- Speaker #0
Bonjour et bienvenue sur L'Autre Voix. L'Autre Voix, c'est le tout nouveau format du podcast du Mois d'Or. Un format qui replace au cœur de nos préoccupations les enfants, et en particulier les tout-petits, ceux à qui on ne donne jamais la parole. Dans ces épisodes, je reçois des lanceurs d'alerte, des scientifiques, des personnes engagées, qui prennent des risques pour faire vaciller nos certitudes. Il nous propose une autre vision de la petite enfance, parce qu'une autre voie, justement, est possible pour accompagner nos enfants dans la vie. Dans ce nouveau format, attendez-vous à être peut-être dérangé, déstabilisé, parce qu'ici, vous trouverez des arguments et de la matière, faire Ausha en conscience. Vous trouverez aussi de l'énergie pour mener à bien la plus belle mission du monde, la parentalité. C'est parti, je vous souhaite une très bonne écoute. Bonjour Frédérique.
- Speaker #1
Bonjour.
- Speaker #0
Alors, aujourd'hui je suis en présence de Frédérique Groux. On va parler crèche, on va parler petite enfance. Est-ce que Frédérique, s'il vous plaît, vous pourriez vous présenter ?
- Speaker #1
Alors, je suis Frédérique Groux. Alors, actuellement je suis psychologue, mais j'ai longtemps travaillé en crèche en tant que directeur de crèche. éducateurs de jeunes enfants sur le terrain. À l'heure actuelle, je me concentre plus sur ce qui est mon travail maintenant. C'est psychologue à l'hôpital et psychologue en crèche et formateur pour les professionnels de la petite enfance.
- Speaker #0
Merci. J'ai aussi noté que vous aviez un compte Instagram, c'est comme ça que je vous ai découvert, dans lequel vous semblez alerter sur la situation des crèches. Pourquoi est-ce que vous avez décidé de créer ce compte ?
- Speaker #1
Alors, à la base, c'était un compte qui était vraiment... par rapport à mes écrits. J'écris pas mal d'artiers sur le secteur de la petite enfance. Alors depuis, peut-être, j'aurais dit 2012, pour être franc, il y avait très peu de vues. Dès qu'on parle sérieusement des crèches, ça fait un flop. Et depuis un peu plus d'un an, je suis passée par l'humour pour dénoncer un peu ce qui se passe dans les crèches, aussi bien au niveau institutionnel, gouvernemental que ce que peuvent faire des fois les professionnels ou les parents. Et là, je ne sais pas pourquoi, l'humour... passe beaucoup mieux que d'alerter, comme on le fait par des articles très sérieux, avec des preuves, des explications un peu théoriques. Du coup, ça explose et du coup, j'ai une visibilité beaucoup plus importante.
- Speaker #0
Et oui, c'est avec succès, effectivement. C'est ce que j'ai noté aussi. Aujourd'hui, on parle beaucoup des crèches suite à la sortie, à la publication du livre Les Ogres de Victor Castanet. À l'époque, finalement, ça a été assez peu relayé. Moi, c'est comme ça que je vous ai découvert, parce que je cherchais déjà des infos. Déjà, quel... Quel regard vous avez sur le livre de Castanet ? Qu'est-ce que vous en pensez ?
- Speaker #1
Alors, Castanet, il a eu la force, par son premier livre qu'il a écrit sur les EHPAD, de voir ce qu'on appelle des repentis. Ce qui est très difficile à avoir, c'est des gens qui étaient dans le système, c'est-à-dire dans les crèches privées, pour pouvoir montrer ce qui se passait dans le système. Moi, mes enquêtes, depuis environ une quinzaine d'années, c'est essentiellement des directrices de crèches, des professionnels, des coordinateurs. Et lui, il a réussi à passer à l'étape supérieure. et il a fait quelque chose que je rêvais depuis des années, c'est de réussir à montrer le lien entre les politiques et les groupes de crèches privées, qui est pour moi le tour de force de ce livre que tout le monde se doutait depuis des années. Là, il n'y en a qu'une qui se fait un peu accuser, c'est Aurore Berger, mais là, par expérience, je sais que les autres étaient exactement dans la même relation avec les groupes de crèches privées.
- Speaker #0
Si moi, je me mets aujourd'hui à la place des parents, ce qui est très compliqué, même moi, quand j'en parle, de ce thème, c'est que finalement, on m'accuse de faire, on m'a dit, tu fais du mom-shaming, en fait, tu culpabilises les parents qui n'ont pas d'autre choix que de mettre leur enfant parfois à la crèche pour pouvoir travailler. Vous, vous me dites que vous avez fait des enquêtes sur, enfin, vous étiez au cœur de la machine. Aujourd'hui, avoir son enfant en crèche, je parle d'un petit bébé, on va vraiment se rester, si vous voulez bien, en tout cas, avant un an. En tant que psychologue, quelle conclusion tirez-vous du fait d'avoir un petit bébé en collectivité ?
- Speaker #1
Déjà, il faut bien dire quelque chose. On n'est pas contre la crèche, ce qui dénonce ce qui se passe à l'heure actuelle. On est contre le système qui s'est mis en place depuis les années 2000. La crèche, pour certains parents ou pour certains enfants, ça peut être un bien. Ça peut être un bien vraiment dans la structure, l'accompagnement. Là, ce qu'on est en train de dénoncer, ce n'est pas du tout ça. C'est le système qui est en train de se mettre, où les enfants sont complètement oubliés, les professionnels sont oubliés, et on n'est plus sur ça. Pour tout ce qui est petite enfance, c'est-à-dire les moins d'un an et collectivité, des écrits, il y en a énormément entre les années 50 et 70 qui n'étaient pas pour. C'est-à-dire qu'il y a ce qu'on appelle l'hospitalisme. On sait que si les enfants n'ont pas certains soins, du maternage, de l'accompagnement, ça peut être nocif. Dans les années 80-90, il commence à y avoir des recherches un peu plus scientifiques. Dans les années 50 à 70, c'était beaucoup la psychanalyse. Donc c'était ce qu'on appelle des études plutôt qualitatives sur des observations. Entre les années 80 et 90, on commence à avoir des recherches plus scientifiques avec des méthodologies qui montrent que le premier point important, c'est la qualité. C'est-à-dire le ratio enfant-professionnel. À partir des années 2000, plus vraiment aucune étude commence à s'intéresser à ce qui se passe dans les crèches pour les enfants. Le seul maître mot, c'est le langage. Vous allez entendre partout que le langage est mis en avant dans les crèches, alors que quand on lit l'étude, ELF entre autres qui vient de sortir il n'y a pas longtemps, on s'aperçoit que c'est bénéfique que pour certains enfants, c'est-à-dire les enfants plutôt de milieux défavorisés pour utiliser les termes qu'ils utilisent. Depuis environ une trentaine d'années, on met en avant la collectivité pour les enfants en disant qu'ils vont apprendre mieux, qu'ils vont être mieux socialisés. On s'aperçoit que c'est plutôt limite de la propagande, de l'idéologie. que des preuves formelles. Si vous reprenez un livre qui date des années 2000, d'Aliès Florin qui disait déjà ses inquiétudes par rapport à collectivité, nombre d'enfants et ratio professionnel enfant. Donc pour des tout-petits à l'heure actuelle, qui ont besoin, là on parle des moins d'un an, de temps, de disponibilité psychique, de relationnel spécifique, les crèches à l'heure actuelle sont vraiment questionnantes et même pour moi à l'heure actuelle, dangereuses.
- Speaker #0
Et ça, c'est à la fois pour le privé et pour le public.
- Speaker #1
À l'heure actuelle, pour moi, il y avait une période, ça va vous paraître bizarre, mais moi, j'étais plutôt pour les micro-crèches, à taille humaine, petite. Le problème, c'est que le système les a engouffrées dans un système un peu de rentabilité. Et c'est parti comme les autres systèmes. C'est-à-dire qu'à l'heure actuelle, un bébé de trois mois, là, je vous parle de mon expérience. Moi, j'ai travaillé dans les crèches où les bébés de trois mois, des fois, étaient laissés pendant des heures. sur un tapis parce qu'on n'avait pas vraiment le temps de s'en occuper parce qu'il y avait des biberons à mettre des autres. C'est énorme à l'heure actuelle. On a un professionnel, en théorie, pour six enfants qui ne marchent pas. Dans la réalité, c'est hyper compliqué de travailler avec des moins de 3-4 mois qui ont passé un temps avec leur maman ou leur papa en proximité. C'est-à-dire qu'ils étaient très proches, voire allaités, voire tout le temps dans les bras et se retrouvaient d'un coup seuls à regarder le plafond pendant des heures, voire des fois avec pas aucune parole. Moi, c'était le premier truc que je disais aux pros avec qui je travaillais. C'est qu'on ne peut pas laisser un enfant plus de 15 minutes sans un regard, sans une parole, sans même le toucher. Ça n'existe pas. Quand je suis en neonate, les parents passent leur temps à les caresser, à leur parler, à leur faire des bisous. Vous ne pouvez pas avoir un sevrage corporel, physique, aussi abrupt quand vous arrivez en crèche. C'est trop difficile pour un bébé.
- Speaker #0
Pas plus de 15 minutes sans contact,
- Speaker #1
en fait. Essayez de vous rappeler quand vous avez eu vos bébés. Les mamans, ils ont l'oreille qui traîne, ils ont le regard qui traîne. La plupart des mamans, même quand l'enfant dort, si le bébé à un moment donné fait une sieste un peu trop longue, ils vont aller voir le body monter et descendre, vont mettre le doigt sous le nez s'ils ont des inquiétudes parce qu'ils ne voient pas le body monter. Un bébé, dans le psychisme de l'être humain, doit avoir une place particulière. C'est-à-dire que ce n'est pas de l'hyper-vigilance, ce n'est pas une peur que le bébé meure, c'est juste qu'on sait qu'un bébé, pour se construire, il a besoin de passer par l'autre. L'adulte qui s'occupe de lui, que ce soit maman ou papa ou un professionnel, c'est juste que dans ce moment-là, dans les trois premiers mois en particulier, voire même un peu plus, le bébé a besoin de ce regard, il a besoin de ses parents, il a besoin de ce contact, de se toucher pour exister et se construire. Et à l'heure actuelle, dans les crèches, que ce soit micro-crèches, il y en a qui sont plutôt pas mal, mais dans les grosses crèches à l'heure actuelle, ce n'est pas possible. Vous avez tout le temps du surnombre pro d'enfant et vous n'y arrivez pas.
- Speaker #0
Et idéalement, il faudrait combien d'enfants pour un adulte ?
- Speaker #1
Là, vous allez, en tant qu'ancien éducateur, des fois, vous pouvez avoir un seul enfant et être débordé. Il va avoir besoin de beaucoup de proximité, beaucoup. Donc, le nombre d'enfants, ça n'a rien à voir. C'est quel enfant est dans la crèche, quel professionnel est dans la crèche. Des fois, vous allez avoir des groupes de sept enfants et vous allez être avec un calme paisible. Et des fois, vous allez avoir trois enfants, un qui va être malade. qui va être un bébé qui va avoir des besoins beaucoup plus spécifiques et vous allez être débordé. Donc le nombre, à l'heure actuelle, c'est à l'heure. C'est juste dans la chiffre romani qu'on a avec tout ce qui est les coûts, le nombre de personnel. À l'heure actuelle, les bébés, ça se réfléchit autrement que par le nombre.
- Speaker #0
Absolument, c'est très juste, c'est vrai. Je suis désolée, je trouve que ma question était un peu trop triviale quelque part.
- Speaker #1
La différence, ceux qui ont été sur le terrain, qui ont travaillé longtemps en crèche, ce qui a été mon cas en tant qu'éducateur, on sait qu'il y a des bébés qui vont arriver en adaptation et quand ils vont être là, vous allez être absorbés par eux. Il n'y a que ceux qui ont été dans les adaptations avec des enfants. Maintenant, on parle de familiarisation, mais c'est la même chose. C'est-à-dire que quand vous avez un bébé qui arrive, quand vous en avez 4-5 à côté, vous savez que vous allez être absorbé. C'est presque une identification à ce qu'un auteur appelait la préoccupation maternelle primaire, mais on va l'avoir du côté professionnel. Moi, j'ai des souvenirs, même quand je quittais la crèche, j'avais encore le bébé dans la tête parce qu'on est pris avec lui. On est vraiment absorbé par ses émotions, par son bien-être, et ça passe par là.
- Speaker #0
On est happé, absorbé.
- Speaker #1
C'est vraiment, quand vous écoutez des mamans, là j'ai des mamans en néonate, quand ils me disent « mais je suis folle, je suis obsédée par mon bébé » , voire certaines ne veulent même pas quitter la chambre pour aller aux toilettes. Je leur dis « c'est pas ça la folie » . Là, c'est juste que vous avez un bébé très fragile, encore plus que quand il est à terme, et que ça passe par là aussi.
- Speaker #0
Je me suis aussi occupée d'un petit bébé qui était sorti de la néonatologie en tant qu'accompagnante post-natale. Et je me rappelle que j'ai accompagné beaucoup de familles, mais ce petit garçon, j'ai un rapport avec lui qui est juste... Enfin, voilà, où j'ai ressenti ce que vous expliquez là, où on se sent vraiment complètement absorbé par les soins, etc., par son bien-être. Parce qu'il y a cette fragilité.
- Speaker #1
Vraiment, c'est même indispensable. À une époque, dans le livre de Loxy, Le maternage insolite, vous aviez un truc qui était complètement, j'allais dire, presque ambivalent. C'est-à-dire que le livre disait qu'il faut avoir une certaine distance avec les enfants pour pouvoir s'en occuper. Parce qu'à l'époque où ce livre prenait une méthode qui venait des pouponnières, il y avait besoin de cette distance-là parce que c'était un pays différent, c'était communiste, les gens travaillaient 24 heures sur 24 là-bas. Et en même temps, les premières pages, c'était remerciement à ces gens. en gros qui aiment les enfants et qui peuvent travailler avec. Travailler avec des bébés c'est à un moment donné être capable de rentrer dans cette intimité là et les bébés ils ont besoin de ça quasiment jusqu'à aller il va être sympathique jusqu'à 12 mois parce qu'on s'arrête aux 12 mois ils ont besoin de ça pour pouvoir grandir et pouvoir s'éloigner si vous n'êtes pas capable de faire ce mouvement là et de vous rappeler que vous n'êtes pas le père ou la mère c'est compliqué et en crèche il y a besoin de ce Winnicott parlait de dévouement Mais c'est presque ça. À un moment donné, vous allez être dévoué à l'enfant dans les premiers temps pour qu'il puisse se construire et supporter cette collectivité qui est parfois maltraitante pour les professionnels et les enfants.
- Speaker #0
Justement, en parlant de maltraitance, quelles sont les conséquences sur l'évolution du bébé lorsque justement il ne reçoit pas ses contacts avec un adulte ?
- Speaker #1
C'est une question beaucoup plus difficile que ça parce qu'en fait... un bébé, en théorie, quand on parle, il y a des bébés qui sont sous les bombes, qui vont pouvoir avoir un développement presque normal s'ils ont un entourage plutôt bienveillant et qui vont les aider à surmonter. Là, quand vous avez des enfants, parce que tout à l'heure, on parlera peut-être des mille premiers jours, mais à l'heure actuelle, il y a des bébés qui sont maltraités dès la maternité. C'est-à-dire qu'il y a des maternités où les gens, ils n'ont pas le temps d'être accompagnés, que ce soit pour l'allaitement. Ces moments-là vont sortir la maternité. Moi, je parle qu'un parent est fragile. presque par le fait d'avoir un bébé. On mange comme un bébé, on dort comme un bébé, on a la fatigue souvent dans la journée, pour avoir une deminaise qui vient d'accoucher, elle est rétamée et son bébé n'a que deux mois. Et elle doit reprendre le travail dans pas longtemps. Donc c'est toute cette structure-là qu'il faut repenser. Là, un bébé qui va être dans une crèche où de temps en temps il manque du personnel, il y a du turnover, mais qu'à la maison il arrive dans une structure familiale qui est plutôt immense. plutôt stable au niveau émotionnel, n'aura pas la même conséquence qu'un enfant qui aura été maltraité dès la maternité parce que manque de personnel. La maman, du coup, n'aura pas été bien accompagnée pour l'allaitement et du coup, elle, à un moment donné, en se disant « je n'arrive pas à allaiter, donc ça vient de moi » , donc une baisse de confiance avec une maman qui sera anxieuse parce qu'elle pense ne pas faire bien et en plus, il arrive dans une crèche qui n'est pas forcément bienveillante où on va limiter le nombre de personnels, on va limiter le nombre de repas. tous les jours il va avoir un intérimaire qui va s'occuper de lui, voire des fois même deux fois dans la journée, ça sera une personne qu'il connaîtra pas. Donc évidemment que les conséquences à long terme sont pas les mêmes. La première chose qu'on dit dans les violences, c'est l'intensité. la durée pour un enfant. Donc, plus il y a de l'intensité, plus c'est dur, plus ça va durer longtemps, plus il va avoir des séquelles. Moi, mon combat par rapport aux crèches, ce n'est pas la violence qu'on va mettre en lumière dans les médias, un professionnel à taper. Moi, c'est la violence chronique qui existe depuis, j'allais dire presque l'existence des crèches. C'est une violence chronique qui existe depuis toujours dans les crèches et qu'on ne dénonce pas.
- Speaker #0
Oui, c'est ça. Est-ce qu'on peut rappeler, justement, vous pouvez nous réexpliquer, D'où vient cette notion de crèche, cette notion de collectif ? Comment on a hérité des crèches ?
- Speaker #1
Là, l'histoire des crèches n'est pas une invention française, même si souvent on veut se l'attribuer. L'histoire des crèches, c'est qu'en Angleterre, on a inventé les crèches pour que les professionnels, les gens qui travaillaient dans les usines à l'époque, puissent travailler sans mettre en danger leurs enfants et ne surtout pas, c'était le travail à la chaîne, rompre. pour le travail à la chaîne. La France a récupéré ça, c'est Firmin Marbeau qui se disait philanthrope, qui a utilisé ça. Non, il n'était pas plus philanthrope que vous et moi, c'est juste que il était entrepreneur, il avait des usines et il voulait que les enfants ne gênent pas le travail des mamans qui travaillaient dans les usines. Donc c'était l'époque où il y avait beaucoup de travail de femmes, c'est-à-dire le tissage, des choses comme ça. C'était des grosses machines où les enfants bas âge pouvaient poser des problèmes. Il y avait les problèmes de tout ce qui était saleté, mais aussi les conditions d'hygiène et de chaleur de là-bas n'étaient pas très bien vues pour un bébé de cet âge-là. En plus, c'est l'époque où on commence à s'intéresser au bébé, mais pas dans l'intérêt du bébé, mais dans l'intérêt de la natalité, c'est-à-dire faire remonter le taux de natalité. Donc on est à cette époque-là où les crèches commencent à exister. Ce qui est assez drôle, le discours des ouvertures des crèches est accessible à la BNF. Et quand vous lisez le discours de la BNF, de Firmin-Marbeau, c'est quasiment un copier-coller de ce qu'on a maintenant. Il y avait un enfant pour six adultes à l'époque. Les conditions, c'était les crèches dans la structure, c'est quasiment les crèches qu'on a maintenant. Et il disait, pour ne pas faire trop de zèle, on va mettre un adulte pour six enfants avec quelques jouets. En gros, c'est le discours. Pour la petite histoire, quand je faisais des formations, des fois, je prenais des bouts de discours de ce monsieur, je les mettais et les gens ne savaient pas que c'était... daté de 1845 quasiment. Donc c'est un peu comme ça. Donc les crèches au départ étaient presque marginales parce que très très peu investies puisque le mode de guerre à l'époque c'était souvent les mamans qui travaillaient pas officiellement, c'était des artisans, des gens qui travaillaient un peu en double, c'était les grands frères qui s'occupaient donc c'était un très très petit nombre. Donc les crèches évoluent vraiment pendant les périodes de guerre mais de façon temporaire pour laisser les femmes aller travailler. Et après, à partir de 1945, où là, on a un début d'industrialisation, il faut reconstruire la France, mettre tout le monde au travail. Et là, les crèches commencent à arriver un peu plus en nombre. Mais quand je parle en nombre, on est à moins de 1%. Donc, c'est rikiki. Le mode de garde, c'est des parents et ce qu'on appelait à l'époque les nourrices. Donc, on était sur des tout petits nombres. Et à cette époque-là, on s'aperçoit que les enfants qui sont gardés en collectivité sont vus plus comme un tube digestif. Je mange, je fais caca. Et c'était le seul point d'intérêt, même si les débuts de la psychologie, de la psychanalyse étaient en cours.
- Speaker #0
Donc ça, parce que c'est vrai qu'on donne toujours l'exemple des terribles orphelinats roumains sous ce dictateur communiste, ou chrétien communiste, je crois, qui avait interdit l'avortement. Et donc, il y avait énormément d'orphelins qui se retrouvaient dans des... dans ces orphelinats où il n'y avait aucun intérêt de leur être portés. Et donc, ils développaient malheureusement, ils ne pouvaient plus, ils stagnaient dans leur développement, donc avec des conséquences terribles sur le plan neuromoteur, etc. Mais alors, ce que vous dites là, quand vous dites que dans les années 50, l'idée c'était que le bébé était vu comme un tube digestif, est-ce que finalement c'est assez comparable à ce qui se passait en Roumanie ?
- Speaker #1
Alors, la Roumanie, en fait, c'est... Ce qui s'est passé en Roumanie était déjà connu depuis quasiment 50 ans. L'auteur qui a découvert l'hospitalisme, c'est Spitz, qui a travaillé plutôt dans les hôpitaux d'abord, les hôpitaux et les pouponnières, où il a vu que si on ne parlait pas à un enfant, à un moment donné, il allait avoir une régression. Une régression d'abord au niveau du développement, et si on ne lui sait rien faire, un retrait du monde, ce qu'on appelle l'hospitalisme, c'est une forme maintenant... qu'on va dire vulgariser un peu, une forme d'autisme très sévère, voire jusqu'à la mort. Mais ce que les gens ignorent, c'est qu'à une autre époque, bien longtemps avant, il y a un empereur qui avait fait une expérience pour savoir quelle est la langue qui allait sortir la première de la bouche des enfants. C'était un peu les guerres d'empire, où on avait enfermé des enfants dans une bergerie. avec des chèvres et tout, il y avait juste des servantes qui venaient leur donner à manger et le résultat c'est qu'on attendait qu'il y ait une langue qui sorte, l'hébreu, le latin ou l'allemand ou le français. Résultat des courses, tous les enfants sont morts, pourquoi ? Parce qu'il n'y avait pas de contact physique. L'être humain par nature, il a besoin de relationnel, de parole, de toucher, mais aussi d'être pensé par quelqu'un d'autre. Et c'est ça qu'on a découvert avec l'hospitalisme, c'est juste donner à manger et à boire à un enfant et lui changer la couche, ce n'est pas suffisant. Il faut quelque chose de plus. Et dans les années 50, c'était connu. C'est pour ça que la méthode des crèches, au début, et que les psychologues sont rentrés dedans, c'était pour travailler justement sur ce côté relationnel. Après, dans les crèches entre les années 50 et 70, voire 80, il y a eu un autre problème, c'est que les crèches étaient amalgamées aux collectifs et aux pays communistes. Donc, il faut se rappeler qu'à l'époque, on sortait de la guerre et que les crèches avaient très mauvaise presse. parce que c'était considéré comme le communisme, la collectivité, et qu'on ne voulait pas ça. Donc vous aviez presque une guerre théorique sur faut-il ou pas mettre ses enfants en crèche. Mais il faut se rappeler qu'encore à l'époque, jusqu'aux années 80, c'était 1% des enfants qui allaient en crèche, plutôt dans les villes, plutôt les gens soit très pauvres, soit très riches selon les quartiers. Donc les crèches, c'est vraiment une petite guerre théorique pendant une période entre les psychologues et les psychanalystes. Mais c'est quelque chose qui est connu depuis longtemps. La collectivité peut être nocive pour un enfant. Ce n'est pas quelque chose de récent.
- Speaker #0
Mais oui, c'était que 1% jusque dans les années 80.
- Speaker #1
Oui, vous pouvez retrouver les chiffres sur un livre qui est très bien fait de Catherine Bouffe sur justement la représentation, je pense. C'est un livre qu'elle a fait de sa thèse. Et vous retrouvez, les chiffres sont assez facilement retrouvables. C'était dans les grandes villes. la plupart du temps, les gens où il y avait des horaires de bureaux, ce que les crèches décalaient qu'on a maintenant, c'était que dans les hôpitaux. Et les hôpitaux, les crèches hospitalières sont plutôt assez récentes. C'était un plus pour le personnel hospitalier qui était en majorité des femmes et qui avait besoin de faire garder leurs enfants, mais c'était une minorité.
- Speaker #0
Là, moi, ce que je retiens de ce que vous venez de m'expliquer, c'est le lien où vous parlez d'hospitalisme et de ce qu'on appelle aujourd'hui les troubles 10. On en parle énormément. D'ailleurs, je crois que c'est là. Alors,
- Speaker #1
ce n'est pas les... de troubles 10, c'est les TND. TND, c'est les troubles neurodéveloppementaux. Ce que dit, c'est un peu spécifique sur quelque chose. Là, on va parler plutôt en... Moi, je parle de SAC. Le TND, ça regroupe beaucoup de choses.
- Speaker #0
D'accord. Et qu'est-ce que ça regroupe ?
- Speaker #1
Les 10, les troubles TSA, ce qu'on appelle maintenant les spectres autistiques. Certains troubles neurocognitifs, des fois, on va appeler ça les atypiques. Donc, ça regroupe pas mal de choses. Donc là, il faudrait presque une vidéo pour... parler parce que c'est vraiment un secteur en gros développement tout ce qui est troubles neurodéveloppementaux.
- Speaker #0
D'après vous il y aurait un lien entre ces troubles et les soins reçus pendant la petite enfance ?
- Speaker #1
C'est compliqué à l'heure actuelle alors moi je fais partie des gens qui pensent qu'à l'heure actuelle la psychologie a évolué mais on est encore au balbutiement comme la médecine. Il y a encore allez on va dire 70 ans on avait fait le lien entre les carences éducatives et tout ce qui était spectre autistique. Donc ça a été très décrié. Maintenant, on se retrouve quasiment à près de 70 ans après à dire que les écrans peuvent provoquer des troubles autistiques. Mais il faut faire attention, il y a tout ce qu'on parle de troubles spectre autistique avec des fois des malformations neurologiques, il y a des fois des choses, des carences dues à l'environnement, ce qu'on appelle l'hospitalisme. Là, à l'heure actuelle, il y a un gros débat sur les écrans. Donc on sait que l'environnement humain et matériel peuvent avoir des conséquences sur le développement d'enfants. Maintenant, c'est des guerres, beaucoup d'écoles, de théories, que ce soit neurosciences, psychanalytiques, neuropédiatriques, qui vont se taper dessus pour savoir qui a raison. Moi, ça ne m'intéresse pas. Moi, ce qui m'intéresse, c'est qu'est-ce que je fais pour ces enfants qui arrivent là, dans mon bureau, et qui vont avoir des problèmes de développement. Et à l'heure actuelle, c'est très difficile.
- Speaker #0
C'est-à-dire, quand vous dites que c'est très difficile ?
- Speaker #1
À l'heure actuelle, c'est très difficile de trouver des psychologues, de trouver des orthophonistes, de trouver des psychomotriciens. On est, là, moi j'appelle ça un désert, moi je suis sur le 95. Les CMP, c'est deux ans d'attente. Des psychomotriciens, c'est très difficile d'en trouver, c'est souvent à la charge des parents s'il n'y a pas de dossier, ce qu'on appelle dossier MDPH, c'est des dossiers quand vous avez un enfant porteur de handicap. Trouver un orthophoniste sur le 95, c'est presque le Graal. Donc là, on se retrouve à avoir des enfants qui ont des difficultés, qui sont repérés, mais pas de prise en charge après. Et là, à l'heure actuelle, c'est dans beaucoup de cas comme ça.
- Speaker #0
C'est fou, mais… Donc oui, on ne peut pas émettre un lien de causalité aussi direct que carence de soins, troubles de cet ordre. Mais en même temps, vous le sous-entendez quand même ?
- Speaker #1
Là, ce qu'on sait à l'heure actuelle, c'est que l'environnement humain et matériel peuvent avoir une conséquence. Mais dire que tous les enfants 10 ont été en crèche et ont un problème, ça va être compliqué. On sait que tout ce qui est troubles d'hyperactivité avec déficit d'attention, On sait qu'il y a une causalité maintenant génétique. Est-ce que c'est dû au mode de fonctionnement des parents qu'ils ont transmis ? Est-ce qu'il y a un vrai facteur génétique ? C'est compliqué. Maintenant, on sait que certains sont plus sensibles, par exemple sur le spectre autistique, il y a des gènes qu'on a retrouvés, ce qu'on appelle des allèles, où il va y avoir des tests génétiques pour les retrouver. Donc ça, c'est des choses qui existent depuis longtemps. On sait qu'il y en a qui vont avoir des fragilités au niveau de l'organisme, donc des gènes. et qui vont être plus sensibles à certains fonctionnements qui les entourent et provoquer des maladies. Ça, c'est des choses qui sont connues et au point de vue scientifique, c'est validé. Maintenant, dire que tous les enfants qui vont avoir un contexte d'environnement, collectivité, peuvent développer une pathologie, il faudrait faire une recherche assez forte, assez grosse pour pouvoir le définir. Et à l'heure actuelle, personne n'a envie d'y aller.
- Speaker #0
Pourquoi ?
- Speaker #1
Parce que ça engage beaucoup d'argent. Là, si vous regardez, la plupart des recherches sont faites sur le langage et certains points de socialisation. Moi, une de mes recherches, c'est le lien entre collectivité et tout ce qui est maladie infantile. C'est-à-dire qu'on se retrouve avec des enfants, les parents le disent, dès qu'il est en collectivité, il a le nez qui coule, il va avoir des antibiotiques. Personne ne s'y intéresse. Il y a très, très peu d'études qui montrent le lien entre, par exemple, les problèmes respiratoires et les conséquences de l'asthme plus tard. Ça, moi, c'est des choses qui m'intéressent. parce que si vous allez en collectivité, vous allez voir que maintenant, il y a un petit mouvement qui arrive. Mais pendant longtemps, moi, c'était mon époque, tout était avec des produits chimiques. Et comme on n'a pas le temps de le faire, donc je vais dire des marques, sur Fagnios, qui est très connu, vous devez le mettre sur les tables après-manger, sur la table de change. Normalement, vous avez ce qu'on appelle un plan de maîtrise sanitaire. Vous devez l'appliquer d'une certaine façon. Comme les gens n'ont pas soit lu le PMS, le plan de maîtrise sanitaire, soit n'ont pas le temps, c'est fait un peu à l'arrache. Du coup, les enfants ne sont pas forcément dans les bonnes conditions au niveau de l'environnement, on va dire, chimique, voire biochimique. Et du coup, vous allez avoir des enfants qui vont avoir des professionnels avec du manugel toute la journée sur les mains, du surfanieau sur le tapis de change qui n'a pas été bien mis parce que soit pas bien dilué, soit le temps de séchage n'a pas été. Sur la table, il y a eu du produit. Dans les vaisselles, c'est passé à la machine à laver. Donc, vous vous retrouvez avec plein de produits, ce qu'on appelle les perturbateurs endocriniens. À l'heure actuelle, il y a très peu de recherche dessus sur la collectivité, parce que ça n'intéresse pas vraiment les chercheurs. Personne ne rentre vraiment dans les crèches à part les psychologues. Il y a quelques études qui ont été faites il y a quelques années dessus, mais alors ça a fait un silence énorme. Mais c'est vrai que c'est questionnant.
- Speaker #0
C'est absolument vrai, c'est sûr. Mais alors vous, parce que là, moi j'ai beaucoup de parents qui m'écoutent. Par exemple, votre nièce... qui vient d'avoir un bébé, qui est fatigué. Qu'est-ce que vous lui conseillez, justement, aux deux ou trois mois de l'enfant ? Qu'est-ce qu'on peut faire quand on est parent, en fait ?
- Speaker #1
Alors là, la difficulté, c'est quand vous êtes parent avec un bébé de trois mois, la majorité, il y a des signes d'anxiété. C'est-à-dire que maintenant, on est dans une société de parentalisation, de performance. Donc, vous allez avoir les parents qui vont vouloir que leur enfant soit plus éveillé. Ils vont acheter le maximum de choses pour... pour que leur enfant soit dans le bien-être total. L'enfant ne doit pas avoir de signe de mal-être, il ne doit pas trop pleurer. Donc ça, ça met la rate courbouillante beaucoup de parents. Et du coup, la plupart du temps, ils ne vont pas être bien, pas à cause de leur enfant, par rapport à ce qu'ils se mettent, eux, comme objectif dans leur tête. Donc vous allez avoir une surenchère de gadgets pour que l'enfant soit bien, voire même de coachs qui vont accompagner, qui vont proposer la solution miracle pour que le bébé fasse ses nuits. Et du coup, vous allez avoir...
- Speaker #0
une parentalité qui va être, moi je trouve, surinformée sur certaines choses et ne plus se faire confiance, s'écouter et se laisser le temps. Donc un bébé qui ne fait pas ses nuits à trois mois, ce n'est pas exceptionnel. Ce qui est exceptionnel, c'est de faire croire à un parent que son bébé devrait dormir, que son bébé de trois mois devrait être plus souvent sur le sol à faire ses activités qu'en peau à peau ou en écharpe. Ça, c'est une société qui est dans le culte de la performance, le culte d'urgence, parce que là, on va peut-être en parler, à un moment donné, il y a la crèche à trois mois et que le bébé devrait être quasiment autonome, presque en distance corporelle, mais aussi au niveau émotionnel. Ça, c'est des choses qui sont questionnantes dans notre société.
- Speaker #1
Est-ce que si on n'a pas le choix en tant que parent, on peut demander par exemple… d'être présent, d'entrer dans la crèche. Parce qu'aujourd'hui, moi, je l'ai vécu avec mes enfants. Moi, je les ai mis vraiment en dernière année de crèche, juste avant leur entrée à l'école. Et au départ, on pouvait vraiment entrer dans la grande salle où ils jouaient. Puis à la fin, le Covid étant passé par là, il y avait une barrière. Puis après, on ne pouvait plus avancer. Puis à la fin, on ne pouvait plus rentrer, quasiment. Donc, est-ce que c'est quelque chose qu'en tant que parent, on pourrait exiger en étant aussi dans une démarche proactive, de se dire, voilà, moi, j'ai envie de pouvoir passer... quart d'heure le matin, observer mon enfant, voir comment ça se passe, même le soir, de pouvoir avoir des temps comme ça, où je suis aussi, je fais partie, je participe en fait à la vie de la crèche, et j'observe, je suis là. Est-ce que déjà ça pourrait être quelque chose de positif selon vous ?
- Speaker #0
Alors, dans le lieu où je travaillais, moi c'était même un indispensable, c'est d'être transparent. C'est-à-dire que dans le lieu où j'ai travaillé pendant 15 ans, qui a été créé par une psychologue et psychanalyste, les parents pouvaient venir à n'importe quel moment de la journée et rester autant que vous voulez. Il y avait même des moments où on oubliait qu'il y avait des moments qui étaient dans la bibliothèque ou dans les choses. Mais ça, c'était une autre valeur à nous d'être transparent. À l'heure actuelle, vous avez un autre problème, c'est que des fois, les professionnels ne sont pas à l'aise quand il y a les parents, bien avant les problèmes de maltraitance. C'est-à-dire que certains professionnels ont été travailler dans les crèches pour ne pas être en contact avec des adultes, pour le dire un peu en synthèse. Là, à l'heure actuelle, c'est vrai que depuis le Covid, on a eu une grosse régression sur les adaptations et les familiarisations, voire même pendant une période. la CAF voulait supprimer ce qu'on appelle les familiarisations et faire entrer très vite les enfants en crèche parce que ce temps-là n'était pas compté, comptabilisé. Donc là, ce que vous allez avoir, je connais un peu le discours des pros, si vous dites que vous voulez rester plus dans les crèches, ils vont vous dire qu'il y a les crèches parentales qui existent et là vous aurez des temps de permanence. Il y a des crèches qui commencent à évoluer, qui proposent des ateliers pour les parents, qui... laissent un peu plus avec les cafés des parents, des choses comme ça, mais ça reste encore une minorité. Moi j'aurais tendance à penser que plus les parents seront dans les lieux, moins les gestionnaires, les politiques, feront ce qu'ils voudront avec les crèches, et des fois contre l'intérêt des enfants, des professionnels et des familles. Je ne sais pas vous si votre crèche était comme ça, parce qu'il y a un autre problème qui existe, c'est que maintenant la PSU fait que vous avez 7 minutes le matin... minutes le soir pour badger. Donc ça c'est un truc que les parents certains prennent en compte parce que ils vont se dire si j'ai badgé en arrivant ça veut dire que là je vais rester avec mon enfant mais je vais m'occuper de mon enfant mais je vais payer le temps que je m'occupe de mon enfant. Donc ça c'est un autre problème qui est presque en sous-marin et qui existe de plus en plus.
- Speaker #1
Nous on badgé je me souviens mais j'avais pas l'impression que c'était décompté, enfin c'était simplement pour quelqu'un. J'ai l'impression, pour savoir qu'on était là, j'avais plutôt l'impression que c'était une attestation de présence et moins qu'un calcul. Mais peut-être que je me trompe après. Parce que c'est vrai que c'était très important de badger, effectivement. Mais je crois que moi, ça viendra vraiment des parents et d'une demande forte de la part des parents d'être plus associés à la vie de la crèche. Parce que là, c'est vrai qu'on a vraiment l'impression, et je pense que vous l'avez dit, c'est assez accentué depuis le Covid, d'un espèce de monobloc. Voilà, on est complètement coupé. Poupées, rien que le fait déjà de devoir mettre des chaussons en plastique sur ses chaussures, je pense que c'est assez symbolique. Et alors moi, je sais aussi que j'avais demandé, parce que j'avais déjà de conscience de toutes ces questions sur l'attachement, etc. J'avais demandé quand mon fils était entré, donc il avait deux ans et demi à peu près, et j'avais demandé à la crèche qu'il ait une figure de référence, une figure d'attachement qui soit toujours présente. on valorise cette figure auprès de lui. Et en fait, il m'avait répondu que ce n'était pas possible parce que si la figure de référence est absente, eh bien, ça devient ingérable pour eux après parce que l'enfant le vit mal, etc. Est-ce que c'est quelque chose qu'on pourrait quand même réclamer malgré tout ?
- Speaker #0
Alors là, c'est très, très difficile, parce que c'est quasiment vous mettre une balle dans le pied, parce qu'à l'heure actuelle, il y a beaucoup de turnover, beaucoup de CDD dans les crèches. C'est vraiment une problématique. À un point tel que, quand on parle de théorie ad hoc, c'est-à-dire que c'est une théorie qui va se modifier selon le contexte. À la base, la théorie qui est promulguée dans les crèches, c'est la théorie de l'attachement. Donc la théorie de l'attachement de Bowlby ou Hensworth, où il y a une femme qui s'appelle Gaydenet, c'est... une personne référente, voire une deuxième, pour que l'enfant trouve sa sécurité affective. Là, à l'heure actuelle, dans les crèches, depuis quelques années, on est en train de modifier en disant « non, mais en fait, l'enfant, il peut avoir un attachement multiple » . Ben oui, en fait, on n'a pas le choix, parce que si on va vous dire que votre enfant, il va faire l'adaptation avec quelqu'un, que la personne va partir pour X raisons trois mois après, les parents et l'enfant ne vont pas forcément être bien. Donc, à l'heure actuelle, on a trouvé l'attachement multiple. en se disant « il peut s'attacher à plusieurs personnes et que ça ne posera pas de problème, on peut aller dessus » . À l'heure actuelle, la théorie, ce qu'on appelait avant la référence, c'était un concept qui était avec l'oxy, qui était une base de sécurité pour l'enfant où il va se repérer par rapport à cette personne. On savait que ça avait plutôt un lien, c'est comme à la maison, on sait que dans les premières années, l'enfant a besoin de sa ressource un peu affective. Donc souvent, je veux dire, quand il va faire quelque chose, L'enfant de lui-même, il va se trouver la personne référente. Même si vous lui imposez quelqu'un, s'il n'est pas à l'aise, dans la section, il ira trouver la personne avec qui il a le plus de feeling, ou en tout cas, il le fait. Là, à l'heure actuelle, c'est qu'on a tendance à dire aux parents « Non, mais ne vous inquiétez pas, il va savoir gérer. » Mais c'est tout le temps à contrepartie. C'est l'enfant qui doit faire l'effort.
- Speaker #1
Les enfants se suradaptent quelque part. Enfin, on attend d'eux une suradaptation.
- Speaker #0
C'est exactement ça. C'est-à-dire que... Les mots d'adaptation, de familiarisation, là si vous avez été une maman allaitée, moi j'ai des mamans, j'aide des collectifs de parents qui ont subi des choses pas sympas dans les crèches, où on demande clairement à la maman qui a été allaitée d'arrêter parce que c'est compliqué les processus d'hygiène pour les bébés allaités, ou des mamans qui pouvaient venir sur les temps d'allaitement, on leur disait non, non, mais plusieurs séparations à la journée, ça ne va pas être bon. On ne faisait même pas l'essai, c'est tout de suite qu'on essayait de mettre un bâton dans les roues. Donc ça, c'est des vrais problèmes qu'on a à l'heure actuelle, où le terme adaptation ou familiarisation, c'est tout le temps l'enfant qui doit le faire, par rapport à son environnement, et pas du tout dans le sens qu'en gros, on a inventé les crèches qui vont s'adapter aux bébés. À l'heure actuelle, pour moi, il y a très peu de crèches qui arrivent à faire ça. À la limite, même des fois, c'est les mâmes, les maisons d'assistance maternelle. qui vont avoir une meilleure qualité d'adaptation parce que moins d'enfants, et qui ont refusé le modèle des crèches, qui vont pouvoir faire ça.
- Speaker #1
Justement, parlons-en des assistantes maternelles. Est-ce que vous pensez que ça peut être une bonne solution, justement, pour faire garder son enfant ?
- Speaker #0
Alors, pour moi, ça va vous paraître bizarre, mais il y a des enfants qui sont faits pour aller en assistante maternelle parce qu'ils ont besoin de plus de sécurité, plus de proximité, et pas de collectivité, de bruit, de surstimulation. et ils vont être mieux en assistante maternelle. Moi, je me suis vu dire à des parents, non mais votre bébé, mettez-le pas ici. Il y a trop d'enfants, il y a trop de bruit, on n'aura pas le temps de s'en occuper comme il faut, parce que c'est un bébé plus sensible et ça ne va pas aller. Il vaut mieux vous mettre une assistante maternelle à côté de chez vous que vous allez choisir, que de le mettre ici. Donc ça fait bizarre aux parents, parce que souvent les parents, pour eux, la crèche, ou en tout cas la place en crèche, c'est le graal, c'est ce qui va emmener la performance un peu. Si mon enfant va être en crèche, il va être meilleur à l'école maternelle, il va être mieux socialisé. Ce qu'on oublie, c'est que le premier truc pour l'enfant, c'est de se développer correctement, avec une bonne sécurité, une bonne confiance en lui. Et des fois, les crèches, pour certains enfants, ce n'est pas ça. Donc des fois, vous allez avoir des assistantes maternelles, mieux pour certains enfants dessus. Et d'autres, c'est des enfants qui vont être très dynamiques, il vaut mieux les mettre en crèche, parce que l'assistante maternelle n'aura qu'un enfant sur qui dire « Non, arrête de faire ça ! » En crèche, vous aurez plus d'espace. plus de personnel et ça tournera un peu plus. Donc ça se réfléchit plus par rapport au profit de l'enfant que de dire les assistantes maternelles c'est mieux que les crèches, c'est pas vraiment vrai, et les crèches sont pas meilleures que les assistantes maternelles. Maintenant on le sait, il y a autant de violence dans les assistantes maternelles que les crèches, maintenant c'est dit, c'est marqué dans les journaux, il n'y a pas de lieu où les enfants sont plus en sécurité.
- Speaker #1
Avant les assistantes maternelles souffraient d'une mauvaise image, ça fait quand même très peur à beaucoup de parents. Et c'est vrai que les crèches étaient quand même à côté assez valorisées. Enfin, voilà, il y a un côté où on a confiance.
- Speaker #0
Ce n'est pas que c'était valorisé, c'est que les politiques publiques, entre les années 80 et 90, si là, le reportage que vous parlez sur les assistantes maternelles où il y avait des caméras, c'était un... un reportage d'envoyé spécial avec des caméras cachées sur des assistantes maternelles, même pas en France, aux États-Unis. Et là, ça a créé un peu la parano autour des assistantes maternelles en disant « Attention, si elle est seule, elle peut faire ce qu'elle veut avec votre enfant. » Ce qu'on oublie de dire, c'est que dans les crèches, c'est exactement pareil. Moi, j'ai des témoignages de professionnels qui ont maltraité devant toute l'équipe. Personne n'a bougé. C'est ce qu'on appelle le syndrome du métro, en gros. Vous êtes dans le métro, vous vous faites agresser. Ce n'est pas sûr que dans la rame, même si elle est blindée, que quelqu'un vienne vous aider. Il y a un état de sidération et de peur que souvent les gens ne vont pas faire. Les crèches, c'est des lieux comme les autres. Vous pouvez vous faire agresser dans une crèche, personne ne viendra. Les enfants, c'est pareil. La violence des adultes sur les enfants, elle n'a rien à voir avec la profession. Elle est inhérente, elle est comme ça. Il y a des mères, des pères qui vont taper leurs enfants. Les professionnels de crèche sont des êtres humains comme les autres et ils peuvent être aussi violents. Moi, j'ai des professionnels de crèche qui sont puricultrices, confédéchaux. horrible sur des enfants. J'ai des gens non diplômés. Ça n'a rien à voir avec un diplôme ou une formation. L'être humain a tout le temps été méchant sur les enfants. Là, je viens de finir un gros dossier sur les maltraitances sur enfants qui va paraître dans pas longtemps. Depuis toujours, les monstres, les sorcières existent. C'est juste que maintenant, ils ont une autre forme et ils sont plus dissipés dans notre société. Mais il faut arrêter de penser que les assistantes maternelles ou les crèches, il y en a qui sont moins violents. La violence, elle existe dans les crèches, dans les centres aérés, dans les écoles. Il suffit juste, à un moment donné, d'aller lire les faits divers.
- Speaker #1
Oui, ça, je suis bien d'accord avec vous. Mais après, c'est vrai qu'on a quand même l'impression qu'il y a des systèmes qui favorisent aussi cette violence. Parce que quand un adulte est pressurisé, qu'il n'a pas le temps de reprendre son souffle, qu'il enchaîne des journées entières, etc., sans aucune pause, qu'il n'est pas pris en considération par rapport à son rôle de caregiver. un caregiver, c'est le donneur de soins, je pense que ça peut aussi accentuer cette violence.
- Speaker #0
Oui, c'est ce qu'on appelle la violence. Maintenant, on parle plus de maltraitance institutionnelle. Moi, dedans, je vais mettre les violences économiques. C'est-à-dire la collègue qui ne va pas être remplacée, que du coup, vous allez vous retrouver seule avec une dizaine, voire une quinzaine d'enfants. Oui, c'est un accélérateur de violence. On le sait. Vous allez avoir... plein de systèmes. C'est-à-dire que si on ne vous autorise pas à avoir des vacances ou si on vous fait revenir sur les temps où vous êtes malade, oui, c'est un accélérateur dessus. Mais ça, c'est un autre phénomène. C'est autre chose. C'est l'environnement qui vous rend pathologique et du coup violent. C'est quelque chose qui est différent et qui fait partie des grosses problématiques qu'on a à l'heure actuelle dans le secteur de la petite enfance et que les gens se mettent un peu désirés en se disant non mais toutes les crèches ne sont pas comme ça. Pour moi, à l'heure actuelle, il y a très peu de crèches qui ne sont pas concernées par les violences institutionnelles.
- Speaker #1
Et quelles seraient vos préconisations ? Par rapport justement à cette grande question que tout le monde se pose, qu'est-ce qu'on fait pendant les trois premières années ? Alors bon, on peut parler des mille jours, mais qu'est-ce qu'on fait pendant les trois premières années pour favoriser à la fois le bien-être du parent et le bien-être de l'enfant ? Qu'est-ce qu'il est possible de faire en fait ?
- Speaker #0
Le problème qu'on a à l'heure actuelle, c'est que la France est le pays des droits de l'homme, mais pas le pays des droits de l'enfant. Donc, tant que la France aura cette optique de croissance, quel que soit le secteur, si on en arrive là, c'est qu'il y a eu un rapport de l'IGAS en 2009 qui a demandé d'augmenter énormément les places de crèche. Pourquoi ? Parce qu'on a un pays qui a besoin de manœuvres, mais c'est un peu ça, de femmes, d'hommes qui aillent travailler. On l'a vu pendant le Covid, ça a été... quelque chose de très traumatisant pour tout le monde. Et à l'heure actuelle, on ne voit l'enfant qu'à travers le temps de garde qui va opérer pour les crèches privées ou la PSU, mais on ne le regarde pas dans un développement. C'est-à-dire que même quand vous lisez le rapport de l'UNICEF qui dit qu'il faut investir 1 euro sur un enfant pour qu'il en rapporte 7, même cet angle-là, c'est un versus économique. C'est-à-dire qu'on va mettre de l'argent sur un enfant pour qu'il en rapporte plus dans notre société. Donc c'est un peu une aberration. Et les 1000 premiers jours, c'est sur ce plan-là. on va s'intéresser aux enfants dans les mille premiers jours pour pas qu'ils soient malades plus tard, pour pas qu'ils coûtent de l'argent. Donc tant qu'on aura ce versus un peu économique, on se tire une balle dans le pied. Là, la problématique, c'est de repenser totalement notre société autour de la place des enfants et des parents, parce que, ça c'est pas moi qui le dis, c'est la Convention internationale des droits de l'enfant, c'est le parent qui reste le premier éducateur. Donc à l'heure actuelle, on sait qu'on a des problèmes pour avoir parlé avec Boris Surenik, c'est qu'à... À l'heure actuelle, le congé parental, comme on le voit dans certains pays, en France ne marche pas. Les hommes ne prennent quasiment pas de congé parental, c'est essentiellement les femmes. Et du coup, après, ça les pénalise dans leur carrière ou dans leur salaire. On est dans une pensée qu'il va falloir... modifié. Là, ça va vous paraître bizarre, mais peut-être le fait que le taux de natalité redescende depuis quasiment dix ans, peut-être que du coup, ça va faire réfléchir différemment, parce que c'est ce qui a fait dans les années 1800-1900 qu'on a pris en compte les enfants et on ne les laissait pas mourir de la même façon que quelques siècles avant. On verra si ça modifie les choses.
- Speaker #1
Pour vous, c'est une question plus globale.
- Speaker #0
On ne répond jamais à une question aussi complexes que sur l'enfant et la famille, avec des techniques. Ça n'existe pas. On est dans une société technique où, même de temps en temps, j'ai des parents qui viennent me voir en me disant « Mon enfant ne dort pas. Trouvez-moi la solution. » Comme si j'avais une mise à jour de l'enfant en disant « Venez à la fin de la consultation. » C'est beaucoup plus complexe que ça. Et heureusement que c'est complexe.
- Speaker #1
Bien sûr, mais après, on peut aussi avoir des pistes. Par exemple, est-ce que le fait que les parents soient rémunérés pour s'occuper de leurs enfants pendant au moins les premiers mois, moi je ne demande pas la lune, mais au moins quelques mois supplémentaires, plus que deux mois et demi, est-ce que c'est quelque chose qui serait, d'après vous, quelque chose d'intéressant ?
- Speaker #0
Pour moi, dans mon expérience, il y a des parents qui sont vraiment à demander ça, qui ont un besoin d'être avec leurs enfants presque jusqu'à temps que l'enfant fasse, un peu comme vous l'avez expliqué, vers les deux enfants. les deux ans où l'enfant, lui, il a son autonomie, il a besoin de plus d'espace, plus de temps de rencontrer des autres. Il y a des parents qui sont vraiment dans cette demande. Moi, j'ai des souvenirs de mamans, quand j'étais en crèche, qui me disaient leur malheur d'avoir été avec leur bébé qui ne parlait pas. Et là, je pense à une en particulier qui me disait que tous les matins, elle regardait les autres femmes aller travailler en se disant quelle chance ils ont. Donc, il faut les deux. Il faut que certaines mamans puissent ou pères être avec leurs enfants parce que ça a un intérêt pour eux et ils ont envie d'y être. là le fameux dévouement qu'on parlait et puis il y a des parents qui ne vont pas être à l'aise avec des tout petits bébés qui ne parlent pas, qui ne bougent pas et qui n'ont pas l'intérêt pour eux mais qui seront plus à l'aise avec des plus grands de 3 ans ou 4 ans ou 5 ans donc c'est ça le truc, c'est qu'il n'y a pas une recette magique il faut regarder quels parents et devant quels enfants c'est aussi ça, c'est à dire que oui pour moi il y a un intérêt pour certaines mamans ou papas à avoir plus de temps avec leurs enfants et les laisser ... certaines mamans, j'ai des souvenirs qui me disaient que c'était une forme de kidnapping qu'ils avaient quand ils les déposaient en crèche. J'ai retrouvé des mamans faire le tour de la crèche en pleurant. Oui, j'ai conscience de ça. Mais toutes les mamans ne sont pas avec ces besoins-là. Il y a des mamans où, clairement, ils vous disent « Mais moi, j'ai qu'une âge, j'ai retrouvé la socialisation avec des adultes éparlés. » Et il faut me l'entendre aussi.
- Speaker #1
Oui, alors après, bien sûr, quand moi, je parle de parents rémunérés pour s'occuper de leurs enfants, l'idée, ce n'est pas de... C'est pas d'isoler les parents, parce que le problème, c'est qu'aujourd'hui, les mères, c'est quand même les mères qui s'occupent beaucoup des enfants, je dis parents pour essayer d'inclure tout le monde, mais en fait, c'est des mères dont il s'agit, elles se retrouvent aussi très isolées. Elles n'ont pas du tout de sociabilité, autre que celle avec leur bébé, qui est quand même assez limitée. Et je pense que le cerveau adulte a besoin de communiquer avec un autre cerveau adulte. C'est un besoin qui est humain. qui est fondamentale, c'est un lien social extrêmement fort. Donc c'est vrai que moi je me dis qu'on pourrait parfois imaginer justement des rencontres entre parents presque quotidiennes, comme ça se passe dans certains pays nordiques, où les parents sont mis en relation en fonction de leur quartier, des dates de naissance, etc. Justement pour créer vraiment une sorte de parcours parental.
- Speaker #0
Alors en théorie, là pour avoir travaillé, ça existe, ça s'appelle les lieux accueil parents-enfants, il y a des temps qui sont faits. Après, ça reste sur des temps, selon les villes où vous êtes, ça ne va pas être tous les jours. Il y avait ce qu'on appelle la maison verte de Dolto, qui était exactement pour répondre à ça. C'est-à-dire accompagner les parents dans la séparation avec leurs enfants, parce qu'elle, elle avait vu cette problématique-là dans les années 70. Donc, il y a des choses qui existent, comme les ludothèques, des fois, mais déjà, les parents, des fois, ne sont pas informés. C'est-à-dire que moi, quand je parle de ça, que ce soit dans... dans le service de pédiatrie avec des mamans qui me disent exactement votre phrase en me disant « moi j'adore mon bébé, mais ne pas parler vraiment à quelqu'un toute la journée, c'est une souffrance » . Il y a de plus en plus de mères isolées, même des fois avant la naissance, c'est-à-dire antenatales, c'est-à-dire des couples qui se séparent dès la conception de l'enfant, et du coup vous allez vous retrouver seul avec tout ce que ça veut dire avec un bébé. Donc oui, il y a besoin de ces lieux spécifiques, que ce soit les lieux parents-enfants, que ce soit des ateliers de parentalité, parce qu'à l'heure actuelle, ça c'est Boris Sourigny qui le dit souvent, il y a des parents qui vont avoir un enfant, qui n'auront jamais côtoyé un enfant de leur existence, parce que maintenant les familles ont deux enfants, et se retrouvent seules face à... un bébé qui va être leur amour, le tsunami émotionnel, mais qui ne vont pas savoir pourquoi ils pleurent, pourquoi ils font telle chose. Est-ce que c'est normal qu'ils ne tombent pas la tête à trois mois ? Ça, c'est des choses qui restent encore à faire. Et moi qui m'inquiète un peu, parce qu'à l'heure actuelle, on a un développement encore un peu lucratif sur certains qui vont utiliser ce manque pour faire de l'argent avec certains concepts. Mais c'est des... Des choses qui, pour moi, devraient être réfléchies au niveau de la nation. Quand je parle nation, c'est gouvernement, pour pouvoir être accompagné de façon objective et neutre et sans forcément rendre dépendant les gens de quelqu'un qu'il va falloir payer.
- Speaker #1
Oui, c'est ça. Si vous aviez un mot, quelque chose que vous avez envie d'exprimer sur ce sujet, sur lequel vous vous enquêtez depuis très longtemps ? De manière encore, je pense, assez silencieuse, parce que vous en parlez, etc. Mais moi, je le vois, ça a du mal à prendre, ce sujet. Ça n'intéresse pas beaucoup, même les adultes, les parents.
- Speaker #0
La violence sur enfants n'intéressera jamais. Il y a des œillères, il faut vous le dire. Il y a des rapports qui existent, que ce soit le rapport civique sur l'inceste. Il y a un rapport qui s'appelle le rapport sauvé sur les violences dans l'Église avec la pédocriminalité. Tout ça existe depuis longtemps. mais il y a des choses qu'on n'a pas envie de voir parce qu'on sait qu'à un moment donné, il va falloir changer des choses. À l'heure actuelle, on sait que les choses vont coûter de l'argent. Donc pour les parents, ça sera les impôts. Pour les gouvernements, ça va être réfléchir différemment. Et à l'heure actuelle, pour moi, on n'est pas à ça. À l'heure actuelle, on a avancé un peu sur les connaissances sur l'enfant, mais pas encore à vouloir les appliquer ou les modifier. C'est vraiment, pour moi, je pense, la chose la plus dure en tant que psychologue, c'est de voir qu'on sait, mais qu'on n'en fait rien.
- Speaker #1
Oui, mais pourquoi nous on n'en fait rien en France et dans certains pays ils en font quelque chose ?
- Speaker #0
Alors là c'est tout le temps difficile parce que souvent on va mettre en avant les pays scandinaves. La population n'est pas du tout la même, le taux de suicide des jeunes est élevé là-bas, donc c'est tout le temps difficile. Moi je n'ai pas la connaissance infuse sur les autres pays, même si je regarde un peu ce qui se passe dans les autres pays, la dynamique des autres pays n'est pas du tout la même. Ils ont leurs solutions à eux par rapport à leur histoire. pays scandinaves, ils ont 6 mois de l'année quasiment dans le noir. Le taux de déprime est énorme là-bas. Si vous allez au Japon, il y a un taux de suicide qui est énorme, alors qu'on va vous mettre en avant sur les posts Instagram, le respect des enfants, l'autonomie des enfants qui vont faire le ménage dans les écoles. Il n'y a pas une solution par rapport à un pays. Ce qu'il faut regarder, c'est nous. Quels sont nos besoins par rapport à nos enfants, par rapport à notre environnement, et essayer de trouver quelque chose. En France, on a une histoire sur l'éducation qui est très spécifique, avec le dressage d'enfants, où on tapait beaucoup les enfants d'une manière éducative, même si depuis 2019, on a une loi qui est contre les violences éducatives ordinaires. Mais à l'heure actuelle, il n'y a encore pas longtemps, il y a eu un jugement où un père qui tapait 100 enfants a été considéré comme quelqu'un qui éduquait ses enfants. Et ça, ça fait moins de deux ans. Donc on a, pour moi... des successions de modèles éducatifs en France qu'il va falloir réussir à faire cohabiter, faire évoluer pour en arriver à autre chose que de la violence sur les enfants, quel que soit le modèle. Je vous ai déprimé là.
- Speaker #1
Disons que là, concrètement, moi c'est ce que j'ai vu dans le livre de Victor Castaner aussi, c'est que quand on regarde les profils des familles, pas toutes, mais les profils des familles qui sont fragiles, déjà fragiles économiquement ou socialement, c'est les plus à même, malheureusement, d'être victime de maltraitance en crèche. Enfin, en tout cas, ce que j'en ai vu, ce que j'ai lu, mais bon, c'est pas partout. Parce que les gens les plus privilégiés, ils sont une nounou à domicile, en fait. Donc moi, en tant que parent, aujourd'hui, quand on n'a pas trop le choix, j'essaie de voir ce qu'il est possible de faire. Vous l'avez dit, essayer d'analyser un peu le caractère de son enfant, voir ce qui lui convient le mieux, si c'est plutôt une crèche ou une assistante maternelle. Est-ce que les parents ont peut-être une démarche à faire aussi de réappropriation des crèches, quelque part, en étant plus présents, en demandant à être présents ?
- Speaker #0
Ça serait un autre problème. Les conseils de crèche existent depuis 2010. C'est-à-dire que les conseils de crèche, c'est un peu comme les parents d'élèves dans les écoles. Ça ne fonctionne pas parce que souvent, c'est fait sur les temps de travail des parents. Et les parents, la vraie guerre des parents, c'est l'école. L'école, ça va être pendant quasiment 17 voire 18 ans. Là, c'est une vraie bataille pour les parents. Il faut y aller. Mais les crèches, c'est deux ans. Donc la plupart des témoignages que j'ai de parents ou de collectifs que j'accompagne, c'est même quand les crèches ont été maltraitantes, ils vont vous dire, oui, mais il reste six mois, ils vont laisser l'enfant dans cette crèche qui a été maltraitante. Et là, ce n'est pas un cas exceptionnel. C'est 90% des témoignages de parents, ça va être ça. Donc la vraie bataille, ce n'est pas les crèches. Parce que c'est un temps court et souvent, les gens pensent que les bébés sont adaptables plus, plus. plus et que du coup ils se rappelleront pas ou c'est pas si grave que ça s'il a pas eu son petit pot de compote parce qu'on a fait des économies dessus c'est pas vraiment la bataille la vraie bataille à l'heure actuelle c'est les écoles les parents sont beaucoup plus enclins à faire des grèves ou accompagner les écoles que les crèches les crèches ça reste quelque chose d'un peu masqué par le reste de notre société les parents, quand vous allez avoir un enfant qui est maltraité en crèche là moi j'ai des... collectif de parents, quand je leur demande souvent à la fin, du coup, vous avez enlevé votre enfant de la crèche. On va vous dire que non, parce qu'on n'a pas de solution. Donc souvent, on va du coup diminuer le temps, on va faire en sorte que l'enfant fasse moins de journées, ou que la grand-mère va garder une journée de plus, ou on va se mettre en télétravail pour pouvoir jongler un peu. Mais les crèches à l'heure actuelle, ce n'est pas la bataille de notre société. C'est quelque chose qui est récent dans la mentalité. où ça a explosé vraiment en l'espace d'une dizaine d'années, où on est passé de quelques pourcentages de 3% à quasiment 20% en l'espace d'une quinzaine d'années. C'est nouveau, c'est presque un ovni dans notre société et les gens n'ont pas vu encore l'impact. Donc l'école, ça fait des dizaines d'années que ça dysfonctionne et que du coup, il y a déjà des structures pour combattre ça. Que ce soit les professionnels, c'est-à-dire les profs ou les parents ou les conseils de parents, il y a déjà quelque chose qui est mis. en place. Nous, c'est tout à construire en crèche et même là, ça ne fait pas longtemps que moi je me fais plus insulter quand je disais que les crèches étaient violentes. Au départ, quand j'ai commencé à écrire des articles sur les crèches ou faire des conférences, je me faisais lyncher. Ça n'existe pas, c'est marginal. Là, quand il y a eu le rapport de l'IGAS, ça s'est calmé un peu, mais je me faisais même taper dessus au sens verbal par des gens connus, parce que ce n'était pas possible que les crèches soient violentes. Maintenant, on a la preuve par trois livres, mais les gens oublient qu'il y avait déjà un livre en 2010 qui s'appelle « Le livre noir de la petite enfance » qui existait déjà en 2010.
- Speaker #1
D'accord. Pour clore notre conversation, moi, ce que je reproche quand même à tous ces livres qui sont sortis, malgré tout, leur zone d'ombre, c'est qu'elles ne portent pas sur la question idéologique. C'est ce dont on parle depuis une heure. Est-ce que finalement... cet environnement est favorable au développement d'un très petit être humain, un petit bébé, du fait de la collectivité, du fait de la pressurisation, etc. Et c'est vrai que moi, ce que je regrette un peu dans le livre Les Ogres, c'est que finalement, il y a énormément de chapitres sur le système people and baby, on apprend comment ils s'enrichissent, etc., leurs économies structurelles, leurs magouilles, etc. Mais sur le plan idéologique, et Aurore Berger l'a dit, d'ailleurs, Ils veulent absolument éviter la question profonde de savoir si ce système est favorable ou pas au développement de l'enfant.
- Speaker #0
Là, c'est un peu difficile, parce que les journalistes font du journalisme. C'est-à-dire que là, Victor Castaner, ce qu'il a fait, c'est une enquête avec des preuves pour montrer les liens de cause à effet entre ce système et l'autre. Il n'est pas psychologue, il n'est pas chercheur. Là, en plus, même les recherches, c'est assez connu. C'est-à-dire que les recherches sur... un secteur vont être orientés par les gouvernements qui vont donner les subventions, que ce soit le CNRS ou autre. Donc pour avoir quelque chose d'objectif, il faudrait qu'on ait des chercheurs indépendants, qui aient une sorte de force de frappe pour faire de recherche, pour pouvoir dire, voilà, dans telle crèche, il y a des fonctionnements qui peuvent entraver le développement de l'enfant. C'est très difficile à dire, c'est-à-dire qu'à l'heure actuelle, vous allez avoir des parents qui peuvent vous dire, moi mon enfant depuis qu'il est à la crèche, il va être malade, il va avoir les fesses rouges, il va perdre du poids, mais faire le lien sur... toutes les crèches, ce n'est pas possible. Et là, c'est toute la difficulté de dire est-ce que les crèches sont mauvaises pour les enfants ? Je ne pense pas qu'on puisse le dire à l'heure actuelle parce que ce n'est pas prouvable au niveau scientifique. Et que dès que vous allez dire ça au niveau généralité, vous allez avoir le procès de diffamation. C'est-à-dire que ce n'est pas possible au niveau scientifique. Les enfants, vous pourrez les mettre dans le désert, ils vont aller très bien. Vous pouvez les mettre dans des crèches qui sont dysfonctionnantes, ils vont aller très bien. Par contre, il y a d'autres enfants où, dès que vous allez mettre dans une micro-crèche où il y a un peu de turnover, il va se déprimer. C'est-à-dire qu'il ne va pas être bien, il va manger moins, il va jouer moins. Mais ça, c'est très compliqué de dire sur... Vous affirmez en même temps que les crèches sont violentes.
- Speaker #1
Ils ont une violence chronique. Mais c'est ça, moi, ma bataille, c'est de dire la violence chronique, c'est un peu un système qui est pervers. C'est-à-dire que souvent, les crèches qui sont avec une violence chronique, c'est assez violent pour vous maltraiter quotidiennement, mais pas assez pour avoir les signes de dépression. Moi, je fais partie de ce qu'on appelle une unité d'accueil pédiatrique d'enfants en danger. Des fois, j'ai des états de sidération. que j'ai des choses qui sont graves, où on va me dire « mais l'enfant n'a pas les signes » . Parce que les gens pensent qu'un enfant maltraité, ça va être comme dans les séries américaines, il va forcément réagir comme ça. Il y a ce qu'on appelle l'accommodation en psychologie, c'est que quelqu'un qui a été maltraité, je parle de choses graves, de viols, de maltraitances physiques, ne va pas forcément réagir comme on l'entend. C'est un enfant. Et les enfants, ils ont une tendance à s'accommoder. La plupart des enfants que moi j'ai, des fois ils n'ont aucun signe, ils vont aller à l'école, ils vont jouer correctement. et ils vont commencer à parler vers 10-12 ans. Pourquoi ? Parce qu'à 10-12 ans, on a une représentation de ce qui est normal ou pas, au niveau de la sexualité, au niveau de ce qui devrait se passer. Là, la violence dans les crèches, c'est un peu pareil. C'est-à-dire que vous allez avoir une limite qui ne sera jamais dépassée quand il y aura du turnover d'alimentation. L'enfant va le supporter, il va prendre sur lui, c'est son système immunitaire souvent qui va prendre un peu, il va avoir de l'eczéma, il va avoir mal au ventre, mais jamais assez pour qu'il tombe dans une déprime totale. C'est des choses que vous pouvez retrouver dans d'autres contextes de violences intrafamiliales, où l'enfant va pouvoir aller à l'école, va être même bon, mais pas suffisamment pour basculer du côté de la déprime ou de la scarification ou des choses. C'est pour ça que moi je lutte contre les violences chroniques et pas contre les faits divers qu'on va avoir la directrice ou l'auxiliaire à taper. Parce que ça c'est vraiment marginal, c'est très peu de personnes. Par contre, des lieux où il y a des dysfonctionnements forts avec du turnover de directrices, de personnel... Ça c'est constant. Du surnom d'enfant, ça c'est constant. Il n'y a pas un lieu à l'heure actuelle qui n'est pas passé par ce système-là. Des lieux où on va faire des économies sur l'alimentation, il y en a très peu. Des lieux où on oublie de donner à boire aux enfants parce qu'on est en manque de personnel et on n'y a pas pensé. Ça existe. Des lieux où les enfants ne vont pas sortir de la journée. Il y en a plein, je peux vous en citer plein. Des lieux où vous allez avoir des morsures, des griffures parce que les enfants sont agglutinés dans la même pièce et que des fois il n'y a pas assez de jouets. Je peux vous en citer des dizaines et des dizaines. Mais ça, c'est le problème qu'on a. On va vous dire, mais c'est marginal la violence. Non, ce n'est pas marginal. Et moi, mon gros cri de colère par rapport à ça, c'est à partir de quel pourcentage on va tolérer la violence sur les enfants ? Est-ce qu'on estime que 3% des crèches qui dysfonctionnent en France, c'est bon ? Ça passe. Est-ce qu'on estime que c'est 10% ? Ça passe. Mais quand on parle de ça, ça veut dire qu'il y a des milliers d'enfants et de parents qui vont être du coup atteints par cette violence. Et en tant que psychologue qui travaille pour la protection de l'enfance, je me dis que c'est inacceptable. Il y a des choses qui se passent en crèche. Un parent fait ça, on ferait ce qu'on appelle une information procurante, pas en devoir, on placerait l'enfant. En crèche, ça passe inaperçu, c'est même pas du pédale. Ça va être de l'administratif. Donc ça, pour moi, c'est intolérable à l'heure actuelle par des gens qui sont formés, des gouvernements qui ont normalement à prendre soin de leur population. Donc souvent, sur les changements dans la société, on se pose beaucoup la question de qu'est-ce qui marche. Il y a plein de changements dans la société qui se font, mais on ne sait jamais exactement quel facteur a été l'élément déclencheur. Et c'est souvent ça qui, moi, me tient un peu à cœur, c'est de me dire, les parents, les professionnels, on va lutter pour qu'à un moment donné, les lieux de la petite enfance, quel que soit le lieu, soient en tout cas moins sujettes à la violence chronique ou aux violences extrêmes.
- Speaker #2
Merci beaucoup, Frédérique.
- Speaker #1
Merci à vous.
- Speaker #0
Et donc, continuons aussi à nous éduquer, à lire sur tous ces sujets, sur le développement de l'enfant, sur... Un petit n'est pas juste un tube digestif, c'est bien plus. Et tout ça, éveillons-nous aussi à cette vulnérabilité. Merci pour votre écoute.
- Speaker #2
Le mois d'or est un organisme de formation. qui œuvrent pour que de plus en plus de professionnels accompagnent la période du postpartum et de la petite enfance avec connaissance, justesse et bienveillance. Rendez-vous sur notre site internet lemoidor.fr. À bientôt !