir qu'il y a Bria Savarin. Moi, je dis toujours que cet homme méritait largement plus que le nom d'un fromage parce que... Même si le fromage, c'est extraordinaire. Bria Savarin, il faut absolument lire Bria Savarin, c'est extraordinaire. Pour son époque, il a écrit Philosophie de la friture des trucs complètement barrés comme ça. Il a beaucoup parlé, évidemment, des plats, mais il avait aussi compris qu'il se passait quelque chose. Il avait déjà compris la rétro-olfaction, puisqu'il a dit Il n'existe pas de corps odorants qui ne sont pas… Il ne soit pas sapide, c'est-à-dire qu'il avait compris que quand quelque chose sent une odeur, si tu le manges, ça a forcément un goût aussi. Un goût au sens rétroactif et pas au niveau des saveurs. À l'époque, on ne connaissait pas. Il faut savoir aussi que c'est très tardif, les découvertes sur l'odorat. Il y a plusieurs choses qui expliquent ça. Déjà, la première chose, c'est que l'odorat, c'est un sens qui est assez complexe. On a entre 250 et 400 récepteurs dans notre nez qui nous permettent de... de sentir des combinaisons infinies d'odeurs. A contrario, tu vois, dans ton œil, tu as trois à quatre récepteurs. Donc, ça ne se passe pas du tout la même chose. Et puis surtout, il y a un dépôt de matière, on va dire. Par exemple, le luit, c'est vibratoire. Donc, c'est par rapport aux fréquences qui font vibrer le tympan et qui créent le son. Mais si tu veux, une fois que tu arrêtes la musique, le son ne continue pas. On pourrait parler des échos, etc. Mais une odeur dans une... Les pièces, les molécules, elles sont en suspension, elles restent là, si tu veux, si tu n'aères pas, si tout ça, etc. Donc c'est différent déjà en termes de perception. Ensuite, ce qui se passe physiologiquement, c'est que ça active, l'odorat active beaucoup plus de zones du cerveau que par exemple l'air visuel. On appelle ça le système limbique. Donc il y a plein plein de régions de ton cerveau qui s'activent quand tu as une expérience olfactive ou gustative ou les deux. Et d'ailleurs... Le cerveau intègre des informations très clairement combinées entre l'odorat et le goût. Donc ça rend quand même les choses un peu plus complexes au niveau de l'interprétation cérébrale. C'est la plus reliée à l'émotion, à la mémoire, à tout ça, etc. D'ailleurs les Madeleines de Proust, tout ça.

  • Sisley

    Ensuite, il y a une explication culturelle. Il faut savoir qu'il y a eu les hygiénistes, à un moment donné, qui sont arrivés dans nos sociétés parce que... Paris, en 1700, vous ne voudriez pas savoir l'odeur que ça avait. C'était absolument insupportable. Je pense que ce serait insupportable pour nous, l'odeur. On a relié les mauvaises odeurs aux maladies, à tout ça, etc. On a éliminé les mauvaises odeurs, il fallait se parfumer, etc. On a quand même mis de côté certaines odeurs et notre capacité à les sentir, à les analyser, à en parler. Et puis, il y a eu... Justement du siècle des Lumières, beaucoup de gens qui voulaient élever l'humain plus haut que l'animalité, et donc il y a notamment Kant qui a beaucoup décrié l'odorat, qui a dit que ça nous ramenait trop à notre animalité, qu'il fallait mettre de côté l'odeur, tout ça. Donc il y a eu ces explications-là. Heureusement ça a été rétabli un peu par la suite, notamment par Nietzsche, qui était un très très grand défenseur de l'odorat, qui disait toujours mon génie est dans mes narines Et aussi, après, avec la psychanalyse, notamment Freud, Jung, qui ont vu qu'il y avait quand même des rapports aussi entre les odeurs, toutes ces hallucinations olfactives. Charcot, il en a parlé aussi.

  • Marlène

    C'est quoi ça, une hallucination olfactive ?

  • Sisley

    De même que vous pouvez avoir des hallucinations visuelles, il y a certaines personnes qui ont des hallucinations olfactives.

  • Marlène

    On croit sentir quelque chose, et finalement...

  • Sisley

    Qui n'existe pas. En tout cas, la matière de perception n'est pas... Pas dans l'air, quoi.

  • Marlène

    Parce que sinon, j'aurais pas imaginé qu'il y avait autant d'histoires liées à l'odorat.

  • Sisley

    Bien sûr. Ça s'appelle la phantosmie. Les gens qui sont atteints de phantosmie, ils ont des hallucinations olfactives.

  • Marlène

    Ok. Qu'est-ce qu'on va apprendre des choses aujourd'hui ? Trop bien. Juste avant de revenir un peu sur le laboratoire, est-ce que tu pourrais nous vulgariser la rétro-olfaction ?

  • Sisley

    Ouais, tout simplement. C'est très simple. Quand vous êtes très enrhumé et que vous mangez du chocolat, Vous ne sentez pas ce qu'on appelle malencontreusement en français le goût du chocolat. C'est-à-dire que vous percevez que c'est sucré, vous percevez l'amertume, ça c'est ce qu'on appelle les saveurs, ça se perçoit sur les papilles gustatives, sur la langue, mais vous ne percevez pas ce qu'on devrait appeler l'arôme du chocolat, c'est-à-dire le côté douceureux, le côté chocolaté vraiment. Et bien ça tout simplement parce qu'en fait le canal entre votre bouche et votre nez, Il est bouché par le mucus parce que vous êtes malade. Ce qui montre bien qu'en fait, il y a un passage qui se fait, même si on ne le sent pas. C'est ça la rétro-olfaction. La rétro-olfaction, vous croquez dans le chocolat, et les molécules aromatiques du chocolat, elles remontent derrière jusqu'à votre épithélium olfactif. L'épithélium olfactif, c'est plein de petits cils qui sont tout au-dessus de votre nez, on va dire entre vos deux yeux, physiologiquement. Et c'est là que sont captés les molécules aromatiques. C'est pour ça que les gens qui ont eu le coup... qui sont devenus anosmiques, c'est-à-dire qui avaient perdu l'odorat, ils mangeaient des trucs et ils ne percevaient pas. Ce n'est pas pareil qu'à Geusic. Il y a aussi des gens qui ont eu le Covid qui sont devenus à Geusic. Ça, c'est quand on perd le sens du goût. Le goût, c'est les saveurs, c'est-à-dire est-ce qu'on perçoit que c'est salé, sucré, etc. Et ce n'est pas du tout les mêmes récepteurs et ça ne marche pas pareil. Mais souvent, on dit le goût du chocolat alors qu'en fait, c'est l'arôme du chocolat. Parce que le goût du chocolat, ce serait sucré, amer, par exemple. Ça, ce sont les saveurs. OK, l'arôme n'a pas plus de spectre. L'arôme, c'est vraiment les molécules aromatiques qu'on pourrait sentir en olfaction directe. L'olfaction directe, c'est l'air qui rentre par vos narines et qui vont exactement au même endroit, sauf que c'est par le nez. La rétro-olfaction, rétro en arrière, c'est parce que ça passe par l'arrière de la gorge pour remonter dans le nez.

  • Marlène

    Ok, super intéressant. J'adore. J'adore apprendre du vocabulaire, donc c'est parfait. Si on revient un petit peu sur le laboratoire, Je me remets sur ma question.

  • Sisley

    J'ai un peu digressé. Non,

  • Marlène

    t'inquiète pas, c'est super intéressant. Oui, on se posait un peu sur est-ce que t'avais un peu un exemple de collaboration que t'as fait ? Parce que même si c'est avec Thierry Marx ou autre, c'est quand même deux métiers peut-être totalement différents, mais qui ensemble peuvent permettre de créer... des projets différents. J'ai vu des choses sur Olfactive Project, des SMS parfumés, un inhalateur de fines particules de café. Est-ce que tu as une expérience que tu aimerais raconter de ce passage au laboratoire et qui t'a ouvert une possibilité de création ?

  • Sisley

    Pour Philippe Starck, il y a eu une collaboration entre David Edwards et Philippe Starck, le designer. C'était très impressionnant, j'avais 23 ans. c'est-à-dire que ma maman a fait des études de déco, etc. Donc elle est très branchée designer et tout. Quand je l'ai appelée, je lui ai dit, je vais travailler avec Philippe Sark. C'était comme une dingue. Et ils ont imaginé en fait un spray qui donnerait un peu la sensation gustative, tout ça de l'ivresse, sans l'ivresse. Et le brief, c'était, il fallait que je fasse le goût d'un nuage. Et donc j'ai vu Philippe Sark et je me suis dit, il va être cool. Comment on imagine un nuage en fait ?

  • Marlène

    C'est quoi la Est-ce que le brief est plus précis ?

  • Sisley

    Et il m'a laissé assez carte blanche. Il y en avait un, c'était un peu ange, et l'autre un peu démon on va dire. Donc il y avait quelque chose qui était très pimenté dans la formulation, piquant, etc. A l'époque j'ai collaboré aussi. avec un aromaticien qui s'appelle Arnaud Bousquet, chez Givaudan. Et c'était super intéressant de travailler là-dessus avec des premières formules. Voilà, ça c'était entre autres, mais il avait aussi développé une machine qui s'appelait le WAF avec Marc Britillo, qui est en fait un appareil qui permet de brumiser en très très très très fines petites gouttelettes un liquide. Et donc du coup, vous pouvez aspirer un espèce de nuage, on va dire, et après ça retapisse la bouche, et donc vous sentez l'aromatique, les arômes qu'il y a dedans. Et donc ça, j'ai fait beaucoup, beaucoup de formulations pour des événements avec cet appareil, parce que ça permet d'avoir l'aromatique sans la matière. Et j'ai adoré, pour le lancement de l'album de l'artiste Hall, France, que je salue d'ailleurs, j'ai créé le goût de cinq de ses chansons. avec cet appareil. Donc il y avait des stèles où on écoutait avec des casques la musique et on pouvait inhaler un goût qui n'existait pas et qui était pour moi l'interprétation de ces chansons.

  • Marlène

    Donc tu écoutes, tu essaies de voir ce que ça te fait ressentir et tu fais un assemblage de ça que tu mets dans le wax.

  • Sisley

    Non, ça c'était le WAF. Il y a le WA, il y a le WAF, il y a le WIF. À l'époque, c'était les noms comme ça. Et ça, ça m'a évidemment beaucoup marquée. je l'ai fait aussi pour d'autres événements avec de la peinture tout au laboratoire c'était très marquant je me suis vraiment découvert un monde artistique jusqu'à présent j'étais dans un monde un peu conventionnel de l'aromatique même si l'aromatique c'est pas très conventionnel même de base Et là, je... Comme un poisson dans l'eau.

  • Marlène

    Et justement, dans cette expérience, si tu repenses un peu à la cellule de R&D, est-ce qu'il y a des personnes qui ont des spécialités dans cette cellule ? Est-ce qu'il y a un sujet et quelqu'un le prend ? Parce que, je ne sais pas, il y a la motivation ou il y a juste l'expertise pour ça ?

  • Sisley

    Non, on travaillait beaucoup avec des designers, etc. Par exemple, pour le Ophone, c'était un projet pour envoyer des SMS olfactifs, justement. Donc moi, j'ai collaboré avec Christophe Lodamiel sur la partie olfactive parce qu'en fait, il fallait faire des parfums, avec des molécules de parfums. Mais c'était à l'époque les débuts d'Instagram, etc. Et on s'était rendu compte que la plupart des gens, ils photographiaient de la bouffe. Donc si tu... Vous voulez envoyer des odeurs par SMS, il fallait créer des odeurs de bouffe. Sauf que... On n'apprend pas à un parfumeur, encore une fois, à faire l'odeur d'un cheat burger, de l'ail, etc. Donc, ça, on s'est pas mal amusé avec Christophe. Il fallait travailler aussi sur les nouveaux supports. On a travaillé sur un brevet sur les nouveaux supports aromatiques qui étaient capables de catcher les odeurs et de les garder pour faire des cartouches. Puis, tu travailles avec des designers, notamment Laurent Millon, que j'embrasse aussi, de Millimètre Studio. Et on était tous... C'était très early stage. C'est-à-dire, moi, je travaillais vraiment sur la partie... conception. Donc, t'imagines comment ça peut marcher. Puis après, une fois que ça commence à marcher, là, tu levais des fonds, il y avait des startups qui étaient créées. Et là, on embauchait des gens qui allaient développer plus intensément. Mais là, on était vraiment sur la partie conception et travaillé aussi avec des chefs. On a travaillé une masterclass avec Massimo Buttira, par exemple. Trois jours de masterclass avec Massimo Buttira, qui était qui a été élu meilleur chef du monde, qui fait des choses incroyables. Il avait fait un jus de canard complètement dingue avec du riz toasté pour faire des nuages aromatiques. Et ça, c'était il y a 13 ans.

  • Marlène

    Oui, on est... Je ne sais pas à quel moment elle bouillit. Je n'ai pas la date.

  • Sisley

    C'était à peu près dans ces eaux-là, bien sûr.

  • Marlène

    J'ai adoré le reportage Chef Table sur Adrienne. Je ne sais plus les noms des deux chefs, frères chefs, qui ont créé Albuli, le restaurant à Barcelone.

  • Sisley

    Les frères Roca.

  • Marlène

    Oui, il me semble, oui, qui ont créé la cuisine moléculaire. Très intéressant, je vous recommande.

  • Sisley

    C'est vraiment Hervé. Avant ça, il y a même Hervé Tisse à la base. C'est Hervé Tisse qui a beaucoup travaillé sur le concept de cuisine moléculaire. sur la chimie, tout ça, etc. Et puis il y a Raphaël Aumont qui a beaucoup travaillé avec Thierry Marx, qui est un chimiste qui s'est spécialisé évidemment dans toutes les réactions de la chimie, de la cuisine avec Thierry Marx pendant des années.

  • Marlène

    Ok, c'est fascinant. Il y a un monde de R&D qui est énorme. Est-ce que c'est quelque chose qui t'intéresse encore, de bosser peut-être dans un studio de R&D, une agence de R&D ?

  • Sisley

    Bien sûr. Moi, c'est ce que je fais aujourd'hui. C'est-à-dire qu'il y a des gens qui m'appellent pour la conception de produits, etc. Donc, c'est mon ADN. Et puis, j'adore collaborer avec d'autres métiers. Je pense que c'est la richesse de la R&D, recherche et développement, pour ceux qui ne sauraient pas.

  • Marlène

    Oui,

  • Sisley

    c'est vrai. C'est un monde à la croisée des mondes parce que ça réunit encore une fois de la technique, de l'innovation, réfléchir à la législation, à comment est-ce qu'après... le produit, etc. Et puis, toutes les demandes ne sont pas les mêmes. Donc, c'est fascinant.

  • Marlène

    Oui, mais c'est marrant parce que justement, l'une de mes questions, c'était qu'est-ce que c'est qu'un master blender ? En fait, je me suis notée... Parce que pour moi, blend, ça me fait penser au burger. T'as un restaurant où tu fais ta viande, tu mets des épices au haut, ça s'appelle un blend. Et l'une de mes questions, c'était est-ce que c'est lié à ça ? Et c'est marrant parce que depuis tout à l'heure, on parle des odeurs ou de l'arôme de burger. Et on parle de master blender qui est un mot qui me fait penser au burger.

  • Sisley

    Donc c'est marrant. Simplement, il s'appelle blend parce que blend, ça veut dire le mélange en anglais. Et donc c'est le fait de mélanger. Enfin, ils ont pris ce nom, je pense, pour le mélange. Et donc le master blender, c'est celui... Le maître mélangeur, on pourrait dire, le maître d'assemblage qui mélange, c'est beaucoup utilisé aux Etats-Unis ou dans les pays anglo-saxons pour les gens vraiment qui font les assemblages de whisky, de gin, etc. Moi, j'ai toujours eu un problème pour définir mon métier. Je ne me sens pas aromaticienne, je me sens designer, mais designer, ça fait penser plus au design, pas vraiment produit. Et tout ça. Bon. Je ne suis pas parfumeur, je ne suis pas maître de chais, je ne suis pas que R&D, je suis un concepteur. Il y a des concepteurs rédacteurs par exemple, moi je serais un concepteur olfacteur. Oui, pas que, parce que la conception d'un produit, ça englobe évidemment la formule et la recette. Mais moi, je réfléchis aussi beaucoup sur, comme son nom l'indique, le concept. Donc l'univers, le nom. Des fois, on me file des projets page blanche en me disant, propose-nous des pistes créatives. Il y a des gens qui savent ce qu'ils veulent, mais généralement, les gens m'appellent plus pour une patte. C'est comme... Je compare ça un peu à un artiste, un musicien, un compositeur. Je suis un peu compositeur, sauf que ce n'est pas de la musique. Dans le sens où... Ou réalisateur, dans le sens où tu as quand même une patte, un style.

  • Marlène

    J'ai vu que tu avais mis sur ton LinkedIn directrice de la création. Pour moi, c'est très lié à directeur artistique. le caractère de la création, où tu peux aussi venir avec un concept, une idée, et bien sûr une manière de l'interpréter et de lui donner vie en fait.

  • Sisley

    Exactement, donc c'est pas que la formule, tu vois, basico-basique, mais j'aime réfléchir ou participer à l'élaboration de la conception du produit, du produit ou d'une marque d'ailleurs, c'est ce que j'ai fait avec H-Theoria, quand j'ai créé H-Theoria avec Camille. Et du coup... c'est un peu plus vaste que juste faire la formule.

  • Marlène

    Oui. Et si tu devais résumer à quelqu'un un peu tes tâches de manière régulière, qu'est-ce que fait une directrice de la création ? Qu'est-ce que toi, tu fais ? Je sais que c'est dur à résumer, mais de manière générale, pour qu'on comprenne tout le spectre de ce que tu fais.

  • Sisley

    Oui. Pendant huit ans, j'ai cofondé avec Camille Hédin la marque H-Theoria, qui a été revue. ...prendu il y a peu de temps. Donc pendant 8 ans, j'ai aussi été toute la casquette chef d'entreprise, qui englobe quand même des métiers qui sont très très loin de ce que je fais, mais qui sont du marketing, de la com, du management, de la comptard, tout ça, etc. Donc voilà. Mais globalement, aujourd'hui, je dirais que... J'ai trois, on va dire, trois cœurs, trois cœurs de métier. J'aime l'idée d'avoir trois cœurs, comme une pieuvre. Non, je crois qu'il y en a plus que ça. J'ai essayé de définir parce qu'en fait, moi, j'aurais adoré ne pas choisir, ne pas me mettre dans une case et être... Mais les gens ont quand même besoin de comprendre ce que tu fais et de clarifier aussi ce que tu fais. Donc moi j'ai trois vraiment coeurs de métier, la conception produit, ça c'est une première chose, notamment de produits alimentaires. bien que j'adorerais j'ai plein de trucs dans les tiroirs parfums ou même mobilier parce que j'adore l'art de la table j'adore les verres, j'adore la fashion je me nourris de plein plein d'univers et donc je me dis dans cette vie pourquoi pas faire d'autres produits que des produits alimentaires mais toujours qui ont un rapport avec l'émotion et la sensorialité quand même hum Donc la conception de produits alimentaires, notamment de boissons. Il faut savoir que ma spécialité, c'est quand même les boissons. Même quand j'ai fait mon apprentissage dans un labo spécialisé dans les arômes de menthe, quand j'étais à l'Égypte, qui s'appelait HM Todd, qui était un labo américain. Et donc je travaillais aussi sur les boissons à l'époque. Mon sujet d'alternance, c'était créer une gamme de boissons à la stevia. C'était la grande mode de la stevia, etc. Sauf que tout le monde s'est emballé pour la stevia. L'édulcorant naturel, tout ça, etc. Pas de calories, tout ça. Sauf que c'était dégueulasse. On t'en mettait, ça avait le goût de réglisse, les gens détestaient et tout. Et donc du coup, moi je devais travailler sur proposer une gamme de boissons à des clients qui contenaient de la stevia. Et déjà à cette époque, j'avais fait des assemblages un peu particuliers parce que je me suis dit, la problématique c'est que ton cerveau sait ce qu'est le goût de la fraise et ce qu'il veut comme goût de fraise ou comme sirop de fraise, etc. Donc du moment qu'il va percevoir une différence aromatique, il sent qu'il est carotte et que ce n'est pas normal. Donc la problématique c'est qu'il faut créer des goûts que les gens n'ont pas encore enregistrés. pour que ce soit pas bizarre, que ça sente ce petit goût de la stevia. Donc j'ai créé des boissons, des boissons gazeuses qui étaient à l'époque, tu vois, je te dis 2010 aussi, avec des assemblages épices-fruits, bananes-jasmin, enfin voilà, des choses comme ça, et qui faisaient que... Tu ne savais pas vraiment ce que c'était le goût de ça, donc il fallait que ce soit équilibré, à la fois l'amertume ou le goût de la stéviard, ce n'était pas une problématique. J'ai fait chez Gabriel Boudier sur les spiritueux, après j'ai eu ça comme alternance, donc même quand je n'étais pas encore dans la vie professionnelle, tout m'a mis vers les boissons, et après au laboratoire, j'ai travaillé beaucoup sur les liquides, les sprays, les poudres, tout ça, et pas tant sur des produits alimentaires classiques. Après, j'ai été deux ans en freelance. Donc là, j'ai fait aussi des projets plus particuliers. J'ai notamment travaillé avec une chef vegan à l'époque pour créer des recettes vegan, foie gras vegan, tout ça, etc. À l'époque aussi, pareil, 2015 à peu près.

  • Marlène

    Donc super en avance.

  • Sisley

    C'était l'idée nouvelle.

  • Marlène

    Il y a beaucoup plus d'offres aujourd'hui en tout cas qu'en 2015.

  • Sisley

    Exactement. Donc... Et puis après, j'ai aussi travaillé pour des maisons de parfum, par exemple, en événementiel, comment tu transformes les notes d'un parfum en aromatique, justement en utilisant ce waaf, ce nuage, pour pouvoir inhaler et goûter les notes des parfums alimentairement. L'univers m'a toujours portée entre les parfums et les arômes, et surtout sur les liquides. Pour répondre à ta question, pour en venir plus loin, conception, produit, food, spécialisé, liquide, spirituel ? mais pas que évidemment j'ai créé une marque de liqueur donc les spiritueux c'est quand même mon domaine de prédilection mais on m'appelle aussi pour des sirops pour des boissons, sans alcool j'adorerais travailler sur des bouillons enfin j'ai pas de rien là dessus ensuite mon deuxième coeur c'est vraiment la direction de création, la direction artistique sur tout ce qui va être un peu identité, moodboard shooting photo J'ai vraiment découvert cette partie de ce que j'aime et sur quoi je pense avoir quelque chose à apporter avec H-Theoria, puisque nous, H-Theoria, on a démarré toute seule sur notre canapé, donc il fallait bien faire les photos, tout ça, etc. Donc en collaborant avec... Avec des agences, en collaborant après avec des photographes, tout ça, etc. Je me suis pris une passion pour tout ce qui est le set design, la direction artistique, sur l'identité de marques très fortes artistiques, le graphisme, le set design de photographie. Et puis à côté de ça, en plus, personnellement, je faisais de la photographie. Donc c'est quelque chose qui me parle beaucoup et qu'on m'appelle. Et ça va aussi un peu plus loin, c'est aussi surtout ce qui est l'écriture, parce que j'écris aussi beaucoup, j'écris de la poésie depuis que j'ai... je ne sais pas, 7 ans. Donc l'écriture et la littérature sont quelque chose qui m'animent énormément. Les mots sont très importants. Enfin, je pense qu'on l'avait vu, ceux qui connaissent H. Théoria. sont quelque chose qui est fondamental, même, je dirais, dans ma capacité à créer, à en parler, à tout ça. Et du coup, j'écris aussi pour des marques. Et après, le troisième cœur, c'est vraiment tout ce qui est pédagogie. Parce que moi, je pense que dans ce monde, il faut transmettre ce qu'on nous donne. J'ai eu la chance d'avoir... qu'on m'ait enseigné des savoirs qu'on n'enseigne pas partout. Et aujourd'hui, on vit dans un monde où... où effectivement les gens sont de plus en plus experts, s'intéressent de plus en plus à l'olfaction et heureusement, donc il y a plein de choses à dire. Évidemment avec ChatGPT et Google on peut trouver plein de choses, mais rien ne remplace la capacité des sensations émotionnelles et tout. Donc sur la partie pédagogie j'ai donné des cours. pendant quelques années à l'ISIPCA, justement. Un sur les arômes de café et puis l'autre au master sur les liqueurs, les spiritueux. Et je leur apprenais à faire, pour les entraîner, je leur faisais faire les liqueurs, le goût d'un tableau ou d'une musique. Voilà. Donc c'est des exercices qu'ils n'avaient pas l'habitude de faire. Je donne des cours à l'université de Tergy-Pontoise, aux licences de design culinaire aussi, sur l'aromatisation. Et puis des masterclass sur comment on sent le vocabulaire olfactif, soit publiques ou privées. Donc, voilà.

  • Marlène

    Oui, j'ai vu que tu en avais fait pour, justement, H-Theoria, je crois, en novembre.

  • Sisley

    Oui, j'en ai fait beaucoup sur H-Theoria, bien évidemment. Et puis, je continue d'en faire sur des sujets aussi larges et vastes qu'on peut avoir, surtout sur la façon de parler. Et donc, dans cette partie pédagogique, je viens de créer une nouvelle page qui s'appelle Poétique Molécule, où, justement, Mon ambition, pour l'instant c'est en création, c'est de pouvoir partager et apprendre aux gens à parler de ce qu'ils sentent, ressentent et goûtent, et pas quelque chose d'élitiste, comme on voit sur les parfums ou le vin, mais de l'ordre des sensations, qu'ils peuvent apprendre des choses sur leur corps, leur manière de percevoir,

  • Marlène

    tout ça. Ok, c'est super, ça me fait une super transition pour ma prochaine question. Quand j'avais fait les... C'est l'épisode avec Simon, d'Alabat Armaniak. À la fin, on avait dégusté son Armaniak, l'un des trois de ses Armaniaks. Et il m'avait justement expliqué Alors non, ne prends pas le verre et mets pas ton nez directement dedans parce que tu vas te griller. Alors, je n'ai pas tous les mots, mais Tu vas te griller le nez avec la puissance de l'alcool et la puissance du dégré. Il m'avait dit Non, ce n'est pas comme un vin. Pareil, on ne le tourne pas. On va le sentir plutôt de loin. Est-ce que, justement, tu as des produits ou des senteurs qui ont un peu des spécificités ou on ne va pas les humer de la même manière que d'autres ?

  • Sisley

    Alors moi je ne suis pas une ayatollah de la façon de des protocoles de dégustation et je ne veux pas contredire Simon quand je l'embrasse au passage effectivement il y a des verres ou des contenants qui sont mieux pour certains spirituels suivant le degré d'alcool etc et c'est tout à fait vrai Par exemple, on fait souvent goûter dans des verres tulipes, les cognacs, des spiritueux qui ont un haut degré d'alcool. Moi, je trouve que c'est une connerie parce que tu te prends effectivement l'éthanol dedans. Mais je trouve que ce qui est intéressant, c'est de montrer par contre que le contenant a une importance et que les gens testent par eux-mêmes de goûter la même chose dans un verre à vin, dans un verre comme ça ou dans un verre ouvert. et voient la différence, parce qu'il y en a une, bien évidemment. Mais de là à dire que la température joue presque plus que le contenant, je trouve, ça se vaut. L'humeur aussi. À ce moment-là, si on prend un facteur, on les prend tous. Si vous êtes le matin, si vous êtes le soir. Pour les femmes, suivant le cycle menstruel dans lequel on est, on ne sent pas la période du cycle menstruel dans lequel on est, on ne sent pas pareil non plus. C'est ça. Si vous êtes triste, si vous n'êtes pas bien ou si vous êtes heureux, vos perceptions vont changer et c'est normal. Donc on ne va pas percevoir la même chose. Après, ça dépend si on veut comparer. Encore une fois... Ça pose la question de pourquoi vouloir sentir comme un expert ? Si le but, c'est de se faire plaisir, vous n'avez pas besoin, et me semble, je trouve, mais vous pouvez très bien déguster quelque chose dans quelque chose qui vous fait plaisir, un verre à vin, un verre différent, etc. Si vous voulez être dans un geste précis, d'expert, tout ça, vous pouvez suivre des recommandations du producteur, du créateur qui a produit le produit et qui, lui... pense que son produit est mieux mis en valeur dans un certain contenant ou d'une certaine manière dans un parfait serve. Et puis après, par contre, effectivement, si vous voulez faire des concours, vous comparez aux autres, etc. Il faut utiliser des choses qui sont comparables et rationalisées de partout. Mais en fait, j'ai envie de dire, ça dépend de quelle est la volonté. Voilà, la volonté, c'est flatter son égo. Effectivement, vous pouvez avoir un protocole, la prendre par cœur, tout ça, etc. Moi, je trouve ça... Chiant comme la mort.

  • Marlène

    Oui. Et justement, pour quelqu'un qui veut juste... Moi, par exemple, j'aimerais bien développer un peu plus mon odorat, mais plus pour moi en vrai que pour autre chose. Qu'est-ce que tu me conseillerais de... Juste de faire plus dans mon quotidien pour au fur et à mesure... Parce que je sais que c'est aussi beaucoup de temps, beaucoup d'olfaction, etc. Qu'est-ce que tu me conseillerais de faire pour au fur et à mesure développer mon odorat ?

  • Sisley

    Alors, la première chose, c'est que tu ne pourras pas développer ton odorat puisque... Ta capacité à sentir, elle vient des récepteurs que tu as. Et ça, c'est génétique. C'est de l'ordre de l'inné et pas de l'acquis. C'est-à-dire que si tu n'as pas certains récepteurs à certaines molécules, on va dire, tu ne les auras jamais. Ils ne vont pas pousser, etc. Donc, tu ne peux pas, à proprement parler, booster ton odorat. En revanche, ce que tu peux booster, c'est ta mémoire olfactive. Ce qui est très différent et ce qui est très important aussi. C'est-à-dire ta capacité... à mettre des mots sur ce que tu sens et à te rappeler les odeurs et à les identifier. Ça, ça se travaille. Ça, ça se travaille. Il n'y a pas 36 000 façons. Il faut sentir le plus possible, goûter le plus possible d'ingrédients, de choses, essayer de faire les points communs. Il faut cuisiner, il faut goûter le plus possible, le plus possible, le plus possible. La différence entre du basilic, du basilic thaï, le point commun entre le basilic thaï et l'ani. Enfin voilà, et découvrir en fait, se faire confiance. Arrêtez de penser qu'on est nuls sur les odeurs. Moi, c'est ce que j'entends constamment dans mon métier. Je rencontre que des gens qui me disent moi, je sens rien, je suis nul, etc. Non, il n'y a personne qui est nul. Ou MIT, il y a quelques années, ils ont fait une expérience où ils ont fait suivre une trace de cacao dans de l'herbe à un panel de personnes qui avaient les yeux bouchés, les oreilles fermées, donc juste à l'odeur, comme un chien. Et les résultats sont plutôt concluants, on est en capacité totale de le sentir. Et on ne se rend pas compte que l'odeur, on sent très bien, on sent très bien. Mais on ne sait pas mettre de mots sur ce qu'on sent, déjà parce qu'on ne nous l'apprend pas. On vous apprend à l'école à 5 ans les couleurs, on vous apprend les notes de musique, il n'y a personne qui vous apprend les odeurs. Donc il n'y a pas quelque chose qui est collectif dans l'éducation là-dessus. Donc ça dépend beaucoup en fait de l'éducation personnelle que vous recevez. Est-ce que de là où vous vivez, et puis on a tendance à s'auto-centrer sur aussi les régions du monde dans lesquelles on vit, etc. Mais les perceptions des odeurs et de ce qui est bon, pas bon, etc. Elles changent énormément suivant les régions du monde, suivant les cultures. Voilà, les Japonais chinois, ils sentent du fromage. Pour eux, ça sent juste les pieds, c'est immonde. Et nous, le durian, on sent ça, on se dit comment est-ce qu'on pourrait manger ça ? Donc, il y a aussi toute une partie qui est culturelle. qui est de l'ordre de l'apprentissage. Il faut, comme tout dans la vie,

  • Marlène

    être curieux,

  • Sisley

    ouvert, goûter. Et surtout, moi, je trouve que c'est important de manger aussi des choses qu'on n'aime pas.

  • Marlène

    Oui. Et comprendre pourquoi est-ce qu'on n'aime pas, peut-être aussi...

  • Sisley

    Ou même pas spécifiquement. Il y a une différence si tu veux vraiment identifier, si tu veux vraiment... En fait, si tu supprimes déjà tout ce que tu n'aimes pas, c'est-à-dire ce qu'on appelle... un choix discriminant, puisque tu mets de côté certaines choses que tu dis moi j'aime ou j'aime pas, ou certaines choses que tu dis ça c'est bon, ça c'est pas bon, du coup forcément tu mets de côté plein de choses qui pourraient t'apprendre aussi des choses. Et moi, par exemple, je déteste la nid et la menthe, c'est pas trop mon truc. Et je me suis pourtant éclatée quand j'ai fait une alternance dans la menthe et la nid, parce que j'ai... En plus, on est plus fort, je trouve, dans la discrimination et dans la différenciation pour les choses qu'on n'aime pas.

  • Marlène

    Oui, sinon on part à biaiser, en fait.

  • Sisley

    Ça, ça s'apprend aussi. Il faut mettre de côté ce qu'on appelle l'hédonisme. Et ça, c'est ce qu'on fait beaucoup en analyse sensorielle. Parce qu'il existe aussi beaucoup de panels d'analyse sensorielle, de gens qui font mon métier, mais pour décrire, identifier tout ça. Ça dépend de ce qu'on veut avoir comme résultat. Mais en fait, on apprend à mettre... de côté les critères hédoniques. C'est-à-dire j'aime, j'aime pas, c'est plus si, c'est moins ça, c'est douceureux. Tout ça, c'est de l'ordre du jugement.

  • Marlène

    C'est du subjectif, oui.

  • Sisley

    Si vous voulez être dans la description, ça pue, ça pue pas, c'est pas une description.

  • Marlène

    Je vais poser une question super bête. Est-ce qu'on peut être allergique ou intolérant à un arôme ou une odeur ?

  • Sisley

    Alors, tu peux détester une odeur, etc. Être allergique à une molécule, oui, mais généralement, les allergies, elles sont plus de l'ordre respiratoire ou de la peau. Il y a des ingrédients qui te... Et les allergènes, les allergènes ne sont pas forcément des molécules aromatiques. C'est souvent plus le support de l'arôme qui peut être irritant, etc. Et après, par contre, on a des aversions, bien sûr, heureusement. Oui, on n'est pas comme notre voisin, on a du vécu. Si la première fois que tu as goûté un ingrédient, on t'a cassé la jambe, il y a de fortes chances que tu n'aimes pas cet ingrédient. D'ailleurs, on le voit avec... Les gens qui ont été malades, qui ont eu soit une intolérance alimentaire, une indigestion alimentaire, ou qui se sont tout simplement pris une première cuite quand ils étaient très jeunes ou très malades. Après, tu fais un rejet, tu ne peux plus du tout le boire. Moi, c'est la fondue Savoyard, par exemple. J'avais 8 ans et je ne peux même pas rentrer dans une pièce où on fait de la fondue Savoyard.

  • Marlène

    Ah oui, c'est une mémoire. Moi, c'est la liqueur de mandarine.

  • Sisley

    Ah, première cuite. Première cuite. Ouais. Bon, ça, ça marche. En fait, ton cerveau... Le cerveau, il est branché comme il y a 300 millions d'années. Et si tu veux, quand tu es à poil dans la forêt, une indigestion alimentaire, tu vomis pendant 24 heures, tu es déshydraté, tu meurs. Aujourd'hui, c'est moins grave. Et encore, c'est moins grave là, je te parle en France, soigné, tout ça, etc. Mais suivant les contextes, il ne faut pas oublier quand même que ça peut être très grave dans certains pays. Et donc du coup... Bah du coup, ton cerveau, il se dit vraiment que t'as failli passer, il se dit, c'était l'arme à gauche, quoi.

  • Marlène

    Un poison, ouais.

  • Sisley

    Et vu qu'il sait qu'on n'est pas très raisonnable, les humains, j'aime bien le rendre un peu humain, indépendant, ce cerveau, mais pour expliquer comme ça, on n'est pas très raisonnable. On fume des clopes, on renvoie des messages à ses ex à 2h du matin. Enfin voilà, on fait quand même plein de trucs qui sont pas bons pour nous. Là, il se dit, attends, faut pas rigoler avec ça. Donc du coup, c'est un enregistrement. C'est l'aversion, c'est-à-dire que l'odeur déclenche une aversion qui te rappelle à ta sensation qui est très forte. Mais d'ailleurs, l'odorat est tellement relié aux émotions qu'il nous fait revivre les émotions. Chose que les autres sens ne font pas. C'est-à-dire que tu as croisé quelqu'un, tu te souviens d'un visage, d'un coup tu le revois, tu te souviens et tout, tu te souviens. Mais une odeur, ça te rappelle un moment avec ta grand-mère, etc. Tu peux avoir les larmes qui viennent aux yeux, le bonheur. revient, tout ça, etc. C'est... C'est normal, parce que ça nous permettait de survivre.

  • Marlène

    C'est marrant, parce que j'avais... Je fais de l'eczéma de temps en temps, et donc j'ai eu une crème pour l'eczéma. Et l'autre jour, je me suis dit, c'est quoi cette odeur ? Je l'aime bien. J'aime bien cette odeur. Et puis, je la fais goûter, etc. Et puis la personne... Goûter, sentir. Et la personne me dit, mais c'est l'odeur de la gouache. En fait, ma sœur faisait de la peinture quand j'étais plus jeune. Et donc, elle avait souvent de la gouache, etc. Et moi, je n'en faisais pas. Mais ça m'a rappelée. Et j'adore cette crème. Je n'en mets pas parce que je n'en ai pas besoin tout le temps. Mais dès que j'ai de l'eczéma, j'ai un plaisir à mettre cette crème parce qu'elle a une odeur de gouache qui est... Je ne sais pas. Pour moi, c'est juste hyper plaisant de sentir cette odeur. C'est une madeleine de Proust sensorielle.

  • Sisley

    Exactement, mais les odeurs c'est souvent ça et d'ailleurs si on demande tout le temps les souvenirs olfactifs la plupart des marquants des gens c'est souvent que ça revient pendant la petite enfance ou relié à sa famille ou tout ça etc parce que c'est à ce moment là que tu cristallises ta personnalité, les émotions que ce soit négatif ou positif et la bonne nouvelle c'est qu'on peut réapprendre à aimer quelque chose qu'on a détesté moi c'était le cas avec les huîtres mais c'est toujours pas le cas pour la fondue apparemment non, ça ça veut pas mais dans un contexte très agréable en fait il faut recréer des moments où agréable, il faut un peu reset son cerveau pour qu'il réenregistre et ça prend du temps qu'il réenregistre que ce moment là il peut être agréable donc il faut que ce soit dans des conditions super particulières Et moi, j'ai remangé des huîtres avec des gens que j'aimais beaucoup, dans des parcs à huîtres, avec du vin, du soleil, en vacances, dans un contexte... Voilà, petit à petit, j'ai d'abord senti... Et on peut réaimer ça, évidemment. Puis après, il y a aussi des... Ce que j'appelle le bâton de feu, c'est-à-dire qu'on voit que dans nos cultures, il y a des choses qu'on appréhende différemment pour passer à l'âge adulte. C'est le cas notamment, par exemple, de tout ce qui est amer, du vin. Je ne sais pas si vous vous rappelez, les premières fois que vous écoutez du vin, quand on a 13-14 ans, tout le monde trouve ça dégueulasse. Alors que ce n'est plus le cas maintenant. Le fromage, pareil, les enfants ne mangent pas le fromage fort, il pue, les champignons, l'amertume, des choses comme ça. Et en fait, c'est des choses qu'après, adultes, on aime. Alors pourquoi ? Parce qu'en fait, ça fait partie après de la culture de devenir un adulte. Et on apprend à... Moi, j'ai vraiment le souvenir de me forcer à essayer de boire du vin pour apprécier. Et au fur et à mesure, ça marche.

  • Marlène

    Oui, oui,

  • Sisley

    c'est une peu trop des fois. Et donc du coup, il y a aussi toute cette notion de l'appartenance. Mais moi, pendant mes études, on a fait aussi beaucoup d'études des cultures, des cultes aussi, par rapport aux aliments, ce qui est interdit, ce qui n'est pas interdit, tout ça, etc., qui définit aussi beaucoup tes goûts.

  • Marlène

    Oui, ok. Eh bien, tu as dit tes goûts. C'était ma dernière question pour ce premier épisode. Qu'est-ce qui... Si on devait te servir à boire ou toi à manger, qu'est-ce qui est vraiment... peut-être pas une madeleine de Proust mais qu'est-ce qui te parle en termes de goût en termes de même d'odorat ou autre oh là là énormément de choses ouais énormément de choses

  • Sisley

    Trop dur à choisir. C'est comme les gens qui demandent si tu devais manger qu'un seul truc jusqu'à la fin de ta vie. Moi, je me pends. C'est-à-dire que manger qu'un seul truc à la fin de ta vie, c'est le meilleur moyen de détester. Je suis quand même très fromage. C'est quand même mon petit péché mignon. Je suis quand même très fromage. Mais après, il y a des odeurs, des épices, etc. J'adore. Je pourrais avoir le nez dedans tout le temps. La cardamome, par exemple, je trouve que c'est extraordinaire. Le parfum de la cardamome, c'est extraordinaire. C'est-à-dire que c'est à la fois floral, frais, épicé, c'est un parfum... tout entier, la cardava, je pourrais vraiment avoir mon nez dessus. Il y a des petites choses comme ça qui me rappellent aussi mon enfance. J'ai grainé, je pourrignonne avec ma grand-mère les jécossais, les petits pois. Et donc l'odeur du petit pois cru, vert. C'est ma madeleine de Proust à moi. J'adore, j'ai l'impression d'avoir le soleil qui me tape dessus, etc. Quand je sens ça, ça j'adore. Et puis après... En termes de parfum, je suis très sensible aux musques. J'aime beaucoup les odeurs musquées, animales, chaleureuses, un peu transparentes, dufteuses, etc. Mais j'aime... Et j'ai en sainte horreur les trucs un peu...

  • Marlène

    T'inquiète.

  • Sisley

    Et j'ai en sainte horreur les trucs un peu dégoulinants, de la parfumerie un peu mainstream, très gourmand, qu'on appelle gourmand. Alors déjà, je déteste cet autre... Gourmand, fruité, chocolaté, etc. Où t'as l'impression d'être un gros bonbon et qui valorise absolument pas l'image de la femme, je trouve. En sac, elle est toujours un objet de consommation. Bon, c'est un autre débat, mais... Voilà, dans les odeurs.

  • Marlène

    Et en termes de saveurs, est-ce que... Plutôt amère, sucrée, salée ?

  • Sisley

    Alors moi, j'étais très, très, très... J'ai eu une grosse opération de l'estomac il y a un an et demi. Si je peux partir dans le détail, j'ai eu une opération bariatrique parce que j'étais obèse. Et donc du coup, j'ai eu une réduction de l'estomac. Et donc tout mon rapport à la nourriture a changé. Et du coup, j'ai vraiment des envies de sucré que je n'avais pas avant cette opération. Donc mon rapport au sucré a changé. Tout ce qui est vanillé. Alors la vanille, j'adore de base. Mais chocolaté, les trucs sucrés, j'adore. et aussi non moi ce que j'aime c'est l'équilibre de manière générale je pense que c'est à ça que je suis sensible c'est la balance entre les différentes saveurs entre les différents arômes c'est un peu ce qui m'obsède en fait c'est le plus dur à avoir en plus et donc du coup tu vois c'est comme l'harmonie en musique etc et donc je dirais que c'est plus ça que choisir une saveur ou quoi je comprends et bah écoute merci beaucoup pour cette masterclass sensorielle je dirais avec plaisir

  • Marlène

    et voilà l'épisode 1 fini on se retrouve lundi prochain pour la suite tu découvriras toutes les étapes nécessaires à la création d'une voix 100 en attendant n'hésite pas à t'abonner au podcast pour être tenu au courant de la sortie des prochains épisodes et à mettre 5 étoiles si t'as plu ça me motive à continuer tu peux aussi nous retrouver sur Instagram à origine.podcast filmer notamment des photos assez exclues qui te permettent de rentrer encore plus dans les coulisses de l'entrepreneuriat je t'en dis pas plus et je te dis à la prochaine

Chapters

  • Tempo: 120.0

    00:00

Description

Formulation d'arômes, stage chez Gabriel Boudier liquoriste dijonnais et immersion R&D dans une start-up incubatrice Le Laboratoire : c'est parti pour les coulisses du parcours de Marlène Staiger, Master Blender et directrice de création de spiritueux notamment.


Voilà le programme :

  • Les molécules aromatiques (00:01:09) : Discussion sur les industries produisant les molécules aromatiques, les parfums, et leur utilisation dans les produits de consommation courante.

  • L'art et la science de l'aromatisation (00:05:33) : Marlène partage son expérience dans la recherche et développement aux côtés de David Edwards et son exploration de l'art et de la science.

  • Le rôle de master blender (00:11:01) : Marlène explique son rôle de master blender, associant l'art, la science, les couleurs et les saveurs dans les assemblages de spiritueux.

  • Collaboration en R&D et contrôle qualité (00:17:05) : Marlène décrit son travail en collaboration avec les équipes R&D et qualité, soulignant l'importance des évaluations sensorielles.

  • Les familles aromatiques (00:25:11) : Elle explique les grandes familles aromatiques, telles que les notes vertes, mentholées, épicées, florales, et fruitées, ainsi que les molécules spécifiques.

  • Histoire et importance de l'odorat (00:27:24) Steiger mentionne l'importance de l'odorat dans l'histoire, avec des références à Brillat-Savarin, la rétro olfaction, et les perceptions culturelles.

  • La rétro olfaction (00:31:58) : Marlène t'explique le concept de rétro olfaction en utilisant l'exemple de manger du chocolat lorsqu'on est enrhumé.

  • Le rôle d'une directrice de la création (00:44:18) : Marlène explique les différentes facettes de son métier de directrice de la création.

  • 00:52:41 - Approche de la dégustation et spécificités de l'olfaction : Discussion sur les différentes approches de dégustation et les spécificités de l'olfaction.

  • 00:55:55 - Conseils pour développer son odorat : Marlène donne des conseils pour développer la mémoire olfactive et l'identification des odeurs lors d'une dégustation de vin ou de spiritueux.


Tu peux retrouver Marlène Staiger sur Instagram et sur son Linked In.
Et bien sûr, Origines sur l'Instagram.

L'abus d'alcool est dangereux pour la santé, à consommer avec modération.


Hébergé par Ausha. Visitez ausha.co/politique-de-confidentialite pour plus d'informations.

Transcription

  • Sisley

    Hello tout le monde, je suis très contente d'avoir aujourd'hui Marlène Steger, j'étais sûre que j'allais mal le dire, parce que quand j'ai commencé à faire ce podcast, j'ai discuté avec Simon d'Alabatermania qui m'a dit il faut que tu parles à Marlène, elle m'a beaucoup beaucoup aidé dans mon début de projet, ensuite j'ai parlé avec Maud de chez Distilleuse, elle m'a dit il faut que tu discutes avec Marlène et c'est à la suite de ça, un jour après, qu'on s'est contacté, donc je suis vraiment très très contente, comment ça va ?

  • Marlène

    Ben ça va plutôt bien, ça va plutôt bien.

  • Sisley

    j'embrasse une nouvelle vie on a tout envie de savoir maintenant est-ce que tu peux nous parler un petit peu de ton parcours

  • Marlène

    Marlène ? oui tout à fait je peux parler de mon parcours j'ai un parcours assez atypique qui mêle, on va dire, la science et l'art. Puisque, donc moi, j'ai fait des études de chimie, j'ai fait un DUT de génie biologie en sciences et applications en industrie alimentaire. Donc tout ce qui touche aux industries alimentaires, à la formulation, que ce soit R&D, production, même sur des grosses machines industrielles, etc. Et puis, pendant ces études, j'ai eu la chance de rencontrer un aromaticien de chez IFF qui nous a donné un cours sur l'aromatique et les molécules. molécules aromatiques.

  • Sisley

    Je te dis IFF ?

  • Marlène

    Oui, tout à fait.

  • Sisley

    C'est quoi ?

  • Marlène

    IFF, c'est une très grosse compagnie qui fait les arômes et les parfums. Il y en a plusieurs dans le monde qui s'appellent Firmenich, Givaudan, Robertet dans le sud de la France par exemple, ou encore Man, et qui sont en fait des industries qui produisent les molécules aromatiques ou les parfums.

  • Sisley

    Ok, donc par exemple le sirop de cerise un peu... Chimique pardon, je mets des guillemets là-dessus, ça vient de ce genre de société ou je me trompe totalement ?

  • Marlène

    Oui, tout à fait. Mais après, il ne faut pas faire l'amalgame entre industriel et chimique, puisque la vie est en chimie et que tout est chimique. Et souvent, on a tendance à confondre la chimie et l'industrie de la chimie. Donc effectivement, ce sont des industries de la chimie, des molécules aromatisantes ou odorantes. Et ils travaillent avec toutes les marques de parfums, avec toutes les industries agroalimentaires. Et souvent, voilà, les aromatiques qu'il y a dans votre Coca-Cola, dans votre Danone, ou le parfum de, je ne sais pas, de... d'une marque qui n'a pas de parfumeurs maison, parce qu'il y a des grandes marques qui ont des parfumeurs maison, mais ce n'est pas le cas de beaucoup de marques, ce sont les aromaticiens ou les parfumeurs de ces maisons-là, de composition, ce sont des maisons de composition, qui créent les arômes ou les parfums.

  • Sisley

    Ok. Et dans ta famille, il y a un lien avec les arômes, la nourriture ? D'où ça devient un peu cette volonté de vouloir aller dans ce chemin un peu scientifique ?

  • Marlène

    Alors, moi je pensais que c'était le parfait. C'est fruit du hasard et puis en vieillissant j'ai eu trois indices que ça ne l'était pas. Alors moi je suis bourguignonne, donc j'ai grandi en Bourgogne dans une famille vraiment bourguignonne. Donc le bon vin, la bonne bouffe, la cuisine c'était clairement le point de ralliement de la maison. Un lieu de convivialité avec aussi la cuisine de ma grand-mère bien évidemment très traditionnelle, tout ça etc. Mais au bout du bout. Aussi la cuisine de ma mère qui explorait beaucoup les saveurs. Autre qui cuisinait thaï, mexicain, indien, qui a toujours adoré mélanger les épices, etc. Donc ça, je pense que ça a beaucoup marqué évidemment mon enfance, mon adolescence et puis mon amour pour la bonne chair, bien évidemment. Et il s'avère aussi que mon grand-père, il distillait de la niôle, de poire, quand il y avait les alambics ambulants, etc. Donc, tous les ans, et on a retrouvé d'ailleurs dans le grenier des très anciens ratafias qui avaient 40 ans, qui étaient complètement incroyables. Donc, ça, c'est un peu pour la partie. Et puis après, quand j'étais en études à l'Université de Montpellier, j'ai fait mon premier stage de recherche et développement au sein de la Maison Gabriel Boudier, qui est un licoriste à Dijon. Donc, j'avais 19 ans. C'est véritablement eux qui m'ont picousée sur le monde des liqueurs et des spiritueux. C'est ça, extraordinaire. Et puis pendant ces études, comme je te disais, j'ai rencontré un aromaticien qui nous a donné un cours et qui m'a dit, Jean-Philippe Fourniole d'ailleurs, si tu nous entends, qui m'a un peu repéré à la fin du cours, qui m'a dit, écoute, ça a l'air de t'intéresser, puis tu as l'air de sentir surtout toutes les molécules, etc. Est-ce que tu as pensé, après tes études, à rentrer à l'ISIPCA ? L'ISIPCA qui est l'Institut supérieur international du parfum, de la cosmétique et de l'aromatique alimentaire. qui est l'école qui a été fondée par Guerlain dans les années 70 à Versailles pour former les parfumeurs et les aromaticiens, et aussi les gens qui font la formulation en cosmétique, avec trois voix différentes. Moi, je n'avais jamais entendu parler de ça.

  • Sisley

    Oui, c'est clair que la CPE, ce n'est pas forcément la petite feuille qu'elle te recommande dans son classeur typique.

  • Marlène

    Non, pas vraiment. Mais j'ai rarement écouté les CPE, et rarement écouté les gens qui étaient assez typiques. Et donc j'ai découvert cette école et j'ai passé le concours. On était 500, ils en prenaient 12. Et donc j'ai étudié l'aromatique alimentaire, puisque j'avais un parcours qui venait, si tu veux, évidemment de biochimie, d'industrie alimentaire. Et donc je me suis vraiment spécialisée en aromatique à l'ISIPCA, sur les molécules odorantes, sur la formulation du goût, la R&D, etc. Et ça a été tout de suite assez... Révélateur que c'était quelque chose que j'adorais et que j'aimais. Et d'ailleurs, pour l'anecdote, à mes 30 ans, il y a quelques années, j'ai rouvert une boîte que j'avais enterrée dans mon jardin quand j'avais 10 ans. C'est mon côté drama queen, j'ai toujours eu un côté un peu romanesque.

  • Sisley

    La petite boîte pour le futur ?

  • Marlène

    Romanesque. Alors je l'avais enterrée jeune et puis je l'avais déterrée plus tard, quand je devais avoir 20 ans, mais je ne l'avais jamais ouverte. Et avec des amis, donc à mes 30 ans, j'ai ouverte la boîte. Je ne savais plus du tout ce qu'elle contenait. Et j'avais dû la fermer quand j'avais 7-8 ans. Et elle ne contenait que des fioles avec des épices, des vinaigres, des pétales de fleurs, tout ça, des bougies. Un mix entre... en formulation et ésotérisme et j'ai trouvé ça drôle et d'ailleurs il n'y a pas longtemps j'ai recroisé quelqu'un qui était avec moi en seconde au lycée et qui m'a dit mais c'est dingue que t'aies réussi à faire ce que tu voulais faire en seconde tu nous disais que tu voulais être parfumeur et j'ai aucun souvenir de ça, c'est très drôle mais moi j'ai voulu être médecin légiste pendant très longtemps c'est pas exactement pareil non mais Ça touche en tout cas à la compréhension de l'anatomie, de la biologie, du corps aussi. Donc finalement, j'y vois un lien qui n'est pas si éloigné. Et après l'ISIPCA, après mes études, c'était quand même beaucoup de chimie. J'aurais pu continuer, mais il fallait que je refasse encore des années de chimie. Et clairement, la chimie moléculaire, on en a besoin pour faire mon métier. Mais moi, ce n'est pas ce qui me... Ce qui me passionnait, c'était vraiment la formulation. Et puis, ça manquait d'un côté un peu artistique. Je n'avais pas trop envie, moi, de faire les arômes de yaourt de Danone, même si c'est un métier dont on parle peu, les aromaticiens ou les techniciens d'application qui font aussi les formules en R&D et qui sont toujours un peu dans l'ombre parce qu'on a tendance à parler que des parfumeurs et encore de parler que des fine parfumeurs, c'est-à-dire des parfumeurs qui... On travaille sur la parfumerie fine, donc les parfums à portée. Il faut savoir que la plupart de l'industrie de la parfumerie, c'est ce qu'on appelle la parfumerie fonctionnelle. C'est les lessives, les détergents, les gels douche, tout ça, etc. Donc il y a aussi plein de gens qui travaillent là-dessus. Parce qu'en fait, on ne se rend pas compte, mais il y a des odeurs partout.

  • Sisley

    Partout, oui.

  • Marlène

    Et donc il y a des gens derrière qui les formulent. Et moi, je ne me voyais pas dans un labo classique. classique. Et j'ai eu la chance, en tout cas j'ai saisi la chance, de croiser la route de David Edwards, qui était un chercheur d'Harvard qui avait monté une galerie art-science à Paris, qui s'appelait Le Laboratoire, The Art Science Labs. Il y avait à l'époque, je te parle de ça dans les années 2010, j'étais encore en études et je découvre que Thierry Marx fait de la cuisine moléculaire, avec de la... de la recherche sur les matériaux, sur les saveurs, sur une cuisine totalement différente. Et qu'il y a son food lab qui est dans cet endroit, le laboratoire. Donc je découvre tout cet écosystème et je me dis mais c'est génial. Moi j'ai toujours été passionnée par deux choses, la biologie mais aussi la philo, la science mais aussi l'art. Et là ça réunit tout. J'écris un grand mail un dimanche soir à minuit, enflammée, en me disant qu'on ne va jamais me répondre. Et... et pendant 4 ans j'étais en charge de la R&D aux côtés de David Edwards. J'ai travaillé sur plein de projets en collaboration avec des designers, Philippe Stark, Mathieu Lehanner, Marc Britillo, des chefs. On a fait des masterclass avec Massimo Buttira, Ben Chouri. J'avais 21 ans et en 4 ans, j'ai fait ce que je n'aurais pas fait en 12, je pense. Travailler sur des expositions sur les odeurs. J'ai beaucoup collaboré avec le parfumeur, mon grand ami Christophe Le Damiel, que j'embrasse. J'adore. Et sur tout ce lien entre les arômes, les parfums, comment tu crées ? l'odeur d'un burger, parce qu'en fait on n'apprend pas un parfumeur à faire l'odeur d'un burger, et on n'apprend pas non plus un aromaticien à faire l'odeur d'un burger, puisqu'on se concentre sur la rétro-olfaction, donc le goût. Et donc il y a tout un pont comme ça où on a séparé les gens, alors qu'il faut savoir qu'entre la parfumerie et l'aromatique, il y a quand même 50% des molécules qui sont communes, 50% des molécules qui ne le sont pas, mais 50% des molécules qui sont communes. Donc c'est quand même des métiers qui sont très liés.

  • Sisley

    Quand tu dis aromatique, tu parles de... Tout ce qui est au niveau de la bouche ?

  • Marlène

    Tout ce qui s'ingère, oui tout à fait.

  • Sisley

    Là où la parfumerie c'est plus le nez de manière générale.

  • Marlène

    Le nez et puis aussi sur la peau, parce qu'en fait c'est un produit qui est destiné à être porté, que ce soit sur les lessives ou en contact avec la peau. Donc les législations évidemment ce n'est pas les mêmes entre l'ingestion et le fait de porter sur la peau. Donc voilà, tous ces gens qui travaillent dans ce milieu, on appelle ça des nez, enfin c'est un peu un terme générique qu'on dit généralement les nez. C'est les grands parfumeurs de fine parfumerie. Il faut trouver des termes. Moi, je me sens ni... Alors, je ne suis pas parfumeur, je ne suis pas non plus aromaticienne parce que je ne crée pas au sens strict des arômes. Donc, je pense que ce qui me correspond le plus, et puisque j'ai exercé aussi pendant huit ans et en créant H-Theoria, évidemment, et les assemblages qu'on me demande de faire sur les spiritueux, je suis plutôt master blender. Et il n'y a pas vraiment de mot en français. On pourrait dire maître d'assemblage. Mille.

  • Sisley

    Donc un peu en comparaison avec le maître de chais ?

  • Marlène

    Le maître de chais, c'est technique dans le sens où il s'occupe des chais, de l'élevage aussi des spiritueux en barrique ou des vins, etc. Le maître d'assemblage, il fait l'assemblage. Moi, j'assemble des choses entre elles et je me reconnais vraiment dans ce terme parce qu'en fait, c'est un lien et c'est vraiment ce que j'ai l'impression de faire. J'associe des matières premières entre elles, à la manière des parfumeurs, mais j'associe aussi... l'art, la science, les couleurs, les saveurs. J'ai un monde qui se mélange vraiment, au sens du mélange. Donc voilà.

  • Sisley

    Ok, trop bien. Est-ce que ça se va si on vient vraiment un peu au tout début ?

  • Marlène

    Oui, pardon.

  • Sisley

    Non, non, non, c'était super intéressant. Tu as parlé de Maison Gabriel Boudier à Dijon. Ça m'intéresserait juste de comprendre un peu justement qu'est-ce qui se passe pendant ce stage. Tu as dit que ça avait été un peu une révélation. Comment ça se passe quand tu arrives à Dijon ? Avec quoi est-ce que tu en ressors ?

  • Marlène

    Déjà, mon rapport de stage, il faut savoir que c'était en 2009 que j'ai fait ce stage, j'avais 19 ans. Et il y a une nouvelle législation sur les arômes qui était sortie en 2008, la législation 1334-2008, la directive européenne. Et donc ça a changé pas mal de choses au niveau formulation, etc. Et donc moi, ils m'ont pris en stage justement pour rationaliser des recettes. Et étudier cette nouvelle législation pour dire ce qui allait devoir changer dans les recettes. Et ça, c'était avant que je passe mon concours pour entrer à l'ISIPCA. Donc j'étais vraiment calée, calée déjà sur les arômes.

  • Sisley

    C'est déjà technique comme stade.

  • Marlène

    J'étais déjà calée sur les arômes. Ça tombait plutôt bien. Donc j'ai fait toute cette partie-là de l'étude de la législation. De la rationalisation aussi, qui était très intéressante. Parce qu'en fait, dans leur base de données, ils avaient plein, plein de recettes sur certains ingrédients. Parce qu'ils créent aussi pour certains clients. un client, etc. Donc, comment on rationalise des recettes ? Comment, en fait, il y en a qui se ressemblent ? Est-ce qu'on ne peut pas en combiner certaines pour trouver un équilibre ? Tout ça, etc. Et puis après, participer aussi à des projets de R&D, et notamment sur le café à l'époque. Alors, c'est assez drôle, parce que le café m'a rattrapée aussi dans ma carrière. Oui,

  • Sisley

    au laboratoire, si j'ai bien lu.

  • Marlène

    Tout à fait. Et par la suite, j'ai beaucoup collaboré avec des torréfacteurs. En même temps, le café, c'est un monde aromatique très, très vaste et très incroyable. Et donc, du coup... Voilà, notamment sur des liqueurs de café et tout ça. Moi, ce que j'aime, j'adore les industries. Je trouve qu'aujourd'hui, on ne fait que l'eau à l'artisanat, tout ça. Et on a tendance à diaboliser l'industrie, qu'est-ce qui est industriel, parce que ça a été galvaudé. Mais il n'y a rien de plus humain qu'une industrie. Je ne sais pas si les gens ne se rendent pas compte, mais les gens qui travaillent sur les machines, déjà, les gens qui imaginent les machines, Parce qu'une machine, elle ne se crée pas toute seule. Une machine industrielle, elle est toujours adaptée à un produit, à un concept, à un lieu, tout ça, etc. Donc il y a des gens qui développent des machines de manière ingénieuse et il se passe plein de choses. Et puis après, les humains qui travaillent dans les industries sont des gens qui deviennent très experts de ce qu'ils font. Je n'ai jamais vu autant de gens, moi en travaillant chez Gabriel Boudier, aussi investis dans leur travail, aussi accrochés à leur travail. Vous rencontrez que des gens qui sont très experts. Les gens, ça fait 34 ans qu'ils sont là. et je pense qu'on a diabolisé parce qu'en fait on ne montre pas assez l'industrie aux gens mais une usine une industrie tout ça etc c'est fascinant C'est une marche à suivre, c'est des process, c'est plein plein de réflexions qui assurent ce qu'on appelle HACCP, les risques pour les gens qui travaillent, mais aussi pour les produits. C'est assez complexe de voir tous ces corps de métier qui travaillent ensemble pour que tout aille dans un sens. J'ai adoré travailler là-dessus, aller sur les chaînes de production, regarder comment on embouteillait, comment on distillait évidemment, parce qu'on met aujourd'hui vraiment l'accent sur... que le maître distillateur, la distillation, la lambique, ça fait un peu rêver, c'est un peu joli, mais il y a plein de métiers dans la production qui sont essentiels et dont encore une fois, on ne parle jamais.

  • Sisley

    Tu as un exemple comme ça ?

  • Marlène

    Ne serait-ce que les gens qui travaillent en R&D. Moi, je pense à toute l'équipe, par exemple, chez Gabriel Boudier, de R&D, qui font tous les projets de développement, etc. Je ne les vois pas en avant ou parler de leur métier, alors que c'est eux qui font les recettes. C'est vrai chez Gabriel Boudier, mais c'est vrai aussi chez... dans toutes les industries parce que je sais pas les gens trouvent pas ça sexy j'en sais rien mais moi j'aime bien valoriser leur travail c'est eux qui font les produits qu'on goûte et

  • Sisley

    justement pendant ce stage avec qui est-ce que tu travailles est-ce que c'est avec le DG avec les équipes R&D avec qui est-ce que tu collabores au quotidien ma maître de stage c'était

  • Marlène

    Céline Cocher qui est toujours Toujours chez Gabriel Boudier, qui s'occupait de la R&D, bien évidemment. Mais tu travailles aussi en collaboration avec la qualité. Parce qu'en fait, dès que tu reçois une matière première, il y a des analyses qui sont faites physico-chimiques avec des machines, mais il y a des analyses aussi qui sont faites sensorielles, pour savoir si, par exemple, l'alcool pur que tu reçois, est-ce qu'il n'a pas été contaminé. Quand je parle de contamination, je parle d'une contamination aromatique, je ne parle pas d'une contamination, qu'elle soit chimique ou microbienne, etc. Donc, est-ce que le... Le produit, est-ce que l'éthanol est vraiment pur ? Donc en fait, tu fais des tests triangulaires en R&D sur les matières premières que tu reçois pour savoir comment, est-ce que tel arôme tu l'as reçu, est-ce qu'il est pareil que la dernière fois, tout ça. On ne se rend pas compte, mais il y a beaucoup, beaucoup d'évaluations à faire. Et ça, une machine, elle peut te donner des renseignements sur la viscosité, sur le degré d'alcool, sur le pH, sur la couleur, etc. Mais ça ne remplacera jamais un nez humain. Et d'ailleurs, moi j'ai vu... J'ai vu des gens travailler justement sur les chaînes de production et être très, très experts au point de dire, ah, là, il y a un problème, je sens un goût qui ne devrait pas y avoir.

  • Sisley

    Oui, sans même regarder les chiffres, sans rien de ce que tu as.

  • Marlène

    En fait, voilà. Et les gens deviennent experts sur les machines, ils les connaissent comme des... Il y a vraiment un lien entre l'humain et la machine qui est fort, en fait. Et c'est des gens, voilà, sur les chaînes de production qui sont experts. Et puis, il y a aussi... C'est des métiers aussi qui peuvent avoir des contraintes, travailler sur une chaîne de production dans le bruit toute la journée, tout ça, etc. Oui,

  • Sisley

    le bruit potentiellement.

  • Marlène

    J'ai toujours vu dans les industries... avec qui j'ai collaboré ou dans lesquels j'ai travaillé, etc. Beaucoup, beaucoup d'engagement pour améliorer les conditions toujours de travail. Je pense vraiment que les industriels sont des gens qui innovent beaucoup pour les conditions de travail des salariés, mais aussi en production, des choses plus ergonomiques, tout ça, etc. Parce qu'à la base, ça peut être des métiers sur des chaînes de production qui peuvent avoir de la la pénibilité. Donc, voilà.

  • Sisley

    Ok, trop bien. Et par rapport à ton expérience d'aujourd'hui, tu dirais que t'as gardé quoi de ce stage ? Même si ça date un petit peu, mais quand tu fais ton travail aujourd'hui autre, qu'est-ce que tu penses avoir ? Ah là, ça vient peut-être de ce stage.

  • Marlène

    toute la prise en considération de la technique de production parce qu'en fait aujourd'hui il y a beaucoup de créateurs en fait ce qui est compliqué c'est que on a un peu séparé les techniciens des artistes tu vois et on va prendre quelqu'un un peu en termes marketing ou un bartender ou qui va avoir des super idées et puis après on se rend compte que c'est pas faisable techniquement Techniquement. Ça, ça arrive souvent.

  • Sisley

    Il se passe la même chose dans mon métier. C'est marrant.

  • Marlène

    Je dirais que moi, je ne me mets pas de barrière dans la création, mais je prends en compte quand même... Je travaille pour un projet, je suis allée visiter l'usine, j'ai interrogé les gens pour savoir c'était quoi les techniques de production, est-ce que le produit est chauffé, pas chauffé, comment, pourquoi, quelle viscosité, microbiologiquement qu'est-ce qu'il doit avoir, au niveau des réglementations, qu'est-ce qu'il doit respecter, en fait il faut le prendre en compte quand tu crées la recette. Donc c'est ça que ça m'apporte. et puis comprendre le métier après des gens qui vont reproduire ta recette parce qu'en fait, tu dois reproduire en quantité plus importante. Ce n'est pas juste une fiole, c'est la différence entre l'artisanat et l'industrie.

  • Sisley

    Oui, ok, trop bien. Cette expérience avait l'air d'être... Un peu un premier pas dans l'industrie, mais hyper intéressant. J'aimerais qu'on passe maintenant au laboratoire, parce que je pense qu'il y a aussi pas mal de choses sur la R&D. Est-ce que tu peux nous raconter, je ne sais pas, peut-être l'une des collabs que tu as faits ? Comment ça s'est passé ? Qu'est-ce que tu en as appris ?

  • Marlène

    Il y en a eu un certain nombre. Ce qui a marqué mon parcours, je pense, c'est avec Christophe Laudamiel, qui est parfumeur, qui à la base est vraiment chimiste, qui a un PhD de chimie, qui a travaillé toujours en Suisse ou aux Etats-Unis, qui n'a jamais travaillé en France, et qui est pour moi... Au-delà d'être une personne extraordinaire en tant que personne, un parfumeur incroyable dans sa vision, dans sa façon de faire évoluer la parfumerie, dans son militantisme aussi pour que la parfumerie soit moins élitiste, il fait en open source ses formules, il montre ses formules, tout ça, etc. et tout de parfum, et puis il fait des choses incroyables. Il a fait l'odeur des drogues au Musème, des odeurs pour certains musées, et pour certaines équipes. En le rencontrant, j'ai rencontré quelqu'un qui avait une aspiration, qui n'était pas, si tu veux, à l'ISIPCA. Il y avait les gens qui faisaient de la parfumerie, et c'était à l'époque, on te parlait de la parfumerie, juste les grands parfums, Dior, tout ça, etc. Moi, ça ne me faisait pas très fantasmée, parce que je trouve que c'est plus l'industrie, finalement, même de la cosmétique, de la beauté et tout. Et là, je rencontre ce créateur qui me met un pied plus dans la parfumerie, vraiment de créateur, de nid. niche tout ça, en plus c'est l'explosion à l'époque de la parfumerie de niche, qui est complètement génial, complètement fantasque, qui a une vision complètement ouverte du parfum et donc c'était l'éclate. J'allais à Berlin dans son labo ou à New York dans son labo la nuit, je sentais toutes les molécules de parfumerie parce qu'en fait moi j'avais fait aromatique donc il y a plein de choses que je ne connais pas.

  • Sisley

    C'est comment ça déjà ? Tu as dit quelle date environ ?

  • Marlène

    Et bien ça c'était 2011, 2012, 2013.

  • Sisley

    Ok, et ça ressemble à quoi ? Quoi, un labo de... Il était né ?

  • Marlène

    Il est parfumeur, parfumeur indépendant.

  • Sisley

    Oui, bien sûr.

  • Marlène

    Et ça ressemble à quoi ? Ça ressemble à des étagères avec plein de petites fioles partout. Il y en a mille au moins. Et puis après, chaque labo ou chaque orgue de parfumeur est différent. Mais en gros, il n'y a pas besoin de 36 000 choses pour être parfumeur ou faire mon métier, à part une balance. des contenants et puis des matières premières que tu mets sur des étagères et que tu trie comme tu veux, mais généralement par ordre alphabétique, en termes de molécules.

  • Sisley

    Donc j'imagine que là-bas, tu as découvert plein d'arômes ou de senteurs que tu n'avais jamais peut-être senti ?

  • Marlène

    Tu sens des molécules, oui, que je n'ai pas appris en aromatique parce que déjà, il y a à peu près 5000 molécules dans le monde, on va dire, aromatiques. C'est leurs combinaisons qui font tout ce qu'on est obligé de se comprendre. On peut sentir. Déjà, tu ne les apprends pas toutes. Déjà, si tu en connais 200, 300, c'est déjà pas mal. Surtout, il y en a beaucoup qui sont souvent utilisés, etc. Puis après, suivant les maisons de composition avec qui tu travailles, vu qu'il y a des molécules artificielles qui ont été brevetées par ces maisons, tu les as dans certaines maisons et tu ne les as pas dans d'autres. Donc voilà, il y a des choses aussi comme ça. Et puis, il y a de nous, il y a des molécules qu'on ne travaille pas en aromatique, que je n'ai pas appris, moi, à l'ESIPCA, parce que c'est la PARF. Donc... Tu découvres aussi tout un monde, et encore, il y en a encore maintenant aussi plein que je ne connais pas, parce que je ne suis pas parfumeur.

  • Sisley

    Et côté arômes, qui est un peu plus ton rayon, c'est quoi un peu les premiers arômes peut-être qu'on te fait découvrir quand tu es à l'ISIPCA, si je ne me trompe pas ?

  • Marlène

    L'isipka, tu apprends par notes des grandes familles d'aromatiques, où tu vas avoir les notes vertes, les notes mentholées, les épices, les notes florales, etc. Et puis après, tu apprends les notes espéridées, par exemple les espérides, c'est tout ce qui est citrus. En arôme, on dit citrus et en parfum, on dit espéridée. Les molécules, par exemple, le délimonène que tu retrouves dans l'orange, dans le zeste de pamplemousse, dans certains miels, ou encore le linalol, l'alpha-ionone, qui est une molécule qui sent vraiment la violette, enfin, qui a beaucoup dans la violette. Puis après, des molécules par famille, donc les fruités, la frambinone. Je te laisse deviner dans quoi on la trouve. La framboise. Exactement, mais pas que. On l'a trouvée aussi dans l'espace.

  • Sisley

    Dans l'espace ?

  • Marlène

    Oui.

  • Sisley

    Ok,

  • Marlène

    voilà.

  • Sisley

    Et attends, je ne l'avais pas mise comme question, mais ça m'intéresse vu que le podcast s'appelle quand même Origines. Est-ce que vous avez justement des cours un peu sur l'origine des arômes ? Qui l'a un peu théorisé, mis un nom sur tout ça ?

  • Marlène

    On a assez eu peu de cours là-dessus, à vrai dire. En revanche, les molécules aromatiques, si tu veux, existent dans la nature de manière générale. puisqu'elles composent la plupart des choses qui nous entourent, les végétaux, et pas que d'ailleurs. Et à la base, elles ont souvent des fonctions qui sont autres que celles d'être aromatiques, dans un métabolisme d'une plante ou quoi que ce soit, etc. Et nous, on a la capacité de les percevoir. Après, il y a ce qu'on appelle les molécules artificielles. Ce sont des molécules qu'on a créées dans des conditions laboratoires et qu'on n'a pour l'instant jamais retrouvées autrement. qu'en faisant cette réaction dans ces conditions, dans ce laboratoire. Encore une fois, si ces conditions dans l'univers étaient réunies quelque part, elles existeraient.

  • Sisley

    Oui, ok. C'est dommage qu'il ne parle pas un peu d'histoire et de... Est-ce qu'il y a une personne qui a un peu écrit ?

  • Marlène

    Oui, bien sûr. Il faut savoir qu'il y a Bria Savarin. Moi, je dis toujours que cet homme méritait largement plus que le nom d'un fromage parce que... Même si le fromage, c'est extraordinaire. Bria Savarin, il faut absolument lire Bria Savarin, c'est extraordinaire. Pour son époque, il a écrit Philosophie de la friture des trucs complètement barrés comme ça. Il a beaucoup parlé, évidemment, des plats, mais il avait aussi compris qu'il se passait quelque chose. Il avait déjà compris la rétro-olfaction, puisqu'il a dit Il n'existe pas de corps odorants qui ne sont pas… Il ne soit pas sapide, c'est-à-dire qu'il avait compris que quand quelque chose sent une odeur, si tu le manges, ça a forcément un goût aussi. Un goût au sens rétroactif et pas au niveau des saveurs. À l'époque, on ne connaissait pas. Il faut savoir aussi que c'est très tardif, les découvertes sur l'odorat. Il y a plusieurs choses qui expliquent ça. Déjà, la première chose, c'est que l'odorat, c'est un sens qui est assez complexe. On a entre 250 et 400 récepteurs dans notre nez qui nous permettent de... de sentir des combinaisons infinies d'odeurs. A contrario, tu vois, dans ton œil, tu as trois à quatre récepteurs. Donc, ça ne se passe pas du tout la même chose. Et puis surtout, il y a un dépôt de matière, on va dire. Par exemple, le luit, c'est vibratoire. Donc, c'est par rapport aux fréquences qui font vibrer le tympan et qui créent le son. Mais si tu veux, une fois que tu arrêtes la musique, le son ne continue pas. On pourrait parler des échos, etc. Mais une odeur dans une... Les pièces, les molécules, elles sont en suspension, elles restent là, si tu veux, si tu n'aères pas, si tout ça, etc. Donc c'est différent déjà en termes de perception. Ensuite, ce qui se passe physiologiquement, c'est que ça active, l'odorat active beaucoup plus de zones du cerveau que par exemple l'air visuel. On appelle ça le système limbique. Donc il y a plein plein de régions de ton cerveau qui s'activent quand tu as une expérience olfactive ou gustative ou les deux. Et d'ailleurs... Le cerveau intègre des informations très clairement combinées entre l'odorat et le goût. Donc ça rend quand même les choses un peu plus complexes au niveau de l'interprétation cérébrale. C'est la plus reliée à l'émotion, à la mémoire, à tout ça, etc. D'ailleurs les Madeleines de Proust, tout ça.

  • Sisley

    Ensuite, il y a une explication culturelle. Il faut savoir qu'il y a eu les hygiénistes, à un moment donné, qui sont arrivés dans nos sociétés parce que... Paris, en 1700, vous ne voudriez pas savoir l'odeur que ça avait. C'était absolument insupportable. Je pense que ce serait insupportable pour nous, l'odeur. On a relié les mauvaises odeurs aux maladies, à tout ça, etc. On a éliminé les mauvaises odeurs, il fallait se parfumer, etc. On a quand même mis de côté certaines odeurs et notre capacité à les sentir, à les analyser, à en parler. Et puis, il y a eu... Justement du siècle des Lumières, beaucoup de gens qui voulaient élever l'humain plus haut que l'animalité, et donc il y a notamment Kant qui a beaucoup décrié l'odorat, qui a dit que ça nous ramenait trop à notre animalité, qu'il fallait mettre de côté l'odeur, tout ça. Donc il y a eu ces explications-là. Heureusement ça a été rétabli un peu par la suite, notamment par Nietzsche, qui était un très très grand défenseur de l'odorat, qui disait toujours mon génie est dans mes narines Et aussi, après, avec la psychanalyse, notamment Freud, Jung, qui ont vu qu'il y avait quand même des rapports aussi entre les odeurs, toutes ces hallucinations olfactives. Charcot, il en a parlé aussi.

  • Marlène

    C'est quoi ça, une hallucination olfactive ?

  • Sisley

    De même que vous pouvez avoir des hallucinations visuelles, il y a certaines personnes qui ont des hallucinations olfactives.

  • Marlène

    On croit sentir quelque chose, et finalement...

  • Sisley

    Qui n'existe pas. En tout cas, la matière de perception n'est pas... Pas dans l'air, quoi.

  • Marlène

    Parce que sinon, j'aurais pas imaginé qu'il y avait autant d'histoires liées à l'odorat.

  • Sisley

    Bien sûr. Ça s'appelle la phantosmie. Les gens qui sont atteints de phantosmie, ils ont des hallucinations olfactives.

  • Marlène

    Ok. Qu'est-ce qu'on va apprendre des choses aujourd'hui ? Trop bien. Juste avant de revenir un peu sur le laboratoire, est-ce que tu pourrais nous vulgariser la rétro-olfaction ?

  • Sisley

    Ouais, tout simplement. C'est très simple. Quand vous êtes très enrhumé et que vous mangez du chocolat, Vous ne sentez pas ce qu'on appelle malencontreusement en français le goût du chocolat. C'est-à-dire que vous percevez que c'est sucré, vous percevez l'amertume, ça c'est ce qu'on appelle les saveurs, ça se perçoit sur les papilles gustatives, sur la langue, mais vous ne percevez pas ce qu'on devrait appeler l'arôme du chocolat, c'est-à-dire le côté douceureux, le côté chocolaté vraiment. Et bien ça tout simplement parce qu'en fait le canal entre votre bouche et votre nez, Il est bouché par le mucus parce que vous êtes malade. Ce qui montre bien qu'en fait, il y a un passage qui se fait, même si on ne le sent pas. C'est ça la rétro-olfaction. La rétro-olfaction, vous croquez dans le chocolat, et les molécules aromatiques du chocolat, elles remontent derrière jusqu'à votre épithélium olfactif. L'épithélium olfactif, c'est plein de petits cils qui sont tout au-dessus de votre nez, on va dire entre vos deux yeux, physiologiquement. Et c'est là que sont captés les molécules aromatiques. C'est pour ça que les gens qui ont eu le coup... qui sont devenus anosmiques, c'est-à-dire qui avaient perdu l'odorat, ils mangeaient des trucs et ils ne percevaient pas. Ce n'est pas pareil qu'à Geusic. Il y a aussi des gens qui ont eu le Covid qui sont devenus à Geusic. Ça, c'est quand on perd le sens du goût. Le goût, c'est les saveurs, c'est-à-dire est-ce qu'on perçoit que c'est salé, sucré, etc. Et ce n'est pas du tout les mêmes récepteurs et ça ne marche pas pareil. Mais souvent, on dit le goût du chocolat alors qu'en fait, c'est l'arôme du chocolat. Parce que le goût du chocolat, ce serait sucré, amer, par exemple. Ça, ce sont les saveurs. OK, l'arôme n'a pas plus de spectre. L'arôme, c'est vraiment les molécules aromatiques qu'on pourrait sentir en olfaction directe. L'olfaction directe, c'est l'air qui rentre par vos narines et qui vont exactement au même endroit, sauf que c'est par le nez. La rétro-olfaction, rétro en arrière, c'est parce que ça passe par l'arrière de la gorge pour remonter dans le nez.

  • Marlène

    Ok, super intéressant. J'adore. J'adore apprendre du vocabulaire, donc c'est parfait. Si on revient un petit peu sur le laboratoire, Je me remets sur ma question.

  • Sisley

    J'ai un peu digressé. Non,

  • Marlène

    t'inquiète pas, c'est super intéressant. Oui, on se posait un peu sur est-ce que t'avais un peu un exemple de collaboration que t'as fait ? Parce que même si c'est avec Thierry Marx ou autre, c'est quand même deux métiers peut-être totalement différents, mais qui ensemble peuvent permettre de créer... des projets différents. J'ai vu des choses sur Olfactive Project, des SMS parfumés, un inhalateur de fines particules de café. Est-ce que tu as une expérience que tu aimerais raconter de ce passage au laboratoire et qui t'a ouvert une possibilité de création ?

  • Sisley

    Pour Philippe Starck, il y a eu une collaboration entre David Edwards et Philippe Starck, le designer. C'était très impressionnant, j'avais 23 ans. c'est-à-dire que ma maman a fait des études de déco, etc. Donc elle est très branchée designer et tout. Quand je l'ai appelée, je lui ai dit, je vais travailler avec Philippe Sark. C'était comme une dingue. Et ils ont imaginé en fait un spray qui donnerait un peu la sensation gustative, tout ça de l'ivresse, sans l'ivresse. Et le brief, c'était, il fallait que je fasse le goût d'un nuage. Et donc j'ai vu Philippe Sark et je me suis dit, il va être cool. Comment on imagine un nuage en fait ?

  • Marlène

    C'est quoi la Est-ce que le brief est plus précis ?

  • Sisley

    Et il m'a laissé assez carte blanche. Il y en avait un, c'était un peu ange, et l'autre un peu démon on va dire. Donc il y avait quelque chose qui était très pimenté dans la formulation, piquant, etc. A l'époque j'ai collaboré aussi. avec un aromaticien qui s'appelle Arnaud Bousquet, chez Givaudan. Et c'était super intéressant de travailler là-dessus avec des premières formules. Voilà, ça c'était entre autres, mais il avait aussi développé une machine qui s'appelait le WAF avec Marc Britillo, qui est en fait un appareil qui permet de brumiser en très très très très fines petites gouttelettes un liquide. Et donc du coup, vous pouvez aspirer un espèce de nuage, on va dire, et après ça retapisse la bouche, et donc vous sentez l'aromatique, les arômes qu'il y a dedans. Et donc ça, j'ai fait beaucoup, beaucoup de formulations pour des événements avec cet appareil, parce que ça permet d'avoir l'aromatique sans la matière. Et j'ai adoré, pour le lancement de l'album de l'artiste Hall, France, que je salue d'ailleurs, j'ai créé le goût de cinq de ses chansons. avec cet appareil. Donc il y avait des stèles où on écoutait avec des casques la musique et on pouvait inhaler un goût qui n'existait pas et qui était pour moi l'interprétation de ces chansons.

  • Marlène

    Donc tu écoutes, tu essaies de voir ce que ça te fait ressentir et tu fais un assemblage de ça que tu mets dans le wax.

  • Sisley

    Non, ça c'était le WAF. Il y a le WA, il y a le WAF, il y a le WIF. À l'époque, c'était les noms comme ça. Et ça, ça m'a évidemment beaucoup marquée. je l'ai fait aussi pour d'autres événements avec de la peinture tout au laboratoire c'était très marquant je me suis vraiment découvert un monde artistique jusqu'à présent j'étais dans un monde un peu conventionnel de l'aromatique même si l'aromatique c'est pas très conventionnel même de base Et là, je... Comme un poisson dans l'eau.

  • Marlène

    Et justement, dans cette expérience, si tu repenses un peu à la cellule de R&D, est-ce qu'il y a des personnes qui ont des spécialités dans cette cellule ? Est-ce qu'il y a un sujet et quelqu'un le prend ? Parce que, je ne sais pas, il y a la motivation ou il y a juste l'expertise pour ça ?

  • Sisley

    Non, on travaillait beaucoup avec des designers, etc. Par exemple, pour le Ophone, c'était un projet pour envoyer des SMS olfactifs, justement. Donc moi, j'ai collaboré avec Christophe Lodamiel sur la partie olfactive parce qu'en fait, il fallait faire des parfums, avec des molécules de parfums. Mais c'était à l'époque les débuts d'Instagram, etc. Et on s'était rendu compte que la plupart des gens, ils photographiaient de la bouffe. Donc si tu... Vous voulez envoyer des odeurs par SMS, il fallait créer des odeurs de bouffe. Sauf que... On n'apprend pas à un parfumeur, encore une fois, à faire l'odeur d'un cheat burger, de l'ail, etc. Donc, ça, on s'est pas mal amusé avec Christophe. Il fallait travailler aussi sur les nouveaux supports. On a travaillé sur un brevet sur les nouveaux supports aromatiques qui étaient capables de catcher les odeurs et de les garder pour faire des cartouches. Puis, tu travailles avec des designers, notamment Laurent Millon, que j'embrasse aussi, de Millimètre Studio. Et on était tous... C'était très early stage. C'est-à-dire, moi, je travaillais vraiment sur la partie... conception. Donc, t'imagines comment ça peut marcher. Puis après, une fois que ça commence à marcher, là, tu levais des fonds, il y avait des startups qui étaient créées. Et là, on embauchait des gens qui allaient développer plus intensément. Mais là, on était vraiment sur la partie conception et travaillé aussi avec des chefs. On a travaillé une masterclass avec Massimo Buttira, par exemple. Trois jours de masterclass avec Massimo Buttira, qui était qui a été élu meilleur chef du monde, qui fait des choses incroyables. Il avait fait un jus de canard complètement dingue avec du riz toasté pour faire des nuages aromatiques. Et ça, c'était il y a 13 ans.

  • Marlène

    Oui, on est... Je ne sais pas à quel moment elle bouillit. Je n'ai pas la date.

  • Sisley

    C'était à peu près dans ces eaux-là, bien sûr.

  • Marlène

    J'ai adoré le reportage Chef Table sur Adrienne. Je ne sais plus les noms des deux chefs, frères chefs, qui ont créé Albuli, le restaurant à Barcelone.

  • Sisley

    Les frères Roca.

  • Marlène

    Oui, il me semble, oui, qui ont créé la cuisine moléculaire. Très intéressant, je vous recommande.

  • Sisley

    C'est vraiment Hervé. Avant ça, il y a même Hervé Tisse à la base. C'est Hervé Tisse qui a beaucoup travaillé sur le concept de cuisine moléculaire. sur la chimie, tout ça, etc. Et puis il y a Raphaël Aumont qui a beaucoup travaillé avec Thierry Marx, qui est un chimiste qui s'est spécialisé évidemment dans toutes les réactions de la chimie, de la cuisine avec Thierry Marx pendant des années.

  • Marlène

    Ok, c'est fascinant. Il y a un monde de R&D qui est énorme. Est-ce que c'est quelque chose qui t'intéresse encore, de bosser peut-être dans un studio de R&D, une agence de R&D ?

  • Sisley

    Bien sûr. Moi, c'est ce que je fais aujourd'hui. C'est-à-dire qu'il y a des gens qui m'appellent pour la conception de produits, etc. Donc, c'est mon ADN. Et puis, j'adore collaborer avec d'autres métiers. Je pense que c'est la richesse de la R&D, recherche et développement, pour ceux qui ne sauraient pas.

  • Marlène

    Oui,

  • Sisley

    c'est vrai. C'est un monde à la croisée des mondes parce que ça réunit encore une fois de la technique, de l'innovation, réfléchir à la législation, à comment est-ce qu'après... le produit, etc. Et puis, toutes les demandes ne sont pas les mêmes. Donc, c'est fascinant.

  • Marlène

    Oui, mais c'est marrant parce que justement, l'une de mes questions, c'était qu'est-ce que c'est qu'un master blender ? En fait, je me suis notée... Parce que pour moi, blend, ça me fait penser au burger. T'as un restaurant où tu fais ta viande, tu mets des épices au haut, ça s'appelle un blend. Et l'une de mes questions, c'était est-ce que c'est lié à ça ? Et c'est marrant parce que depuis tout à l'heure, on parle des odeurs ou de l'arôme de burger. Et on parle de master blender qui est un mot qui me fait penser au burger.

  • Sisley

    Donc c'est marrant. Simplement, il s'appelle blend parce que blend, ça veut dire le mélange en anglais. Et donc c'est le fait de mélanger. Enfin, ils ont pris ce nom, je pense, pour le mélange. Et donc le master blender, c'est celui... Le maître mélangeur, on pourrait dire, le maître d'assemblage qui mélange, c'est beaucoup utilisé aux Etats-Unis ou dans les pays anglo-saxons pour les gens vraiment qui font les assemblages de whisky, de gin, etc. Moi, j'ai toujours eu un problème pour définir mon métier. Je ne me sens pas aromaticienne, je me sens designer, mais designer, ça fait penser plus au design, pas vraiment produit. Et tout ça. Bon. Je ne suis pas parfumeur, je ne suis pas maître de chais, je ne suis pas que R&D, je suis un concepteur. Il y a des concepteurs rédacteurs par exemple, moi je serais un concepteur olfacteur. Oui, pas que, parce que la conception d'un produit, ça englobe évidemment la formule et la recette. Mais moi, je réfléchis aussi beaucoup sur, comme son nom l'indique, le concept. Donc l'univers, le nom. Des fois, on me file des projets page blanche en me disant, propose-nous des pistes créatives. Il y a des gens qui savent ce qu'ils veulent, mais généralement, les gens m'appellent plus pour une patte. C'est comme... Je compare ça un peu à un artiste, un musicien, un compositeur. Je suis un peu compositeur, sauf que ce n'est pas de la musique. Dans le sens où... Ou réalisateur, dans le sens où tu as quand même une patte, un style.

  • Marlène

    J'ai vu que tu avais mis sur ton LinkedIn directrice de la création. Pour moi, c'est très lié à directeur artistique. le caractère de la création, où tu peux aussi venir avec un concept, une idée, et bien sûr une manière de l'interpréter et de lui donner vie en fait.

  • Sisley

    Exactement, donc c'est pas que la formule, tu vois, basico-basique, mais j'aime réfléchir ou participer à l'élaboration de la conception du produit, du produit ou d'une marque d'ailleurs, c'est ce que j'ai fait avec H-Theoria, quand j'ai créé H-Theoria avec Camille. Et du coup... c'est un peu plus vaste que juste faire la formule.

  • Marlène

    Oui. Et si tu devais résumer à quelqu'un un peu tes tâches de manière régulière, qu'est-ce que fait une directrice de la création ? Qu'est-ce que toi, tu fais ? Je sais que c'est dur à résumer, mais de manière générale, pour qu'on comprenne tout le spectre de ce que tu fais.

  • Sisley

    Oui. Pendant huit ans, j'ai cofondé avec Camille Hédin la marque H-Theoria, qui a été revue. ...prendu il y a peu de temps. Donc pendant 8 ans, j'ai aussi été toute la casquette chef d'entreprise, qui englobe quand même des métiers qui sont très très loin de ce que je fais, mais qui sont du marketing, de la com, du management, de la comptard, tout ça, etc. Donc voilà. Mais globalement, aujourd'hui, je dirais que... J'ai trois, on va dire, trois cœurs, trois cœurs de métier. J'aime l'idée d'avoir trois cœurs, comme une pieuvre. Non, je crois qu'il y en a plus que ça. J'ai essayé de définir parce qu'en fait, moi, j'aurais adoré ne pas choisir, ne pas me mettre dans une case et être... Mais les gens ont quand même besoin de comprendre ce que tu fais et de clarifier aussi ce que tu fais. Donc moi j'ai trois vraiment coeurs de métier, la conception produit, ça c'est une première chose, notamment de produits alimentaires. bien que j'adorerais j'ai plein de trucs dans les tiroirs parfums ou même mobilier parce que j'adore l'art de la table j'adore les verres, j'adore la fashion je me nourris de plein plein d'univers et donc je me dis dans cette vie pourquoi pas faire d'autres produits que des produits alimentaires mais toujours qui ont un rapport avec l'émotion et la sensorialité quand même hum Donc la conception de produits alimentaires, notamment de boissons. Il faut savoir que ma spécialité, c'est quand même les boissons. Même quand j'ai fait mon apprentissage dans un labo spécialisé dans les arômes de menthe, quand j'étais à l'Égypte, qui s'appelait HM Todd, qui était un labo américain. Et donc je travaillais aussi sur les boissons à l'époque. Mon sujet d'alternance, c'était créer une gamme de boissons à la stevia. C'était la grande mode de la stevia, etc. Sauf que tout le monde s'est emballé pour la stevia. L'édulcorant naturel, tout ça, etc. Pas de calories, tout ça. Sauf que c'était dégueulasse. On t'en mettait, ça avait le goût de réglisse, les gens détestaient et tout. Et donc du coup, moi je devais travailler sur proposer une gamme de boissons à des clients qui contenaient de la stevia. Et déjà à cette époque, j'avais fait des assemblages un peu particuliers parce que je me suis dit, la problématique c'est que ton cerveau sait ce qu'est le goût de la fraise et ce qu'il veut comme goût de fraise ou comme sirop de fraise, etc. Donc du moment qu'il va percevoir une différence aromatique, il sent qu'il est carotte et que ce n'est pas normal. Donc la problématique c'est qu'il faut créer des goûts que les gens n'ont pas encore enregistrés. pour que ce soit pas bizarre, que ça sente ce petit goût de la stevia. Donc j'ai créé des boissons, des boissons gazeuses qui étaient à l'époque, tu vois, je te dis 2010 aussi, avec des assemblages épices-fruits, bananes-jasmin, enfin voilà, des choses comme ça, et qui faisaient que... Tu ne savais pas vraiment ce que c'était le goût de ça, donc il fallait que ce soit équilibré, à la fois l'amertume ou le goût de la stéviard, ce n'était pas une problématique. J'ai fait chez Gabriel Boudier sur les spiritueux, après j'ai eu ça comme alternance, donc même quand je n'étais pas encore dans la vie professionnelle, tout m'a mis vers les boissons, et après au laboratoire, j'ai travaillé beaucoup sur les liquides, les sprays, les poudres, tout ça, et pas tant sur des produits alimentaires classiques. Après, j'ai été deux ans en freelance. Donc là, j'ai fait aussi des projets plus particuliers. J'ai notamment travaillé avec une chef vegan à l'époque pour créer des recettes vegan, foie gras vegan, tout ça, etc. À l'époque aussi, pareil, 2015 à peu près.

  • Marlène

    Donc super en avance.

  • Sisley

    C'était l'idée nouvelle.

  • Marlène

    Il y a beaucoup plus d'offres aujourd'hui en tout cas qu'en 2015.

  • Sisley

    Exactement. Donc... Et puis après, j'ai aussi travaillé pour des maisons de parfum, par exemple, en événementiel, comment tu transformes les notes d'un parfum en aromatique, justement en utilisant ce waaf, ce nuage, pour pouvoir inhaler et goûter les notes des parfums alimentairement. L'univers m'a toujours portée entre les parfums et les arômes, et surtout sur les liquides. Pour répondre à ta question, pour en venir plus loin, conception, produit, food, spécialisé, liquide, spirituel ? mais pas que évidemment j'ai créé une marque de liqueur donc les spiritueux c'est quand même mon domaine de prédilection mais on m'appelle aussi pour des sirops pour des boissons, sans alcool j'adorerais travailler sur des bouillons enfin j'ai pas de rien là dessus ensuite mon deuxième coeur c'est vraiment la direction de création, la direction artistique sur tout ce qui va être un peu identité, moodboard shooting photo J'ai vraiment découvert cette partie de ce que j'aime et sur quoi je pense avoir quelque chose à apporter avec H-Theoria, puisque nous, H-Theoria, on a démarré toute seule sur notre canapé, donc il fallait bien faire les photos, tout ça, etc. Donc en collaborant avec... Avec des agences, en collaborant après avec des photographes, tout ça, etc. Je me suis pris une passion pour tout ce qui est le set design, la direction artistique, sur l'identité de marques très fortes artistiques, le graphisme, le set design de photographie. Et puis à côté de ça, en plus, personnellement, je faisais de la photographie. Donc c'est quelque chose qui me parle beaucoup et qu'on m'appelle. Et ça va aussi un peu plus loin, c'est aussi surtout ce qui est l'écriture, parce que j'écris aussi beaucoup, j'écris de la poésie depuis que j'ai... je ne sais pas, 7 ans. Donc l'écriture et la littérature sont quelque chose qui m'animent énormément. Les mots sont très importants. Enfin, je pense qu'on l'avait vu, ceux qui connaissent H. Théoria. sont quelque chose qui est fondamental, même, je dirais, dans ma capacité à créer, à en parler, à tout ça. Et du coup, j'écris aussi pour des marques. Et après, le troisième cœur, c'est vraiment tout ce qui est pédagogie. Parce que moi, je pense que dans ce monde, il faut transmettre ce qu'on nous donne. J'ai eu la chance d'avoir... qu'on m'ait enseigné des savoirs qu'on n'enseigne pas partout. Et aujourd'hui, on vit dans un monde où... où effectivement les gens sont de plus en plus experts, s'intéressent de plus en plus à l'olfaction et heureusement, donc il y a plein de choses à dire. Évidemment avec ChatGPT et Google on peut trouver plein de choses, mais rien ne remplace la capacité des sensations émotionnelles et tout. Donc sur la partie pédagogie j'ai donné des cours. pendant quelques années à l'ISIPCA, justement. Un sur les arômes de café et puis l'autre au master sur les liqueurs, les spiritueux. Et je leur apprenais à faire, pour les entraîner, je leur faisais faire les liqueurs, le goût d'un tableau ou d'une musique. Voilà. Donc c'est des exercices qu'ils n'avaient pas l'habitude de faire. Je donne des cours à l'université de Tergy-Pontoise, aux licences de design culinaire aussi, sur l'aromatisation. Et puis des masterclass sur comment on sent le vocabulaire olfactif, soit publiques ou privées. Donc, voilà.

  • Marlène

    Oui, j'ai vu que tu en avais fait pour, justement, H-Theoria, je crois, en novembre.

  • Sisley

    Oui, j'en ai fait beaucoup sur H-Theoria, bien évidemment. Et puis, je continue d'en faire sur des sujets aussi larges et vastes qu'on peut avoir, surtout sur la façon de parler. Et donc, dans cette partie pédagogique, je viens de créer une nouvelle page qui s'appelle Poétique Molécule, où, justement, Mon ambition, pour l'instant c'est en création, c'est de pouvoir partager et apprendre aux gens à parler de ce qu'ils sentent, ressentent et goûtent, et pas quelque chose d'élitiste, comme on voit sur les parfums ou le vin, mais de l'ordre des sensations, qu'ils peuvent apprendre des choses sur leur corps, leur manière de percevoir,

  • Marlène

    tout ça. Ok, c'est super, ça me fait une super transition pour ma prochaine question. Quand j'avais fait les... C'est l'épisode avec Simon, d'Alabat Armaniak. À la fin, on avait dégusté son Armaniak, l'un des trois de ses Armaniaks. Et il m'avait justement expliqué Alors non, ne prends pas le verre et mets pas ton nez directement dedans parce que tu vas te griller. Alors, je n'ai pas tous les mots, mais Tu vas te griller le nez avec la puissance de l'alcool et la puissance du dégré. Il m'avait dit Non, ce n'est pas comme un vin. Pareil, on ne le tourne pas. On va le sentir plutôt de loin. Est-ce que, justement, tu as des produits ou des senteurs qui ont un peu des spécificités ou on ne va pas les humer de la même manière que d'autres ?

  • Sisley

    Alors moi je ne suis pas une ayatollah de la façon de des protocoles de dégustation et je ne veux pas contredire Simon quand je l'embrasse au passage effectivement il y a des verres ou des contenants qui sont mieux pour certains spirituels suivant le degré d'alcool etc et c'est tout à fait vrai Par exemple, on fait souvent goûter dans des verres tulipes, les cognacs, des spiritueux qui ont un haut degré d'alcool. Moi, je trouve que c'est une connerie parce que tu te prends effectivement l'éthanol dedans. Mais je trouve que ce qui est intéressant, c'est de montrer par contre que le contenant a une importance et que les gens testent par eux-mêmes de goûter la même chose dans un verre à vin, dans un verre comme ça ou dans un verre ouvert. et voient la différence, parce qu'il y en a une, bien évidemment. Mais de là à dire que la température joue presque plus que le contenant, je trouve, ça se vaut. L'humeur aussi. À ce moment-là, si on prend un facteur, on les prend tous. Si vous êtes le matin, si vous êtes le soir. Pour les femmes, suivant le cycle menstruel dans lequel on est, on ne sent pas la période du cycle menstruel dans lequel on est, on ne sent pas pareil non plus. C'est ça. Si vous êtes triste, si vous n'êtes pas bien ou si vous êtes heureux, vos perceptions vont changer et c'est normal. Donc on ne va pas percevoir la même chose. Après, ça dépend si on veut comparer. Encore une fois... Ça pose la question de pourquoi vouloir sentir comme un expert ? Si le but, c'est de se faire plaisir, vous n'avez pas besoin, et me semble, je trouve, mais vous pouvez très bien déguster quelque chose dans quelque chose qui vous fait plaisir, un verre à vin, un verre différent, etc. Si vous voulez être dans un geste précis, d'expert, tout ça, vous pouvez suivre des recommandations du producteur, du créateur qui a produit le produit et qui, lui... pense que son produit est mieux mis en valeur dans un certain contenant ou d'une certaine manière dans un parfait serve. Et puis après, par contre, effectivement, si vous voulez faire des concours, vous comparez aux autres, etc. Il faut utiliser des choses qui sont comparables et rationalisées de partout. Mais en fait, j'ai envie de dire, ça dépend de quelle est la volonté. Voilà, la volonté, c'est flatter son égo. Effectivement, vous pouvez avoir un protocole, la prendre par cœur, tout ça, etc. Moi, je trouve ça... Chiant comme la mort.

  • Marlène

    Oui. Et justement, pour quelqu'un qui veut juste... Moi, par exemple, j'aimerais bien développer un peu plus mon odorat, mais plus pour moi en vrai que pour autre chose. Qu'est-ce que tu me conseillerais de... Juste de faire plus dans mon quotidien pour au fur et à mesure... Parce que je sais que c'est aussi beaucoup de temps, beaucoup d'olfaction, etc. Qu'est-ce que tu me conseillerais de faire pour au fur et à mesure développer mon odorat ?

  • Sisley

    Alors, la première chose, c'est que tu ne pourras pas développer ton odorat puisque... Ta capacité à sentir, elle vient des récepteurs que tu as. Et ça, c'est génétique. C'est de l'ordre de l'inné et pas de l'acquis. C'est-à-dire que si tu n'as pas certains récepteurs à certaines molécules, on va dire, tu ne les auras jamais. Ils ne vont pas pousser, etc. Donc, tu ne peux pas, à proprement parler, booster ton odorat. En revanche, ce que tu peux booster, c'est ta mémoire olfactive. Ce qui est très différent et ce qui est très important aussi. C'est-à-dire ta capacité... à mettre des mots sur ce que tu sens et à te rappeler les odeurs et à les identifier. Ça, ça se travaille. Ça, ça se travaille. Il n'y a pas 36 000 façons. Il faut sentir le plus possible, goûter le plus possible d'ingrédients, de choses, essayer de faire les points communs. Il faut cuisiner, il faut goûter le plus possible, le plus possible, le plus possible. La différence entre du basilic, du basilic thaï, le point commun entre le basilic thaï et l'ani. Enfin voilà, et découvrir en fait, se faire confiance. Arrêtez de penser qu'on est nuls sur les odeurs. Moi, c'est ce que j'entends constamment dans mon métier. Je rencontre que des gens qui me disent moi, je sens rien, je suis nul, etc. Non, il n'y a personne qui est nul. Ou MIT, il y a quelques années, ils ont fait une expérience où ils ont fait suivre une trace de cacao dans de l'herbe à un panel de personnes qui avaient les yeux bouchés, les oreilles fermées, donc juste à l'odeur, comme un chien. Et les résultats sont plutôt concluants, on est en capacité totale de le sentir. Et on ne se rend pas compte que l'odeur, on sent très bien, on sent très bien. Mais on ne sait pas mettre de mots sur ce qu'on sent, déjà parce qu'on ne nous l'apprend pas. On vous apprend à l'école à 5 ans les couleurs, on vous apprend les notes de musique, il n'y a personne qui vous apprend les odeurs. Donc il n'y a pas quelque chose qui est collectif dans l'éducation là-dessus. Donc ça dépend beaucoup en fait de l'éducation personnelle que vous recevez. Est-ce que de là où vous vivez, et puis on a tendance à s'auto-centrer sur aussi les régions du monde dans lesquelles on vit, etc. Mais les perceptions des odeurs et de ce qui est bon, pas bon, etc. Elles changent énormément suivant les régions du monde, suivant les cultures. Voilà, les Japonais chinois, ils sentent du fromage. Pour eux, ça sent juste les pieds, c'est immonde. Et nous, le durian, on sent ça, on se dit comment est-ce qu'on pourrait manger ça ? Donc, il y a aussi toute une partie qui est culturelle. qui est de l'ordre de l'apprentissage. Il faut, comme tout dans la vie,

  • Marlène

    être curieux,

  • Sisley

    ouvert, goûter. Et surtout, moi, je trouve que c'est important de manger aussi des choses qu'on n'aime pas.

  • Marlène

    Oui. Et comprendre pourquoi est-ce qu'on n'aime pas, peut-être aussi...

  • Sisley

    Ou même pas spécifiquement. Il y a une différence si tu veux vraiment identifier, si tu veux vraiment... En fait, si tu supprimes déjà tout ce que tu n'aimes pas, c'est-à-dire ce qu'on appelle... un choix discriminant, puisque tu mets de côté certaines choses que tu dis moi j'aime ou j'aime pas, ou certaines choses que tu dis ça c'est bon, ça c'est pas bon, du coup forcément tu mets de côté plein de choses qui pourraient t'apprendre aussi des choses. Et moi, par exemple, je déteste la nid et la menthe, c'est pas trop mon truc. Et je me suis pourtant éclatée quand j'ai fait une alternance dans la menthe et la nid, parce que j'ai... En plus, on est plus fort, je trouve, dans la discrimination et dans la différenciation pour les choses qu'on n'aime pas.

  • Marlène

    Oui, sinon on part à biaiser, en fait.

  • Sisley

    Ça, ça s'apprend aussi. Il faut mettre de côté ce qu'on appelle l'hédonisme. Et ça, c'est ce qu'on fait beaucoup en analyse sensorielle. Parce qu'il existe aussi beaucoup de panels d'analyse sensorielle, de gens qui font mon métier, mais pour décrire, identifier tout ça. Ça dépend de ce qu'on veut avoir comme résultat. Mais en fait, on apprend à mettre... de côté les critères hédoniques. C'est-à-dire j'aime, j'aime pas, c'est plus si, c'est moins ça, c'est douceureux. Tout ça, c'est de l'ordre du jugement.

  • Marlène

    C'est du subjectif, oui.

  • Sisley

    Si vous voulez être dans la description, ça pue, ça pue pas, c'est pas une description.

  • Marlène

    Je vais poser une question super bête. Est-ce qu'on peut être allergique ou intolérant à un arôme ou une odeur ?

  • Sisley

    Alors, tu peux détester une odeur, etc. Être allergique à une molécule, oui, mais généralement, les allergies, elles sont plus de l'ordre respiratoire ou de la peau. Il y a des ingrédients qui te... Et les allergènes, les allergènes ne sont pas forcément des molécules aromatiques. C'est souvent plus le support de l'arôme qui peut être irritant, etc. Et après, par contre, on a des aversions, bien sûr, heureusement. Oui, on n'est pas comme notre voisin, on a du vécu. Si la première fois que tu as goûté un ingrédient, on t'a cassé la jambe, il y a de fortes chances que tu n'aimes pas cet ingrédient. D'ailleurs, on le voit avec... Les gens qui ont été malades, qui ont eu soit une intolérance alimentaire, une indigestion alimentaire, ou qui se sont tout simplement pris une première cuite quand ils étaient très jeunes ou très malades. Après, tu fais un rejet, tu ne peux plus du tout le boire. Moi, c'est la fondue Savoyard, par exemple. J'avais 8 ans et je ne peux même pas rentrer dans une pièce où on fait de la fondue Savoyard.

  • Marlène

    Ah oui, c'est une mémoire. Moi, c'est la liqueur de mandarine.

  • Sisley

    Ah, première cuite. Première cuite. Ouais. Bon, ça, ça marche. En fait, ton cerveau... Le cerveau, il est branché comme il y a 300 millions d'années. Et si tu veux, quand tu es à poil dans la forêt, une indigestion alimentaire, tu vomis pendant 24 heures, tu es déshydraté, tu meurs. Aujourd'hui, c'est moins grave. Et encore, c'est moins grave là, je te parle en France, soigné, tout ça, etc. Mais suivant les contextes, il ne faut pas oublier quand même que ça peut être très grave dans certains pays. Et donc du coup... Bah du coup, ton cerveau, il se dit vraiment que t'as failli passer, il se dit, c'était l'arme à gauche, quoi.

  • Marlène

    Un poison, ouais.

  • Sisley

    Et vu qu'il sait qu'on n'est pas très raisonnable, les humains, j'aime bien le rendre un peu humain, indépendant, ce cerveau, mais pour expliquer comme ça, on n'est pas très raisonnable. On fume des clopes, on renvoie des messages à ses ex à 2h du matin. Enfin voilà, on fait quand même plein de trucs qui sont pas bons pour nous. Là, il se dit, attends, faut pas rigoler avec ça. Donc du coup, c'est un enregistrement. C'est l'aversion, c'est-à-dire que l'odeur déclenche une aversion qui te rappelle à ta sensation qui est très forte. Mais d'ailleurs, l'odorat est tellement relié aux émotions qu'il nous fait revivre les émotions. Chose que les autres sens ne font pas. C'est-à-dire que tu as croisé quelqu'un, tu te souviens d'un visage, d'un coup tu le revois, tu te souviens et tout, tu te souviens. Mais une odeur, ça te rappelle un moment avec ta grand-mère, etc. Tu peux avoir les larmes qui viennent aux yeux, le bonheur. revient, tout ça, etc. C'est... C'est normal, parce que ça nous permettait de survivre.

  • Marlène

    C'est marrant, parce que j'avais... Je fais de l'eczéma de temps en temps, et donc j'ai eu une crème pour l'eczéma. Et l'autre jour, je me suis dit, c'est quoi cette odeur ? Je l'aime bien. J'aime bien cette odeur. Et puis, je la fais goûter, etc. Et puis la personne... Goûter, sentir. Et la personne me dit, mais c'est l'odeur de la gouache. En fait, ma sœur faisait de la peinture quand j'étais plus jeune. Et donc, elle avait souvent de la gouache, etc. Et moi, je n'en faisais pas. Mais ça m'a rappelée. Et j'adore cette crème. Je n'en mets pas parce que je n'en ai pas besoin tout le temps. Mais dès que j'ai de l'eczéma, j'ai un plaisir à mettre cette crème parce qu'elle a une odeur de gouache qui est... Je ne sais pas. Pour moi, c'est juste hyper plaisant de sentir cette odeur. C'est une madeleine de Proust sensorielle.

  • Sisley

    Exactement, mais les odeurs c'est souvent ça et d'ailleurs si on demande tout le temps les souvenirs olfactifs la plupart des marquants des gens c'est souvent que ça revient pendant la petite enfance ou relié à sa famille ou tout ça etc parce que c'est à ce moment là que tu cristallises ta personnalité, les émotions que ce soit négatif ou positif et la bonne nouvelle c'est qu'on peut réapprendre à aimer quelque chose qu'on a détesté moi c'était le cas avec les huîtres mais c'est toujours pas le cas pour la fondue apparemment non, ça ça veut pas mais dans un contexte très agréable en fait il faut recréer des moments où agréable, il faut un peu reset son cerveau pour qu'il réenregistre et ça prend du temps qu'il réenregistre que ce moment là il peut être agréable donc il faut que ce soit dans des conditions super particulières Et moi, j'ai remangé des huîtres avec des gens que j'aimais beaucoup, dans des parcs à huîtres, avec du vin, du soleil, en vacances, dans un contexte... Voilà, petit à petit, j'ai d'abord senti... Et on peut réaimer ça, évidemment. Puis après, il y a aussi des... Ce que j'appelle le bâton de feu, c'est-à-dire qu'on voit que dans nos cultures, il y a des choses qu'on appréhende différemment pour passer à l'âge adulte. C'est le cas notamment, par exemple, de tout ce qui est amer, du vin. Je ne sais pas si vous vous rappelez, les premières fois que vous écoutez du vin, quand on a 13-14 ans, tout le monde trouve ça dégueulasse. Alors que ce n'est plus le cas maintenant. Le fromage, pareil, les enfants ne mangent pas le fromage fort, il pue, les champignons, l'amertume, des choses comme ça. Et en fait, c'est des choses qu'après, adultes, on aime. Alors pourquoi ? Parce qu'en fait, ça fait partie après de la culture de devenir un adulte. Et on apprend à... Moi, j'ai vraiment le souvenir de me forcer à essayer de boire du vin pour apprécier. Et au fur et à mesure, ça marche.

  • Marlène

    Oui, oui,

  • Sisley

    c'est une peu trop des fois. Et donc du coup, il y a aussi toute cette notion de l'appartenance. Mais moi, pendant mes études, on a fait aussi beaucoup d'études des cultures, des cultes aussi, par rapport aux aliments, ce qui est interdit, ce qui n'est pas interdit, tout ça, etc., qui définit aussi beaucoup tes goûts.

  • Marlène

    Oui, ok. Eh bien, tu as dit tes goûts. C'était ma dernière question pour ce premier épisode. Qu'est-ce qui... Si on devait te servir à boire ou toi à manger, qu'est-ce qui est vraiment... peut-être pas une madeleine de Proust mais qu'est-ce qui te parle en termes de goût en termes de même d'odorat ou autre oh là là énormément de choses ouais énormément de choses

  • Sisley

    Trop dur à choisir. C'est comme les gens qui demandent si tu devais manger qu'un seul truc jusqu'à la fin de ta vie. Moi, je me pends. C'est-à-dire que manger qu'un seul truc à la fin de ta vie, c'est le meilleur moyen de détester. Je suis quand même très fromage. C'est quand même mon petit péché mignon. Je suis quand même très fromage. Mais après, il y a des odeurs, des épices, etc. J'adore. Je pourrais avoir le nez dedans tout le temps. La cardamome, par exemple, je trouve que c'est extraordinaire. Le parfum de la cardamome, c'est extraordinaire. C'est-à-dire que c'est à la fois floral, frais, épicé, c'est un parfum... tout entier, la cardava, je pourrais vraiment avoir mon nez dessus. Il y a des petites choses comme ça qui me rappellent aussi mon enfance. J'ai grainé, je pourrignonne avec ma grand-mère les jécossais, les petits pois. Et donc l'odeur du petit pois cru, vert. C'est ma madeleine de Proust à moi. J'adore, j'ai l'impression d'avoir le soleil qui me tape dessus, etc. Quand je sens ça, ça j'adore. Et puis après... En termes de parfum, je suis très sensible aux musques. J'aime beaucoup les odeurs musquées, animales, chaleureuses, un peu transparentes, dufteuses, etc. Mais j'aime... Et j'ai en sainte horreur les trucs un peu...

  • Marlène

    T'inquiète.

  • Sisley

    Et j'ai en sainte horreur les trucs un peu dégoulinants, de la parfumerie un peu mainstream, très gourmand, qu'on appelle gourmand. Alors déjà, je déteste cet autre... Gourmand, fruité, chocolaté, etc. Où t'as l'impression d'être un gros bonbon et qui valorise absolument pas l'image de la femme, je trouve. En sac, elle est toujours un objet de consommation. Bon, c'est un autre débat, mais... Voilà, dans les odeurs.

  • Marlène

    Et en termes de saveurs, est-ce que... Plutôt amère, sucrée, salée ?

  • Sisley

    Alors moi, j'étais très, très, très... J'ai eu une grosse opération de l'estomac il y a un an et demi. Si je peux partir dans le détail, j'ai eu une opération bariatrique parce que j'étais obèse. Et donc du coup, j'ai eu une réduction de l'estomac. Et donc tout mon rapport à la nourriture a changé. Et du coup, j'ai vraiment des envies de sucré que je n'avais pas avant cette opération. Donc mon rapport au sucré a changé. Tout ce qui est vanillé. Alors la vanille, j'adore de base. Mais chocolaté, les trucs sucrés, j'adore. et aussi non moi ce que j'aime c'est l'équilibre de manière générale je pense que c'est à ça que je suis sensible c'est la balance entre les différentes saveurs entre les différents arômes c'est un peu ce qui m'obsède en fait c'est le plus dur à avoir en plus et donc du coup tu vois c'est comme l'harmonie en musique etc et donc je dirais que c'est plus ça que choisir une saveur ou quoi je comprends et bah écoute merci beaucoup pour cette masterclass sensorielle je dirais avec plaisir

  • Marlène

    et voilà l'épisode 1 fini on se retrouve lundi prochain pour la suite tu découvriras toutes les étapes nécessaires à la création d'une voix 100 en attendant n'hésite pas à t'abonner au podcast pour être tenu au courant de la sortie des prochains épisodes et à mettre 5 étoiles si t'as plu ça me motive à continuer tu peux aussi nous retrouver sur Instagram à origine.podcast filmer notamment des photos assez exclues qui te permettent de rentrer encore plus dans les coulisses de l'entrepreneuriat je t'en dis pas plus et je te dis à la prochaine

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  • Tempo: 120.0

    00:00

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Description

Formulation d'arômes, stage chez Gabriel Boudier liquoriste dijonnais et immersion R&D dans une start-up incubatrice Le Laboratoire : c'est parti pour les coulisses du parcours de Marlène Staiger, Master Blender et directrice de création de spiritueux notamment.


Voilà le programme :

  • Les molécules aromatiques (00:01:09) : Discussion sur les industries produisant les molécules aromatiques, les parfums, et leur utilisation dans les produits de consommation courante.

  • L'art et la science de l'aromatisation (00:05:33) : Marlène partage son expérience dans la recherche et développement aux côtés de David Edwards et son exploration de l'art et de la science.

  • Le rôle de master blender (00:11:01) : Marlène explique son rôle de master blender, associant l'art, la science, les couleurs et les saveurs dans les assemblages de spiritueux.

  • Collaboration en R&D et contrôle qualité (00:17:05) : Marlène décrit son travail en collaboration avec les équipes R&D et qualité, soulignant l'importance des évaluations sensorielles.

  • Les familles aromatiques (00:25:11) : Elle explique les grandes familles aromatiques, telles que les notes vertes, mentholées, épicées, florales, et fruitées, ainsi que les molécules spécifiques.

  • Histoire et importance de l'odorat (00:27:24) Steiger mentionne l'importance de l'odorat dans l'histoire, avec des références à Brillat-Savarin, la rétro olfaction, et les perceptions culturelles.

  • La rétro olfaction (00:31:58) : Marlène t'explique le concept de rétro olfaction en utilisant l'exemple de manger du chocolat lorsqu'on est enrhumé.

  • Le rôle d'une directrice de la création (00:44:18) : Marlène explique les différentes facettes de son métier de directrice de la création.

  • 00:52:41 - Approche de la dégustation et spécificités de l'olfaction : Discussion sur les différentes approches de dégustation et les spécificités de l'olfaction.

  • 00:55:55 - Conseils pour développer son odorat : Marlène donne des conseils pour développer la mémoire olfactive et l'identification des odeurs lors d'une dégustation de vin ou de spiritueux.


Tu peux retrouver Marlène Staiger sur Instagram et sur son Linked In.
Et bien sûr, Origines sur l'Instagram.

L'abus d'alcool est dangereux pour la santé, à consommer avec modération.


Hébergé par Ausha. Visitez ausha.co/politique-de-confidentialite pour plus d'informations.

Transcription

  • Sisley

    Hello tout le monde, je suis très contente d'avoir aujourd'hui Marlène Steger, j'étais sûre que j'allais mal le dire, parce que quand j'ai commencé à faire ce podcast, j'ai discuté avec Simon d'Alabatermania qui m'a dit il faut que tu parles à Marlène, elle m'a beaucoup beaucoup aidé dans mon début de projet, ensuite j'ai parlé avec Maud de chez Distilleuse, elle m'a dit il faut que tu discutes avec Marlène et c'est à la suite de ça, un jour après, qu'on s'est contacté, donc je suis vraiment très très contente, comment ça va ?

  • Marlène

    Ben ça va plutôt bien, ça va plutôt bien.

  • Sisley

    j'embrasse une nouvelle vie on a tout envie de savoir maintenant est-ce que tu peux nous parler un petit peu de ton parcours

  • Marlène

    Marlène ? oui tout à fait je peux parler de mon parcours j'ai un parcours assez atypique qui mêle, on va dire, la science et l'art. Puisque, donc moi, j'ai fait des études de chimie, j'ai fait un DUT de génie biologie en sciences et applications en industrie alimentaire. Donc tout ce qui touche aux industries alimentaires, à la formulation, que ce soit R&D, production, même sur des grosses machines industrielles, etc. Et puis, pendant ces études, j'ai eu la chance de rencontrer un aromaticien de chez IFF qui nous a donné un cours sur l'aromatique et les molécules. molécules aromatiques.

  • Sisley

    Je te dis IFF ?

  • Marlène

    Oui, tout à fait.

  • Sisley

    C'est quoi ?

  • Marlène

    IFF, c'est une très grosse compagnie qui fait les arômes et les parfums. Il y en a plusieurs dans le monde qui s'appellent Firmenich, Givaudan, Robertet dans le sud de la France par exemple, ou encore Man, et qui sont en fait des industries qui produisent les molécules aromatiques ou les parfums.

  • Sisley

    Ok, donc par exemple le sirop de cerise un peu... Chimique pardon, je mets des guillemets là-dessus, ça vient de ce genre de société ou je me trompe totalement ?

  • Marlène

    Oui, tout à fait. Mais après, il ne faut pas faire l'amalgame entre industriel et chimique, puisque la vie est en chimie et que tout est chimique. Et souvent, on a tendance à confondre la chimie et l'industrie de la chimie. Donc effectivement, ce sont des industries de la chimie, des molécules aromatisantes ou odorantes. Et ils travaillent avec toutes les marques de parfums, avec toutes les industries agroalimentaires. Et souvent, voilà, les aromatiques qu'il y a dans votre Coca-Cola, dans votre Danone, ou le parfum de, je ne sais pas, de... d'une marque qui n'a pas de parfumeurs maison, parce qu'il y a des grandes marques qui ont des parfumeurs maison, mais ce n'est pas le cas de beaucoup de marques, ce sont les aromaticiens ou les parfumeurs de ces maisons-là, de composition, ce sont des maisons de composition, qui créent les arômes ou les parfums.

  • Sisley

    Ok. Et dans ta famille, il y a un lien avec les arômes, la nourriture ? D'où ça devient un peu cette volonté de vouloir aller dans ce chemin un peu scientifique ?

  • Marlène

    Alors, moi je pensais que c'était le parfait. C'est fruit du hasard et puis en vieillissant j'ai eu trois indices que ça ne l'était pas. Alors moi je suis bourguignonne, donc j'ai grandi en Bourgogne dans une famille vraiment bourguignonne. Donc le bon vin, la bonne bouffe, la cuisine c'était clairement le point de ralliement de la maison. Un lieu de convivialité avec aussi la cuisine de ma grand-mère bien évidemment très traditionnelle, tout ça etc. Mais au bout du bout. Aussi la cuisine de ma mère qui explorait beaucoup les saveurs. Autre qui cuisinait thaï, mexicain, indien, qui a toujours adoré mélanger les épices, etc. Donc ça, je pense que ça a beaucoup marqué évidemment mon enfance, mon adolescence et puis mon amour pour la bonne chair, bien évidemment. Et il s'avère aussi que mon grand-père, il distillait de la niôle, de poire, quand il y avait les alambics ambulants, etc. Donc, tous les ans, et on a retrouvé d'ailleurs dans le grenier des très anciens ratafias qui avaient 40 ans, qui étaient complètement incroyables. Donc, ça, c'est un peu pour la partie. Et puis après, quand j'étais en études à l'Université de Montpellier, j'ai fait mon premier stage de recherche et développement au sein de la Maison Gabriel Boudier, qui est un licoriste à Dijon. Donc, j'avais 19 ans. C'est véritablement eux qui m'ont picousée sur le monde des liqueurs et des spiritueux. C'est ça, extraordinaire. Et puis pendant ces études, comme je te disais, j'ai rencontré un aromaticien qui nous a donné un cours et qui m'a dit, Jean-Philippe Fourniole d'ailleurs, si tu nous entends, qui m'a un peu repéré à la fin du cours, qui m'a dit, écoute, ça a l'air de t'intéresser, puis tu as l'air de sentir surtout toutes les molécules, etc. Est-ce que tu as pensé, après tes études, à rentrer à l'ISIPCA ? L'ISIPCA qui est l'Institut supérieur international du parfum, de la cosmétique et de l'aromatique alimentaire. qui est l'école qui a été fondée par Guerlain dans les années 70 à Versailles pour former les parfumeurs et les aromaticiens, et aussi les gens qui font la formulation en cosmétique, avec trois voix différentes. Moi, je n'avais jamais entendu parler de ça.

  • Sisley

    Oui, c'est clair que la CPE, ce n'est pas forcément la petite feuille qu'elle te recommande dans son classeur typique.

  • Marlène

    Non, pas vraiment. Mais j'ai rarement écouté les CPE, et rarement écouté les gens qui étaient assez typiques. Et donc j'ai découvert cette école et j'ai passé le concours. On était 500, ils en prenaient 12. Et donc j'ai étudié l'aromatique alimentaire, puisque j'avais un parcours qui venait, si tu veux, évidemment de biochimie, d'industrie alimentaire. Et donc je me suis vraiment spécialisée en aromatique à l'ISIPCA, sur les molécules odorantes, sur la formulation du goût, la R&D, etc. Et ça a été tout de suite assez... Révélateur que c'était quelque chose que j'adorais et que j'aimais. Et d'ailleurs, pour l'anecdote, à mes 30 ans, il y a quelques années, j'ai rouvert une boîte que j'avais enterrée dans mon jardin quand j'avais 10 ans. C'est mon côté drama queen, j'ai toujours eu un côté un peu romanesque.

  • Sisley

    La petite boîte pour le futur ?

  • Marlène

    Romanesque. Alors je l'avais enterrée jeune et puis je l'avais déterrée plus tard, quand je devais avoir 20 ans, mais je ne l'avais jamais ouverte. Et avec des amis, donc à mes 30 ans, j'ai ouverte la boîte. Je ne savais plus du tout ce qu'elle contenait. Et j'avais dû la fermer quand j'avais 7-8 ans. Et elle ne contenait que des fioles avec des épices, des vinaigres, des pétales de fleurs, tout ça, des bougies. Un mix entre... en formulation et ésotérisme et j'ai trouvé ça drôle et d'ailleurs il n'y a pas longtemps j'ai recroisé quelqu'un qui était avec moi en seconde au lycée et qui m'a dit mais c'est dingue que t'aies réussi à faire ce que tu voulais faire en seconde tu nous disais que tu voulais être parfumeur et j'ai aucun souvenir de ça, c'est très drôle mais moi j'ai voulu être médecin légiste pendant très longtemps c'est pas exactement pareil non mais Ça touche en tout cas à la compréhension de l'anatomie, de la biologie, du corps aussi. Donc finalement, j'y vois un lien qui n'est pas si éloigné. Et après l'ISIPCA, après mes études, c'était quand même beaucoup de chimie. J'aurais pu continuer, mais il fallait que je refasse encore des années de chimie. Et clairement, la chimie moléculaire, on en a besoin pour faire mon métier. Mais moi, ce n'est pas ce qui me... Ce qui me passionnait, c'était vraiment la formulation. Et puis, ça manquait d'un côté un peu artistique. Je n'avais pas trop envie, moi, de faire les arômes de yaourt de Danone, même si c'est un métier dont on parle peu, les aromaticiens ou les techniciens d'application qui font aussi les formules en R&D et qui sont toujours un peu dans l'ombre parce qu'on a tendance à parler que des parfumeurs et encore de parler que des fine parfumeurs, c'est-à-dire des parfumeurs qui... On travaille sur la parfumerie fine, donc les parfums à portée. Il faut savoir que la plupart de l'industrie de la parfumerie, c'est ce qu'on appelle la parfumerie fonctionnelle. C'est les lessives, les détergents, les gels douche, tout ça, etc. Donc il y a aussi plein de gens qui travaillent là-dessus. Parce qu'en fait, on ne se rend pas compte, mais il y a des odeurs partout.

  • Sisley

    Partout, oui.

  • Marlène

    Et donc il y a des gens derrière qui les formulent. Et moi, je ne me voyais pas dans un labo classique. classique. Et j'ai eu la chance, en tout cas j'ai saisi la chance, de croiser la route de David Edwards, qui était un chercheur d'Harvard qui avait monté une galerie art-science à Paris, qui s'appelait Le Laboratoire, The Art Science Labs. Il y avait à l'époque, je te parle de ça dans les années 2010, j'étais encore en études et je découvre que Thierry Marx fait de la cuisine moléculaire, avec de la... de la recherche sur les matériaux, sur les saveurs, sur une cuisine totalement différente. Et qu'il y a son food lab qui est dans cet endroit, le laboratoire. Donc je découvre tout cet écosystème et je me dis mais c'est génial. Moi j'ai toujours été passionnée par deux choses, la biologie mais aussi la philo, la science mais aussi l'art. Et là ça réunit tout. J'écris un grand mail un dimanche soir à minuit, enflammée, en me disant qu'on ne va jamais me répondre. Et... et pendant 4 ans j'étais en charge de la R&D aux côtés de David Edwards. J'ai travaillé sur plein de projets en collaboration avec des designers, Philippe Stark, Mathieu Lehanner, Marc Britillo, des chefs. On a fait des masterclass avec Massimo Buttira, Ben Chouri. J'avais 21 ans et en 4 ans, j'ai fait ce que je n'aurais pas fait en 12, je pense. Travailler sur des expositions sur les odeurs. J'ai beaucoup collaboré avec le parfumeur, mon grand ami Christophe Le Damiel, que j'embrasse. J'adore. Et sur tout ce lien entre les arômes, les parfums, comment tu crées ? l'odeur d'un burger, parce qu'en fait on n'apprend pas un parfumeur à faire l'odeur d'un burger, et on n'apprend pas non plus un aromaticien à faire l'odeur d'un burger, puisqu'on se concentre sur la rétro-olfaction, donc le goût. Et donc il y a tout un pont comme ça où on a séparé les gens, alors qu'il faut savoir qu'entre la parfumerie et l'aromatique, il y a quand même 50% des molécules qui sont communes, 50% des molécules qui ne le sont pas, mais 50% des molécules qui sont communes. Donc c'est quand même des métiers qui sont très liés.

  • Sisley

    Quand tu dis aromatique, tu parles de... Tout ce qui est au niveau de la bouche ?

  • Marlène

    Tout ce qui s'ingère, oui tout à fait.

  • Sisley

    Là où la parfumerie c'est plus le nez de manière générale.

  • Marlène

    Le nez et puis aussi sur la peau, parce qu'en fait c'est un produit qui est destiné à être porté, que ce soit sur les lessives ou en contact avec la peau. Donc les législations évidemment ce n'est pas les mêmes entre l'ingestion et le fait de porter sur la peau. Donc voilà, tous ces gens qui travaillent dans ce milieu, on appelle ça des nez, enfin c'est un peu un terme générique qu'on dit généralement les nez. C'est les grands parfumeurs de fine parfumerie. Il faut trouver des termes. Moi, je me sens ni... Alors, je ne suis pas parfumeur, je ne suis pas non plus aromaticienne parce que je ne crée pas au sens strict des arômes. Donc, je pense que ce qui me correspond le plus, et puisque j'ai exercé aussi pendant huit ans et en créant H-Theoria, évidemment, et les assemblages qu'on me demande de faire sur les spiritueux, je suis plutôt master blender. Et il n'y a pas vraiment de mot en français. On pourrait dire maître d'assemblage. Mille.

  • Sisley

    Donc un peu en comparaison avec le maître de chais ?

  • Marlène

    Le maître de chais, c'est technique dans le sens où il s'occupe des chais, de l'élevage aussi des spiritueux en barrique ou des vins, etc. Le maître d'assemblage, il fait l'assemblage. Moi, j'assemble des choses entre elles et je me reconnais vraiment dans ce terme parce qu'en fait, c'est un lien et c'est vraiment ce que j'ai l'impression de faire. J'associe des matières premières entre elles, à la manière des parfumeurs, mais j'associe aussi... l'art, la science, les couleurs, les saveurs. J'ai un monde qui se mélange vraiment, au sens du mélange. Donc voilà.

  • Sisley

    Ok, trop bien. Est-ce que ça se va si on vient vraiment un peu au tout début ?

  • Marlène

    Oui, pardon.

  • Sisley

    Non, non, non, c'était super intéressant. Tu as parlé de Maison Gabriel Boudier à Dijon. Ça m'intéresserait juste de comprendre un peu justement qu'est-ce qui se passe pendant ce stage. Tu as dit que ça avait été un peu une révélation. Comment ça se passe quand tu arrives à Dijon ? Avec quoi est-ce que tu en ressors ?

  • Marlène

    Déjà, mon rapport de stage, il faut savoir que c'était en 2009 que j'ai fait ce stage, j'avais 19 ans. Et il y a une nouvelle législation sur les arômes qui était sortie en 2008, la législation 1334-2008, la directive européenne. Et donc ça a changé pas mal de choses au niveau formulation, etc. Et donc moi, ils m'ont pris en stage justement pour rationaliser des recettes. Et étudier cette nouvelle législation pour dire ce qui allait devoir changer dans les recettes. Et ça, c'était avant que je passe mon concours pour entrer à l'ISIPCA. Donc j'étais vraiment calée, calée déjà sur les arômes.

  • Sisley

    C'est déjà technique comme stade.

  • Marlène

    J'étais déjà calée sur les arômes. Ça tombait plutôt bien. Donc j'ai fait toute cette partie-là de l'étude de la législation. De la rationalisation aussi, qui était très intéressante. Parce qu'en fait, dans leur base de données, ils avaient plein, plein de recettes sur certains ingrédients. Parce qu'ils créent aussi pour certains clients. un client, etc. Donc, comment on rationalise des recettes ? Comment, en fait, il y en a qui se ressemblent ? Est-ce qu'on ne peut pas en combiner certaines pour trouver un équilibre ? Tout ça, etc. Et puis après, participer aussi à des projets de R&D, et notamment sur le café à l'époque. Alors, c'est assez drôle, parce que le café m'a rattrapée aussi dans ma carrière. Oui,

  • Sisley

    au laboratoire, si j'ai bien lu.

  • Marlène

    Tout à fait. Et par la suite, j'ai beaucoup collaboré avec des torréfacteurs. En même temps, le café, c'est un monde aromatique très, très vaste et très incroyable. Et donc, du coup... Voilà, notamment sur des liqueurs de café et tout ça. Moi, ce que j'aime, j'adore les industries. Je trouve qu'aujourd'hui, on ne fait que l'eau à l'artisanat, tout ça. Et on a tendance à diaboliser l'industrie, qu'est-ce qui est industriel, parce que ça a été galvaudé. Mais il n'y a rien de plus humain qu'une industrie. Je ne sais pas si les gens ne se rendent pas compte, mais les gens qui travaillent sur les machines, déjà, les gens qui imaginent les machines, Parce qu'une machine, elle ne se crée pas toute seule. Une machine industrielle, elle est toujours adaptée à un produit, à un concept, à un lieu, tout ça, etc. Donc il y a des gens qui développent des machines de manière ingénieuse et il se passe plein de choses. Et puis après, les humains qui travaillent dans les industries sont des gens qui deviennent très experts de ce qu'ils font. Je n'ai jamais vu autant de gens, moi en travaillant chez Gabriel Boudier, aussi investis dans leur travail, aussi accrochés à leur travail. Vous rencontrez que des gens qui sont très experts. Les gens, ça fait 34 ans qu'ils sont là. et je pense qu'on a diabolisé parce qu'en fait on ne montre pas assez l'industrie aux gens mais une usine une industrie tout ça etc c'est fascinant C'est une marche à suivre, c'est des process, c'est plein plein de réflexions qui assurent ce qu'on appelle HACCP, les risques pour les gens qui travaillent, mais aussi pour les produits. C'est assez complexe de voir tous ces corps de métier qui travaillent ensemble pour que tout aille dans un sens. J'ai adoré travailler là-dessus, aller sur les chaînes de production, regarder comment on embouteillait, comment on distillait évidemment, parce qu'on met aujourd'hui vraiment l'accent sur... que le maître distillateur, la distillation, la lambique, ça fait un peu rêver, c'est un peu joli, mais il y a plein de métiers dans la production qui sont essentiels et dont encore une fois, on ne parle jamais.

  • Sisley

    Tu as un exemple comme ça ?

  • Marlène

    Ne serait-ce que les gens qui travaillent en R&D. Moi, je pense à toute l'équipe, par exemple, chez Gabriel Boudier, de R&D, qui font tous les projets de développement, etc. Je ne les vois pas en avant ou parler de leur métier, alors que c'est eux qui font les recettes. C'est vrai chez Gabriel Boudier, mais c'est vrai aussi chez... dans toutes les industries parce que je sais pas les gens trouvent pas ça sexy j'en sais rien mais moi j'aime bien valoriser leur travail c'est eux qui font les produits qu'on goûte et

  • Sisley

    justement pendant ce stage avec qui est-ce que tu travailles est-ce que c'est avec le DG avec les équipes R&D avec qui est-ce que tu collabores au quotidien ma maître de stage c'était

  • Marlène

    Céline Cocher qui est toujours Toujours chez Gabriel Boudier, qui s'occupait de la R&D, bien évidemment. Mais tu travailles aussi en collaboration avec la qualité. Parce qu'en fait, dès que tu reçois une matière première, il y a des analyses qui sont faites physico-chimiques avec des machines, mais il y a des analyses aussi qui sont faites sensorielles, pour savoir si, par exemple, l'alcool pur que tu reçois, est-ce qu'il n'a pas été contaminé. Quand je parle de contamination, je parle d'une contamination aromatique, je ne parle pas d'une contamination, qu'elle soit chimique ou microbienne, etc. Donc, est-ce que le... Le produit, est-ce que l'éthanol est vraiment pur ? Donc en fait, tu fais des tests triangulaires en R&D sur les matières premières que tu reçois pour savoir comment, est-ce que tel arôme tu l'as reçu, est-ce qu'il est pareil que la dernière fois, tout ça. On ne se rend pas compte, mais il y a beaucoup, beaucoup d'évaluations à faire. Et ça, une machine, elle peut te donner des renseignements sur la viscosité, sur le degré d'alcool, sur le pH, sur la couleur, etc. Mais ça ne remplacera jamais un nez humain. Et d'ailleurs, moi j'ai vu... J'ai vu des gens travailler justement sur les chaînes de production et être très, très experts au point de dire, ah, là, il y a un problème, je sens un goût qui ne devrait pas y avoir.

  • Sisley

    Oui, sans même regarder les chiffres, sans rien de ce que tu as.

  • Marlène

    En fait, voilà. Et les gens deviennent experts sur les machines, ils les connaissent comme des... Il y a vraiment un lien entre l'humain et la machine qui est fort, en fait. Et c'est des gens, voilà, sur les chaînes de production qui sont experts. Et puis, il y a aussi... C'est des métiers aussi qui peuvent avoir des contraintes, travailler sur une chaîne de production dans le bruit toute la journée, tout ça, etc. Oui,

  • Sisley

    le bruit potentiellement.

  • Marlène

    J'ai toujours vu dans les industries... avec qui j'ai collaboré ou dans lesquels j'ai travaillé, etc. Beaucoup, beaucoup d'engagement pour améliorer les conditions toujours de travail. Je pense vraiment que les industriels sont des gens qui innovent beaucoup pour les conditions de travail des salariés, mais aussi en production, des choses plus ergonomiques, tout ça, etc. Parce qu'à la base, ça peut être des métiers sur des chaînes de production qui peuvent avoir de la la pénibilité. Donc, voilà.

  • Sisley

    Ok, trop bien. Et par rapport à ton expérience d'aujourd'hui, tu dirais que t'as gardé quoi de ce stage ? Même si ça date un petit peu, mais quand tu fais ton travail aujourd'hui autre, qu'est-ce que tu penses avoir ? Ah là, ça vient peut-être de ce stage.

  • Marlène

    toute la prise en considération de la technique de production parce qu'en fait aujourd'hui il y a beaucoup de créateurs en fait ce qui est compliqué c'est que on a un peu séparé les techniciens des artistes tu vois et on va prendre quelqu'un un peu en termes marketing ou un bartender ou qui va avoir des super idées et puis après on se rend compte que c'est pas faisable techniquement Techniquement. Ça, ça arrive souvent.

  • Sisley

    Il se passe la même chose dans mon métier. C'est marrant.

  • Marlène

    Je dirais que moi, je ne me mets pas de barrière dans la création, mais je prends en compte quand même... Je travaille pour un projet, je suis allée visiter l'usine, j'ai interrogé les gens pour savoir c'était quoi les techniques de production, est-ce que le produit est chauffé, pas chauffé, comment, pourquoi, quelle viscosité, microbiologiquement qu'est-ce qu'il doit avoir, au niveau des réglementations, qu'est-ce qu'il doit respecter, en fait il faut le prendre en compte quand tu crées la recette. Donc c'est ça que ça m'apporte. et puis comprendre le métier après des gens qui vont reproduire ta recette parce qu'en fait, tu dois reproduire en quantité plus importante. Ce n'est pas juste une fiole, c'est la différence entre l'artisanat et l'industrie.

  • Sisley

    Oui, ok, trop bien. Cette expérience avait l'air d'être... Un peu un premier pas dans l'industrie, mais hyper intéressant. J'aimerais qu'on passe maintenant au laboratoire, parce que je pense qu'il y a aussi pas mal de choses sur la R&D. Est-ce que tu peux nous raconter, je ne sais pas, peut-être l'une des collabs que tu as faits ? Comment ça s'est passé ? Qu'est-ce que tu en as appris ?

  • Marlène

    Il y en a eu un certain nombre. Ce qui a marqué mon parcours, je pense, c'est avec Christophe Laudamiel, qui est parfumeur, qui à la base est vraiment chimiste, qui a un PhD de chimie, qui a travaillé toujours en Suisse ou aux Etats-Unis, qui n'a jamais travaillé en France, et qui est pour moi... Au-delà d'être une personne extraordinaire en tant que personne, un parfumeur incroyable dans sa vision, dans sa façon de faire évoluer la parfumerie, dans son militantisme aussi pour que la parfumerie soit moins élitiste, il fait en open source ses formules, il montre ses formules, tout ça, etc. et tout de parfum, et puis il fait des choses incroyables. Il a fait l'odeur des drogues au Musème, des odeurs pour certains musées, et pour certaines équipes. En le rencontrant, j'ai rencontré quelqu'un qui avait une aspiration, qui n'était pas, si tu veux, à l'ISIPCA. Il y avait les gens qui faisaient de la parfumerie, et c'était à l'époque, on te parlait de la parfumerie, juste les grands parfums, Dior, tout ça, etc. Moi, ça ne me faisait pas très fantasmée, parce que je trouve que c'est plus l'industrie, finalement, même de la cosmétique, de la beauté et tout. Et là, je rencontre ce créateur qui me met un pied plus dans la parfumerie, vraiment de créateur, de nid. niche tout ça, en plus c'est l'explosion à l'époque de la parfumerie de niche, qui est complètement génial, complètement fantasque, qui a une vision complètement ouverte du parfum et donc c'était l'éclate. J'allais à Berlin dans son labo ou à New York dans son labo la nuit, je sentais toutes les molécules de parfumerie parce qu'en fait moi j'avais fait aromatique donc il y a plein de choses que je ne connais pas.

  • Sisley

    C'est comment ça déjà ? Tu as dit quelle date environ ?

  • Marlène

    Et bien ça c'était 2011, 2012, 2013.

  • Sisley

    Ok, et ça ressemble à quoi ? Quoi, un labo de... Il était né ?

  • Marlène

    Il est parfumeur, parfumeur indépendant.

  • Sisley

    Oui, bien sûr.

  • Marlène

    Et ça ressemble à quoi ? Ça ressemble à des étagères avec plein de petites fioles partout. Il y en a mille au moins. Et puis après, chaque labo ou chaque orgue de parfumeur est différent. Mais en gros, il n'y a pas besoin de 36 000 choses pour être parfumeur ou faire mon métier, à part une balance. des contenants et puis des matières premières que tu mets sur des étagères et que tu trie comme tu veux, mais généralement par ordre alphabétique, en termes de molécules.

  • Sisley

    Donc j'imagine que là-bas, tu as découvert plein d'arômes ou de senteurs que tu n'avais jamais peut-être senti ?

  • Marlène

    Tu sens des molécules, oui, que je n'ai pas appris en aromatique parce que déjà, il y a à peu près 5000 molécules dans le monde, on va dire, aromatiques. C'est leurs combinaisons qui font tout ce qu'on est obligé de se comprendre. On peut sentir. Déjà, tu ne les apprends pas toutes. Déjà, si tu en connais 200, 300, c'est déjà pas mal. Surtout, il y en a beaucoup qui sont souvent utilisés, etc. Puis après, suivant les maisons de composition avec qui tu travailles, vu qu'il y a des molécules artificielles qui ont été brevetées par ces maisons, tu les as dans certaines maisons et tu ne les as pas dans d'autres. Donc voilà, il y a des choses aussi comme ça. Et puis, il y a de nous, il y a des molécules qu'on ne travaille pas en aromatique, que je n'ai pas appris, moi, à l'ESIPCA, parce que c'est la PARF. Donc... Tu découvres aussi tout un monde, et encore, il y en a encore maintenant aussi plein que je ne connais pas, parce que je ne suis pas parfumeur.

  • Sisley

    Et côté arômes, qui est un peu plus ton rayon, c'est quoi un peu les premiers arômes peut-être qu'on te fait découvrir quand tu es à l'ISIPCA, si je ne me trompe pas ?

  • Marlène

    L'isipka, tu apprends par notes des grandes familles d'aromatiques, où tu vas avoir les notes vertes, les notes mentholées, les épices, les notes florales, etc. Et puis après, tu apprends les notes espéridées, par exemple les espérides, c'est tout ce qui est citrus. En arôme, on dit citrus et en parfum, on dit espéridée. Les molécules, par exemple, le délimonène que tu retrouves dans l'orange, dans le zeste de pamplemousse, dans certains miels, ou encore le linalol, l'alpha-ionone, qui est une molécule qui sent vraiment la violette, enfin, qui a beaucoup dans la violette. Puis après, des molécules par famille, donc les fruités, la frambinone. Je te laisse deviner dans quoi on la trouve. La framboise. Exactement, mais pas que. On l'a trouvée aussi dans l'espace.

  • Sisley

    Dans l'espace ?

  • Marlène

    Oui.

  • Sisley

    Ok,

  • Marlène

    voilà.

  • Sisley

    Et attends, je ne l'avais pas mise comme question, mais ça m'intéresse vu que le podcast s'appelle quand même Origines. Est-ce que vous avez justement des cours un peu sur l'origine des arômes ? Qui l'a un peu théorisé, mis un nom sur tout ça ?

  • Marlène

    On a assez eu peu de cours là-dessus, à vrai dire. En revanche, les molécules aromatiques, si tu veux, existent dans la nature de manière générale. puisqu'elles composent la plupart des choses qui nous entourent, les végétaux, et pas que d'ailleurs. Et à la base, elles ont souvent des fonctions qui sont autres que celles d'être aromatiques, dans un métabolisme d'une plante ou quoi que ce soit, etc. Et nous, on a la capacité de les percevoir. Après, il y a ce qu'on appelle les molécules artificielles. Ce sont des molécules qu'on a créées dans des conditions laboratoires et qu'on n'a pour l'instant jamais retrouvées autrement. qu'en faisant cette réaction dans ces conditions, dans ce laboratoire. Encore une fois, si ces conditions dans l'univers étaient réunies quelque part, elles existeraient.

  • Sisley

    Oui, ok. C'est dommage qu'il ne parle pas un peu d'histoire et de... Est-ce qu'il y a une personne qui a un peu écrit ?

  • Marlène

    Oui, bien sûr. Il faut savoir qu'il y a Bria Savarin. Moi, je dis toujours que cet homme méritait largement plus que le nom d'un fromage parce que... Même si le fromage, c'est extraordinaire. Bria Savarin, il faut absolument lire Bria Savarin, c'est extraordinaire. Pour son époque, il a écrit Philosophie de la friture des trucs complètement barrés comme ça. Il a beaucoup parlé, évidemment, des plats, mais il avait aussi compris qu'il se passait quelque chose. Il avait déjà compris la rétro-olfaction, puisqu'il a dit Il n'existe pas de corps odorants qui ne sont pas… Il ne soit pas sapide, c'est-à-dire qu'il avait compris que quand quelque chose sent une odeur, si tu le manges, ça a forcément un goût aussi. Un goût au sens rétroactif et pas au niveau des saveurs. À l'époque, on ne connaissait pas. Il faut savoir aussi que c'est très tardif, les découvertes sur l'odorat. Il y a plusieurs choses qui expliquent ça. Déjà, la première chose, c'est que l'odorat, c'est un sens qui est assez complexe. On a entre 250 et 400 récepteurs dans notre nez qui nous permettent de... de sentir des combinaisons infinies d'odeurs. A contrario, tu vois, dans ton œil, tu as trois à quatre récepteurs. Donc, ça ne se passe pas du tout la même chose. Et puis surtout, il y a un dépôt de matière, on va dire. Par exemple, le luit, c'est vibratoire. Donc, c'est par rapport aux fréquences qui font vibrer le tympan et qui créent le son. Mais si tu veux, une fois que tu arrêtes la musique, le son ne continue pas. On pourrait parler des échos, etc. Mais une odeur dans une... Les pièces, les molécules, elles sont en suspension, elles restent là, si tu veux, si tu n'aères pas, si tout ça, etc. Donc c'est différent déjà en termes de perception. Ensuite, ce qui se passe physiologiquement, c'est que ça active, l'odorat active beaucoup plus de zones du cerveau que par exemple l'air visuel. On appelle ça le système limbique. Donc il y a plein plein de régions de ton cerveau qui s'activent quand tu as une expérience olfactive ou gustative ou les deux. Et d'ailleurs... Le cerveau intègre des informations très clairement combinées entre l'odorat et le goût. Donc ça rend quand même les choses un peu plus complexes au niveau de l'interprétation cérébrale. C'est la plus reliée à l'émotion, à la mémoire, à tout ça, etc. D'ailleurs les Madeleines de Proust, tout ça.

  • Sisley

    Ensuite, il y a une explication culturelle. Il faut savoir qu'il y a eu les hygiénistes, à un moment donné, qui sont arrivés dans nos sociétés parce que... Paris, en 1700, vous ne voudriez pas savoir l'odeur que ça avait. C'était absolument insupportable. Je pense que ce serait insupportable pour nous, l'odeur. On a relié les mauvaises odeurs aux maladies, à tout ça, etc. On a éliminé les mauvaises odeurs, il fallait se parfumer, etc. On a quand même mis de côté certaines odeurs et notre capacité à les sentir, à les analyser, à en parler. Et puis, il y a eu... Justement du siècle des Lumières, beaucoup de gens qui voulaient élever l'humain plus haut que l'animalité, et donc il y a notamment Kant qui a beaucoup décrié l'odorat, qui a dit que ça nous ramenait trop à notre animalité, qu'il fallait mettre de côté l'odeur, tout ça. Donc il y a eu ces explications-là. Heureusement ça a été rétabli un peu par la suite, notamment par Nietzsche, qui était un très très grand défenseur de l'odorat, qui disait toujours mon génie est dans mes narines Et aussi, après, avec la psychanalyse, notamment Freud, Jung, qui ont vu qu'il y avait quand même des rapports aussi entre les odeurs, toutes ces hallucinations olfactives. Charcot, il en a parlé aussi.

  • Marlène

    C'est quoi ça, une hallucination olfactive ?

  • Sisley

    De même que vous pouvez avoir des hallucinations visuelles, il y a certaines personnes qui ont des hallucinations olfactives.

  • Marlène

    On croit sentir quelque chose, et finalement...

  • Sisley

    Qui n'existe pas. En tout cas, la matière de perception n'est pas... Pas dans l'air, quoi.

  • Marlène

    Parce que sinon, j'aurais pas imaginé qu'il y avait autant d'histoires liées à l'odorat.

  • Sisley

    Bien sûr. Ça s'appelle la phantosmie. Les gens qui sont atteints de phantosmie, ils ont des hallucinations olfactives.

  • Marlène

    Ok. Qu'est-ce qu'on va apprendre des choses aujourd'hui ? Trop bien. Juste avant de revenir un peu sur le laboratoire, est-ce que tu pourrais nous vulgariser la rétro-olfaction ?

  • Sisley

    Ouais, tout simplement. C'est très simple. Quand vous êtes très enrhumé et que vous mangez du chocolat, Vous ne sentez pas ce qu'on appelle malencontreusement en français le goût du chocolat. C'est-à-dire que vous percevez que c'est sucré, vous percevez l'amertume, ça c'est ce qu'on appelle les saveurs, ça se perçoit sur les papilles gustatives, sur la langue, mais vous ne percevez pas ce qu'on devrait appeler l'arôme du chocolat, c'est-à-dire le côté douceureux, le côté chocolaté vraiment. Et bien ça tout simplement parce qu'en fait le canal entre votre bouche et votre nez, Il est bouché par le mucus parce que vous êtes malade. Ce qui montre bien qu'en fait, il y a un passage qui se fait, même si on ne le sent pas. C'est ça la rétro-olfaction. La rétro-olfaction, vous croquez dans le chocolat, et les molécules aromatiques du chocolat, elles remontent derrière jusqu'à votre épithélium olfactif. L'épithélium olfactif, c'est plein de petits cils qui sont tout au-dessus de votre nez, on va dire entre vos deux yeux, physiologiquement. Et c'est là que sont captés les molécules aromatiques. C'est pour ça que les gens qui ont eu le coup... qui sont devenus anosmiques, c'est-à-dire qui avaient perdu l'odorat, ils mangeaient des trucs et ils ne percevaient pas. Ce n'est pas pareil qu'à Geusic. Il y a aussi des gens qui ont eu le Covid qui sont devenus à Geusic. Ça, c'est quand on perd le sens du goût. Le goût, c'est les saveurs, c'est-à-dire est-ce qu'on perçoit que c'est salé, sucré, etc. Et ce n'est pas du tout les mêmes récepteurs et ça ne marche pas pareil. Mais souvent, on dit le goût du chocolat alors qu'en fait, c'est l'arôme du chocolat. Parce que le goût du chocolat, ce serait sucré, amer, par exemple. Ça, ce sont les saveurs. OK, l'arôme n'a pas plus de spectre. L'arôme, c'est vraiment les molécules aromatiques qu'on pourrait sentir en olfaction directe. L'olfaction directe, c'est l'air qui rentre par vos narines et qui vont exactement au même endroit, sauf que c'est par le nez. La rétro-olfaction, rétro en arrière, c'est parce que ça passe par l'arrière de la gorge pour remonter dans le nez.

  • Marlène

    Ok, super intéressant. J'adore. J'adore apprendre du vocabulaire, donc c'est parfait. Si on revient un petit peu sur le laboratoire, Je me remets sur ma question.

  • Sisley

    J'ai un peu digressé. Non,

  • Marlène

    t'inquiète pas, c'est super intéressant. Oui, on se posait un peu sur est-ce que t'avais un peu un exemple de collaboration que t'as fait ? Parce que même si c'est avec Thierry Marx ou autre, c'est quand même deux métiers peut-être totalement différents, mais qui ensemble peuvent permettre de créer... des projets différents. J'ai vu des choses sur Olfactive Project, des SMS parfumés, un inhalateur de fines particules de café. Est-ce que tu as une expérience que tu aimerais raconter de ce passage au laboratoire et qui t'a ouvert une possibilité de création ?

  • Sisley

    Pour Philippe Starck, il y a eu une collaboration entre David Edwards et Philippe Starck, le designer. C'était très impressionnant, j'avais 23 ans. c'est-à-dire que ma maman a fait des études de déco, etc. Donc elle est très branchée designer et tout. Quand je l'ai appelée, je lui ai dit, je vais travailler avec Philippe Sark. C'était comme une dingue. Et ils ont imaginé en fait un spray qui donnerait un peu la sensation gustative, tout ça de l'ivresse, sans l'ivresse. Et le brief, c'était, il fallait que je fasse le goût d'un nuage. Et donc j'ai vu Philippe Sark et je me suis dit, il va être cool. Comment on imagine un nuage en fait ?

  • Marlène

    C'est quoi la Est-ce que le brief est plus précis ?

  • Sisley

    Et il m'a laissé assez carte blanche. Il y en avait un, c'était un peu ange, et l'autre un peu démon on va dire. Donc il y avait quelque chose qui était très pimenté dans la formulation, piquant, etc. A l'époque j'ai collaboré aussi. avec un aromaticien qui s'appelle Arnaud Bousquet, chez Givaudan. Et c'était super intéressant de travailler là-dessus avec des premières formules. Voilà, ça c'était entre autres, mais il avait aussi développé une machine qui s'appelait le WAF avec Marc Britillo, qui est en fait un appareil qui permet de brumiser en très très très très fines petites gouttelettes un liquide. Et donc du coup, vous pouvez aspirer un espèce de nuage, on va dire, et après ça retapisse la bouche, et donc vous sentez l'aromatique, les arômes qu'il y a dedans. Et donc ça, j'ai fait beaucoup, beaucoup de formulations pour des événements avec cet appareil, parce que ça permet d'avoir l'aromatique sans la matière. Et j'ai adoré, pour le lancement de l'album de l'artiste Hall, France, que je salue d'ailleurs, j'ai créé le goût de cinq de ses chansons. avec cet appareil. Donc il y avait des stèles où on écoutait avec des casques la musique et on pouvait inhaler un goût qui n'existait pas et qui était pour moi l'interprétation de ces chansons.

  • Marlène

    Donc tu écoutes, tu essaies de voir ce que ça te fait ressentir et tu fais un assemblage de ça que tu mets dans le wax.

  • Sisley

    Non, ça c'était le WAF. Il y a le WA, il y a le WAF, il y a le WIF. À l'époque, c'était les noms comme ça. Et ça, ça m'a évidemment beaucoup marquée. je l'ai fait aussi pour d'autres événements avec de la peinture tout au laboratoire c'était très marquant je me suis vraiment découvert un monde artistique jusqu'à présent j'étais dans un monde un peu conventionnel de l'aromatique même si l'aromatique c'est pas très conventionnel même de base Et là, je... Comme un poisson dans l'eau.

  • Marlène

    Et justement, dans cette expérience, si tu repenses un peu à la cellule de R&D, est-ce qu'il y a des personnes qui ont des spécialités dans cette cellule ? Est-ce qu'il y a un sujet et quelqu'un le prend ? Parce que, je ne sais pas, il y a la motivation ou il y a juste l'expertise pour ça ?

  • Sisley

    Non, on travaillait beaucoup avec des designers, etc. Par exemple, pour le Ophone, c'était un projet pour envoyer des SMS olfactifs, justement. Donc moi, j'ai collaboré avec Christophe Lodamiel sur la partie olfactive parce qu'en fait, il fallait faire des parfums, avec des molécules de parfums. Mais c'était à l'époque les débuts d'Instagram, etc. Et on s'était rendu compte que la plupart des gens, ils photographiaient de la bouffe. Donc si tu... Vous voulez envoyer des odeurs par SMS, il fallait créer des odeurs de bouffe. Sauf que... On n'apprend pas à un parfumeur, encore une fois, à faire l'odeur d'un cheat burger, de l'ail, etc. Donc, ça, on s'est pas mal amusé avec Christophe. Il fallait travailler aussi sur les nouveaux supports. On a travaillé sur un brevet sur les nouveaux supports aromatiques qui étaient capables de catcher les odeurs et de les garder pour faire des cartouches. Puis, tu travailles avec des designers, notamment Laurent Millon, que j'embrasse aussi, de Millimètre Studio. Et on était tous... C'était très early stage. C'est-à-dire, moi, je travaillais vraiment sur la partie... conception. Donc, t'imagines comment ça peut marcher. Puis après, une fois que ça commence à marcher, là, tu levais des fonds, il y avait des startups qui étaient créées. Et là, on embauchait des gens qui allaient développer plus intensément. Mais là, on était vraiment sur la partie conception et travaillé aussi avec des chefs. On a travaillé une masterclass avec Massimo Buttira, par exemple. Trois jours de masterclass avec Massimo Buttira, qui était qui a été élu meilleur chef du monde, qui fait des choses incroyables. Il avait fait un jus de canard complètement dingue avec du riz toasté pour faire des nuages aromatiques. Et ça, c'était il y a 13 ans.

  • Marlène

    Oui, on est... Je ne sais pas à quel moment elle bouillit. Je n'ai pas la date.

  • Sisley

    C'était à peu près dans ces eaux-là, bien sûr.

  • Marlène

    J'ai adoré le reportage Chef Table sur Adrienne. Je ne sais plus les noms des deux chefs, frères chefs, qui ont créé Albuli, le restaurant à Barcelone.

  • Sisley

    Les frères Roca.

  • Marlène

    Oui, il me semble, oui, qui ont créé la cuisine moléculaire. Très intéressant, je vous recommande.

  • Sisley

    C'est vraiment Hervé. Avant ça, il y a même Hervé Tisse à la base. C'est Hervé Tisse qui a beaucoup travaillé sur le concept de cuisine moléculaire. sur la chimie, tout ça, etc. Et puis il y a Raphaël Aumont qui a beaucoup travaillé avec Thierry Marx, qui est un chimiste qui s'est spécialisé évidemment dans toutes les réactions de la chimie, de la cuisine avec Thierry Marx pendant des années.

  • Marlène

    Ok, c'est fascinant. Il y a un monde de R&D qui est énorme. Est-ce que c'est quelque chose qui t'intéresse encore, de bosser peut-être dans un studio de R&D, une agence de R&D ?

  • Sisley

    Bien sûr. Moi, c'est ce que je fais aujourd'hui. C'est-à-dire qu'il y a des gens qui m'appellent pour la conception de produits, etc. Donc, c'est mon ADN. Et puis, j'adore collaborer avec d'autres métiers. Je pense que c'est la richesse de la R&D, recherche et développement, pour ceux qui ne sauraient pas.

  • Marlène

    Oui,

  • Sisley

    c'est vrai. C'est un monde à la croisée des mondes parce que ça réunit encore une fois de la technique, de l'innovation, réfléchir à la législation, à comment est-ce qu'après... le produit, etc. Et puis, toutes les demandes ne sont pas les mêmes. Donc, c'est fascinant.

  • Marlène

    Oui, mais c'est marrant parce que justement, l'une de mes questions, c'était qu'est-ce que c'est qu'un master blender ? En fait, je me suis notée... Parce que pour moi, blend, ça me fait penser au burger. T'as un restaurant où tu fais ta viande, tu mets des épices au haut, ça s'appelle un blend. Et l'une de mes questions, c'était est-ce que c'est lié à ça ? Et c'est marrant parce que depuis tout à l'heure, on parle des odeurs ou de l'arôme de burger. Et on parle de master blender qui est un mot qui me fait penser au burger.

  • Sisley

    Donc c'est marrant. Simplement, il s'appelle blend parce que blend, ça veut dire le mélange en anglais. Et donc c'est le fait de mélanger. Enfin, ils ont pris ce nom, je pense, pour le mélange. Et donc le master blender, c'est celui... Le maître mélangeur, on pourrait dire, le maître d'assemblage qui mélange, c'est beaucoup utilisé aux Etats-Unis ou dans les pays anglo-saxons pour les gens vraiment qui font les assemblages de whisky, de gin, etc. Moi, j'ai toujours eu un problème pour définir mon métier. Je ne me sens pas aromaticienne, je me sens designer, mais designer, ça fait penser plus au design, pas vraiment produit. Et tout ça. Bon. Je ne suis pas parfumeur, je ne suis pas maître de chais, je ne suis pas que R&D, je suis un concepteur. Il y a des concepteurs rédacteurs par exemple, moi je serais un concepteur olfacteur. Oui, pas que, parce que la conception d'un produit, ça englobe évidemment la formule et la recette. Mais moi, je réfléchis aussi beaucoup sur, comme son nom l'indique, le concept. Donc l'univers, le nom. Des fois, on me file des projets page blanche en me disant, propose-nous des pistes créatives. Il y a des gens qui savent ce qu'ils veulent, mais généralement, les gens m'appellent plus pour une patte. C'est comme... Je compare ça un peu à un artiste, un musicien, un compositeur. Je suis un peu compositeur, sauf que ce n'est pas de la musique. Dans le sens où... Ou réalisateur, dans le sens où tu as quand même une patte, un style.

  • Marlène

    J'ai vu que tu avais mis sur ton LinkedIn directrice de la création. Pour moi, c'est très lié à directeur artistique. le caractère de la création, où tu peux aussi venir avec un concept, une idée, et bien sûr une manière de l'interpréter et de lui donner vie en fait.

  • Sisley

    Exactement, donc c'est pas que la formule, tu vois, basico-basique, mais j'aime réfléchir ou participer à l'élaboration de la conception du produit, du produit ou d'une marque d'ailleurs, c'est ce que j'ai fait avec H-Theoria, quand j'ai créé H-Theoria avec Camille. Et du coup... c'est un peu plus vaste que juste faire la formule.

  • Marlène

    Oui. Et si tu devais résumer à quelqu'un un peu tes tâches de manière régulière, qu'est-ce que fait une directrice de la création ? Qu'est-ce que toi, tu fais ? Je sais que c'est dur à résumer, mais de manière générale, pour qu'on comprenne tout le spectre de ce que tu fais.

  • Sisley

    Oui. Pendant huit ans, j'ai cofondé avec Camille Hédin la marque H-Theoria, qui a été revue. ...prendu il y a peu de temps. Donc pendant 8 ans, j'ai aussi été toute la casquette chef d'entreprise, qui englobe quand même des métiers qui sont très très loin de ce que je fais, mais qui sont du marketing, de la com, du management, de la comptard, tout ça, etc. Donc voilà. Mais globalement, aujourd'hui, je dirais que... J'ai trois, on va dire, trois cœurs, trois cœurs de métier. J'aime l'idée d'avoir trois cœurs, comme une pieuvre. Non, je crois qu'il y en a plus que ça. J'ai essayé de définir parce qu'en fait, moi, j'aurais adoré ne pas choisir, ne pas me mettre dans une case et être... Mais les gens ont quand même besoin de comprendre ce que tu fais et de clarifier aussi ce que tu fais. Donc moi j'ai trois vraiment coeurs de métier, la conception produit, ça c'est une première chose, notamment de produits alimentaires. bien que j'adorerais j'ai plein de trucs dans les tiroirs parfums ou même mobilier parce que j'adore l'art de la table j'adore les verres, j'adore la fashion je me nourris de plein plein d'univers et donc je me dis dans cette vie pourquoi pas faire d'autres produits que des produits alimentaires mais toujours qui ont un rapport avec l'émotion et la sensorialité quand même hum Donc la conception de produits alimentaires, notamment de boissons. Il faut savoir que ma spécialité, c'est quand même les boissons. Même quand j'ai fait mon apprentissage dans un labo spécialisé dans les arômes de menthe, quand j'étais à l'Égypte, qui s'appelait HM Todd, qui était un labo américain. Et donc je travaillais aussi sur les boissons à l'époque. Mon sujet d'alternance, c'était créer une gamme de boissons à la stevia. C'était la grande mode de la stevia, etc. Sauf que tout le monde s'est emballé pour la stevia. L'édulcorant naturel, tout ça, etc. Pas de calories, tout ça. Sauf que c'était dégueulasse. On t'en mettait, ça avait le goût de réglisse, les gens détestaient et tout. Et donc du coup, moi je devais travailler sur proposer une gamme de boissons à des clients qui contenaient de la stevia. Et déjà à cette époque, j'avais fait des assemblages un peu particuliers parce que je me suis dit, la problématique c'est que ton cerveau sait ce qu'est le goût de la fraise et ce qu'il veut comme goût de fraise ou comme sirop de fraise, etc. Donc du moment qu'il va percevoir une différence aromatique, il sent qu'il est carotte et que ce n'est pas normal. Donc la problématique c'est qu'il faut créer des goûts que les gens n'ont pas encore enregistrés. pour que ce soit pas bizarre, que ça sente ce petit goût de la stevia. Donc j'ai créé des boissons, des boissons gazeuses qui étaient à l'époque, tu vois, je te dis 2010 aussi, avec des assemblages épices-fruits, bananes-jasmin, enfin voilà, des choses comme ça, et qui faisaient que... Tu ne savais pas vraiment ce que c'était le goût de ça, donc il fallait que ce soit équilibré, à la fois l'amertume ou le goût de la stéviard, ce n'était pas une problématique. J'ai fait chez Gabriel Boudier sur les spiritueux, après j'ai eu ça comme alternance, donc même quand je n'étais pas encore dans la vie professionnelle, tout m'a mis vers les boissons, et après au laboratoire, j'ai travaillé beaucoup sur les liquides, les sprays, les poudres, tout ça, et pas tant sur des produits alimentaires classiques. Après, j'ai été deux ans en freelance. Donc là, j'ai fait aussi des projets plus particuliers. J'ai notamment travaillé avec une chef vegan à l'époque pour créer des recettes vegan, foie gras vegan, tout ça, etc. À l'époque aussi, pareil, 2015 à peu près.

  • Marlène

    Donc super en avance.

  • Sisley

    C'était l'idée nouvelle.

  • Marlène

    Il y a beaucoup plus d'offres aujourd'hui en tout cas qu'en 2015.

  • Sisley

    Exactement. Donc... Et puis après, j'ai aussi travaillé pour des maisons de parfum, par exemple, en événementiel, comment tu transformes les notes d'un parfum en aromatique, justement en utilisant ce waaf, ce nuage, pour pouvoir inhaler et goûter les notes des parfums alimentairement. L'univers m'a toujours portée entre les parfums et les arômes, et surtout sur les liquides. Pour répondre à ta question, pour en venir plus loin, conception, produit, food, spécialisé, liquide, spirituel ? mais pas que évidemment j'ai créé une marque de liqueur donc les spiritueux c'est quand même mon domaine de prédilection mais on m'appelle aussi pour des sirops pour des boissons, sans alcool j'adorerais travailler sur des bouillons enfin j'ai pas de rien là dessus ensuite mon deuxième coeur c'est vraiment la direction de création, la direction artistique sur tout ce qui va être un peu identité, moodboard shooting photo J'ai vraiment découvert cette partie de ce que j'aime et sur quoi je pense avoir quelque chose à apporter avec H-Theoria, puisque nous, H-Theoria, on a démarré toute seule sur notre canapé, donc il fallait bien faire les photos, tout ça, etc. Donc en collaborant avec... Avec des agences, en collaborant après avec des photographes, tout ça, etc. Je me suis pris une passion pour tout ce qui est le set design, la direction artistique, sur l'identité de marques très fortes artistiques, le graphisme, le set design de photographie. Et puis à côté de ça, en plus, personnellement, je faisais de la photographie. Donc c'est quelque chose qui me parle beaucoup et qu'on m'appelle. Et ça va aussi un peu plus loin, c'est aussi surtout ce qui est l'écriture, parce que j'écris aussi beaucoup, j'écris de la poésie depuis que j'ai... je ne sais pas, 7 ans. Donc l'écriture et la littérature sont quelque chose qui m'animent énormément. Les mots sont très importants. Enfin, je pense qu'on l'avait vu, ceux qui connaissent H. Théoria. sont quelque chose qui est fondamental, même, je dirais, dans ma capacité à créer, à en parler, à tout ça. Et du coup, j'écris aussi pour des marques. Et après, le troisième cœur, c'est vraiment tout ce qui est pédagogie. Parce que moi, je pense que dans ce monde, il faut transmettre ce qu'on nous donne. J'ai eu la chance d'avoir... qu'on m'ait enseigné des savoirs qu'on n'enseigne pas partout. Et aujourd'hui, on vit dans un monde où... où effectivement les gens sont de plus en plus experts, s'intéressent de plus en plus à l'olfaction et heureusement, donc il y a plein de choses à dire. Évidemment avec ChatGPT et Google on peut trouver plein de choses, mais rien ne remplace la capacité des sensations émotionnelles et tout. Donc sur la partie pédagogie j'ai donné des cours. pendant quelques années à l'ISIPCA, justement. Un sur les arômes de café et puis l'autre au master sur les liqueurs, les spiritueux. Et je leur apprenais à faire, pour les entraîner, je leur faisais faire les liqueurs, le goût d'un tableau ou d'une musique. Voilà. Donc c'est des exercices qu'ils n'avaient pas l'habitude de faire. Je donne des cours à l'université de Tergy-Pontoise, aux licences de design culinaire aussi, sur l'aromatisation. Et puis des masterclass sur comment on sent le vocabulaire olfactif, soit publiques ou privées. Donc, voilà.

  • Marlène

    Oui, j'ai vu que tu en avais fait pour, justement, H-Theoria, je crois, en novembre.

  • Sisley

    Oui, j'en ai fait beaucoup sur H-Theoria, bien évidemment. Et puis, je continue d'en faire sur des sujets aussi larges et vastes qu'on peut avoir, surtout sur la façon de parler. Et donc, dans cette partie pédagogique, je viens de créer une nouvelle page qui s'appelle Poétique Molécule, où, justement, Mon ambition, pour l'instant c'est en création, c'est de pouvoir partager et apprendre aux gens à parler de ce qu'ils sentent, ressentent et goûtent, et pas quelque chose d'élitiste, comme on voit sur les parfums ou le vin, mais de l'ordre des sensations, qu'ils peuvent apprendre des choses sur leur corps, leur manière de percevoir,

  • Marlène

    tout ça. Ok, c'est super, ça me fait une super transition pour ma prochaine question. Quand j'avais fait les... C'est l'épisode avec Simon, d'Alabat Armaniak. À la fin, on avait dégusté son Armaniak, l'un des trois de ses Armaniaks. Et il m'avait justement expliqué Alors non, ne prends pas le verre et mets pas ton nez directement dedans parce que tu vas te griller. Alors, je n'ai pas tous les mots, mais Tu vas te griller le nez avec la puissance de l'alcool et la puissance du dégré. Il m'avait dit Non, ce n'est pas comme un vin. Pareil, on ne le tourne pas. On va le sentir plutôt de loin. Est-ce que, justement, tu as des produits ou des senteurs qui ont un peu des spécificités ou on ne va pas les humer de la même manière que d'autres ?

  • Sisley

    Alors moi je ne suis pas une ayatollah de la façon de des protocoles de dégustation et je ne veux pas contredire Simon quand je l'embrasse au passage effectivement il y a des verres ou des contenants qui sont mieux pour certains spirituels suivant le degré d'alcool etc et c'est tout à fait vrai Par exemple, on fait souvent goûter dans des verres tulipes, les cognacs, des spiritueux qui ont un haut degré d'alcool. Moi, je trouve que c'est une connerie parce que tu te prends effectivement l'éthanol dedans. Mais je trouve que ce qui est intéressant, c'est de montrer par contre que le contenant a une importance et que les gens testent par eux-mêmes de goûter la même chose dans un verre à vin, dans un verre comme ça ou dans un verre ouvert. et voient la différence, parce qu'il y en a une, bien évidemment. Mais de là à dire que la température joue presque plus que le contenant, je trouve, ça se vaut. L'humeur aussi. À ce moment-là, si on prend un facteur, on les prend tous. Si vous êtes le matin, si vous êtes le soir. Pour les femmes, suivant le cycle menstruel dans lequel on est, on ne sent pas la période du cycle menstruel dans lequel on est, on ne sent pas pareil non plus. C'est ça. Si vous êtes triste, si vous n'êtes pas bien ou si vous êtes heureux, vos perceptions vont changer et c'est normal. Donc on ne va pas percevoir la même chose. Après, ça dépend si on veut comparer. Encore une fois... Ça pose la question de pourquoi vouloir sentir comme un expert ? Si le but, c'est de se faire plaisir, vous n'avez pas besoin, et me semble, je trouve, mais vous pouvez très bien déguster quelque chose dans quelque chose qui vous fait plaisir, un verre à vin, un verre différent, etc. Si vous voulez être dans un geste précis, d'expert, tout ça, vous pouvez suivre des recommandations du producteur, du créateur qui a produit le produit et qui, lui... pense que son produit est mieux mis en valeur dans un certain contenant ou d'une certaine manière dans un parfait serve. Et puis après, par contre, effectivement, si vous voulez faire des concours, vous comparez aux autres, etc. Il faut utiliser des choses qui sont comparables et rationalisées de partout. Mais en fait, j'ai envie de dire, ça dépend de quelle est la volonté. Voilà, la volonté, c'est flatter son égo. Effectivement, vous pouvez avoir un protocole, la prendre par cœur, tout ça, etc. Moi, je trouve ça... Chiant comme la mort.

  • Marlène

    Oui. Et justement, pour quelqu'un qui veut juste... Moi, par exemple, j'aimerais bien développer un peu plus mon odorat, mais plus pour moi en vrai que pour autre chose. Qu'est-ce que tu me conseillerais de... Juste de faire plus dans mon quotidien pour au fur et à mesure... Parce que je sais que c'est aussi beaucoup de temps, beaucoup d'olfaction, etc. Qu'est-ce que tu me conseillerais de faire pour au fur et à mesure développer mon odorat ?

  • Sisley

    Alors, la première chose, c'est que tu ne pourras pas développer ton odorat puisque... Ta capacité à sentir, elle vient des récepteurs que tu as. Et ça, c'est génétique. C'est de l'ordre de l'inné et pas de l'acquis. C'est-à-dire que si tu n'as pas certains récepteurs à certaines molécules, on va dire, tu ne les auras jamais. Ils ne vont pas pousser, etc. Donc, tu ne peux pas, à proprement parler, booster ton odorat. En revanche, ce que tu peux booster, c'est ta mémoire olfactive. Ce qui est très différent et ce qui est très important aussi. C'est-à-dire ta capacité... à mettre des mots sur ce que tu sens et à te rappeler les odeurs et à les identifier. Ça, ça se travaille. Ça, ça se travaille. Il n'y a pas 36 000 façons. Il faut sentir le plus possible, goûter le plus possible d'ingrédients, de choses, essayer de faire les points communs. Il faut cuisiner, il faut goûter le plus possible, le plus possible, le plus possible. La différence entre du basilic, du basilic thaï, le point commun entre le basilic thaï et l'ani. Enfin voilà, et découvrir en fait, se faire confiance. Arrêtez de penser qu'on est nuls sur les odeurs. Moi, c'est ce que j'entends constamment dans mon métier. Je rencontre que des gens qui me disent moi, je sens rien, je suis nul, etc. Non, il n'y a personne qui est nul. Ou MIT, il y a quelques années, ils ont fait une expérience où ils ont fait suivre une trace de cacao dans de l'herbe à un panel de personnes qui avaient les yeux bouchés, les oreilles fermées, donc juste à l'odeur, comme un chien. Et les résultats sont plutôt concluants, on est en capacité totale de le sentir. Et on ne se rend pas compte que l'odeur, on sent très bien, on sent très bien. Mais on ne sait pas mettre de mots sur ce qu'on sent, déjà parce qu'on ne nous l'apprend pas. On vous apprend à l'école à 5 ans les couleurs, on vous apprend les notes de musique, il n'y a personne qui vous apprend les odeurs. Donc il n'y a pas quelque chose qui est collectif dans l'éducation là-dessus. Donc ça dépend beaucoup en fait de l'éducation personnelle que vous recevez. Est-ce que de là où vous vivez, et puis on a tendance à s'auto-centrer sur aussi les régions du monde dans lesquelles on vit, etc. Mais les perceptions des odeurs et de ce qui est bon, pas bon, etc. Elles changent énormément suivant les régions du monde, suivant les cultures. Voilà, les Japonais chinois, ils sentent du fromage. Pour eux, ça sent juste les pieds, c'est immonde. Et nous, le durian, on sent ça, on se dit comment est-ce qu'on pourrait manger ça ? Donc, il y a aussi toute une partie qui est culturelle. qui est de l'ordre de l'apprentissage. Il faut, comme tout dans la vie,

  • Marlène

    être curieux,

  • Sisley

    ouvert, goûter. Et surtout, moi, je trouve que c'est important de manger aussi des choses qu'on n'aime pas.

  • Marlène

    Oui. Et comprendre pourquoi est-ce qu'on n'aime pas, peut-être aussi...

  • Sisley

    Ou même pas spécifiquement. Il y a une différence si tu veux vraiment identifier, si tu veux vraiment... En fait, si tu supprimes déjà tout ce que tu n'aimes pas, c'est-à-dire ce qu'on appelle... un choix discriminant, puisque tu mets de côté certaines choses que tu dis moi j'aime ou j'aime pas, ou certaines choses que tu dis ça c'est bon, ça c'est pas bon, du coup forcément tu mets de côté plein de choses qui pourraient t'apprendre aussi des choses. Et moi, par exemple, je déteste la nid et la menthe, c'est pas trop mon truc. Et je me suis pourtant éclatée quand j'ai fait une alternance dans la menthe et la nid, parce que j'ai... En plus, on est plus fort, je trouve, dans la discrimination et dans la différenciation pour les choses qu'on n'aime pas.

  • Marlène

    Oui, sinon on part à biaiser, en fait.

  • Sisley

    Ça, ça s'apprend aussi. Il faut mettre de côté ce qu'on appelle l'hédonisme. Et ça, c'est ce qu'on fait beaucoup en analyse sensorielle. Parce qu'il existe aussi beaucoup de panels d'analyse sensorielle, de gens qui font mon métier, mais pour décrire, identifier tout ça. Ça dépend de ce qu'on veut avoir comme résultat. Mais en fait, on apprend à mettre... de côté les critères hédoniques. C'est-à-dire j'aime, j'aime pas, c'est plus si, c'est moins ça, c'est douceureux. Tout ça, c'est de l'ordre du jugement.

  • Marlène

    C'est du subjectif, oui.

  • Sisley

    Si vous voulez être dans la description, ça pue, ça pue pas, c'est pas une description.

  • Marlène

    Je vais poser une question super bête. Est-ce qu'on peut être allergique ou intolérant à un arôme ou une odeur ?

  • Sisley

    Alors, tu peux détester une odeur, etc. Être allergique à une molécule, oui, mais généralement, les allergies, elles sont plus de l'ordre respiratoire ou de la peau. Il y a des ingrédients qui te... Et les allergènes, les allergènes ne sont pas forcément des molécules aromatiques. C'est souvent plus le support de l'arôme qui peut être irritant, etc. Et après, par contre, on a des aversions, bien sûr, heureusement. Oui, on n'est pas comme notre voisin, on a du vécu. Si la première fois que tu as goûté un ingrédient, on t'a cassé la jambe, il y a de fortes chances que tu n'aimes pas cet ingrédient. D'ailleurs, on le voit avec... Les gens qui ont été malades, qui ont eu soit une intolérance alimentaire, une indigestion alimentaire, ou qui se sont tout simplement pris une première cuite quand ils étaient très jeunes ou très malades. Après, tu fais un rejet, tu ne peux plus du tout le boire. Moi, c'est la fondue Savoyard, par exemple. J'avais 8 ans et je ne peux même pas rentrer dans une pièce où on fait de la fondue Savoyard.

  • Marlène

    Ah oui, c'est une mémoire. Moi, c'est la liqueur de mandarine.

  • Sisley

    Ah, première cuite. Première cuite. Ouais. Bon, ça, ça marche. En fait, ton cerveau... Le cerveau, il est branché comme il y a 300 millions d'années. Et si tu veux, quand tu es à poil dans la forêt, une indigestion alimentaire, tu vomis pendant 24 heures, tu es déshydraté, tu meurs. Aujourd'hui, c'est moins grave. Et encore, c'est moins grave là, je te parle en France, soigné, tout ça, etc. Mais suivant les contextes, il ne faut pas oublier quand même que ça peut être très grave dans certains pays. Et donc du coup... Bah du coup, ton cerveau, il se dit vraiment que t'as failli passer, il se dit, c'était l'arme à gauche, quoi.

  • Marlène

    Un poison, ouais.

  • Sisley

    Et vu qu'il sait qu'on n'est pas très raisonnable, les humains, j'aime bien le rendre un peu humain, indépendant, ce cerveau, mais pour expliquer comme ça, on n'est pas très raisonnable. On fume des clopes, on renvoie des messages à ses ex à 2h du matin. Enfin voilà, on fait quand même plein de trucs qui sont pas bons pour nous. Là, il se dit, attends, faut pas rigoler avec ça. Donc du coup, c'est un enregistrement. C'est l'aversion, c'est-à-dire que l'odeur déclenche une aversion qui te rappelle à ta sensation qui est très forte. Mais d'ailleurs, l'odorat est tellement relié aux émotions qu'il nous fait revivre les émotions. Chose que les autres sens ne font pas. C'est-à-dire que tu as croisé quelqu'un, tu te souviens d'un visage, d'un coup tu le revois, tu te souviens et tout, tu te souviens. Mais une odeur, ça te rappelle un moment avec ta grand-mère, etc. Tu peux avoir les larmes qui viennent aux yeux, le bonheur. revient, tout ça, etc. C'est... C'est normal, parce que ça nous permettait de survivre.

  • Marlène

    C'est marrant, parce que j'avais... Je fais de l'eczéma de temps en temps, et donc j'ai eu une crème pour l'eczéma. Et l'autre jour, je me suis dit, c'est quoi cette odeur ? Je l'aime bien. J'aime bien cette odeur. Et puis, je la fais goûter, etc. Et puis la personne... Goûter, sentir. Et la personne me dit, mais c'est l'odeur de la gouache. En fait, ma sœur faisait de la peinture quand j'étais plus jeune. Et donc, elle avait souvent de la gouache, etc. Et moi, je n'en faisais pas. Mais ça m'a rappelée. Et j'adore cette crème. Je n'en mets pas parce que je n'en ai pas besoin tout le temps. Mais dès que j'ai de l'eczéma, j'ai un plaisir à mettre cette crème parce qu'elle a une odeur de gouache qui est... Je ne sais pas. Pour moi, c'est juste hyper plaisant de sentir cette odeur. C'est une madeleine de Proust sensorielle.

  • Sisley

    Exactement, mais les odeurs c'est souvent ça et d'ailleurs si on demande tout le temps les souvenirs olfactifs la plupart des marquants des gens c'est souvent que ça revient pendant la petite enfance ou relié à sa famille ou tout ça etc parce que c'est à ce moment là que tu cristallises ta personnalité, les émotions que ce soit négatif ou positif et la bonne nouvelle c'est qu'on peut réapprendre à aimer quelque chose qu'on a détesté moi c'était le cas avec les huîtres mais c'est toujours pas le cas pour la fondue apparemment non, ça ça veut pas mais dans un contexte très agréable en fait il faut recréer des moments où agréable, il faut un peu reset son cerveau pour qu'il réenregistre et ça prend du temps qu'il réenregistre que ce moment là il peut être agréable donc il faut que ce soit dans des conditions super particulières Et moi, j'ai remangé des huîtres avec des gens que j'aimais beaucoup, dans des parcs à huîtres, avec du vin, du soleil, en vacances, dans un contexte... Voilà, petit à petit, j'ai d'abord senti... Et on peut réaimer ça, évidemment. Puis après, il y a aussi des... Ce que j'appelle le bâton de feu, c'est-à-dire qu'on voit que dans nos cultures, il y a des choses qu'on appréhende différemment pour passer à l'âge adulte. C'est le cas notamment, par exemple, de tout ce qui est amer, du vin. Je ne sais pas si vous vous rappelez, les premières fois que vous écoutez du vin, quand on a 13-14 ans, tout le monde trouve ça dégueulasse. Alors que ce n'est plus le cas maintenant. Le fromage, pareil, les enfants ne mangent pas le fromage fort, il pue, les champignons, l'amertume, des choses comme ça. Et en fait, c'est des choses qu'après, adultes, on aime. Alors pourquoi ? Parce qu'en fait, ça fait partie après de la culture de devenir un adulte. Et on apprend à... Moi, j'ai vraiment le souvenir de me forcer à essayer de boire du vin pour apprécier. Et au fur et à mesure, ça marche.

  • Marlène

    Oui, oui,

  • Sisley

    c'est une peu trop des fois. Et donc du coup, il y a aussi toute cette notion de l'appartenance. Mais moi, pendant mes études, on a fait aussi beaucoup d'études des cultures, des cultes aussi, par rapport aux aliments, ce qui est interdit, ce qui n'est pas interdit, tout ça, etc., qui définit aussi beaucoup tes goûts.

  • Marlène

    Oui, ok. Eh bien, tu as dit tes goûts. C'était ma dernière question pour ce premier épisode. Qu'est-ce qui... Si on devait te servir à boire ou toi à manger, qu'est-ce qui est vraiment... peut-être pas une madeleine de Proust mais qu'est-ce qui te parle en termes de goût en termes de même d'odorat ou autre oh là là énormément de choses ouais énormément de choses

  • Sisley

    Trop dur à choisir. C'est comme les gens qui demandent si tu devais manger qu'un seul truc jusqu'à la fin de ta vie. Moi, je me pends. C'est-à-dire que manger qu'un seul truc à la fin de ta vie, c'est le meilleur moyen de détester. Je suis quand même très fromage. C'est quand même mon petit péché mignon. Je suis quand même très fromage. Mais après, il y a des odeurs, des épices, etc. J'adore. Je pourrais avoir le nez dedans tout le temps. La cardamome, par exemple, je trouve que c'est extraordinaire. Le parfum de la cardamome, c'est extraordinaire. C'est-à-dire que c'est à la fois floral, frais, épicé, c'est un parfum... tout entier, la cardava, je pourrais vraiment avoir mon nez dessus. Il y a des petites choses comme ça qui me rappellent aussi mon enfance. J'ai grainé, je pourrignonne avec ma grand-mère les jécossais, les petits pois. Et donc l'odeur du petit pois cru, vert. C'est ma madeleine de Proust à moi. J'adore, j'ai l'impression d'avoir le soleil qui me tape dessus, etc. Quand je sens ça, ça j'adore. Et puis après... En termes de parfum, je suis très sensible aux musques. J'aime beaucoup les odeurs musquées, animales, chaleureuses, un peu transparentes, dufteuses, etc. Mais j'aime... Et j'ai en sainte horreur les trucs un peu...

  • Marlène

    T'inquiète.

  • Sisley

    Et j'ai en sainte horreur les trucs un peu dégoulinants, de la parfumerie un peu mainstream, très gourmand, qu'on appelle gourmand. Alors déjà, je déteste cet autre... Gourmand, fruité, chocolaté, etc. Où t'as l'impression d'être un gros bonbon et qui valorise absolument pas l'image de la femme, je trouve. En sac, elle est toujours un objet de consommation. Bon, c'est un autre débat, mais... Voilà, dans les odeurs.

  • Marlène

    Et en termes de saveurs, est-ce que... Plutôt amère, sucrée, salée ?

  • Sisley

    Alors moi, j'étais très, très, très... J'ai eu une grosse opération de l'estomac il y a un an et demi. Si je peux partir dans le détail, j'ai eu une opération bariatrique parce que j'étais obèse. Et donc du coup, j'ai eu une réduction de l'estomac. Et donc tout mon rapport à la nourriture a changé. Et du coup, j'ai vraiment des envies de sucré que je n'avais pas avant cette opération. Donc mon rapport au sucré a changé. Tout ce qui est vanillé. Alors la vanille, j'adore de base. Mais chocolaté, les trucs sucrés, j'adore. et aussi non moi ce que j'aime c'est l'équilibre de manière générale je pense que c'est à ça que je suis sensible c'est la balance entre les différentes saveurs entre les différents arômes c'est un peu ce qui m'obsède en fait c'est le plus dur à avoir en plus et donc du coup tu vois c'est comme l'harmonie en musique etc et donc je dirais que c'est plus ça que choisir une saveur ou quoi je comprends et bah écoute merci beaucoup pour cette masterclass sensorielle je dirais avec plaisir

  • Marlène

    et voilà l'épisode 1 fini on se retrouve lundi prochain pour la suite tu découvriras toutes les étapes nécessaires à la création d'une voix 100 en attendant n'hésite pas à t'abonner au podcast pour être tenu au courant de la sortie des prochains épisodes et à mettre 5 étoiles si t'as plu ça me motive à continuer tu peux aussi nous retrouver sur Instagram à origine.podcast filmer notamment des photos assez exclues qui te permettent de rentrer encore plus dans les coulisses de l'entrepreneuriat je t'en dis pas plus et je te dis à la prochaine

Chapters

  • Tempo: 120.0

    00:00

Description

Formulation d'arômes, stage chez Gabriel Boudier liquoriste dijonnais et immersion R&D dans une start-up incubatrice Le Laboratoire : c'est parti pour les coulisses du parcours de Marlène Staiger, Master Blender et directrice de création de spiritueux notamment.


Voilà le programme :

  • Les molécules aromatiques (00:01:09) : Discussion sur les industries produisant les molécules aromatiques, les parfums, et leur utilisation dans les produits de consommation courante.

  • L'art et la science de l'aromatisation (00:05:33) : Marlène partage son expérience dans la recherche et développement aux côtés de David Edwards et son exploration de l'art et de la science.

  • Le rôle de master blender (00:11:01) : Marlène explique son rôle de master blender, associant l'art, la science, les couleurs et les saveurs dans les assemblages de spiritueux.

  • Collaboration en R&D et contrôle qualité (00:17:05) : Marlène décrit son travail en collaboration avec les équipes R&D et qualité, soulignant l'importance des évaluations sensorielles.

  • Les familles aromatiques (00:25:11) : Elle explique les grandes familles aromatiques, telles que les notes vertes, mentholées, épicées, florales, et fruitées, ainsi que les molécules spécifiques.

  • Histoire et importance de l'odorat (00:27:24) Steiger mentionne l'importance de l'odorat dans l'histoire, avec des références à Brillat-Savarin, la rétro olfaction, et les perceptions culturelles.

  • La rétro olfaction (00:31:58) : Marlène t'explique le concept de rétro olfaction en utilisant l'exemple de manger du chocolat lorsqu'on est enrhumé.

  • Le rôle d'une directrice de la création (00:44:18) : Marlène explique les différentes facettes de son métier de directrice de la création.

  • 00:52:41 - Approche de la dégustation et spécificités de l'olfaction : Discussion sur les différentes approches de dégustation et les spécificités de l'olfaction.

  • 00:55:55 - Conseils pour développer son odorat : Marlène donne des conseils pour développer la mémoire olfactive et l'identification des odeurs lors d'une dégustation de vin ou de spiritueux.


Tu peux retrouver Marlène Staiger sur Instagram et sur son Linked In.
Et bien sûr, Origines sur l'Instagram.

L'abus d'alcool est dangereux pour la santé, à consommer avec modération.


Hébergé par Ausha. Visitez ausha.co/politique-de-confidentialite pour plus d'informations.

Transcription

  • Sisley

    Hello tout le monde, je suis très contente d'avoir aujourd'hui Marlène Steger, j'étais sûre que j'allais mal le dire, parce que quand j'ai commencé à faire ce podcast, j'ai discuté avec Simon d'Alabatermania qui m'a dit il faut que tu parles à Marlène, elle m'a beaucoup beaucoup aidé dans mon début de projet, ensuite j'ai parlé avec Maud de chez Distilleuse, elle m'a dit il faut que tu discutes avec Marlène et c'est à la suite de ça, un jour après, qu'on s'est contacté, donc je suis vraiment très très contente, comment ça va ?

  • Marlène

    Ben ça va plutôt bien, ça va plutôt bien.

  • Sisley

    j'embrasse une nouvelle vie on a tout envie de savoir maintenant est-ce que tu peux nous parler un petit peu de ton parcours

  • Marlène

    Marlène ? oui tout à fait je peux parler de mon parcours j'ai un parcours assez atypique qui mêle, on va dire, la science et l'art. Puisque, donc moi, j'ai fait des études de chimie, j'ai fait un DUT de génie biologie en sciences et applications en industrie alimentaire. Donc tout ce qui touche aux industries alimentaires, à la formulation, que ce soit R&D, production, même sur des grosses machines industrielles, etc. Et puis, pendant ces études, j'ai eu la chance de rencontrer un aromaticien de chez IFF qui nous a donné un cours sur l'aromatique et les molécules. molécules aromatiques.

  • Sisley

    Je te dis IFF ?

  • Marlène

    Oui, tout à fait.

  • Sisley

    C'est quoi ?

  • Marlène

    IFF, c'est une très grosse compagnie qui fait les arômes et les parfums. Il y en a plusieurs dans le monde qui s'appellent Firmenich, Givaudan, Robertet dans le sud de la France par exemple, ou encore Man, et qui sont en fait des industries qui produisent les molécules aromatiques ou les parfums.

  • Sisley

    Ok, donc par exemple le sirop de cerise un peu... Chimique pardon, je mets des guillemets là-dessus, ça vient de ce genre de société ou je me trompe totalement ?

  • Marlène

    Oui, tout à fait. Mais après, il ne faut pas faire l'amalgame entre industriel et chimique, puisque la vie est en chimie et que tout est chimique. Et souvent, on a tendance à confondre la chimie et l'industrie de la chimie. Donc effectivement, ce sont des industries de la chimie, des molécules aromatisantes ou odorantes. Et ils travaillent avec toutes les marques de parfums, avec toutes les industries agroalimentaires. Et souvent, voilà, les aromatiques qu'il y a dans votre Coca-Cola, dans votre Danone, ou le parfum de, je ne sais pas, de... d'une marque qui n'a pas de parfumeurs maison, parce qu'il y a des grandes marques qui ont des parfumeurs maison, mais ce n'est pas le cas de beaucoup de marques, ce sont les aromaticiens ou les parfumeurs de ces maisons-là, de composition, ce sont des maisons de composition, qui créent les arômes ou les parfums.

  • Sisley

    Ok. Et dans ta famille, il y a un lien avec les arômes, la nourriture ? D'où ça devient un peu cette volonté de vouloir aller dans ce chemin un peu scientifique ?

  • Marlène

    Alors, moi je pensais que c'était le parfait. C'est fruit du hasard et puis en vieillissant j'ai eu trois indices que ça ne l'était pas. Alors moi je suis bourguignonne, donc j'ai grandi en Bourgogne dans une famille vraiment bourguignonne. Donc le bon vin, la bonne bouffe, la cuisine c'était clairement le point de ralliement de la maison. Un lieu de convivialité avec aussi la cuisine de ma grand-mère bien évidemment très traditionnelle, tout ça etc. Mais au bout du bout. Aussi la cuisine de ma mère qui explorait beaucoup les saveurs. Autre qui cuisinait thaï, mexicain, indien, qui a toujours adoré mélanger les épices, etc. Donc ça, je pense que ça a beaucoup marqué évidemment mon enfance, mon adolescence et puis mon amour pour la bonne chair, bien évidemment. Et il s'avère aussi que mon grand-père, il distillait de la niôle, de poire, quand il y avait les alambics ambulants, etc. Donc, tous les ans, et on a retrouvé d'ailleurs dans le grenier des très anciens ratafias qui avaient 40 ans, qui étaient complètement incroyables. Donc, ça, c'est un peu pour la partie. Et puis après, quand j'étais en études à l'Université de Montpellier, j'ai fait mon premier stage de recherche et développement au sein de la Maison Gabriel Boudier, qui est un licoriste à Dijon. Donc, j'avais 19 ans. C'est véritablement eux qui m'ont picousée sur le monde des liqueurs et des spiritueux. C'est ça, extraordinaire. Et puis pendant ces études, comme je te disais, j'ai rencontré un aromaticien qui nous a donné un cours et qui m'a dit, Jean-Philippe Fourniole d'ailleurs, si tu nous entends, qui m'a un peu repéré à la fin du cours, qui m'a dit, écoute, ça a l'air de t'intéresser, puis tu as l'air de sentir surtout toutes les molécules, etc. Est-ce que tu as pensé, après tes études, à rentrer à l'ISIPCA ? L'ISIPCA qui est l'Institut supérieur international du parfum, de la cosmétique et de l'aromatique alimentaire. qui est l'école qui a été fondée par Guerlain dans les années 70 à Versailles pour former les parfumeurs et les aromaticiens, et aussi les gens qui font la formulation en cosmétique, avec trois voix différentes. Moi, je n'avais jamais entendu parler de ça.

  • Sisley

    Oui, c'est clair que la CPE, ce n'est pas forcément la petite feuille qu'elle te recommande dans son classeur typique.

  • Marlène

    Non, pas vraiment. Mais j'ai rarement écouté les CPE, et rarement écouté les gens qui étaient assez typiques. Et donc j'ai découvert cette école et j'ai passé le concours. On était 500, ils en prenaient 12. Et donc j'ai étudié l'aromatique alimentaire, puisque j'avais un parcours qui venait, si tu veux, évidemment de biochimie, d'industrie alimentaire. Et donc je me suis vraiment spécialisée en aromatique à l'ISIPCA, sur les molécules odorantes, sur la formulation du goût, la R&D, etc. Et ça a été tout de suite assez... Révélateur que c'était quelque chose que j'adorais et que j'aimais. Et d'ailleurs, pour l'anecdote, à mes 30 ans, il y a quelques années, j'ai rouvert une boîte que j'avais enterrée dans mon jardin quand j'avais 10 ans. C'est mon côté drama queen, j'ai toujours eu un côté un peu romanesque.

  • Sisley

    La petite boîte pour le futur ?

  • Marlène

    Romanesque. Alors je l'avais enterrée jeune et puis je l'avais déterrée plus tard, quand je devais avoir 20 ans, mais je ne l'avais jamais ouverte. Et avec des amis, donc à mes 30 ans, j'ai ouverte la boîte. Je ne savais plus du tout ce qu'elle contenait. Et j'avais dû la fermer quand j'avais 7-8 ans. Et elle ne contenait que des fioles avec des épices, des vinaigres, des pétales de fleurs, tout ça, des bougies. Un mix entre... en formulation et ésotérisme et j'ai trouvé ça drôle et d'ailleurs il n'y a pas longtemps j'ai recroisé quelqu'un qui était avec moi en seconde au lycée et qui m'a dit mais c'est dingue que t'aies réussi à faire ce que tu voulais faire en seconde tu nous disais que tu voulais être parfumeur et j'ai aucun souvenir de ça, c'est très drôle mais moi j'ai voulu être médecin légiste pendant très longtemps c'est pas exactement pareil non mais Ça touche en tout cas à la compréhension de l'anatomie, de la biologie, du corps aussi. Donc finalement, j'y vois un lien qui n'est pas si éloigné. Et après l'ISIPCA, après mes études, c'était quand même beaucoup de chimie. J'aurais pu continuer, mais il fallait que je refasse encore des années de chimie. Et clairement, la chimie moléculaire, on en a besoin pour faire mon métier. Mais moi, ce n'est pas ce qui me... Ce qui me passionnait, c'était vraiment la formulation. Et puis, ça manquait d'un côté un peu artistique. Je n'avais pas trop envie, moi, de faire les arômes de yaourt de Danone, même si c'est un métier dont on parle peu, les aromaticiens ou les techniciens d'application qui font aussi les formules en R&D et qui sont toujours un peu dans l'ombre parce qu'on a tendance à parler que des parfumeurs et encore de parler que des fine parfumeurs, c'est-à-dire des parfumeurs qui... On travaille sur la parfumerie fine, donc les parfums à portée. Il faut savoir que la plupart de l'industrie de la parfumerie, c'est ce qu'on appelle la parfumerie fonctionnelle. C'est les lessives, les détergents, les gels douche, tout ça, etc. Donc il y a aussi plein de gens qui travaillent là-dessus. Parce qu'en fait, on ne se rend pas compte, mais il y a des odeurs partout.

  • Sisley

    Partout, oui.

  • Marlène

    Et donc il y a des gens derrière qui les formulent. Et moi, je ne me voyais pas dans un labo classique. classique. Et j'ai eu la chance, en tout cas j'ai saisi la chance, de croiser la route de David Edwards, qui était un chercheur d'Harvard qui avait monté une galerie art-science à Paris, qui s'appelait Le Laboratoire, The Art Science Labs. Il y avait à l'époque, je te parle de ça dans les années 2010, j'étais encore en études et je découvre que Thierry Marx fait de la cuisine moléculaire, avec de la... de la recherche sur les matériaux, sur les saveurs, sur une cuisine totalement différente. Et qu'il y a son food lab qui est dans cet endroit, le laboratoire. Donc je découvre tout cet écosystème et je me dis mais c'est génial. Moi j'ai toujours été passionnée par deux choses, la biologie mais aussi la philo, la science mais aussi l'art. Et là ça réunit tout. J'écris un grand mail un dimanche soir à minuit, enflammée, en me disant qu'on ne va jamais me répondre. Et... et pendant 4 ans j'étais en charge de la R&D aux côtés de David Edwards. J'ai travaillé sur plein de projets en collaboration avec des designers, Philippe Stark, Mathieu Lehanner, Marc Britillo, des chefs. On a fait des masterclass avec Massimo Buttira, Ben Chouri. J'avais 21 ans et en 4 ans, j'ai fait ce que je n'aurais pas fait en 12, je pense. Travailler sur des expositions sur les odeurs. J'ai beaucoup collaboré avec le parfumeur, mon grand ami Christophe Le Damiel, que j'embrasse. J'adore. Et sur tout ce lien entre les arômes, les parfums, comment tu crées ? l'odeur d'un burger, parce qu'en fait on n'apprend pas un parfumeur à faire l'odeur d'un burger, et on n'apprend pas non plus un aromaticien à faire l'odeur d'un burger, puisqu'on se concentre sur la rétro-olfaction, donc le goût. Et donc il y a tout un pont comme ça où on a séparé les gens, alors qu'il faut savoir qu'entre la parfumerie et l'aromatique, il y a quand même 50% des molécules qui sont communes, 50% des molécules qui ne le sont pas, mais 50% des molécules qui sont communes. Donc c'est quand même des métiers qui sont très liés.

  • Sisley

    Quand tu dis aromatique, tu parles de... Tout ce qui est au niveau de la bouche ?

  • Marlène

    Tout ce qui s'ingère, oui tout à fait.

  • Sisley

    Là où la parfumerie c'est plus le nez de manière générale.

  • Marlène

    Le nez et puis aussi sur la peau, parce qu'en fait c'est un produit qui est destiné à être porté, que ce soit sur les lessives ou en contact avec la peau. Donc les législations évidemment ce n'est pas les mêmes entre l'ingestion et le fait de porter sur la peau. Donc voilà, tous ces gens qui travaillent dans ce milieu, on appelle ça des nez, enfin c'est un peu un terme générique qu'on dit généralement les nez. C'est les grands parfumeurs de fine parfumerie. Il faut trouver des termes. Moi, je me sens ni... Alors, je ne suis pas parfumeur, je ne suis pas non plus aromaticienne parce que je ne crée pas au sens strict des arômes. Donc, je pense que ce qui me correspond le plus, et puisque j'ai exercé aussi pendant huit ans et en créant H-Theoria, évidemment, et les assemblages qu'on me demande de faire sur les spiritueux, je suis plutôt master blender. Et il n'y a pas vraiment de mot en français. On pourrait dire maître d'assemblage. Mille.

  • Sisley

    Donc un peu en comparaison avec le maître de chais ?

  • Marlène

    Le maître de chais, c'est technique dans le sens où il s'occupe des chais, de l'élevage aussi des spiritueux en barrique ou des vins, etc. Le maître d'assemblage, il fait l'assemblage. Moi, j'assemble des choses entre elles et je me reconnais vraiment dans ce terme parce qu'en fait, c'est un lien et c'est vraiment ce que j'ai l'impression de faire. J'associe des matières premières entre elles, à la manière des parfumeurs, mais j'associe aussi... l'art, la science, les couleurs, les saveurs. J'ai un monde qui se mélange vraiment, au sens du mélange. Donc voilà.

  • Sisley

    Ok, trop bien. Est-ce que ça se va si on vient vraiment un peu au tout début ?

  • Marlène

    Oui, pardon.

  • Sisley

    Non, non, non, c'était super intéressant. Tu as parlé de Maison Gabriel Boudier à Dijon. Ça m'intéresserait juste de comprendre un peu justement qu'est-ce qui se passe pendant ce stage. Tu as dit que ça avait été un peu une révélation. Comment ça se passe quand tu arrives à Dijon ? Avec quoi est-ce que tu en ressors ?

  • Marlène

    Déjà, mon rapport de stage, il faut savoir que c'était en 2009 que j'ai fait ce stage, j'avais 19 ans. Et il y a une nouvelle législation sur les arômes qui était sortie en 2008, la législation 1334-2008, la directive européenne. Et donc ça a changé pas mal de choses au niveau formulation, etc. Et donc moi, ils m'ont pris en stage justement pour rationaliser des recettes. Et étudier cette nouvelle législation pour dire ce qui allait devoir changer dans les recettes. Et ça, c'était avant que je passe mon concours pour entrer à l'ISIPCA. Donc j'étais vraiment calée, calée déjà sur les arômes.

  • Sisley

    C'est déjà technique comme stade.

  • Marlène

    J'étais déjà calée sur les arômes. Ça tombait plutôt bien. Donc j'ai fait toute cette partie-là de l'étude de la législation. De la rationalisation aussi, qui était très intéressante. Parce qu'en fait, dans leur base de données, ils avaient plein, plein de recettes sur certains ingrédients. Parce qu'ils créent aussi pour certains clients. un client, etc. Donc, comment on rationalise des recettes ? Comment, en fait, il y en a qui se ressemblent ? Est-ce qu'on ne peut pas en combiner certaines pour trouver un équilibre ? Tout ça, etc. Et puis après, participer aussi à des projets de R&D, et notamment sur le café à l'époque. Alors, c'est assez drôle, parce que le café m'a rattrapée aussi dans ma carrière. Oui,

  • Sisley

    au laboratoire, si j'ai bien lu.

  • Marlène

    Tout à fait. Et par la suite, j'ai beaucoup collaboré avec des torréfacteurs. En même temps, le café, c'est un monde aromatique très, très vaste et très incroyable. Et donc, du coup... Voilà, notamment sur des liqueurs de café et tout ça. Moi, ce que j'aime, j'adore les industries. Je trouve qu'aujourd'hui, on ne fait que l'eau à l'artisanat, tout ça. Et on a tendance à diaboliser l'industrie, qu'est-ce qui est industriel, parce que ça a été galvaudé. Mais il n'y a rien de plus humain qu'une industrie. Je ne sais pas si les gens ne se rendent pas compte, mais les gens qui travaillent sur les machines, déjà, les gens qui imaginent les machines, Parce qu'une machine, elle ne se crée pas toute seule. Une machine industrielle, elle est toujours adaptée à un produit, à un concept, à un lieu, tout ça, etc. Donc il y a des gens qui développent des machines de manière ingénieuse et il se passe plein de choses. Et puis après, les humains qui travaillent dans les industries sont des gens qui deviennent très experts de ce qu'ils font. Je n'ai jamais vu autant de gens, moi en travaillant chez Gabriel Boudier, aussi investis dans leur travail, aussi accrochés à leur travail. Vous rencontrez que des gens qui sont très experts. Les gens, ça fait 34 ans qu'ils sont là. et je pense qu'on a diabolisé parce qu'en fait on ne montre pas assez l'industrie aux gens mais une usine une industrie tout ça etc c'est fascinant C'est une marche à suivre, c'est des process, c'est plein plein de réflexions qui assurent ce qu'on appelle HACCP, les risques pour les gens qui travaillent, mais aussi pour les produits. C'est assez complexe de voir tous ces corps de métier qui travaillent ensemble pour que tout aille dans un sens. J'ai adoré travailler là-dessus, aller sur les chaînes de production, regarder comment on embouteillait, comment on distillait évidemment, parce qu'on met aujourd'hui vraiment l'accent sur... que le maître distillateur, la distillation, la lambique, ça fait un peu rêver, c'est un peu joli, mais il y a plein de métiers dans la production qui sont essentiels et dont encore une fois, on ne parle jamais.

  • Sisley

    Tu as un exemple comme ça ?

  • Marlène

    Ne serait-ce que les gens qui travaillent en R&D. Moi, je pense à toute l'équipe, par exemple, chez Gabriel Boudier, de R&D, qui font tous les projets de développement, etc. Je ne les vois pas en avant ou parler de leur métier, alors que c'est eux qui font les recettes. C'est vrai chez Gabriel Boudier, mais c'est vrai aussi chez... dans toutes les industries parce que je sais pas les gens trouvent pas ça sexy j'en sais rien mais moi j'aime bien valoriser leur travail c'est eux qui font les produits qu'on goûte et

  • Sisley

    justement pendant ce stage avec qui est-ce que tu travailles est-ce que c'est avec le DG avec les équipes R&D avec qui est-ce que tu collabores au quotidien ma maître de stage c'était

  • Marlène

    Céline Cocher qui est toujours Toujours chez Gabriel Boudier, qui s'occupait de la R&D, bien évidemment. Mais tu travailles aussi en collaboration avec la qualité. Parce qu'en fait, dès que tu reçois une matière première, il y a des analyses qui sont faites physico-chimiques avec des machines, mais il y a des analyses aussi qui sont faites sensorielles, pour savoir si, par exemple, l'alcool pur que tu reçois, est-ce qu'il n'a pas été contaminé. Quand je parle de contamination, je parle d'une contamination aromatique, je ne parle pas d'une contamination, qu'elle soit chimique ou microbienne, etc. Donc, est-ce que le... Le produit, est-ce que l'éthanol est vraiment pur ? Donc en fait, tu fais des tests triangulaires en R&D sur les matières premières que tu reçois pour savoir comment, est-ce que tel arôme tu l'as reçu, est-ce qu'il est pareil que la dernière fois, tout ça. On ne se rend pas compte, mais il y a beaucoup, beaucoup d'évaluations à faire. Et ça, une machine, elle peut te donner des renseignements sur la viscosité, sur le degré d'alcool, sur le pH, sur la couleur, etc. Mais ça ne remplacera jamais un nez humain. Et d'ailleurs, moi j'ai vu... J'ai vu des gens travailler justement sur les chaînes de production et être très, très experts au point de dire, ah, là, il y a un problème, je sens un goût qui ne devrait pas y avoir.

  • Sisley

    Oui, sans même regarder les chiffres, sans rien de ce que tu as.

  • Marlène

    En fait, voilà. Et les gens deviennent experts sur les machines, ils les connaissent comme des... Il y a vraiment un lien entre l'humain et la machine qui est fort, en fait. Et c'est des gens, voilà, sur les chaînes de production qui sont experts. Et puis, il y a aussi... C'est des métiers aussi qui peuvent avoir des contraintes, travailler sur une chaîne de production dans le bruit toute la journée, tout ça, etc. Oui,

  • Sisley

    le bruit potentiellement.

  • Marlène

    J'ai toujours vu dans les industries... avec qui j'ai collaboré ou dans lesquels j'ai travaillé, etc. Beaucoup, beaucoup d'engagement pour améliorer les conditions toujours de travail. Je pense vraiment que les industriels sont des gens qui innovent beaucoup pour les conditions de travail des salariés, mais aussi en production, des choses plus ergonomiques, tout ça, etc. Parce qu'à la base, ça peut être des métiers sur des chaînes de production qui peuvent avoir de la la pénibilité. Donc, voilà.

  • Sisley

    Ok, trop bien. Et par rapport à ton expérience d'aujourd'hui, tu dirais que t'as gardé quoi de ce stage ? Même si ça date un petit peu, mais quand tu fais ton travail aujourd'hui autre, qu'est-ce que tu penses avoir ? Ah là, ça vient peut-être de ce stage.

  • Marlène

    toute la prise en considération de la technique de production parce qu'en fait aujourd'hui il y a beaucoup de créateurs en fait ce qui est compliqué c'est que on a un peu séparé les techniciens des artistes tu vois et on va prendre quelqu'un un peu en termes marketing ou un bartender ou qui va avoir des super idées et puis après on se rend compte que c'est pas faisable techniquement Techniquement. Ça, ça arrive souvent.

  • Sisley

    Il se passe la même chose dans mon métier. C'est marrant.

  • Marlène

    Je dirais que moi, je ne me mets pas de barrière dans la création, mais je prends en compte quand même... Je travaille pour un projet, je suis allée visiter l'usine, j'ai interrogé les gens pour savoir c'était quoi les techniques de production, est-ce que le produit est chauffé, pas chauffé, comment, pourquoi, quelle viscosité, microbiologiquement qu'est-ce qu'il doit avoir, au niveau des réglementations, qu'est-ce qu'il doit respecter, en fait il faut le prendre en compte quand tu crées la recette. Donc c'est ça que ça m'apporte. et puis comprendre le métier après des gens qui vont reproduire ta recette parce qu'en fait, tu dois reproduire en quantité plus importante. Ce n'est pas juste une fiole, c'est la différence entre l'artisanat et l'industrie.

  • Sisley

    Oui, ok, trop bien. Cette expérience avait l'air d'être... Un peu un premier pas dans l'industrie, mais hyper intéressant. J'aimerais qu'on passe maintenant au laboratoire, parce que je pense qu'il y a aussi pas mal de choses sur la R&D. Est-ce que tu peux nous raconter, je ne sais pas, peut-être l'une des collabs que tu as faits ? Comment ça s'est passé ? Qu'est-ce que tu en as appris ?

  • Marlène

    Il y en a eu un certain nombre. Ce qui a marqué mon parcours, je pense, c'est avec Christophe Laudamiel, qui est parfumeur, qui à la base est vraiment chimiste, qui a un PhD de chimie, qui a travaillé toujours en Suisse ou aux Etats-Unis, qui n'a jamais travaillé en France, et qui est pour moi... Au-delà d'être une personne extraordinaire en tant que personne, un parfumeur incroyable dans sa vision, dans sa façon de faire évoluer la parfumerie, dans son militantisme aussi pour que la parfumerie soit moins élitiste, il fait en open source ses formules, il montre ses formules, tout ça, etc. et tout de parfum, et puis il fait des choses incroyables. Il a fait l'odeur des drogues au Musème, des odeurs pour certains musées, et pour certaines équipes. En le rencontrant, j'ai rencontré quelqu'un qui avait une aspiration, qui n'était pas, si tu veux, à l'ISIPCA. Il y avait les gens qui faisaient de la parfumerie, et c'était à l'époque, on te parlait de la parfumerie, juste les grands parfums, Dior, tout ça, etc. Moi, ça ne me faisait pas très fantasmée, parce que je trouve que c'est plus l'industrie, finalement, même de la cosmétique, de la beauté et tout. Et là, je rencontre ce créateur qui me met un pied plus dans la parfumerie, vraiment de créateur, de nid. niche tout ça, en plus c'est l'explosion à l'époque de la parfumerie de niche, qui est complètement génial, complètement fantasque, qui a une vision complètement ouverte du parfum et donc c'était l'éclate. J'allais à Berlin dans son labo ou à New York dans son labo la nuit, je sentais toutes les molécules de parfumerie parce qu'en fait moi j'avais fait aromatique donc il y a plein de choses que je ne connais pas.

  • Sisley

    C'est comment ça déjà ? Tu as dit quelle date environ ?

  • Marlène

    Et bien ça c'était 2011, 2012, 2013.

  • Sisley

    Ok, et ça ressemble à quoi ? Quoi, un labo de... Il était né ?

  • Marlène

    Il est parfumeur, parfumeur indépendant.

  • Sisley

    Oui, bien sûr.

  • Marlène

    Et ça ressemble à quoi ? Ça ressemble à des étagères avec plein de petites fioles partout. Il y en a mille au moins. Et puis après, chaque labo ou chaque orgue de parfumeur est différent. Mais en gros, il n'y a pas besoin de 36 000 choses pour être parfumeur ou faire mon métier, à part une balance. des contenants et puis des matières premières que tu mets sur des étagères et que tu trie comme tu veux, mais généralement par ordre alphabétique, en termes de molécules.

  • Sisley

    Donc j'imagine que là-bas, tu as découvert plein d'arômes ou de senteurs que tu n'avais jamais peut-être senti ?

  • Marlène

    Tu sens des molécules, oui, que je n'ai pas appris en aromatique parce que déjà, il y a à peu près 5000 molécules dans le monde, on va dire, aromatiques. C'est leurs combinaisons qui font tout ce qu'on est obligé de se comprendre. On peut sentir. Déjà, tu ne les apprends pas toutes. Déjà, si tu en connais 200, 300, c'est déjà pas mal. Surtout, il y en a beaucoup qui sont souvent utilisés, etc. Puis après, suivant les maisons de composition avec qui tu travailles, vu qu'il y a des molécules artificielles qui ont été brevetées par ces maisons, tu les as dans certaines maisons et tu ne les as pas dans d'autres. Donc voilà, il y a des choses aussi comme ça. Et puis, il y a de nous, il y a des molécules qu'on ne travaille pas en aromatique, que je n'ai pas appris, moi, à l'ESIPCA, parce que c'est la PARF. Donc... Tu découvres aussi tout un monde, et encore, il y en a encore maintenant aussi plein que je ne connais pas, parce que je ne suis pas parfumeur.

  • Sisley

    Et côté arômes, qui est un peu plus ton rayon, c'est quoi un peu les premiers arômes peut-être qu'on te fait découvrir quand tu es à l'ISIPCA, si je ne me trompe pas ?

  • Marlène

    L'isipka, tu apprends par notes des grandes familles d'aromatiques, où tu vas avoir les notes vertes, les notes mentholées, les épices, les notes florales, etc. Et puis après, tu apprends les notes espéridées, par exemple les espérides, c'est tout ce qui est citrus. En arôme, on dit citrus et en parfum, on dit espéridée. Les molécules, par exemple, le délimonène que tu retrouves dans l'orange, dans le zeste de pamplemousse, dans certains miels, ou encore le linalol, l'alpha-ionone, qui est une molécule qui sent vraiment la violette, enfin, qui a beaucoup dans la violette. Puis après, des molécules par famille, donc les fruités, la frambinone. Je te laisse deviner dans quoi on la trouve. La framboise. Exactement, mais pas que. On l'a trouvée aussi dans l'espace.

  • Sisley

    Dans l'espace ?

  • Marlène

    Oui.

  • Sisley

    Ok,

  • Marlène

    voilà.

  • Sisley

    Et attends, je ne l'avais pas mise comme question, mais ça m'intéresse vu que le podcast s'appelle quand même Origines. Est-ce que vous avez justement des cours un peu sur l'origine des arômes ? Qui l'a un peu théorisé, mis un nom sur tout ça ?

  • Marlène

    On a assez eu peu de cours là-dessus, à vrai dire. En revanche, les molécules aromatiques, si tu veux, existent dans la nature de manière générale. puisqu'elles composent la plupart des choses qui nous entourent, les végétaux, et pas que d'ailleurs. Et à la base, elles ont souvent des fonctions qui sont autres que celles d'être aromatiques, dans un métabolisme d'une plante ou quoi que ce soit, etc. Et nous, on a la capacité de les percevoir. Après, il y a ce qu'on appelle les molécules artificielles. Ce sont des molécules qu'on a créées dans des conditions laboratoires et qu'on n'a pour l'instant jamais retrouvées autrement. qu'en faisant cette réaction dans ces conditions, dans ce laboratoire. Encore une fois, si ces conditions dans l'univers étaient réunies quelque part, elles existeraient.

  • Sisley

    Oui, ok. C'est dommage qu'il ne parle pas un peu d'histoire et de... Est-ce qu'il y a une personne qui a un peu écrit ?

  • Marlène

    Oui, bien sûr. Il faut savoir qu'il y a Bria Savarin. Moi, je dis toujours que cet homme méritait largement plus que le nom d'un fromage parce que... Même si le fromage, c'est extraordinaire. Bria Savarin, il faut absolument lire Bria Savarin, c'est extraordinaire. Pour son époque, il a écrit Philosophie de la friture des trucs complètement barrés comme ça. Il a beaucoup parlé, évidemment, des plats, mais il avait aussi compris qu'il se passait quelque chose. Il avait déjà compris la rétro-olfaction, puisqu'il a dit Il n'existe pas de corps odorants qui ne sont pas… Il ne soit pas sapide, c'est-à-dire qu'il avait compris que quand quelque chose sent une odeur, si tu le manges, ça a forcément un goût aussi. Un goût au sens rétroactif et pas au niveau des saveurs. À l'époque, on ne connaissait pas. Il faut savoir aussi que c'est très tardif, les découvertes sur l'odorat. Il y a plusieurs choses qui expliquent ça. Déjà, la première chose, c'est que l'odorat, c'est un sens qui est assez complexe. On a entre 250 et 400 récepteurs dans notre nez qui nous permettent de... de sentir des combinaisons infinies d'odeurs. A contrario, tu vois, dans ton œil, tu as trois à quatre récepteurs. Donc, ça ne se passe pas du tout la même chose. Et puis surtout, il y a un dépôt de matière, on va dire. Par exemple, le luit, c'est vibratoire. Donc, c'est par rapport aux fréquences qui font vibrer le tympan et qui créent le son. Mais si tu veux, une fois que tu arrêtes la musique, le son ne continue pas. On pourrait parler des échos, etc. Mais une odeur dans une... Les pièces, les molécules, elles sont en suspension, elles restent là, si tu veux, si tu n'aères pas, si tout ça, etc. Donc c'est différent déjà en termes de perception. Ensuite, ce qui se passe physiologiquement, c'est que ça active, l'odorat active beaucoup plus de zones du cerveau que par exemple l'air visuel. On appelle ça le système limbique. Donc il y a plein plein de régions de ton cerveau qui s'activent quand tu as une expérience olfactive ou gustative ou les deux. Et d'ailleurs... Le cerveau intègre des informations très clairement combinées entre l'odorat et le goût. Donc ça rend quand même les choses un peu plus complexes au niveau de l'interprétation cérébrale. C'est la plus reliée à l'émotion, à la mémoire, à tout ça, etc. D'ailleurs les Madeleines de Proust, tout ça.

  • Sisley

    Ensuite, il y a une explication culturelle. Il faut savoir qu'il y a eu les hygiénistes, à un moment donné, qui sont arrivés dans nos sociétés parce que... Paris, en 1700, vous ne voudriez pas savoir l'odeur que ça avait. C'était absolument insupportable. Je pense que ce serait insupportable pour nous, l'odeur. On a relié les mauvaises odeurs aux maladies, à tout ça, etc. On a éliminé les mauvaises odeurs, il fallait se parfumer, etc. On a quand même mis de côté certaines odeurs et notre capacité à les sentir, à les analyser, à en parler. Et puis, il y a eu... Justement du siècle des Lumières, beaucoup de gens qui voulaient élever l'humain plus haut que l'animalité, et donc il y a notamment Kant qui a beaucoup décrié l'odorat, qui a dit que ça nous ramenait trop à notre animalité, qu'il fallait mettre de côté l'odeur, tout ça. Donc il y a eu ces explications-là. Heureusement ça a été rétabli un peu par la suite, notamment par Nietzsche, qui était un très très grand défenseur de l'odorat, qui disait toujours mon génie est dans mes narines Et aussi, après, avec la psychanalyse, notamment Freud, Jung, qui ont vu qu'il y avait quand même des rapports aussi entre les odeurs, toutes ces hallucinations olfactives. Charcot, il en a parlé aussi.

  • Marlène

    C'est quoi ça, une hallucination olfactive ?

  • Sisley

    De même que vous pouvez avoir des hallucinations visuelles, il y a certaines personnes qui ont des hallucinations olfactives.

  • Marlène

    On croit sentir quelque chose, et finalement...

  • Sisley

    Qui n'existe pas. En tout cas, la matière de perception n'est pas... Pas dans l'air, quoi.

  • Marlène

    Parce que sinon, j'aurais pas imaginé qu'il y avait autant d'histoires liées à l'odorat.

  • Sisley

    Bien sûr. Ça s'appelle la phantosmie. Les gens qui sont atteints de phantosmie, ils ont des hallucinations olfactives.

  • Marlène

    Ok. Qu'est-ce qu'on va apprendre des choses aujourd'hui ? Trop bien. Juste avant de revenir un peu sur le laboratoire, est-ce que tu pourrais nous vulgariser la rétro-olfaction ?

  • Sisley

    Ouais, tout simplement. C'est très simple. Quand vous êtes très enrhumé et que vous mangez du chocolat, Vous ne sentez pas ce qu'on appelle malencontreusement en français le goût du chocolat. C'est-à-dire que vous percevez que c'est sucré, vous percevez l'amertume, ça c'est ce qu'on appelle les saveurs, ça se perçoit sur les papilles gustatives, sur la langue, mais vous ne percevez pas ce qu'on devrait appeler l'arôme du chocolat, c'est-à-dire le côté douceureux, le côté chocolaté vraiment. Et bien ça tout simplement parce qu'en fait le canal entre votre bouche et votre nez, Il est bouché par le mucus parce que vous êtes malade. Ce qui montre bien qu'en fait, il y a un passage qui se fait, même si on ne le sent pas. C'est ça la rétro-olfaction. La rétro-olfaction, vous croquez dans le chocolat, et les molécules aromatiques du chocolat, elles remontent derrière jusqu'à votre épithélium olfactif. L'épithélium olfactif, c'est plein de petits cils qui sont tout au-dessus de votre nez, on va dire entre vos deux yeux, physiologiquement. Et c'est là que sont captés les molécules aromatiques. C'est pour ça que les gens qui ont eu le coup... qui sont devenus anosmiques, c'est-à-dire qui avaient perdu l'odorat, ils mangeaient des trucs et ils ne percevaient pas. Ce n'est pas pareil qu'à Geusic. Il y a aussi des gens qui ont eu le Covid qui sont devenus à Geusic. Ça, c'est quand on perd le sens du goût. Le goût, c'est les saveurs, c'est-à-dire est-ce qu'on perçoit que c'est salé, sucré, etc. Et ce n'est pas du tout les mêmes récepteurs et ça ne marche pas pareil. Mais souvent, on dit le goût du chocolat alors qu'en fait, c'est l'arôme du chocolat. Parce que le goût du chocolat, ce serait sucré, amer, par exemple. Ça, ce sont les saveurs. OK, l'arôme n'a pas plus de spectre. L'arôme, c'est vraiment les molécules aromatiques qu'on pourrait sentir en olfaction directe. L'olfaction directe, c'est l'air qui rentre par vos narines et qui vont exactement au même endroit, sauf que c'est par le nez. La rétro-olfaction, rétro en arrière, c'est parce que ça passe par l'arrière de la gorge pour remonter dans le nez.

  • Marlène

    Ok, super intéressant. J'adore. J'adore apprendre du vocabulaire, donc c'est parfait. Si on revient un petit peu sur le laboratoire, Je me remets sur ma question.

  • Sisley

    J'ai un peu digressé. Non,

  • Marlène

    t'inquiète pas, c'est super intéressant. Oui, on se posait un peu sur est-ce que t'avais un peu un exemple de collaboration que t'as fait ? Parce que même si c'est avec Thierry Marx ou autre, c'est quand même deux métiers peut-être totalement différents, mais qui ensemble peuvent permettre de créer... des projets différents. J'ai vu des choses sur Olfactive Project, des SMS parfumés, un inhalateur de fines particules de café. Est-ce que tu as une expérience que tu aimerais raconter de ce passage au laboratoire et qui t'a ouvert une possibilité de création ?

  • Sisley

    Pour Philippe Starck, il y a eu une collaboration entre David Edwards et Philippe Starck, le designer. C'était très impressionnant, j'avais 23 ans. c'est-à-dire que ma maman a fait des études de déco, etc. Donc elle est très branchée designer et tout. Quand je l'ai appelée, je lui ai dit, je vais travailler avec Philippe Sark. C'était comme une dingue. Et ils ont imaginé en fait un spray qui donnerait un peu la sensation gustative, tout ça de l'ivresse, sans l'ivresse. Et le brief, c'était, il fallait que je fasse le goût d'un nuage. Et donc j'ai vu Philippe Sark et je me suis dit, il va être cool. Comment on imagine un nuage en fait ?

  • Marlène

    C'est quoi la Est-ce que le brief est plus précis ?

  • Sisley

    Et il m'a laissé assez carte blanche. Il y en avait un, c'était un peu ange, et l'autre un peu démon on va dire. Donc il y avait quelque chose qui était très pimenté dans la formulation, piquant, etc. A l'époque j'ai collaboré aussi. avec un aromaticien qui s'appelle Arnaud Bousquet, chez Givaudan. Et c'était super intéressant de travailler là-dessus avec des premières formules. Voilà, ça c'était entre autres, mais il avait aussi développé une machine qui s'appelait le WAF avec Marc Britillo, qui est en fait un appareil qui permet de brumiser en très très très très fines petites gouttelettes un liquide. Et donc du coup, vous pouvez aspirer un espèce de nuage, on va dire, et après ça retapisse la bouche, et donc vous sentez l'aromatique, les arômes qu'il y a dedans. Et donc ça, j'ai fait beaucoup, beaucoup de formulations pour des événements avec cet appareil, parce que ça permet d'avoir l'aromatique sans la matière. Et j'ai adoré, pour le lancement de l'album de l'artiste Hall, France, que je salue d'ailleurs, j'ai créé le goût de cinq de ses chansons. avec cet appareil. Donc il y avait des stèles où on écoutait avec des casques la musique et on pouvait inhaler un goût qui n'existait pas et qui était pour moi l'interprétation de ces chansons.

  • Marlène

    Donc tu écoutes, tu essaies de voir ce que ça te fait ressentir et tu fais un assemblage de ça que tu mets dans le wax.

  • Sisley

    Non, ça c'était le WAF. Il y a le WA, il y a le WAF, il y a le WIF. À l'époque, c'était les noms comme ça. Et ça, ça m'a évidemment beaucoup marquée. je l'ai fait aussi pour d'autres événements avec de la peinture tout au laboratoire c'était très marquant je me suis vraiment découvert un monde artistique jusqu'à présent j'étais dans un monde un peu conventionnel de l'aromatique même si l'aromatique c'est pas très conventionnel même de base Et là, je... Comme un poisson dans l'eau.

  • Marlène

    Et justement, dans cette expérience, si tu repenses un peu à la cellule de R&D, est-ce qu'il y a des personnes qui ont des spécialités dans cette cellule ? Est-ce qu'il y a un sujet et quelqu'un le prend ? Parce que, je ne sais pas, il y a la motivation ou il y a juste l'expertise pour ça ?

  • Sisley

    Non, on travaillait beaucoup avec des designers, etc. Par exemple, pour le Ophone, c'était un projet pour envoyer des SMS olfactifs, justement. Donc moi, j'ai collaboré avec Christophe Lodamiel sur la partie olfactive parce qu'en fait, il fallait faire des parfums, avec des molécules de parfums. Mais c'était à l'époque les débuts d'Instagram, etc. Et on s'était rendu compte que la plupart des gens, ils photographiaient de la bouffe. Donc si tu... Vous voulez envoyer des odeurs par SMS, il fallait créer des odeurs de bouffe. Sauf que... On n'apprend pas à un parfumeur, encore une fois, à faire l'odeur d'un cheat burger, de l'ail, etc. Donc, ça, on s'est pas mal amusé avec Christophe. Il fallait travailler aussi sur les nouveaux supports. On a travaillé sur un brevet sur les nouveaux supports aromatiques qui étaient capables de catcher les odeurs et de les garder pour faire des cartouches. Puis, tu travailles avec des designers, notamment Laurent Millon, que j'embrasse aussi, de Millimètre Studio. Et on était tous... C'était très early stage. C'est-à-dire, moi, je travaillais vraiment sur la partie... conception. Donc, t'imagines comment ça peut marcher. Puis après, une fois que ça commence à marcher, là, tu levais des fonds, il y avait des startups qui étaient créées. Et là, on embauchait des gens qui allaient développer plus intensément. Mais là, on était vraiment sur la partie conception et travaillé aussi avec des chefs. On a travaillé une masterclass avec Massimo Buttira, par exemple. Trois jours de masterclass avec Massimo Buttira, qui était qui a été élu meilleur chef du monde, qui fait des choses incroyables. Il avait fait un jus de canard complètement dingue avec du riz toasté pour faire des nuages aromatiques. Et ça, c'était il y a 13 ans.

  • Marlène

    Oui, on est... Je ne sais pas à quel moment elle bouillit. Je n'ai pas la date.

  • Sisley

    C'était à peu près dans ces eaux-là, bien sûr.

  • Marlène

    J'ai adoré le reportage Chef Table sur Adrienne. Je ne sais plus les noms des deux chefs, frères chefs, qui ont créé Albuli, le restaurant à Barcelone.

  • Sisley

    Les frères Roca.

  • Marlène

    Oui, il me semble, oui, qui ont créé la cuisine moléculaire. Très intéressant, je vous recommande.

  • Sisley

    C'est vraiment Hervé. Avant ça, il y a même Hervé Tisse à la base. C'est Hervé Tisse qui a beaucoup travaillé sur le concept de cuisine moléculaire. sur la chimie, tout ça, etc. Et puis il y a Raphaël Aumont qui a beaucoup travaillé avec Thierry Marx, qui est un chimiste qui s'est spécialisé évidemment dans toutes les réactions de la chimie, de la cuisine avec Thierry Marx pendant des années.

  • Marlène

    Ok, c'est fascinant. Il y a un monde de R&D qui est énorme. Est-ce que c'est quelque chose qui t'intéresse encore, de bosser peut-être dans un studio de R&D, une agence de R&D ?

  • Sisley

    Bien sûr. Moi, c'est ce que je fais aujourd'hui. C'est-à-dire qu'il y a des gens qui m'appellent pour la conception de produits, etc. Donc, c'est mon ADN. Et puis, j'adore collaborer avec d'autres métiers. Je pense que c'est la richesse de la R&D, recherche et développement, pour ceux qui ne sauraient pas.

  • Marlène

    Oui,

  • Sisley

    c'est vrai. C'est un monde à la croisée des mondes parce que ça réunit encore une fois de la technique, de l'innovation, réfléchir à la législation, à comment est-ce qu'après... le produit, etc. Et puis, toutes les demandes ne sont pas les mêmes. Donc, c'est fascinant.

  • Marlène

    Oui, mais c'est marrant parce que justement, l'une de mes questions, c'était qu'est-ce que c'est qu'un master blender ? En fait, je me suis notée... Parce que pour moi, blend, ça me fait penser au burger. T'as un restaurant où tu fais ta viande, tu mets des épices au haut, ça s'appelle un blend. Et l'une de mes questions, c'était est-ce que c'est lié à ça ? Et c'est marrant parce que depuis tout à l'heure, on parle des odeurs ou de l'arôme de burger. Et on parle de master blender qui est un mot qui me fait penser au burger.

  • Sisley

    Donc c'est marrant. Simplement, il s'appelle blend parce que blend, ça veut dire le mélange en anglais. Et donc c'est le fait de mélanger. Enfin, ils ont pris ce nom, je pense, pour le mélange. Et donc le master blender, c'est celui... Le maître mélangeur, on pourrait dire, le maître d'assemblage qui mélange, c'est beaucoup utilisé aux Etats-Unis ou dans les pays anglo-saxons pour les gens vraiment qui font les assemblages de whisky, de gin, etc. Moi, j'ai toujours eu un problème pour définir mon métier. Je ne me sens pas aromaticienne, je me sens designer, mais designer, ça fait penser plus au design, pas vraiment produit. Et tout ça. Bon. Je ne suis pas parfumeur, je ne suis pas maître de chais, je ne suis pas que R&D, je suis un concepteur. Il y a des concepteurs rédacteurs par exemple, moi je serais un concepteur olfacteur. Oui, pas que, parce que la conception d'un produit, ça englobe évidemment la formule et la recette. Mais moi, je réfléchis aussi beaucoup sur, comme son nom l'indique, le concept. Donc l'univers, le nom. Des fois, on me file des projets page blanche en me disant, propose-nous des pistes créatives. Il y a des gens qui savent ce qu'ils veulent, mais généralement, les gens m'appellent plus pour une patte. C'est comme... Je compare ça un peu à un artiste, un musicien, un compositeur. Je suis un peu compositeur, sauf que ce n'est pas de la musique. Dans le sens où... Ou réalisateur, dans le sens où tu as quand même une patte, un style.

  • Marlène

    J'ai vu que tu avais mis sur ton LinkedIn directrice de la création. Pour moi, c'est très lié à directeur artistique. le caractère de la création, où tu peux aussi venir avec un concept, une idée, et bien sûr une manière de l'interpréter et de lui donner vie en fait.

  • Sisley

    Exactement, donc c'est pas que la formule, tu vois, basico-basique, mais j'aime réfléchir ou participer à l'élaboration de la conception du produit, du produit ou d'une marque d'ailleurs, c'est ce que j'ai fait avec H-Theoria, quand j'ai créé H-Theoria avec Camille. Et du coup... c'est un peu plus vaste que juste faire la formule.

  • Marlène

    Oui. Et si tu devais résumer à quelqu'un un peu tes tâches de manière régulière, qu'est-ce que fait une directrice de la création ? Qu'est-ce que toi, tu fais ? Je sais que c'est dur à résumer, mais de manière générale, pour qu'on comprenne tout le spectre de ce que tu fais.

  • Sisley

    Oui. Pendant huit ans, j'ai cofondé avec Camille Hédin la marque H-Theoria, qui a été revue. ...prendu il y a peu de temps. Donc pendant 8 ans, j'ai aussi été toute la casquette chef d'entreprise, qui englobe quand même des métiers qui sont très très loin de ce que je fais, mais qui sont du marketing, de la com, du management, de la comptard, tout ça, etc. Donc voilà. Mais globalement, aujourd'hui, je dirais que... J'ai trois, on va dire, trois cœurs, trois cœurs de métier. J'aime l'idée d'avoir trois cœurs, comme une pieuvre. Non, je crois qu'il y en a plus que ça. J'ai essayé de définir parce qu'en fait, moi, j'aurais adoré ne pas choisir, ne pas me mettre dans une case et être... Mais les gens ont quand même besoin de comprendre ce que tu fais et de clarifier aussi ce que tu fais. Donc moi j'ai trois vraiment coeurs de métier, la conception produit, ça c'est une première chose, notamment de produits alimentaires. bien que j'adorerais j'ai plein de trucs dans les tiroirs parfums ou même mobilier parce que j'adore l'art de la table j'adore les verres, j'adore la fashion je me nourris de plein plein d'univers et donc je me dis dans cette vie pourquoi pas faire d'autres produits que des produits alimentaires mais toujours qui ont un rapport avec l'émotion et la sensorialité quand même hum Donc la conception de produits alimentaires, notamment de boissons. Il faut savoir que ma spécialité, c'est quand même les boissons. Même quand j'ai fait mon apprentissage dans un labo spécialisé dans les arômes de menthe, quand j'étais à l'Égypte, qui s'appelait HM Todd, qui était un labo américain. Et donc je travaillais aussi sur les boissons à l'époque. Mon sujet d'alternance, c'était créer une gamme de boissons à la stevia. C'était la grande mode de la stevia, etc. Sauf que tout le monde s'est emballé pour la stevia. L'édulcorant naturel, tout ça, etc. Pas de calories, tout ça. Sauf que c'était dégueulasse. On t'en mettait, ça avait le goût de réglisse, les gens détestaient et tout. Et donc du coup, moi je devais travailler sur proposer une gamme de boissons à des clients qui contenaient de la stevia. Et déjà à cette époque, j'avais fait des assemblages un peu particuliers parce que je me suis dit, la problématique c'est que ton cerveau sait ce qu'est le goût de la fraise et ce qu'il veut comme goût de fraise ou comme sirop de fraise, etc. Donc du moment qu'il va percevoir une différence aromatique, il sent qu'il est carotte et que ce n'est pas normal. Donc la problématique c'est qu'il faut créer des goûts que les gens n'ont pas encore enregistrés. pour que ce soit pas bizarre, que ça sente ce petit goût de la stevia. Donc j'ai créé des boissons, des boissons gazeuses qui étaient à l'époque, tu vois, je te dis 2010 aussi, avec des assemblages épices-fruits, bananes-jasmin, enfin voilà, des choses comme ça, et qui faisaient que... Tu ne savais pas vraiment ce que c'était le goût de ça, donc il fallait que ce soit équilibré, à la fois l'amertume ou le goût de la stéviard, ce n'était pas une problématique. J'ai fait chez Gabriel Boudier sur les spiritueux, après j'ai eu ça comme alternance, donc même quand je n'étais pas encore dans la vie professionnelle, tout m'a mis vers les boissons, et après au laboratoire, j'ai travaillé beaucoup sur les liquides, les sprays, les poudres, tout ça, et pas tant sur des produits alimentaires classiques. Après, j'ai été deux ans en freelance. Donc là, j'ai fait aussi des projets plus particuliers. J'ai notamment travaillé avec une chef vegan à l'époque pour créer des recettes vegan, foie gras vegan, tout ça, etc. À l'époque aussi, pareil, 2015 à peu près.

  • Marlène

    Donc super en avance.

  • Sisley

    C'était l'idée nouvelle.

  • Marlène

    Il y a beaucoup plus d'offres aujourd'hui en tout cas qu'en 2015.

  • Sisley

    Exactement. Donc... Et puis après, j'ai aussi travaillé pour des maisons de parfum, par exemple, en événementiel, comment tu transformes les notes d'un parfum en aromatique, justement en utilisant ce waaf, ce nuage, pour pouvoir inhaler et goûter les notes des parfums alimentairement. L'univers m'a toujours portée entre les parfums et les arômes, et surtout sur les liquides. Pour répondre à ta question, pour en venir plus loin, conception, produit, food, spécialisé, liquide, spirituel ? mais pas que évidemment j'ai créé une marque de liqueur donc les spiritueux c'est quand même mon domaine de prédilection mais on m'appelle aussi pour des sirops pour des boissons, sans alcool j'adorerais travailler sur des bouillons enfin j'ai pas de rien là dessus ensuite mon deuxième coeur c'est vraiment la direction de création, la direction artistique sur tout ce qui va être un peu identité, moodboard shooting photo J'ai vraiment découvert cette partie de ce que j'aime et sur quoi je pense avoir quelque chose à apporter avec H-Theoria, puisque nous, H-Theoria, on a démarré toute seule sur notre canapé, donc il fallait bien faire les photos, tout ça, etc. Donc en collaborant avec... Avec des agences, en collaborant après avec des photographes, tout ça, etc. Je me suis pris une passion pour tout ce qui est le set design, la direction artistique, sur l'identité de marques très fortes artistiques, le graphisme, le set design de photographie. Et puis à côté de ça, en plus, personnellement, je faisais de la photographie. Donc c'est quelque chose qui me parle beaucoup et qu'on m'appelle. Et ça va aussi un peu plus loin, c'est aussi surtout ce qui est l'écriture, parce que j'écris aussi beaucoup, j'écris de la poésie depuis que j'ai... je ne sais pas, 7 ans. Donc l'écriture et la littérature sont quelque chose qui m'animent énormément. Les mots sont très importants. Enfin, je pense qu'on l'avait vu, ceux qui connaissent H. Théoria. sont quelque chose qui est fondamental, même, je dirais, dans ma capacité à créer, à en parler, à tout ça. Et du coup, j'écris aussi pour des marques. Et après, le troisième cœur, c'est vraiment tout ce qui est pédagogie. Parce que moi, je pense que dans ce monde, il faut transmettre ce qu'on nous donne. J'ai eu la chance d'avoir... qu'on m'ait enseigné des savoirs qu'on n'enseigne pas partout. Et aujourd'hui, on vit dans un monde où... où effectivement les gens sont de plus en plus experts, s'intéressent de plus en plus à l'olfaction et heureusement, donc il y a plein de choses à dire. Évidemment avec ChatGPT et Google on peut trouver plein de choses, mais rien ne remplace la capacité des sensations émotionnelles et tout. Donc sur la partie pédagogie j'ai donné des cours. pendant quelques années à l'ISIPCA, justement. Un sur les arômes de café et puis l'autre au master sur les liqueurs, les spiritueux. Et je leur apprenais à faire, pour les entraîner, je leur faisais faire les liqueurs, le goût d'un tableau ou d'une musique. Voilà. Donc c'est des exercices qu'ils n'avaient pas l'habitude de faire. Je donne des cours à l'université de Tergy-Pontoise, aux licences de design culinaire aussi, sur l'aromatisation. Et puis des masterclass sur comment on sent le vocabulaire olfactif, soit publiques ou privées. Donc, voilà.

  • Marlène

    Oui, j'ai vu que tu en avais fait pour, justement, H-Theoria, je crois, en novembre.

  • Sisley

    Oui, j'en ai fait beaucoup sur H-Theoria, bien évidemment. Et puis, je continue d'en faire sur des sujets aussi larges et vastes qu'on peut avoir, surtout sur la façon de parler. Et donc, dans cette partie pédagogique, je viens de créer une nouvelle page qui s'appelle Poétique Molécule, où, justement, Mon ambition, pour l'instant c'est en création, c'est de pouvoir partager et apprendre aux gens à parler de ce qu'ils sentent, ressentent et goûtent, et pas quelque chose d'élitiste, comme on voit sur les parfums ou le vin, mais de l'ordre des sensations, qu'ils peuvent apprendre des choses sur leur corps, leur manière de percevoir,

  • Marlène

    tout ça. Ok, c'est super, ça me fait une super transition pour ma prochaine question. Quand j'avais fait les... C'est l'épisode avec Simon, d'Alabat Armaniak. À la fin, on avait dégusté son Armaniak, l'un des trois de ses Armaniaks. Et il m'avait justement expliqué Alors non, ne prends pas le verre et mets pas ton nez directement dedans parce que tu vas te griller. Alors, je n'ai pas tous les mots, mais Tu vas te griller le nez avec la puissance de l'alcool et la puissance du dégré. Il m'avait dit Non, ce n'est pas comme un vin. Pareil, on ne le tourne pas. On va le sentir plutôt de loin. Est-ce que, justement, tu as des produits ou des senteurs qui ont un peu des spécificités ou on ne va pas les humer de la même manière que d'autres ?

  • Sisley

    Alors moi je ne suis pas une ayatollah de la façon de des protocoles de dégustation et je ne veux pas contredire Simon quand je l'embrasse au passage effectivement il y a des verres ou des contenants qui sont mieux pour certains spirituels suivant le degré d'alcool etc et c'est tout à fait vrai Par exemple, on fait souvent goûter dans des verres tulipes, les cognacs, des spiritueux qui ont un haut degré d'alcool. Moi, je trouve que c'est une connerie parce que tu te prends effectivement l'éthanol dedans. Mais je trouve que ce qui est intéressant, c'est de montrer par contre que le contenant a une importance et que les gens testent par eux-mêmes de goûter la même chose dans un verre à vin, dans un verre comme ça ou dans un verre ouvert. et voient la différence, parce qu'il y en a une, bien évidemment. Mais de là à dire que la température joue presque plus que le contenant, je trouve, ça se vaut. L'humeur aussi. À ce moment-là, si on prend un facteur, on les prend tous. Si vous êtes le matin, si vous êtes le soir. Pour les femmes, suivant le cycle menstruel dans lequel on est, on ne sent pas la période du cycle menstruel dans lequel on est, on ne sent pas pareil non plus. C'est ça. Si vous êtes triste, si vous n'êtes pas bien ou si vous êtes heureux, vos perceptions vont changer et c'est normal. Donc on ne va pas percevoir la même chose. Après, ça dépend si on veut comparer. Encore une fois... Ça pose la question de pourquoi vouloir sentir comme un expert ? Si le but, c'est de se faire plaisir, vous n'avez pas besoin, et me semble, je trouve, mais vous pouvez très bien déguster quelque chose dans quelque chose qui vous fait plaisir, un verre à vin, un verre différent, etc. Si vous voulez être dans un geste précis, d'expert, tout ça, vous pouvez suivre des recommandations du producteur, du créateur qui a produit le produit et qui, lui... pense que son produit est mieux mis en valeur dans un certain contenant ou d'une certaine manière dans un parfait serve. Et puis après, par contre, effectivement, si vous voulez faire des concours, vous comparez aux autres, etc. Il faut utiliser des choses qui sont comparables et rationalisées de partout. Mais en fait, j'ai envie de dire, ça dépend de quelle est la volonté. Voilà, la volonté, c'est flatter son égo. Effectivement, vous pouvez avoir un protocole, la prendre par cœur, tout ça, etc. Moi, je trouve ça... Chiant comme la mort.

  • Marlène

    Oui. Et justement, pour quelqu'un qui veut juste... Moi, par exemple, j'aimerais bien développer un peu plus mon odorat, mais plus pour moi en vrai que pour autre chose. Qu'est-ce que tu me conseillerais de... Juste de faire plus dans mon quotidien pour au fur et à mesure... Parce que je sais que c'est aussi beaucoup de temps, beaucoup d'olfaction, etc. Qu'est-ce que tu me conseillerais de faire pour au fur et à mesure développer mon odorat ?

  • Sisley

    Alors, la première chose, c'est que tu ne pourras pas développer ton odorat puisque... Ta capacité à sentir, elle vient des récepteurs que tu as. Et ça, c'est génétique. C'est de l'ordre de l'inné et pas de l'acquis. C'est-à-dire que si tu n'as pas certains récepteurs à certaines molécules, on va dire, tu ne les auras jamais. Ils ne vont pas pousser, etc. Donc, tu ne peux pas, à proprement parler, booster ton odorat. En revanche, ce que tu peux booster, c'est ta mémoire olfactive. Ce qui est très différent et ce qui est très important aussi. C'est-à-dire ta capacité... à mettre des mots sur ce que tu sens et à te rappeler les odeurs et à les identifier. Ça, ça se travaille. Ça, ça se travaille. Il n'y a pas 36 000 façons. Il faut sentir le plus possible, goûter le plus possible d'ingrédients, de choses, essayer de faire les points communs. Il faut cuisiner, il faut goûter le plus possible, le plus possible, le plus possible. La différence entre du basilic, du basilic thaï, le point commun entre le basilic thaï et l'ani. Enfin voilà, et découvrir en fait, se faire confiance. Arrêtez de penser qu'on est nuls sur les odeurs. Moi, c'est ce que j'entends constamment dans mon métier. Je rencontre que des gens qui me disent moi, je sens rien, je suis nul, etc. Non, il n'y a personne qui est nul. Ou MIT, il y a quelques années, ils ont fait une expérience où ils ont fait suivre une trace de cacao dans de l'herbe à un panel de personnes qui avaient les yeux bouchés, les oreilles fermées, donc juste à l'odeur, comme un chien. Et les résultats sont plutôt concluants, on est en capacité totale de le sentir. Et on ne se rend pas compte que l'odeur, on sent très bien, on sent très bien. Mais on ne sait pas mettre de mots sur ce qu'on sent, déjà parce qu'on ne nous l'apprend pas. On vous apprend à l'école à 5 ans les couleurs, on vous apprend les notes de musique, il n'y a personne qui vous apprend les odeurs. Donc il n'y a pas quelque chose qui est collectif dans l'éducation là-dessus. Donc ça dépend beaucoup en fait de l'éducation personnelle que vous recevez. Est-ce que de là où vous vivez, et puis on a tendance à s'auto-centrer sur aussi les régions du monde dans lesquelles on vit, etc. Mais les perceptions des odeurs et de ce qui est bon, pas bon, etc. Elles changent énormément suivant les régions du monde, suivant les cultures. Voilà, les Japonais chinois, ils sentent du fromage. Pour eux, ça sent juste les pieds, c'est immonde. Et nous, le durian, on sent ça, on se dit comment est-ce qu'on pourrait manger ça ? Donc, il y a aussi toute une partie qui est culturelle. qui est de l'ordre de l'apprentissage. Il faut, comme tout dans la vie,

  • Marlène

    être curieux,

  • Sisley

    ouvert, goûter. Et surtout, moi, je trouve que c'est important de manger aussi des choses qu'on n'aime pas.

  • Marlène

    Oui. Et comprendre pourquoi est-ce qu'on n'aime pas, peut-être aussi...

  • Sisley

    Ou même pas spécifiquement. Il y a une différence si tu veux vraiment identifier, si tu veux vraiment... En fait, si tu supprimes déjà tout ce que tu n'aimes pas, c'est-à-dire ce qu'on appelle... un choix discriminant, puisque tu mets de côté certaines choses que tu dis moi j'aime ou j'aime pas, ou certaines choses que tu dis ça c'est bon, ça c'est pas bon, du coup forcément tu mets de côté plein de choses qui pourraient t'apprendre aussi des choses. Et moi, par exemple, je déteste la nid et la menthe, c'est pas trop mon truc. Et je me suis pourtant éclatée quand j'ai fait une alternance dans la menthe et la nid, parce que j'ai... En plus, on est plus fort, je trouve, dans la discrimination et dans la différenciation pour les choses qu'on n'aime pas.

  • Marlène

    Oui, sinon on part à biaiser, en fait.

  • Sisley

    Ça, ça s'apprend aussi. Il faut mettre de côté ce qu'on appelle l'hédonisme. Et ça, c'est ce qu'on fait beaucoup en analyse sensorielle. Parce qu'il existe aussi beaucoup de panels d'analyse sensorielle, de gens qui font mon métier, mais pour décrire, identifier tout ça. Ça dépend de ce qu'on veut avoir comme résultat. Mais en fait, on apprend à mettre... de côté les critères hédoniques. C'est-à-dire j'aime, j'aime pas, c'est plus si, c'est moins ça, c'est douceureux. Tout ça, c'est de l'ordre du jugement.

  • Marlène

    C'est du subjectif, oui.

  • Sisley

    Si vous voulez être dans la description, ça pue, ça pue pas, c'est pas une description.

  • Marlène

    Je vais poser une question super bête. Est-ce qu'on peut être allergique ou intolérant à un arôme ou une odeur ?

  • Sisley

    Alors, tu peux détester une odeur, etc. Être allergique à une molécule, oui, mais généralement, les allergies, elles sont plus de l'ordre respiratoire ou de la peau. Il y a des ingrédients qui te... Et les allergènes, les allergènes ne sont pas forcément des molécules aromatiques. C'est souvent plus le support de l'arôme qui peut être irritant, etc. Et après, par contre, on a des aversions, bien sûr, heureusement. Oui, on n'est pas comme notre voisin, on a du vécu. Si la première fois que tu as goûté un ingrédient, on t'a cassé la jambe, il y a de fortes chances que tu n'aimes pas cet ingrédient. D'ailleurs, on le voit avec... Les gens qui ont été malades, qui ont eu soit une intolérance alimentaire, une indigestion alimentaire, ou qui se sont tout simplement pris une première cuite quand ils étaient très jeunes ou très malades. Après, tu fais un rejet, tu ne peux plus du tout le boire. Moi, c'est la fondue Savoyard, par exemple. J'avais 8 ans et je ne peux même pas rentrer dans une pièce où on fait de la fondue Savoyard.

  • Marlène

    Ah oui, c'est une mémoire. Moi, c'est la liqueur de mandarine.

  • Sisley

    Ah, première cuite. Première cuite. Ouais. Bon, ça, ça marche. En fait, ton cerveau... Le cerveau, il est branché comme il y a 300 millions d'années. Et si tu veux, quand tu es à poil dans la forêt, une indigestion alimentaire, tu vomis pendant 24 heures, tu es déshydraté, tu meurs. Aujourd'hui, c'est moins grave. Et encore, c'est moins grave là, je te parle en France, soigné, tout ça, etc. Mais suivant les contextes, il ne faut pas oublier quand même que ça peut être très grave dans certains pays. Et donc du coup... Bah du coup, ton cerveau, il se dit vraiment que t'as failli passer, il se dit, c'était l'arme à gauche, quoi.

  • Marlène

    Un poison, ouais.

  • Sisley

    Et vu qu'il sait qu'on n'est pas très raisonnable, les humains, j'aime bien le rendre un peu humain, indépendant, ce cerveau, mais pour expliquer comme ça, on n'est pas très raisonnable. On fume des clopes, on renvoie des messages à ses ex à 2h du matin. Enfin voilà, on fait quand même plein de trucs qui sont pas bons pour nous. Là, il se dit, attends, faut pas rigoler avec ça. Donc du coup, c'est un enregistrement. C'est l'aversion, c'est-à-dire que l'odeur déclenche une aversion qui te rappelle à ta sensation qui est très forte. Mais d'ailleurs, l'odorat est tellement relié aux émotions qu'il nous fait revivre les émotions. Chose que les autres sens ne font pas. C'est-à-dire que tu as croisé quelqu'un, tu te souviens d'un visage, d'un coup tu le revois, tu te souviens et tout, tu te souviens. Mais une odeur, ça te rappelle un moment avec ta grand-mère, etc. Tu peux avoir les larmes qui viennent aux yeux, le bonheur. revient, tout ça, etc. C'est... C'est normal, parce que ça nous permettait de survivre.

  • Marlène

    C'est marrant, parce que j'avais... Je fais de l'eczéma de temps en temps, et donc j'ai eu une crème pour l'eczéma. Et l'autre jour, je me suis dit, c'est quoi cette odeur ? Je l'aime bien. J'aime bien cette odeur. Et puis, je la fais goûter, etc. Et puis la personne... Goûter, sentir. Et la personne me dit, mais c'est l'odeur de la gouache. En fait, ma sœur faisait de la peinture quand j'étais plus jeune. Et donc, elle avait souvent de la gouache, etc. Et moi, je n'en faisais pas. Mais ça m'a rappelée. Et j'adore cette crème. Je n'en mets pas parce que je n'en ai pas besoin tout le temps. Mais dès que j'ai de l'eczéma, j'ai un plaisir à mettre cette crème parce qu'elle a une odeur de gouache qui est... Je ne sais pas. Pour moi, c'est juste hyper plaisant de sentir cette odeur. C'est une madeleine de Proust sensorielle.

  • Sisley

    Exactement, mais les odeurs c'est souvent ça et d'ailleurs si on demande tout le temps les souvenirs olfactifs la plupart des marquants des gens c'est souvent que ça revient pendant la petite enfance ou relié à sa famille ou tout ça etc parce que c'est à ce moment là que tu cristallises ta personnalité, les émotions que ce soit négatif ou positif et la bonne nouvelle c'est qu'on peut réapprendre à aimer quelque chose qu'on a détesté moi c'était le cas avec les huîtres mais c'est toujours pas le cas pour la fondue apparemment non, ça ça veut pas mais dans un contexte très agréable en fait il faut recréer des moments où agréable, il faut un peu reset son cerveau pour qu'il réenregistre et ça prend du temps qu'il réenregistre que ce moment là il peut être agréable donc il faut que ce soit dans des conditions super particulières Et moi, j'ai remangé des huîtres avec des gens que j'aimais beaucoup, dans des parcs à huîtres, avec du vin, du soleil, en vacances, dans un contexte... Voilà, petit à petit, j'ai d'abord senti... Et on peut réaimer ça, évidemment. Puis après, il y a aussi des... Ce que j'appelle le bâton de feu, c'est-à-dire qu'on voit que dans nos cultures, il y a des choses qu'on appréhende différemment pour passer à l'âge adulte. C'est le cas notamment, par exemple, de tout ce qui est amer, du vin. Je ne sais pas si vous vous rappelez, les premières fois que vous écoutez du vin, quand on a 13-14 ans, tout le monde trouve ça dégueulasse. Alors que ce n'est plus le cas maintenant. Le fromage, pareil, les enfants ne mangent pas le fromage fort, il pue, les champignons, l'amertume, des choses comme ça. Et en fait, c'est des choses qu'après, adultes, on aime. Alors pourquoi ? Parce qu'en fait, ça fait partie après de la culture de devenir un adulte. Et on apprend à... Moi, j'ai vraiment le souvenir de me forcer à essayer de boire du vin pour apprécier. Et au fur et à mesure, ça marche.

  • Marlène

    Oui, oui,

  • Sisley

    c'est une peu trop des fois. Et donc du coup, il y a aussi toute cette notion de l'appartenance. Mais moi, pendant mes études, on a fait aussi beaucoup d'études des cultures, des cultes aussi, par rapport aux aliments, ce qui est interdit, ce qui n'est pas interdit, tout ça, etc., qui définit aussi beaucoup tes goûts.

  • Marlène

    Oui, ok. Eh bien, tu as dit tes goûts. C'était ma dernière question pour ce premier épisode. Qu'est-ce qui... Si on devait te servir à boire ou toi à manger, qu'est-ce qui est vraiment... peut-être pas une madeleine de Proust mais qu'est-ce qui te parle en termes de goût en termes de même d'odorat ou autre oh là là énormément de choses ouais énormément de choses

  • Sisley

    Trop dur à choisir. C'est comme les gens qui demandent si tu devais manger qu'un seul truc jusqu'à la fin de ta vie. Moi, je me pends. C'est-à-dire que manger qu'un seul truc à la fin de ta vie, c'est le meilleur moyen de détester. Je suis quand même très fromage. C'est quand même mon petit péché mignon. Je suis quand même très fromage. Mais après, il y a des odeurs, des épices, etc. J'adore. Je pourrais avoir le nez dedans tout le temps. La cardamome, par exemple, je trouve que c'est extraordinaire. Le parfum de la cardamome, c'est extraordinaire. C'est-à-dire que c'est à la fois floral, frais, épicé, c'est un parfum... tout entier, la cardava, je pourrais vraiment avoir mon nez dessus. Il y a des petites choses comme ça qui me rappellent aussi mon enfance. J'ai grainé, je pourrignonne avec ma grand-mère les jécossais, les petits pois. Et donc l'odeur du petit pois cru, vert. C'est ma madeleine de Proust à moi. J'adore, j'ai l'impression d'avoir le soleil qui me tape dessus, etc. Quand je sens ça, ça j'adore. Et puis après... En termes de parfum, je suis très sensible aux musques. J'aime beaucoup les odeurs musquées, animales, chaleureuses, un peu transparentes, dufteuses, etc. Mais j'aime... Et j'ai en sainte horreur les trucs un peu...

  • Marlène

    T'inquiète.

  • Sisley

    Et j'ai en sainte horreur les trucs un peu dégoulinants, de la parfumerie un peu mainstream, très gourmand, qu'on appelle gourmand. Alors déjà, je déteste cet autre... Gourmand, fruité, chocolaté, etc. Où t'as l'impression d'être un gros bonbon et qui valorise absolument pas l'image de la femme, je trouve. En sac, elle est toujours un objet de consommation. Bon, c'est un autre débat, mais... Voilà, dans les odeurs.

  • Marlène

    Et en termes de saveurs, est-ce que... Plutôt amère, sucrée, salée ?

  • Sisley

    Alors moi, j'étais très, très, très... J'ai eu une grosse opération de l'estomac il y a un an et demi. Si je peux partir dans le détail, j'ai eu une opération bariatrique parce que j'étais obèse. Et donc du coup, j'ai eu une réduction de l'estomac. Et donc tout mon rapport à la nourriture a changé. Et du coup, j'ai vraiment des envies de sucré que je n'avais pas avant cette opération. Donc mon rapport au sucré a changé. Tout ce qui est vanillé. Alors la vanille, j'adore de base. Mais chocolaté, les trucs sucrés, j'adore. et aussi non moi ce que j'aime c'est l'équilibre de manière générale je pense que c'est à ça que je suis sensible c'est la balance entre les différentes saveurs entre les différents arômes c'est un peu ce qui m'obsède en fait c'est le plus dur à avoir en plus et donc du coup tu vois c'est comme l'harmonie en musique etc et donc je dirais que c'est plus ça que choisir une saveur ou quoi je comprends et bah écoute merci beaucoup pour cette masterclass sensorielle je dirais avec plaisir

  • Marlène

    et voilà l'épisode 1 fini on se retrouve lundi prochain pour la suite tu découvriras toutes les étapes nécessaires à la création d'une voix 100 en attendant n'hésite pas à t'abonner au podcast pour être tenu au courant de la sortie des prochains épisodes et à mettre 5 étoiles si t'as plu ça me motive à continuer tu peux aussi nous retrouver sur Instagram à origine.podcast filmer notamment des photos assez exclues qui te permettent de rentrer encore plus dans les coulisses de l'entrepreneuriat je t'en dis pas plus et je te dis à la prochaine

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  • Tempo: 120.0

    00:00

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